Entretien avec M - Japon-sur

Transcription

Entretien avec M - Japon-sur
Entretien avec M. Jiro Hatano
J : Jiro
N : Nicolas
N : (En français) « Et bien voilà, donc je suis actuellement dans un café d’Umeda, à
Osaka, en compagnie de Jiro Hatano. Et je vais parler en japonais à partir de
maintenant parce qu’il ne comprend pas le français, n’est-ce pas ? Hein, Jiro, ça va
bien ? » (rires)
J : Hmm ? (rires)
N : (en japonais) Très bien, je vais donc parler japonais à partir de maintenant.
J : Oui, je ne comprends pas le français.
N : Alors, M. Jiro Hatano...
J : Je me présente ?
N : Oui, s’il te plaît.
J : (En français) « Enchanté. Je m’appelle Jiro Hatano. Où sont les toilettes ? » (rires) Je
blague, je blague.
N : (en japonais) Oui, je crois qu’on a bien compris que c’était une blague. (rires)
J : Ah oui, c’est vrai. (rires)
N : Les toilettes alors que le podcast vient juste de commencer ! (rires)
Alors, à l’origine, nous nous sommes rencontrés par l’intermédiaire de la musique, mais
tu es maintenant un membre à part entière de l’association.
J : Tout à fait. J’en suis le secrétaire.
N : Et pour être précis, secrétaire de la branche japonaise de l’association.
J : Exact.
N : Et depuis quand connais-tu Japon-sur-Saône, l’Association franco-japonaise de
Bourgogne du Sud ?
J : C’est à dire, quand est-ce que j’y suis entré ? Cela doit faire 3 ans, je pense.
N : La branche japonaise de l’association a été créée en 2011, donc cela fait depuis ce
temps-là, je crois.
J : Oui, c’est dans ces eaux-là.
N : Mais la première fois, c’était en 2008, lorsque vous étiez venus, avec Keisho Ohno.
J : Oui, je suis allé chez toi, j’y ai rencontré tes parents et c’est depuis cette époque que
nous avons tous sympathisé. En 2008.
N : Et ce fut également pour nous l’occasion de créer l’association. Merci donc d’être
présent depuis tout ce temps.
J : De même. Une rencontre, c’est quelque chose d’important. Depuis, le Japon et la
France, la Bourgogne et Osaka, se sont rapprochés petit à petit.
N : Oui, c’est vrai. Et encore avant cela, il y avait Mme Kondo...
J : Oui, Mme Kondo de Kawachi Wine.
N : Oui, c’est donc elle qui a été notre Cupidon...!(rires)
J : Oui, oui. Enfin, pour un Cupidon, il est plutôt âgé là. (rires) Un Cupidon âgé.
N : (rires) Heu, je crois qu’elle va peut-être écouter ce podcast d’ailleurs...
J : Oh là là ! Je vais me faire disputer ! (rires) Non, c’est un Cupidon tout mignon.
N : Donc, pour résumer, je t'ai rencontré par l’intermédiaire de Mme Genko, qui
organise beaucoup d’événements sur Ikaruga (préfecture de Nara), qui m’a présenté
Mme Kondo, qui elle même m’a présenté à toi.
J : Voilà, c’est ça. Mme Genko est donc de Nara, n’est-ce pas ?
N : Oui, je l’ai rencontrée lors d’échanges franco-japonais sur Nara.
Tu es donc maintenant secrétaire de l’association, mais ce n’est pas ton travail principal,
bien entendu.
J : Le secrétaire ne reçoit pas d’argent ! (rires)
N : Non, voilà. Enfin, si, mais c’est un secret. (rires) Non, non, c’est faux, bien sûr. (rires)
J : Oui, ça va devenir ambigu sinon... (rires)
N : Et donc, quelle est ta profession ?
J : C'est une profession en rapport avec la musique. Plus concrètement, je suis le
producteur officiel de Keisho Ohno, dont nous parlions un peu tout à l’heure. Je le
produis, nous enregistrons ses CD. Je m’occupe également d’autres artistes, j’organise
leurs concerts.
N : Tu organises combien de concerts par semaine, par exemple.
J : Je n’en organise pas tant que ça. Disons 5 par mois environ.
N : Tous de Keisho ?
J : D’autres artistes également. Des concerts de jazz, d’instruments traditionnels
japonais, comme le shakuhachi, le taïko, le koto. Je travaille donc avec différents types
de musiciens. Mais ma boîte produit Keisho en exclusivité.
N : Depuis quand travaillez-vous ensemble ?
J : Cela fait plus de 10 ans que nous sommes ensemble.
N : Ca fait donc longtemps.
