1 Les adverbes en-ment Estelle Moline Normandie Université

Transcription

1 Les adverbes en-ment Estelle Moline Normandie Université
Les adverbes en-ment
Estelle Moline
Normandie Université
UNICAEN, CRISCO (EA 4255)
1. Présentation
Les adverbes en –ment constituent une catégorie morphologiquement homogène de termes
construits par l’ajout du suffixe –ment, issu de la forme ablative mente du substantif latin
mens, mentis « disposition d’esprit », à une base généralement adjectivale. Cette
homogénéité morphologique contraste avec une hétérogénéité considérable, qui concerne
tout autant les propriétés distributionnelles que les effets de sens produits. Les adverbes en
-ment ont fait l’objet de travaux extrêmement nombreux, qu’il s’agisse d’études relatives à
un adverbe particulier ou à groupe d’adverbes spécifique (voir e.a. Borillo 1976, DanjouFlaux & Gary-Prieur 1981, Molinier 1990, NølKe 1993), ou de typologies de l’ensemble
de ces adverbes (voir e.a. Nilhson-Ehle 1941, Sabourin & Chandiou 1977, Mørdrup 1976,
Schlyter 19771, Nøjgaard 1995, Guimier 1996, Molinier & Lévrier 2000). La réflexion
typologique est conduite soit à partir d’exemples construits (Molinier & Lévrier 2000), soit
illustrée d’exemples littéraires attestés (Nøjgaard 1995, Guimier 1996), selon une approche
corpus based. A ma connaissance, il n’existe qu’une étude de type corpus driven (voir
Bilger 2004). Analysant des corpus oraux, l’auteure met en évidence des points communs
et des différences dans le choix des adverbes en –ment en fonction du type de parole
(privée, publique ou professionnelle), puis confronte les résultats obtenus aux adverbes
recueillis dans un corpus journalistique écrit. Mon approche sera complémentaire, dans la
mesure où je présenterai d’une part une étude exhaustive des adverbes en –ment relevés
dans un échantillon du Corpus de Français Parlé Parisien 2000 (section 3), d’autre part
une comparaison de la fréquence de ces adverbes dans des corpus oraux de différentes
variétés de français, à savoir le Corpus de Français Parlé Parisien 2000, le Corpus de
Français Parlé au Québec et le Corpus Oral de Français Parlé en Suisse Romande
(section 4). Du fait qu’une valeur ne peut être attribuée à un adverbe qu’au sein d’une
typologie adverbiale – ce dont témoigne leur diversité –, je rappellerai préalablement la
classification proposée par Molinier & Lévrier 2000, qui me servira ici de cadre de
référence (section 2).
2. La typologie de Molinier & Lévrier 2000
Molinier & Lévrier 2000 construisent des classes disjointes d’adverbes, caractérisées par
des critères mutuellement exclusifs. Leur classification repose sur une partition initiale
entre deux catégories majeures d’adverbes : les adverbes de phrase et les adverbes intégrés
à la proposition. Les adverbes de phrase (j’ai clairement pas les finances d’un bobo
quoi2) sont définis par la conjonction de deux propriétés : la possibilité d’occuper une
position détachée en tête de phrase négative d’une part et l’impossibilité d’être « extrait »
dans c’est… que d’autre part. Les deux catégories majeures étant complémentaires, les
adverbes intégrés à la proposition (mais j’les vois rarement) sont caractérisées par la
« disjonction de la négation de chacune des propriétés des adverbes de phrase » (Molinier
1990 : 29). En d’autres termes, un adverbe intégré à la proposition est défini par
l’impossibilité de figurer en position détachée en tête de phrase négative ou par la
possibilité d’être extrait dans c’est… que, ces deux propriétés n’étant pas exclusives l’une
de l’autre.
1
2
Pour un bilan critique de ces différentes typologies, voir Nølke 1990.
Sauf indication contraire, les exemples de cette section sont extraits du sous-corpus [03-01] du CFPP 2000.
1
Parmi les adverbes de phrase, les auteurs distinguent les conjonctifs et les disjonctifs,
qui constituent deux classes complémentaires. Les adverbes de phrase conjonctifs
(justement les Chinois ils sont bien accueillis), dont les propriétés « explicitent le lien de la
phrase où ils figurent avec la phrase ou le discours du contexte gauche » (Molinier &
Lévrier 2000 : 56), ne peuvent être utilisé en l’absence « d’un contexte gauche auquel ils
renvoient » (Molinier & Lévrier 2000 : 49), ce qui les distingue des adverbes de phrase
disjonctifs. Ces derniers se subdivisent en deux sous-classes complémentaires, les
disjonctifs de style et les disjonctifs d’attitude. Les adverbes disjonctifs de style (euh
moi franchement euh j’kifferais bien retourner dans mon quartier) caractérisent la relation
du locuteur à l’interlocuteur ou à son dire. Pour leur part, les adverbes disjonctifs
d’attitude se répartissent en quatre sous-classes : les adverbes d’habitude (moi
généralement ça m’énerve3), qui « ne sont compatibles qu’avec le présent et l’imparfait
dans leur interprétation aspectuelle » (ibid. : 79) ; les adverbes évaluatifs (c’est-à-dire que
ma mère euh malheureusement a + est est tombée malade), qui explicitent le « caractère
favorable ou défavorable que revêt un événement ou, plus largement, […] la perception
affective globale qui est en faite par le locuteur » (ibid. : 87) ; les adverbes modaux (oui
on en fait partie ouais mais sans sans forcément euh le crier sur les toits), qui évaluent le
degré de vérité ou de certitude d’une proposition » (ibid. : 87) et peuvent « constituer seuls
une réponse à une question totale sans être soumis à des restrictions de sélections
particulières » (ibid. : 91) ; les adverbes d’attitude orientés vers le sujet (mon mari très
gentiment a cherché un appartement4), qui assertent « un jugement du locuteur sur le
contenu de la phrase qu’ils accompagnent, ainsi que sur le sujet humain de cette même
phrase » (ibid. : 111).
