menace terroriste en afrique de l`ouest - ovida

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menace terroriste en afrique de l`ouest - ovida
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
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MENACE TERRORISTE EN AFRIQUE DE L’OUEST: ETAT DES
REPONSES NATIONALES, REGIONALES ET INTERNATIONALES
Par William Assanvo
Septembre 2012
Résumé
Le terrorisme représente sans doute la menace la plus sérieuse à la sécurité et à la stabilité en
Afrique de l’Ouest, particulièrement dans sa bande sahélo-saharienne. Ainsi, pour faire face à cette
menace, de nature complexe, transnationale, sournoise et évolutive, un certain nombre d’efforts et
d’initiatives (politique, socioéconomique et sécuritaire) ont été mises en œuvre par les différents
pays qui y sont confrontés. Ces efforts se sont également accompagnés d’une coopération
régionale plus que nécessaire, mais quelque peu laborieuse et poussive. Les initiatives africaines
ont bénéficié de l’assistance apportée par des partenaires internationaux bilatéraux et
multilatéraux. Au moment où l’évolution de la menace terroriste et dans une certaine mesure son
ancrage dans cette partie du continent est source de préoccupation, notamment avec la situation
dans le Nord du Mali, il est nécessaire de procéder à une revue et analyse des différentes réponses
qui ont à ce jour été apportées. D’emblée, il ressort de ces initiatives qu’une coopération régionale
sincère et effective revêt une importance encore plus accrue, ainsi que le renforcement des
capacités opérationnelles des forces de défense et de sécurité des pays concernés. On pourrait
également s’interroger sur l’efficacité et l’effectivité qu’ont eues les différentes actions
d’assistance militaire et sécuritaire. Autant de facteurs qui, en plus ou justement du fait de la
complexité du phénomène, limitent l’impact de la lutte contre le terrorisme.
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L’Afrique de l’Ouest, particulièrement au
niveau de la façade Sud de la bande sahélosaharienne qui traverse l’Afrique d’Est en
Ouest, est confrontée à une multitude de défis
d’ordre sécuritaire: montée de l’extrémisme
religieux, de l’islamisme radical et le terrorisme
s’en inspirant, trafics en tout genre – êtres
humains, drogue, armes, etc.-, circulation et
prolifération des armes légères et de petit
calibre, criminalité transfrontalière organisée,
etc.; défis se nourrissant également de réalités et
considérations
socioéconomiques
et
environnementales. Le terrorisme représente
sans doute l’une des menaces les plus sérieuses,
compte tenu notamment de sa nature, souvent
sournoise, et de son évolution actuelle.
Face à l’évolution significative qu’a connue
cette menace sur cette partie du continent et au
risque de déstabilisation qu’elle fait peser sur
l’Afrique de l’Ouest et dans une certaine mesure
sur le Maghreb et même au-delà, des réponses
doivent plus que jamais être y être apportées,
repensées ou tout au moins renforcées. Un
certain nombre d’initiatives ont à cet effet été
conçues et mises en œuvre à cette fin.
La présente analyse a ainsi pour objectif de
présenter certaines de ces initiatives. Toutefois,
cette analyse n’a pas pour ambition de procéder
à une évaluation détaillée et approfondie de leur
impact. Tout au plus s’agira-t-il d’apporter des
éléments d’appréciation de leur effectivité et
efficacité et de l’impact qu’ils ont eu sur
l’évolution ou la persistance de la menace
terroriste.
Cela étant, au vue de la situation actuelle et de
certains récents évènements survenus dans la
sous-région, force est de constater que
l’évolution qu’a connu le terroriste sur le
continent de manière globale et dans cette
région en particulier et l’état actuel de la
menace1 tend à conclure à l’impact limité qu’ont
eu certains des efforts mis sen œuvre.
Un certain nombre de mesures légales et
institutionnelles2 ont été prises par la plupart des
différents pays concernés. Ces mesures visaient
à se doter ou à renforcer les dispositifs de
prévention, répression et de lutte contre le
terrorisme et certains de ses aspects (notamment
celui de son financement). Bien qu’il faille
reconnaître à cette dimension un rôle important
dans les efforts visant à lutter contre le
terrorisme, précisément à doter cette entreprise
du cadre légal adéquat, nous ne l’aborderons
pas3; un certain nombre de recherches apportent
déjà des éléments d’appréciation et des analyses
utiles4. Aussi, l’accession ou la ratification de
1
Voir William Assanvo, Etat de la menace terroriste en
Afrique de l’Ouest, Observatoire de la Vie Diplomatique
en Afrique (OVIDA), ote d’analyse n° 12, juillet 2012.
http://www.ovida-afrido.org/fr/ovidapdf/Menace_Terroriste_AfriqueOuest_12_Juillet12_.pdf.
2
Pour avoir un aperçu des mesures prises par le Mali, la
Mauritanie, le Niger et le Nigeria afin d’être en
conformité avec les recommandations internationales en
matière de dispositifs législatifs, de lutte contre le
financement du terrorisme, de répression, de contrôle des
frontières et de coopération internationale voir: Letter
dated 26 December 2006 from Permanent Representative
of Mali to the United Nations addressed to the Chairman
of the Security Council Counter-terrorism Committee,
S/2006/1038, 28 December 2006; Note verbale dated 31
March 2003 from the Permanent Mission of Mauritania to
the UN addressed to the Chairman of the Security Council
Committee established pursuant to resolution 1373 (2001)
concerning counter-terrorism, S/2003/484, 28 April 2003;
2007 National Report of the Niger to the CounterTerrorism Committee, S/2008/121, 25 March 2008; Letter
dated 27 September 2006 from the Permanent
Representative of Nigeria to the UN addressed to the
Chairman of the Counter-Terrorism Committee,
S/2007/65, 8 February 2007
3
Aussi, tout en notant leur existence, nous ne nous
appesantirons pas sur les efforts visant à renforcer les
systèmes judiciaires d’investigation, de poursuite et de
jugement des actes terroristes ou suspectés de rentrer dans
ce cadre.
4
Voir notamment Jolyon Ford, African counter-terrorism
legal frameworks a decade after 2001, Institute for
Security Studies, Monograph 177, March 2011.
http://www.issafrica.org/uploads/Mono177.pdf;
United
Nations Office on Drugs and Crime (UNODC), A Review
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conventions, la mise en place et l’existence de
dispositifs légaux ne représentent au final
qu’une étape formelle, n’ayant souvent eu à elle
seule que peu de conséquence dans les faits5.
Pour être véritablement effective et efficace, en
fonction précisément des causes et facteurs6
contribuant à l’émergence et au développement
de ce fléau, la lutte contre le terrorisme doit
s’appuyer sur une pluralité d’initiatives et
d’aspects de nature politique (volonté politique
notamment), diplomatique (en matière de
coopération, de coordination et de cohérence
des initiatives), socioéconomique (lutte contre le
chômage, l’exclusion sociale, la radicalisme et
l’extrémisme religieux, etc.) et sécuritaire
(renforcement des capacités opérationnelles des
forces de sécurité et de défense notamment).
C’est précisément sur certains de ces éléments,
particulièrement sur ceux plus pratiques, que
nous allons nous appesantir.
La menace terroriste a, au fil des années, et
particulièrement depuis les récents évènements
survenus en Libye et au Mali, progressivement
of the Legal Regime Against Terrorism in West and
Central Africa: Angola, Benin, Burkina Faso, Burundi,
Cameroon, Cape Verde, Central African Republic, Chad,
Congo, Côte d’Ivoire, Democratic Republic of the Congo,
Equatorial Guinea, Gabon, Gambia, Ghana, Guinea,
Guinea-Bissau, Liberia, Mali, Mauritania, Niger, Nigeria,
Rwanda, Sao Tome and Principe, Senegal, Sierra Leone
and Togo., Terrorism Prevention Branch, Working
Document,
October
2008.
http://www.unodc.org/documents/terrorism/Publications/
Review_West_African_CT_Legal_Regime/A_Review_of
_the_Legal_Regime_Ag_Terr_in_W_and_C_Africa_V09
837531.pdf; et US State Department Country Report on
Terrorism
2011,
Africa
Overview.
http://www.state.gov/j/ct/rls/crt/2011/195541.htm.
5
Jolyon Ford, Op. Cit., p. viii. En effet, l’adoption en
juillet 2008 par le Mali d’une loi portant répression du
terrorisme n’a pas à elle seule permis de prévenir la
situation actuelle dans le Nord.
6
Voir William Assanvo, Etat de la menace terroriste en
Afrique de l’Ouest, Observatoire de la Vie Diplomatique
en Afrique (OVIDA), ote d’analyse n° 12, juillet 2012,
http://www.ovida-afrido.org/fr/ovidap.
17.
pdf/Menace_Terroriste_AfriqueOuest_12_Juillet12_.pdf.
convaincu la communauté internationale et les
pays de la sous-région du risque que son
ancrage et son évolution sont susceptibles de
faire peser sur la sécurité, la stabilité et le
développement socio-économique de l’Afrique
de l’Ouest.
Cette prise de conscience a été renouvelée à
plusieurs occasions; ce fut notamment le cas
lors du débat général traditionnel, introduisant
chaque session de l’Assemblée générale de
l’ONU, qui s’est tenu à New York du 21 au 27
septembre 2011; plusieurs dirigeants africains
ayant exprimé leur crainte quant à l’évolution de
le menace terroriste7. C’est ainsi que le
Président tanzanien, Jakaya Kikwete, déclarait
"plus nous tarderons, plus le terrorisme
international deviendra plus sophistiqué dans
ses stratégies et tactiques"8. Ce constat est plus
que d’actualité en Afrique de l’Ouest et pousse à
jeter un regard sur les réponses qui ont été
apportées aux niveaux national, sous-régional et
international (à travers notamment la
coopération bilatérale avec des partenaires
internationaux) pour prévenir et combattre ce
fléau.
DES REPOSES ATIOALES A
L’EFFECTIVITE
ET
A
L’EFFICACITE VARIABLES
Il est difficile d’évoquer la problématique du
terrorisme, particulièrement celui d’inspiration
islamiste, salafiste et djihadiste, dans un espace
incluant uniquement l’Afrique de l’Ouest telle
7
William
Assanvo,
L’Afrique
exprime
ses
préoccupations lors du débat général de la 66ème session
de l’Assemblée Générale de l’ONU, Observatoire de la
Vie Diplomatique en Afrique (OVIDA), ote de synthèse
n°23, octobre 2011, pp. 8-10. http://www.ovidaafrido.org/fr/ovidapdf/Synth%C3%A8se_D%C3%A9batG%C3%A9n%C3
%A9ralAGONU_23_Octobre11.pdf.
8
William Assanvo, Op. Cit., p. 9.
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qu’il est généralement approché, à savoir celui
englobant les pays membres de la Communauté
des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO),
sans prendre en compte sa réalité et ses liens,
souvent politique, historique, culturel et
idéologique, avec le Maghreb et précisément
l’Algérie. Pour ce faire, force est de reconnaître
que l’Algérie occupe une place de premier plan
dans la lutte contre cette menace, étant à
l’origine de la plupart des efforts de coopération
régionale et étant de loin le pays disposant,
comparativement aux autres pays concernés, des
moyens humains, matériels et financiers les plus
importants.
Lors d’une réunion ministérielle tenue à Alger
(Algérie) le 16 mars 2010, sept pays riverains de
la région sahélo-saharienne (Algérie, Burkina
Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Libye et Tchad)
ont rappelé la responsabilité première qui repose
sur eux et la nécessité de s’approprier les efforts
visant à résoudre les défis auxquels est
confrontée la région9.
En abordant certaines des réponses nationales,
cette analyse se limitera à quelques pays
d’Afrique de l’Ouest, notamment ceux qui ont
pour le moment, dans des conditions et
circonstances variables, été directement
confrontés à cette menace, à savoir le Mali
(notamment dans son septentrion, devenu le
véritable foyer et épicentre de la menace10), la
Mauritanie, le Niger et le Nigeria.
Mali
L’attitude du Mali, notamment sa volonté et sa
détermination à s’impliquer dans une lutte
effective contre la menace terroriste opérant
dans son septentrion a plusieurs fois fait l’objet
de doutes de la part de ses voisins et partenaires
internationaux11.
Il a ainsi pendant longtemps été présenté comme
le maillon faible de la coopération régionale
devant nécessairement se mettre en place pour
affronter de manière aussi efficace que possible
la menace terroriste posée par Al-Qaïda au
Maghreb Islamique (AQMI) et les autres
groupes islamistes dans la région; menace
pourtant présente et active dans et à partir de
son septentrion et dont l’installation et la
prolifération trouverait une partie de son origine
dans la faible présence de l’Etat malien dans
cette partie du pays.
Il faut dire qu’à la différence de certains de ses
voisins: l’Algérie, la Mauritanie ou encore le
Niger, qui favorisaient la main forte contre
AQMI, l’ancien Président malien, Amadou
Toumani Touré (ATT), "prônait plutôt [une]
gestion politique"12 et refusait de se laisser
dépasser par les appels des "va-t’en-guerre", de
militariser la réponse à apporter à la situation
dans le Nord et d’entraîner son pays dans une
guerre qu’on voulait le voir mener, donnant la
priorité au dialogue13. Il se pourrait aussi que
11
9
Communiqué issued by the Ministerial Meeting of the
Countries of the Sahel-Sahara Region, Algiers, March 16,
2010,
point
11.
http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/docu
ments/sede/dv/sede130910minmeetingsahelregion_/sede1
30910minmeetingsahelregion_en.pdf.
10
Idem, p. 21.
Luis Simon, Alexander Mattelaer, and Amelia
Hadfield, A Coherent EU Strategy for the Sahel,
European Parliament, Directorate-General for External
Policies, Policy Department, 11 May 2012, p. 28.
http://www.europarl.europa.eu/committees/fr/studiesdow
nload.html?languageDocument=EN&file=73859.
12
Issa Doumbia, "Paix et sécurité au Nord-Mali: Le
président ATT explique le PSPSDN à l’Ecole de Maintien
de la Paix", L’Indicateur du Renouveau, 18 juillet 2011.
http://www.maliweb.net/news/securite/2011/07/18/article,
26095.html.
13
Cf. Interview d’ATT dans l’émission le "Débat
africain" du 26 février 2012 sur RFI sur le thème:
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l’ancien Président malien ait eu à l’esprit la
réaction que pouvait susciter une présence en
nombre de troupes venues du Sud du pays parmi
les populations du Nord.
Toujours par rapport au recours à la force
militaire, ATT déclarait encore en octobre 2011:
"nous ne sommes pas pour des actions
spectaculaires inutiles qui sont juste bonnes
pour amuser la galerie où pour faire plaisir à
certains, nous sommes pour des actions bien
réfléchies, pour des opérations bien organisées.
Ce n’est pas en demandant d’aller le matin, de
revenir l’après midi et que le surlendemain, les
gens reviennent là où ils étaient, cela n’est pas
conforme. Raison pour laquelle nous avons
demandé à l’ensemble de nos partenaires qu’il
faut une vision commune face à une menace
commune"14.
L’attitude du Mali a également été interprétée
par certains comme résultant d’une sorte
d’entente, un "pacte" de non agression entre les
autorités maliennes qui ne s’attaquaient pas à
AQMI qui, à son tour ne faisait pas des forces
de défense et de sécurité malienne la cible de
leur djihad, contrairement à ce qui était le cas
avec les forces de sécurité algériennes et
mauritaniennes. Toutefois, malgré ce "pacte",
quelques accrochages entre forces armées
maliennes et AQMI ont été enregistrés. C’est fut
notamment le cas avec l’assassinat par des
hommes
d’AQMI
d’un
officier
de
renseignement militaire le 10 juin 2009 à
Tombouctou qui a entraîné une riposte de
l’armée malienne qui fut ponctuelle et très peu
déterminante au final.
"Insécurité
au
Nord
Mali".
http://www.rfi.fr/emission/20120226-1-interview-attinsecurite-nord-mali.
14
B. Daou, "Sécurité: Le Comité d’état-major
opérationnel ?", Le Républicain, 22 novembre 2011.
http://www.afriquejet.com/situation-securitaire-danslespace-sahelo-saharien-2011112227825.html.
Cette attitude a également pu, selon certains,
résulter d’une analyse du coût politique et
militaire
qu’impliquerait
une
action
véritablement déterminée pour reprendre le
contrôle, notamment en engageant une lutte
active contre AQMI, d’un Nord loin du centre
du pouvoir politique et militaire, en proie
historiquement à des tensions et revendications
centrifuges, pendant assez longtemps négligé,
voire abandonné entre les mains de groupes
criminels et terroristes, bénéficiant de multiples
complicités, notamment de responsables locaux,
politique et sécuritaire, et difficile à sécuriser,
compte tenu de sa géographie, pour un bénéfice
économique limité15. Ce qu’a démenti l’ancien
Président malien ATT16, soulignant que depuis
près de cinquante ans, le Nord du Mali, compte
tenu de ses vulnérabilités et de son retard
socioéconomique, bénéficiait de la solidarité du
reste du pays17.
