ASIE DU SUD-EST - Département d`information et de communication

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ASIE DU SUD-EST - Département d`information et de communication
ASIE DU SUD-EST
10S
En Asie du Sud-Est, trois pays font
partie de la Francophonie en raison de
l'influence exercée historiquement par
la France.
Le Cambodge, le Laos et le Vietnam
participent aux Sommets. Ils ont respectivement le cambodgien, le laotien
et le vietnamien comme seule langue
officielle.
Le français continue d'y occuper une
certaine place dans le domaine de l'enseignement, ainsi que dans le secteur
culturel (en particulier la littérature et
le cinéma), même si le nombre de personnes dont c'est la langue d'usage n'est
guère élevé.
La décision de tenir le VIle Sommet
de la Francophonie à Hanoi, capitale du
Vietnam, en novembre 1997 se voulait
un symbole du renouveau de l'Asie du
Sud-Est. La Francophonie entend participer au développement de ces trois
pays, qui compteront bientôt une centaine de millions d'habitants.
La présence française en Asie a également laissé des traces à Pondichéry, un
territoire de 480 km 2 , situé sur la côte 8
MER DE CHINE
de Coromandel en Inde, et qui compte
km
MÉRIDIONALE
800000 habitants. Il fut rétrocédé à _ _ _ _ _ _10,4°-_ _ _ _ _ __ 1?,-SO_ _--,
l'Inde en 1956. (Rappelons qu'outre
Pondichéry, il y eut quatre autres comptoirs français en Inde: Mahé, Chandernagor,
Karikal et Yanaon) .
0
1
______
ONPEUTCONSUlTER
_ _______________________________
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AFI2006
+
283
ASIE DU SUD-EST
Cambodge
Laos
Vietnam
Royaume du Cambodge
République démocratique
populaire lao
République socialiste
du Vietnam
Phnom Penh
Vientiane
Hanoi
181040
236800
329560
monarchie unitaire,
régime parlementaire
république unitaire,
régime communiste
république,
régime communiste
Norodon
Sihamoni
Khamtai
Siphamdon
Tran Duc
Luong
29-10-2004
26-02-1998
24-09-1997
Hun
Sen
Boungnang
Vorachit
Phan Van
Khai
14-01-1985
27-03-2001
25-09-1997
khmer
lao
vietnamien
Autres langues
français, anglais
français, anglais, dialectes
(taï, phouteung, hmong)
anglais, français ,
chinois, khmer
Principales religions
et spiritualités
identifiées
en % de la population
bouddhisme (95)
bouddhisme (60)
animisme et autres (40)
bouddhisme (10,8)
catholicisme (6,7)
cao-daïsme (1 ,1)
protestantisme et islam (0,6)
Population (en M)
Moins de 15 ans en %
Plus de 65 ans en %
Indice de fécondité
Espérance de vie H/F
Alphabétisation en %
13,6
37,3
3,1
3,4
55,9/62
73,6
6,2
41 ,6
3,2
4,8
53,1/57,2
66,4
83,5
27,9
5,8
1,9
67,8/73,6
90,3
Nom officiel
Capitale
Superficie (km 2 )
Politique
Chef d'État
Entrée en fonction
Chef du
gouvernement
Entrée en fonction
Langues officielles
IOH (rang/177)
PIB (en G PPA)'
PIB/hab. (PPA)
Monnaie 2
EURO
US$
130
n.d.
108
27
2000
11,3
1900
227,2
2700
riel
0,00021
0,00025
kip
0,00008
0,00010
dong
0,00005
0,00006
Principales
exportations
vêtements, bois d'œuvre,
caoutchouc, riz, poissons,
tabac, chaussures
Principales
importations
prod . pétroliers, cigarettes, or,
matériaux de construction,
machinerie, véhicules, prod .
