Etude expérimentale de la dynamique des - GIP Seine-Aval
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Etude expérimentale de la dynamique des - GIP Seine-Aval
Etat d’avancement des travaux du programme coordonnée de recherche sur l’estuaire de Seine (Thème I) Avril 2002 Etude expérimentale de la dynamique des coliformes fécaux dans l’estuaire de la Seine Servais Pierre, George Isabelle, Albisaclaei Ahmed et Lizin Patricia Ecologie des Systèmes Aquatiques Université Libre de Bruxelles Campus de la Plaine, CP 221 B 1050 Bruxelles, BELGIQUE 1. Introduction Les rejets d’eaux usées non traitées dans les milieux aquatiques apportent des quantités parfois très importantes de bactéries d’origine fécale. Parmi ces bactéries certaines sont pathogènes et posent donc un problème sanitaire dont l’importance dépend du niveau de contamination et de l’utilisation qui est faite de l’eau (potabilisation, baignade,..). La détection d’une pollution d’origine fécale se fait habituellement par la recherche de germes indicateurs de contamination fécale, c’est-à-dire des bactéries spécifiques de la flore intestinale, qui ne sont pas nécessairement pathogènes par ellesmêmes, mais dont la présence en grand nombre indique l’existence d’une contamination fécale, donc un risque épidémiologique potentiel. Les coliformes totaux et fécaux sont les principaux indicateurs de contamination fécale. Une bonne compréhension du devenir de ces bactéries dans les milieux naturels a beaucoup d’importance d’un point de vue sanitaire, puisque les activités de baignade, d’aquaculture et de production d’eau potable à partir d’eaux de surface sont directement menacées par les contaminations bactériennes d’origine fécale. Les méthodes normatives de dénombrement de ces bactéries en vigueur à l’heure actuelle (dénombrements sur milieu gélosé spécifique) montrent qu’après un rejet en milieu naturel, elles disparaissent rapidement. Or il semble que la dynamique des bactéries fécales dans les milieux récepteurs soit beaucoup plus complexe, notamment car bon nombre de ces bactéries sont susceptibles d’évoluer vers une stade viable (à métabolisme réduit) mais non cultivable (c’est-à-dire qu’elles sont incapables de pousser sur milieu gélosé et d’y former une colonie). Dans l’estuaire de la Seine, on constate des concentrations en bactéries fécales non négligeables, ce qui soulève plusieurs questions quant à leur origine et leur devenir. Des travaux menés durant les deux dernières années de la première phase du programme, ont visé à lancer les bases de la compréhension de la dynamique des micro-organismes d’origine fécale dans un milieu complexe tel que l’estuaire de Seine. Les travaux ont été menés sur les coliformes fécaux, bactéries qui sont les plus souvent utilisées comme indicateur de contamination fécale des milieux aquatiques. Nous avons d’abord développé une méthode enzymatique (basée sur l’activité glucuronidasique des coliformes fécaux) permettant de mesurer directement (sans passage par une mise en culture) l’abondance des coliformes fécaux en milieu aquatique (George et al., 2000 ; 2001a). Cette méthode qui a été appliquée avec succès dans l’estuaire (George et al., 2001b, c) permet d’éviter certains biais des méthodes culturales classiques. Dans la dernière année de la première phase du programme, nous avons commencé à aborder l’étude de certains processus contrôlant l’abondance des coliformes (broutage par les protozoaires, attachement aux matières en suspension). Un premier module décrivant la dynamique des bactéries fécales (réalisé en collaboration avec l’UMR Sisyphe) a été développé et couplé au modèle SENEQUE en fin de première phase. Dans le cadre de la seconde phase du programme Seine-Aval, l’étude de la dynamique des bactéries d’origine fécale s’est poursuivie en 2001. En effet, les résultats obtenu avec le premier module décrivant la dynamique des bactéries fécales couplé au modèle SENEQUE permettent de - Page 1 - Etat d’avancement des travaux du programme coordonnée de recherche sur l’estuaire de Seine (Thème I) Avril 2002 penser qu’en améliorant nos connaissances sur les facteurs contrôlant les coliformes dans l’estuaire nous pourrons développer un modèle performant de la dynamique de ces micro-organismes. Celui-ci devrait permettre aux décideurs de hiérarchiser les actions à mener afin d'aboutir à une amélioration nécessaire de la qualité bactériologique des eaux de l’estuaire. Ce modèle constitue l’objectif final des travaux menés dans le cadre de l’action R.I-R de l’appel à proposition. En 2001, les travaux ont été menés selon trois axes: ? Quantification des sources de coliformes : trois sources de bactéries fécales ont été quantifiées, les apports via la station d’épuration (STEP) de Rouen, les apports diffus via le lessivage des sols (agricoles et forestiers) et les apports par la Seine en amont de l’estuaire. ? Impact de la salinité sur les bactéries fécales : des expériences de laboratoire ont été menées afin d’étudier quel était le rôle de l’augmentation de salinité sur la survie des coliformes dans le milieu estuarien. ? Impact des MES sur la présence des coliformes : une campagne réalisée en août 2001 a permis d’étudier la part des coliformes attachés aux MES dans des conditions de concentrations en particules très diverses (dans et hors de la zone du bouchon vaseux). Les principaux résultats obtenus en 2001 visant à rencontrer les objectifs listés ci-dessus font l’objet des chapitres 2 à 4 du présent rapport. Par ailleurs, en collaboration avec les autres équipes du thème, les dénombrements des indicateurs de contamination fécale ont été comparés aux résultats des recherches d’organismes pathogènes (bactéries et protozoaires) afin d’estimer