Les adverbes intégrés à la proposition se distribuent en six classes. Les adverbes de
manière orientés vers le sujet (tu peux pas aller traverser aller l’voir et discuter avec lui
calmement5) se caractérisent par une paraphrase possible en « Il est Adj en Vant » lorsque le
référent du sujet est humain. Les adverbes de manière quantifieurs (j’adore aller voir
des concerts parce que c’est ça me nourrit énormément) peuvent constituer une réponse à
une interrogation dont le foyer est un quantifieur. Leur sont associés les adverbes
intensifs (l’histoire des papiers est vachement importante hein) et les adverbes de
complétude (en face ça a été entièrement refait en un + appartement6). Les adverbes de
manière verbaux (c’est très joliment dit) s’opposent aux deux classes précédentes
(adverbes de manière orientés vers le sujet et adverbes de manière quantifieurs) en ce
qu’ils n’en possèdent pas les caractéristiques définitoires. Les adverbes de point de vue
(c’est sûr que c’est le bah financièrement le le le p- le plus simple hein), qui peuvent être
paraphrasés par « d’un point de vue Adj », « ont pour fonction de spécifier pour quel
domaine une proposition est vraie » (Molinier & Lévrier 2000 : 221). Les adverbes de
temps regroupent trois sous-classes : les adverbes de date (donc actuellement j’travaille
sur un call-center), les adverbes de durée (J’ai abandonné + définitivement) et les
adverbes de fréquence (moi j’vais rarement au cinéma), Enfin, les adverbes
focalisateurs (c’était uniquement en famille), ne peuvent pas être extraits dans c’est… que
qu’accompagnés d’un constituant majeur de la phrase sur lequel ils portent.
La classification proposée par Molinier & Lévrier 2000 est synthétisée dans le tableau 1 :
3
sous-corpus [18-01] du CFPP 2000.
sous-corpus [07-05] du CFPP 2000.
5
sous-corpus [SO-02] du CFPP 2000.
6
sous-corpus [07-05] du CFPP 2000.
4
2
Adverbes de phrase
1. Adverbes de phrase conjonctifs (premièrement,
finalement)
2. Adverbes de phrase disjonctifs de style
(objectivement, personnellement)
Adverbes intégrés à la proposition
1. Adverbes de manière orientés vers le sujet
(anxieusement)
2. Adverbes de manière quantifieurs
(énormément, considérablement)
adverbes intensifs (exceptionnellement,
particulièrement)
adverbes de complétude (partiellement,
complètement)
3. Adverbes de manière verbaux
(généralement, (péniblement)
3. Adverbe disjonctifs d’attitude
a.
adverbes
d’habitude
habituellement)
b. adverbes évaluatifs (heureusement, bizarrement)
c. adverbes modaux (certainement, effectivement)
d. adverbes d’attitude orientés vers le sujet
(gentiment)
4. Adverbes de point de vue
(financièrement, légalement)
5. Adverbes de temps
a. adverbes de date (actuellement, précédemment)
b. adverbes de durée (temporairement,
provisoirement)
c. adverbes de fréquence (constamment,
épisodiquement)
6. Adverbes focalisateurs (uniquement, notamment)
Tableau 1
Classification des adverbes en –ment
d’après Moliner & Lévrier 2000.
Il est à noter qu’une même forme adverbiale peut apparaître dans différentes classes : il y a
alors « homonymie syntaxique » (Molinier & Lévrier 2000 : 52). Ainsi, selon ces auteurs,
la forme adverbiale vraiment peut correspondre à un adverbe de phrase disjonctif de style
(Vraiment, il exagère), à un adverbe de manière verbal (Ils s’aiment vraiment) ou à un
adverbe de manière quantifieur (Il est vraiment drôle)7. Par conséquent, l’identification de
la classe à laquelle ressortit une occurrence d’une forme adverbiale est nécessairement
établie en fonction de son contexte d’apparition.
3. Les adverbes en –ment dans le sous-corpus [03-01] du CFPP 2000
D’une durée de quatre-vingts quinze minutes et comptant 21 733 mots, ce sous-corpus est
constitué par les propos de cinq locuteurs masculins âgés d’une trentaine d’année (entre 31
et 34 ans) et de l’enquêtrice qui anime la discussion. Il contient 49 formes adverbiales en
–ment qui produisent au total 202 occurrences, lesquelles se répartissent comme suit :
7
Rang
Adverbes
1
2
2
4
5
6
6
8
9
vraiment
effectivement
énormément
carrément
forcément
justement
vachement
simplement
finalement
[03-01]
Nb d’oc.
59
11
11
10
9
8
8
7
6
Les exemples sont repris de Molinier & Lévrier (2000 : 519).