pharmaceutiques
Principaux
partenaires
commerciaux
machinerie, automobiles,
combustibles, biens de
consommation
Vietnam, Thaïlande, Chine, Hong Chine, Thaïlande, Vietnam ,
Kong, États-Unis, Singapour,
France, Allemagne, Belgique
Corée du Sud, Allemagne,
Taiwan, Royaume-Uni
' Taux de change à parité de pouvoir d'achat
Taux au 22 septembre 2005, donné à titre indicatif
2
vêtements, bois d'œuvre, café, pétrole brut, prod . aquatiques,
électricité, étain
riz, café, caoutchouc, thé,
vêtements, chaussures
machinerie, prod. pétroliers,
engrais, acier, coton , grains,
ciment, véhicules
Singapour, Japon, Honk Kong,
Corée du Sud, Taiwan , Chine,
Thaïlande, Allemagne,
États-Unis, Australie
Sources: The World Factbook 2005
L'État du monde 2005
La Francophonie dans le monde 2002 -2003
CAMBODGE
membr.e
Pierre GILLEITE
Rédacteur en chef au quotidien Cambodge Soir
[email protected]
POLITIQUE
L
es Il mois de crise qui ont précédé
la formation, le 15 juillet 2004, d'un
nouveau gouvernement de coalition
associant le parti du premier ministre Hun
Sen, le Parti du peuple cambodgien (PPC),
et celui du prince Ranariddh, le Funcinpec,
n'auront pas été sans incidences sur la vie
politique du Royaume.
Allié du prince Ranariddh durant toute
la durée de cette crise, Sam Rainsy, président du Parti Sam Rainsy (PSR) et l'un des
plus farouches opposants à Hun Sen, a refusé de suivre son partenaire au sein du
gouvernement. Entre les deux camps, le
ton a monté pour
aboutir le 3 février
2005 à la levée de l'immunité parlementaire
de trois députés du
PSR, dont celle de son
président. Ce dernier
et un autre élu sont
sous le coup de poursuites judiciaires engagées contre eux par le
prince Ranariddh ou
Hun Sen
Hun Sen pour diffamation. Tous deux ont décidé de quitter
le pays, s'estimant menacés, et Sam Rainsy
a entrepris une tournée des capitales pour
dénoncer les tracas dont il est l'objet. Plus
grave, un troisième député du PSR a été
jeté en prison dès son immunité retirée :
il a été accusé de constitution de forces
armées illégales visant à renverser le gouvernement et son affaire est traitée par la
Cour militaire. Depuis, les 21 autres députés de ce parti ont décidé de boycotter
les sessions de l'Assemblée nationale. Pour
eux, le PSR est la cible d'un complot destiné à l'écarter de la vie politique. À cette
accusation, PPC et Funcinpec répondent
qu'il s'agit là d'affaires strictement judiciaires . Les États-Unis comme l'Union
européenne se sont dits préoccupés par
cette intrusion de la justice dans le débat
politique. Le représentant spécial du seAFI2006
crétaire général des Nations Unies pour les
Droits de l'homme au Cambodge est allé
jusqu'à s'inquiéter d'une « dérive autocratique » du premier ministre Hun Sen.
Fort d'un solide
soutien au parlement,
d'un exécutif certes
pléthorique - plus de
300 ministres, secrétaires et sous-secrétaires d'État - mais uni
derrière lui, et d'une
relation apaisée avec
le nouveau roi Norodom Sihamoni à la
neutralité politique
affichée, Hun Sen
Norodom Sihamoni
CAMBODGE
Géographie
Pays de la péninsule indochinoise, fertilisé par les crues du Mékong.
Histoire
1863-1953 Protectorat français.
1941 Norodom Sihanouk au pouvoir.
1970 Lon Nol, soutenu par les ÉtatsUnis, renverse Sihanouk.
1975 Les Khmers rouges renversent
Lon Nol. Dictature meurtrière de Pol Pot
et Khieu Samphan.
1979-1989 Présence vietnamienne.
République proclamée de Kampuchea.
1993 Sihanouk proclamé roi. Monarchie constitutionnelle.
1997 Luttes de pouvoir entre les deux
premiers ministres: Hun Sen chasse le
prince Ranariddh, remplacé par Ung Huot.
1998 Premières élections démocratiques. Hun Sen dirige un gouvernement
de coalition.
2002 Zone de libre-échange avec les
dix pays de l'ASEAN (Association des Nations d'Asie du Sud-Est)
285
ASIE DU SUD-EST
prend ces critiques-là avec distance, sinon
de haut. Sa priorité est de montrer qu'avec
la « stratégie rectangulaire » de son gouvernement, centrée sur la « bonne
gouvernance » pour parvenir à la réduction de la pauvreté, il reste l'homme qui
peut mettre en œuvre les réformes réclamées entre autres par la communauté des
bailleurs de fonds. Car celle-ci commence
à manifester une certaine impatience,
quoique avec mesure. En conséquence,
lors de la réunion du Groupe consultatif
des pays et institutions donateurs en décembre 2004, une légère baisse des promesses d'aide a été ainsi enregistrée, de 10
millions US $ par rapport à 2002 pour un
montant total de 504 millions US $.