la validité de l’évaluation du risque sanitaire via la flore indicatrice. Une synthèse de l’analyse comparée de ces données est présentée au chapitre 5 de ce rapport. - Page 2 - Etat d’avancement des travaux du programme coordonnée de recherche sur l’estuaire de Seine (Thème I) Avril 2002 2. Quantification des sources de coliformes La contamination en bactéries fécales de l’estuaire de Seine peut se faire par trois voies principales d’apports : (i) des rejets très localisés (sources ponctuelles) d’eaux usées, il peut s’agir d’eaux usées urbaines (non traitées ou traitées dans des stations d’épuration), d’eaux issues de collecteurs d’eaux pluviales ou encore d’eaux usées d’origine industrielle ; (ii) des apports via le lessivage des sols, il s’agit alors d’apports diffus ; (iii) les apports de la partie fluviale amont de la Seine. Dans le cadre de ce travail, nous avons cherché à quantifier l’importance de ces trois types d’apport à l’estuaire. 2.1 Sources ponctuelles – les rejets d’eaux usées Les apports aux rivières via les eaux usées urbaines brutes et traitées ont été estimés par des mesures de bactéries fécales qui ont été réalisées en entrée et en sortie de la station d’épuration (STEP) de Rouen (mai 2001) dont les effluents se rejettent dans l’estuaire de la Seine. Les résultats obtenus lors de cette campagne sont comparés à des résultats antérieurs obtenus par notre équipe sur la STEP de Rouen et sur d’autres STEPs (George et al., 2002). Lors de la campagne de mai 2001, en plus des coliformes fécaux (CF), estimés par dénombrements sur gélose spécifique et par mesure de l’activité glucuronidasique, les abondances en coliformes totaux (CT) et en streptocoques fécaux (SF) ont été mesurées. 2.1.1. Caractérisation des eaux brutes Log (UFC/100 ml) ou Log (u.e) Les résultats sur les eaux brutes et les eaux traitées des mesures d’abondances en CF, CT et SF estimés par dénombrements sur gélose et ceux des mesures d’activité glucuronidasique sont repris à la figure 2.1. 8 6 IN OUT 4 2 0 CF CT SF Act. GLU Figure.2.1 Résultats des dénombrements de coliformes fécaux (CF), de coliformes totaux (CT), de streptocoques fécaux (SF), et de mesure de l’activité ß-D-glucuronidasique (Act Glu) en entrée (IN) et en sortie (OUT) de la station d’épuration de Rouen (Mai 2001). L’abondance de CF dans les eaux brutes de la STEP Eméraude de Rouen en mai 2001 (17.2 106 CF/ 100 ml) est tout à fait du même ordre de grandeur que ce que nous avions mesuré en mars - Page 3 - Etat d’avancement des travaux du programme coordonnée de recherche sur l’estuaire de Seine (Thème I) Avril 2002 1999 (22 106 CF/ 100 ml)(Servais et al., 1999). La figure 2.2 permet de comparer les niveaux observées à Rouen à ceux mesurés sur d’autres SETPs (George et al., 2002). 1.E+09 CF/ 100 ml 1.E+08 in 1.E+07 out 1.E+06 1.E+05 1.E+04 Ste Marie...(G) Aulnoy (F) Colombes (E) Valenton (D) Rouen (D) Waterloo (D) Achères pil. (C) Troyes (B) Rixensart (B) Guérard (B) Achères (A) Wavre (A) 1.E+02 Couilly (B) 1.E+03 Figure 2.2 Résultats de dénombrements de coliformes fécaux (CF) en entrée (IN) et en sortie (OUT) de diverses STEPs (George et al., 2002). Les abondances en bactéries fécales cultivables dans les eaux brutes sont assez variables d’une STEP à l’autre. Cette variation dans les concentrations trouvées dans les eaux brutes en entrée des différentes STEPs peut s’expliquer par une éventuelle multiplication des bactéries fécales dans les réseaux d’assainissement, la concentration en bactéries fécales serait alors dépendante du temps de résidence des masses d’eaux usées dans le réseau d’assainissement (George et al., 2002). 2.1.2. Efficacité du traitement. A l’examen de nos résultats (Figure 2.3) sur l’efficacité d’abattement des bactéries fécales dénombrées sur gélose à la STEP de Rouen, on constate qu’il n’y a pas de différence très significative entre les trois groupes de bactéries testées. La STEP de Rouen abat les différents types de bactéries respectivement de 98.8 % (SF) à 99.5 % (CF et CT). Si on compare l’abattement des CF cultivables avec l’abattement de l’activité glucuronidasique, on constate que l’abattement des coliformes fécaux cultivables est supérieur à celui de l’activité enzymatique (Figure 2.3). Cette différence peut être due à la présence dans les eaux usées traitées de coliformes qui ont conservé leur activité enzymatique mais sont devenus non cultivables (et donc non mesurables par le dénombrement sur gélose) après avoir subis un stress lors du traitement dans la STEP. - Page 4 - Etat d’avancement des travaux du programme coordonnée de recherche sur l’estuaire de Seine (Thème I) Avril 2002 Log Abattement 2.5 2 1.5 1 0.5 0 CF CT SF Act Glu Figures 2.3 Abattement des coliformes fécaux, coliformes totaux, streptocoques fécaux et de l’activité enzymatique dans la stations d’épuration de Rouen (mai 2001). Les résultats de la figure 2.2 permettent de comparer l’efficacité d’abattement des coliformes fécaux à la STEP de Rouen avec l’efficacité d’autres STEP. L'efficacité d'élimination des microorganismes fécaux est très dépendante du type de traitement pratiqué dans les STEPs échantillonnées: l'abattement des CF varie de 1 log10 (90%) à plus de 5 log10 (99.999%) suivant le traitement. Ainsi, les CF cultivables sont mieux éliminés dans les traitements où le temps de rétention des masses d'eaux usées est plus long (boues activées à temps de séjour prolongé comme à Rouen, lagunage...), dans le traitement le plus efficace pour réduire les variables physico-chimiques (biofiltration comme à Colombes), ou dans la filière comprenant une étape de désinfection aux UV (Sainte Marie La Mer). 