Investir dans l`immobilier haut de gamme

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Investir dans l`immobilier haut de gamme
Le magazine de l’investisseur
Décembre 2009
From Horizon Croissance
Investir dans l’immobilier haut de gamme
Par Manuel CASTRO, Avocat à la cour au cabinet Castro & associé, propos recueillis
par Emmanuel GARIN
Horizon croissance : Comment investir sur l’immobilier haut de gamme ? Quels critères
retenir ?
Manuel Castro : La recherche d’un bien d’exception est une démarche particulière et
très individualisée.
Les propos qui suivent sont issus de l’observation liée aux dossiers traités au cours des
dernières années.
Un bien de prestige n’est jamais un bien standardisé. Aussi il faut tenir compte de deux
axes avant d’investir sur ce type de bien.
La qualité intrinsèque du bien est bien entendu l’axe principal pour obtenir à terme une
rentabilité. Ces biens, d’une surface variant de 500 à 1000 m², voire plus, doivent
bénéficier d’une situation géographique privilégiée.
La qualité du bien est une chose, mais l’opportunité économique à laquelle l’avocat
fiscaliste, peut parfois prendre part aux côtés de l’investisseur, dans le cadre d’une
transaction haut de gamme, est tout aussi importante.
En effet, les opérations d’acquisitions, de cessions ou de transmissions ou tout
simplement la détention d’un bien de prestige, ne peuvent être gérées de la même manière
qu’un bien immobilier standard, même si ce dernier est de qualité.
Elles imposent, en effet, une étude préalable de tous les éléments législatifs,
réglementaires et fiscaux.
L’avocat fiscaliste apporte à ce titre son concours sur l’approche juridique et fiscale de
l’opération envisagée ainsi que sur la qualité économique du bien, avec le soutien
d’équipes spécialisées dans le real property, qui disposent d’une connaissance
patrimoniale approfondie du futur détenteur du bien immobilier.
Cette approche de la stratégie est essentielle car la détermination du statut fiscal de
l’opération peut avoir des incidences sur le long terme.
Enfin, ce marché connaît depuis quelques années l’influence d’investisseurs issus des
pays émergents qui n’hésitent pas à surpayer ce type de bien.
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H.C : Quels sont les choix d’investissement en terme d’allocation géographique sur
l’immobilier haut de gamme ?
B.D. : Lors de sa présidence, la France a effecPour un investisseur, le choix d’une zone
géographique est un élément déterminant dans le succès d’une opération d’acquisition
d’un bien de prestige. Sur le marché immobilier français, les grandes villes subissent des
évolutions de prix très nettement différenciées entre l’immobilier haut de gamme et
l’immobilier tout venant.
A moyen et long terme, l’immobilier haut de gamme semble assurer une courbe de
rentabilité supérieure à l’immobilier classique, compte tenu de sa localisation privilégiée.
La recherche d’un bien de qualité à un prix élevé protège donc l’investisseur.
Paris représente, en France, la « locomotive » des biens haut de gamme sur ce marché.
Mais certaines villes du rivage méditerranéen ou du sud-ouest de la France comme
Bordeaux, qui dispose d’hôtels particuliers classés, offrent également des biens de grande
qualité.
La démarche de l’investisseur nécessite aussi de franchir les frontières.
Londres a été une ville extraordinaire en ce qui concerne la localisation des biens haut de
gamme avec des variations de prix certes très fortes, mais avec une résistance des prix sur
les dix dernières années. Mais le marché des grandes demeures demeure étroit.
Il y a quelques années, il était plus intéressant d’acheter des biens exceptionnels à
Bruxelles, dont les prix étaient largement inférieurs aux prix du marché parisien, mais qui
aujourd’hui retrouvent une valeur plus cohérente.
Le marché espagnol subit quant à lui des difficultés depuis la crise financière, investir en
Espagne constitue aujourd’hui un risque financier qu’il convient d’appréhender.
Par ailleurs, l’achat d’un bien à un prix élevé se situant dans une zone géographique qui
n’a aucune possibilité d’expansion, faute de terrain, ne permet pas d’envisager une plusvalue future, à défaut de pouvoir augmenter la surface de ce bien.