3
[03-01]
%
29, 20 %
5,44 %
5,44 %
4,95 %
4,45 %
3,96 %
3,96 %
3,46 %
2,97 %
10
10
10
10
10
15
15
15
15
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
29
29
29
29
29
29
29
29
29
29
29
29
29
29
29
29
29
29
29
29
29
clairement
4
exactement
4
facilement
4
rapidement
4
régulièrement
4
absolument
3
apparemment
3
officiellement
3
spécialement
3
actuellement
2
certainement
2
essentiellement
2
exclusivement
2
financièrement
2
gentiment
2
professionnellement
2
rarement
2
totalement
2
tellement
2
complètement
1
concrètement
1
définitivement
1
directement
1
également
1
éventuellement
1
franchement
1
globalement
1
honnêtement
1
joliment
1
malheureusement
1
normalement
1
notamment
1
pratiquement
1
proportionnellement
1
quasiment
1
quotidiennement
1
seulement
1
socialement
1
traditionnellement
1
uniquement
1
Adv en -ment
202
Nbre total de mots
21 733
Tableau 2
Les adverbes en –ment,
dans le sous-corpus [03-01] du CFPP
nombre d’occurrences et pourcentage relatif
1,98 %
1,98 %
1,98 %
1,98 %
1,98 %
1,48 %
1,48 %
1,48 %
1,48 %
0,99 %
0,99 %
0,99 %
0,99 %
0,99 %
0,99 %
0,99 %
0,99 %
0,99 %
0,99 %
0,49 %
0,49 %
0,49 %
0,49 %
0,49 %
0,49 %
0,49 %
0,49 %
0,49 %
0,49 %
0,49 %
0,49 %
0,49 %
0,49 %
0,49 %
0,49 %
0,49 %
0,49 %
0,49 %
0,49 %
0,49 %
En première analyse, il apparaît d’une part que les adverbes en –ment sont peu usités
(moins de 1% du nombre total de mots) et d’autre part que les formes adverbiales utilisées
sont très inégalement réparties : si vraiment en constitue à lui seul près de 30%, une
vingtaine d’entre elles n’apparaît qu’une seule fois (moins de 0,5%), et une dizaine deux
fois (moins de 1%). Entre ces deux extrêmes, seules trois formes (effectivement,
énormément, carrément) comptabilisent une dizaine d’occurrences, ce qui équivaut à un
total d’un peu moins de 16%. En d’autres termes, les quatre formes adverbiales les plus
représentées constituent à elles seules environ 45% des occurrences relevées, tandis que les
formes à occurrence unique ou double atteignent près de 20%.
4
Une telle disparité n’est pas spécifique au corpus étudié, comme le montre la
représentativité relative de ces formes adverbiales dans l’ensemble du CFPP 20008. En
effet, avec 1127 occurrences, vraiment en représente à lui seul près de 30%, tandis que les
trente formes les moins fréquentes (moins de 1% chacune, avec des disparités
considérables selon les items) constituent à peine 16% de l’ensemble. Le tableau 3 présente
la représentativité relative de ces formes adverbiales9 dans l’ensemble du CFPP 2000 :
Rang
Adverbes
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
20
22
23
23
25
26
27
27
29
30
30
32
32
34
35
36
37
38
39
vraiment
justement
effectivement
finalement
absolument
forcément
tellement
complètement
énormément
exactement
simplement
spécialement
quasiment
franchement
pratiquement
certainement
normalement
régulièrement
apparemment
actuellement
facilement
carrément
malheureusement
rarement
notamment
seulement
éventuellement
totalement
essentiellement
également
honnêtement
directement
globalement
uniquement
clairement
rapidement
concrètement
vachement
socialement
CFPP 2000
Nbre d’occ.
1127
302
290
220
158
157
145
135
102
100
93
82
56
55
49
46
43
42
38
37
37
36
34
34
33
30
29
29
28
27
27
26
26
24
20
18
14
12
8
8
CFPP 2000
%
29,64%
7,94%
7,62%
5,78%
4,15%
4,12%
3,81%
3,55%
2,68%
2,63%
2,44%
2,15%
1,47%
1,44%
1,28%
1,20%
1,13%
1,10%
0,99%
0,97%
0,97%
0,94%
0,89%
0,89%
0,86%
0,78%
0,76%
0,76%
0,73%
0,71%
0,71%
0,68%
0,68%
0,63%
0,52%
0,47%
0,36%
0,31%
0,21%
Voir également Bilger 2004.
Dans la mesure où il n’était pas matériellement possible d’isoler les seuls adverbes en –ment au sein des
45 872 formes identifiées comme des adverbes dans le CFPP 2000, ni de vérifier le nombre d’occurrences
des 2 780 adverbes en –ment retenus par Molinier & Lévrier 2000, seuls les items apparaissant dans le souscorpus [01-03] ont été comptabilisés. Bien que le CFPP 2000 contienne nécessairement davantage de formes
adverbiales que le sous-corpus [03-01] (par exemple, l’occurrence unique de lentement dans le CFPP 2000
ne provient pas du sous-corpus [03-01]), ce parti pris repose sur l’hypothèse selon laquelle les adverbes les
plus fréquents dans l’ensemble du corpus devraient être représentés dans les sous-corpus.
9
5
40
41
42
42
44
45
45
45
45
49
financièrement
7
0,18%
traditionnellement
6
0,15%
exclusivement
4
0,10%
officiellement
4
0,10%
quotidiennement
3
0,07%
définitivement
2
0,05%
gentiment
2
0,05%
professionnellement
2
0,05%
joliment
2
0,05%
proportionnellement
1
0,02%
Total
3 802
Nbre total de mots
578 908
Tableau 3
Adverbes en –ment communs au sous-corpus [03-01] et à l’ensemble du CFPP 2000
Nombre d’occurrences et pourcentage relatif
Le sous-corpus [03-01] n’est donc que partiellement représentatif du CFPP 2000 : bien
que la fréquence de certaines formes soit comparable (surlignage en vert), parmi les
adverbes les plus fréquents, seuls vraiment et forcément occupent un rang similaire dans le
corpus et le sous-corpus. De plus, certaines formes peu fréquentes dans le CFPP 2000 sont
surreprésentées dans le sous-corpus [03-01], qui en contient plus de la moitié (surlignage
en bleu) voire la totalité (surlignage en rouge) des occurrences. Le tableau 4 met en
évidence les similitudes et les disparités entre le CFPP 2000 et le sous-corpus [03-01] :
Rang
CFPP
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
20
22
23
23
25
26
27
27
29
30
30
Adverbes
vraiment
justement
effectivement
finalement
absolument
forcément
tellement
complètement
énormément
exactement
simplement
spécialement
quasiment
franchement
pratiquement
certainement
normalement
régulièrement
apparemment
actuellement
facilement
carrément
malheureusement
rarement
notamment
seulement
éventuellement
totalement
essentiellement
également
honnêtement
CFPP 2000
Nbre d’occ.
