1 Les adverbes en-ment Estelle Moline Normandie Université
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1 Les adverbes en-ment Estelle Moline Normandie Université
Les adverbes en-ment Estelle Moline Normandie Université UNICAEN, CRISCO (EA 4255) 1. Présentation Les adverbes en –ment constituent une catégorie morphologiquement homogène de termes construits par l’ajout du suffixe –ment, issu de la forme ablative mente du substantif latin mens, mentis « disposition d’esprit », à une base généralement adjectivale. Cette homogénéité morphologique contraste avec une hétérogénéité considérable, qui concerne tout autant les propriétés distributionnelles que les effets de sens produits. Les adverbes en -ment ont fait l’objet de travaux extrêmement nombreux, qu’il s’agisse d’études relatives à un adverbe particulier ou à groupe d’adverbes spécifique (voir e.a. Borillo 1976, DanjouFlaux & Gary-Prieur 1981, Molinier 1990, NølKe 1993), ou de typologies de l’ensemble de ces adverbes (voir e.a. Nilhson-Ehle 1941, Sabourin & Chandiou 1977, Mørdrup 1976, Schlyter 19771, Nøjgaard 1995, Guimier 1996, Molinier & Lévrier 2000). La réflexion typologique est conduite soit à partir d’exemples construits (Molinier & Lévrier 2000), soit illustrée d’exemples littéraires attestés (Nøjgaard 1995, Guimier 1996), selon une approche corpus based. A ma connaissance, il n’existe qu’une étude de type corpus driven (voir Bilger 2004). Analysant des corpus oraux, l’auteure met en évidence des points communs et des différences dans le choix des adverbes en –ment en fonction du type de parole (privée, publique ou professionnelle), puis confronte les résultats obtenus aux adverbes recueillis dans un corpus journalistique écrit. Mon approche sera complémentaire, dans la mesure où je présenterai d’une part une étude exhaustive des adverbes en –ment relevés dans un échantillon du Corpus de Français Parlé Parisien 2000 (section 3), d’autre part une comparaison de la fréquence de ces adverbes dans des corpus oraux de différentes variétés de français, à savoir le Corpus de Français Parlé Parisien 2000, le Corpus de Français Parlé au Québec et le Corpus Oral de Français Parlé en Suisse Romande (section 4). Du fait qu’une valeur ne peut être attribuée à un adverbe qu’au sein d’une typologie adverbiale – ce dont témoigne leur diversité –, je rappellerai préalablement la classification proposée par Molinier & Lévrier 2000, qui me servira ici de cadre de référence (section 2). 2. La typologie de Molinier & Lévrier 2000 Molinier & Lévrier 2000 construisent des classes disjointes d’adverbes, caractérisées par des critères mutuellement exclusifs. Leur classification repose sur une partition initiale entre deux catégories majeures d’adverbes : les adverbes de phrase et les adverbes intégrés à la proposition. Les adverbes de phrase (j’ai clairement pas les finances d’un bobo quoi2) sont définis par la conjonction de deux propriétés : la possibilité d’occuper une position détachée en tête de phrase négative d’une part et l’impossibilité d’être « extrait » dans c’est… que d’autre part. Les deux catégories majeures étant complémentaires, les adverbes intégrés à la proposition (mais j’les vois rarement) sont caractérisées par la « disjonction de la négation de chacune des propriétés des adverbes de phrase » (Molinier 1990 : 29). En d’autres termes, un adverbe intégré à la proposition est défini par l’impossibilité de figurer en position détachée en tête de phrase négative ou par la possibilité d’être extrait dans c’est… que, ces deux propriétés n’étant pas exclusives l’une de l’autre. 1 2 Pour un bilan critique de ces différentes typologies, voir Nølke 1990. Sauf indication contraire, les exemples de cette section sont extraits du sous-corpus [03-01] du CFPP 2000. 1 Parmi les adverbes de phrase, les auteurs distinguent les conjonctifs et les disjonctifs, qui constituent deux classes complémentaires. Les adverbes de phrase conjonctifs (justement les Chinois ils sont bien accueillis), dont les propriétés « explicitent le lien de la phrase où ils figurent avec la phrase ou le discours du contexte gauche » (Molinier & Lévrier 2000 : 56), ne peuvent être utilisé en l’absence « d’un contexte gauche auquel ils renvoient » (Molinier & Lévrier 2000 : 49), ce qui les distingue des adverbes de phrase disjonctifs. Ces derniers se subdivisent en deux sous-classes complémentaires, les disjonctifs de style et les disjonctifs d’attitude. Les adverbes disjonctifs de style (euh moi franchement euh j’kifferais bien retourner dans mon quartier) caractérisent la relation du locuteur à l’interlocuteur ou à son dire. Pour leur part, les adverbes disjonctifs d’attitude se répartissent en quatre sous-classes : les adverbes d’habitude (moi généralement ça m’énerve3), qui « ne