A titre d’exemple, les prix atteignent des sommets à Monaco, le risque d’un effondrement
des prix sur le long terme est extrêmement minime mais les perspectives de réalisation
d’une plus-value lors de la revente sont faibles.
En revanche, la Suisse et notamment la ville de Genève et ses environs, qui avec ses biens
de grande qualité, présente de fortes perspectives de développement, d’expansion et donc
de plus-values. Ces acquisitions de qualité sont réalisées à des prix élevés mais il existe
de gros potentiels de rendement, car les biens d’exception, situés dans une réserve
foncière, peuvent être une source de gains dans le futur.
L’élargissement de l’UE offre des possibilités intéressantes comme en Slovénie.
Il y a des potentiels d’investissement dans les grandes villes. On peut s’appuyer
aujourd’hui sur le réseau des agences de prestige, mais il faut faire attention aux
contrecoups financiers qui peuvent intervenir sur des marchés qui ont peu de profondeur.
La méditerranée ouvre également de belles perspectives, mais il faut avoir une démarche
différenciée et accomplir un travail d’identification.
Ainsi, les programmes standardisés dans la palmeraie de Marrakech, destinés pour la
plupart aux acquéreurs étrangers et dont les prix sont supérieurs à ceux pratiqués
localement, sont totalement déconnectés des contraintes du marché local. Ils offrent donc
peu de perspective de plus-values.
Dans les zones orientales et asiatiques, l’approche doit être encore plus prudente. Il faut
avant tout tenir compte du risque géopolitique local avant de s’intéresser à la qualité des
biens.
De plus, une flambée de prix disproportionnée par rapport aux capacités locales
d’investissement, constitue un risque complémentaire à l’investissement, tel qu’on peut le
constater en Thaïlande. De manière générale, plus les prix s’éloignent de la capacité de
l’investisseur local, plus l’acquisition d’exception peut poser problème.
Il faut aussi préciser que le risque de fluctuation des devises peut fortement grever la
rentabilité d’un placement si l’évolution de ces devises vous est défavorable.
L’Amérique du sud et notamment l’Argentine qui avec sa ville principale, Buenos Aires,
possède des biens de qualité qui ont des caractéristiques similaires à l’immobilier des
grandes villes mondiales peut faire l’objet d’une prospection. Néanmoins, la crise
monétaire a fortement déstabilisé le marché immobilier dans ces zones géographiques.
Il en est de même aux Etats-Unis ou en Afrique du Sud où l’immobilier subit
constamment des crises.
A titre d’illustration, la zone des Bahamas avec ses villes paradisiaques subit, avec la
crise, des écarts de prix très importants et certains biens ne trouvent pas preneur, les prix
de revente sont d’ailleurs à ce jour négociés à 50 % de la valeur de ces biens il y a un an.
Ainsi, en cas de nécessité de revente rapide du bien, l’investisseur court le risque de
revendre son bien à perte.
Outre l’analyse du contexte géopolitique, de la capacité de l’investisseur local,il convient
également de prendre la mesure des risques de fluctuation des devises qui peuvent
fortement grever la rentabilité d’un tel placement.
Par conséquent, afin de minimiser les risques pour l’investisseur, le bien de prestige ne
doit pas représenter une quotité supérieure à 10% de son patrimoine.
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H.C : Quelle est la législation dont il faut tenir compte sur ce type de biens immobiliers ?
B.D. : Tout investissement dans un bien immobilier haut de gamme nécessite une analyse
distincte et personnalisée. Il convient de déterminer le cadre juridique et fiscal adapté à
l’investissement et de tenir compte des contraintes légales intrinsèques au bien.
Les biens de prestige sont, en effet, pour la plupart anciens et/ou classés comme
monuments historiques. Il faut donc prévoir des rénovations ou des réaménagements pour
les besoins des nouveaux acquéreurs.
Or, sur cette question, il faut tenir compte des contraintes juridiques et réglementaires
locales.
En France, des biens nationaux ou classés emportent certaines contraintes administratives
qui nécessitent l’obtention d’autorisations spéciales et la réalisation de démarches
administratives complémentaires. Ces dernières sont de nature à retarder voir même
empêcher la réalisation des aménagements envisagés.