1127
302
290
220
158
157
145
135
102
100
93
82
56
55
49
46
43
42
38
37
37
36
34
34
33
30
29
29
28
27
27
CFPP 2000
%
29,64%
7,94%
7,62%
5,78%
4,15%
4,12%
3,81%
3,55%
2,68%
2,63%
2,44%
2,15%
1,47%
1,44%
1,28%
1,20%
1,13%
1,10%
0,99%
0,97%
0,97%
0,94%
0,89%
0,89%
0,86%
0,78%
0,76%
0,76%
0,73%
0,71%
0,71%
6
[03-01]
Nbre d’occ.
59
8
11
6
3
9
2
1
11
4
7
3
1
1
1
2
1
4
3
2
4
10
1
2
1
1
1
2
2
1
1
[03-01]
%
29,20 %
3,96 %
5,44 %
2,97 %
1,48 %
4,45 %
0,99 %
0,49 %
5,44 %
1,98 %
3,46 %
1,48 %
0,49 %
0,49 %
0,49 %
0,99 %
0,49 %
1,98 %
1,48 %
0,99 %
1,98 %
4,95 %
0,49 %
0,99 %
0,49 %
0,49 %
0,49 %
0,99 %
0,99 %
0,49 %
0,49 %
Rang
[03-01]
1
6
2
9
15
5
19
29
2
10
8
15
29
29
29
19
29
10
15
19
10
4
29
19
29
29
29
19
19
29
29
32
32
34
35
36
37
38
39
40
41
42
42
44
45
45
45
45
49
directement
globalement
uniquement
clairement
rapidement
concrètement
vachement
socialement
financièrement
traditionnellement
exclusivement
officiellement
quotidiennement
définitivement
gentiment
professionnellement
joliment
proportionnellement
Nbre total d’Adv
Nbre total de mots
26
26
24
20
18
14
12
8
7
6
4
4
3
2
2
2
2
1
3 802
578 908
0,68%
0,68%
0,63%
0,52%
0,47%
0,36%
0,31%
0,21%
0,18%
0,15%
0,10%
0,10%
0,07%
0,05%
0,05%
0,05%
0,05%
0,02%
1
1
1
4
4
1
8
1
2
1
2
3
1
1
2
2
1
1
202
21 733
0,49 %
0,49 %
0,49 %
1,98 %
1,98 %
0,49 %
3,96 %
0,49 %
0,99 %
0,49 %
0,99 %
1,48 %
0,49 %
0,49 %
0,99 %
0,99 %
0,49 %
0,49 %
29
29
29
10
10
29
6
29
19
29
19
15
29
29
19
19
29
29
Tableau 4
Les adverbes en –ment
du sous-corpus [03-01] rapporté à l’ensemble du CFPP 2000
nombre d’occurrences et pourcentage relatif
S’appuyant sur un nombre d’occurrences trois à quatre fois plus important que le nôtre10,
Bilger 2004 met en évidence une répartition spécifique des adverbes les plus employés en
fonction du type de parole considéré. La comparaison des résultats obtenus par cette
auteure avec les adverbes apparaissant au moins trois fois dans le sous-corpus [03-01] du
CFPP indique que ce dernier relève de la parole privée, ce qui, malgré la présente d’une
enquêtrice, est conforme aux attentes dans un échange entre cinq locuteurs trentenaires qui
se connaissent depuis l’enfance. Le tableau 5 montre en effet que sur dix-huit adverbes
représentés au moins trois fois dans le sous-corpus [03-01] du CFPP, dix apparaissent
également dans le corpus ‘parole privée’ de Bilger 2004, contre seulement huit dans les
corpus ‘parole professionnelle’ et ‘parole publique’ :
10
Rang
CFPP [03-01]
Parole privée
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
vraiment
effectivement
énormément
carrément
forcément
justement
vachement
simplement
finalement
clairement
exactement
facilement
rapidement
régulièrement
absolument
vraiment
justement
évidemment
tellement
finalement
énormément
forcément
complètement
autrement
absolument
exactement
également
simplement
malheureusement
pratiquement
Parole
professionnelle
Vraiment
Forcément
Enormément
Effectivement
Justement
Egalement
Complètement
Essentiellement
Simplement
Exactement
Uniquement
Absolument
Normalement
Tellement
Autrement
Parole publique
évidemment
vraiment
effectivement
également
justement
notamment
forcément
finalement
simplement
autrement
seulement
absolument
normalement
directement
exactement
618 formes pour la parole privée, 587 pour la parole professionnelle et 874 pour la parole publique.
7
16
17
18
apparemment
officiellement
spécialement
effectivement
Directement
seulement
Seulement
facilement
Evidemment
Tableau 5
Comparaison des adverbes les plus représentés dans
le sous-corpus [03-01] du CFPP 2000
et dans les corpus décrits par Bilger 2004
éventuellement
complètement
extrêmement
Reste à examiner la répartition des occurrences de ces adverbes selon les catégories
établies par Molinier & Lévrier 2000. Comme il a été rappelé dans la première section, la
typologie proposée par ces auteurs prévoit qu’une même forme adverbiale peut relever de
différentes sous-classes d’adverbes. Il en résulte que chaque occurrence doit être analysée
en contexte afin d’établir la classe d’appartenance. En outre, le classement d’occurrences
issues d’un corpus oral dans une grille typologique conçue à partir d’exemples construits
en référence à la langue écrite n’est pas absolument évident, dans la mesure où les
caractéristiques des items attestés ne sont pas nécessairement strictement identiques à
celles sur lesquelles est fondée la classification de référence. Ces difficultés
méthodologiques ayant été rappelées, les résultats de l’analyse sont présentés sont par
ordre de fréquence décroissant.