Il faudrait également relativiser cette attitude
quelque peu passive reprochée au Mali et la
mettre en parallèle avec les faibles capacités
financières et sécuritaires du Mali et le caractère
transnational, donc impossible à juguler pour un
seul pays, de la plupart des menaces auquel est
confronté le Mali dans son septentrion.
L’ancien président malien avait aussi milité
depuis 2006 pour la tenue d’une conférence de
15
Rapport d’information de la Commission des Affaires
étrangères de l’Assemblée nationale française sur "la
situation sécuritaire dans les pays de la zone sahélienne",
6
mars 2012, p. 65. http://www.assembleenationale.fr/13/rap-info/i4431.asp.
16
Voir aussi le discours prononcé le 20 janvier 2012 de
l’ancien Président malien, Amadou Toumani Toure, à
l’occasion du 49ème anniversaire de l’armée malienne;
discours évoquant en partie les efforts mis en œuvre par
son pays pour faire face aux problèmes sécuritaires.
http://maliatt2002-2012.net/spip.php?article2059.
17
Cf. Interview d’ATT dans l’émission le "Débat
africain" du 26 février 2012 sur RFI sur le thème:
"Insécurité
au
Nord
Mali".
http://www.rfi.fr/emission/20120226-1-interview-attinsecurite-nord-mali.
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Chefs d’Etat, rencontre qui était censée
permettre l’affirmation d’une volonté politique
ainsi que l’émergence d’une vision et d’intérêt
communs dans la lutte contre le terrorisme.
Cette réunion n’a jamais pu se tenir.
Cela étant, en plus de la trentaine de militaires
maliens qui ont perdu la vie dans la lutte contre
AQMI18, le Mali a également participé à des
actions sécuritaires collectives, notamment avec
la Mauritanie, à qui l’autorisation a été accordée
de mener des actions militaires dans le NordMali, mettant en œuvre une sorte de droit de
poursuite des terroristes qui viendraient à se
réfugier dans les zones frontalières entre les
deux pays. Selon le Général Gabriel
Poudiougou, Chef d’état major général des
Armées maliennes, les forces armées maliennes
auraient aussi menées des patrouilles à
l’intérieur des "grandes étendues désertiques et
[des] axes routiers pour la sécurisation des
chantiers et autres projets"19 entrepris dans
l’optique de marquer le retour de l’Etat malien.
En plus de l’option privilégiée pour le dialogue,
le compromis, la compromission20 ou encore les
"concessions politiques et économiques"21,
selon les interprétations et les cas, qui a
caractérisé la posture du Mali face aux défis
socioéconomiques et sécuritaires, un certain
nombre d’initiatives ont aussi été menées afin
de lutter contre le terrorisme. C’est précisément
dans cette optique qu’a été initié le Programme
Spécial pour la Paix, la Sécurité et le
18
Idem.
B. Daou, Idem.
20
Baba Ahmed, "Ce que Bamako proposait au MNLA
avant la rébellion", Jeune Afrique, 31 janvier 2012.
http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20120
131174153/.
21
Jean-François Bayart, "Le piège de la lutte antiterroriste en Afrique de l’Ouest", Blogs Médiapart, 28
juillet 2010. http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-francoisbayart/280710/le-piege-de-la-lutte-anti-terroriste-enafrique-de-louest.
19
Développement au ord-Mali (PSPSD), conçu
comme un programme d’urgence censé réduire
l’insécurité et lutter contre le terrorisme et
d’autres
crimes
transfrontaliers
et
particulièrement comme la traduction de la
"ferme détermination du Gouvernement à faire
face aux nombreuses menaces dans la zone afin
que des solutions urgentes y soient apportées
pour le rétablissement de la paix et de la
sécurité dans cette partie du pays"22.
L’ancien Président malien, ATT, résumait ainsi
la vision sous-tendant le PSPSDN en matière de
lutte contre le terrorisme, à savoir celle du
"binôme Sécurité-Paix, comme socle de tout
Développement"23, déclarant également que:
"(…) sa colonne vertébrale sera le
développement local pour offrir des alternatives
aux communautés des zones concernées,
singulièrement la jeunesse".
Salué par la plupart des observateurs nationaux
et internationaux, le PSPSDN a consacré la prise
de conscience de l’interaction entre les
problèmes de développement et de sécurité et
par conséquent la nécessité d’oeuvrer sur ces
deux volets afin d’apporter une réponse aussi
adéquate et durable que possible aux défis
auxquels le septentrion malien est confronté.
Le PSPSDN, s’inscrivant dans la stratégie
nationale de sécurité adoptée en 2009, a été créé
par un décret présidentiel signé le 20 juillet
22
S. Konate, "Paix, sécurité et développement dans le
Nord-Mali: même combat", L’Essor, 18 juillet 2011.
http://www.primature.gov.ml/index.php?option=com_con
tent&view=article&id=7258:paix-securite-etdeveloppement-dans-le-nord-mali-memecombat&catid=28&Itemid=100104.
23
"Mali-USA: l’octroi de matériels militaires dans le
cadre de la lutte contre le terrorisme et autres défis
transsahariens",
Xinhua,
29
octobre
2011.
http://www.afriquinfos.com/articles/2011/10/29/brevesdaf
rique-189826.asp.
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201024 et officiellement lancé le 9 août 201125.
Il s’inscrivait dans une dynamique qui s’était
déjà illustrée par l’adoption en juin 2010 d’une
Politique nationale de lutte contre l’insécurité et
le terrorisme dans le Nord du Mali26.
Ce programme a été doté d’un budget de 32
milliards de FCFA (près de 49 millions
d’euros)27 et avait pour "objectif global la
réduction de l’insécurité et du terrorisme au
ord Mali par le rétablissement de la présence
sécuritaire et administrative de l’État"28. Sa
mise en oeuvre qui devait se faire sur deux ans
(2010-2012) s’articulait autour de cinq
domaines:
sécurité,
gouvernance,
développement, communication et gestion.
Sur le plan de la sécurité, le programme
prévoyait, à travers notamment la construction
d’infrastructures et des équipements pour les
forces de sécurité, le renforcement du dispositif
national de sécurité dans les régions du Nord.
24
Décret du Président de la République du Mail n° 10381/PRM du 20 juillet 2010.
25
Adam Thiam, "Mali: ATT lance sa stratégie anti-AQMI
de développement du nord", Jeune Afrique, 10 août 2011.
http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20110
810085636/.
26
Les axes stratégiques de cette politique avaient été
validés en février 2010 lors d’un Comité de Défense, Cf.
Discours de Son Excellence Monsieur Amadou Toumani
TOURE, Président de la République, Chef de l’Etat, à
l’occasion de la réunion du Programme d’Intervention et
d’Eradication de l’Insécurité au Nord/Mali (Koulouba, 04
http://maliatt2002juin
2010),
2012.net/spip.php?article2165.
27
35% du budget du PSPSDN revenait à la sécurité, 45%
au développement, 15% à la gouvernance et environ 7% à
la communication. Cf. Paul Mben, "ESSAKANE 2012:
La contribution de taille du PSPSDN", 18 janvier 2012.
http://www.diasporaction.com/index.php?option=com_co
ntent&view=article&id=5421:essakane-2012-lacontribution-de-taille-dupspsdn&catid=7:culture&Itemid=12.
28
Cf.
Prospectus
du
PSPSDN,
http://eeas.europa.eu/delegations/mali/documents/projects
/paix_et_securite_fr.pdf.
Le PSPSDN avait été adjoint à une précédente
initiative, le Programme d’Urgence pour la
réduction de l’insécurité dans le nord du Mali
(PIRI), lancée courant 2010, censé être
exécuté entre 2010 et 2012 dans le but de
"réduire de manière significative, voire de
supprimer complètement les causes de
l’insécurité dans le ord Mali"29. Le PIRIN
devait être mis en œuvre à travers "la
construction ou la réhabilitation de casernes, de
postes avancés de sécurité, de brigades de
gendarmerie et de commissariats de police,
mais aussi la réalisation d’infrastructures au
profit des communautés locales, telles que les
centres de santé, les écoles, les forages équipés,
les
logements
d’astreinte et
bureaux
30
administratifs" . Il traduisait également la
volonté de rétablir l’autorité effective de l’Etat
malien dans le Nord du pays.
Pour l’heure, il n’y a pas eu d’évaluation de la
mise en œuvre du PSPSDN. Au cours d’une
réunion de son Comité d’orientation tenue à la
Présidence malienne le 2 décembre 2011, visant
à faire le point de l’exécution de la première
phase du projet (2010-2011), son Coordinateur,
Mohamed Ag Erlaf, a déclaré qu’elle avait ainsi
permis la réalisation de plusieurs projets dans la
Région de Kidal. Les projets de nature
sécuritaire
ont
notamment
porté
sur
l’équipement et la construction d’infrastructures
pour les forces armées opérant dans ces zones
ainsi que sur le renforcement des capacités des
forces armées, notamment leur formation et leur
mobilité31.
29
Kalilou Sidibé, Security Management in Northern Mali:
Criminal Networks and Conflict Resolution Mechanisms,
Institute of Development Studies, IDS Research Report
77,
August
2012,
p.
56.
http://www.ids.ac.uk/files/dmfile/RR77.pdf.
30
Idem.
31
"Régions du Nord: les bons comptes du Programme
Spécial pour la Paix, la Sécurité et le Développement",
L’Essor, 3 décembre 2011.
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Alors que côté Gouvernement malien le
satisfecit semblait prédominer, un certain
nombre de dysfonctionnements et de
vicissitudes32 propres au PSPSDN, qui sans
expliquer totalement l’impact limité qu’il a eu
sur le retour effectif de l’autorité de l’Etat
malien dans les régions du Nord, illustrent tout
de même certaines de ses faiblesses et limites, et
plus particulièrement l’importance de facteurs
externes. Toujours est-il que le PSPSDN n’a pas
empêché la résurgence de l’irrédentisme touareg
dès octobre 2011, et l’éclatement mi-janvier
2012 d’une nouvelle rébellion armée.
Il faut à cet effet reconnaître que ce programme
n’a pas eu le temps d’être mis en œuvre dans sa
totalité et de générer les effets qui en étaient
attendus. Le PSPSDN a ainsi été interrompu à la
suite de l’éclatement de la nouvelle rébellion
touareg; le coup d’état du 22 mars 2012 a sans
doute marqué le coup de grâce pour le
programme. Au registre des facteurs externes, il
faudrait évoquer le rôle particulièrement
déstabilisateur qu’a représenté le conflit en
Libye et tout ce qui en a résulté en termes de
32
Cf. International Crisis Group, Mali: éviter l’escalade,
Rapport Afrique n° 189, 18 juillet 2012, p. 7.
http://www.crisisgroup.org/~/media/Files/africa/westafrica/mali/189-mali-eviter-l-escalade. Sont notamment
évoqués un rôle trop important et exclusif même de la
Présidence au détriment d’une implication des Ministères
de tutelle des forces de sécurité, l’importance trop grande
du volet "sécurité" sur celui de "développement" avec en
filigrane la défiance des populations vis-à-vis d’une
présence militaire jugée nuisible, et l’absence de
consultation et de participation des populations au
programme. Voir aussi M’pè, "Le PSPSDN: Koulouba
indexé pour amateurisme", Lafia Révélateur, 2 septembre
2011.
http://www.afribone.com/index.php/IMG/flash/spip.php?a
rticle35815. Certaines activités du PSPSDN ont
également fait l’objet d’autres vicissitudes dans leur mise
en œuvre; ce fut notamment le cas avec une caserne en
construction dans la région de Kidal qui aurait fait l’objet
d’actes de vandalisme, conduisant à un arrêt des travaux,
Cf. Sékou Tamboura, "La caserne en chantier de Abeïbara
attaquée: Banditisme ou sabotage ?", L’Aube, 7 octobre
http://www.laube.ml/2011/10/07/la-caserne-en2011.
chantier-de-abeibara-attaquee-banditisme-ou-sabotage/.
flux de combattants et d’armes que le Mali n’a
certainement pas su maîtriser ou gérer.
L’action du Mali en matière de lutte contre le
terrorisme s’est également inscrite dans sa
participation à la coopération régionale entre les
pays dits du "champ", à savoir l’Algérie, la
Mauritanie et le Niger, dans le cadre notamment
du Comité d’état-major opérationnel conjoint
(CEMOC) sur lequel nous reviendrons, ainsi
que dans le cadre de la coopération bilatérale
avec des partenaires33 tels que les Etats-Unis et
la France.
Mauritanie
La Mauritanie représente, avec l’Algérie, l’un
des pays contre lesquels les groupes terroristes
présents dans la bande sahélo-saharienne,
précisément AQMI et le Mouvement pour
l’Unicité et le Djihad en Afrique de l’Ouest
(MUJAO), ont explicitement exprimé des griefs
et contre les forces de sécurité et de défense
33
Une coopération a été initiée avec la Russie à l’issue de
la signature le 27 mai 2009 à Moscou du Mémorandum
d’Entente sur le partenariat dans le domaine de la lutte
contre le terrorisme et la criminalité transnationale
organisée. Cette coopération a pris la forme d’un groupe
de travail sur la lutte contre le terrorisme et le crime
organisé. Ce groupe de travail s’est déjà réuni à deux
reprises; la deuxième et dernière réunion s’étant tenue à
Bamako (Mali) en décembre 2011. Cette rencontre a
principalement permis "de se pencher sur des sujets
comme l’impact des évènements en Libye sur la situation
dans la sous-région [et] les perspectives de la coopération
en matière de lutte contre le terrorisme". Cf.
Houleymatou Diallo, "SEM Soumeylou Boubeye
MAIGA rencontre le groupe de travail Russo-malien sur
la lutte contre le terrorisme et le crime organisé",
BIP/MAECI,
23
décembre
2011.
http://www.diplomatie.gouv.ml/voir_actu.aspx?lactu=293
; Discours de la Secrétaire Générale du Ministère des
Affaires étrangères et de la Coopération internationale du
Mali, Madame Traore Rokiatou Guikine lors de la
Rencontre du Groupe de travail Russo-malien sur la lutte
contre le terrorisme et le crime organisé, 21 décembre
2011.
http://www.diplomatie.gouv.ml/voir_actu.aspx?lactu=292
.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P age |9
desquels ils ont mené le plus grand nombre
d’actes34.
Face à cette menace, les autorités
mauritaniennes ont sans ambiguïté opté pour la
manière forte, érigeant la lutte contre AQMI en
priorité nationale. C’est cette détermination
qu’exprimait
le
Président
mauritanien,
Mohamed Ould Abdel Aziz, lorsque, lors d’un
débat télévisé le 5 août 2011, lui donnant
également l’occasion de tirer un bilan de ses
deux premières années de présidence. Au cours
de cette intervention il déclarait ainsi: "ous ne
sommes pas prêts à subir le diktat du terrorisme
(…)"35.
Cette posture, sous-tendue par la définition
d’une Stratégie nationale de lutte contre le
terrorisme (SNLT)36 s’est articulée autour de
quatre composantes: doctrinale et religieuse,
culturelle et académique, communication,
politique, et justice, défense et sécurité37. Cette
stratégie globale qualifiée de "dynamique et
34
En décembre 2007 des hommes d’AQMI assassinent
quatre Français à Aleg (Est de la Mauritanie); en
septembre 2008, douze militaires mauritaniens perdent la
vie à la suite d’accrochages avec AQMI; en juin 2009 un
citoyen américain est assassiné à Nouakchott; le 8 août
2009 un kamikaze tente et manque un attentat-suicide
manqué à l’extérieur de l’Ambassade de France; au cours
du même mois d’août 2010 un attentat a lieu à l’aide d’un
camion chargé d’explosifs contre un camp militaire à
Nema, 1200 km à l’Est de Nouakchott.
35
"Mauritanie: le président Abdel Aziz refuse le "diktat
du
terrorisme",
AFP,
6
août
2011.
http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5i
kqdFJrJWsckM4CsZ6qADl6SyMgQ?docId=CNG.1744d
33eeff7cdbe960d07ecf6822665.61.