J : Oui, oui. Je l’ai rencontré et j’ai débuté avec lui afin de le faire jouer davantage. En
japonais, on a une expression « ninin sankyaku » pour dire que nous formons comme
une paire. Pas un couple, attention. (rires) Mais nous collaborons à 2 et cela fait donc 10
ans environ que cela dure.
N : Tu es donc son manager et son petit ami.
J : Pas son petit ami, non. (rires) Son manager, son directeur, son producteur... et celui
qui reçoit l’argent. (rires)
N : (rires) Pour résumer, vous travaillez bien ensemble. Depuis ses débuts ?
J : Pour dire cela simplement, je l’ai fait débuter dans le monde de la musique. Je lui ai
fait faire sa Major, comme on dit au Japon. C’était en 2007 il me semble. C’était donc un
an avant de te rencontrer, avant d’aller en France, je pense.
N : Il a fait ses débuts internationaux rapidement! Et comment vous êtes-vous
rencontrés ? Tu as écouté sa musique, ou bien tu souhaitais déjà produire un joueur de
Tsugaru shamisen avant de le rencontrer ?
J : Une présentatrice de radio qui était une connaissance commune de Keisho et moi
nous a présentés et...
N : Une relation à trois, donc.
J : Oui, voilà, une relation à trois. Mais non ! (rires) Une relation à trois, ça fait un peu
ambigu comme expression en japonais ! (rires) Mais enfin, oui, c’était une relation en
triangle.
N : J’en étais sûr ! (rires)
J : Non, non, rien d’ambigu (rires)
J’ai donc su qu’il était joueur de Tsugaru shamisen. Et je cherchais justement un jeune
joueur de cet instrument pour le faire entrer dans le monde de la musique
professionnelle. Quand je l’ai entendu jouer, j’ai tout de suite pensé qu’il pouvait percer
et nous avons travaillé ensemble.
N : Et maintenant il est en pleine activité.
J : Oui, même s’il faut qu’il joue encore bien davantage.
N : Revenez en Bourgogne encore une fois.
J : Volontiers !
N : Nous parlions de radio à l’instant, mais tu travaillais justement dans ce domaine à
l’origine ?
J : Je suis actuellement manager, mais à l’origine, j’étais moi-même sur les planches.
N : Des spectacles ?
J : Au début, j’étais acteur. Par la suite, je suis devenu humoriste.
N : Ah, humoriste dans quel style...
J : Du « manzai », comme on dit en japonais (type de duo comique proche du type du
clown blanc et l'auguste, souvent associé à Osaka). Je faisais également des « talks ».
N : Qu'entends-tu par « talk » ? Des histoires plus sérieuses également ?
J : Des choses plus sérieuses, mais d’autres choses plus amusantes.
N : Un peu comme le « kodan » (style de conte oral) ?
J : Pas du « kodan », du « pingei ». « Pin » qui veut dire seul. Parler seul.
N : C’est parler tout seul, en fait. (rires)
J : Parler tout seul c’est une maladie ! (rires) Non, c’est parler seul devant un public. Le
« kodan » est un peu différent.
N : Parler tout seul, ça viendra donc plus tard, c’est cela ?
J : Voilà. Quand j’aurai pris de l’âge et que je me parlerai à moi-même. (rires)
N : Je vois. (rires) On vient de faire un peu comme du « manzai » là d’ailleurs. (rires)
J : Oui, dans le Kansai notamment, on a le style comique appelé « manzai », avec celui
qui prend la perche et celui qui l’a tend, « boke » et « tsukkomi » comme on les appelle.
N : Exactement. « boku » (lapsus : « boku » veut dire « je » ou « moi », pour un garçon) et
« tsukkomi ». Heu, non... (rires)
J : « Boku » (moi), non : « boke », qui prend la perche, et « tsukkomi », qui la lui tend.
Voilà. (rires)
N : Tu as bien pris la perche là ! (rires)
Mais donc, pour en revenir à la musique, si tu as choisi de produire un joueur de
shamisen, c’est que tu aimais déjà cet instrument à l’époque ?
J : Oui, c’est aussi pour cela. Au départ, j’ai commencé à produire du wadaïko, puis du
koto, du shakuhachi, du shamisen. En tant que japonais, je m’intéressais donc aux
instruments traditionnels et c’est effectivement pour cela que je cherchais un joueur de
Tsugaru shamisen également.
N : C'est vrai que quand vous étiez venus en 2008 avec Keisho, il y avait aussi M. Yuta,
n’est-ce pas ?
J : Oui, oui, c’est vrai. La première fois, nous étions venus avec Yuta au wadaïko et
Keisho au shamisen. Nos débuts bourguignons.
N : Des débuts bourguignons donc ! Merci beaucoup.
J : Mais c’est moi.
N : Et quel est ton genre de musique préféré ?