Les adverbes modaux sont les plus représentés, tant par le nombre d’adverbes (12) que
par le nombre d’occurrences (102) : ils constituent plus de 50% des formes recueillies, qui
se répartissent comme suit : vraiment, 47 occ. ; effectivement, 11 occ. ; carrément, 10 occ. ;
forcément, 9 occ. ; clairement, 4 occ. ; absolument, 3 occ. ; apparemment, 3 occ. ;
certainement, 2 occ. ; exactement, 2 occ. ; totalement, 2 occ. ; complètement, 1 occ. ;
éventuellement, 1 occ. :
(1)
Spk1 marché dessus c’est quand même la la rue c’était l’artère principale de notre
quartier on peut dire
Spk3 : ah ouais complètement
Ces résultats ne sont guère surprenants, dans la mesure où parmi les cinq adverbes les plus
employés dans le corpus, quatre sont des adverbes modaux. En particulier, vraiment
connaît pour l’essentiel des emplois modaux (ex. 2a), dont une part non négligeable (17/ 47
occ., soit 36%) en réponse négative (ex. 2b) :
(2)
a. Spk5 : moi j- j’habitais rue Julien Lacroix et là c’était vraiment l’village c’est-àdire que
b. Spk2 enfin vous n’avez pas vécu une enfance ou une adolescence où on s’sent
en insécurité parce qu’y a des des bagarres
Spk 3 : pas vraiment non11
Il est également à noter que dans leur grande majorité, ces adverbes modaux correspondent
à des réponses (ex. 2b), à des assentiments suite à une demande de confirmation (3a) ou
encore à des renchérissements (ex. 3b) :
(3)
a. Spk2 : et vous voilà parents branchés mettant les enfants dans
Spk5 : exactement
b. Spk1 : […] enfin y avait quand même + un mélange dans dans notre école quoi
Spk5 : oui carrément
11
Sur l’effet produit par une réponse en pas forcément par rapport à non, voir Danjou-Flaux & GaryPrieur 1981.
8
Viennent ensuite les adverbes de manière quantifieurs, ce qui est tout aussi attendu, dans
la mesure où des adverbes fréquemment usités (vraiment, énormément, vachement)
ressortissent à cette sous-classe. Ils sont toutefois beaucoup moins nombreux que les
précédents : 8 adverbes produisent 40 occurrences ce qui correspond à un peu moins de
20% des formes relevées. Ont été répertoriés parmi les adverbes quantifieurs vraiment, 12
occ.12 ; énormément, 11 occ. ; vachement, 8 occ. ; absolument, 3 occ. ; (pas) spécialement,
2 occ. ; tellement, 2 occ. ; pratiquement, 1 occ. et quasiment, 1 occ. :
(4)
Spk5 : euh c’est + ah bah disons qu’y a y a qu’y a l’problème du bruit aujourd’hui
(mmh) qui est absolument violent euh […]
Les différentes sous-classes identifiées par Moliner & Lévrier 2000 sont attestées :
adverbes de manière quantifieurs (5a), adverbes intensifs (5b) et adverbes de complétude
(5c) :
(5)
a. Spk1Spk4 : (1) oui (2) prix ont
Spk4 : énormément augmenté
b. Spk5 : enfin c’est là là aussi l’histoire des papiers est vachement importante
hein + […]
c. Spk1 : sinon euh alors laissons la crise y a aussi à la fois l’arrivée de nouvelles
populations le le changement vous avez parlé du troisième vous avez tous les
commerces de bouche pratiquement avaient + disparu pour laisser place euh à des
des magasins de fringues à des restaurants dans l’vingtième ça commence ou pas
vraiment X
Chaque adverbe présente des spécificités. Ainsi, énormément est exclusivement
quantifieur, tandis que vachement est soit intensif, soit quantifieur. Associé à certains
prédicats, ce dernier peut recevoir une interprétation itérative13 :
(6)
Spk 1 : non c’était pas très loin mais c’était c’était un aut- on on on était
vachement autour de notre école aussi
Les adverbes conjonctifs s’avèrent deux fois moins nombreux (20 occ., soit 9,9%). Ils
apparaissent sous la forme d’un « transitionnel » (justement, 8 occ.), de deux
« reformulatifs » (finalement, 6 occ. ; (tout) simplement, 3 occ.), d’un « concessif »
(simplement, 2 occ.) et d’un « égalisateur » (également, 1 occ.) :
(7)
a. Spk1 : ça c’est une stratégie d’ailleurs dès qu’ils apprennent le français en Chine
également ils se donnent des prénoms français ++ très imprononçables
b. Spk6 : on sortira peut-être moins qu’avant + parce que justement c’est un petit
peu c’est
Spk3 Spk6 : [1] peut-être aussi [2] plus cher
Deux classes – adverbes focalisateurs et adverbes de points de vue – produisent chacune
12 occurrences, soit 5,9 % des formes recueillies. Le corpus recèle 9 adverbes
focalisateurs (essentiellement, 2 occ. ; exclusivement, 2 occ. ; simplement, 2 occ. ;
directement, 1 occ. ; exactement, 1 occ. ; notamment, 1 occ. ; seulement, 1 occ. ;
spécialement, 1 occ. ; uniquement, 1 occ.) :
12
Les cas d’ambiguïté potentielle (alors et donc là on a bougé sur un endroit où + c’est vraiment calme (mm
mm) + le soir) ont été comptabilisés parmi les emplois intensifs.
13
Sur les conditions d’interprétation – massive ou comptable – des quantifieurs, voir Borillo 1989.
9
(8)
a. Spk5 : […] c’est exclusivement des amateurs […]
b. Spk5 : […] + et euh + mais euh sinon directement par rapport au prix d’la
consommation bah euh moi j’vois les prix qui augmentent mais bon faut bien
manger donc j’achète hein enfin euh
et 8 adverbes de points de vue (officiellement, 3 occ. ; financièrement, 2 occ. ;
professionnellement, 2 occ. ; s o c i a l e m e n t , 1 occ. ; c o n c r è t e m e n t , 1 occ. ;
globalement, 1 occ. ; proportionnellement, 1 occ. ; traditionnellement, 1 occ.) :
(9)
a. + c’est sûr que c’est le bah financièrement le le le p- le plus simple hein ++
b. Spk1 : justement les Chinois ils sont bien accueillis + c’était traditionnellement
un vingtième judéo-maghrébin
Il est à noter que les occurrences multiples sont parfois réalisées dans des tours de parole
très proches, ce qui correspond à un phénomène fréquent à l’oral :
(10)
Spk3 : XX mais moi j’ai j’ai revu mes potes chinois d’l’école de rue des Vertus ils
ont tous changé leurs prénoms
Spk5 Spk3 : [1] ah ouais [2] officiellement
Spk5 : et ils s’appellent comment maintenant ?
