ROYAL LEPAGE EST AU BÂTON Par : Paul

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ROYAL LEPAGE EST AU BÂTON Par : Paul
ROYAL LEPAGE EST AU BÂTON
Par : Paul Mayer du cabinet d’avocats Fasken Martineau DuMoulin
L’année dernière, Royal LePage Commercial Inc. a été vendue par Brascan à son
associée internationale de longue date. Comptant cinquante-cinq agents immobiliers, Cushman &
Wakefield LePage Inc. est l’entreprise de courtage immobilier la plus importante de Montréal.
Elle fait maintenant partie intégrante d’une société japonaise dont le siège social se trouve aux
Etats-Unis et qui se trouve à être le groupe le plus important à l’échelle mondiale.
Une étude de la jurisprudence récente démontre que l’entreprise n’hésite pas à défendre
ses droits si elle est d’avis qu’on ne veut pas la payer ou qu’elle est privée de recevoir une
commission qu’elle croit avoir gagnée.
Le présent article a pour objet d’examiner quatre causes récentes portant sur des
réclamations à titre de commissions faites par cette entreprise. Ces causes illustrent l’incertitude
quant au résultat lorsqu’un différend est présenté devant les tribunaux.
Il est trop tard!
La décision de la Cour supérieure de 1999, Royal LePage Commercial Inc. c. André
Marcoux et autres, a connu une fin heureuse pour Royal LePage.
L’histoire a débuté à l'automne de 1996, lorsque André Marcoux, propriétaire de McGill
Transport Ltée, a commencé à chercher des locaux pour relocaliser de Mirabel à Dorval sa
société de transport, étant donné le transfert des vols d'un aéroport à l'autre. Il a signé une brève
-2lettre de quatre paragraphes en octobre 1996 avec Royal LePage, donnant au courtier le mandat
exclusif d’évaluer différentes propriétés en vue de leur achat ou location. Il y était stipulé que le
mandat prendrait fin le 1er mai 1997 ou à la réalisation du projet, selon la dernière de ces dates.
Toutes les visites et offres d'achat ou de location devaient être faites par l'intermédiaire du
courtier. Aucun engagement visant à payer une commission n'y était prévu, puisqu'on s'attendait
à ce que le courtier reçoive sa rémunération du vendeur ou du locateur, selon le cas.
L'agent immobilier, Gilles Michaud s'est immédiatement mis au travail. En novembre
1996, il a préparé pour le client un rapport qui répertoriait treize propriétés à titre de cibles
éventuelles. En décembre, M. Marcoux a demandé à M. Michaud de répertorier également des
terrains qui seraient disponibles à l’achat. En janvier 1997, M. Michaud a préparé un rapport
identifiant douze terrains dans la zone géographique visée, y compris une propriété située au
360-390 Michel Jasmin. M. Marcoux connaissait déjà cette propriété. Il l’avait visitée dans le
passé, accompagné d'un agent immobilier, Denis Gosselin, du courtier La Capitale et du
promoteur immobilier, Jacques Tozzi.
Comme il arrive souvent dans ces cas, à partir de ce moment l'histoire devient plutôt
nébuleuse. M. Michaud prétend, qu'entre janvier et juillet 1997, il a continué à chercher des
propriétés qui conviendraient à M. Marcoux, l'appelant à quelques reprises chaque mois et notant
l'indécision de M. Marcoux. Pour sa part, M. Marcoux prétend être resté sans nouvelles de
M. Michaud durant cette période. Toutefois, M. Michaud a témoigné que M. Marcoux lui avait
demandé, le 21 mai 1997, de vérifier s'il y avait d'autres propriétés sur le marché. M. Michaud a
vérifié la banque de données interne de Royal LePage. Il s'est également renseigné au sujet de
propriétés disponibles auprès du commissaire industriel de l'Ouest-de-l'Île duquel il a reçu un
-3rapport. La liste reçue le 27 mai ne faisait mention d’aucune propriété qui n'était pas déjà inscrite
dans son rapport original.
Le 30 juin 1997, M. Michaud a communiqué avec M. Marcoux et a été avisé par ce
dernier qu'il avait fait une offre visant un terrain. M. Michaud lui a rappelé l'existence de leur
contrat de courtage, et M. Marcoux de répliquer : « Il est trop tard », déclarant que leur contrat
de courtage avait pris fin le 1er mai 1997.
Le 30 septembre, deux sociétés contrôlées par M. Marcoux ont fait l’acquisition de la
propriété située rue Michel Jasmin avec l’aide de l’agent immobilier, Denis Gosselin. À la
clôture, le courtier a touché une commission de 50 000 $ payée par le vendeur.