36
"La Mauritanie prépare une Stratégie de lutte contre le
terrorisme",
GPS,
24
octobre
2012.
www.pgs.mr/index.php/politique/1211-la-mauritaineprepare-une-strategie-de-lutte-contre-le-terrorisme; L.I.,
"Un document confidentiel révèle le plan antiterrorisme:
la stratégie mauritanienne contre Al-Qaïda", Les Débats,
16
avril
2012.
www.lesdebats.com/editions/160412/monde.htm.
37
European Union External Action Service, Strategy for
Security and Development in the Sahel, p. 5.
www.eeas.europa.eu/africa/docs/sahel_strategy_en.pdf.
offensive", a sans doute contribué à faire de la
Mauritanie "le pays qui a été le plus efficace et
le plus actif militairement contre la menace que
représente AQMI"38, conduisant même son
Président à décrire la situation sécuritaire
comme "maîtrisée" et à ajouter "nous avons
repoussé la terreur hors du territoire national
(…)"39.
En ce qui concerne l’action militaire, les forces
de défense mauritaniennes sont ainsi
intervenues plusieurs fois en territoire malien
(en collaboration notamment avec l’armée
malienne) afin de déloger les terroristes
d’AQMI qui s’y étaient réfugiés, notamment
dans la zone frontalière de la forêt du Wagadou.
Afin d’arriver à ce résultat la Mauritanie a "(…)
renforcé [ses] capacités militaires en nombre,
en qualité et en quantité",40 multipliant "par 300
à 400 ses capacités logistiques, renforcé
d’autant la qualité de son armement", avec
notamment l’achat d’avions militaires. Le pays
disposerait ainsi de trois Embraer 312 Tucano
servant à des missions de surveillance41.
En novembre 2009, la Mauritanie, dans sa
volonté de mieux contrôler les mouvements
terroristes sur son territoire, a créé une agence
38
Rapport d’information de la Commission des Affaires
étrangères de l’Assemblée nationale française sur "la
situation sécuritaire dans les pays de la zone sahélienne",
6 mars 2012, pp. 62-63. http://www.assembleenationale.fr/13/rap-info/i4431.asp.
39
Amadou Seck, "Croisade antiterroriste: principale
satisfaction du président mauritanien, après 2 ans de
pouvoir",
Les
Afriques,
http://www.lesafriques.com/actualite/croisadeantiterroriste-principale-satisfaction-du-presidentmauritanien-apres-2-ans-depou.html?Itemid=89?articleid=29748.
40
"Mauritanie: le président Abdel Aziz refuse le "diktat
du terrorisme", Idem.
41
Rapport d’information de la Commission des Affaires
étrangères de l’Assemblée nationale française sur "la
situation sécuritaire dans les pays de la zone sahélienne",
6
mars 2012, p. 72. http://www.assembleenationale.fr/13/rap-info/i4431.asp.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 10
de sécurité routière chargée de suivre les
activités terroristes et toutes les formes de trafic
sur les routes nationales42.
Outre l’aspect sécuritaire, les autorités
mauritaniennes ont initié un dialogue avec les
salafistes et djihadistes qui avaient été
appréhendés. Ce dialogue a pris la forme d’une
proposition d’amnistie au profit des djihadistes
qui se repentaient et de rencontres entre ceux
encore en prisons et des dignitaires religieux du
pays; l’objectif étant semble-t-il d’initier des
efforts de dé-radicalisation ou visant à contrer
les discours extrémistes. A cet effet, le
Gouvernement a notamment procédé à un
recensement des mosquées (y compris ceux au
sein desquelles un Islam radical serait professé)
et ouvert une station de radio coranique43.
Le dialogue s’est aussi accompagné de
propositions de réinsertion dans la vie civile
pour les salafistes qui abandonnaient le djihad;
ceux-là devaient ainsi bénéficier de prêts
individuels censés les aider à monter des
projets44.
iger
Le Niger est confronté, toutes proportions
gardées, à des défis similaires que le Mali dans
42
US State Department, Country Reports on Terrorism
2009, August 2010, p. 26.
43
US State Department, Country Reports on Terrorism
2010, August 2011, p. 20.
44
Mohamed Mohamedou Khattat, "L’expérience
mauritanienne:
un
bon
exmple",
Zawaya,
www.zawaya.magharebia.com/fr/zawaya/opinion/502;
"La stratégie mauritanienne en matière de lutte contre le
terrorisme a enregistré des ‘résultats positifs’ (Analyste)",
marocjournal.net,
25
janvier
2011.
www.leveridique.info/article1521.html; Madjid Makedhi,
"Le terrorisme sème la peur dans le pays: Le
Gouvernement mauritanien s’engage à lutter fermement
contre le phénomène", El Watan, 28 octobre 2010.
www.algeriewatch.org/fr/article/pol/geopolitique/mauritanie_engagem
ent.htm.
ses zones sahalo-sahariennes, notamment
d’ordre
politique,
socioéconomique
et
sécuritaire:
pauvreté
chronique,
sousdéveloppement, enracinement et consolidation
de la paix et de la démocratie, environnement
physique austère, vulnérabilité aux aléas
climatiques (sècheresse, inondation, invasion de
criquets, etc.), chômage des jeunes, insécurité
alimentaire, menace terroriste (principalement
posée par AQMI), trafic de drogue, criminalité
transfrontalière,
banditisme,
tensions
intercommunautaires, rapatriés de Libye,
circulation d’armes en provenance de Libye, etc.
A la menace terroriste par le Nord, il faudrait
également ajouter celle provenant du Sud, du
fait des agissements du groupe Boko Haram
actif dans le Nord du Nigeria, et qui semble-t-il
exerce une pression de plus en plus croissante
dans les régions Sud du Niger45.
Toute comme le Mali, les autorités nigériennes
ont également abordées la situation dans ses
zones septentrionales sous le prisme de
l’équation développement-sécurité. C’est dans
ceyye optique qu’a été définie une Stratégie
pour le Développement et la Sécurité des zones
Sahélo-sahariennes (SDS Sahel-Niger)46 dont
l’objectif est "de contribuer au développement
économique et social au iger en général et
dans les zones sahariennes et sahélosahariennes en particulier, en créant les
conditions durables de paix et de sécurité". Le
renforcement de la sécurité des biens et des
personnes est le premier des cinq axes
d’intervention de cette stratégie; il porte
45
Sudarsan Raghavan, “Niger struggles against Islamist
militants”, Washington Post, August 17, 2012.
http://www.washingtonpost.com/world/niger-strugglesagainst-militant-islam/2012/08/16/9b712956-d7f4-11e198c0-31f6f55bdc4a_story.html.
46
La SDS a été adoptée en Conseil des Ministres le 26
octobre 2011.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 11
particulièrement sur l’amélioration de la sécurité
des frontières47.
Conscient du contexte "marqué par: la
recrudescence de l’insécurité liée à l’activisme
des groupes terroristes transfrontaliers et la
persistance du banditisme armé"48, le Niger
s’est distingué par la fermeté49 et la
détermination affichée par ses autorités; la lutte
contre l’insécurité et les trafics divers a ainsi été
érigée au rang de priorité nationale.
Cette détermination s’est caractérisée par un
certain nombre de succès50, l’armée nigérienne
47
Gouvernement du Niger, Stratégie pour la sécurité et le
développement des zones sahélo-sahariennes, 2011, pp. 56.
48
Cabinet du Premier Ministre, "Déclaration de Politique
Générale" présentée par SEM Brigi Rafini Premier
Ministre nigérien, 16 juin 2011.
49
Le Ministre des Affaires étrangères du Niger, Mohamed
Bazoum, réaffirmait encore récemment cette posture en
déclarant que "l’option militaire est la seule qu’il y a lieu
de retenir lorsqu’il s’agit de se battre contre AQMI, et
tous ceux qui accepteraient d’être avec cette organisation
jusqu’au bout" Invité matin de RFI, 4 juin 2012.
http://www.rfi.fr/emission/20120604-mohamed-bazoumministre-nigerien-affaires-etrangeres.
50
Notamment la neutralisation en août dernier par la
police nigérienne de quatre individus armés suspectés
d’être en repérage dans l’optique d’un enlèvement (Cf.
"Niger: accrochage entre des bandits armés et les forces
de
sécurité",
PAA,
9
août
2012.
www.afriquejet.com/niger-accrochage-entre-des-banditsarmes-et-les-forces-de-securite-2012080943013.html) ou
encore l’accrochage qui aurait eu lieu en septembre 2011
dans les montagnes de l’Aïr, au Nord du Niger entre des
militaires nigériens et des membres supposés d’AQMI.
Cette opération aurait également permis l’arrestation de
plusieurs dizaines de jeunes recrues (Cf. Mansour Guéro,
"Recrutement des mercenaires par AQMI: 59 jeunes
recrues terroristes interceptés au Niger, Le Démocrate, 19
septembre
2011.
www.nigerdiaspora.info/index.php/nigerdiaspora-lacommunaute-virtuelle-du-niger/politique/8255recrutement-des-mercenaires-par-aqmi-59-jeunes-recruesterroristes-interceptes-au-niger). En juin 2012, l’armée
nigérienne a eu des accrochages avec des bandits armés à
bord de 3 véhicules 4x4 à 80 km au Nord d’Arlit; à sa
suite, elle a saisi 640 explosifs et 435 détonateurs en plus
de 90.000 dollars laissés par les bandits. Voir notamment
"Niger: AQMI traquée, succès pour les nouvelles
autorités",
RFI,
18
juin
2011.
parvenant parfois à intercepter des convois et à
assurer, malgré tout, une certaine présence dans
le Nord du pays, contribuant au final "à éviter
toute installation permanente de groupes liés à
AQMI même si les katibas terroristes continuent
encore d’utiliser son territoire pour circuler, en
particulier du nord du Mali vers la Libye"51 ou
encore de tenter des incursions pour y mener des
enlèvements52.
En matière d’antiterrorisme, cette posture s’est
articulée autour d’une réponse militaire et
sécuritaire, précisément par des efforts visant à
renforcer les moyens des forces de défense et de
sécurité. Cet objectif s’inscrivait dans un
contexte caractérisé, entre autres, par des
faiblesses telles que les ressources inadéquates à
la disposition de ces forces et du Comité
National contre le Terrorisme53.
Pour ce faire, une augmentation des dépenses de
défense, notamment pour l’année 2012, a été
décidée, afin de mettre plus de ressources à la
disposition des forces de défense et de sécurité
nigériennes et de renforcer leurs capacités
d’intervention54. Depuis le mois de mars 2012,
www.rfi.fr/afrique/20110618-succes-nouvelles-autoritesnigeriennes. Depuis mars 2012, les forces de sécurité
nigériennes auraient aussi intercepté au moins 13
sympathisants ou combattants de Boko Haram tentant de
se rendre dans le Nord-Mali (Cf. Sudarsan Raghavan,
Idem.).
51
Rapport d’information de la Commission des Affaires
étrangères de l’Assemblée nationale française sur "la
situation sécuritaire dans les pays de la zone sahélienne",
6
mars 2012, p. 64. http://www.assembleenationale.fr/13/rap-info/i4431.asp.
52
Il faut à cet effet évoquer plusieurs enlèvements
survenus sur le sol nigérien, tels que celui en septembre
2010 à Arlit, dans le Nord du pays, de sept employés
(cinq Français, un Togolais et un Malgache) de la société
française Areva et celui de deux jeunes français enlevé en
janvier 2011 dans un restaurant à Niamey, la capitale
nigérienne.
53
2007 National Report of the Niger to the CounterTerrorism Committee, S/2008/121, 25 March 2008, p. 21.
54
"Niger: Le budget en hausse de 139 milliards de franc
CFA après deux modifications", Xinhua, 26 juillet 2012.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 12
ce seraient plus de 80 millions de dollars US du
budget national qui auraient été réalloués aux
besoins militaires et sécuritaires55; près de 44
milliards de FCFA supplémentaires auraient été
alloués au budget de la défense pour l’année
2012, destinés principalement à l’achat de
d’équipement, le faisant passer de 35 à 73
milliards de FCFA56.
L’acquisition par le Niger de deux avions
d’observation bimoteurs DA42, afin d’accroître
ses moyens de surveillance, s’est également
inscrite dans cette perspective; un effort
toutefois jugé insuffisant compte tenu de
l’immensité de son territoire57.
Les efforts du Niger ont également porté sur la
mise sur pied et le déploiement dans certaines
zones sensibles du Nord d’éléments militaires,
spécialement dédiées à la lutte contre le
terrorisme et dans des actions de surveillance.
Un objectif avait à cet effet été fixé de mettre
sur pied, d’ici 2012, deux bataillons d’environ
1200 hommes dédiés à la lutte contre AQMI58.
Cela étant, environ 2500 militaires ont été
déployés aux frontières avec le Mali et la
Libye59, afin de sécuriser les points passage
http://issikta.blogspot.com/2012/07/niger-le-budget-enhausse-de-139.html.
55
Sudarsan Raghavan, Idem.
56
Hassane Boukar, "Première rectification de la Loi des
Finances 2012. Le budget de la Défense doublé !",
Alternative
iger,
7
juin
2012.
www.alternativeniger.org/spip.php?article570;
"Niger:
polémique autour de 44 milliards de FCFA pour l’achat
d’armement",
Xinhua,
3
juin
2012.
www.afriscoop.net/journal/spip.php?article5592.
57
Rapport d’information de la Commission des Affaires
étrangères de l’Assemblée nationale française sur "la
situation sécuritaire dans les pays de la zone sahélienne",
6
mars 2012, p. 64. http://www.assembleenationale.fr/13/rap-info/i4431.asp.
58
Idem.
59
Nicolas Gros-Verheyde, "L’opération PSDC Niger: 5
menaces pèsent sur le pays. Les objectifs de la mission",
Bruxelles
2,
19
mars
2012.
http://www.bruxelles2.eu/zones/sahel/loperation-psdc-
avec ces deux pays et de limiter les
déplacements ou intrusions de terroristes ainsi
que la contrebande d’armes.
igeria
Le Nigeria est depuis plusieurs années,
particulièrement depuis 2009, confronté à une
insurrection menée par le mouvement
communément dénommé Boko Haram, agissant
et frappant principalement le Nord-Est du pays.
Les agissements de ce groupe ont fortement
déstabilisé le septentrion nigérian ainsi que les
zones frontalières avec le Niger et le Cameroun
notamment, y compris du point de vue
socioéconomique. Les actions particulièrement
violentes de Boko Haram ont aussi entraîné la
mort de plusieurs centaines de personnes; pour
la seule année 2012 on approche les 900
victimes.
Comme dans les autres pays, la lutte contre
Boko Haram doit emprunter une approche
globale et la mise en oeuvre d’une pluralité de
mesures politique, socioéconomique, religieuse
et sécuritaire.
La disparition éventuelle de Boko Haram se fera
par le biais d’une combinaison d’actions
incluant le recours à la force, le maintien de
l’ordre, le renseignement local et des efforts
visant à diminuer la résonance de l’idéologie du
groupe auprès des communautés locales60.
Cela étant, jusqu’à présent, la réponse des
autorités Fédérales nigériennes a principalement
été sécuritaire et militaire. Pour d’aucuns, elle
niger-5-menaces-pesent-sur-le-pays-les-objectifs-de-lamission.html.
60
James J.F. Forest, Confronting the Terrorism of Boko
Haram in Nigeria, Joint Special Operations University
Report, May 2012, p. 90.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 13
s’est résumée en une réponse violente à la
violence du mouvement fondamentaliste61.
Ainsi, en juin 2011, a été mis sur pied dans la
ville de Maiduguri (capitale de l’état de Borno
dans le Nord-Est du Nigeria), fief de Boko
Haram et épicentre de son insurrection, une
unité militaire spéciale, dénommé Joint Military
Task Force (JTF), composée d’éléments de
l’armée62, de la marine, de l’armée de l’air, du
Département de la Sécurité d’Etat et de la
police63.
Ce déploiement militaire s’est accompagné de
mesures allant de l’établissement de postes de
contrôle routiers à l’instauration de l’état
d’urgence dans plusieurs Etats du Nord, dont
ceux de Borno, Niger, Plateau et de Yobe. Un
couvre-feu a également été instauré dans
d’autres Etats tels que celui d’Adamaoua.
Ce déploiement a été critiqué par son caractère
particulièrement excessif et non respectueux
d’un certain nombre de règles légales et des
61
Hussein Solomon, “Counter-Terrorism in Nigeria.
Responding to Boko Haram”, The RUSI Journal,
August/September 2012, Vol. 157, n° 4, p. 6.
http://dx.doi.org/10.1080/03071847.2012.714183; James
J.F. Forest, Confronting the Terrorism of Boko Haram in
Nigeria, Joint Special Operations University Report, May
2012, p. 90; Alex Thurston, “The state response to
violence in Northern Nigeria”, 13 June 2011.
http://thewasat.wordpress.com/2011/06/13/the-stateresponse-to-violence-in-northern-nigeria/.