Il convient également de réaliser un audit juridique complet pour analyser les éventuelles
contraintes d’urbanismes locales et tenir compte des contraintes environnementales et
écologiques, lesquelles peuvent contrarier la volonté de l’investisseur quant aux
modifications envisagées.
Ainsi, il convient de répondre à toutes les questions qui s’imposent préalablement à
l’acquisition d’un bien d’exception, à savoir : les permis de construire sont-ils valides,
est-ce que je peux faire des travaux, est-ce que je suis dans un périmètre de protection,
vais-je pouvoir agrandir la superficie habitable, vais-je pouvoir améliorer ce bien sans me
retrouver avec des contraintes locales ? A défaut, le bien de prestige peut être frappé de
nombreuses réserves.
Pour exemple, durant une trentaine d’années, il y a eu des extensions de terrains non
contestées mais non autorisées dans le Sud de la France. Cela signifie qu’il est possible
aujourd’hui d’acheter un bien de qualité mais frappé de réserves. Il y a 20 ans, négliger
l’audit juridique préalable de ces biens emportait peu de conséquences, aujourd’hui les
dispositions environnementales et écologiques constituent une préoccupation majeure des
collectivités et faire l’économie d’un tel audit, qui certes représente un coût qui se grève à
l’acquisition, expose l’investisseur à de lourdes déconvenues.
Ces problématiques urbanistiques ou environnementales se posent également à l’étranger.
Certains pays comme le Maroc ne disposent pas de plans d’occupation des sols. Il y a
donc une certaine anarchie des contraintes locales, ce qui constitue un risque à terme.
Il est donc primordial d’avoir une approche de sécurisation totale du périmètre qui
implique le recours à des notaires locaux, à des juristes, à des architectes, afin de s’assurer
des contraintes inhérentes aux biens et de prendre connaissance des éventuelles
évolutions législatives et normatives en discussion.
H.C. : Quelle fiscalité s’applique sur ces biens immobiliers ?
B.D. : La recherche d’un bien d’exception est une démarche particulière et très
individualisée.
Il y a autant de pays que de fiscalités. Lorsque nous achetons un bien d’exception, ce bien
peut constituer un domicile pour un occupant. Ce domicile va être soumis aux règles
locales.
Il y a tout d’abord la fiscalité liée à l’enregistrement de ce bien.
En France, la procédure d’enregistrement est effectuée par un Notaire, chargé
d’authentifier l’acte d’acquisition et de récolter au profit de l’Etat et des collectivités les
droits d’enregistrements. Ces droits, qui demeurent à la charge du preneur, varient en
fonction des besoins de financement de chaque Etat. En France, les droits
d’enregistrement varient entre 5 et 7%.
Selon la zone géographique, ces droits sont plus ou moins élevés. Mais pour la plupart
des Etats situés dans des zones exotiques, ce droit est fixé à quelques milliers de dollars,
montant qui n’est pas représentatif de la valeur de la résidence, en effet, ces Etats
souhaitent avant tout que des personnes investissent sur leurs territoires.
Nous avons ensuite la fiscalité liée à la détention du bien immobilier.
A ce niveau, il faut établir une distinction entre le propriétaire et l’occupant.
La question de la résidence fiscale se pose dès lors que le domicile civil se situe hors du
pays de résidence.
Ainsi pour un résident français, disposant d’une ou plusieurs résidences à l’étranger, se
pose la question de l’impact de cette multiplicité de résidences. Il convient alors d’en
traduire les conséquences fiscales.
Certains Etats comme la France considèrent le domicile come un critère de résidence
fiscale. Il est donc possible d’aboutir à une double résidence fiscale, ce qui peut induire
une double imposition.
Les conventions fiscales internationales tendent alors à éviter et à résoudre ces situations
de double imposition. Toutefois, il convient de rappeler que les autorités fiscales
françaises n’ont recours à l’analyse de la convention fiscale (si cette dernière existe)
qu’après avoir analysé les critères du droit interne tels que déterminés par l’article 4 B du
CGI et uniquement sous réserve pour le contribuable de démontrer le conflit de résidence
dont il est l’objet.