2.1.3 Caractérisation des eaux usées traitées Les eaux traitées en sorties de la STEP de Rouen, reste riche en bactéries fécales. : ainsi en mai 2001, on dénombre 190000 CT/100 ml, 78000 CF / 100 ml et 35000 SF/ 100 ml. D’une manière générale, dans les eaux traitées en sortie de STEP, les abondances en CF cultivables varient de 102 à 107 / 100 ml et les activités GLU de 102 à 104 unités d'activité enzymatique/ 100 ml. La plupart de ces valeurs sont élevées, c'est pourquoi des pics d'abondances en coliformes sont souvent observés en aval des rejets de STEP. Ces pics dépendent de la qualité microbiologique des effluents et du milieu récepteur, mais aussi du facteur de dilution des rejets dans le milieu récepteur. Les abondances en coliformes dans les effluents traités dépendent de la qualité microbiologique des eaux brutes d'une part, et de l'efficacité de la filière de traitement à éliminer les coliformes, d'autre part. Afin de comparer aisément les résultats obtenus à la STEP de Rouen et ceux obtenus sur d’autres STEPs, les abondances de CF cultivables et les activités GLU ont été exprimées en "équivalents-habitants coliformes" (EH-colis), c'est-à-dire en quantités de CF cultivables et d'activité GLU rejetées par habitant et par jour dans les eaux usées brutes ou traitées. Ces EH-colis ont été calculés d’après Servais et al. (1999) en considérant une demande biologique en oxygène (DBO) de 54 g par habitant et par jour dans les eaux usées brutes (WHO, 1982). Pour chaque STEP, le volume journalier d’eaux usées par habitant (m3 hab-1 j-1) a été calculé en divisant la valeur de 54 g hab-1 j-1 par la DBO moyenne mesurée dans les eaux usées brutes (mg l-1). L’abondance en CF ou l’activité GLU mesurée par 100 ml d’eau usée brute ou traitée a ensuite été multipliée par 10000 et par le volume journalier d’eaux usées par habitant pour obtenir l’EH-colis correspondant (exprimé en CF cultivables ou en act GLU hab-1 j-1) dans les eaux usées brutes ou traitées. Les valeurs d’equivalents habitants trouvées en mai 2001 sont les suivantes : EH CF 4.8 1010 pour l’eau brute et 2.2 108 pour l’eau traitées, EH Act Glu 1.45 107 pour l’eau brute et 8 105 pour l’eau traitée. Le Tableau 2.1 présentent pour - Page 5 - Etat d’avancement des travaux du programme coordonnée de recherche sur l’estuaire de Seine (Thème I) Avril 2002 comparaison les résultats des calculs d’EH pour les CF cultivables et pour l’activité enzymatique pour des eaux brutes et des eaux traitées dans diverses STEP. Les valeurs obtenues à Rouen en mai 2001 se situe dans la gamme des valeurs trouvées ailleurs pour les eaux brutes et dans la gamme des valeurs correspondant, pour les eaux épurées, à un traitement par boues activées avec nitrification et dénitrification tel qu’il existe à la STEP Emeraude de Rouen. Les EH-colis donnés au tableau 2.1 permettent d'estimer, pour toute STEP dont on connaît le traitement et la capacité nominale, la quantité de coliformes rejetés par jour dans l'environnement ce qui très important dans une optique de modélisation. Tableau 2.1: Equivalents- habitants coliformes (CF cultivables ou act GLU hab-1 j-1) dans les eaux usées brutes et traitées de divers types de STEPs. Pour les catégories de traitement incluant différentes STEPs, la moyenne géométrique a été calculée et l’intervalle entre les valeurs minimale et maximale détaillé dans le tableau (George et al. 2002). Type de traitement Eau brute Décantation Boues activées (BA) BA avec Nit. BA + filtr. pour Nit BA avec Nit + Denit BA + Filtr. pour Nit + Denit Lagunage BA + Filtr. + UV Unités d’act GLU hab-1 j-1 Moyenne Intervalle mingéométrique max 8.94 x 107 (1.66-22.2) x 107 3.87 x 107 (0.66-12.1) x 107 6 6.64 x 10 (2.15-20.5) x 106 6 1.89 x 10 (0.78-5.60) x 106 6 3.29 x 10 8.07 x 105 (2.08-13.0) x 105 5 4.11 x 10 1.77 x 106 1.88 x 105 CF cultivables hab-1 j-1 Moyenne Intervalle min-max géométrique 8.13 x 1010 (2.49-25.0) x 1010 10 5.04 x 10 (1.34-28.0) x 1010 9 5.13 x 10 (0.84-31.2) x 109 9 1.28 x 10 (0.83-2.23) x 109 9 1.31 x 10 1.31 x 108 (1.05-1.89) x 108 8 3.27 x 10 1.93 x 107 2.19 x 105 2.2 Sources diffuses Les apports via le lessivage des sols ont été étudiés en évaluant la teneur en bactéries fécales de petits ruisseaux (en amont de tout rejet domestique de manière à ce que la composition de l’eau résulte uniquement des interactions eau-sol). Une vingtaine de ruisseaux des bassin versants de l’Andelle et de la Risle ont été échantillonnés en période estivale (juillet 2001). Ces ruisseaux ont été caractérisés par la couverture végétale de leur bassin versant : pâtures, forêts et cultures. L'impact du type de couverture végétale et d'occupation du sol sur la qualité microbiologique des rivières est très visible sur la Figure 2.4 où les moyennes des teneurs en CF ont été portées en fonction de l’occupation du sol. Les ruisseaux traversant des pâtures, qui sont essentiellement consacrées dans cette zone du bassin à l’élevage des bovins, contiennent beaucoup plus de CF que les ruisseaux de zones forestières, cultivées ou mixtes. Les niveaux mesurés dans les ruisseaux traversant des pâtures (de 660 à 5700 CF/ 100 ml) excédent tous la valeur de la norme guide de qualité des eaux de baignade (100 CF / 100 ml) et pour la plupart la norme impérative (2000 CF / 100ml). - Page 6 - Etat d’avancement des travaux du programme coordonnée de recherche sur l’estuaire de Seine (Thème I) Avril 2002 3000 CF/100Ml 2500 2000 1500 1000 500 0 P C+P P+F F C Couverture végétale Figure 2.4: Concentration moyenne en CF cultivables dans des ruisseaux (bassins de la Risle et l’Andelle) caractérisés par des bassins versants forestiers (F), cultivés (C), pâturés (P) ou mixtes (C+P et P+F) (Juillet 2001). Les données recueillies sur les bassin de la Risle et l’Andelle ont été comparées avec des données acquises