La figure de l`ancien combattant d`Indochine dans

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La figure de l`ancien combattant d`Indochine dans
La figure de l’ancien combattant d’Indochine dans le cinéma français
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Les Clionautes à Blois avec Delphine Robic-Diaz
La figure de l’ancien combattant d’Indochine
dans le cinéma français
par Evelyne Gayme
Mise en ligne : lundi 17 octobre 2011
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La figure de l’ancien combattant d’Indochine dans le cinéma français
Delphine Robic-Diaz est maître de conférences à l’Université de Montpellier III, spécialiste de
Pierre Schoendoerffer. Elle a constaté que la présence de la guerre d’Indochine dans le cinema
français était indigente : 7 films de fiction long métrage entre 1954 et 2011. En revanche, les films
où l’on parle des anciens combattants sont beaucoup plus nombreux- une trentaine- et permettent,
bien que la guerre d’Indochine ne soit pas toujours nommée, de faire apparaître des facettes
récurrentes de la figure de ces soldats.
L ’ancien d’Indochine est présenté comme un assassin ou un tueur en série, ainsi que Mme RobicDiaz le montre à partir de l’étude très convaincante de deux scènes d’Ascenseur pour l’échafaud.
L’ancien combattant est un héros maudit, personnifié par Maurice Ronet. D’autres films le
présentent comme un malfaiteur, un ridicule, éternel raté, qui rend la défaite moins amère,
causant moins de polémiques : Les Tontons Flingueurs, et notamment la scène dans la cuisine, en
témoigne. Les anciens combattants d’Indochine sont également des sociopathes, inaptes à la vie
civile : songeons au personnage de Biên Phu (prononcer bien fou) dans La Horse, à celui de "Bien
Bien Phu" dans Scout toujours. Dans L’Horloger de Saint-Paul, l’ancien d’Indochine est le tué, une
menace passée, comme la guerre. Il est également un alcoolique, l’alcool opérant comme un
anesthésiant qui réveille la mémoire enfouie commune. Parfois, il est frappé d’amnésie - Cybèle ou
les Dimanches de Ville d’Avray. La guerre d’Algérie est hantée par la guerre d’Indochine, qui agit
comme un spectre - "venger l’honneur perdu, comme le père de Hamlet" selon Mme Robic-Diaz-.
Dans les films sur la guerre d’Algérie, la guerre d’Indochine revient lors des crises, souvent durant
les scènes de torture. Grande nouveauté cependant avec L’Ennemi Intime en 2007, où celui qui a
fait l’Indochine est un sage, un avertisseur. Enfin, l’ancien combattant est un survivant des camps
Viet-minh. Seul Pierre Schoendoerffer, ancien prisonnier de guerre lui-même, l’évoque dans ces
films, mais se refuse à filmer des scènes de captivité alors qu’il n’y a pas d’images d’archives. Il
montre la capture et la libération, mais pas la captivité et fait là aussi une connexion avec la
torture en Algérie.
L’ ancien combattant de la guerre d’Indochine n’est pas un sujet de film, mais une présence
refoulée, reléguée à la périphérie du récit. L’idée d’une comparaison avec la guerre du Vietnam est
tentante, mais repoussée, car c’est le contingent qui est engagé au Vietnam, plus facile à montrer
comme martyr que le soldat de métier en Indochine, bouc émissaire porteur de la culpabilité
collective d’ une guerre perdue.
Evelyne Gayme
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