sont compatibles qu’avec le présent et l’imparfait dans leur interprétation aspectuelle » (ibid. : 79) ; les adverbes évaluatifs (c’est-à-dire que ma mère euh malheureusement a + est est tombée malade), qui explicitent le « caractère favorable ou défavorable que revêt un événement ou, plus largement, […] la perception affective globale qui est en faite par le locuteur » (ibid. : 87) ; les adverbes modaux (oui on en fait partie ouais mais sans sans forcément euh le crier sur les toits), qui évaluent le degré de vérité ou de certitude d’une proposition » (ibid. : 87) et peuvent « constituer seuls une réponse à une question totale sans être soumis à des restrictions de sélections particulières » (ibid. : 91) ; les adverbes d’attitude orientés vers le sujet (mon mari très gentiment a cherché un appartement4), qui assertent « un jugement du locuteur sur le contenu de la phrase qu’ils accompagnent, ainsi que sur le sujet humain de cette même phrase » (ibid. : 111). Les adverbes intégrés à la proposition se distribuent en six classes. Les adverbes de manière orientés vers le sujet (tu peux pas aller traverser aller l’voir et discuter avec lui calmement5) se caractérisent par une paraphrase possible en « Il est Adj en Vant » lorsque le référent du sujet est humain. Les adverbes de manière quantifieurs (j’adore aller voir des concerts parce que c’est ça me nourrit énormément) peuvent constituer une réponse à une interrogation dont le foyer est un quantifieur. Leur sont associés les adverbes intensifs (l’histoire des papiers est vachement importante hein) et les adverbes de complétude (en face ça a été entièrement refait en un + appartement6). Les adverbes de manière verbaux (c’est très joliment dit) s’opposent aux deux classes précédentes (adverbes de manière orientés vers le sujet et adverbes de manière quantifieurs) en ce qu’ils n’en possèdent pas les caractéristiques définitoires. Les adverbes de point de vue (c’est sûr que c’est le bah financièrement le le le p- le plus simple hein), qui peuvent être paraphrasés par « d’un point de vue Adj », « ont pour fonction de spécifier pour quel domaine une proposition est vraie » (Molinier & Lévrier 2000 : 221). Les adverbes de temps regroupent trois sous-classes : les adverbes de date (donc actuellement j’travaille sur un call-center), les adverbes de durée (J’ai abandonné + définitivement) et les adverbes de fréquence (moi j’vais rarement au cinéma), Enfin, les adverbes focalisateurs (c’était uniquement en famille), ne peuvent pas être extraits dans c’est… que qu’accompagnés d’un constituant majeur de la phrase sur lequel ils portent. La classification proposée par Molinier & Lévrier 2000 est synthétisée dans le tableau 1 : 3 sous-corpus [18-01] du CFPP 2000. sous-corpus [07-05] du CFPP 2000. 5 sous-corpus [SO-02] du CFPP 2000. 6 sous-corpus [07-05] du CFPP 2000. 4 2 Adverbes de phrase 1. Adverbes de phrase conjonctifs (premièrement, finalement) 2. Adverbes de phrase disjonctifs de style (objectivement, personnellement) Adverbes intégrés à la proposition 1. Adverbes de manière orientés vers le sujet (anxieusement) 2. Adverbes de manière quantifieurs (énormément, considérablement) adverbes intensifs (exceptionnellement, particulièrement) adverbes de complétude (partiellement, complètement) 3. Adverbes de manière verbaux (généralement, (péniblement) 3. Adverbe disjonctifs d’attitude a. adverbes d’habitude habituellement) b. adverbes évaluatifs (heureusement, bizarrement) c. adverbes modaux (certainement, effectivement) d. adverbes d’attitude orientés vers le sujet (gentiment) 4. Adverbes de point de vue (financièrement, légalement) 5. Adverbes de temps a. adverbes de date (actuellement, précédemment) b. adverbes de durée (temporairement, provisoirement) c. adverbes de fréquence (constamment, épisodiquement) 6. Adverbes focalisateurs (uniquement, notamment) Tableau 1 Classification des adverbes en –ment d’après Moliner & Lévrier 2000. Il est à noter qu’une même forme adverbiale peut apparaître dans différentes classes : il y a alors « homonymie syntaxique » (Molinier & Lévrier 2000 : 52). Ainsi, selon ces auteurs, la forme adverbiale vraiment peut correspondre à un adverbe de phrase disjonctif de style (Vraiment, il exagère), à un adverbe de manière verbal (Ils s’aiment vraiment) ou à un adverbe de manière quantifieur (Il est vraiment drôle)7. Par conséquent, l’identification de la classe à laquelle ressortit une occurrence d’une forme adverbiale est nécessairement établie en fonction de son contexte d’apparition. 