« Nous n'avons pas constaté les progrès
que tout le monde attendait », avait résumé l'ambassadeur du]apon, dont le pays
reste malgré tout le premier bailleur de
fonds du Royaume. Lutte contre la corruption, réforme judiciaire, transparence dans
la gestion des biens de l'État et des ressources naturelles du pays constituent toujours des objectifs à atteindre, de l'aveu
même d'un gouvernement qui peut donner le sentiment, à la longue, de se satisfaire de déclarations de bonne intention.
Une loi contre la corruption a cependant
été promise pour la fin de l'année 2005
et, soi-disant pour faire avancer la réforme
judiciaire, le premier ministre, fidèle à sa
manière directe de gouverner, a lancé, début 2005, une opération « main de fer »
contre des magistrats suspectés de corruption, lesquels font l'objet de poursuites.
Unies après huit années de tergiversations
et de négociations. Le procès pourrait commencer début 2006, si toutefois les délais
administratifs et financiers sont tenus.
Certains craignent cependant que le gouvernement fasse traîner les choses, de telle
sorte qu'il ne puisse être en mesure de siéger pendant que les principaux intéressés,
aujourd'hui âgés, et certains malades, sont
encore en vie. Cela, spéculent les sceptiques, pour éviter de déplaire à la Chine,
autrefois principal soutien des Khmers
rouges et aujourd'hui amie de Phnom
Penh, et pour ne pas faire remonter à la
surface l'histoire traumatique du génocide
dans laquelle bon nombre de personnalités politiques aujourd'hui encore sur le devant de la scène ont été impliquées.
Cependant, le gouvernement ne cesse de
répéter sa volonté de voir ce processus judiciaire aller à son terme.
Avec le renouvellement en janvier 2006
du Sénat au suffrage indirect -les sénateurs
seront élus par les membres des conseils
communaux -, le pays va entrer dans une
période de forte activité politique. En 2007
auront lieu les élections communales et
l'année suivante, les législatives. S'il est une
question qui pourrait occuper le devant des
débats durant ces échéances, ce serait celle
des frontières et de la défense de l'intégrité
territoriale du Cambodge. Pour répondre
à la demande du roi-père Norodom Sihanouk, maintenant « en retraite », qui s'inquiète des grignotages de territoire dont
serait victime le Cambodge sur ses frontières avec la Thaïlande et surtout avec le VietCeux et celles qui attendent
nam, un Conseil national
du procès des anciens dirisupérieur des affaires frontalières,
geants khmers rouges qu'il conprésidé par le roi-père, a été créé
tribuera à la réforme judiciaire et
en 2005 par le gouvernement.
à la lutte contre l'impunité
Cette institution doit conseiller
auront été satisfaits d'entendre
l'exécutif dans d'éventuelles négocette année Kofi Annan, secréciations avec les pays voisins pour
taire général des Nations Unies,
aboutir à des tracés frontaliers redéclarer que le tribunal extraorconnus par tous de manière défidinaire imaginé pour l'occasion
nitive. Même s'il y a fort à parier
va pouvoir être mis en place.
que ce Conseil n'aura que peu
L'Assemblée nationale a adopté
d'influence sur la politique du
l'ensemble des amendements
gouvernement dans ce domaine,
Koli Annan
permettant la création de chamsa création montre que la question
bres extraordinaires composées de magis- des frontières, thème récurrent d'agitation
trats cambodgiens et étrangers au sein du des opposants à Hun Sen, peut constituer
système judiciaire du pays, selon les ter- une ligne de fracture dans le débat politimes de l'accord signé avec les Nations que intérieur.
286
AFI2006
CAMBODGE
ÉCONOMIE
Le premier ministre devrait avoir bénéficié en 2005 d'une conjoncture économique bien meilleure que prévu. Alors que
le Fonds monétaire international (FMI) et
la Banque mondiale avaient estimé que la
croissance plongerait à 2,5 %, contre 6 %
en 2004, celle-ci devrait se situer aux alentours de 5 %, selon les prévisions du FMI.