J : C’est une question un peu difficile, mais je dirais peut-être... le jazz. Ca me calme
d’écouter du jazz.
N : C’est vrai que lorsque tu m'avais invité chez toi, j’ai pu remarquer que tu avais
beaucoup de CD de jazz.
J : Oui, oui, j’en écoute souvent. Au bureau également, j’écoute du jazz.
N : Quel groupe précisément ?
J : Hmm, j’aime le jazz, mais pas un artiste en particulier.
N : Plutôt l’ambiance alors ?
J : Voilà. Ca va du style classique au contemporain. J’aime bien la fusion. Le rock aussi.
Et, comme j’adore le rock, nous essayons avec Keisho Ohno, au Tsugaru shamisen, de
créer un son rock avec cet instrument traditionnel.
N : Oui, c’est donc ce que vous faites avec le groupe URUSHI.
J : Voilà. Merci d’avoir mentionné le nom du groupe.
N : Cela fait combien de fois que tu organises des concerts pour URUSHI récemment ?
J : Je ne saurai pas dire combien de fois exactement, mais cela fait un an que nous
avons lancé le groupe. Le shamisen est l’instrument principal, et est accompagné par la
guitare, la basse, le synthé et la batterie. Ils sont 5 musiciens.
N : Et qui sont ces musiciens? Ils ont débuté dans le rock, le classique ?
J : Ils viennent de tous les genres musicaux. Ils ont joué avec d’autres groupes célèbres,
mais ils ont aussi beaucoup débuté avec le rock lorsqu’ils étudiaient encore. Certains
d’entre eux ont débuté dans le classique avant de faire du rock avec divers artistes. Mais
ils souhaitaient revenir au rock et ont donc intégrer URUSHI.
N : Keisho également, tout en faisant de la musique traditionnelle, pratique le rock.
J : Oui, c’est d’ailleurs un peu son slogan. Protéger la tradition tout en la brisant. C’est
son leitmotiv. Il faut bien sûr protéger la tradition, mais cela ne suffit pas et il est
important de créer de nouvelles choses, donc la briser en quelque sorte.
N : Y apporter de nouvelles choses.
J : Voilà, c’est ça. A la base, il pratique donc bien sûr de la musique traditionnelle, mais
il fait aussi du rock.
N : Est-ce qu’il donne des concerts de ces deux genres ? Traditionnel ainsi que rock ?
J : Oui, même si dernièrement les concerts avec URUSHI sont un peu plus nombreux.
N : A propos, nous parlions tout à l’heure de la directrice des vins de Kawachi, Mme
Kondo, mais tu as également organisé un concert là-bas, je crois ? C’est une sorte de
mariage entre la musique et le vin. Un véritable échange culturel.
J : Oui, il existe plusieurs types de culture : la gastronomie, la musique, le sport. On
peut aussi imaginer des liens entre les vins de Bourgogne et la musique au shamisen.
N : Tu parles à l’instant de sport. Vous avez participé à la coupe du monde de football, il
me semble ?
J : Keisho a effectivement participé à la coupe du monde en Afrique du sud, en 2010, où
il a joué de son shamisen en tant que représentant du Japon.
N : C’était dans le stade ?
J : Non, lors d’événements internes avec des officiels pour représenter le Japon. Après
cela, (en 2011) il y a eu la coupe du monde féminine (en Allemagne).
N : Oui, lors de laquelle le Japon a gagné d’ailleurs.
J : Oui, oui ! (Le concert de Keisho) était à Wolfsburg (lors du quart de finale féminin
Allemagne-Japon). (D'ailleurs) à l’époque un footballeur japonais, Hasebe, jouait dans
l'équipe masculine de Wolfsburg je crois.
N : Oui, le VfL Wolfsburg, qui est arrivé 2ème la saison dernière ! (rires)
J : 2ème ? Oh, tu t’y connais bien. Keisho a donc joué lors d’un événement de la Coupe du
Monde féminine aussi.
N : D’ailleurs, lors d’un reportage à la TV japonaise sur les Nadesikos (surnom de
l’équipe féminine), j’ai été surpris d’entendre un air de Keisho en fond musical !
J : Oui, ils ont utilisé la musique de Keisho.
N : Ca collait bien à l’ambiance du reportage.
J : Oui, je pense aussi. Le sport, la gastronomie, tout peut s’accorder avec la musique.
N : En effet, la musique a également constitué un vecteur très important dans la
création de notre association, puisque c’était lors de notre premier événement.
J : Oui, la musique constitue une vraie force.
N : On peut ne pas parler la même langue et comprendre la musique.
J : Oui, il n’y a pas de frontières en musique. La musique est vraiment formidable.
N : Question peut-être un peu plus difficile maintenant, concernant l’état actuel de la
musique au Japon.