3. Les adverbes en –ment dans le sous-corpus [03-01] du CFPP 2000 D’une durée de quatre-vingts quinze minutes et comptant 21 733 mots, ce sous-corpus est constitué par les propos de cinq locuteurs masculins âgés d’une trentaine d’année (entre 31 et 34 ans) et de l’enquêtrice qui anime la discussion. Il contient 49 formes adverbiales en –ment qui produisent au total 202 occurrences, lesquelles se répartissent comme suit : 7 Rang Adverbes 1 2 2 4 5 6 6 8 9 vraiment effectivement énormément carrément forcément justement vachement simplement finalement [03-01] Nb d’oc. 59 11 11 10 9 8 8 7 6 Les exemples sont repris de Molinier & Lévrier (2000 : 519). 3 [03-01] % 29, 20 % 5,44 % 5,44 % 4,95 % 4,45 % 3,96 % 3,96 % 3,46 % 2,97 % 10 10 10 10 10 15 15 15 15 19 19 19 19 19 19 19 19 19 19 29 29 29 29 29 29 29 29 29 29 29 29 29 29 29 29 29 29 29 29 29 clairement 4 exactement 4 facilement 4 rapidement 4 régulièrement 4 absolument 3 apparemment 3 officiellement 3 spécialement 3 actuellement 2 certainement 2 essentiellement 2 exclusivement 2 financièrement 2 gentiment 2 professionnellement 2 rarement 2 totalement 2 tellement 2 complètement 1 concrètement 1 définitivement 1 directement 1 également 1 éventuellement 1 franchement 1 globalement 1 honnêtement 1 joliment 1 malheureusement 1 normalement 1 notamment 1 pratiquement 1 proportionnellement 1 quasiment 1 quotidiennement 1 seulement 1 socialement 1 traditionnellement 1 uniquement 1 Adv en -ment 202 Nbre total de mots 21 733 Tableau 2 Les adverbes en –ment, dans le sous-corpus [03-01] du CFPP nombre d’occurrences et pourcentage relatif 1,98 % 1,98 % 1,98 % 1,98 % 1,98 % 1,48 % 1,48 % 1,48 % 1,48 % 0,99 % 0,99 % 0,99 % 0,99 % 0,99 % 0,99 % 0,99 % 0,99 % 0,99 % 0,99 % 0,49 % 0,49 % 0,49 % 0,49 % 0,49 % 0,49 % 0,49 % 0,49 % 0,49 % 0,49 % 0,49 % 0,49 % 0,49 % 0,49 % 0,49 % 0,49 % 0,49 % 0,49 % 0,49 % 0,49 % 0,49 % En première analyse, il apparaît d’une part que les adverbes en –ment sont peu usités (moins de 1% du nombre total de mots) et d’autre part que les formes adverbiales utilisées sont très inégalement réparties : si vraiment en constitue à lui seul près de 30%, une vingtaine d’entre elles n’apparaît qu’une seule fois (moins de 0,5%), et une dizaine deux fois (moins de 1%). Entre ces deux extrêmes, seules trois formes (effectivement, énormément, carrément) comptabilisent une dizaine d’occurrences, ce qui équivaut à un total d’un peu moins de 16%. En d’autres termes, les quatre formes adverbiales les plus représentées constituent à elles seules environ 45% des occurrences relevées, tandis que les formes à occurrence unique ou double atteignent près de 20%. 4 Une telle disparité n’est pas spécifique au corpus étudié, comme le montre la représentativité relative de ces formes adverbiales dans l’ensemble du CFPP 20008. En effet, avec 1127 occurrences, vraiment en représente à lui seul près de 30%, tandis que les trente formes les moins fréquentes (moins de 1% chacune, avec des disparités considérables selon les items) constituent à peine 16% de l’ensemble. Le tableau 3 présente la représentativité relative de ces formes adverbiales9 dans l’ensemble du CFPP 2000 : Rang Adverbes 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 20 22 23 23 25 26 27 27 29 30 30 32 32 34 35 36 37 38 39 vraiment justement effectivement finalement absolument forcément tellement complètement énormément exactement simplement spécialement quasiment franchement pratiquement certainement normalement régulièrement apparemment actuellement facilement carrément malheureusement rarement notamment seulement éventuellement totalement essentiellement également honnêtement directement globalement uniquement clairement rapidement concrètement vachement socialement CFPP 2000 Nbre d’occ. 1127 302 290 220 158 157 145 135 102 100 93 82 56 55 49 46 43 42 38 37 37 36 34 34 33 30 29 29 28 27 27 26 26 24 20 18 14 12 8 8 CFPP 2000 % 29,64% 7,94% 7,62% 5,78% 4,15% 4,12% 3,81% 3,55% 2,68% 2,63% 2,44% 2,15% 1,47% 1,44% 1,28% 1,20% 1,13% 1,10% 0,99% 0,97% 0,97% 0,94% 0,89% 0,89% 0,86% 0,78% 0,76% 0,76% 0,73% 0,71% 0,71% 0,68% 0,68% 0,63% 0,52% 0,47% 0,36% 0,31% 0,21% Voir également Bilger 2004. Dans la mesure où il n’était pas matériellement possible d’isoler les seuls adverbes en –ment au sein des 45 872 formes identifiées comme des adverbes dans le CFPP 2000, ni de vérifier le nombre d’occurrences des 2 780 adverbes en –ment retenus par Molinier & Lévrier 2000, seuls les items apparaissant dans le souscorpus [01-03] ont été comptabilisés. Bien que le CFPP 2000 contienne nécessairement davantage de formes adverbiales que le sous-corpus [03-01] (par exemple, l’occurrence unique de lentement dans le CFPP 2000 ne provient pas du sous-corpus [03-01]), ce parti pris repose sur l’hypothèse selon laquelle les adverbes les plus fréquents dans l’ensemble du corpus devraient être représentés dans les sous-corpus. 