À l'origine de l'appréciation, la résistance
du secteur textile, premier secteur exportateur - 80 % et 12 % du PIE - et premier
employeur de l'industrie - 270 000 emplois -, plus forte que ne l'attendaient les
experts après la fin du système des quotas
encadré par l'Accord multifibre. Ceux-ci
pensaient que les exportations cambodgiennes souffriraient de la concurrence de
la Chine. Mais il semble que les frictions
commerciales opposant l'Union européenne et les États-Unis à la Chine ont plutôt encouragé les acheteurs à ne pas
dépendre entièrement de Pékin. Le Cambodge a apparemment réussi dans ce contexte à tirer son épingle du jeu, malgré sa
faible compétitivité. Nombre de handicaps
pèsent sur ce secteur qui pourraient l'empêcher de se maintenir à long terme dans
la compétition internationale: formation
des employés laissant à désirer, gestion peu
efficace et équipements mal adaptés .
Autre bonne surprise, le tourisme continue de se développer. L'an dernier, en
dépit d'une résurgence de la grippe aviaire
dans la région qui a causé la mort d'une
personne au Cambodge, le Royaume a atteint en 2004, selon les chiffres officiels,
la barre symbolique du million de visiteurs
et les premières statistiques de l'année
2005 laissent espérer une croissance de
l'ordre de 25 % . La production agricole,
dont dépend 80 % de la population, si elle
a été affectée en 2004 par la sécheresse,
devrait croître d'environ 5 % selon les experts, si toutefois les conditions météorologiques se montrent favorables . En
contrepartie de ce tableau plutôt positif,
une hausse des prix à la consommation
liés à celle du pétrole ne manque pas
d'avoir des répercussions néfastes sur les
coûts des transports dans le Royaume, déjà
très élevés.
Ces indicateurs plutôt encourageants ne
doivent pas faire oublier que dix années
AFI2006
de croissance continue n'ont que peu profité à la population, bien que des progrès
indéniables aient été accomplis, par exemple dans les domaines de la sécurité, de
l'amélioration des infrastructures et, petit
à petit, dans la constitution d'un environnement législatif et juridique sécurisant
pour les investisseurs et les échanges commerciaux, conséquence de l'intégration du
pays dans l'Organisation mondiale du
commerce (OMC). Le taux de pauvreté stagne toujours autour de 40 %, tandis que
les taux de mortalité infantile et maternelle demeurent trois fois supérieurs à
ceux de l'Asie de l'Est. Aussi, selon la Banque asiatique de développement (BAD), le
Cambodge, ne devrait-il pas être, dans les
conditions actuelles, à même de remplir
d'ici 2015 les Objectifs de développement
du millénaire (ODM) adoptés en 2000 par
les Nations Unies, selon lesquels le pourcentage de personnes vivant sous le seuil
de pauvreté devait être réduit à 19,5 % à
cette date. D'après l'institution financière,
dans dix ans, ce taux avoisinera les 25 %,
si tant est que le Royaume dispose d'une
croissance convenable dans les années qui
viennent. Les causes de la pauvreté pointées par la BAD sont nombreuses: secteurs
économiques compétitifs très limités, accès à l'éducation et à la santé non assuré,
et, dans les zones rurales, manque de terres disponibles pour les habitants pauvres.
Sur ce dernier point, plusieurs conflits,
opposant des sociétés privées concessionnaires de vastes surfaces de forêts ou de
terres cultivables - des « concessions économiques » - à de petits paysans ou des
villageois appartenant à des minorités ethniques, ont montré l'acuité de la question
foncière et l'ambiguïté du gouvernement
sur ce dossier. Les bailleurs de fonds réclament que l'attribution de ces « concessions
économiques » ne puissent se faire sans
que les communautés locales aient été au
préalable consultées et sans que des études d'impacts aient été conduites. Dans les
faits, les sociétés concessionnaires sont
désignées dans la plus grande discrétion et
les populations concernées qui dépendent
pour leur survie quotidienne de parcelles
qu'elles exploitent souvent depuis très
longtemps, sont mises devant le fait accompli, sans beaucoup d'espoir de recours.
287
ASIE DU SUD-EST
SOCIÉTÉ
Autre domaine dans lequel la sincérité
du gouvernement est remise en cause par
certains de ses partenaires internationaux,
notamment les Américains: la lutte contre
le trafic et l'exploitation des êtres humains.
