[national - 10] spo/30.pages 27/10/14 - Technosport
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L’écrin à la pointe de l’innovation TECHNOSPORT AMU Aix-Marseille Université s’est dotée d’un complexe dernière génération à Luminy. Découverte S ans maîtrise, la puissance n’est rien. Et sans analyse, la performance demeure inexpliquée. Tel aurait pu être le postulat de départ de l’équipe de direction de la Faculté des sciences du sport de Luminy. Un département en pointe d’Aix-Marseille Université (AMU), aujourd’hui doté d’un complexe dernière génération : le TechnoSport AMU. Président du Stade marseillais université club et vice-doyen de la Fac, Jean-Louis Moro est le "père" de ce nouvel outil, dont l’idée a commencé à germer dès 2006. "Aujourd’hui, nos deux laboratoires de recherche ont une relation intense avec les secteurs socio-économiques. On cherchait comment augmenter cette relation avec les clubs professionnels ou les entreprises du sport pour que nos étudiants aient de meilleurs débouchés. Pour ne rien cacher, le projet est aussi né de la carence en installations sportives du site de Luminy." Faire du sport et analyser les données sur un même site, c’est désormais possible Cette plate-forme innovante dédiée au sport, lovée au cœur du Parc national des Calanques et à haute qualité environnementale, a été mise en service fin septembre. Les étudiants de Luminy peuvent tester depuis cette salle dernière génération, dotée d’un gymnase flambant neuf et d’un mur d’escalade vertigineux. "C’est un outil formidable !", savoure Vincent Bousgarbies, professeur à l’université et entraîneur des filles du Smuc (Nationale 1). Ces dernières vont disputer une poignée de matches de championnat au cours de la saison dans cette enceinte dernier cri. Début octobre, nonobstant leur défaite face à Prades-le-Lez, les handballeurs smucistes (Nationale 3) ont ainsi inauguré le complexe, avant d’y rejouer, pour une victoire contre Nice, samedi soir. Les basketteurs professionnels de Provence Basket (Pro B) ont également trimballé leurs grandes carcasses sur le parquet rutilant pour une séance matinale d’entraînement. Il faut dire que les fonctionnalités du site suscitent l’intérêt. Car le TechnoSport a d’abord été pensé pour prati- Niché au cœur du Parc national des Calanques, sur le campus de Luminy, le TechnoSport AMU est une plate-forme technologique initiée pour la capture et l’analyse de la gestuelle. / PHOTOS DR ET NICOLAS VALLAURI quer et analyser la performance physique en situation. Capteurs, caméras, ordinateurs, tous les outils de mesure seront à disposition de l’équipe pour mener les travaux de recherche. "Nous sommes au carrefour entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Les études sont pratiquées in vivo, décrit Moro. Nous construisons des formations que nous n’avions pas avant, comme un diplôme universitaire d’optimisation de la performance physique (lancé en novembre, ndlr)." "C’est unique !, juge Alain Weisz, l’ex-sélectionneur de l’équipe de France de basket (voir ci-dessous). En France, il n’y a qu’à l’Insep (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance) qu’on peut voir un tel outil." Dédié aux étudiants pendant 30 semaines par an, de 8h à 18h environ, le TechnoSport, où plusieurs disciplines se côtoient (physiologie, neurosciences, psychologie, biomécanique, robotique, sociologie), répond aussi aux be- soins des entreprises (lire encadré). Les secteurs de l’aéronautique, des transports ou de la santé (obésité, gériatrie, etc), entre autres, sont autant de domaines où l’innovation technologique et le progrès sont prépondérants. Idem pour celui du textile. Le but est donc de permettre à l’équipement de Monsieur tout le mon- de de progresser. Dans ce sens, plusieurs sociétés, liées par contrat, utilisent les locaux pour répondre à leurs besoins, valider la commercialisation de nouveaux produits (lire encadré). Le TechnoSport attire aussi des clubs et des fédérations sportives, comme celles de la voile et du cyclisme, où le couplage homme-matériel est prépondérant, ou encore celle du rugby. "Prenons l’exemple du taekwondo, note Moro. Avant, il suffisait de deux compétitions par an. Là, ils doivent faire six à dix compet’ dans l’année. Ça veut dire plus de combats en opposition, et donc plus d’impacts sur le corps. La qualité de la mousse qui protège la poitrine et le visage est fondamentale. Cette mousse-là peut intéresser les gymnastes, les rugbymen, les boxeurs...", énumère-t-il. À terme, pourquoi ne pourrait-il pas accueillir des équipes de France lors de stages de préparation ? L’équipe dédiée de 150 personnes (maîtres de conférence, chercheurs au L’EX-COACH DES BLEUS COLLABORE AVEC LE TECHNOSPORT Weisz: "Un outil extraordinaire" sujet, car il n’y a pas eu d’études véritables qui soient comparables à ce que nous allons faire à Luminy. Les aspects biomécaniques, ceux liés au relâchement et la proprioception ont été très peu étudiés. Même dans la littérature américaine, il y a très peu de chose. Les seules études que je connaisse, réalisées à l’Insep il y a 30 ans, ont été menées sur l’accrochage visuel, c’est-à-dire le rôle de la vision dans le tir. Par manque de moyens, ou autres, les choses se sont arrêtées là. Notre étude prend en compte des basketteurs de tous les niveaux pour analyser les mécanismes qui président au domaine si aléatoire de l’adresse. La recherche peut amener beaucoup de choses dans l’apprentissage du tir en basket, qui est le fondement du fondement de l’activité. J’en suis persuadé. Ancien