9 5 40 41 42 42 44 45 45 45 45 49 financièrement 7 0,18% traditionnellement 6 0,15% exclusivement 4 0,10% officiellement 4 0,10% quotidiennement 3 0,07% définitivement 2 0,05% gentiment 2 0,05% professionnellement 2 0,05% joliment 2 0,05% proportionnellement 1 0,02% Total 3 802 Nbre total de mots 578 908 Tableau 3 Adverbes en –ment communs au sous-corpus [03-01] et à l’ensemble du CFPP 2000 Nombre d’occurrences et pourcentage relatif Le sous-corpus [03-01] n’est donc que partiellement représentatif du CFPP 2000 : bien que la fréquence de certaines formes soit comparable (surlignage en vert), parmi les adverbes les plus fréquents, seuls vraiment et forcément occupent un rang similaire dans le corpus et le sous-corpus. De plus, certaines formes peu fréquentes dans le CFPP 2000 sont surreprésentées dans le sous-corpus [03-01], qui en contient plus de la moitié (surlignage en bleu) voire la totalité (surlignage en rouge) des occurrences. Le tableau 4 met en évidence les similitudes et les disparités entre le CFPP 2000 et le sous-corpus [03-01] : Rang CFPP 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 20 22 23 23 25 26 27 27 29 30 30 Adverbes vraiment justement effectivement finalement absolument forcément tellement complètement énormément exactement simplement spécialement quasiment franchement pratiquement certainement normalement régulièrement apparemment actuellement facilement carrément malheureusement rarement notamment seulement éventuellement totalement essentiellement également honnêtement CFPP 2000 Nbre d’occ. 1127 302 290 220 158 157 145 135 102 100 93 82 56 55 49 46 43 42 38 37 37 36 34 34 33 30 29 29 28 27 27 CFPP 2000 % 29,64% 7,94% 7,62% 5,78% 4,15% 4,12% 3,81% 3,55% 2,68% 2,63% 2,44% 2,15% 1,47% 1,44% 1,28% 1,20% 1,13% 1,10% 0,99% 0,97% 0,97% 0,94% 0,89% 0,89% 0,86% 0,78% 0,76% 0,76% 0,73% 0,71% 0,71% 6 [03-01] Nbre d’occ. 59 8 11 6 3 9 2 1 11 4 7 3 1 1 1 2 1 4 3 2 4 10 1 2 1 1 1 2 2 1 1 [03-01] % 29,20 % 3,96 % 5,44 % 2,97 % 1,48 % 4,45 % 0,99 % 0,49 % 5,44 % 1,98 % 3,46 % 1,48 % 0,49 % 0,49 % 0,49 % 0,99 % 0,49 % 1,98 % 1,48 % 0,99 % 1,98 % 4,95 % 0,49 % 0,99 % 0,49 % 0,49 % 0,49 % 0,99 % 0,99 % 0,49 % 0,49 % Rang [03-01] 1 6 2 9 15 5 19 29 2 10 8 15 29 29 29 19 29 10 15 19 10 4 29 19 29 29 29 19 19 29 29 32 32 34 35 36 37 38 39 40 41 42 42 44 45 45 45 45 49 directement globalement uniquement clairement rapidement concrètement vachement socialement financièrement traditionnellement exclusivement officiellement quotidiennement définitivement gentiment professionnellement joliment proportionnellement Nbre total d’Adv Nbre total de mots 26 26 24 20 18 14 12 8 7 6 4 4 3 2 2 2 2 1 3 802 578 908 0,68% 0,68% 0,63% 0,52% 0,47% 0,36% 0,31% 0,21% 0,18% 0,15% 0,10% 0,10% 0,07% 0,05% 0,05% 0,05% 0,05% 0,02% 1 1 1 4 4 1 8 1 2 1 2 3 1 1 2 2 1 1 202 21 733 0,49 % 0,49 % 0,49 % 1,98 % 1,98 % 0,49 % 3,96 % 0,49 % 0,99 % 0,49 % 0,99 % 1,48 % 0,49 % 0,49 % 0,99 % 0,99 % 0,49 % 0,49 % 29 29 29 10 10 29 6 29 19 29 19 15 29 29 19 19 29 29 Tableau 4 Les adverbes en –ment du sous-corpus [03-01] rapporté à l’ensemble du CFPP 2000 nombre d’occurrences et pourcentage relatif S’appuyant sur un nombre d’occurrences trois à quatre fois plus important que le nôtre10, Bilger 2004 met en évidence une répartition spécifique des adverbes les plus employés en fonction du type de parole considéré. La comparaison des résultats obtenus par cette auteure avec les adverbes apparaissant au moins trois fois dans le sous-corpus [03-01] du CFPP indique que ce dernier relève de la parole privée, ce qui, malgré la présente d’une enquêtrice, est conforme aux attentes dans un échange entre cinq locuteurs trentenaires qui se connaissent depuis l’enfance. Le tableau 5 montre en effet que sur dix-huit adverbes représentés au moins trois fois dans le sous-corpus [03-01] du CFPP, dix apparaissent également dans le corpus ‘parole privée’ de Bilger 2004, contre seulement huit dans les corpus ‘parole professionnelle’ et ‘parole publique’ : 10 Rang CFPP [03-01] Parole privée 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 vraiment effectivement énormément carrément forcément justement vachement simplement finalement clairement exactement facilement rapidement régulièrement absolument vraiment justement évidemment tellement finalement énormément forcément complètement autrement absolument exactement également simplement malheureusement pratiquement Parole professionnelle Vraiment Forcément Enormément Effectivement Justement Egalement Complètement Essentiellement Simplement Exactement Uniquement Absolument Normalement Tellement Autrement Parole publique évidemment vraiment effectivement également justement notamment forcément finalement simplement autrement seulement absolument normalement directement exactement 618 formes pour la parole privée, 587 pour la parole professionnelle et 874 pour la parole publique. 