De plus, certains Etats tels que les Etats-Unis ont une fiscalité complexe car distincte d’un
Etat à l’autre, en raison de l’autonomie fiscale des Etats qui constituent la confédération.
Enfin, s’il est communément admis que si l’on réside plus de 183 jours (6 mois dans
l’année) dans un pays, c’est la fiscalité de l’Etat ou se trouve le bien immobilier qui
s’applique, cette règle reçoit toutefois des exceptions selon les Etats concernés.
Les conflits de résidences et de domiciles doivent donc être analysés par rapport à la
situation familiale, économique et patrimoniale de l’investisseur, et c’est d’autant plus
vrai pour les résidences d’exception.
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H.C : Quelles sont les règles de transmission ?
B.D. : Là encore il convient de s’intéresser aux règles locales et aux conventions fiscales
internationales (d’ailleurs tous les Etats n’ont pas conclu avec la France de convention
destinée à limiter les situations de doubles impositions en matière de droits
d’enregistrement), car les règles diffèrent selon les Etats.
Cet aspect est essentiel car il permet de connaître les règles de cession ou transmission
des biens immobiliers, édictées et négociées dans le cadre d’une éventuelle convention
conclue par les deux Etats. Dans tous les cas, il est conseillé, préalablement à
l’investissement, de prendre attache avec des conseils des différents pays concernés afin
de prendre connaissance des dispositions applicables.
D’une manière générale, les plus-values réalisées lors de la cession d’immeubles sont
imposables dans l’Etat où les immeubles sont situés. Et la présence d’une convention
internationale permet d’éviter les problématiques liées à une double imposition.
Encore une fois, c’est grâce à l’audit réalisé lors de l’acquisition du bien que
l’investisseur aura une vision globale des conséquences d’une transmission par vifs ou
par décès.
La France a d’ailleurs sur ce point un avantage compétitif avec une exonération de la
plus-value lorsque le bien immobilier est détenu depuis plus de 15 ans. Mais certains
Etats n’ont tout simplement pas d’imposition sur les plusvalues.
Il ne faut d’ailleurs pas s’intéresser uniquement aux aspects théoriques d’une convention,
mais aussi à sa pratique au quotidien.
Manuel Castro
Manuel CASTRO a débuté sa carrière à la DGI en qualité de
vérificateur (DVNI) avant de rejoindre la Chambre syndicale des agents de change en
1987 (EuroNext aujourd’hui). De 1990 à 1998, il est directeur des Affaires Fiscales de
l’AFEP (Association française des Entreprises Privées). Il crée ensuite un cabinet
d’avocat spécialisé en droit fiscal au service d’une clientèle internationale constituée
essentiellement d’entreprises, spécialiste des contentieux, il intervient également auprès
des entrepreneurs dans le cadre de stratégie d’optimisation fiscale. Il lui a été attribué le
titre original d’avocat lobbyiste.
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Castro & Associé
Créé en 1998 à l’initiative de Manuel Castro, le Cabinet CASTRO & Associé est
spécialisé dans le conseil fiscal aux entreprises et à leurs dirigeants. Il intervient aussi
bien en France qu’à l’international.
Membre de réseaux internationaux, le cabinet a développé une expertise au service de
groupes très impliqués en Europe, notamment en Espagne, en Autriche et en Italie, mais
également sur le bassin méditerranéen. Il favorise les rapprochements d’entreprises ayant
une activité internationale en recherchant des solutions adaptées.
Le Cabinet intervient également auprès d’acteurs majeurs de la recherche et de
l’innovation. Spécialiste des contentieux fiscaux, son expérience pratique permet
d’engager un dialogue permanent à tous les stades de la procédure afin d’obtenir une
issue plus rapide du litige.
Membre de l’IACF, CASTRO & Associé a participé à la création de « l’Alliance Fiscale
», un réseau d’avocats fiscalistes. Impliqué dans les cercles de réflexion relatifs à
l’évolution de la fiscalité, Manuel CASTRO est également administrateur de l’IFA
France.

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