Si Washington loue régulièrement l'engagement de Phnom Penh dans le combat
contre le terrorisme - six personnes accusées d'avoir fomenté des attentats contre
des ambassades occidentales à Phnom Penh
ont été condamnées fin 2004 à des peines
de prison à perpétuité -, il a rétrogradé le
Royaume dans la catégorie des pays ne répondant pas aux standards minimums dans
la lutte contre l'exploitation sexuelle ou le
travail forcé. À l'origine de cette décision
qui a offusqué le gouvernement, l'attaque
en décembre 2004 d'un refuge de l'Association pour les femmes en situation précaire
(AFESIP) où étaient hébergées des dizaines
de jeunes filles « libérées» par l'ONG d'un
hôtel où elles auraient été contraintes de se
livrer à la prostitution. Selon l'ONG, les
agresseurs, arrêtés par la police au moment
de l'opération contre l'hôtel, avaient été remis en liberté de façon suspecte, ce qui leur
avait permis d'attaquer le refuge. Les résultats de l'enquête diligentée par le gouvernement n'ont pas convaincu Washington,
d'où la rétrogradation de Phnom Penh.
Signe des temps, le Cambodge ne souffre désormais pas seulement de maux de
pays en voie de développement mais aussi
de ceux liés à un accroissement du niveau
de vie et à l'amélioration des infrastructures. Ainsi, le Royaume a le triste privilège
de dénombrer le plus grand nombre d'accidents mortels de la circulation des pays
de l'Association des nations du Sud-Est
asiatique (ASEAN). Les jeunes sont les plus
touchés par ce fléau, plus meurtrier désormais, selon le ministère des Transports,
que le sida dans un pays où pourtant le
taux de prévalence du VIH varie, selon les
sources, entre 2 % et 3 %. Par ailleurs, le
gouvernement, soucieux de défendre la
culture khmère, a décidé de s'attaquer à
un phénomène tout à fait nouveau: la
prolifération des images pornographiques
qui circulent dans le pays sur Internet et
les téléphones portables dernier cri. Les ordinateurs, lorsqu'on est convaincu qu'ils
ont transmis du matériel pornographique,
que ce soit sur des sites, le clavardage ou
les caméras numériques d'ordinateurs, seront bloqués, ont assuré les autorités.
Preuve, s'il en était besoin, qu'au Cambodge, le gouvernement sait mettre de l'ordre dans les affaires qui lui déplaisent.
CULTURE
Le site d'Angkor Wat a été retiré dans
le courant de l'année 2004 de la liste du
patrimoine mondial en danger où il avait
été inscrit 12 ans auparavant par
l'UNESCO. Cette décision a couronné l'action menée depuis dix ans par l'autorité
Apsara chargée de la gestion du site, ainsi
que celle du gouvernement et des pays
donateurs pour préserver le visage de l'ancienne capitale angkorienne. Les excavations illégales, le pillage et les mines
étaient jusque-là considérés comme les
principales menaces planant sur la « Cité
des temples» - un parc de 230 km 2 comptant plus de 100 monuments -, justifiant
son inscription sur cette liste. Quand
l'UNESCO décida de classer Angkor dans
la liste du patrimoine mondial de l'humanité en 1993, il n'existait aucune législation pour la protection du patrimoine, pas
de plan directeur d'aménagement, sévissait un important trafic de biens culturels
et aucun organisme de gestion n'était en
place. Mais le site répondait à une condi288
tion essentielle, celle de son importance
universelle. Angkor avait donc été parallèlement classé sur la liste du patrimoine
mondial et sur celle du patrimoine en danger. Les quatre problèmes ont depuis été
résolus avec le vote de la loi en 1996, la
création de l'autorité Apsara, la lutte contre le trafic qui a connu ses premiers succès en 1997 et la mise sur pied d'un plan
d'aménagement.
L'ancienne capitale, fondée au Ixe siècle par Jayavarman II, abandonnée au milieu du XVIIe siècle face aux attaques
répétées du royaume de Siam et redécouverte au XIxe siècle par l'explorateur français Henri Mouhot, est un parc vivant où
habitent des villageois. L'expansion économique y a attiré de nouvelles personnes. Pour préserver la beauté du site, les
autorités s'attachent à mettre en œuvre un
plan d'occupation des sols afin d'empêcher la construction de nouvelles villas en
béton au pied des temples.