Spk3 : bah je sais plus trop là j’crois qu’y a un Damien euh y a un Marc qui
s’appelait avant Jingsheng [rire en fond]
Spk4 : mais mais ça
Spk3 Spk4 : [1] officiellement [2] ça vient aussi
Spk4 : ça mais ça ça vient aussi vachement d’la classe euh de la classe de laquelle
ils viennent (mmh) donc classe migrante euh récente migrante parce que nous on a
une amie Stéphanie qui était euh
Spk2 Spk4 : [1] elle est vietnamienne [2] qui était
Spk4 : oui vietnamienne et euh et aujourd’hui officiellement elle a changé son nom
en Lan Anh son vrai nom euh de
Le corpus contient 5 adverbes de temps produisant un total de 10 occurrences, soit 4,9%
de l’ensemble. Les trois sous-classes sont représentées : adverbes de date (actuellement,
2 occ.), adverbes de durée (définitivement, 1 occ.) et adverbes de fréquence (régulièrement,
4 occ. ; rarement, 2 occ. ; quotidiennement, 1 occ.) :
(11)
a. est-ce que actuellement vous avez donc tous bougé vous vous sentez plutôt +
qu’est-c’que vous diriez ? des Parisiens des gens + de l’Est des gens de la rive
droite des
b. J’ai abandonné + définitivement
c. + et euh ouais y a très régulièrement des des activités ou des événements +
Les adverbes de manière verbaux s’avèrent peu fréquents : 3 adverbes pour 7
occurrences (facilement, 4 occ. ; gentiment, 2 occ. ; joliment, 1 occ.), soit 3,4% des
formes relevées :
(12)
+ jusqu’à y a deux ans on atteignait facilement nos objectifs par saison
Un tel résultat n’est pas nécessairement attendu, dans la mesure où les adverbes de manière
sont généralement considérés comme étant prototypiques de la catégorie des adverbes. Il
s’explique toutefois par le fait que les études grammaticales et linguistiques ont longtemps
été fondées sur la seule analyse de l’écrit, en particulier littéraire, et que le genre narratif
favorise l’usage de tels adverbes.
10
S’y ajoutent 4 occurrences de rapidement, paraphrasables par « au bout de peu de temps »
(Moliner & Lévrier 2000 : 178), et qui caractérisent l’enchaînement des faits décrits par les
propositions antécédente et subséquente :
(13)
Spk1 : mais X comme j’disais avant (mm) j’avais un vélo euh et très rapidement
j’me suis beaucoup déplacé en vélo +
Il ne s’agit donc pas d’adverbes de manière verbaux stricto sensu, mais d’un emploi
particulier évoqué par Molinier & Lévrier 2000 dans le chapitre consacré à ces adverbes.
Les adverbes disjonctifs de style (1,98%) apparaissent sous les formes franchement
(1 occ.) et honnêtement (1 occ.) :
(14)
ben euh très honnêtement non moi j’la je j’la ressens pas au quotidien alors la
crise
Deux sous classes – adverbes évaluatifs (ex. 15a) et des adverbes d’habitude (ex. 15b) –
donnent lieu à une attestation unique (0,49%) :
(15)
a. c’est-à-dire que ma mère euh malheureusement a + est est tombée malade
b. Spk5 Spk6 : (1) la place de x la place de cinéma c’est (2) cinéma déjà euh XX
Spk6 : les euh le loisir qui était normalement euh qui s’est développé pour euh
access- qui était accessible à tout le monde enfin c’est accessible mais neuf euros
dix euros la place maintenant euh (mm)
Enfin, les adverbes d’attitude orientés vers le sujet et les adverbes de manière orientés
vers le sujet ne figurent pas dans le corpus considéré. De façon plus générale, ces sousclasses semblent peu représentées dans le CFPP 2000. Il est par exemple notable
qu’aucune occurrence des adverbes anxieusement, attentivement, joyeusement,
mélancoliquement et tristement, considérés par Molinier & Lévrier (2000 : 124) comme
relevant nécessairement de la sous-classe des adverbes de manière orientés vers le sujet,
n’y figure, et que calmement n’y apparaisse qu’à trois reprises.
Le tableau 6 présente une synthèse des données chiffrées :
Classe d’adv
modaux
manière
quantifieurs
conjonctifs
focalisateurs
point de vue
temps
manière verbaux
disjonctifs style
évaluatifs
habitude
attitude orientés
sujet
manière orientés
sujet
Type d’adv14
AP
Aip
Nbre occ.
102
40
% occ
50,5%
19,8%
Nbre adv
12
8
AP
Aip
Aip
Aip
Aip
AP
AP
AP
AP
20
12
12
10
7+4
2
1
1
0
9,9%
5,9 %
5,9 %
4,9%
3,46% + 1,98%
0,98%
0,49%
0,49%
0%
5
9
8
5
3+1
2
1
1
0
Aip
0
0%
0
Tableau 6
Analyse des adverbes du sous corpus [03-01] du CFPP 2000
en fonction de la typologie de Molinier & Lévrier 2000
14
AP : Adverbe de Phrase ; Aip : Adverbe intégré à la proposition.