à la même période (juillet 2001) et selon une stratégie d’échantillonnage identique (prélèvements sur de petits ruisseaux en amont de tout rejet domestique) sur le bassin de l’Oise (Figure 2.5). On voit que les niveaux mesurés sur les ruisseaux normands sont, pour un type d’occupation du sol, très proches en moyenne de ce que l’on observe dans une autre zone du bassin de la Seine. CF/100 ml 4000 Bassins Normands Bassin de l'Oise 3000 2000 1000 0 Patûres Forêts Cultures Figure 2.5. Concentration moyenne en CF cultivables dans des ruisseaux alimentés par des bassins versants forestiers (F), cultivés et pâturés (P) en Normandie (Bassin de la Risle et de l’Andelle) et dans le bassin de l’Oise (juillet 2001). - Page 7 - Etat d’avancement des travaux du programme coordonnée de recherche sur l’estuaire de Seine (Thème I) Avril 2002 2.3 Apports de coliformes par l’amont Afin d’étudier la contribution des eaux usées de l’agglomération parisienne comme source de bactéries fécale pour l’estuaire, des campagnes de mesures des coliformes fécaux dénombrés sur milieu gélosé spécifique et par estimation de l’activité glucuronidasique ont été réalisées dans la Seine entre l’agglomération parisienne et Poses dans diverses conditions de débit. Ainsi, une campagne réalisée à haut débit durant le printemps 2001 (Débit à Poses 1650 m3.sec-1) a été comparée à une situation échantillonnée au printemps 1998 à bas débit durant la première phase du programme Seine Aval. La figure 2.6 présente cette comparaison. CF/100ml 1000000 100000 10000 1000 0 50 100 150 200 250 Pk km Act Glu pmol/min 10000.0 1000.0 100.0 10.0 0 50 100 150 200 250 Pk km Figure 2.6. Abondance des coliformes fécaux dénombrés sur milieu gélosé spécifique (CF) et activité glucuronidasique (Act Glu) par 100 ml d’échantillon à différentes stations entre l’aval de Paris et Poses en mars 1998 (symboles fermés)(Débit à Poses 440 m3.sec-1) et en mai 2001 (symboles ouverts) (Débit à Poses 1650 m3.sec-1). - Page 8 - Etat d’avancement des travaux du programme coordonnée de recherche sur l’estuaire de Seine (Thème I) Avril 2002 Ces figures montrent tout d’abord une bonne cohérence entre les résultats obtenus par les deux méthodes utilisées. Sur les profils longitudinaux on remarque très nettement l’influence des rejets, dans la Seine, des effluents de la station d’épuration Seine Aval à Achères (capacité de traitement par temps sec de plus de 2 millions de m3.j-1) sur les teneurs en bactéries fécales du fleuve. L’intensité du pic observé à l’aval d’Achères est logiquement beaucoup moins importante à haut débit (mai 2001) qu’à bas débit (mars 1998) en raison de la plus grande dilution des eaux usées traitées dans celles de la Seine. En aval des rejets, on observe une chute assez rapide des teneurs en bactéries fécales dans la colonne d’eau de Seine jusqu’à l’entrée de l’estuaire à Poses (Pk 200) en raison de la mortalité de ces bactéries et de la dilution des eaux de la Seine par celles de l’Oise moins chargée en bactéries fécales. Cette diminution semble, sur le profil longitudinal (Figure 2.6) moins rapide à haut débit mais ceci est uniquement du aux transfert plus rapide des masses d’eau de l’amont vers l’aval à haut débit. Si l’on calcule les taux horaires apparents de disparition (calculés sur base des activités glucuronidasiques) pour les deux situation, on voit qu’il sont tout à fait du même ordre de grandeur 25 10-3 h-1 en mars 1998 et 18 10-3 h-1 en mai 2001. Lorsque l’on compare les résultats obtenus par les deux méthodes utilisées, les grandes tendances le long des profils sont similaires. On peut néanmoins remarquer qu’en aval de la station d’épuration Seine Aval à Achères, la chute des dénombrements sur gélose des coliformes fécaux est plus rapide que celle de l’activité glucuronidasique (exemple Figure 2.6). Cette différence dans la vitesse de disparition des coliformes fécaux mesurée par les deux méthodes pourrait s’expliquer par la prise en compte par la méthode enzymatique de bactéries fécales qui gardent leur activité glucuronidasique mais qui perdent leur cultivabilité pendant leur transport avec les masses d’eau vers l’aval. Le processus de perte de cultivabilité a été maintes fois démontré dans la littérature lorsqu’on introduit des bactéries fécales dans les eaux naturelles et nous l’avons mis en évidence sur des coliformes introduits en eau de Seine (George et al., 2000 ; Petit et al., 2000) Log (CF/100 ml) La comparaison de situations contrastées du point de vue hydrologie nous a permis de mettre en évidence, que contrairement à ce que l’on pouvait attendre, c’est à haut débit que les abondances en CF cultivables provenant de l’agglomération parisienne et entrant dans l’estuaire à Poses sont les plus élevées (Figure 2.6). 6.00 5.00 4.00 3.00 2.00 1.00 0 500 1,000 1,500 2,000 3 Débit m /sec Figure 2.7. Relation entre l’abondance en coliformes fécaux à Poses et le débit de la Seine à Poses (Données SNS pour les années 1998 à 2000). Les données recueillies régulièrement pour la Cellule Anti-Pollution du SNS de Rouen (Figure 2.7) confirment tout à fait l’idée que la teneur en bactéries fécales à Poses croit avec le débit de la Seine. La figure 2.7 montre qu’un passage du débit de 500 à 1500 m3.sec-1 à Poses augmente l’abondance en CF venant de l’amont de plus d’un ordre de grandeur et donc le flux de CF de plus d’un facteur 30. - Page 9 - Etat d’avancement des travaux du programme coordonnée de recherche sur l’estuaire de Seine (Thème I) Avril 2002 3. Impact de la salinité sur la mortalité des coliformes Les travaux portant sur le devenir des bactéries fécales en milieu marin ou en estuaire ont conduit à des résultats parfois contradictoires. Certaines expériences portant sur des