7 16 17 18 apparemment officiellement spécialement effectivement Directement seulement Seulement facilement Evidemment Tableau 5 Comparaison des adverbes les plus représentés dans le sous-corpus [03-01] du CFPP 2000 et dans les corpus décrits par Bilger 2004 éventuellement complètement extrêmement Reste à examiner la répartition des occurrences de ces adverbes selon les catégories établies par Molinier & Lévrier 2000. Comme il a été rappelé dans la première section, la typologie proposée par ces auteurs prévoit qu’une même forme adverbiale peut relever de différentes sous-classes d’adverbes. Il en résulte que chaque occurrence doit être analysée en contexte afin d’établir la classe d’appartenance. En outre, le classement d’occurrences issues d’un corpus oral dans une grille typologique conçue à partir d’exemples construits en référence à la langue écrite n’est pas absolument évident, dans la mesure où les caractéristiques des items attestés ne sont pas nécessairement strictement identiques à celles sur lesquelles est fondée la classification de référence. Ces difficultés méthodologiques ayant été rappelées, les résultats de l’analyse sont présentés sont par ordre de fréquence décroissant. Les adverbes modaux sont les plus représentés, tant par le nombre d’adverbes (12) que par le nombre d’occurrences (102) : ils constituent plus de 50% des formes recueillies, qui se répartissent comme suit : vraiment, 47 occ. ; effectivement, 11 occ. ; carrément, 10 occ. ; forcément, 9 occ. ; clairement, 4 occ. ; absolument, 3 occ. ; apparemment, 3 occ. ; certainement, 2 occ. ; exactement, 2 occ. ; totalement, 2 occ. ; complètement, 1 occ. ; éventuellement, 1 occ. : (1) Spk1 marché dessus c’est quand même la la rue c’était l’artère principale de notre quartier on peut dire Spk3 : ah ouais complètement Ces résultats ne sont guère surprenants, dans la mesure où parmi les cinq adverbes les plus employés dans le corpus, quatre sont des adverbes modaux. En particulier, vraiment connaît pour l’essentiel des emplois modaux (ex. 2a), dont une part non négligeable (17/ 47 occ., soit 36%) en réponse négative (ex. 2b) : (2) a. Spk5 : moi j- j’habitais rue Julien Lacroix et là c’était vraiment l’village c’est-àdire que b. Spk2 enfin vous n’avez pas vécu une enfance ou une adolescence où on s’sent en insécurité parce qu’y a des des bagarres Spk 3 : pas vraiment non11 Il est également à noter que dans leur grande majorité, ces adverbes modaux correspondent à des réponses (ex. 2b), à des assentiments suite à une demande de confirmation (3a) ou encore à des renchérissements (ex. 3b) : (3) a. Spk2 : et vous voilà parents branchés mettant les enfants dans Spk5 : exactement b. Spk1 : […] enfin y avait quand même + un mélange dans dans notre école quoi Spk5 : oui carrément 11 Sur l’effet produit par une réponse en pas forcément par rapport à non, voir Danjou-Flaux & GaryPrieur 1981. 8 Viennent ensuite les adverbes de manière quantifieurs, ce qui est tout aussi attendu, dans la mesure où des adverbes fréquemment usités (vraiment, énormément, vachement) ressortissent à cette sous-classe. Ils sont toutefois beaucoup moins nombreux que les précédents : 8 adverbes produisent 40 occurrences ce qui correspond à un peu moins de 20% des formes relevées. Ont été répertoriés parmi les adverbes quantifieurs vraiment, 12 occ.12 ; énormément, 11 occ. ; vachement, 8 occ. ; absolument, 3 occ. ; (pas) spécialement, 2 occ. ; tellement, 2 occ. ; pratiquement, 1 occ. et quasiment, 1 occ. : (4) Spk5 : euh c’est + ah bah disons qu’y a y a qu’y a l’problème du bruit aujourd’hui (mmh) qui est absolument violent euh […] Les différentes sous-classes identifiées par Moliner & Lévrier 2000 sont attestées : adverbes de manière quantifieurs (5a), adverbes intensifs (5b) et adverbes de complétude (5c) : (5) a. Spk1Spk4 : (1) oui (2) prix ont Spk4 : énormément augmenté b. Spk5 : enfin c’est là là aussi l’histoire des papiers est vachement importante hein + […] c. Spk1 : sinon euh alors laissons la crise y a aussi à la fois l’arrivée de nouvelles populations le le changement vous avez parlé du troisième vous avez tous les commerces de bouche pratiquement avaient + disparu pour laisser place euh à des des magasins de fringues à des restaurants dans l’vingtième ça commence ou pas vraiment X Chaque adverbe présente des spécificités. Ainsi, énormément est exclusivement quantifieur, tandis que vachement est soit intensif, soit quantifieur. Associé à certains prédicats, ce dernier peut recevoir une interprétation itérative13 : (6) Spk 1 : non c’était pas très loin mais c’était c’était un aut- on on on était vachement autour de notre école aussi Les adverbes conjonctifs s’avèrent deux fois moins nombreux (20 occ., soit 9,9%). Ils apparaissent sous la forme d’un « transitionnel » (justement, 8 occ.), de deux « reformulatifs » (finalement, 6 