11
Il ressort de cette étude de détail que les adverbes en –ment relevés dans le sous corpus
[03-01] du CFPP 2000 se répartissent très inégalement dans les sous-classes établies par
Molinier & Lévrier 2000, ce qui se traduit par un échelonnement de leur représentativité
entre 0 et 50,5%. Aucune étude similaire n’ayant, à ma connaissance, été réalisée sur un
échantillon comparable de langue écrite, il est difficile d’attester de particularités de l’oral
ou de l’écrit dans l’usage des adverbes en –ment, d’autant qu’il faudrait, dans un cas
comme dans l’autre, tenir compte de variations liées au genre. Toutefois, l’emploi
d’adverbes en -ment comme réponse à une question ou à une demande d’assentiment voire
comme marque d’acquiescement constitue sans aucun doute un des besoins spécifiques de
l’interaction orale, d’où la fréquence élevée des adverbes modaux.
4. Les adverbes en –ment dans le CFPP 2000, le CPFQ et le OFROM
Reste à établir si les adverbes précédemment examinés sont également représentés dans
différentes variantes du français parlé contemporain. Pour ce faire, en sus du Corpus de
Français Parlé Parisien 2000 (CFPP 2000), qui sert ici de point de référence, deux autres
corpus représentant deux variantes différentes du français parlé contemporain ont été
consultés, en l’occurrence le Corpus de Français Parlé au Québec (CPFQ) et le Corpus
Oral de Français Parlé en Suisse Romande (OFROM). Le tableau 7 rassemble le nombre
d’occurrences de chaque forme adverbiale recueillie dans le sous-corpus [03-01] du CFPP
2000 dans ces deux corpus, ainsi que leurs fréquences relatives :
Adverbes
CFPP
vraiment
justement
effectivement
finalement
absolument
forcément
tellement
complètement
énormément
exactement
simplement
spécialement
quasiment
franchement
pratiquement
certainement
normalement
régulièrement
apparemment
actuellement
facilement
carrément
malheureusement
rarement
notamment
seulement
éventuellement
totalement
essentiellement
également
1127
302
290
220
158
157
145
135
102
100
93
82
56
55
49
46
43
42
38
37
37
36
34
34
33
30
29
29
28
27
CFPQ
29,64%
7,94%
7,62%
5,78%
4,15%
4,12%
3,81%
3,55%
2,68%
2,63%
2,44%
2,15%
1,47%
1,44%
1,28%
1,20%
1,13%
1,10%
0,99%
0,97%
0,97%
0,94%
0,89%
0,89%
0,86%
0,78%
0,76%
0,76%
0,73%
0,71%
868
151
28
122
45
0
288
27
7
74
8
0
118
21
7
4
15
2
14
2
28
11
8
4
0
34
3
7
1
0
12
OFROM
45%
7,8%
1,45%
6,32%
2,33%
0%
14,93%
1,39%
0,36%
3,83%
0,41%
0%
6,11%
1,08%
0,36%
0,20%
0,77%
0,10%
0,72%
0,10%
1,45%
0,57%
0,41%
0,20%
0%
1,76%
0,15%
0,36%
0,05%
0%
691
221
44
71
36
131
105
38
27
77
35
6
24
39
15
20
27
11
6
37
21
6
20
6
37
36
13
20
20
42
34,56%
11,05
2,20%
3,55%
1,80%
6,55%
5,25%
1,90%
1,35%
3,85%
1,75%
0,30%
1,20%
1,95%
0,75%
1%
1,35%
0,55%
0,30%
1,85%
1,05%
0,30%
1%
0,30%
1,85%
1,80%
0,65%
1%
1%
2,10%
honnêtement
directement
globalement
uniquement
clairement
rapidement
concrètement
vachement
socialement
financièrement
traditionnellement
exclusivement
officiellement
quotidiennement
définitivement
gentiment
professionnellement
joliment
proportionnellement
Nbre total d’Adv
Nbre total de mots
27
26
26
24
20
18
14
12
8
7
6
4
4
3
2
2
2
2
1
3 802
578 908
0,71%
0,68%
0,68%
0,63%
0,52%
0,47%
0,36%
0,31%
0,21%
0,18%
0,15%
0,10%
0,10%
0,07%
0,05%
0,05%
0,05%
0,05%
0,02%
3
0,15%
2
8
0,41%
29
1
0,05%
1
0
0%
10
5
0,25%
4
5
0,25%
22
2
0,10%
6
0
0%
13
0
0%
1
2
0,10%
8
0
0%
0
3
0,15%
1
1
0,05%
3
0
0%
1
2
0,10%
0
0
0%
14
0
0%
2
0
0%
0
0
0%
0
1929
1999
471 575
232 536
Tableau 7
Les adverbes en –ment du sous-corpus [03-01] du CFPP 2000
dans le CFPP 2000, CFPQ et le OFROM
nombre d’occurrences et pourcentage relatif
0,10%
1,45%
0,05%
0,50%
0,20%
1,10%
0,30%
0,65%
0,05%
0,40%
0%
0,05%
0,15%
0,05%
0%
0,70%
0,10%
0%
0%
S’il paraît difficile de tirer des conclusions solidement étayées à partir d’un tel
échantillon15, il n’en demeure pas moins possible de formuler quelques remarques. En
premier lieu, il apparaît clairement que vraiment constitue la forme la plus employée quelle
que soit la variante considérée, et ce malgré des différences de représentativité non
négligeables (voir tableau 8). Plus généralement, on peut constater que peu d’adverbes
atteignent un taux de fréquence supérieur à 5%, et que ces derniers se recouvrent
largement : deux adverbes (vraiment et justement) sont communs aux trois corpus, un
adverbe (finalement) apparaît à la fois dans le CFPP 2000 et dans le CFPQ et un autre
(tellement) dans le CFPQ et dans le OFROM. Ces caractéristiques sont synthétisées dans le
tableau 8 :
CFPP 2000
CFPQ
OFROM
vraiment
29,64%
vraiment
45%
vraiment
34,56%
justement
effectivement
finalement
7,94%
7,62%
5,78
tellement
justement
finalement
14,93%
7,8%
6,32%
justement
forcément
tellement
11,05%
6,55%
5,25%
Tableau 8
Les adverbes en –ment du sous-corpus [03-01] du CFPP 2000
les plus représentés dans le CFPP 2000, CFPQ et le OFROM
quasiment
6,11%
Parmi les autres particularités que mettent en évidence les relevés présentés dans le tableau
7, je me contenterai de souligner l’absence dans le CFPQ de l’adverbe forcément, très
fréquent tant dans le CFPP 2000 (4,12%) que dans le OFROM (6,55%). Il s’agit là d’une
spécificité non négligeable du français québécois, qui mériterait d’être explorée plus avant.