Le tribunal a établi que le mandat de courtage ne prenait pas fin le 1er mai comme
M. Marcoux l’avait affirmé. Le contrat de courtage prévoyait qu’il devait expirer à la réalisation
du projet. Par conséquent, l’achat a été réalisé au cours de la durée du contrat exclusif avec
Royal LePage. En outre, le contrat prévoyait que toutes les offres devaient être faites par Royal
LePage. L’offre d’achat, qui avait été faite avec l’aide de M. Gosselin, a été faite en
contravention de cet engagement.
La Cour a également conclu que M. Marcoux était de mauvaise foi. Il avait empêché
Royal LePage de toucher une commission auprès du vendeur. Elle a conclu que M. Marcoux et
ses sociétés étaient solidairement responsables du paiement de 50 000 $ à verser à Royal LePage.
-4Abasourdi et étonné
L’affaire de la Cour Supérieure de 2002, Royal LePage Inc. c. Natursource Inc., est une
autre décision dans le cadre de laquelle Royal LePage a obtenu gain de cause contre un client qui
avait violé son contrat de courtage exclusif.
En janvier 1999, Natursource Inc., représentée par Garry Oberfield, a signé une
convention avec Royal LePage leur donnant le droit exclusif de trouver et de négocier des locaux
convenables pour lui permettre de relocaliser son entreprise. La durée du contrat devait prendre
fin à la date d’occupation des nouveaux locaux ou à la date d’expiration du bail y afférent, selon
la première de ces dates. Toutefois, chaque partie pouvait mettre fin au contrat de courtage en
faisant parvenir à l’autre un préavis écrit de quinze jours.
Entre février et mai 1999, l’agent immobilier, Elias Nathaniel, a préparé trois rapports
répertoriant différentes propriétés disponibles que M. Oberfield pouvait prendre en
considération. Dans la crainte de ne pouvoir trouver des locaux à temps avant l’expiration de son
bail actuel, M. Oberfield a négocié, en avril 1999, une prolongation de son bail d’une durée de
cinq années supplémentaires, assorti d’une option d’annulation à tout moment moyennant un
préavis écrit d’un an. En décembre 1999, M. Oberfield a avisé son locateur que son bail prendrait
fin en décembre 2000. Il a communiqué avec M. Nathaniel et lui a demandé de lui trouver de
nouveaux locaux. Croyant que le contrat de courtage précédent continuait de s’appliquer,
M. Nathaniel n’a pas préparé de nouveau contrat.
En janvier 2000, M. Nathaniel a présenté à M. Oberfield un rapport répertoriant six
propriétés, y compris une sur l’avenue Dobrin à Ville St-Laurent. Quatre des propriétés ont été
visitées, mais celle sur l’avenue Dobrin, pour une raison quelconque, ne l’a pas été.
-5Apparemment, insatisfait du travail de M. Nathaniel, M. Oberfield s’est mis lui-même à
la recherche de locaux. En avril et en mai 2000, il a téléphoné à de nombreux agents dont les
noms figuraient sur des écriteaux « À louer » en avant d’immeubles commerciaux. Il n’a pas
mentionné à ces agents qu’il avait un contrat de courtage exclusif avec Royal LePage. En outre, à
la fin de mai, il a communiqué avec Louis Oppenheim qui a mentionné que l’édifice sur l’avenue
Dobrin était disponible à la location.
Le 9 juin, M. Oberfield a avisé M. Nathaniel qu’il aimerait désormais faire affaire avec
d’autres courtiers immobiliers, sans mettre fin au contrat de courtage immobilier. Il n’a pas
informé M. Nathaniel qu’il avait perdu confiance en lui, qu’il avait déjà eu de nombreux contacts
avec d’autres agents ou qu’il devait visiter les locaux de l’avenue Dobrin avec M. Oppenheim
trois jours plus tard.
En août, M. Nathaniel a appris que Natursource était sur le point de signer un bail pour
l’immeuble situé rue Dobrin. Il a téléphoné à l’agent de location du propriétaire de l’immeuble,
Michel Tourillon, pour lui mentionner qu’il avait présenté cet immeuble à M. Oberfield au cours
de son mandat exclusif. M. Tourillon en a discuté avec M. Oberfield qui lui a répondu que le
mandat de Royal LePage avait pris fin.
M. Nathaniel a écrit à M. Oberfield et l’a avisé que si Natursource louait l’immeuble,
Royal LePage réclamerait une commission. En réponse, M. Oberfield lui a fait parvenir la lettre
suivante :
-6[TRADUCTION]
« J’ai été abasourdi et étonné de recevoir votre lettre réclamant
des commissions ayant trait à une transaction à laquelle vous
n’avez pas participé.