cultures pures d’une souche Escherichia coli, laissent à penser que ces bactéries peuvent demeurer vivantes dans l’eau de mer pour de longues périodes et même conserver leur pouvoir pathogène (Grimes and Colwell, 1986) et, à l’opposé, d’autres mentionnent un effet négatif de la salinité sur les bactéries d’origine fécale. Dans ce travail, centré autour de la zone aval de la Seine, nous nous sommes intéressés à l’impact de la salinité sur le devenir des coliformes. En effet dans la zone aval de l’estuaire de la Seine les coliformes présents dans les eaux vont voir la salinité de celle-ci augmenter en raison du mélange progressif avec les eaux de mer. L’effet de la salinité est important à comprendre car il va en partie conditionner la manière dont les coliformes, présents en quantité importante dans les eaux de l’estuaire, vont être exportés en baie de Seine. S’ils sont exportés sans processus majeurs de mortalité, ils sont susceptibles de contaminer de manière importantes la baie de Seine qui est une zone où certaines activités sont peu compatibles avec une pollution microbienne importante (tourisme dans les stations balnéaires, conchyliculture). Une série d’expérience, dont les résultats sont repris dans ce chapitre, ont été menées suivants différentes approches pour estimer l’impact d’une augmentation de salinité sur la mortalité des coliformes. 3.1 Effet de la salinité sur la mortalité des coliformes estimée par méthodes culturales et enzymatiques Lors d’une première expérience, de l’eau de Seine contenant des coliformes a été incubées à 20 °C à l’obscurité en microcosme. Au cours du temps, on a progressivement augmenté la salinité par addition de NaCl pour obtenir les salinités suivantes : 0 ‰ (avant addition de NaCl), 7 ‰ 14 ‰ et 21 ‰. Dans cette expérience, la salinité a été modifiée toutes les 48 heures. Un autre microcosme (temoin) contenant la même eau a été incubé en parallèle sans modification de la salinité. Les activités enzymatiques des coliformes fécaux ont été mesurées dans ces deux microcosmes en parallèle à des dénombrements des CF sur milieu gélosé. Les abondances en CF cultivables diminuent très rapidemant dans le témoin pour atteindre des valeurs < 10 CF / 100 ml après 138 heures d’incubation. Les abondances de coliformes fécaux cultivables diminuent significativement moins vite dans l’expérience où la salinité croit au cours du temps. La même observation peut être faite pour les vitesses de diminution de l’activité glucuronidasique (diminution plus rapide dans le témoin). Dans chacun des deux microcosmes, la vitesse de décroissance des coliformes cultivables est plus rapide que celle de l’activité glucuronidasique. - Page 10 - Etat d’avancement des travaux du programme coordonnée de recherche sur l’estuaire de Seine (Thème I) Avril 2002 Témoin Act Glu pmol/min 100 Salinité croissante 10 1 0 50 100 150 200 Temps h Témoin CF / 100 ml 10000 Salinité croissante 1000 100 10 1 0 50 100 150 200 Temps h Figure 3.1. Suivi de l’activité enzymatique (a) et des CF cultivables (b) en fonction du temps dans un microcosme témoin et dans un microcosme subissant une augmentation progressive de salinité (Dans le microcosme à salinité croissante, celle-ci passe de 0 ‰ à 7 ‰ après 1 h. d’incubation de 7 ‰ à 14 ‰ après 49 h d’incubation, de 14 ‰ à 21 ‰ après 100 h). Les résultats de cette expérience mettent en évidence les deux points suivants : (1) Il semble y avoir un effet bénéfique de l’accroissement de salinité sur la survie des coliformes en milieu naturel. Le fait que les bactéries fécales tolèrent bien la salinité a déjà été mentionné précédemment par quelques auteurs (Dupray et al., 1995). (2) Les mesures de l’activité glucuronidasique diminuent moins rapidement que les abondances en CF mesurés par dénombrement sur milieu gélosé. Cette observation avait déjà été faite par George et al. (2000) et Petit et al. (2000). On peut attribuer la différence de vitesse de décroissance au fait que, au fil du temps durant l’incubation, la proportion de bactéries viables (présentant une activité enzymatique) mais non cultivables (non dénombrées par les comptages sur gélose) augmente sensiblement. - Page 11 - Etat d’avancement des travaux du programme coordonnée de recherche sur l’estuaire de Seine (Thème I) Avril 2002 Pour confirmer l’effet bénéfique de l’augmentation de salinité sur la survie des coliformes, l’expérience suivante a été réalisée. De l’eau de Seine fraîchement prélevée et contenant des coliformes est reparties dans 7 microcosmes; on ajuste avant le début de l’expérience la salinité dans chaque microcosme à des valeurs comprises entre 0 et 38 ‰ ; on incube les 7 échantillons à 20 °C et à l’obscurité et on suit la décroissance des coliformes par dénombrements sur gélose et par mesure de l’activité glucuronidasique. Les décroissances de coliformes observées durant ces incubations étant linéaires en coordonnées semi-logarithmiques, nous avons calculé pour chaque microcosme un taux de disparition d’ordre 1 exprimé en h-1. Les résultats de ces calculs sont présentés au tableau 4.1. A la figure 4.2, nous avons porté les taux de disparition estimés par les deux méthodes en fonction de la salinité. Tableau 3.1. Taux de disparition (exprimés en h-1) des coliformes fécaux estimés à partir des dénombrements sur gélose (CF) et des mesures d’activité glucuronidasique (Act Glu) en fonction de la salinité 0 ‰l 7‰ 14 ‰ 21 ‰ CF 37.8 10-3 37.8 10-3 19.8 10-3 10.6 10-3 Act Glu 25.7 10-3 26.2 10-3 17 10-3 9.7 10-3 28 ‰ 35 ‰ 38 ‰ 10.3 10-30 11.3 10-3 12.4 10-3 7.6 10-3 9.5 10-3 9.5 10-3 CF 40 -1 -3 Act Glu 30 20 10 h Taux de disparition Salinité 10 0 0 10 20 30 40 Salinité Figure 3.2: Taux de disparition des coliformes mesurés sur base des dénombrements sur gélose et sur base de l’activité glucuronidasique portés en fonction de la salinité. - Page 12 - Etat d’avancement des travaux du programme coordonnée de recherche sur l’estuaire de Seine (Thème I) Avril 2002 Les deux méthodes montrent clairement une baisse de la vitesse de disparition avec l’augmentation de la salinité. Ceci confirme tout à fait les résultats de l’expérience précédente. Les résultats du tableau 3.1 confirment également les vitesses de disparition supérieures lorsque celles-ci sont estimées par les dénombrements sur gélose. Le taux de disparition calculé par décroissance de l’activité glucuronidasique à salinité 0 ‰, qui est de 25.7 10-3 , est en accord avec les valeurs de taux de mortalité mesurés précédemment en Seine par George (2001c). 