Présentation de la table-ronde Regards croisés sur l`histoire des

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Présentation de la table-ronde Regards croisés sur l`histoire des
Regards croisés sur l’histoire des familles verrières - Présentation
Présentation de la table-ronde Regards croisés sur l’histoire des
familles verrières
Michel PHILIPPE, chargé d’études historiques
chercheur associé Laboratoire de Métallurgies et Cultures UMR 5060 CNRS
Un espace de rencontre et d’échange… scientifique sur l’histoire du verre, de la verrerie et des
verriers… Tel est un des objectifs de l’association Verre & Histoire… qui cherche à ouvrir ses portes à
tous les apports complémentaires possibles et nécessaires à la compréhension dans ce domaine.
Dans le domaine de l’histoire des familles, nous touchons au patrimoine, à la culture, à
l’ethnologie, à la psychologie… C’est tout le sens de cette réunion, à la fois lieu de rencontre et
d’échange mais aussi lieu de communication et de confrontation. Celle-ci concerne les sources de
l’histoire des familles verrières. Elle cherche à réunir des communicants scientifiques connaissant des
lieux de dépôt et des fonds intéressant l’étude de ces familles ; elle souhaite les « confronter » à des
non-scientifiques, c’est-à-dire des descendants de ces familles verrières, qui disposent d’autres
archives non connues (ou moins connues).
Cette Journée doit permettre d’une part, de faire le point sur la masse d’informations
documentaires que nous maîtrisons… et d’autre part, d’avoir une idée de la masse de celles que nous
maîtrisons moins. Elle rapprocherait les « intellos » ou bien les professionnels de la recherche d’une
bonne partie de nos adhérents amateurs, passionnés, curieux, érudits. Elle aurait pu s’intituler :
« Aux sources de l’histoire des familles verrières » ou bien « Sources patrimoniales des familles
verrières », ou encore « Connaissance de l’histoire des familles verrières » et que sais-je d’autre…
Celui de « Regards croisés sur l’histoire des familles verrières » rassemble les thématiques diverses
qui nous inspirent tous, à des degrés divers. Il ne s’agit pas de comparer des généalogies (cela n’est
pas notre propos associatif) mais, à travers des points de vue et des sources d’information ou bien
des instruments de travail ultérieurs, divers aspects de ce patrimoine familial particulier.
Pourquoi les familles verrières ? Les verreries matérialisent depuis le Moyen Age une forme de
fonctionnement particulier, que l’on ne retrouve pas de façon aussi caractérisée dans les autres
branches d’industrie. Certes il y a ailleurs des formations ethniques, des clans familiaux, des
dynasties de maîtres et de techniciens. Chez les verriers, ce fonctionnement est porté à l’extrême. Il
est conforté par les alliances, même si celles-ci tendent, à partir du XVIème siècle en particulier, à
s’élargir aux milieux de la bourgeoisie d’affaires, créant en quelque sorte une nouvelle élite
économique et sociale, détentrice à la fois de la maîtrise technique, du pouvoir financier, de la
représentation administrative et sociale, et de la main d’œuvre populaire.
Durant l’ancien régime, de façon schématique, le raisonnement autarcique des verriers peut
s’analyser ainsi. Les secrets de fabrication du verre, depuis la quête des matériaux jusqu’à la
composition des matières, les techniques de conception des fours, les colorants, les cuissons et les
recuissons, se perpétuent dans les familles, chez leurs alliées et jusqu’aux clans ethniques auxquels
ils appartiennent. Ce fonctionnement durera plusieurs siècles, renforcé par le pouvoir politique qui
déterminera des aires de production technique particulière, qu’il renforcera encore par des privilèges
individuels... plus ou moins dynastiques. Les pouvoirs politiques en général ont donc entériné ce
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Regards croisés sur l’histoire des familles verrières - Présentation
fonctionnement, à la fois dans l’espace et dans le temps : en Normandie, en Lorraine, en Poitou, en
Ile-de-France. Les pouvoirs politiques, économiques et administratifs, ont également cherché à gérer
et à canaliser le savoir-faire de ces techniciens verriers, en les attirant dans des villes ou dans des
régions. Des individus isolés, des familles, des groupes claniques plus composites quittent leurs
régions d’origine pour produire le verre à leur manière. Ils le font parfois de manière temporaire,
quelques années seulement, ou même de façon saisonnière. Les verriers dits lorrains représentent le
mieux ce genre de fonctionnement économique ; ces migrations peuvent aussi avoir des explications