Au départ, je vous avais avisé par téléphone le 9 juin 2000 que je
commencerais à travailler avec d’autres agents, mettant ainsi fin à
votre mandat exclusif. Vous m’avez répondu « que maintenant
vous ne consacreriez plus autant de temps » à mon dossier.
De fait, à compter de ce moment, je n’ai plus eu de nouvelles de
vous par télécopieur ou par téléphone jusqu’à ce que je reçoive
votre réclamation de commission télécopiée.
En ce qui a trait à l’immeuble visé, bien que vous m’ayez télécopié,
en février 2000, des renseignements concernant cette inscription
dans un lot qui en refermait plusieurs autres, vous ne m’avez
jamais fait visiter l’immeuble ni n’avez entamé des négociations
avec le locateur. De fait, vous m’avez laissé entendre que cet
immeuble n’était pas convenable pour mon type d’exploitation,
étant donné que le locateur ne permettrait jamais ce genre de
fabrication dans un édifice à locataires multiples et vous m’avez
découragé d’y donner suite. Vous ne m’avez d’ailleurs jamais plus
mentionné cet immeuble en aucune circonstance jusqu’au moment
où je vous ai avisé que je travaillerais avec d’autres agents. Et
cela, en dépit du fait que je vous ai demandé en mai de redoubler
vos efforts pour me trouver un immeuble convenable.
Lorsque je me suis rendu compte que vous ne répondiez pas à mes
besoins en tant que client, je n’ai pas eu d’autre choix que de
m’adresser ailleurs pour mes services de courtage.
-7Veuillez agréer l’expression de mes sentiments distingués,
Garry Oberfield »
M. Nathaniel a nié avoir dit à M. Oberfield que l’immeuble de la rue Dobrin n’était pas
convenable. La Cour a jugé que son témoignage était crédible. Le tribunal a également établi que
le contrat de courtage de Royal LePage était encore en vigueur au moment de l’achat.
M. Oberfield aurait pu y mettre fin mais ne l’a pas fait. La Cour a conclu que Royal LePage avait
été privée de gagner la même commission que M. Oppenheim avait reçue. Elle a alloué à Royal
LePage le montant de 42 0000 $.
L’épouse acquiert l’immeuble
La cause de 2004, Royal LePage Commercial Inc. c. David Bohbot et Theodoros
Debeyiotis en Cour Supérieure concerne une réclamation de Royal LePage d’environ 110 000 $
ayant trait à la vente d’une propriété située sur Place Décelles à Montréal.
À l’automne 2000, Royal LePage, par l’intermédiaire de son agent immobilier, Martin
Léger, a obtenu un contrat de courtage non exclusif visant la vente de la propriété. M. Léger a
annoncé la propriété et a reçu un appel de Theodoros Debeyiotis, qui a manifesté un intérêt. Ils
se rendent ensemble visiter la propriété en novembre. M. Léger a par la suite préparé une offre
d’achat au montant de 1 675 000 $, que M. Debeyiotis a signé. Le vendeur a formulé une contreoffre au montant de 1 900 000 $. Cette contre-offre stipulait que si elle était acceptée, le vendeur
paierait à Royal LePage une commission de 5 % sur le prix de vente. M. Léger a communiqué
avec les deux parties à plusieurs reprises pour tenter de négocier une entente, mais c’était peine
perdue, étant donné que les deux parties restaient sur leur position.
-8En juillet 2001, M. Léger a communiqué avec le vendeur qui l’a informé qu’il ne voulait
plus vendre la propriété et lui a demandé de ne pas le rappeler avant un an. Un mois plus tard,
M. Léger a appris que le vendeur avait vendu la propriété au montant 1 900 000 $ à nulle autre
que Carol Tselemenis qui est l’épouse de M. Debeyiotis.
Que s’est-il passé? Au printemps de 2001, Spiridon (Spyro) Fokas, un autre agent
immobilier, qui connaissait M. Bohbot (depuis six ans) et M. Debeyiotis (depuis 20 ans), est
intervenu. M. Debeyiotis avait communiqué avec M. Fokas et lui avait dit qu’il était intéressé à
acheter un immeuble commercial étant donné qu’il avait accepté une offre de vente visant une
autre propriété dont il était le propriétaire sur l’avenue Van Horne. Ils ont examiné différentes
possibilités et ont éventuellement décidé de faire une offre au montant de 1 750 000 $ visant la
propriété Décelles. M. Fokas a préparé une offre d’achat où le nom de Mme Tselemenis figurait
à titre d’acquéreur. Le vendeur a fait une contre-offre de vente au montant de 1 950 000 $. Par la
suite, au cours d’une période de 18 jours, sept offres et contre-offres ont été échangées entre les
parties jusqu’à ce qu’une entente ait été finalement conclue en vue de la vente de la propriété au
montant de 1 900 000 $. Afin de conclure la transaction, M. Fokas, l’agent, accepte une décote.