3.2 Effet de la salinité sur la mortalité des coliformes estimée par lyse du matériel génétique Divers mécanismes peuvent contribuer à la mortalité des bactéries fécales rejetées en milieu aquatique naturel. Des études menées dans le cadre du la première phase de Seine Aval et dans le cadre du PIREN Seine, nous ont permis de mettre en évidence que le broutage par les protozoaires était le principal facteur responsable de la mortalité des bactéries allochtones (Menon, 1993 ; George et al., 2001c) comme il l’est également pour les bactéries autochtones (Servais et al., 1992). Une hypothèse permettant d’expliquer une diminution de la mortalité des bactéries fécales avec les salinités croissantes, comme observé ci-dessus, serait un effet défavorable de l’accroissement de salinité sur les protozoaires d’eau douce et donc sur leur taux de broutage. Pour tester cette hypothèse, une technique permettant d’évaluer le taux de mortalité totale et la part de la mortalité bactérienne due au broutage des protozoaires a été appliquée en Seine. Cette méthode consiste à suivre la décroissance du marquage radioactif du matériel génétique de bactéries préalablement marquées avec de la thymidine tritiée ; cette technique peut être appliquée aux bactéries autochtones (Servais et al., 1985 ; 1989) et allochtones (Garcia-Lara et al. 1991, Servais et Menon 1991, Menon 1993). Pratiquement, on ajoute à de l’eau de Seine une culture lavée de bactéries fécales ayant incorporé de la thymidine tritiée et on suit la décroissance de la radioactivité associée à l’ADN de ces bactéries. Cette décroissance correspond à une lyse du matériel génétique et donc à une mortalité des bactéries. La décroissance de radioactivité dans ce type d’expérience présente des cinétiques d’ordre 1 (droite en coordonnées semi-logarithmiques). Le coefficient angulaire de la droite de régression donne alors la valeur du taux de mortalité exprimé en h-1. Cette expérience peut être réalisée en ajoutant des bactéries à de l’eau brute (on mesure alors la mortalité totale des bactéries) ou à de l’eau filtrée sur 2 µm pour en exclure les protozoaires (on mesure alors la mortalité non due au broutage par les protozoaires) ; des antibiotiques inhibiteurs de l’activité des protozoaires sont de plus ajoutés à ce second sous-échantillon. La différence entre les deux vitesses de mortalité correspond à la mortalité due au broutage. Dans ce travail, cette expérience à été réalisée sur de l’eau de Seine (eau brute et eau filtrée) dont la salinité n’a pas été modifiée (0 ‰) et sur la même eau de rivière où l’on a augmenté la salinité par addition de NaCl (salinité de 14 et 38 ‰). Les résultats de cette expérience sont présentés dans le tableau 3.2 et la figure 3.3. Le taux de mortalité totale, dans l’échantillon sans modification de salinité vaut 29.9 10-3 h-1 . La lyse des coliformes dans cet échantillon vaut 6.2 10-3 h-1; le taux de broutage vaut donc 23.7 10-3 h1 : le broutage représente 79 % de la mortalité et est donc dans cette échantillon le principal processus de mortalité des coliformes. Ce résultat concorde parfaitement avec ceux de Menon (1993) et de George (2001c). Le taux de mortalité totale est pour sa part très proche de la valeur obtenue à salinité nulle dans l’expérience précédente où il était estimé par suivi de l’activité glucuronidasique. - Page 13 - Etat d’avancement des travaux du programme coordonnée de recherche sur l’estuaire de Seine (Thème I) Avril 2002 Tableau 3.2: Taux de mortalité des coliformes fécaux mesuré par le suivi de la décroissance de la radioactivité associée à l’ADN des CF d’eau de Seine en fonction de la salinité. Les CF sont ajoutés en parallèle à des eaux non filtrées (NF) et, d’autre part, à des eaux filtrées et additionnées des inhibiteurs de l’activité de broutage des protozoaires (FI). Taux de mortalité 10 -3 h-1 Salinité (‰) Taux de mortalité h-1 0 NF 29.9 10-3 0 FI 6.2 10-3 14 NF 17 10-3 14 FI 7 10-3 38 NF 6.5 10-3 38 FI 5 10-3 Mortalité totale 30 Lyse Broutage 20 10 0 Salinité 0 Salinité 14 Salinité 38 Figure 3.3 Taux de mortalité total des coliformes fécaux, taux de mortalité non due au broutage (lyse) et taux de mortalité due au broutage. Taux mesurés par le suivi de la décroissance de la radioactivité associée à l’ADN des coliformes fécaux (Echantillon : eau de Seine). Concernant l’effet de la salinité, on voit que, comme dans les expériences précédentes, le taux de mortalité totale diminue avec l’accroissement de la salinité il passe de 29.9 10-3 h-1 à 6.5 10-3 h-1 pour des salinités de 0 ‰ et 38 ‰ respectivement. Le taux de lyse est quasi identique aux trois salinités montrant ainsi que la salinité n’augmente pas la vitesse de lyse des coliformes mais ne semble pas non plus avoir d’effet protecteur sur la lyse. Le taux de mortalité due au broutage décroît, pour sa part, très fortement avec l’augmentation de salinité puisqu’il passe de 23.2 10-3 h-1 à salinité nulle, à 10.0 