sélectionneur de l’équipe de France masculine de basket (2000-03), en poste actuellement au Sluc Nancy (Pro A), Alain Weisz (61 ans), habitué de la Fac des sports de Luminy, participe à l’un des programmes de recherche. Celui basé sur la modélisation du tir aux lancers-francs. Cet été, le Marseillais a participé à l’élaboration du protocole. Aujourd’hui, il nous en parle. ❚ Que pensez-vous de l’émergence du TechnoSport à Luminy ? J’y ai été étudiant, en 1972, et je pensais vraiment ne jamais voir des installations de cette qualité un jour. À l’époque, c’était flambant neuf. Quand je suis revenu en 2003 pour enseigner, c’était... la même chose. Cela n’avait pas évolué, j’en étais désolé... Depuis, il y a eu la construction de la magnifique Faculté des sciences du sport. Et puis, maintenant, cet outil extraordinaire qu’est le Technosport. Pour ce qui me concerne, je trouve ça génial que le sport de haut niveau devienne enfin accessible à la recherche. Ça existe à l’Insep, à Paris, mais cela reste difficile d’accès. Conjuguer le sport de haut niveau avec les sciences du mouvement humain, c’est nous permettre de faire notre métier de la meilleure façon possible. Jamais je n’aurais pensé qu’on y arrive. À ce titre, il faut rendre un immense hommage à Yvon Berland, le président de d’Aix-Marseille Université. C’est un fan de sport! L’âge donnant des privilèges, je me souviens de lui lorsqu’il jouait au foot à l’US Rouet ! Malgré sa carrière et ses responsabilités, il n’a pas oublié que le sport était très important. Éric Berton, le Doyen de la Fac des sports, a lui aussi vu toute l’utilité de ce pro- Afin de modéliser le tir en basket, l’équipe du Technosport mesure l’effort et évalue la fatigue. / PHOTOS PATRICK NOSETTO ET THIERRY GARRO jet. La volonté des hommes et leur pugnacité ont été très importantes. Sans eux, cela aurait pu se faire ailleurs qu’à Marseille... ❚ Quel est votre rôle ? J’interviens en tant qu’enseignant-collaborateur dans le protocole de recherche sur le tir en basket-ball, programmé sur deux ans et dirigé par Antoine Maurice. C’est une étude transversale qui concerne tous les labos de la fac. On attend des choses intéressantes à ce ❚ Quel est l’intérêt de cette étude ? L’étude porte sur les lancers francs. Tout ce qui est fait dans le cadre de la recherche en basket ne sont que des avis ou des opinions. Là, on s’appuie sur la recherche. C’est vraiment excitant ! Avec les laboratoires concernés, on peut arriver à faire quelque chose de très novateur. Pour l’heure, on en est au stade des expérimentations. La semaine dernière, les filles du PABA 13 (LF2) ont servi de cobayes. J’amènerai ma contribution en faisant venir des joueurs du plus haut niveau dans l’Hexagone, français ou américains, pour étudier les stratégies de tir en fonction des niveaux, du débutant au professionnel. C’est un travail axé sur le haut niveau, mais on n’oublie pas notre premier métier, le développement de l’éducation physique. Recueilli par J.-C.L. CNRS, thésards, étudiants) est dirigée par Guillaume Rao, le directeur de recherche, appuyé par deux laboratoires, l’Institut des sciences du mouvement et le labo Sport MG Performance. Les salles de recherche, qui sont constituées au fur et à mesure avec un équipement de pointe, seront opérationnelles à 100 % en janvier. D’ici, là, des manipulations et des études ont déjà commencé. Le chantier du TechnoSport n’est d’ailleurs pas terminé puisqu’il s’agit, pour l’instant, de la première tranche. La deuxième interviendra en janvier 2016 avec la livraison de deux terrains synthétiques (avec des rebonds foot et rugby) ; la troisième, qui concerne 400 m² de salle de musculation, est programmée pour janvier 2017. Il y aura également un circuit de 5 km (VTT et course à pied) à l’intérieur du campus. Marseille possède (enfin) un écrin à la pointe de l’innovation. Jean-Claude LEBLOIS Le chiffre 15,4 millions d’euros C’est le coût total du TechnoSport (dont 7,8M¤ pour la première phase) sans les équipements de recherche. Un outil financé en majeure partie par l’Opération Campus, lancée sous Nicolas Sarkozy et mise en place par Valérie Pécresse. La cession de 3 % d’EDF a permis de rénover dix campus d’excellence, dont Aix-Marseille Université. L’autre mode de financement est le contrat de projet État/Région. NIKE, DÉCATHLON,AIRBUS, PEUGEOT... ET BIEN D’AUTRES La livraison du TechnoSport de Luminy n’intéresse pas seulement les étudiants et les sportifs de haut niveau. Le monde de l’entreprise voit aussi d’un très bon œil l’arrivée de cet outil. Ainsi, Nike, Oxylane (Décathlon), Gymnova, Peugeot, Airbus ou encore Millet, mais aussi des PME, ont signé des contrats pour pouvoir développer leurs programmes de Recherche et Développement au sein du complexe marseillais. "Si on veut garder notre longueur d’avance, il nous faut suffisamment d’argent pour que ce premier bâtiment du TechnoSport en appelle d’autres et que, demain, les entreprises aient comme référence cet outil dès lors qu’elles ont un besoin. C’est une course, ça ressemble au sport. Mais si on s’arrête, on est mort, prolonge Jean-Louis Moro. Les contrats sont verrouillés sur le plan juridique, et basés sur la confidentialité. Par exemple, si on travaille avec une marque sur le rétroviseur d’une voiture, on ne pourra pas travailler avec une autre marque sur ce même thème. La possibilité de segmenter le TechnoSport nous permet aussi de privatiser les lieux pour les industriels, avec mise à disposition des labos de recherche et des salles de travail." J.-C.L.