négatives, la disgrâce d’un prince, la persécution religieuse, des rivalités entre clans de techniciens.
Jusqu’au XVIIIème siècle, des luttes techniques et économiques opposeront par exemple les familles
de verriers de verre plat à manchon établies en Lorraine et en Nivernais principalement à celles de
verre en disque établies dans le grand ouest du royaume, en particulier en Normandie. Luttes
d’influences, luttes d’intérêt, luttes de pouvoirs… Toujours !
Nous parlons ici de luttes de pouvoirs économiques et techniques, dont les origines reposent
plus ou moins sur des familles de techniciens établies de façon zonale, régionale, stratégique et
réfléchie. Elles forment assurément des élites économiques et techniques, certainement pas sociales.
La condition sociale du verrier est très variable. Sans parler de la dérogeance qui les assimile, dans
certaines provinces, à des nobles, nombre de verriers et de techniciens du verre ne sont pas
gentilshommes mais des prolétaires, comme on disait autrefois, et dans une situation matérielle
médiocre voire mauvaise. Bien sûr ces familles tendent à fortifier les autorités politiques qui les
protègent. Assurément c’est donc bien des élites techniques, familiales, claniques voire ethniques,
qui justifient la protection du pouvoir politique et les câlineries des bourgeoisies de robe ou
d’affaires.
Depuis la Révolution, le pouvoir technique de ces élites a été battu en brèche par de nouvelles
formes de production et par la concurrence internationale. Néanmoins, une certaine forme de
mythologie reste attachée à ces familles. La religion du secret technique se transmute, dans les
esprits, en une forme de culte alchimique du mystère. Nous n’en sommes pourtant pas si loin parfois
dans les textes, mais certainement pas dans la population ! Nous connaissons tous des noms de
représentants de ces familles, aujourd’hui des écrivains célèbres (Marie de Hennezel), des
chercheurs du patrimoine (Xavier de Massary, Alain Riols, Antoine Stenger, Onésime Le Vaillant de la
Fieffe, etc.), des artistes… Beaucoup d’entre eux perpétuent la mémoire de ces familles, beaucoup
plus profondément ancrée chez eux que chez d’autres. C’est ce ressenti profond que nous essayons
de retrouver aujourd’hui, à travers des réminiscences historiques, patrimoniales, culturelles,
ethnologiques.
Cette Journée doit permettre, à terme, d’ouvrir une fenêtre d’informations aux « non
scientifiques » et de comparer, d’échanger, les informations respectives. Dans l’histoire des familles
verrières, la maîtrise de ces informations est importante, car elle fournit des compléments sur
l’histoire des migrations, des alliances familiales, des alliances « économiques » ou « commerciales »,
dans la mesure où ces familles ont constitué des réseaux d’alliances économiques, commerciales,
administratives ou bien techniques que nous ne connaissons que par les archives… Et il me semble
que cela ne suffit pas…
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Regards croisés sur l’histoire des familles verrières - Présentation
Cette Journée est assez nouvelle. A savoir il n’y a jamais eu de telle réunion scientifique portant
sur ce thème. De fait, l’objectif est davantage d’ouvrir des portes et avec elles de nouvelles
interrogations, sur la mémoire verrière, sur son appréciation actuelle, sur ses moyens d’investigation,
à travers divers exemples familiaux ou régionaux. Dans le détail, nous souhaitons faire connaître et
présenter de nouveaux fonds, en particulier à destination des personnes extérieures à la recherche
historique ; avoir des regards différents sur l’histoire de ces familles, sur leur vécu, sur leur
fonctionnement, sur leur culture. L’idée générale serait celle de l’appréhension de la culture ou de la
mémoire des verriers et des familles verrières. Comment se forge-t-elle, comment se perpétue-t-elle.
Mythe ou réalité…. ?
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Aujourd’hui nous allons découvrir un panorama de situations familiales différentes à travers des
exemples du Hainaut, d’Altare, de Lorraine et du pays de Bitche :

des regards sur des thèmes différents de la culture verrière : la culture, la migration, le
fonctionnement en autarcie, la préservation des secrets de fabrication ;

des études de cas complétées d’une introspection sur la préservation de cette culture au fil
des siècles et sur une forme de mise en valeur de ce patrimoine technique, social et culturel ;

des regards d’historiens de l’économie, de la technique et des familles verrières, tant au
niveau national et international que local.
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