10-3 h-1 à la salinité de 14 ‰ et chute à 1.5 10-3 h-1 lorsque la salinité atteint 38 ‰. Cette expérience démontre donc bien que l’augmentation de la mortalité avec les salinités croissantes observées dans toutes nos expériences est bien due à une diminution de l’activité des protozoaires d’eau douce. Il ressort de ces expériences qu’un effet beaucoup plus marqué de la salinité sur les protozoaires que sur les bactéries entraîne une survie meilleure de celle-ci lorsque la salinité augmente. Il faut néanmoins remarquer que nos expériences en batch ne représente que très imparfaitement ce qui se passe dans le milieu naturel puisque, lorsque la masse d’eau contenant les coliformes se mélange à l’eau de mer, les coliformes sont susceptibles d’être consommés par des protozoaires marins qui eux sont bien adaptés aux salinités élevées. Des expériences de broutage des bactéries d’origine fécale devront être entreprises pour investiguer cette question. - Page 14 - Etat d’avancement des travaux du programme coordonnée de recherche sur l’estuaire de Seine (Thème I) Avril 2002 4. Relation entre les coliformes et les matières en suspension Durant une campagne menée le long du gradient de salinité et dans la zone de turbidité maximale de l’estuaire en août 2001, nous avons cherché à quantifier la teneur en CF dans cette zone particulière de l’estuaire et à estimer quel était la part des CF attachés aux particules dans les conditions de teneurs en MES très variables rencontrées. Lors de cette campagne, deux profils longitudinaux le long du gradient de salinité ont été réalisés (l’un à basse mer (BM), l’autre à pleine mer (PM)) ainsi qu’un suivi en une station fixe au cours d’un cycle de marée avec prélèvement d’échantillons sous la surface et à proximité du fond. Les CF ont été dénombrés après mise en culture sur milieu gélosé spécifique et l’activité glucuronidasique des Escherichia coli a été mesurée sur chaque échantillon collecté. Afin d’estimer la part des CF attachés aux MES, des mesures d’activité glucuronidasique de l’eau filtrée sur une membrane de porosité de 0.2 µm (protocole standard) a été comparée à celle de l’eau filtrée sur une membrane de porosité de 5 µm. Cinq µm est considéré dans ces expériences comme la porosité limite séparant les coliformes libres de ceux qui sont adsorbés sur des particules organiques ou minérales. La figure 4.1 présente l’activité glucoronidasique des E. coli portée en fonction de la salinité pour le profil échantillonné à basse mer en août 2001 ainsi que la droite de dilution théorique reliant les valeurs mesurées à salinité nulle et à salinité de l’eau de mer. Cette figure montre que les valeurs observées à de nombreuses stations, en particulier celles situées dans la zone du bouchon vaseux, sont supérieures, parfois largement, à celles prédites par la droite de dilution ce qui indique clairement une accumulation de bactéries d’origine fécale dans la zone du bouchon vaseux. 35 Bouchon vaseux Act Glu pmol/min 30 25 20 15 10 5 0 0 10 20 30 40 Salinité Figure 4.1 Relation entre l’activité glucuronidasique des E. coli et la salinité lors du profil réalisé en basse mer en août 2001 (la droite représente la dilution théorique). La figure 4.2 présente pour l’ensemble des stations échantillonnées dans l’estuaire en août 2001 la relation entre l’activité glucuronidasique des E. coli et la teneur en MES. On observe clairement une augmentation de la teneur en coliformes avec l’accroissement de la concentration en MES. - Page 15 - Etat d’avancement des travaux du programme coordonnée de recherche sur l’estuaire de Seine (Thème I) Avril 2002 Act Glu pmol/min 35 30 25 Profil Haute mer 20 Profil Basse mer 15 Cycle marée surface 10 Cycle marée fond 5 0 0 500 1000 1500 MES mg/l Figure 4.2 Activité glucuronidasique des E. coli portés en fonction des MES pour les stations échantillonnées lors des deux profils de salinité (basse mer et haute mer) et le cycle de marée en point fixe (prélèvements en surface et au fond) réalisés en août 2001 Cette accumulation de coliformes dans la zone de forte teneur en MES s’explique par le fait qu’une bonne part des coliformes est liée aux MES. La figure 4.3 montre que la part des coliformes retenus sur membrane de 5 µm, et donc considérée en première approximation comme liés aux MES, augmente linéairement avec la teneur en MES (au moins pour des valeurs de MES n’excédant pas 400 mg/l). La figure 4.4 montre pour sa part que l’activité glucuronidasique des coliformes fixés aux MES augmente aussi linéairement avec la teneur en MES (pour les teneurs en MES limitées à 400 mg/l) ce qui semble montrer que les particules formant les MES sont colonisées par des coliformes de manière assez identique quelque soit la station échantillonnée. On retiendra de cette partie la mise en évidence d’une accumulation importante de bactéries fécales dans le bouchon vaseux de l’estuaire ; ces bactéries semble dans cette zone principalement liées aux MES et doivent donc suivre la dynamique de ces MES. - Page 16 - % Act Glu attachée Etat d’avancement des travaux du programme coordonnée de recherche sur l’estuaire de Seine (Thème I) Avril 2002 120 100 Profil Haute mer 80 Profil Basse mer 60 Cycle marée surface 40 Cycle marée fond 20 0 0 500 1000 1500 MES mg/l Act Glu associée aux MES (u.e.) Figure 4.3 Pourcentage de l’activité glucuronidasique des E. coli attachée aux MES (estimée expérimentalement par le rapport entre l’activité mesurée sur une membrane de porosité de 5 µm, retenant les bactéries attachées aux MES, et sur une membrane de porosité de 0.2 µm, retenant toutes les bactéries) portés en fonction des MES pour les stations échantillonnées lors des deux profils de salinité (basse mer et haute mer) et le cycle de marée en point fixe (prélèvements en surface et au fond) réalisés en août 2001. 