Les différents courants socialistes

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Les différents courants socialistes
« Les différents courants socialistes (étatiques et libertaires) face au fait colonial au Maghreb
(Maroc, Algérie, Tunisie) de la conquête de l’Algérie à la fin dela IIIème République(1830-1940) »
Philippe Bouba
Université d'Oran Es-Sénia, CRASC / Université de Perpignan Via Domitia, CRHISM, EA 2984 (Programme Erasmus Mundus AVERROES)
Présentation du doctorat
Au XIXème siècle, la France a connu une période
d’expansion coloniale en Afrique sub-saharienne, en
Indochine et au Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie). La
colonisation a été au cœur du système politique de la
seconde moitié du XIXème siècle jusqu’à la
décolonisation française.
La colonisation du Maghreb et plus particulièrement
celle de l’Algérie a été la colonisation la plus
significative et la plus idéologique. De la conquête de
l’Algérie à la fin de la IIIème République, le fait
colonial n’a pas laissé indifférent les différents courants
du socialisme en France (acceptation de la colonisation
et anticolonialisme).
Le socialisme désigne un type d’organisation sociale
basé sur la propriété collective des moyens de
production. Il est l’objectif de divers courants apparus et
développés à partir du milieu du XIXème siècle, et ayant
abouti à des courants différents : socialistes étatiques
(socialistes et communistes) et socialistes libertaires
(anarchistes et anarchosyndicalistes).
De 1830 à 1940, les anarchistes, communistes et
socialistes français se sont positionnés ouvertement par
des textes, des discours, par des actes, etc.. face au fait
colonial.
Actuellement, mes recherches traitent du mouvement
anarchiste français en Algérie pendant la période
coloniale.
Trois interrogations : le militantisme des groupes
anarchistes en Algérie ; les prises de positions et les
revendications dans la presse libertaire pour la
population dite « indigène » et l'indépendance de
l'Algérie.
Les journaux anarchistes d'Algérie
pendant la période coloniale
L'Action révolutionnaire (1887), Le Tocsin
(1890), Le Libertaire (1892), La Marmite
sociale (1893), Le Réveil de l'esclave
(1904), La Révolte (1906-1909), Bulletin du
groupe anarchiste d'Alger (1922), Le
Flambeau (1923-1926), Libre examen
(1944-1946).
Le Flambeau, n°22, 1er-15 novembre 1924. Mohamed Saïl
Le Libertaire, 16 février 1951
« La mentalité kabyle »
« Pensez donc, un bon petit gouvernement
algérien dont ils seraient les caïds,
gouvernement bien plus arrogant que
celui des roumis, pour la simple raison
qu’un arriviste est toujours plus dur et
impitoyable qu’un "arrivé" ! Rien à faire,
les Algériens ne veulent ni de la peste, ni
du choléra, ni d’un gouvernement de
roumi, ni de celui d’un caïd. D ’ailleurs, la
grande masse des travailleurs kabyles sait
qu’un gouvernement musulman, à la fois
religieux et politique, ne peut revêtir
qu’un caractère féodal, donc primitif.
Tous les gouvernements musulmans l’ont
jusqu’ici prouvé ».
Tarzout en Algérie, la Mecque des Anarchistes?
Paul Régnier, gendre du géographe anarchiste Elisée
Reclus fonde en 1888 une colonie libertaire à Tarzout
dans l'Ouest de l'Algérie entre Ténès et Mostaganem.
Il y achète une propriété composée de terres
appartenant à une confrérie musulmane. Il construit
sa maison, défriche la terre (200 hectares) et décide
de cultiver la vigne car le terrain est en pente. Ainsi,
après avoir été architecte en France puis à Alger,
Régnier devient vigneron à Tarzout.
Nous savons que Régnier était plus que le simple
coordinateur de cette colonie car il semblait être
également le chef, l'ingénieur, le conducteur de
travaux, le juge et en quelques sorte... le père. Le
caractère autoritaire de Régnier est aussi évoqué.
Néanmoins, il y accueille nombre de militants
anarchistes de passage et emploie les travailleurs
« indigènes » dans un esprit coopératif assez
étonnant et très suspect aux yeux des autorités.
D'ailleurs, le pouvoir coloniale surveille ce
groupement de population. Ainsi, au début de l'année
1894, il y a eu une descente de police et une
perquisition dans la propriété de Tarzout. Résultat de
l'opération policière : Cinq anarchistes dont un Russe
et un Espagnol arrêtés.