62
Lors d’une rencontre qui aurait eu lieu le 8 février 2010
entre l’Assistant Secrétaire d’Etat américain aux Affaires
africaines, Johnnie Carson, et le Chef d’Etat-major de
l’armée nigériane, le Lieutenant General Abdulrahman
Bello Dambazau, ce dernier aurait fait état, selon un câble
diplomatique américain révélé par Wikileak, de son
intention de convertir un de ses bataillons de parachutistes
en une unité de forces spéciales et de contre-terrorisme,
Cf. Cable 10ABUJA181, Nigerian Army Chief of Staff:
we
believe
in
Democracy
,http://wikileaks.org/cable/2010/02/10ABUJA181.html#.
63
Amnesty International, “Nigeria: Human Rights
Agenda
2011-2015”,
2011,
p.
30.
www.amnesty.org/en/library/asset/AFR44/014/2011/en/5
a1b7540-3afc-43ec-978c3eab4c10d9ff/afr440142011en.pdf.
droits humains, avec des arrestations et
détentions arbitraires, des exécutions sommaires
et extrajudiciaires, des extorsions et actes
d’intimidations64. Les actions des forces de
sécurité nigérianes auraient également pris la
forme de destruction de biens privés,
particulièrement lors des interventions dans des
domiciles, sous couvert des opérations de
recherches de cages d’armes du mouvement;
pratiques qui leur a aliéné une partie
significative de la population.
L’approche sécuritaire a été globalement
reconnue comme n’ayant eu que peu d’effet65 et
ayant même été contreproductive, conduisant à
l’exacerbation des tensions déjà existantes66
En 2007, un Point Focal National sur le
Terrorisme a été créé; il se présentait comme
une Task Force inter-agence composé du State
Security Service (les services de renseignement
du pays), des services des douanes et des
Ministères des Affaires étrangères et de
l’Immigration). Ce mécanisme a toutefois été
reporté comme inopérant en 201167.
64
Amnesty International, “Nigeria: Human Rights
Agenda
2011-2015”,
2011,
p.
30.
www.amnesty.org/en/library/asset/AFR44/014/2011/en/5
a1b7540-3afc-43ec-978c3eab4c10d9ff/afr440142011en.pdf.
65
Ibrahim Garba, “Nigerian government enters talks with
Boko Haram”, Christian Science Monitor, 21 August
2012.
http://m.csmonitor.com/World/Africa/2012/0821/Nigerian
-government-enters-talks-with-BokoHaram?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&ut
m_campaign=Feed:+feeds/csm+%28Christian+Science+
Monitor+|+All+Stories%29.
66
Hussein Solomon, “Counter-Terrorism in Nigeria.
Responding to Boko Haram”, The RUSI Journal,
August/September 2012, Vol. 157, n° 4, p. 6.
http://dx.doi.org/10.1080/03071847.2012.714183.
67
US Steate Department, Country Reports on Terrorism
2011, July 2012, pp. 24-25. L’occasion d’évoquer
également une réalité mise en lumière par un câble
diplomatique américain révélé par Wikileak et qui fait état
du fait que jusqu’à une période récente le Ministre des
Affaires étrangères nigérian ne bénéficiait pas des
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 14
En 2011, une Commission composée de huit
personnalités a été mis sur pied par le Président
nigérian Goodluck Jonathan afin réfléchir sur
les défis sécuritaires dans le Nord-Est du pays et
de recommander des solutions68 susceptibles de
mettre un terme à l’insurrection menée par Boko
Haram. Son rapport remis au Président en août
2011; il revient notamment sur les facteurs
historiques,
religieux,
politiques,
socioéconomiques et sécuritaires qui sont à la
base du mouvement et de la crise sécuritaire que
ses agissements ont engendré (services de
renseignement
et judiciaires ineffectifs,
pauvreté, faible présence du Gouvernement
Fédéral)69. Des doutes ont été émis sur la
considération qui serait apporté à ce rapport
ainsi qu’à ses recommandations, et plus
globalement sur l’utilité que l’exercice aura
représenté au final. Cela étant, plusieurs mois
plus un "White Paper" gouvernemental a été
publié sur la ase de ce rapport. Il reste encore à
savoir dans quelle mesure il conduira à des
actions concrètes.
Un autre facteur source de préoccupation porte
sur le grand nombre d’éléments attestant de la
dimension transfrontalière de Boko Haram,
dimension également soulevée par le rapport du
Commission ci-dessus évoquée. Il s’agit entre
autres du caractère multinational de ses
membres (avec la présence de Nigériens,
informations sur un certain nombre de réalités portant
notamment sur les liens entre son pays et le terrorisme
international, Cf. Cable 10ABUJA38, Foreign Minister
receives
no
intel
or
security
briefings,
http://wikileaks.org/cable/2010/01/10ABUJA38.html#.
68
Theophilus Abbah, “White paper on insecurity: Report
Links Boko Haram with London Scholar”, Sunday Trust,
3
June
2012,
http://sundaytrust.com.ng/index.php?option=com_content
&view=article&id=10372:white-paper-on-insecurity-report-links-boko-haram-with-londonscholar&catid=54:lead-stories&Itemid=127.
69
Idem.
Camerounais et de Tchadiens dans ses rangs70),
de son recrutement71, la provenance de ses
armes72, le rôle que les pays voisins ont joué ou
continuent à jouer comme lieu de refuge des
membres du mouvement (notamment le
Cameroun et le Niger) ou de passage,
notamment pour établir des liens avec d’autres
groupes terroristes actifs sur le continent (AQMI
et les Shebab somaliens notamment)73 ou audelà74.
Pour l’heure, malgré ces nombreuses
indications, rien de véritablement significatif n’a
été entrepris attestant de la prise en compte de
cette réalité. Il est vrai que le gros des actions du
groupe fondamentaliste a lieu à l’intérieur du
Nigeria, et qu’il est considéré comme un
"problème" nigérian, mais, comme cela a déjà
70
“Foreigners from Niger, Chad, Cameroon responsible
for bombings — Kaduna CP”, Leadership ews, 22 June
2012.
http://www.informationnigeria.org/2012/06/foreignersfrom-niger-chad-cameroon-responsible-for-bombingskaduna-cp.html; “Boko Haram and the Cameroonian
connection: How Cameroon’s tradition of noninterference may be boosting terrorism”, Inkerman
Insights,
23
January
2012.
http://blog.inkerman.com/index.php/2012/01/23/bokoharam-and-the-cameroonian-connection-cameroonstradition-of-non-interference-may-be-boosting-terrorism/.
71
Solomon Tembang Mforgham, “Boko Haram infiltrates
Cameroon”,
Africaews,
11
January
2012.
http://www.africanews.com/site/Boko_Haram_infiltrates_
Cameroon/list_messages/40827.
72
Chimezie Enyiocha, “Boko Haram’s Sources of Arms”,
ewswatch,
22
July
2012.
http://www.newswatchngr.com/index.php?option=com_c
ontent&task=view&id=4348&Itemid=48.
73
William Assanvo, Etat de la menace terroriste en
Afrique de l’Ouest. Observatoire de la Vie Diplomatique
en Afrique (OVIDA), ote d’analyse n° 12, juillet 2012,
pp.
18-19,
http://www.ovida-afrido.org/fr/ovidapdf/Menace_Terroriste_AfriqueOuest_12_Juillet12_.pdf.
74
En juillet 2012 un procès s’est ouvert au Nigeria
impliquant deux Nigérians suspectés d’avoir reçu des
milliers de dollars US d’Al-Qaïda dans la Péninsule
Arabique (AQPA) afin de recruter de potentiels terroristes
à envoyer au Yémen, Cf. Dina Temple-Raston, "Al-Qaida
Arm in Yemen Flexes its Muscles in Nigeria", PR, 12
July 2012. http://www.npr.org/2012/07/12/156641658/alqaida-arm-in-yemen-flexes-its-muscles-in-nigeria.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 15
été vu précédemment, il n’est pas dit que dans
l’avenir la menace qu’il pose ne traversera pas
les frontières pour toucher certains pays voisins.
Quelques initiatives devraient toutefois être
signalées. Ainsi, le Président tchadien, Idriss
Deby, conscient du danger potentiel que
représentait Boko Haram pour les voisins du
Nigeria, a proposé, lors du 14ème Sommet des
Chefs d’Etat et de Gouvernement de la
Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT)
qui s’est tenu à N’Djamena (Tchad) le 30 avril
2012, la constitution d’une Force de sécurité
conjointe chargée de faire face à la menace
posée par le groupe. Cette Force est prévue être
composée de membres des forces armées des
pays membres de la CBLT: Cameroun, Niger,
Nigeria, République Centrafricaine et Tchad;
chaque pays devant fournir au moins un
bataillon équipé.
La question a également été gérée sur le plan
bilatéral. Le 29 décembre 2011 les Présidents du
Cameroun et du Tchad se sont rencontrés à
Yaoundé (Cameroun) afin d’évoquer la menace
posé par le groupe nigérian à la sécurité
régionale75. Le 29 février 2012, le Cameroun et
le Nigeria ont signé un accord-cadre établissant
une Commission bilatérale de sécurité
transfrontalière ayant pour objectif d’intensifier
la
coopération
sur
les
questions
transfrontalières. A travers cet accord les deux
pays se sont engagés à échanger des
informations et expériences sur les questions de
sécurité, à mener des enquêtes, et études sur
l’insécurité transfrontalière ainsi que des
opérations de surveillance conjointe. Des
mécanismes de coopération bilatérale similaires
75
Bisong Etahoben, “Chad, Cameroon to discuss Boko
Haram menace”, Africa Review, 29 December 2012,
http://www.africareview.com/News/Chad+Cameroon+to+
discuss+Boko+Haram+menace/-/979180/1297080//151w02jz/-/index.html.
existent ou sont censés se mettre en place entre
le Nigeria et ses autres voisins.
UE REPOSE REGIOALE QUI
PEIE À SE METTRE E PLACE
La prise en compte de la menace terroriste par
certains pays d’Afrique de l’Ouest, y compris au
niveau régional, n’est pas une réalité récente.
Ainsi, bien que la sous-région n’avait pas,
jusqu’à ces dernières années, été la victime et le
théâtre de la menace avec l’importance qu’on
lui connaît actuellement, elle devrait tout de
même trouver dans le fait qu’"aucun pays n’est
à l’abris"76 (fait qui met encore du temps à
s’inscrire dans l’esprit des dirigeants de certains
pays77) une motivation suffisante pour s’y
prémunir et s’y attaquer.
Cela étant, un certain nombre d’initiatives ont
tout de même été entreprises afin de prendre
conscience de la réalité de la menace, de
sensibiliser les pays et acteurs nationaux
concernés ainsi que sur les moyens susceptibles
d’être mise en œuvre pour y faire face.
Ce fut notamment le cas avec la stratégie
commune de lutte contre le terrorisme et la
criminalité en Afrique qui aurait été élaborée à
l’issue d’un colloque qui s’est tenue à
Nouakchott (Mauritanie) les 20 et 21 septembre
76
Le Président nigérien, Mahamadou Issoufou, et l’ancien
Premier ministre malien, Cisse Mariam Kaïdama Sidibe le
notaient à juste titre lors du débat général à l’Assemblée
Générale de l’ONU en septembre 2011. Cf. William
Assanvo, L’Afrique exprime ses préoccupations lors du
débat général de la 66ème session de l’Assemblée Générale
de l’ONU, Observatoire de la Vie Diplomatique en
Afrique (OVIDA), ote de synthèse n°23, octobre 2011,
p.
8.
http://www.ovida-afrido.org/fr/ovidapdf/Synth%C3%A8se_D%C3%A9batG%C3%A9n%C3
%A9ralAGONU_23_Octobre11.pdf.
77
Selon des câbles diplomatiques américains révélés, tel
était, jusqu’à récemment encore, l’état d’esprit de
certaines autorités nigérianes qui n’avaient pas conscience
de la possibilité pour leur pays d’être exposé et à plus
forte raison victime du terrorisme international.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 16
2004 rassemblant, dans le cadre d’Interpol, des
experts policiers de dix-neuf pays, parmi
lesquels plusieurs d’Afrique de l’Ouest, à savoir
du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire,
de la Mauritanie, du Sénégal et du Togo78.
Par cette stratégie, ces pays s’engageaient à
mener
des
"opérations
conjointes
transfrontalières pour lutter plus efficacement
contre les menaces terroristes et criminelles".
L’échange d’informations figurait également au
registre des actions à entreprendre. Les pays
étaient ainsi encouragés "à recueillir et à
envoyer
toutes
les
informations
et
renseignements utiles (…) concernant les
groupes terroristes" actifs sur le continent.
A cette époque, la zone frontalière située entre
l’Algérie, la Mauritanie, le Mali et le Niger était
déjà présentée comme constituant l’une des
zones de repli de groupes terroristes,
précisément du Groupe Salafiste pour la
Prédication et le Combat (GSPC), "ancêtre"
d’AQMI, qui s’était illustré par des actes de
terrorisme, notamment de prises d’otage79 et des
accrochages avec les forces de sécurité
maliennes, nigériennes et tchadiennes, dans
cette région désertique échappant ou
difficilement contrôlable par les autorités des
pays concernés.
Il faudrait également évoquer le séminaire de
formation
aux
techniques
policières
d’investigation en matière de lutte contre le
terrorisme qui s’est tenu les 14 et 15 février
2005 à Ouagadougou (Burkina Faso) avec la
participation de dix pays d’Afrique: Algérie,
Bénin, Ghana, Guinée, Mali, Maroc, Niger,
Tchad et Sénégal, et des Etats-Unis et de la
France. Au cours de ce séminaire, plusieurs
thèmes, parmi lesquels la situation du terrorisme
en Afrique subsaharienne, les techniques
d’investigation, les mesures de lutte et la
coopération entre les acteurs impliqués, ont été
abordés80.
Lors du débat général introduisant la 66ème
session de l’Assemblée générale de l’ONU qui
s’est tenu à New York du 21 au 27 septembre
2011, le Président de la Côte d’Ivoire, Alassane
Ouattara, avait fait état de discussions en cours
avec certains partenaires occidentaux visant à
faire de la Côte d’Ivoire "une plateforme de
défense et de sécurité au niveau régional, dans
la perspective de la lutte anti-terroriste"81. Il
reste à voir si cette annonce reste d’actualité et
quand, et sous quelle forme, elle se
matérialisera. Pour l’heure, la coopération
entreprise par les "pays du champ" demeure le
cadre à l’intérieur duquel s’est initiée une
réponse régionale contre le terrorisme.
La coopération poussive des "pays du
champ"
"(…) Le succès [du] combat [contre le
terrorisme international] dépendra dans une
grande mesure de notre capacité collective à
renforcer l’arsenal juridique, à améliorer nos
80
78
Les autres pays participant comprenaient l’Algérie, le
Burundi, le Cambodge, l’Egypte, les Etats-Unis, la
France, le Lesotho, le Maroc, le Royaume-Uni, le Soudan,
le Tchad, le Turquie et le Zimbabwe. Cf. Z.M, "Lutte
contre le terrorisme en Afrique: Dix-neuf pays élaborent
une stratégie", Le Jeune Indépendant, 23 septembre 2004.
http://www.algeriawatch.org/fr/article/pol/us/19_pays.htm.
79
Précisément celle de 32 touristes européens entre
février et août 2003.
Issa K. Barry, "Lutte contre le terrorisme: Les méthodes
Zarqaoui disséquées à Ouaga ?", L’Observateur, 15
février 2005. http://www.lefaso.net/spip.php?article6046.
81
William Assanvo, L’Afrique exprime ses
préoccupations lors du débat général de la 66ème session
de l’Assemblée Générale de l’ONU, Observatoire de la
Vie Diplomatique en Afrique (OVIDA), ote de synthèse
n°23, octobre 2011, p. 9. http://www.ovidaafrido.org/fr/ovidapdf/Synth%C3%A8se_D%C3%A9batG%C3%A9n%C3
%A9ralAGONU_23_Octobre11.pdf.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 17
capacités logistiques et techniques et à asseoir
une coopération internationale plus déterminée
dans cette lutte", ainsi s’exprimait le Ministre
des Affaires étrangères d’Algérie (pays qui
ambitionne d’assurer le leadership de la lutte
antiterroriste dans la région), Mourad Medelci, à
la tribune de la 66ème session de l’Assemblée
générale de l’ONU qui s’est tenu à New York
en septembre 201182.
