La représentation de soi Le tableau de Poussin et le texte de

Transcription

La représentation de soi Le tableau de Poussin et le texte de
Lecture de Poussin
Extrait d’un article de Philippe Sollers publié en 1961 dans la revue Tel quel
Nicolas Poussin (1594-1665),
Autoportrait en 1650 (huile sur toile, 98 x 74 cm; Paris, Musée du Louvre).
Traduction de l'inscription latine qui figure sur la droite du tableau : EFFIGIES NICOLAI
POVSSINI ANDELI : YENSIS PICTORIS. ANNO AETATIS 56 ROMAE ANNO IVBILEI 1650,
« Effigie de Nicolas Poussin, peintre originaire des Andelys, à l'âge de 56 ans, en 1650,
année du jubilé romain. »
Le Jubilé est une année où les pèlerins à Rome bénéficient de l'indulgence du Pape
(pardon des péchés).
La reproduction en couleur du tableau est visible à l’adresse : http://m.peyroux.free.fr/
rubrique Calendrier.
Une dernière fois, je regarderai l'un des deux autoportraits que Poussin a consenti de
peindre. C'est peu de dire de ce visage qu'il est « sévère ». Haut juge drapé de noir, qui fronce
le sourcil et se tourne vers nous un moment (il n'aime pas regarder de ce côté-ci) ; regard
puissant et lui-même détourné ; visage crispé dans une expression de noblesse et de folie (il
n'en faut pas moins, sans doute, pour obtenir la « délectation »), il a accumulé dans ce tableau
les marques et les symboles de son art. Sur un fond gris et découpé, jusqu'à la hauteur de sa
tête, qui les dépasse, par des tableaux aux cadres de différentes largeurs disposés les uns sur
les autres, il est assis, le buste de profil droit que prolonge, vers la droite, le bras tendu et
légèrement replié, la longue main baguée se refermant sur un carton à dessins. Tout au fond,
une toile est retournée contre le mur (l'autre côté est ainsi défini et rien ne nous empêche de
penser que c'est ici même). A l'extrême gauche de la deuxième toile en allant vers le fond, le
profil gauche de la peinture (femme coiffée d'un diadème sur lequel est représenté un oeil
supplémentaire) apparaît souriante, embrassée. A droite, sur la toile qui se trouve immédiatement derrière lui, il a inscrit son nom, son âge à l'époque du tableau, son lieu d'origine
(Les Andelys). Deux remarques de structure s'imposent aussitôt : d'abord, en relief, la
somme des tableaux qui occupent tout le décor aboutit au tableau-plan où se trouve
l'homme-Poussin. Ensuite, de gauche à droite, les seuls détails vraiment éclairés sont : le
buste de la Peinture, le visage et la main du peintre. Voici donc, selon moi, comment lire
cette épitaphe :
Du fond vers la surface (ou réciproquement) : Je ne suis que mon NOM et ces TOILES.
Puis, de gauche à droite : Seule la PEINTURE, et mon VISAGE qui en est l'autre face,
conduisent ma MAIN.
Questions sur le texte
La représentation de soi
1. Décrivez le personnage, son costume, le décor dans lequel il s'est placé, l'expression de
son visage, de son regard. Quelle image donne-t-il de lui ?
2. Quels sont les éléments mis en valeur par la lumière ? En quoi sont-ils symboliques de
l'activité du peintre ?
3. Où, selon vous, Poussin était-il placé par rapport au miroir dans lequel il se regardait?
S'est-il représenté en train de peindre ? Quels éléments devraient figurer dans le tableau si
Poussin avait copié exactement ce qu'il voyait dans le miroir ?
Le tableau de Poussin et le texte de Sollers
4. Relevez dans le texte de Sollers les expressions qui décrivent l'oeuvre. Qu'a-t-il vu que
vous n'aviez pas vu ? Qu'avez-vous vu qu'il n'a pas noté ?
Qu'est-ce qu'une épitaphe (fin du premier paragraphe) ? Pourquoi, selon vous, Sollers
utilise-t-il ce terme? Pour répondre :
- aidez-vous du texte de l'inscription qui figure sur le tableau ;
- construisez mentalement une croix, à partir des lignes horizontales et verticales du tableau
; dites quelle en est la symbolique.