Ne voulant pas que la transaction lui échappe, il a convenu de réduire sa commission, laquelle est
passée de 76 000 $ (4 % du prix de vente) à 32 000 $, pour combler la différence qui empêchait
la conclusion de la transaction.
Royal LePage a engagé une poursuite contre le vendeur et M. Debeyiotis en vue de
toucher une commission de 5 % du prix d’achat. Elle a allégué que M. Léger était « la cause
efficiente de la vente » étant donné qu’il avait mis les parties en relation l’une avec l’autre. La
Cour a reconnu que M. Léger avait mis les parties en relation l’une avec l’autre en
novembre 2000. Toutefois, elle a déclaré que le vendeur ne s’était engagé qu’à payer une
-9commission de 5 % si sa contre-offre de novembre 2000 était acceptée. La Cour a également
conclu que M. Bohbot n’était pas au courant que Mme Tselemenis était l’épouse de
M. Debeyiotis, étant donné qu’il ne l’avait jamais rencontrée.
La Cour a conclu que M. Fokas était celui qui avait consacré son temps au travail
nécessaire pour conclure la transaction. Elle a conclu que la transaction n’aurait pas eu lieu sans
les efforts déployés et les concessions consenties par M. Fokas. À ce titre, la Cour a conclu qu’il
était la véritable cause efficiente de la vente. Par conséquent, la Cour a déclaré que Royal LePage
n’avait pas le droit de recevoir la commission réclamée.
Gare aux demandes reconventionnelles
La cause de 2004, Royal LePage Commercial Inc. c. 109650 Canada Ltd. en Cour
Supérieure porte sur une réclamation de 72 000 $ faite par Royal LePage contre un client qui a
vendu une propriété à une société contrôlée par John Scotti.
Royal LePage avait conclu un contrat de courtage visant la location d’une propriété. Au
cours de la durée du mandat, elle a allégué qu’elle avait présenté la propriété à John Scotti par
téléphone mais que M. Scotti leur avait fait savoir qu’il n’était pas intéressé.
Le vendeur a déclaré qu’il n’était pas satisfait de la qualité du travail du courtier, si bien
que lorsque le mandat a pris fin en février 2000, il n’a pas été renouvelé.
Royal LePage a alors appris que la propriété avait été vendue en mai 2000 à une société
contrôlée par John Scotti. Étant donné qu’elle avait présenté la propriété à M. Scotti au cours de
la durée du contrat de courtage, elle était d’avis qu’elle était la cause efficiente de la vente.
- 10 Toutefois, les faits prouvés au procès ont démontré que M. Scotti connaissait déjà la
propriété lorsque Paul Vincent, agent immobilier de Royal LePage, la lui a mentionné au
téléphone, étant donné qu’il s’y était déjà intéressé et qu’il l’avait même visitée en décembre
1998.
La Cour a conclu que Royal LePage n’avait pas su établir par qui et à quel moment la
propriété avait été présentée à M. Scotti. Trois de ses agents ont donné des témoignages
contradictoires. André Vincent a déclaré qu’il avait présenté la propriété le 12 août. Elias
Nathaniel a déclaré qu’il avait présenté la propriété le 31 août et Paul-André Gélinas a pour sa
part déclaré qu’il avait visité la propriété avec M. Scotti un an avant, en novembre 1998.
La Cour a déclaré que la preuve avait établi que le problème essentiel de la conclusion
d’une transaction entre le vendeur et M. Scotti était que M. Scotti voulait acheter l’immeuble
tandis que le vendeur, pour différentes raisons d’ordre fiscal et financier, ne voulait que le louer.
M. Scotti était intéressé à acheter la propriété depuis des années, mais personne ne pouvait tirer
les parties de cette impasse.
La Cour a rejeté l’action de Royal LePage. Elle a conclu que la réclamation de Royal
LePage était sans fondement et que le procès avait été « une longue partie de pêche ».
En réponse, le vendeur a présenté une demande reconventionnelle contre Royal LePage.
Il réclamait le montant de 94 000 $ étant donné que la poursuite contre lui était abusive. La Cour
a conclu que Royal LePage avait agi abusivement en intentant une poursuite qui était sans
fondement et en poursuivant le débat tout au long d’un procès de 10 jours, même si elle savait
qu’elle ne disposait pas de la preuve nécessaire pour appuyer sa réclamation de commission. La
- 11 Cour a conclu que Royal LePage devait verser au vendeur ses honoraires extra-judiciaires de
54 000 $.

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