Il semblerait que la réalité fut tout autre. La
communauté internationale n’a pas su faire face
à la menace d’AQMI lorsqu’il était encore
temps, "maintenant la situation est devenue plus
difficile. Il va falloir plus d’efforts à la
communauté internationale et au gouvernement
malien pour y faire face", résumait ainsi le
Général Carter Ham, Commandant de
l’AFRICOM, lors d’une visite au Sénégal fin
juillet dernier, évoquant la situation actuelle83.
C’est un peu le sentiment qui prédomine
concernant les insuffisances, suspicions84 et
atermoiements observés dans la mise en œuvre
effective de la coopération censée s’initier à la
suite du mémorandum de coopération et de
coordination des actions de lutte contre le
terrorisme et la criminalité organisée signé à
Tamanrasset en 2009 entre les "pays du champ",
ceux-là même qui sont au premier plan de la
menace et les plus concernés par cette dernière,
à savoir l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et le
Niger. La coopération entre ces pays est en
82
Idem.
"Mali: l’essor d’AQMI aurait pu être évité", Al Qarra,
30 juillet 2012. www.alqarra.tv/2012/reportages/malil’essor-d’aqmi-aurait-pu-etre-evite/.
84
Luis Simon, Alexander Mattelaer, and Amelia
Hadfield,
Op.
Cit.,
p.
30.
http://www.europarl.europa.eu/committees/fr/studiesdow
nload.html?languageDocument=EN&file=73859.
Les
auteurs de ce rapport qui propose une analyse critique de
la Stratégie de l’UE pour le Sahel, ainsi que de sa mise en
œuvre, citant un officiel de l’UE, évoquent l’absence de
confiance politique entre les pays du Sahel,
particulièrement entre la Mauritanie et le Mali.
83
effet, ce depuis ses débuts, l’objet de critiques
quant à son effectivité85 et même quant à la
réelle volonté et disponibilité des pays
concernés à s’y investir.
Un rapport d’information de l’Assemblée
française concluait également que "la
coopération régionale dans la lutte contre le
terrorisme au Sahel est un processus difficile.
Elle butte sur les faibles moyens des Etats de la
région, mais aussi sur des méfiances
historiques, culturelles et politiques, ainsi que
sur d’inévitables rivalités territoriales et les
craintes
d’atteinte
à
la
souveraineté
86
nationale."
Cette coopération régionale87 s’est matérialisée
par l’installation le 21 avril 2010 à Tamanrasset
(Sud de l’Algérie) d’un commandement
militaire conjoint, plus connu sous le nom de
Comité d’état-major opérationnel conjoint
(CEMOC), chargé de coordonner les actions
militaires antiterroristes des quatre pays et, le 29
septembre 2010, par celle d’un centre de
renseignement contre le terrorisme dans le
Sahel, dénommé Unité de Fusion et Liaison
(UFL), basé à Alger (Algérie), ayant pour
mission de collecter et d’échanger des
informations sur les terroristes en activité dans
85
B. Daou, Idem.
Rapport d’information de la Commission des Affaires
étrangères de l’Assemblée nationale française sur "la
situation sécuritaire dans les pays de la zone sahélienne",
6
mars 2012, p. 67. http://www.assembleenationale.fr/13/rap-info/i4431.asp.
87
Cette coopération s’est également illustrée à l’occasion
de la réunion ministérielle qui s’est tenue à Alger
(Algérie) le 16 mars 2010 entre sept pays de la région
sahélo-saharienne (Algérie, Burkina Faso, Mali,
Mauritanie, Niger, Libye et Tchad) dans une volonté
d’inclure les autres pays dans l’effort de mobilisation, Cf.
Communiqué issued by the Ministerial Meeting of the
Countries of the Sahel-Sahara Region, Algiers, March 16,
2010,
point
11.
http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/docu
ments/sede/dv/sede130910minmeetingsahelregion_/sede1
30910minmeetingsahelregion_en.pdf.
86
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 18
la région88. Dans le cadre du CEMOC, les pays
du champ sont censés se réunir tous les six
mois.
Il faudrait évoquer la rencontre des Chefs d’étatmajor des quatre pays qui s’est tenue le 12 août
2009 à Alger (Algérie) avec pour but de
formuler une stratégie de lutte contre le
terrorisme dans le Sahara. A la suite de cette
rencontre, il aurait notamment été décidé que la
Mauritanie déploie 4000 soldats afin de
sécuriser ses frontières avec l’Algérie et le
Mali89.
Si l’on s’en tient à une partie de la version
officielle, la coopération dans ce cadre se serait
caractérisée par une "détermination affichée
dans la lutte commune contre le terrorisme et
les organisations criminelles transfrontalières";
détermination que se serait notamment illustrée
par des "patrouilles nationales, conjointes et/ou
simultanées (…) fréquentes le long des
frontières"90. C’est le bilan qu’en faisait le
Général Gabriel Poudiougou, Chef d’état major
général des Armées maliennes, lors de la
cérémonie de passation à la tête du Conseil des
chefs d’état-major des pays membres du
CEMOC entre le Mali et la Mauritanie qui s’est
déroulée en novembre 2011. Le haut
responsable militaire malien notait également
"l’amélioration des communications qui a
permis une grande avancée dans la mise en
synergie des efforts communs de lutte contre les
menaces transnationales (…)". Toujours selon
88
"Un centre du renseignement pour lutter contre le
terrorisme au Sahel", RFI, 30 septembre 2010.
http://www.rfi.fr/afrique/20100930-centrerenseignementlutter-contre-le-terrorisme-sahel.
89
US State Department, Country Reports on Terrorism,
August 2010, p. 26.
90
L’Opération "Benkan" conjointement conduite du 20
mai au 29 juillet 2011 entre les troupes maliennes et
mauritaniennes et dont la planification et la conduite ont
été menées dans le cadre de la coopération initiée dans le
cadre du CEMOC est évoquée. Cf. B. Daou, Idem.
lui, ces efforts avaient aussi "permis de conduire
des travaux de planification d’un état-major
multinational, de collecter et gérer des
renseignements opérationnels, de tester les
réseaux de communication radio mis en place
dans chacun des quatre pays et la mise en
œuvre de la procédure radio du réseau Ténéré".
"L’élaboration et l’adoption des textes de base"
du CEMOC a également été évoquée au registre
des réalisations91.
Toutefois, en droite ligne des critiques déjà
évoquées, l’action du CEMOC contre AQMI a
été jugée "très limitée" et "principalement
concentré sur la frontière entre l’Algérie et le
Mali"92 ou entre l’Algérie et la Mauritanie. Par
ailleurs, cette coopération semble s’être
caractérisée par le grand nombre des rencontres
qui, de l’avis de plusieurs observateurs, ne se
sont limitées qu’à des occasions de discuter93,
avec très peu d’actions94, à fortiori d’impact réel
sur le terrain. C’est cette réalité que soulignait le
Ministre des Affaires étrangères nigérienne,
Mohamed Bazoum, lors de la Conférence
91
S. Konate, "Présidence du CEMOC: le Mali passe le
témoin à la Mauritanie", L’Essor, 22 Novembre 2011,
http://www.primature.gov.ml/index.php?option=com_con
tent&view=article&id=8025:presidence-du-cemoc-lemali-passe-le-temoin-a-lamauritanie&catid=29&Itemid=100110.
92
Nicolas Gros-Verheyde, "L’opération PSDC Niger: 5
menaces pèsent sur le pays. Les objectifs de la mission",
Bruxelles
2,
19
mars
2012.
http://www.bruxelles2.eu/zones/sahel/loperation-psdcniger-5-menaces-pesent-sur-le-pays-les-objectifs-de-lamission.html.
93
A titre d’illustration, mentionnons la rencontre le 20
mai 2011 à Bamako (Mali) des Ministres des Affaires
étrangères d’Algérie, du Burkina Faso, du Niger et de
Mauritanie pour discuter de la sécurité dans la bande
sahélo-saharienne et la tenue du 7 au 8 septembre 2011 à
Alger (Algérie) d’une conférence internationale sur la
lutte contre le terrorisme et le crime organisé dans les
pays du Sahel.
94
Hamid A., Y a-t-il une cohésion régionale dans la lutte
contre Aqmi au Sahel ?", Le Matin DZ, 7 août 2012.
http://www.lematindz.net/news/8937-reunion-a-niameyy-a-t-il-une-cohesion-dans-la-lutte-contre-aqmi-ausahel.html.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 19
internationale sur le développement et la lutte
antiterroriste dans le Sahel95 tenue à Alger
(Algérie) les 7 et 8 septembre 2011 lorsqu’il
déclarait: "Mon vœu, c’est que le CEMOC, tel
qu’il a été conçu, ne doit pas nous servir
uniquement à faire des exposés à l’occasion de
conférences, mais (il faut) qu’il soit
opérationnel (…). Il doit pouvoir mener des
opérations conjointes. Jusqu’à présent, ça n’a
pas été le cas. Il faut que nous définissions les
conditions de son opérationnalité, sinon cette
réunion ne servirait à rien"96.
La décisions prise par les pays du CEMOC à
l’issue d’une réunion tenue à Bamako (Mali) en
mai 2011 de former dans les 18 mois jusqu’à
75.000 membres de leurs forces de défense et de
sécurité respectives afin de constituer une force
commune chargée de lutter contre AQMI et les
autres groupes terroristes est sans doute à saluer
95
Cette rencontre avait déjà pour objectif "d’organiser le
partenariat à travers, entre autres, la création de synergie
entre les partenaires des pays de la région et d’une plus
grande complémentarité entre les différentes stratégies et
partenariats en direction du Sahel" (Cf. "L’Algérie
organise une conférence régionale sur la crise libyenne et
la sécurité dans le Sahel", AFP, 4 septembre 2011.
http://www.jeuneafrique.com/Article/DEPAFP201109041
74252/?utm_source=feedburner&utm_medium=twitter&u
tm_campaign=Feed%3A+jeune_afrique_Politique+%28J
eune+Afrique+Politique%29). Aux dires du Ministre
algérien des Affaires étrangères, Mourad Medelci, elle
visait à "de prendre d’importantes décisions visant à
contenir le phénomène du terrorisme [dans le Sahel et] de
réduire ses nuisances et de s’attaquer à ses causes
profondes". Cf. William Assanvo, L’Afrique exprime ses
préoccupations lors du débat général de la 66ème session
de l’Assemblée Générale de l’ONU, Observatoire de la
Vie Diplomatique en Afrique (OVIDA), ote de synthèse
n°23, octobre 2011, p. 9. http://www.ovidaafrido.org/fr/ovidapdf/Synth%C3%A8se_D%C3%A9batG%C3%A9n%C3
%A9ralAGONU_23_Octobre11.pdf.
96
"Difficile coopération des pays du Sahel dans la lutte
antiterroriste",
RFI,
8
septembre
2011.
http://www.rfi.fr/afrique/20110908-difficile-cooperationpays-sahel-lutteantiterroriste?ns_campaign=nl_MONDE080911&ns_mch
annel=newsletter&ns_source=emailvision&ns_linkname=
lire-4&ns_fee=0.
comme le genre d’actions que nécessiterait une
coopération régionale véritablement effective.
Lutte contre le terrorisme dans le cadre
de la Communauté Economique des Etats
de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)
"L’absence de plan d’action contre le
terrorisme au niveau sous-régional entrave les
efforts collectifs menés pour faire face à la
menace terroriste", concluait ainsi l’enquête sur
la mise en œuvre par les Etats Membres de
l’ONU de la Résolution 1373 (2001) du Conseil
de sécurité évoquant la situation en Afrique de
l’Ouest et en Afrique Centrale97.
La coopération au niveau des pays de la
CEDEAO98 en matière de lutte contre le
terrorisme est quelque peu récente, peu
institutionnalisée, assez embryonnaire dans sa
forme collective. Elle s’est notamment illustrée
par un certain nombre de rencontres, telles que
celle tenue le 23 septembre 2004 à Abuja
(Nigeria), siège de la CEDEAO, et rassemblant
les responsables des polices de la sous-région
avec pour objectif de renforcer la collaboration
sécuritaire dans la lutte contre les crimes
transfrontaliers et le terrorisme et celles tenus à
Abuja en avril et en juin 2006 rassemblant les
responsables ouest africains de la sécurité
97
Enquête sur la mise en œuvre par les Etats Membres de
l’ONU de la Résolution 1373 (2001) du Conseil de
sécurité S/2011/463, 1er septembre 2011, para. 63, p. 22.
98
Lors d’une rencontre survenue le 23 avril (il n’est pas
possible de déterminer avec exactitude l’année; il pourrait
s’agir de 2003) entre l’Ambassadeur américaine au
Nigeria et le Directeur général des services de
renseignement nigérian de l’époque, dont un compte
rendu a été révélé par Wikileak, le responsable nigérian,
évoquant la coopération au niveau de la CEDEAO en
matière de renseignement, déclarait que cette dernière
"n’était pas allée très loin"; il a également évoqué le cas
d’une rencontre des responsables du renseignement de la
région qui avait été conviée, mais à laquelle seuls quatre
ou cinq avait effectivement participé. Cf. 01ABUJA962,
Courtesy call on Nigerian SSS Chief Are
http://wikileaks.org/cable/2001/05/01ABUJA962.html#.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 20
intérieure afin de renforcer leur coopération en
matière de partage de renseignements,
notamment sur le terrorisme99.
Comme on peut le voir, ces efforts, bien que
pouvant servir à la lutte contre le terrorisme, ne
portaient pas spécifiquement sur elle; il faut dire
qu’à ce moment, le terrorisme et la perception
de la menace qu’elle représente n’étaient pas ce
qu’ils sont aujourd’hui.
Pour l’heure la menace terroriste a
principalement fait l’objet de discussions ou
tout au moins d’évocation lors de réunions de
responsables
politiques,
militaires
et
sécuritaires. A cet effet, au-delà des
déclarations, préoccupations exprimées face à
l’évolution de la menace, des condamnations
traditionnelles des actes terroristes et des appels
à une coopération renforcée, peu de décisions et
d’avancées significatives ont été opérées sur la
question.
Ainsi, lors de la réunion du Comité des Chefs
d’état-major de la CEDEAO qui s’est tenue le
23 février 2012 à Abuja (Nigeria), les liens entre
AQMI et Boko Haram ont simplement été
évoqués. Lors du 41ème Sommet des Chefs
d’Etat et de Gouvernement qui s’est tenu le 28
juin 2012 à Abidjan (Côte d’Ivoire), les
dirigeants de la sous-région ont condamné les
actes terroristes de Boko Haram et appelé les
Etats Membres ainsi que la communauté
internationale à fournir une assistance au
Nigeria dans ses efforts visant à mettre un terme
aux agissements violents du groupe. Au cours
de ce Sommet, les dirigeants de la CEDEAO ont
également exprimé leur préoccupation face aux
99
Gani Yoroms, Counter-Terrorism Measures in West
Africa, in Wafula Okumu and Anneli Botha (eds.),
Understanding Terrorism in Africa: building bridges in
preventing and combating terrorism in Africa, 19-20 May
2007, Cairo (Egypt), Tswane: Institute for Security
Studies, 2008, p. 94.
efforts des groupes actifs dans la sous-région et
au-delà (AQMI, MUJAO, Boko Haram et
Shebab) pour créer un sanctuaire et un centre de
coordination de leurs actions dans le Nord du
Mali; instruction a été donnée à la Commission
de la CEDEAO de "participer aux efforts visant
à stopper l’agression terroriste" de Boko
Haram100.
Cette propension des acteurs régionaux africains
à être peu réactifs ou concrets face aux défis
auxquels leurs régions ou pays sont confrontés,
notamment en matière de sécurité, a de manière
répétée fait l’objet de critiques101.
La CEDEAO a récemment entrepris de définir
une Stratégie de lutte contre le terrorisme, un
Plan d’action et un Projet de Déclaration
politique contre le terrorisme. Ces instruments
sont censés s’inscrire dans la volonté de
l’organisation de "renforcer sa capacité de
surveillance, d’harmonisation, de coordination
et de réglementation des politiques et pratiques
des Etats en matière de prévention et de
100
Final Communiqué of the 41st Ordinary Session of the
ECOWAS Authority of Heads of States and Government,
Yamoussoukro (Cote d’Ivoire), 28 June 2012, point 23
and 43, http://news.ecowas.int/.