Par la suite, d'autres membres de la famille Reclus
s'installèrent à côté de la ferme de Paul et dans le
village de Ténès.
Le dernier mairie de Tarzout de la période coloniale
est Jacques Régnier, fils de Paul. Les « RégnierReclus » sont restés à Tarzout jusqu'à l'Indépendance
de l'Algérie en 1962...
Le Libertaire, 16 février 1951
« La mentalité kabyle »
« Allah est en déroute grâce
au contact permanent du
travailleur algérien avec son
frère de misère de la
métropole, et quelques
camarades algériens sont
aussi pour beaucoup dans
cette lutte contre
l'obscurantisme »
Mohamed Saïl en bas à droite avec turban pendant la Révolution espagnole de 1936
M ohamed Saïl, anarchiste et kabyle (1894-1953)
une position libertaire et anticolonialiste : « ni Dieu, ni M aître... ni R oumi, ni C aïd... »
Mohamed Saïl (Ameriane ben Amezaine) est né le 14 octobre 1894 à Taourit-Aït-Oughlis, en Kabylie. En 1914, il refuse de partir à la
guerre et est interné pour insoumission puis pour désertion. Après la Première guerre mondiale, il devient membre de l'Union Anarchiste
puis fonde le Comité de défense des indigènes algériens. Dans les 20, Saïl écrit quelques articles pour l'organe des groupes libertaires
d'Afrique du Nord sur la situation coloniale des travailleurs indigènes. En 1929, il crée en France, le Comité de défense des Algériens
contre les provocations du Centenaire. Ensuite, Saïl adhère à la Confédération Générale du Travail - Syndicaliste Révolutionnaire
(CGT-SR), dans laquelle il fondela Section des indigènes algériens. En 1936, il est en Espagne pour combattre au côté des Anarchosyndicalistes de la « Colonne Durutti ». Un an plus tard, il participe le 17 mars 1937 à un meeting avec le Parti du Peuple Algérien
(PPA) pour protester contre l'interdiction de l'Etoile Nord-Africaine (ENA) et dénoncer la répression en Tunisie. A la Libération, Saïl
reconstitue le groupe d'Anarchistes d’ Aulnay-sous-Bois pour continuer sa propagande anarchiste principalement auprès des travailleurs
algériens de la région parisienne. Auteur de plusieurs articles dans la presse libertaire française dont « La mentalité kabyle », Saïl a
dénoncé l'oppression coloniale de la France en Algérie et les conséquences d'une Algérie indépendante gouvernée par des nationalistes
étatiques et religieux. Décolonisation, Guerre d'Algérie, Indépendance, Algérie 1962..., tout cela Mohamed Saïl ne le connaitra pas. En
effet, il est mort un an avant « le 1er novembre 1954 »...
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Bibliographie non exhaustive :
Ageron Charles-Robert, De l'Algérie « française » à l'Algérie algérienne, Réédition : ÉDIF, 2010, 623 p.
Ageron Charles-Robert, L'anticolonialisme en France de 1871 à 1914, PUF, 1973, 96 p.
Galissot René, La République française et les indigènes, Éditions de l'Atelier, 2007, 271 p.
Kaddache Mahfoud, L'Algérie des Algériens, de la Préhistoire à 1954, Paris-Méditerranée, 2003, 900 p.
Lefranc Georges, Les gauches en France 1789-1982, Payot, 1973, 348 p.
Liauzu Claude, Histoire de l'anticolonialisme en France du XVIème siècle à nos jours, Armand Colin, 2007, 288 p.
Maitron Jean, Le mouvement anarchiste en France, 2 tomes, Gallimard, coll. « Tel », 1992, 486 p. et 440 p.
Merle Marcel, L'anticolonialisme européen de Las Casas à Karl Marx, Armand Colin, 1969, 397 p.
Saïl Mohamed, Appel aux travailleurs algériens (textes réunis et présentés par Sylvain Boulouque), Volonté anarchiste n°43, 1994, 36 p.
Sarrazin Hélène, Élisée Reclus ou la passion du monde, Éditions du Sextant, Paris, 2006, 248 p.
Stora Benjamin, Le nationalisme algérien avant 1954, CNRS éditions, 2010, 346 p.
Verdès-Leroux Jeannine, Les Français d'Algérie. De 1830 à nos jours, Éditions Fayard, 2001, 899 p.