J : C’est difficile de répondre comme ça, mais je dirais que la musique pop, pas
seulement le visual-key, la pop japonaise en général, est devenue un énorme business.
La musique que nous pratiquons nous, instrumentale et sans chanteur, mériterait selon
moi plus d’intérêt. Le son pop est quoiqu’il arrive mis en avant dans le Japon actuel.
N : Les "idols" ?
J : Oui, les "idols". C’est la même chose en France, non ? A travers les mangas, les
animés, ou le cosplay, les "idols" sont mises en avant et on observe un peu le même
phénomène.
N : Est-ce que Keisho deviendra une "idol" ? (rires)
J : Non, je ne pense pas. (rires) Je n’en ai pas envie, en fait.
N : Mais d’ailleurs, qu’est-ce qui définit une "idol" ?
J : C’est peut-être quand on parle de quelqu’un que l’on aime...
N : Négativement parlant, ce ne serait pas uniquement quelque chose de visuel ?
J : Oui, c’est ça. Plus que le talent individuel, le physique, le côté « kawaï » est beaucoup
plus mis en avant chez les "idols". Mais c’est parce que les producteurs les vendent de
cette façon que les artistes deviennent ce qu’ils sont.
N : Je vois. Parmi les "idols", celles qui font de la vraie bonne musique ne me paraissent
pas très nombreuses. C’est bien sûr la même chose en France.
J : Oui, même si c’est de la bonne musique, ça ne veut pas forcément dire que ça va se
vendre.
N : Ca dépend des goûts effectivement.
J : Pour parler simplement, visuellement, si une "idol" est mignonne, cela peut suffire à
certaines personnes qui écoutent ses chansons. Mais il y beaucoup de bonnes musiques
également en dehors de ces critères.
N : Et si tu devais présenter un musicien encore inconnu en France mais que tu
aimerais faire connaître, qui choisirais-tu ?
J : Il y en a beaucoup !
N : Des musiciens que l’on peut également écouter sur le net, par exemple.
J : En instrument traditionnel, il y a une musicienne qui fait du koto, Hiroe Morikawa.
Elle joue un peu de tout, de la pop également. C’est vraiment une artiste magnifique.
N : Très bien. J’écouterai ça alors. Et, concernant tes futurs projets, envisages-tu de
produire URUSHI en France ?
J : Il n’y a pour l’instant rien de concret. Mais nous prévoyons d’aller en Europe l’année
prochaine. Nous avons quelques contacts et nous aimerions aussi aller en France. Si
parmi les auditeurs il y a quelqu’un qui souhaiterait nous faire venir, soyez notre
sponsor ! (rires)
N : Oui, nous allons essayer de faire ça ensemble en Bourgogne !
J : Oui, allons-y !
N : Donc voilà, nous acceptons tous les dons de nos membres. (rires)
J : S’il vous plaît ! (rires)
N : Et une dernière question pour terminer, à quoi penses-tu lorsqu’on parle de la
France, de la Bourgogne ?
J : Pour parler franchement, en pensant à la Bourgogne, je pense à tes parents. Si, si,
c’est vrai.
N : J’espère que c’est en bien alors ! (rires)
J : Finalement, plus que les paysages ou le vin bourguignon, ce sont les rencontres entre
personnes qui sont très importantes pour moi. C’est grâce à ces liens qu’il est possible
aussi d’aller chaque année en France. Honnêtement, c’est ce que je pense.
N : Merci beaucoup...
J : Je ne dis pas ça juste pour faire joli. Quand je pense à la France, ce qui me vient à
l’esprit, c’est tes parents.
N : Et nous comptons bien sûr t'aider quand tu reviendras en France d’ailleurs.
J : La dernière fois également. On était en tournée européenne et lors de notre passage
rapide à Chalon (juste pour dormir et prendre le train le lendemain), tes parents et toi
êtes venus nous apporter un petit déjeuner jusqu’à l’hôtel. Ce sont de petites attentions
comme ça qui restent en mémoire.
N : J’espère que nous pourrons continuer à organiser des événements culturels basés
sur les échanges humains.
J : Oui, c’est quelque chose de très important. Que le langage, la couleur de peau ou des
yeux soient différents, ça n’a pas d’importance. Entre deux personnes, que la culture
soit différente ou pas, il y a toujours moyen d’échanger.
N : Et bien, ça me paraît être une bonne conclusion !
J : Oui, c’est bien résumé comme ça ! (rires)
N : Et maintenant, l’interview commence donc... heu, se termine plutôt ! (rires)
J : Ca commence maintenant ? On faisait juste une répétition en fait ? (rires)
Merci à tous, au revoir !
N : (rires) Au revoir ! Antenne à vous la France !

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