101
Interrogé sur la réaction de la CEDEAO face à
l’insurrection de Boko Haram au Nigeria, le Dr
Emmanuel Kwesi Aning, Directeur de la Recherche au
Kofi Annan International Peacekeeping Training Centre
(KAIPTC), déclarait: “Sadly ECOWAS is a joke. Its
response to political crisis in West Africa is awful, our
sub-regional leaders are quick to sign conventions and
pass resolution but inept in implementation”, Cf. “Boko
Haram is a threat to ECOWAS sub-regional security”,
GhanaWeb,
25
January
2012,
http://www.ghanaweb.com/GhanaHomePage/NewsArchi
ve/artikel.php?ID=228518. Lors d’une réunion tenue en
décembre 2011 à Chatham House sur le thème: “Growing
Instability in the Western Sahel: Experiences and
Responses”, un des intervenants a déclaré qu’aucune
"institution ne fournissait pour le moment de cadre clair
et idéal" pour faire face à la situation dans le Sahel et
décrit la CEDEAO comme une organisation "non
fonctionnelle" de ce point de vue.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 21
répression du
l’Ouest"102.
terrorisme
en
Afrique
de
Cette dynamique s’inscrit dans la prise de
conscience du fait que le terrorisme apparaît de
plus en plus comme une menace grave à la paix,
à la sécurité et à la stabilité en Afrique de
l’Ouest.
La capitale malienne, Bamako, a à cet effet
accueilli du 11 au 13 octobre 2011 une réunion
d’experts gouvernementaux (des Ministères de
la Justice, de la Défense, de la Sécurité et des
Affaires étrangères des Etats membres de la
CEDEAO) qui ont tablé sur les projets de ces
différents textes. Cette réunion avait pour
objectif "d’examiner tous les contours de ces
différents documents en vue de faire des
recommandations au Conseil des Ministres. Les
participants [devaient] également analyser la
menace terroriste en Afrique de l’Ouest et les
mesures prises par leurs pays respectifs et la
CEDEAO pour lutter efficacement contre ce
fléau".
Au menu des discussions figuraient le rôle des
acteurs dans la mise en œuvre de ces documents
ainsi que "le renforcement de la coordination
régionale et de la coopération sur les questions
de contre-terrorisme ainsi que l’identification
des ressources et des zones de renforcement des
capacités dans la mise en œuvre de la Stratégie
antiterroriste" dans la région.
Les documents soumis à l’appréciation des
participants sont les résultats de deux réunions
consultatives; la première ayant eu lieu en mai
2011 à Abuja (Nigeria), avec des experts
internationaux représentant des organisations
régionales et internationales, et la deuxième,
102
CEDEAO, "une nouvelle consultation régionale sur le
projet de stratégie de contre-terrorisme de la CEDEAO",
Communiqué de presse, 3 octobre 2011.
organisée en août 2011 à Dakar (Sénégal) et à
laquelle ont participé des représentants de la
société civile et des médias de la sous-région.
Malgré cet effort appréciable, qui devrait doter
la sous-région d’un cadre politique et d’un
certain nombre d’actions à entreprendre en vue
de lutter contre le terrorisme, il est nécessaire de
signaler d’emblée qu’ils ne seront pas à eux
seuls suffisants pour faire face à un défi aussi
complexe. Ici encore, il sera nécessaire que
soient menées des actions concrètes.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 22
UE
REPOSE
REPOSAT
SIGIFICATIVEMET
SUR
L’ASSISTACE
ITERATIOALE
Sans évoquer les problèmes relatifs à la stratégie
adoptée par chacun des pays de la sous-région
concernés par le terrorisme, force est de
reconnaître que la plupart d’entre eux se
caractérisent par les ressources limitées dont ils
disposent et par la relative faiblesse de leurs
dispositifs militaires et sécuritaires. Cela à pour
conséquence que leurs efforts visant à faire face
aux défis sécuritaires de la région du Sahel
reposent dans une proportion significative sur le
soutien financier et technique dont ils
bénéficient ou sont susceptibles de bénéficier de
la part de partenaires extérieurs. Parmi les
acteurs dont la contribution est la plus
significative, on peut citer la France, les EtatsUnis et l’Union européenne (UE). On pourrait
également évoquer le rôle d’acteurs103 et
103
L’Office des Nations Unies contre la Drogue et le
Crime (UNODC) joue également un rôle dans la lutte
contre le terrorisme, notamment contre son financement et
sa prévention, dans le cadre plus global de son action
contre le crime organisé, la piraterie et les trafics illicites
(drogue, migrants, personnes, produits commerciaux). Ce
rôle porte précisément sur l’existence et le renforcement
de cadres juridiques et institutionnels, le renforcement des
capacités des responsables de la justice pénale et
l’assistance technique en matière de renforcement de la
coopération internationale dans les affaires touchant à des
actes de terrorisme. Cf. UNODC, Programme régional
pour l’Afrique de l’Ouest 2010-2014, New York, 2011.
http://www.unodc.org/documents/westandcentralafrica//fi
nal_e-book_FRENCH.pdf.
Le
UNODC
dispose
également d’un Service de la prévention du terrorisme
dont la mission porte sur la fourniture d’assistance aux
Etats membres de l’ONU sur "les aspects juridiques et
connexes de la lutte contre le terrorisme, en particulier
pour la ratification et la mise en oeuvre des instruments
juridiques universels contre le terrorisme et pour
renforcer les moyens dont disposent les systèmes
nationaux de justice pénale pour appliquer les
dispositions de ces instruments conformément aux
principes de l’état de droit." Cf. UNODC, Assistance
pour la lutte contre le terrorisme. Service de la prévention
du
terrorisme,
mars
2009,
p.
4.
d’initiatives tels qu’Interpol et le Forum Global
de Lutte contre le Terrorisme (Global
Counterterrorism Forum -GCTF).
ITERPOL
Interpol est également actif dans la coopération
internationale en matière de lutte contre le terrorisme.
Son action s’opère particulièrement dans le domaine
de la coordination et s’illustre par le recueil, le
stockage, l’analyse et l’échange d’informations sur
des individus et des groupes soupçonnés d’activités
terroristes avec les pays membres d’Interpol. Interpol
peut également prêter une assistance en matière
d’enquête et de recherche de suspects lorsque des
actes terroristes ont été commis. L’organisation a créé
en 2002 le Groupe Fusion (Fusion Task Force) qui
"joue un rôle de premier plan en ce qui concerne les
activités menées par ITERPOL pour lutter contre le
terrorisme". Un projet régional, dénommé "Projet
Baobab", a également été mis en place pour l’Afrique
Orientale, Occidentale et Australe, avec pour but de
"d’identifier les groupes terroristes et leurs membres
opérant dans une région donnée; de demander, de
recueillir et d’échanger des informations et des
renseignements; d’apporter un appui en matière
d’analyse; de renforcer la capacité des pays membres
à faire face à la menace du terrorisme; et de recenser
les officiers de contact des pays membres afin de
pouvoir solliciter leur concours." Les pays participant
à ce projet se réunissent une fois par an afin
"d’échanger des informations, d’examiner les
tendances et les problèmes qui se posent dans leurs
régions respectives et de se pencher sur des études de
cas."
Cf. Fiche pratique d’INTERPOL, le terrorisme,
http://www.interpol.int/content/download/791/98172/versio
n/14/file/FactsheetsPST01_FR_04-2012web.pdf.
Union européenne (UE)
L’action de l’UE en soutien aux efforts
nationaux et régionaux de lutte contre le
terrorisme s’est notamment inscrite au cours des
dernières années dans le cadre de sa Stratégie
pour la sécurité et le développement dans le
http://www.unodc.org/documents/terrorism/Publications/
TPB_Brochure/French.pdf.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 23
Sahel adoptée par le Conseil de l’UE en mars
2011 (mais rendue publique en septembre
2011).
Cette Stratégie était censée traduire "l’attention
et la préoccupation croissantes que suscite la
partie sahélienne d’Afrique de l’Ouest"104 ainsi
que "la solidarité de l’Union européenne avec
les pays du Sahel touchés par la menace
terroriste"105; car, faut-il le reconnaître, "c’est
bien la situation sécuritaire et précisément la
menace terroriste, personnifiée par AQMI, qui
semble avoir été le déclencheur de l’attention
qui est portée à la région du Sahel et de la
grande majorité des actions nationales et
internationales initiées"106.
La Stratégie européenne s’articule autour de
quatre axes d’intervention, parmi lesquels la
promotion d’une coopération régionale plus
étroite et le renforcement des capacités
sécuritaires nationales et de l’état de droit. Trois
pays sahéliens et d’Afrique de l’Ouest sont
principalement concernés par la Stratégie: Mali,
Mauritanie et Niger107.
104
William Assanvo, Réflexions sur la Stratégie
européenne pour la sécurité et le développement dans le
Sahel, Observatoire de la Vie Diplomatique en Afrique
(OVIDA), ote d’analyse n° 5, octobre 2011, p. 2.
http://www.ovida-afrido.org/fr/ovidapdf/Strat%C3%A9gieUE_Sahel_5_Octobre11.pdf.
105
Raby Ould Idoumou, "L’UE et le Sahel définissent une
vision conjointe de la sécurité", Magharebia, 12
décembre
2011,
http://www.magharebia.com/cocoon/awi/xhtml1/fr/featur
es/awi/features/2011/12/12/feature-03.
106
William Assanvo, Op. Cit., p. 2.
107
Bien que ces trois pays soient concernés, l’action de
l’UE s’est progressivement recentrée et focalisée sur la
Mauritanie et le Niger, le Mali étant perçu, comme cela
l’a déjà été évoqué, comme peu coopératif et manquant de
volonté politique et de détermination, Cf. Luis Simon,
Alexander Mattelaer, and Amelia Hadfield, Op. Cit., p.
30.
http://www.europarl.europa.eu/committees/fr/studiesdow
nload.html?languageDocument=EN&file=73859.
Ce plan, doté de 600 millions d’euros, traite
donc des différents domaines dans lesquels les
pays du Sahel éprouvent les plus vives
difficultés
comme,
par
exemple,
le
développement et la sécurité.
Un certain nombre de limites ont été formulées
à l’égard de la coopération sécuritaire mise en
œuvre au sein de l’UE. Elles portent notamment
sa frilosité108 à aller au-delà du concept
traditionnel des formations et conseils apportés
aux secteurs de la sécurité des pays auxquels
l’UE apporte un soutien et notamment à fournir
des équipements militaires, dont bon nombre de
pays africains ont pourtant besoin109.
L’opérationnalisation de la Stratégie, qui
représentait l’un de ses défis110, a tardé à se
concrétiser111. Cela a eu pour conséquence
qu’elle a été rattrapée et même dépassée par la
survenance ou la réalisation de facteurs
(notamment le conflit en Libye et l’incidence
qu’il a eu sur le Sahel, notamment sur la
situation au Mali) l’ayant rendu difficilement
applicable, précipitant quelque peu son début de
mise en œuvre. Ainsi, une Stratégie qui était
conçue comme un instrument de prévention112,
s’est retrouvée réduite à opérer dans l’urgence.
C’est notamment dans ce contexte que s’est
108
Luis Simon, Alexander Mattelaer, and Amelia
Hadfield,
Op.
Cit.,
p.
28.
http://www.europarl.europa.eu/committees/fr/studiesdow
nload.html?languageDocument=EN&file=73859.
109
Dario Cristiani, Dustin Dehez and Joy Alemazung,
"The Coup in Mali – A Setback for the EU?" Global
Governance
Institute,
27
March
2012.
http://www.globalgovernance.eu/index.php/news/196coup-in-mali.html.
110
William Assanvo, Op. Cit., p. 6.
111
Rapport d’information de la Commission des Affaires
étrangères de l’Assemblée nationale française sur "la
situation sécuritaire dans les pays de la zone sahélienne",
6
mars 2012, p. 74. http://www.assembleenationale.fr/13/rap-info/i4431.asp.
112
Luis Simon, Alexander Mattelaer, and Amelia
Hadfield,
Idem.
http://www.europarl.europa.eu/committees/fr/studiesdow
nload.html?languageDocument=EN&file=73859.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 24
inscrit le lancement
EUCAP Sahel iger.
de l’opération
EUCAP Sahel iger
L’EUCAP Sahel iger trouve, selon
Mme
Catherine
Ashton,
Haute
Représentante de l’UE pour les Affaires
étrangères et la politique de sécurité, sa
raison d’être dans "(…) l’intensification
de l’activité terroriste et [les]
conséquences du conflit en Libye,
l’insécurité [s’étant] considérablement
aggravée dans la région du Sahel"113;
cette mission est censée contribuer au
renforcement des capacités des forces de
sécurité nigériennes dans la lutte contre
le terrorisme et la criminalité organisée et
de la coopération régionale dans ces
domaines.
Counter Terrorism Sahel (CT Sahel)
Ce projet de l’UE, qui a récemment débuté, s’inscrit dans
la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée au
niveau régional. Il porte sur trois pays de la bande
sahélienne: Mali, Mauritanie et Niger et bénéficie d’un
financement de 6,7 millions d’euros pendant la période
2012-2014. CT Sahel porte sur le renforcement des
capacités des pays concernés et de la coopération régionale
dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Cette
mission sera réalisée par le biais de formations à l’endroit
notamment des forces de sécurité intérieure dans des
domaines tels que les techniques d’intervention et le
recueil et l’exploitation du renseignement. Ce projet
prévoit aussi la création d’un Collège Sahélien de Sécurité
(CSS). Un soutien logistique est également prévu, à travers
la mise à disposition de matériel d’intervention et de
protection non létal, de communication ou de transport. Il
est enfin prévu des actions visant à renforcer la coopération
régionale, à travers notamment le partage d’information.
Cf. Mieszko Dusautoy, "Les ‘autres’ programmes européens de sécurité
au
Sahel",
Bruxelles
2,
12
juin
2012.
http://www.bruxelles2.eu/zones/sahel/les-autres-programmeseuropeens-de-securite-au-sahel.html; L. Simon, A. Mattelaer, and A.
Hadfield, A Coherent EU Strategy for the Sahel, European Parliament,
Directorate-General for External Policies, Policy Department, 11 May
2012,
p.
28.
http://www.europarl.europa.eu/committees/fr/studiesdownload.html?lan
guageDocument=EN&file=73859. Commission européenne, La
coopération entre l’Union européenne et le Niger, Memo, Bruxelles, 6
juin
2012.
http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=MEMO/12/41
0&format=HTML&aged=0&language=FR&guiLanguage=en.
Pour l’heure la contribution effective (à
plus forte raison son impact) de cette
mission est encore quelque peu floue. Il
semblerait que ses premiers mois seront
dédiés à l’identification des domaines et
besoins en formation; il est également
prévu qu’elle contribue au recensement de
projets dans le domaine de la sécurité pour un
éventuel soutien financier de l’UE114. Bien que
la mise sur pied de cette mission était déjà sur
les rails115, on peut tout de même affirmer que
113
Conseil de l’Union européenne, "Feu vert à la mission
PSDC civile d’assistance en matière de lutte contre le
terrorisme au Sahel", Communiqué de presse, 16 juillet
2012.
http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pr
essdata/FR/foraff/131749.pdf.
114
Idem.
115
Une mission d’évaluation de la Commission de l’UE et
du Service Européen pour l’Action Extérieur (SEAE)
s’est en effet rendue au Niger en janvier 2012 et le 23
mars 2012, le Conseil de l’UE a adopté le concept de
gestion de crise (ce concept avait été déposé le 9 mars
2012) sur lequel s’est appuyée la planification
opérationnelle de la mission, Cf. Conseil de l’UE,
son déploiement, qui est effectivement survenu
le 8 août 2012, quelques semaines après la
décision officielle de sa création survenue le 16
juillet 2012, a été précipité par les évènements
au Nord-Mali.
Déployée au Niger pour une période de deux
ans, avec un budget pour la première année de
8,7 millions d’euros, la cinquantaine de
personnel international et la trentaine de locaux
qui devraient composer l’EUCAP Sahel iger
ont reçu une mission de conseil, d’assistance,
"Politique de sécurité et de défense commune: Mission
PSDC civile au Sahel", Communiqué de presse, SN
10113/12.
http://www.consilium.europa.eu/media/1705966/120711_
fact_sheet_sahel_coordinated-9_july_fr.pdf.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
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d’encadrement et de formation vis-à-vis de la
police, de la gendarmerie et de la garde
nationale nigérienne.
L’idée est notamment que le Niger soit à même
de mieux contrôler par lui-même son territoire.
Aucune action de formation de l’armée
nigérienne n’est prévue; tout au plus la mission
devrait entretenir des relations avec les Forces
armées nigériennes afin de coordonner certaines
activités dont la nature n’est pas précisée116.
La mission EUCAP Sahel pourrait être étendue
au Mali et à la Mauritanie, pays dans lesquels
seront déployés des officiers de liaison de la
mission, traduisant la dimension régionale
poursuivie dans la lutte contre le terrorisme et la
criminalité organisée dans le Sahel à laquelle
elle est censée contribuer. Ces personnels de
liaison auront également pour mission
d’identifier des actions susceptibles d’être
menées par l’UE. Il semblerait donc que cette
mission marque le début effectif de
l’implication de l’UE à la lutte contre le
terrorisme dans le Sahel, rejoignant celle, au
niveau bilatérale, de certains pays, dont la
France.