occ. ; (tout) simplement, 3 occ.), d’un « concessif » (simplement, 2 occ.) et d’un « égalisateur » (également, 1 occ.) : (7) a. Spk1 : ça c’est une stratégie d’ailleurs dès qu’ils apprennent le français en Chine également ils se donnent des prénoms français ++ très imprononçables b. Spk6 : on sortira peut-être moins qu’avant + parce que justement c’est un petit peu c’est Spk3 Spk6 : [1] peut-être aussi [2] plus cher Deux classes – adverbes focalisateurs et adverbes de points de vue – produisent chacune 12 occurrences, soit 5,9 % des formes recueillies. Le corpus recèle 9 adverbes focalisateurs (essentiellement, 2 occ. ; exclusivement, 2 occ. ; simplement, 2 occ. ; directement, 1 occ. ; exactement, 1 occ. ; notamment, 1 occ. ; seulement, 1 occ. ; spécialement, 1 occ. ; uniquement, 1 occ.) : 12 Les cas d’ambiguïté potentielle (alors et donc là on a bougé sur un endroit où + c’est vraiment calme (mm mm) + le soir) ont été comptabilisés parmi les emplois intensifs. 13 Sur les conditions d’interprétation – massive ou comptable – des quantifieurs, voir Borillo 1989. 9 (8) a. Spk5 : […] c’est exclusivement des amateurs […] b. Spk5 : […] + et euh + mais euh sinon directement par rapport au prix d’la consommation bah euh moi j’vois les prix qui augmentent mais bon faut bien manger donc j’achète hein enfin euh et 8 adverbes de points de vue (officiellement, 3 occ. ; financièrement, 2 occ. ; professionnellement, 2 occ. ; s o c i a l e m e n t , 1 occ. ; c o n c r è t e m e n t , 1 occ. ; globalement, 1 occ. ; proportionnellement, 1 occ. ; traditionnellement, 1 occ.) : (9) a. + c’est sûr que c’est le bah financièrement le le le p- le plus simple hein ++ b. Spk1 : justement les Chinois ils sont bien accueillis + c’était traditionnellement un vingtième judéo-maghrébin Il est à noter que les occurrences multiples sont parfois réalisées dans des tours de parole très proches, ce qui correspond à un phénomène fréquent à l’oral : (10) Spk3 : XX mais moi j’ai j’ai revu mes potes chinois d’l’école de rue des Vertus ils ont tous changé leurs prénoms Spk5 Spk3 : [1] ah ouais [2] officiellement Spk5 : et ils s’appellent comment maintenant ? Spk3 : bah je sais plus trop là j’crois qu’y a un Damien euh y a un Marc qui s’appelait avant Jingsheng [rire en fond] Spk4 : mais mais ça Spk3 Spk4 : [1] officiellement [2] ça vient aussi Spk4 : ça mais ça ça vient aussi vachement d’la classe euh de la classe de laquelle ils viennent (mmh) donc classe migrante euh récente migrante parce que nous on a une amie Stéphanie qui était euh Spk2 Spk4 : [1] elle est vietnamienne [2] qui était Spk4 : oui vietnamienne et euh et aujourd’hui officiellement elle a changé son nom en Lan Anh son vrai nom euh de Le corpus contient 5 adverbes de temps produisant un total de 10 occurrences, soit 4,9% de l’ensemble. Les trois sous-classes sont représentées : adverbes de date (actuellement, 2 occ.), adverbes de durée (définitivement, 1 occ.) et adverbes de fréquence (régulièrement, 4 occ. ; rarement, 2 occ. ; quotidiennement, 1 occ.) : (11) a. est-ce que actuellement vous avez donc tous bougé vous vous sentez plutôt + qu’est-c’que vous diriez ? des Parisiens des gens + de l’Est des gens de la rive droite des b. J’ai abandonné + définitivement c. + et euh ouais y a très régulièrement des des activités ou des événements + Les adverbes de manière verbaux s’avèrent peu fréquents : 3 adverbes pour 7 occurrences (facilement, 4 occ. ; gentiment, 2 occ. ; joliment, 1 occ.), soit 3,4% des formes relevées : (12) + jusqu’à y a deux ans on atteignait facilement nos objectifs par saison Un tel résultat n’est pas nécessairement attendu, dans la mesure où les adverbes de manière sont généralement considérés comme étant prototypiques de la catégorie des adverbes. Il s’explique toutefois par le fait que les études grammaticales et linguistiques ont longtemps été fondées sur la seule analyse de l’écrit, en particulier littéraire, et que le genre narratif favorise l’usage de tels adverbes. 10 S’y ajoutent 4 occurrences de rapidement, paraphrasables par « au bout de peu de temps » (Moliner & Lévrier 2000 : 178), et qui caractérisent l’enchaînement des faits décrits par les propositions antécédente et subséquente : (13) Spk1 : mais X comme j’disais avant (mm) j’avais un vélo euh et très rapidement j’me suis beaucoup déplacé en vélo + Il ne s’agit donc pas d’adverbes de manière verbaux stricto sensu, mais d’un emploi particulier évoqué par Molinier & Lévrier 2000 dans le chapitre consacré à ces adverbes. Les adverbes disjonctifs de style (1,98%) apparaissent sous les formes franchement (1 occ.) et honnêtement (1 occ.) : (14) ben euh très honnêtement non moi j’la je j’la ressens pas au quotidien alors la crise Deux sous classes – adverbes évaluatifs (ex. 15a) et des adverbes d’habitude (ex. 15b) – donnent lieu à une attestation unique (0,49%) : (15) a. c’est-à-dire que ma mère euh malheureusement a + est est tombée malade b. Spk5 Spk6 : (1) la place de x la place de cinéma c’est (2) cinéma déjà euh XX Spk6 : les euh le loisir qui était normalement euh qui s’est développé pour euh access- qui était accessible à tout le monde enfin c’est accessible mais neuf euros dix euros la place maintenant euh (mm) Enfin, les adverbes d’attitude orientés vers le sujet et les adverbes de manière orientés vers le sujet ne figurent pas dans le corpus considéré. De façon plus générale, ces sousclasses semblent peu représentées dans le CFPP 2000. Il est par exemple notable qu’aucune occurrence des adverbes anxieusement, attentivement, joyeusement, mélancoliquement et tristement, considérés par Molinier & Lévrier (2000 : 124) comme relevant nécessairement de la sous-classe des adverbes de manière orientés vers le sujet, n’y figure, et que calmement n’y apparaisse qu’à trois reprises. Le tableau 6 présente une synthèse des données chiffrées : Classe d’adv modaux manière quantifieurs conjonctifs focalisateurs point de vue temps manière verbaux disjonctifs style évaluatifs habitude attitude orientés sujet manière orientés sujet Type d’adv14 AP Aip Nbre occ. 102 40 % occ 50,5% 19,8% Nbre adv 12 8 AP Aip Aip Aip Aip AP AP AP AP 20 12 12 10 7+4 2 1 1 0 9,9% 5,9 % 5,9 % 4,9% 3,46% + 1,98% 0,98% 0,49% 0,49% 0% 5 9 8 5 3+1 2 1 1 0 Aip 0 0% 0 Tableau 6 Analyse des adverbes du sous corpus [03-01] du CFPP 2000 en fonction de la typologie de Molinier & Lévrier 2000 14 AP : Adverbe de Phrase ; Aip : Adverbe intégré à la proposition. 11 Il ressort de cette étude de détail que les adverbes en –ment relevés dans le sous corpus [03-01] du CFPP 2000 se répartissent très inégalement dans les sous-classes établies par Molinier & Lévrier 2000, ce qui se traduit par un échelonnement de leur représentativité entre 0 et 50,5%. Aucune étude similaire n’ayant, à ma connaissance, été réalisée sur un échantillon comparable de langue écrite, il est difficile d’attester de particularités de l’oral ou de l’écrit dans l’usage des adverbes en –ment, d’autant qu’il faudrait, dans un cas comme dans l’autre, tenir compte de variations liées au genre. Toutefois, l’emploi d’adverbes en -ment comme réponse à une question ou à une demande d’assentiment voire comme marque d’acquiescement constitue sans aucun doute un des besoins spécifiques de l’interaction orale, d’où la fréquence élevée des adverbes modaux. 4. Les adverbes en –ment dans le CFPP 2000, le CPFQ et le OFROM Reste à établir si les adverbes précédemment examinés sont également représentés dans différentes variantes du français parlé contemporain. Pour ce faire, en sus du Corpus de Français Parlé Parisien 2000 (CFPP 2000), qui sert ici de point de référence, deux autres corpus représentant deux variantes différentes du français parlé contemporain ont été consultés, en l’occurrence le Corpus de Français Parlé au Québec (CPFQ) et le Corpus Oral de Français Parlé en Suisse Romande (OFROM). Le tableau 7 rassemble le nombre d’occurrences de chaque forme adverbiale recueillie dans le sous-corpus [03-01] du CFPP 2000 dans ces deux corpus, ainsi que leurs fréquences relatives : Adverbes CFPP vraiment justement effectivement finalement absolument forcément tellement complètement énormément exactement simplement spécialement quasiment franchement pratiquement certainement normalement régulièrement apparemment actuellement facilement carrément malheureusement rarement notamment seulement éventuellement totalement essentiellement également 1127 302 290 220 158 157 145 135 102 100 93 82 56 55 49 46 43 42 38 37 37 36 34 34 33 30 29 29 28 27 CFPQ 29,64% 7,94% 7,62% 5,78% 4,15% 4,12% 3,81% 3,55% 2,68% 2,63% 2,44% 2,15% 1,47% 1,44% 1,28% 1,20% 1,13% 1,10% 0,99% 0,97% 0,97% 0,94% 0,89% 0,89% 0,86% 0,78% 0,76% 0,76% 0,73% 0,71% 868 151 28 122 45 0 288 27 7 74 8 0 118 21 7 4 15 2 14 2 28 11 8 4 0 34 3 7 1 0 12 OFROM 45% 7,8% 1,45% 6,32% 2,33% 0% 14,93% 1,39% 0,36% 3,83% 0,41% 0% 6,11% 1,08% 0,36% 0,20% 0,77% 0,10% 0,72% 0,10% 1,45% 0,57% 0,41% 0,20% 0% 1,76% 0,15% 0,36% 0,05% 0% 691 221 44 71 36 131 105 38 27 77 35 6 24 39 15 20 27 11 6 37 21 6 20 6 37 36 13 20 20 42 34,56% 11,05 2,20% 3,55% 1,80% 6,55% 5,25% 1,90% 1,35% 3,85% 1,75% 0,30% 1,20% 1,95% 0,75% 1% 1,35% 0,55% 0,30% 1,85% 1,05% 0,30% 1% 0,30% 1,85% 1,80% 0,65% 1% 1% 2,10% honnêtement directement globalement uniquement clairement rapidement concrètement vachement socialement financièrement traditionnellement exclusivement officiellement quotidiennement définitivement gentiment professionnellement joliment proportionnellement Nbre total d’Adv Nbre total de mots 27 26 26 24 20 18 14 12 8 7 6 4 4 3 2 2 2 2 1 3 802 578 908 0,71% 0,68% 0,68% 