AFI2006
me:::Je
LAOS
Nahed Nadia NOUNEDDINE
Université Laval, [email protected]
POLITIQUE
L
es Hmôngs sont un peuple de montagnards installé dans la jungle laotienne depuis 30 ans, qui ont
combattu les Français en Indochine et les
communistes au Laos et au Vietnam. On
estime cette population à 15 000 personnes. Ce peuple, originaire de Chine (selon
le pouvoir laotien, il est originaire de
Myanmar), a commis une erreur historique : il a soutenu les États-l}nis pendant la
guerre du Vietnam. Les Etats-Unis leur
avaient promis leur protection, quelle que
soit l'issue de la guerre, mais, après le départ des troupes américaines, ce peuple a
été livré à lui-même. 200 familles seulement
ont pu obtenir un visa pour les États-Unis
à ce moment-là. Les autres, 50 000 Hmôngs,
pour échapper aux représailles vietnamiennes et laotiennes, se sont enfouis dans la
jungle où ils ont formé des foyers de résistance . De nos jours, les Hmôngs ne sont
plus que 14000, éparpillés dans la zone
spéciale de Xaysomboun, les provinces de
Xieng Khouang et de Borikhamsay.
Un documentaire de France 2 (chaîne
publique française) a révélé leurs conditions plus que misérables. Après une marche de deux jours dans la jungle du nord
du Laos, les journalistes ont rencontré des
Hmôngs installés dans un village « mobile » . Les Hmôngs sont, par la force des
choses, devenus un peuple nomade qui a
appris à se déplacer rapidement dès qu'il
ya danger. Des milliers de personnes souf-
Femmes Hmôngs
AFI 2006
LAOS
Histoire
1353 Unification des principautés et
seigneuries lao en un royaume.
1637-1694 Apogée du rayonnement
lao dans la péninsule.
1828 Rébellion laotienne contre la
domination siamoise. Vientiane anéantie, et population déportée vers le Siam.
1893-1953 Protectorat français.
1949 Indépendance du Laos en tant
qu'État associé à l'Union française.
1964-1973 Guerre civile entre les
princes Souvana Phouma (neutraliste)
et Souphanouvong (communiste).
1975 Abolition de la monarchie. Proclamation de la République populaire
démocratique lao (RDPL), présidée par
Souphanouvong (jusqu'en 1986).
1991 Adoption d'une Constitution.
1994 (avril) Ouverture du Pont de
l'amitié entre le Laos et la Thaïlande.
1997 Admission du Laos à l'ANSEA
(Association des nations du Sud-Est
asiatique).
frent de malnutrition sévère et sont menacées par la famine. Dans ces conditions,
un enfant sur deux pourra espérer dépasser l'âge de cinq ans. De plus, plusieurs personnes souffrent de blessures atroces dues
aux nombreux affrontements avec les forces armées laotiennes.
Le 4 juin 2005, les Hmôngs décident de
sortir de la clandestinité. 3 000 Hmôngs,
femmes, enfants et vieillards affamés, ont
quitté la jungle de la province de Xieng
Khouang pour se rendre aux autorités laotiennes. Par cette reddition, les Hmôngs
voulaient négocier un accord de paix avec
le gouvernement lao. Mais, les pourparlers
avec le gouvernement laotien n'ont pas
abouti. Personne ne sait ce qu'il est advenu
des Hmôngs qui se sont constitués prisonniers à Mok en 2004. Trois Américains qui
289
ASIE DU SUD-EST
avaient assisté à la reddition des
Hmôngs ont été arrêtés par les
autorités laotiennes et expulsés
en Thaïlande.
Un autre coup dur est porté à
cette communauté le 4 juillet
2005. Ayant fui le Laos pour se
réfugier en Thaïlande, 6 000
Hmôngs installés dans la province de Petchabun en Thaïlande
ont été expulsés par les autorités
de ce pays. Le Laos, pour sa part,
refuse de les accueillir, s'appuyant
sur le fait qu'ils ne possèdent pas
de pièces d'identité, aucun document qui
prouve leur appartenance au Laos.
Le problème hmông semble donc sans
issue. La Thaïlande et le Laos sont inflexi-
bles. La Thaïlande demande
l'expulsion immédiate des
6 000 Hmôngs vers le Laos.
Pour sa part, le gouvernement
lao refuse l'accueil de ces réfugiés, prétextant que la population hmông installée en
Thaïlande n'est pas d'origine
laotienne, mais originaire du
Myanmar. Les autorités laotiennes empêchent les organisations humanitaires d'entrer
en contact avec la communauté vivant dans la jungle,
condamnant ainsi 15 000 personnes à une mort certaine. Officiellement,
le gouvernement lao nie l'existence de
cette population. Plus de 40 000 Hmôngs
seraient morts pendant les dix dernières
années.