30 25 20 15 10 5 0 0.0 100.0 200.0 300.0 400.0 500.0 MES mg/l Figure 4.4 Activité glucuronidasique des E. coli associée aux MES (estimée expérimentalement comme l’activité sur une membrane de porosité de 5 µm, retenant les bactéries attachées aux MES) portés en fonction des MES pour les stations échantillonnées en août 2001. - Page 17 - Etat d’avancement des travaux du programme coordonnée de recherche sur l’estuaire de Seine (Thème I) Avril 2002 5. Comparaison des abondances des flores indicatrices de contamination et des pathogènes Synthèse collective : LMDF Biodiversité et Environnement, Université de Rouen ; Ecologie des Systèmes Aquatiques, Université Libre de Bruxelles ; Parasitologie (ADEN), Université de Rouen. En 2001, les trois équipes impliquées dans le thème « analyse du risque microbien », ont collaboré sur différentes campagnes de mesures (un profil longitudinal en mai, un échantillonnage en sortie de la STEP Emeraude, une campagne dans le bouchon vaseux en août) au cours desquelles la recherche d’agents pathogènes a été réalisée en parallèle aux dénombrements des indicateurs de contamination fécale. L’objectif était de rechercher si la présence de kystes de protozoaires (Cryptosporidium parvum et Giardia duodenalis) et de bactéries pathogènes impliquées dans des gastro-entérites d’origine hydrique (Salmonella, Yersinia enterocolitica, Campylobacter jejuni, et Listeria monocytogenes) pouvait être mise en relation avec les abondances de la flore indicatrice ceci afin d’estimer la validité de l’évaluation du danger sanitaire via cette flore indicatrice. Une analyse collective des résultats montre que, lors de ces campagnes, il n’a pas été observé d’association entre l’abondance des flores indicatrices, d’une part, et la présence de bactéries pathogènes d’origine fécale et celles de kystes de protozoaires pathogènes, d’autre part. Même pour des échantillons où des niveaux élevés de coliformes fécaux (valeurs supérieures à la norme impérative des eaux de baignade) ont été mesurés, nous n’avons pas détecté la présence des bactéries pathogènes recherchées y compris sous leur forme non-cultivable. Par contre, la présence de Listeria monocytogenes a été mise en évidence par amplification génique sur quelques sites (Poses amont, Le Croisset, Tancarville lors du profil longitudinal de mai 2001 et dans la crème de vase prélevée lors de la campagne dans le bouchon vaseux). La présence de ces bactéries, naturellement d’origine tellurique, n’est pas associée à l’abondance de la flore indicatrice ; leur présence est probablement imputable à un apport via des eaux de ruissellement. Ces premiers résultats devront être confirmés par des campagnes, notamment en période d’étiage, par des recherches qui prennent en compte la diversité des sources de contamination (eaux usées issues des STEP, les eaux de ruissellement des zones agricoles). A ce stade et en l’absence de données de virologie, il apparaît difficile de définir un agent pathogène dont la fréquence d’apparition et l’abondance soient compatibles avec son utilisation comme marqueur pour l’analyse du risque sanitaire et avec la réalisation d’étude de son devenir dans l’environnement estuarien. Sans conclure définitivement sur ce point, le choix d’Escherichia coli semble aujourd’hui le plus approprié comme modèle d’étude de la contamination (des sources jusqu’aux organismes filtreurs via un transit dans l’estuaire de Seine). - Page 18 - Etat d’avancement des travaux du programme coordonnée de recherche sur l’estuaire de Seine (Thème I) Avril 2002 Conclusions Les résultats acquis en 2001 et qui s’inscrivent dans la continuité des travaux réalisés durant les deux dernières années de la première phase du programme Seine Aval, nous ont permis de progresser dans diverses directions. Ainsi, nous avons pu quantifier les diverses sources de coliformes fécaux pour l’estuaire. Les sources diffuses de coliformes via le lessivage des sols ont été évaluées en fonction de la couverture végétale ; la source ponctuelle majeure dans l’estuaire (les rejets d’eaux usées de la station d’épuration de Rouen et son agglomération) a également été quantifiée; enfin, nous avons montré que l’importance de la contamination venant de l’amont (agglomération parisienne ) était très dépendante du débit de la Seine. Deux processus contrôlant la dynamique des bactéries dans l’estuaire ont, par ailleurs, été étudiés. L’étude de l’effet de la salinité sur la mortalité bactérienne a mis en évidence, un impact négatif majeur de l’augmentation de salinité sur le broutage des protozoaires d’eau douce. Dans le bouchon vaseux, nous avons mis en évidence une accumulation importante de bactéries fécales et l’importance de la fraction de ces bactéries qui sont liées aux MES et suivent donc leur dynamique. - Page 19 - Etat d’avancement des travaux du programme coordonnée de recherche sur l’estuaire de Seine (Thème I) Avril 2002 Références Dupray, E and Derrien, A. (1995). Influence du passage de Salmonella spp. et Escherichia coli en eaux usées sur leur survie en eau de mer. Wat. Res. 29(4) : 1005-1011 Garcia-Lara J., Menon P., Servais P. and Billen G. (1991). Mortality of fecal bacteria in seawater. Applied and Environmental Microbiology 57: 885-888. George I., Petit M., Servais P. (2000). Use of enzymatic methods for rapid enumeration of coliforms in freshwaters. Journal of Applied Microbiology 88(3): 404413. George I., Crop P. and Servais P. (2001a). Use of ? -D-galactosidase and ? -Dglucuronidase activities for quantitative detection of total and fecal coliforms in wastewater. 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