France
La France est présente aux côtés de certains
pays de la région dans leur lutte contre le
terrorisme à travers un dispositif d’assistance
qui prend la forme de formations, soutien
logistique et de conseil procuré à leurs forces de
défense et de sécurité, notamment par le biais de
coopérants117.
116
Cf.
EUCAP
Sahel
Niger,
www.consilium.europa.eu/eeas/security-defence/euoperations/eucap-sahel-niger?lang=fr.
117
Rapport d’information de la Commission des Affaires
étrangères de l’Assemblée nationale française sur "la
situation sécuritaire dans les pays de la zone sahélienne",
Le Niger, compte tenu des intérêts économiques
qui y a la France, avec particulièrement
l’exploitation par le groupe Areva de gisements
d’uranium dans le Nord du pays, occupe une
place de choix dans ce dispositif d’assistance.
L’assistance militaire qu’apporte la France au
Niger s’élèverait à 4 millions d’euros et devrait
passer à 12 millions118. Les dons en
équipements à l’armée nigérienne, tels que celui
fait le 3 novembre 2011 d’une valeur de 1,5
milliard FCFA (2,2 millions d’euros), composé
de véhicules et de matériels de transmission
s’inscrit dans ce cadre. Ce don constituait
semble-t-il la première étape vers une
coopération renforcée en 2012, à travers
notamment la fourniture de véhicules et
d’hélicoptères, et un appui à la formation119.
Des pilotes de l’aviation nigérienne chargée de
missions d’observation ont également bénéficié
de formations dispensées par la France120. La
France disposerait enfin d’un détachement
opérationnel d’assistance militaire dans le Nord
du Niger, ainsi que dans le septentrion
malien121.
Le Mali et la Mauritanie ont également
bénéficié de formations antiterroristes de la
France. Ainsi, depuis 2009 un millier de soldats
mauritaniens auraient été formés; des pilotes et
mécaniciens de ce pays auraient également
6
mars 2012, p. 69. http://www.assembleenationale.fr/13/rap-info/i4431.asp.
118
Nicolas Gros-Verheyde, Idem.
119
"La France arme le Niger pour lutter contre AQMI",
Le
Matin
DZ/AFP,
5
novembre
2011.
http://www.lematindz.net/news/6115-la-france-arme-leniger-pour-lutter-contre-aqmi.html.
120
Rapport d’information de la Commission des Affaires
étrangères de l’Assemblée nationale française sur "la
situation sécuritaire dans les pays de la zone sahélienne",
6
mars 2012, p. 72. http://www.assembleenationale.fr/13/rap-info/i4431.asp.
121
Luis Simon, Alexander Mattelaer, and Amelia
Hadfield,
Op.
Cit.,
p.
31.
http://www.europarl.europa.eu/committees/fr/studiesdow
nload.html?languageDocument=EN&file=73859.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
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bénéficié de formations. Au Mali, ce sont 800
militaires qui auraient reçu d’instructeurs
français122 une formation susceptible de leur
permettre de lutter contre AQMI123.
d’euros124. Aucune précision n’est apportée sur
la nature exacte des armes dont il est ici
question et sur l’usage qui devait en être fait; ce
qui ne permet pas d’affirmer avec certitude que
ces fournitures se soient inscrites dans le cadre
de la lutte antiterroriste.
Les fournitures d’armes de la France à certains
des pays de la bande sahélo-saharienne
pourraient
également Forum Global de Lutte contre le Terrorisme (FGCT)
s’être inscrites dans cette
Le FGCT a été lancé à New York le 22 septembre 2011. Il se présente
assistance antiterroriste. comme une plateforme diplomatique informelle ayant pour but d’offrir un
Ainsi, selon un rapport espace de partage des expériences, expertises, et stratégies et d’identifier les
au Parlement français besoins en termes de capacités et les programmes pour les renforcer. Le
Forum est composé de 30 pays fondateurs, parmi lesquels on retrouve le
sur les exportations
Nigeria pour ce qui est de l’Afrique de l’Ouest. Toutefois, certaines de ses
d’armement de la France rencontres sont ouvertes à des pays non fondateurs et membres, mais
en 2010, la France aurait confrontés à la menace terroriste. Le FCGT est composé de cinq groupes de
autorisé, au cours de travail dont celui sur le Sahel co-présidé par le Canada et l’Algérie. Les
priorités de ce groupe de travail portent sur la coopération policière, la
l’année correspondante,
coopération légale et judiciaire, la sécurité frontalière, l’action à l’endroit
des exportations de des communautés en vue de lutter contre l’extrémisme et la lutte contre le
matériels de guerre pour financement du terrorisme. Le Groupe a tenu sa première rencontre à Alger
un montant de 2,1 (Algérie) du16 au 17 novembre 2011 avec la présence de participants du
Burkina Faso, de la Guinée-Conakry, de la Libye, du Mali, de la
millions d’euros pour le
Mauritanie, du Niger, du Sénégal, du Tchad, et de la Tunisie, ainsi que
Mali et 18 millions d’Interpol, des Nations Unis et de l’Union africaine/Centre Africain
d’euros
pour
la d’Études et de Recherches sur le Terrorisme (CAERT). Ils ont planché sur
Mauritanie. Ces deux la menace dans le Sahel, la sécurité frontalière, la coopération et le
renforcement des moyens juridiques et judiciaires, l’implication des
pays, ainsi que le Niger communautés dans la prévention et la lutte contre l’extrémisme, la lutte
se sont également vus contre le financement du terrorisme et sur la coopération entre les services
gracieusement céder du de police. Les obstacles à une lutte efficace contre le terrorisme dans le
matériel militaire. De Sahel et des recommandations (formation, équipement, coordination et
partage de l’information) pour les surmonter ont également fait l’objet
2006 à 2010 le Mali, la d’échanges.
Mauritanie, le Niger et
Cf. FGCT, Réunion du Groupe de travail sur le Sahel, 16-17 novembre 2011, Alger
le Nigeria se sont vus (Algérie),
Résumé
des
co-Présidents,
livrer
du
matériel http://www.thegctf.org/documents/10162/19594/Inaugural+Sahel+WG+Meeting+SummaryFrench.
militaire
pour
des
montants respectifs de 200.000 euros, 6,5 Enfin, la France s’est également ponctuellement
millions d’euros, 500.000 euros et 43,2 millions impliquée, souvent aux côtés des forces armées
mauritaniennes et nigériennes, dans certaines
opérations antiterroristes, notamment en lien
avec des tentatives de libération d’otages. Ce fut
122
Pascal Le Pautremat, "Un bloc sahélien dans la lutte particulièrement le cas en juin 2010 avec une
contre le jihadisme", Défense, 21 avril 2010.
opération conjointe franco-mauritanienne dans
http://www.european-security.com/n_index.php?id=5981.
123
Rapport d’information de la Commission des Affaires
étrangères de l’Assemblée nationale française sur "la
situation sécuritaire dans les pays de la zone sahélienne",
6
mars 2012, p. 72. http://www.assembleenationale.fr/13/rap-info/i4431.asp.
124
Rapport au Parlement français sur les exportations
d’armement de la France en 2010, Analyses et Références,
août 2011.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 27
le Nord du Mali pour tenter de libérer un
citoyen français; en juillet 2010, des forces
spéciales françaises ont également tenté sans
succès de libérer Michel Germaneau enlevé le
19 avril 2012 au Niger et détenu au Mali. Le
même schéma s’est reproduit en janvier 2011
lorsque, à la suite de l’enlèvement à Niamey
(Niger) de deux ressortissants français, des
forces spéciales françaises ont tenté de les
libérer.
Ces différentes interventions permettent aussi de
mettre en évidence la contribution du dispositif
de forces spéciales françaises, qui stationnerait
au Burkina Faso, au plus près des zones
d’intervention, "dans le but d’assurer la réponse
la plus efficace possible contre la menace
terroriste"125 et des autres forces présentes au
Tchad ou encore au Sénégal à la lutte contre le
terrorisme dans la région. On sait aussi que
selon le nouvel accord de défense récemment
conclu entre la France et la Côte d’Ivoire, 300
militaires français devraient demeurer dans le
pays afin notamment "d’apporter une
contribution significative dans la lutte contre le
terrorisme."126
Etats-Unis
La lutte contre le terrorisme représente un
intérêt vital pour les Etats-Unis. Cette réalité est
inscrite dans la Stratégie américaine de lutte
contre le terrorisme publiée le 28 juin 2011 qui
consacre la menace que continue de représenter
le terrorisme d’inspiration islamiste contre la
sécurité nationale des Etats-Unis. Deux régions
en Afrique sont singulièrement identifiées
comme abritant des mouvements ayant prêtés
125
Rapport d’information de la Commission des Affaires
étrangères de l’Assemblée nationale française sur "la
situation sécuritaire dans les pays de la zone sahélienne",
6
mars 2012, p. 58. http://www.assembleenationale.fr/13/rap-info/i4431.asp.
126
Idem., p. 59.
allégeance, ayant été infiltrés par la mouvance
d’Al-Qaïda ou étant influencés par son idéologie
et son discours. Il s’agit de l’Afrique de l’Est
avec les milices islamistes somaliennes Shebab
et la bande sahélienne, caractérisée par
l’influence croissante et les actions, fussent-elles
de faible intensité et sporadiques, d’AQMI 127.
Le dernier Country Reports on Terrorism 2011,
publié en juillet 2012 par le Département d’Etat
américain, épouse significatiement la même
perception, identifiant également le Sahel
comme un des nombreux zones et théâtres à
partir desquels s’est développé une menace
terrorisme. Dans le même ordre d’idée, la
récente Stratégie américaine pour l’Afrique
Subsaharienne, publiée en juin 2012, au registre
de la paix et de la sécurité, place en bonne place
la lutte contre Al-Qaïda et les autres groupes
terroristes; avec pour objectif de "perturber,
démanteler et éventuellement vaincre Al-Qaïda
et ses affiliés et adhérents"128.
Les Etats-Unis entretiennent depuis plusieurs
années une coopération bilatérale, notamment
sécuritaire et militaire, avec la plupart des pays
de la bande sahélo-saharienne, particulièrement
le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Nigeria;
coopération qui est mise en œuvre, à certains
égards, dans le cadre particulier du Partenariat
Trans-Saharien de lutte contre le terrorisme
(Trans-Sahara Counterterrorism Partnership TSCTP), avec pour objectif de soutenir ces pays
et de renforcer leurs capacités à assurer un
127
Voir William Assanvo, L’Afrique nouvelle terre de
prédilection du terrorisme islamiste ?, Observatoire de la
Vie Diplomatique en Afrique (OVIDA), ote de synthèse
n°
19,
septembre
2011.
http://www.ovidaafrido.org/fr/ovidapdf/Synth%C3%A8se_Strat%C3%A9gie%20US%20Anti
-terrorisme_19_Septembre11.pdf.
128
US Strategy Towards Sub-Saharan Africa, The White
House,
June
2012,
pp.
4-5.
http://www.whitehouse.gov/sites/default/files/docs/africa_
strategy_2.pdf.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 28
meilleur contrôle de leurs frontières, en
améliorant le professionnalisme de leurs forces
de défense et de sécurité.
Avec le Mali cette coopération a pris la forme
d’assistance
technique,
précisément
de
formations régulières à l’endroit des militaires
maliens129 et de fourniture de matériels. C’est
dans ce dernier cadre que s’est inscrit le don de
matériel militaire d’une valeur de 9 millions de
dollars US fait le 28 octobre 2011 aux forces
armées maliennes dans le cadre de la lutte
contre le terrorisme; ce don était composé "de
75 véhicules, dont 44 Pick-up, 18 camions
Mercedes 1517A et 6 ambulances, un important
lot d'effets d’habillements, des postes radios et
des pièces de recharge". Ce geste devait
s’accompagner d’un cycle de formation sur
l’utilisation et la maintenance des matériels
reçus130. L’assistance américaine, y compris
celle de nature militaire, a été suspendue en
avril 2012, à la suite du coup d’état du 22 mars
2012, et tout le personnel militaire américain a
officiellement quitté le Mali131.
129
Sam Graham-Felsen, “The Nature of the U.S. Military
Presence in Africa An Exchange between Colonel Tom
Davis and Nick Turse”, Tom Dispatch Op-Ed, 27 July
2012. http://www.nationofchange.org/nature-us-militarypresence-africa-1343407618; Rapport d’information de la
Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée
nationale française sur "la situation sécuritaire dans les
pays de la zone sahélienne", 6 mars 2012, p. 73-74. Les
Etats-Unis ont mené des exercices et formations conjoints
qui auraient permis de renforcer les capacités d’unités
mobiles de l’armée malienne, telles que les "Echelons
Tactiques Inter-armées" et de les rendre plus à même de
conduire des actions de patrouille et d’interrompre les
activités d’AQIM, Cf. US State Department Country
Report on Terrorism 2011, p. 18.
130
"Mali-USA: l’octroi de matériels militaires dans le
cadre de la lutte contre le terrorisme et autres défis
transsahariens",
Xinhua,
29
octobre
2011.
http://www.afriquinfos.com/articles/2011/10/29/brevesdaf
rique-189826.asp.
131
Sam Graham-Felsen, Idem.
Avec
la
Mauritanie,
la
coopération
132
américaine
a sensiblement poursuivi les
mêmes objectifs et emprunté les mêmes canaux.
Les Etats-Unis sont aussi actifs dans la
formation et le renforcement des capacités
opérationnelles (y compris en matière de
sécurité des frontières) des unités de l’armée
mauritanienne,
particulièrement
les
"groupements spéciaux d’intervention", en
première ligne lors des affrontements avec
AQMI. Par ailleurs, le Département de la
Défense américaine aurait dépensé 8,1 millions
de dollars dans l’aménagement d’une base et
d’une piste d’aviation en Mauritanie, près de la
frontière avec le Mali; 22,6 millions de dollars
auraient également été budgétés pour doter les
forces armées mauritaniennes de deux avions de
surveillance133.
Pour ce qui est de la coopération militaire avec
le Niger, des informations ont fait état de la
présence d’éléments des forces spéciales
américaines aux côtés de militaires nigériens,
dans le Sud du pays, à la frontière avec le
Nigeria, pour des actions de formation au
contrôle des frontières134.
En 2009, les Etats-Unis ont porté assistance au
Nigeria dans la création d’une unité
antiterroriste spécialisée au sein de l’armée
nigériane135. Pour la mise en place de cette
unité, le Nigeria a bénéficié d’une contribution
132
Voir US State Department, Country Reports on
Terrorism 2009, August 2010, p. 26.
133
Craig Whitlock, “U.S. expands secret intelligence
operations in Africa”, Washington Post, 14 June 2012.
http://www.washingtonpost.com/world/nationalsecurity/us-expands-secret-intelligence-operations-inafrica/2012/06/13/gJQAHyvAbV_story.html; voir aussi
US State Department, Congressional Budget Justification,
Foreign Operations, Annex: Regional Perspectives, Fiscal
Year
2012,
p.
127.
http://www.state.gov/documents/organization/158268.pdf.
134
Sudarsan Raghavan, Idem.
135
US State Department, Country Reports on Terrorism
2009, p. 28.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 29
du Département américain de la Défense de 8
millions de dollars US136.
particulier. Cette situation rend d’autant plus
difficilement lisible la contribution américaine à
la lutte contre cette
menace.
Opérations secrètes de renseignement, de surveillance et de reconnaissance
Cependant,
le
TSCTP
représente
l’un des cadres de
référence dans le
cadre
duquel
la
contribution
américaine à la lutte
contre le terrorisme
en Afrique de l’Ouest
et
plus
particulièrement dans
la bande sahélosaharienne s’inscrit
explicitement. Il a été
établi en 2005 par le
Congrès américain
pour une période de
six ans, avec un
budget
de
500
millions de dollars, à
la suite de la PanSahel Initiative (PSI).
Cf. Craig Whitlock, “U.S. expands secret intelligence operations in Africa”, Washington
La PSI a avait été
Post, 14 June 2012. http://www.washingtonpost.com/world/national-security/us-expandsmis en oeuvre entre
secret-intelligence-operations-in-africa/2012/06/13/gJQAHyvAbV_story.html;
Câble
novembre 2002 et
diplomatique
américain
décembre 2004 dans
http://www.cablegatesearch.net/cable.php?id=09OUAGADOUGOU298.
le but de fournir une
assistance militaire au Mali, à la Mauritanie, au
Niger et au Tchad afin de soutenir leurs efforts
Partenariat Trans-Saharien de lutte contre le
de sécurisation de leurs frontières et d’interdire
terrorisme (Trans-Sahara Counterterrorism l’accès à leurs territoires à des groupes
Partnership -TSCTP)
terroristes et criminels.
