un enjeu géopolitique - Chaire Castex de cyberstratégie
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un enjeu géopolitique - Chaire Castex de cyberstratégie
AMBASSADEURS DE L’AÉROSPATIAL ET DE LA DÉFENSE Frédérick Douzet > Titulaire de la chaire Castex de cyberstratégie UP No 8 – Landing 54 CYBERESPACE : UN ENJEU GÉOPOLITIQUE Frédérick Douzet étudie depuis près de 20 ans le rôle du cyberespace dans le cadre de conflits géopolitiques traditionnels, mais également comme objet de rivalités entre différents acteurs. Directrice adjointe de l’Institut français de géopolitique de l’université Paris 8, elle est titulaire de la chaire Castex de cybersécurité, soutenue par EADS, qui lui permet de promouvoir la recherche et de préparer la prochaine génération de cyberspécialistes. À l’Institut français de géopolitique et à la chaire Castex, vous étudiez la géopolitique - les relations entre politique, géographie, démograpbie et économie - du cyberespace. Quels sont vos principaux objectifs ? les moyens de s’organiser comme jamais auparavant. Je ne pense pas que Facebook soit à l’origine du Printemps arabe, mais il s’agit d’une dimension essentielle pour comprendre l’évolution des conflits. Nous nourrissons la réflexion stratégique liée aux enjeux du cyberespace en créant des synergies entre les chercheurs. Notre mission consiste également à former les spécialistes dans les secteurs économique, politique et militaire, ce qui nous amène à former des équipes interdisciplinaires d’étudiants en deuxième cycle qui étudient les divers aspects de la cyberstratégie. Nous tentons de rendre compréhensible la complexité de la géopolitique du cyberespace. De nombreuses cyberstratégies voient le jour, mais il semble que la coopération internationale reste insuffisante… Pour les entreprises, se protéger contre les attaques cybernétiques est devenu un enjeu majeur. Comment abordez-vous cette question ? Il n’y a aucun consensus sur la manière de calculer le coût des cyberattaques et de la cybercriminalité. Par ailleurs, les entreprises peinent à définir un modèle de retour sur investissement. Nous plaidons en faveur d’une évaluation du risque économique, qui implique de distinguer entre les données stratégiques exigeant un niveau de sécurité plus élevé, et celles qui ne le sont pas, car la cybersécurité totale est impossible. Il convient également de renforcer le dialogue entre le management et les techniciens de l’entreprise. Vous avez publié vos premiers articles sur la cyberstratégie au milieu des années 1990. Comment la situation a-t-elle évolué depuis ? À l’origine, le terme cyberespace désignait un territoire indépendant rejetant fermement l’autorité des États. Aujourd’hui, les États souhaitent se réapproprier cet espace virtuel. Ils voient leur puissance et leurs privilèges traditionnels menacés et désirent préserver leur souveraineté nationale. Parallèlement, les réseaux sociaux offrent aux populations Tout le monde reconnaît qu’une cyberattaque peut dégénérer en conflit armé. À l’heure actuelle, l’application du droit international au cyberespace demeure incertaine. Dans le manuel de Tallinn, les experts de l’OTAN ont émis un ensemble de recommandations. De leur côté, les États-Unis ont déclaré en 2011 qu’ils considéreraient toute attaque cybernétique majeure comme un acte de guerre auquel ils répondraient par tous les moyens. Or, il n’existe aucune définition consensuelle de ce qu’est un acte de guerre dans le cyberespace. Les conflits cybernétiques seront de toute façon liés à la situation géopolitique. Devons-nous nous préparer à vivre dans un monde de plus en plus contrôlé par les États, comme dans le cas des informations collectées par la NSA ? Il ne s’agit pas uniquement des États, les grandes entreprises collectent aussi des données. C’est toujours un compromis. Les données en ligne sont amenées à croître. La question est de savoir ce à quoi nous sommes prêts à renoncer pour tirer parti de ce grand volume de données. Ou plutôt, comment mieux équilibrer les pouvoirs. Nous devons réfléchir aux garanties et contrôles politiques nécessaires à la protection de nos libertés sociales et nous assurer que nous sommes d’accord avec ce que font les gouvernements et les entreprises privées. Cette question devrait, sans aucun doute, faire l’objet d’un débat de société. Álvaro Friera Pour en savoir plus : www.cyberstrategie.org