0,63% 0,52% 0,47% 0,36% 0,31% 0,21% 0,18% 0,15% 0,10% 0,10% 0,07% 0,05% 0,05% 0,05% 0,05% 0,02% 3 0,15% 2 8 0,41% 29 1 0,05% 1 0 0% 10 5 0,25% 4 5 0,25% 22 2 0,10% 6 0 0% 13 0 0% 1 2 0,10% 8 0 0% 0 3 0,15% 1 1 0,05% 3 0 0% 1 2 0,10% 0 0 0% 14 0 0% 2 0 0% 0 0 0% 0 1929 1999 471 575 232 536 Tableau 7 Les adverbes en –ment du sous-corpus [03-01] du CFPP 2000 dans le CFPP 2000, CFPQ et le OFROM nombre d’occurrences et pourcentage relatif 0,10% 1,45% 0,05% 0,50% 0,20% 1,10% 0,30% 0,65% 0,05% 0,40% 0% 0,05% 0,15% 0,05% 0% 0,70% 0,10% 0% 0% S’il paraît difficile de tirer des conclusions solidement étayées à partir d’un tel échantillon15, il n’en demeure pas moins possible de formuler quelques remarques. En premier lieu, il apparaît clairement que vraiment constitue la forme la plus employée quelle que soit la variante considérée, et ce malgré des différences de représentativité non négligeables (voir tableau 8). Plus généralement, on peut constater que peu d’adverbes atteignent un taux de fréquence supérieur à 5%, et que ces derniers se recouvrent largement : deux adverbes (vraiment et justement) sont communs aux trois corpus, un adverbe (finalement) apparaît à la fois dans le CFPP 2000 et dans le CFPQ et un autre (tellement) dans le CFPQ et dans le OFROM. Ces caractéristiques sont synthétisées dans le tableau 8 : CFPP 2000 CFPQ OFROM vraiment 29,64% vraiment 45% vraiment 34,56% justement effectivement finalement 7,94% 7,62% 5,78 tellement justement finalement 14,93% 7,8% 6,32% justement forcément tellement 11,05% 6,55% 5,25% Tableau 8 Les adverbes en –ment du sous-corpus [03-01] du CFPP 2000 les plus représentés dans le CFPP 2000, CFPQ et le OFROM quasiment 6,11% Parmi les autres particularités que mettent en évidence les relevés présentés dans le tableau 7, je me contenterai de souligner l’absence dans le CFPQ de l’adverbe forcément, très fréquent tant dans le CFPP 2000 (4,12%) que dans le OFROM (6,55%). Il s’agit là d’une spécificité non négligeable du français québécois, qui mériterait d’être explorée plus avant. 15 Pour une justification de cette manière de procéder, voir supra note 9. 13 5. Conclusions Malgré les difficultés méthodologiques inévitables liées à l’utilisation de critères établis à partir d’une représentation de la langue écrite, l’examen exhaustif des formes adverbiales relevées dans le sous-corpus [03-01] du CFPP 2000 a permis de mettre en évidence quelques spécificités du français parlé relatives à l’usage des adverbes en -ment, en l’occurrence la surabondance d’adverbes modaux. Cette particularité n’est au fond pas entièrement surprenante, dans la mesure où ces adverbes permettent notamment de manifester l’assentiment d’un locuteur par rapport aux propos énoncés, et contribuent de ce fait au bond déroulement de l’échange discursif en cours. Il est d’ailleurs à noter que certaines locutions adverbiales présentent un fonctionnement analogue : (16) Spk1 : et vous êtes content là ? vous êtes Spk2 Spk3 : (1) oh la oui ++ oh la (2) oui oui oui + tout à fait Plus inattendu semble être l’usage restreint des adverbes de manière dans le corpus examiné, dans la mesure où l’enseignement grammatical scolaire nous a conduit à construire le proptotype de l’adverbe à partir des adverbes de manière, et donc à concevoir la catégorie des adverbes à partir de cette sous-classe. Il faudrait par conséquent vérifier sur d’autres types de corpus oraux et sur différents types de corpus écrits la représentativité effective des adverbes de manière, ce qui mettrait sans doute en évidence le fait que le prototype de cette catégorie a été construit à partir d’écrit littéraire, et conduirait peut-être à une reconstruction de la catégorie de l’adverbe autour d’un prototype différent. Enfin, bien qu’essentiellement centrée sur l’analyse exhaustive de toutes les occurrences d’un corpus restreint, cette étude a montré également des similitudes et des différences non négligeables entre différentes variantes de français parlé. Des études complémentaires devraient compléter ces premiers résultats. Références bibliographiques AVANZI Mathieu, BÉGUELIN Marie-José & DIÉMOZ Fréderica (2012-2014), Présentation du corpus OFROM – corpus oral de français de Suisse romande, Université de Neuchâtel, http://www.unine.ch/ofrom BILGER Mireille (2004), « Quelques données sur les adverbes en -ment dans le corpus de référence de français parlé », Recherches Sur le Français Parlé, 18 : 63-82. BONAMI Olivier, GODARD Danièle & KAMPERS-MAHNE Brigitte (2004), « Adverb Classification », in F. Corblin et H. de Swart (eds), Handbook of French Semantics, Stanford, CSLI Publications : 143-184. BORILLO Andrée (1976), « Les adverbes et la modalisation de l’assertion », Langue française, 30 : 74-89. 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