La contribution américaine à la lutte contre le terrorisme sur le continent
s’illustre également, selon une récente enquête du Washington Post, par des
opérations de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (Intelligence,
Surveillance and Reconnaissance –ISR), opérations qui devraient croître dans le
futur. C’est dans ce cadre qu’ont semblent-ils été établis depuis 2007 des
dispositifs secrets de surveillance des groupes terroristes en Afrique. Cette
surveillance est mise en œuvre par le biais d’avions civils équipés de matériels
capables de prendre des vidéos, de détecter des sources d’émission d’infrarouge
et d’intercepter des signaux radio et de téléphones cellulaires. Ce dispositif est
opéré par des personnels militaires et des sous-traitants privés américains, sous le
couvert du Commandement des Forces Spéciales. C’est notamment dans ce
cadre que s’inscrit le programme de surveillance dénommé "Creek Sand" opérant
depuis la partie militaire de l’aéroport de Ouagadougou (Burkina Faso) depuis
une autorisation des autorités burkinabé donnée en 2006 pour la mise sur pied
d’une base pour un détachement aérien des forces spéciales et l’accord de 2007
autorisant l’accès aux avions opérés par ce dernier. Le dispositif "Creek Sand"
permet de mener des opérations de surveillance dans le Nord-Mali, en
Mauritanie et dans le Sahara. Toujours selon l’enquête du quotidien américain,
cette mission de surveillance se limiterait à collecter des informations et
renseignements qui sont traités par une cellule également au Burkina Faso et
partagés avec les pays africains de la région. Un dispositif similaire était
initialement installé à Nouakchott (Mauritanie) avant d’être interrompu à la suite
du coup d’état de 2008.
Le dispositif américain de coopération et
d’assistance en matière militaire, sécuritaire,
diplomatique, humanitaire ou de développement
repose sur plusieurs instruments, de natures
différentes, qui contribuent, chacun à son
niveau, à la lutte contre le terrorisme de manière
globale ou à certains de ses aspects en
136
Lauren Ploch, “Nigeria: Elections and Issues for
Congress,” Congressional Research Service, 17 May
2011,
p.
1.
http://assets.opencrs.com/rpts/RL33964_20110401.pdf.
Le PSI s’articulait autour du renforcement des
capacités des forces de sécurité des quatre pays
concernés, par le biais de formations et
d’apports en équipement (notamment de
véhicules, d’équipements de contrôle des
frontières et de communication). Il était
également question de constituer dans chacun de
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 30
ces pays une force de réaction rapide capable de
se lancer à la poursuite de terroristes137.
A la différence de la PSI, le TSCTP ne porte pas
que sur le volet militaire et plus globalement sur
des questions de sécurité; il englobe également
des actions dans des domaines aussi divers que
l’emploi des jeunes, le renforcement de la
gouvernance au niveau local, le développement
des
infrastructures,
l’amélioration
des
conditions de santé et des services d’éducation.
Cela étant, son objectif premier est la lutte
contre le terrorisme. Pour ce faire, il ambitionne
d’assister les pays partenaires, situés en Afrique
de l’Ouest et du Nord (Algérie, Burkina Faso,
Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Nigeria,
Sénégal, Tchad et Tunisie), à la fois au niveau
bilatéral et régional, en leur permettant
d’accroître leurs capacités à faire face à la
menace terroriste; les buts étant de contenir et
marginaliser les organisations terroristes ainsi
que les réseaux qui les soutiennent, de perturber
leurs efforts pour recruter, entraîner, fournir des
terroristes, contrecarrer les efforts des
organisations terroristes visant à établir des
sanctuaires et déjouer les tentatives des
extrémistes d’influencer des populations
potentiellement vulnérable à la radicalisation138.
Pour l’année fiscale 2013, ce sont 16,1 millions
de dollars US qui ont été sollicités pour le
TSCTP, notamment pour financer des activités
de conseil, de formation et d’équipement des
unités militaires antiterroristes et pour
l’amélioration d’infrastructures139.
137
Jessica R. Piombo, Terrorism and U.S. CounterTerrorism Programs in Africa: An Overview, Center for
Contemporary Conflict, January 2007, p. 8.
http://www.gees.org/documentos/Documen-01928.pdf.
138
US Department of State, Congressional Budget
Justification, Vol 2, Foreign Operations, Fiscal Year
2013,
p.
344.
http://transition.usaid.gov/performance/cbj/185014.pdf.
139
Idem., p. 146.
Le TSCTP comporte un volet militaire
dénommé Operation Enduring Freedom-Trans
Sahara (OEF-TS). Il est conduit par le
Département de la Défense américain et a pour
cible les terroristes et extrémistes. L’OEF-TS
poursuit plusieurs objectifs, notamment:
renforcer la coopération et la communication
entre les pays participant, les liens militaires
bilatéraux, la lutte contre le terrorisme et la
sécurité frontalière. A travers ce programme, les
Etats-Unis entraînent, équipent, assistent et
conseillent les pays partenaires.
Selon l’appréciation qui en a été faite côté
américain, le TSCTP aurait, au cours de l’année
2011, réussit à progressivement renforcer les
capacités et la coopération entre les pays
concernés et contribué à enregistrer des succès
dans la lutte contre AQMI140. Si ce fait semble
difficilement discutable encore faudrait établir
un lien de causalité entre le TSCTP et ce
résultat.
COCLUSIO:
QUELQUES
LEÇOS TIREES DES EFFORTS
ATITERRORISTES E AFRIQUE
DE L’OUEST
Aucune évaluation à proprement parlée des
diverses réponses et initiatives à ce jour
conçues, mises en œuvre, tentées, initiées ou
planifiées afin de lutter contre le terrorisme en
Afrique de l’Ouest n’a été menée pour en
mesurer l’impact. Cependant, l’analyse d’un
certain nombre d’enseignements permet de tirer
quelques conclusions dont certains ont transpiré
tout au long de cette analyse.
140
US State Department Country Report on Terrorism
2011, p. 8.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 31
De la nécessité de prendre en compte la
complexité du terrorisme
De la nécessité d’une coopération
régionale sincère et effective
La lutte contre la menace terroriste en Afrique
de l’Ouest et particulièrement dans la bande
sahélo-saharienne,
est
une
entreprise
particulièrement complexe, qui doit prendre en
compte une multitude d’aspects: diplomatique,
politique, socioéconomique et sécuritaire, et les
liens que ce fléau entretient avec d’autres
problèmes tels que la criminalité transfrontalière
organisée et précisément les différents trafics
qui se sont développés dans la région. Ainsi,
compte tenu des liens de plus en plus étroits
existant entre le terrorisme et divers trafics dans
la région, il est plus que nécessaire d’adopter
une approche globale de ces problématiques,
non plus seulement comme des questions à
aborder individuellement, mais comme deux
faces d’une seule et unique réalité.
La lutte contre l’installation et l’ancrage
d’AQMI à partir du Nord du Mali, en plus de
l’incapacité et/ou de la faible détermination du
seul Mali à y faire face, a pâti des faiblesses et
vicissitudes de la réponse collective et
précisément de la coopération régionale entre
les pays du champ qui a peiné à
s’opérationnaliser.
Pour ce faire, il est important d’identifier avec
précision et de faire la distinction entre ce qui
relève des causes profondes ("root causes"), des
moteurs ou des facteurs ("drivers") ou encore
les combinaisons qui favorisent ou ont favorisé
l’émergence
et
le
développement
de
l’extrémisme religieux, du radicalisme, du
terrorisme d’inspiration islamiste. Qu’il s’agisse
d’une cause profonde ou de moteurs et facteurs,
la nature de la réponse, sa complexité et la durée
qu’il faudra pour que l’intervention fasse ses
effets seront bien entendues différentes.
Il s’agira de trouver le dosage adéquat pour
chaque intervention sur chaque aspect et de la
mener de manière effective. Aussi, il faudrait
accorder une attention particulière aux facteurs
externes ou encore à l’imprévu qui très souvent
joue un rôle déterminant dans l’aggravation
d’une situation donnée.
Certes il peut être compréhensif qu’un certain
temps soit nécessaire pour que tous les éléments
d’une coopération effective et efficiente se
mette en place; entre le moment où la décision
de coopérer est prise et les actions et dispositifs
idoines des mois peuvent s’écouler; il s’agit-là
des aléas de la coopération. Toutefois, cela
bénéfice en général aux groupes terroristes. Par
ailleurs, même lorsqu’il y a consensus sur un
problème et sur sa nature, et partant sur la nature
de la réponse à apporter, la coopération n’est
pas toujours naturelle.
Il faudrait en plus que les différents partenaires
partagent la même vision de l’approche à
adopter et des moyens à mettre en œuvre; ce qui
n’est pas totalement le cas avec les pays du
champ qui se caractérisent par des postures
différentes et souvent divergentes dans la lutte
contre AQMI. Aussi, en fonction de la nature du
problème, il est également souvent nécessaire
que la confiance s’établisse entre les partenaires;
ce qui peut prendre un certain temps, comme on
le voit entre les pays du champ.
Si l’enjeu n’était pas particulièrement important
dans le cas présent, on aurait pu juger quelque
peu compréhensibles ces vicissitudes tant
chacun des pays concernés a une vision et
posture qui découle notamment de son histoire
et de ses capacités (diplomatique, politique,
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 32
géopolitique, socioéconomique, militaire et
financière) pour n’évoquer que ces quelques
éléments d’appréciation.
Face aux efforts et à la détermination dont font
preuve les groupes terroristes présents dans la
bande sahélo-saharienne et même au-delà pour
établir des liens et coopérer, malgré les moyens
militaires et financiers significatifs dont ils
disposent, et leur implication dans des activités
criminelles, on trouverait surprenant à la longue
que les pays en première ligne, dont la sécurité,
la stabilité et même l’existence sont souvent
mises à rude épreuve pour un certain nombre
d’entre eux, ne soient pas capable de démontrer
la même disponibilité à coopérer et à nouer une
alliance dans la lutte contre cette menace
terroriste.
Le
renforcement
des
opérationnelles un élément clé
particulièrement une évaluation des failles et des
efforts constants d’adaptation et d’amélioration
de leurs dispositifs sécuritaires. Tout cela
demandera
nécessairement
des
moyens
financiers, ce dont la plupart des pays concernés
manquent. A cet effet, l’assistance de
partenaires (régionaux ou internationaux et
bilatéraux ou multilatéraux) mieux lotis
financièrement et techniquement s’avèrera
centrale, même s’il ne pourrait s’agir d’une
panacée.
Cela étant, ces efforts d’amélioration des
capacités opérationnelles demanderont un
certain temps afin d’être significatives. Il
faudrait bien sûr préciser qu’une approche
globale et intégrée, incluant également des
réponses politiques et socioéconomiques, est la
meilleure stratégie à adopter.
capacités
La lutte contre le terrorisme ne pourra
véritablement marquer des points et donner des
résultats probants, particulièrement dans sa
dimension sécuritaire, aussi bien d’un point de
vue national que régional, que lorsque les pays
qui y sont confrontés seront dotés de réelles
capacités
(tactiques
et
opérationnelles)
susceptibles de leur permettre non seulement
d’exercer un contrôle effectif et aussi étendu
que possible de leurs territoires, mais aussi de
s’opposer de manière effective et efficace aux
divers groupes qui y sont actifs. Cependant,
dans certains pays, compte tenu de leur
géographie, il serait tout de même illusoire et
une gageure de prétendre à un maillage et
contrôle total des zones frontalières et du
territoire en lui-même.
Face à ces défis, cet impératif requiert tout de
même de la part des pays concernés une attitude
véritablement proactive, qui impliquerait
Quelle efficacité et quel impact pour les
différentes actions d’assistance militaire
et sécuritaire ?
"Plusieurs années de formation dans le cadre du
programme américain de lutte anti-terroriste
semble avoir eu peu d’effet sur leurs
capacités"141, faisait récemment remarquer une
journaliste concernant l’assistance technique
dont a bénéficié l’armée malienne au cours des
dernières années. On pourrait extrapoler en
s’interrogeant sur la valeur et l’impact réels
qu’ont apporté les différentes initiatives
d’assistance technique sur les capacités
opérationnelles (mais aussi stratégiques et
tactiques) des armées africaines des pays
concernés dans leur lutte contre le terrorisme.
Dans le même ordre d’idées, le Ministre français
des Affaires étrangères, Laurent Fabius,
141
Lindsey Hilsum, “Mali’s Islamist warlord declares war
on the West”, Channel 4, 18 August 2012.
http://www.channel4.com/news/malis-islamist-warlorddeclares-war-on-the-west.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 33
déclarait récemment que face aux islamistes
surarmées présents au Nord-Mali, il fallait des
armées africaines "qui soient capables",
"organisées, suffisantes et équipées"142.
Le constat de départ sur la valeur des
programmes d’assistance sécuritaires devrait
quelque peu être relativisé; quelques résultats
positifs ayant tout de même été enregistrés sur le
terrain militaire, comme on l’a vu tout au long
de cette analyse. Cela étant, même si on peut
facilement observer certaines améliorations en
termes de professionnalisme ou de capacités
opérationnelles, il n’est pas toujours évident
d’établir un lien de causalité entre l’assistance
militaire ou sécuritaire fournie et l’impact réel
sur l’état de la menace sur le terrain. Cela est
d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit de prendre en
compte des éléments immatériels tels que
l’extrémisme violent ou encore le fanatisme qui
constitue le moteur de la plupart des groupes
terroristes.
Le lieu ici de rappeler que la lutte contre le
terrorisme demande une action déterminée sur
une combinaison de causes, de facteurs et de
réalités. La réponse ne saurait être uniquement
militaire ou sécuritaire.
Faible coordination des
d’assistance internationale
initiatives
Comme nous l’avons vu, la lutte contre le
terrorisme bénéficie d’une assistance non
négligeable de partenaires internationaux
(bilatéraux et multilatéraux). Cette assistance a
bénéficié de la multiplicité des initiatives
(bilatérale et multilatérale). Malheureusement,
comme il est de tradition, elle a également
142
"Mali: Fabius estime qu’une intervention militaire
nécessité des "forces africaines capables", AFP, 28 juillet
2012.
www.jeuneafrique.com/Article/DEPAFP2012072818104
4/.
pêché par un grand nombre de problèmes
relatifs au manque ou la faible cohérence et
coordination entre ces différentes initiatives,
chaque acteur poursuivant généralement un
agenda
(politique,
diplomatique
ou
géopolitique) et mettant en œuvre des
instruments particuliers, et se focalisant sur un
pays ou un groupe de pays. Ce qui a souvent
conduit à la duplication des actions.
Cette situation est susceptible d’avoir un impact
sur l’efficacité même de l’assistance
internationale dans son ensemble.
Menace terroriste en Afrique de l’Ouest: Etat des réponses nationales, régionales et internationales
ote d’analyse n° 13, septembre 2012
P a g e | 34
A PROPOS DES NOTES D’OVIDA
Les “otes d’OVIDA” s’inscrivent dans volonté et l’objectif de l’Observatoire de
promouvoir, rassembler et développer une expertise dans l’étude et l’analyse de certains des
enjeux s’articulant autour des questions de: Paix, Défense et Sécurité; Economie et
Commerce; Droits de l’Homme; et Environnement. Ces Notes portent également sur certains
des aspects relatifs aux canaux de la pratique diplomatique: bilatéralisme, régionalisme et
multilatéralisme.
Les contributions qui en résultent devront notamment permettre de dégager des éléments de
connaissance et de compréhension en offrant une réflexion, analyse et un décryptage sur des
thématiques ou sur des évènements et en faisant ressortir des idées maîtresses à des fins
d’information et d’amélioration de la connaissance.
NOTES D’OVIDA
NOTES D’ANALYSE
Dégager des éléments de
connaissance
&
de
compréhension en offrant
une réflexion, analyse &
un décryptage.
NOTES DE SYNTHESE
Faire ressortir & présenter
des idées maîtresses à des
fins
d’information
&
d’amélioration
de
la
connaissance.
• Sommets et évènements africains (UA, CEMAC, CEEAC,
CEDEAO, COMESA, SADC, Afrique-UE, Afrique-Corée,
etc.) & internationaux;
• Visites/tournées de dirigeants africains et étrangers;
• Questions ou thématiques particulières;
• Rapports & documents divers.
Edition: William Assanvo
Pour tous vos commentaires et suggestions, bien vouloir écrire à [email protected]