15
Pour une justification de cette manière de procéder, voir supra note 9.
13
5. Conclusions
Malgré les difficultés méthodologiques inévitables liées à l’utilisation de critères établis à
partir d’une représentation de la langue écrite, l’examen exhaustif des formes adverbiales
relevées dans le sous-corpus [03-01] du CFPP 2000 a permis de mettre en évidence
quelques spécificités du français parlé relatives à l’usage des adverbes en -ment, en
l’occurrence la surabondance d’adverbes modaux. Cette particularité n’est au fond pas
entièrement surprenante, dans la mesure où ces adverbes permettent notamment de
manifester l’assentiment d’un locuteur par rapport aux propos énoncés, et contribuent de ce
fait au bond déroulement de l’échange discursif en cours. Il est d’ailleurs à noter que
certaines locutions adverbiales présentent un fonctionnement analogue :
(16)
Spk1 : et vous êtes content là ? vous êtes
Spk2 Spk3 : (1) oh la oui ++ oh la (2) oui oui oui + tout à fait
Plus inattendu semble être l’usage restreint des adverbes de manière dans le corpus
examiné, dans la mesure où l’enseignement grammatical scolaire nous a conduit à
construire le proptotype de l’adverbe à partir des adverbes de manière, et donc à concevoir
la catégorie des adverbes à partir de cette sous-classe. Il faudrait par conséquent vérifier
sur d’autres types de corpus oraux et sur différents types de corpus écrits la représentativité
effective des adverbes de manière, ce qui mettrait sans doute en évidence le fait que le
prototype de cette catégorie a été construit à partir d’écrit littéraire, et conduirait peut-être à
une reconstruction de la catégorie de l’adverbe autour d’un prototype différent.
Enfin, bien qu’essentiellement centrée sur l’analyse exhaustive de toutes les occurrences
d’un corpus restreint, cette étude a montré également des similitudes et des différences non
négligeables entre différentes variantes de français parlé.
Des études complémentaires devraient compléter ces premiers résultats.
Références bibliographiques
AVANZI Mathieu, BÉGUELIN Marie-José & DIÉMOZ Fréderica (2012-2014),
Présentation du corpus OFROM – corpus oral de français de Suisse romande,
Université de Neuchâtel, http://www.unine.ch/ofrom
BILGER Mireille (2004), « Quelques données sur les adverbes en -ment dans le corpus de
référence de français parlé », Recherches Sur le Français Parlé, 18 : 63-82.
BONAMI Olivier, GODARD Danièle & KAMPERS-MAHNE Brigitte (2004), « Adverb
Classification », in F. Corblin et H. de Swart (eds), Handbook of French Semantics,
Stanford, CSLI Publications : 143-184.
BORILLO Andrée (1976), « Les adverbes et la modalisation de l’assertion », Langue
française, 30 : 74-89.
BORILLO Andrée (1976), « Notion de massif et de comptable dans la mesure
temporelle!», in J. DAVID & Georges KLEIBER (eds), Termes massifs et termes
comptables, Paris, Klincksieck!: 215-238.
BRANCA-ROSOFF Sonia, FLEURY Serge, LEFEUVRE Florence & PIRES Matthew
(2012), « Discours sur la ville. Corpus de Français Parlé Parisien des années 2000
(CFPP2000) », http://cfpp2000.univ-paris3.fr/CFPP2000.pdf
DANJOU-FLAUX Nelly & GARY-PRIEUR Marie-Noëlle (1981), Forcément ou le
recours à la force dans le discours, Modèles linguistiques, III- 1 : 54-111.
DEULOFEU José & DEBAISIEUX Jeanne-Marie (2012), « Une tâche à établir pour la
linguistique française du XXIe siècle : élaborer une grammaire des usages du français,
Langue française, 176 : 27-46.
14
GUIMIER Claude (1996), Les adverbes du français. Le cas des adverbes en –ment, Paris,
Ophrys.
MOLINIER Christian (1990), « Une classification des adverbes en –ment », Langue
Française, 88 : 28-40.
MOLINIER Christian & LÉVRIER Françoise (2000), Grammaire des adverbes :
description des formes en –ment, Genève-Paris, Droz.
MØRDRUP Ole (1976a), « Sur la classification des adverbes en –ment », Revue Romane
11 : 317-333.
NILSSON-EHLE Hans (1941), Les adverbes en –ment compléments d’un verbe en
français moderne. Etude de classement syntaxique et sémantique, Etudes romanes de
Lund III, Lund, Gleerup.
NØJGAARD Morten (1992, 1993, 1995), Les adverbes du français. Essai de description
fonctionnelle, 3 vols., Historisk-filosifiske Meddelelserï, 66, Copenhague, Munksgaard.
NØLKE Henning (1990), « Recherches sur les adverbes : bref aperçu historique des
travaux de classification », Langue Française, 88 : 117-122s.
NølKe Henning (1993), Le regard du locuteur, Paris, Kimé.
SABOURIN Conrad & CHANDIOUX John (1977), L’adverbe en français : essai de
catégorisation, Saint Sulice de Favières, Jean Favard.
SCHLYTER Suzanne (1977), La place des adverbes en -ment en français, Ph.D.,
Universität Konstanz.
Corpus utilisés
Corpus de français parlé parisien 2000 (CFPP 2000), http://cfpp2000.univ-paris3.fr/
Corpus de Français Parlé au Québec (CFPQ), http://recherche.flsh.usherbrooke.ca/cfpq/
Corpus Oral de Français Parlé en Suisse Romande (OFROM), http://www11.unine.ch/
15