ÉCONOMIE
Le 28 octobre 2004 a marqué l'entrée
de la République démocratique populaire
lao dans la ronde des négociations en vue
de son adhésion à l'Organisation mondiale
du commerce (OMC). Portée par
le ministre du Commerce,
Soulivong Daravong, l'opération
devrait, selon l'intéressé, « accélérer le processus de réforme économique entreprise par le
gouvernement lao », et avoir
« des conséquences importantes
pour l'intégration du pays dans
l'économie mondiale. »
qu'« un travail considérable reste à faire »,
le respect des règles de l'OMC nécessitant
généralement « une réforme à la fois de la
législation et de l'infrastructure de mise
en œuvre complémentaire dans
le pays candidat. »
Comme le Vietnam, le Cambodge et le Pakistan, le Laos a
reçu l'aide de l'Organisation des
Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), afin
de lutter contre la pandémie de
grippe aviaire. L'aide d'urgence, offerte par le]apon, dont
Les atouts du Laos reposent
le montant total s'élève à 1,6
sur un secteur des services (télémillion US $, a permis à ces quaSoulivong Daravong
communications et tourisme,
tre pays de circonscrire la grippe
tout particulièrement) ouvert et compéti- aviaire et de faire en sorte d'empêcher la
tif, représentant un quart de l'économie transmission du virus aux humains. Les
nationale. En revanche, soucieuse de se principaux bénéficiaires ont été les petits
conformer aux exigences de l'OMC dans et moyens éleveurs de volailles, ainsi que
des domaines aussi sensibles que la pro- les détaillants et les consommateurs.
priété intellectuelle, l'évaluation en
douane, les mesures sanitaires et phytosaEn 2004, la fréquentation touristique
nitaires, la RDP lao a sollicité l'octroi d'une au Laos s'est accrue de 33 % par rapport à
période de transition et fait appel à une 2003. 800000 touristes ont ainsi visité le
assistance technique.
pays, générant un chiffre d'affaires de plus
de 100 millions US $. Le tourisme s'imAu terme de la réunion du 28 octobre,
pose ainsi comme l'une des principales
le président du groupe de travail, l'ambas- sources de revenus du pays. Désireuse de
sadeur Tim Groser de Nouvelle-Zélande,
maintenir la tendance, l'Administration
s'est déclaré optimiste quant à la bonne nationale du tourisme lao (ANTL) a élamarche du processus, précisant toutefois boré un plan d'action pour promouvoir
290
AFI2006
-
LAOS
jusqu'à l'horizon 2010 un tourisme respectueux de l'environnement et des collectivités locales.
d'une vingtaine de nouvelles activités touristiques et une amélioration significative
des infrastructures.
Afin de développer l'écotourisme,
l'ANTL privilégie les initiatives qui, au plan
socioéconomique, ont un impact positif
sur les collectivités rurales et qui participent de la politique de préservation des
habitats naturels mise au point il y a dix
ans par le programme de création des Parcs
nationaux pour la conservation de la
biodiversité (PNCB).
Venue à point nommé, l'organisation
d'une exposition intitulée « Écotourisme
lao » , qui s'est tenue le 24 juin 2005 a permis aux acteurs locaux de mettre en lumière la variété et la qualité des produits
touristiques et écotouristiques proposés
par l'ANTL.
À plus long terme, un partenariat mis
en place entre l'ANTL et la Banque asiatique de développement dans le cadre du
projet de développement touristique du
Mékong prévoit, dans les quatre provinces de Luang Namtha, Luang Prabang,
Khammouane et Champassak, la création
La dette extérieure de 18 pays du tiersmonde sera effacée. Le total de ces dettes
est de 40 milliards US $ et pourrait atteindre les 57 milliards si les mesures s'élargissent à 20 autres pays dont le Laos. Le
Laos ainsi que ces 19 autres pays devront
répondre aux mêmes exigences que les 18
bénéficiaires à ce jour pour pouvoir bénéficier de l'effacement de la dette.
CULTURE
L'Association française d'action artistique (AFAA) a lancé un programme triennal appelé Circasia. Ce programme vise à
promouvoir le cirque français tout en
créant des échanges avec les pays du SudEst asiatique. Dans ce sens, M. Jean-Marc
Granet-Bouffartigue, de l'AFAA, explique
que « la France est un pays de référence
pour le cirque contemporain aujourd'hui.
