Déficits : François Baroin relance la controverse sur les hausses d

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Déficits : François Baroin relance la controverse sur les hausses d
2 septembre 2010
Le Monde
Déficits : François Baroin relance la
controverse sur les hausses d'impôts
Pour combler les déficits publics, il faudra peut-être augmenter les prélèvements
obligatoires. C'est François Baroin qui vient de le reconnaître dans une lettre, datée du 30
août, adressée à des parlementaires et qui traitait du financement du déficit et de la dette
de la Sécurité sociale. L'aveu est de taille. Il a aussitôt provoqué les protestations du
patronat et un beau pataquès dans la majorité.
Le ministre du budget ébrèche ainsi un dogme élyséen. Nicolas Sarkozy répète à l'envi qu'il a
été élu pour diminuer les impôts, pas pour les augmenter. Et cet engagement contraint
fortement la politique du gouvernement.
M. Baroin n'a toutefois pas annoncé que l'exécutif songe à alourdir la fiscalité dans les
prochains mois, ce que, pourtant, certains économistes, mais aussi quelques élus de droite,
jugent inéluctable pour réduire les déficits sur les trois prochaines années. Tout juste a-t-il
indiqué que cette question se posera pour 2013. Mais, en fixant cette échéance, c'est aussi
une belle épine dans le pied du futur candidat de la droite à l'élection présidentielle que le
ministre du budget vient de planter. Or, ce candidat sera, selon toute vraisemblance, M.
Sarkozy.
La perspective évoquée par M. Baroin a été rejetée par la présidente du Medef : "Vraiment,
je ne le souhaite pas, parce qu'en matière de prélèvements obligatoires, le niveau est presque
au niveau du nez : on peut à peine respirer", a déclaré Laurence Parisot, mercredi 1er
septembre.
Pourquoi M. Baroin a-t-il évoqué la perspective d'une augmentation des impôts ? Parce que
les mesures de taxation supplémentaire des assurances et des mutuelles santé, que le
gouvernement vient tout juste d'annoncer en début de semaine pour financer le déficit de la
Sécurité sociale et la dette qui y est associée (Le Monde du 1er septembre), ne seront pas
suffisantes.
Dans le courrier qu'il a adressé aux parlementaires, le ministre le dit explicitement. Et c'est
cela qui le conduit à expliquer qu'il faudra donc envisager, pour financer la dette sociale,
"l'apport de recettes nouvelles à partir de 2013". M. Baroin ajoute que cela se fera "soit par
la suppression de nou-velles niches fiscales et sociales ou, à défaut, par une hausse
progressive de la CRDS", la Contribution au remboursement de la dette -sociale.
"Il ne faut pas d'augmentation des prélèvements obligatoires", a affirmé Christine Lagarde,
ministre de l'économie, jeudi 2 septembre sur Europe 1. L'entourage de M. Baroin avait
précisé dès mercredi soir, qu'une hausse de la CRDS "n'est pas envisagée". "C'est simplement
une contrainte juridique de le présenter comme cela ", au vu de la loi organique régissant le
fonctionnement de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), l'organisme qui
gère le remboursement des emprunts effectués pour combler les déficits de la Sécurité
sociale. A Bercy, on assure que la priorité reste de trouver des recettes à travers la réduction
des niches fiscales et sociales.
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M. Baroin est néanmoins le premier membre du gouvernement à admettre explicitement
que la question de la hausse de la fiscalité devra être posée dans le cadre de la politique de
réduction des déficits.
Le gouvernement a pris l'engagement de ramener les déficits publics de 8 % du produit
intérieur brut (PIB) fin 2010 à 6 % en 2011, puis 3 % en 2013. Pour y parvenir, il table d'abord
sur une baisse des dépenses publiques.
Il escompte aussi des recettes plus fortes : non pas par des hausses générales d'impôts, mais
à travers le retour de la croissance.
Et pour trouver les recettes complémentaires, il "nettoie" un certain nombre de niches
fiscales et sociales : il veut "raboter" de 10 milliards d'euros ces avantages fiscaux chiffrés à
75 milliards d'euros par an. Aux yeux de nombreux économistes, ce scénario ne suffira pas
pour atteindre l'objectif de 3 % de déficit en 2013. Certains élus de la majorité pensent la
même chose. "Les Français attendent qu'on leur dise les choses comme elles sont. Il faut
assumer" qu'on augmentera les impôts, répète par exemple Jean Arthuis, président centriste
de la commission des finances du Sénat.
Avec Philippe Marini, rapporteur (UMP) du budget au Sénat, M. Arthuis plaide pour un
relèvement "sans attendre" du taux de TVA (aujourd'hui à 19,6 %) afin de financer
l'assurance-maladie et la politique familiale.
Outre la Cour des comptes, Alain Minc, qui rencontre souvent M Sarkozy, ou encore l'ancien
premier ministre Alain Juppé ont eux aussi évoqué cette piste de l'augmentation de la TVA
pour contribuer à la réduction des déficits.
M. Baroin lui-même était allé sur ce terrain : fin juin, il avait plaidé pour remonter le taux de
TVA sur la restauration de 5,5 % à 19,6 %. Avant de se rétracter. Ce taux de 5,5 % était une
promesse présidentielle. Pas question d'y toucher.
En fixant à 2013 la question de l'augmentation - ou non - de la CRDS, M. Baroin montre, en
tout cas, que la question de la fiscalité sera centrale dans la campagne présidentielle de
2012.
Ce débat est aussi lancé au sein du Parti socialiste. "Notre priorité, c'est de mettre fin aux
dépenses fiscales (les niches) et non pas créer de nouveaux impôts", a déclaré Martine Aubry
jeudi 2 septembre sur Europe 1. Le PS espère récupérer au moins 15 milliards d'euros en
annulant un certain nombre de décisions prises par M Sarkozy : bouclier fiscal, exonération
des heures supplémentaires et autres niches...
Cependant François Hollande estime qu'on n'évitera pas une hausse des impôts. "C'est
aujourd'hui inévitable", plaide le député de Corrèze qui milite notamment pour une fusion de
l'impôt sur le revenu et de la CSG.
Il faut "reconnaître que la restauration des finances publiques ne pourra s'opérer sans une
augmentation des recettes à terme plus ou moins rapproché" et donc par une hausse de la
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fiscalité, a aussi averti la fondation Jaurès, structure de réflexion et de recherche proche du
PS, dans une note d'analyse, publiée le 13 juillet.
Il ne faut pas "laisser accroire" que revenir "sur les mesures fiscales du gouvernement" et
miser "sur un retour rapide de la croissance" puisse "permettre la réduction des déficits et la
stabilisation puis la décroissance de la dette", a quant à lui mis en garde Dominique Lefebvre,
maire de Cergy et membre du bureau national, en mai, dans une note adressée aux
principaux dirigeants socialistes.
Cet élu, réputé strauss-khanien, avait insisté sur le fait qu'"il n'y aura d'autre choix que
d'augmenter" les prélèvements obligatoires en donnant la "priorité" aux prélèvements
sociaux. "Sauf à devoir changer de modèle social" avait-il précisé.
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