L'objectif de ce programme de coopération
est de créer des liens entre le cirque traditionnel asiatique et le cirque contemporain,
et de voir si des échanges sont possibles. »
Dans le cadre de ces échanges, la Compagnie Chant de balles
a pu bénéficier d'un
séjour au Laos. Le programme
Circasia
pourra financer des
bourses de résidence
et des ateliers de création dans plusieurs
pays de l'Asie du SudEst, dont le Laos.
durant tout le mois d'octobre 2005. Cette
exposition, sous le thème du café et ses
enjeux économiques, vient prolonger l'exposition de l'année dernière qui portait sur
le thème du riz.
Une exposition de photographies s'est
tenue au Centre culturel et de coopération
linguistique (CCCL) pendant le mois de
novembre 2005. Le photographe laotien
Hiên Lam Duc présente ses photographies
prises sur le fleuve du Mékong. Le photographe commente son exposition comme
une façon de renouer avec les images de
son enfance. Après
avoir arpenté le
monde pendant plus
de 10 ans, il effectue
son retour aux sources grâce à cette exposition. Dans le
même espace, le
peintre Christophe
Meyer présente ses
œuvres, en collaboraSpectacle de la Compagnie Chant de balles
tion avec le Centre
Pendant l'année
2005, plusieurs événements culturels ont européen d'actions artistiques contemporaines. Parmi les autres expositions de phoeu lieu au Laos et plus précisément dans
la capitale Vientiane. Le Cira d, la Faculté tos présentées cette année dans l'espace du
de Nabong, le Centre de langue et le Mu- CCCL, le photographe Rasi a pu proposer
en avril 2005 une sélection de ses œuvres
sée national présentent une exposition au
Musée national du Laos qui se prolongera réunies sous le titre « Sombre clarté ».
AFI 2006
291
ASIE DU SUD-EST
VIETNAM
Politique: Michel FOURNIÉ
Institut national des langues et civilisations orientales, [email protected]
Économie et culture: Mélanie BÉRUBÉ
Université Laval, [email protected]
POLITIQUE
À J:,aube du XXle siècle, le Vietnam mobilise ses forces de développement
E
voquant le développement de l'Asie,
un rapport annuel mondial indique
qu'en 2005, le Vietnam « retrouve
VIETNAM
Géographie
Façade maritime orientale de la péninsule indochinoise, étirée sur 1 400 km.
Le Vietnam se compose d'une chaîne de
montagnes reliant le delta du fleuve Rouge
(au nord) et celui du Mékong (au sud).
Ressources minières nombreuses.
Histoire
1859 Prise de Saigon. Domination
française.
1930 Fondation par Nguyên Ai Quôc,
devenu plus tard Hô Chi Minh, du Parti
communiste.
1946-1954 Guerre d'Indochine. Défaite française à Diên Biên Phu. Accords
de Genève: partition du pays, au nord et
au sud du 17e parallèle.
1965-1975 Guerre du Vietnam entre
le Nord (communiste) et le Sud (soutenu
par les Américains).
1975 (avril) Libération de Saigon qui
devient Ho Chi Minh-Ville.
1976 Le Vietnam réunifié devient une
république socialiste.
1986 Dôi moi (renouveau économique).
1994 Levée de l'embargo américain
(1964-1994).
1995 Entrée à l'ASEAN (Association
des nations du Sud-Est asiatique). Forte
croissance du pays.
1997 (sept.) Trân Duc Luong élu président; Phan Van Khai premier ministre. vue Sommet de la Francophonie
à Hanoi (nov.).
2000 Signature de l'accord commercial Vietnam-États-Unis.
2000 (nov.) Visite du président américain Bill Clinton au Vietnam.
292
toute son énergie et son inventivité pour
s'insérer dans la compétitivité mondiale » .
Ce dynamisme, lié à la politique du Renouveau (Dôi moi) initiée au début des années
1980 par le secrétaire général du Parti communiste vietnamien d'alors, Nguyên Van
Linh (1914-1998), s'appuie sur une exaltation systématique des grands moments de
la communauté de destin des Kinh (ethnie
viêt composant 84 % de la population). En
2004, ce fut le 50 e anniversaire de l'éclatante victoire de Diên Biên phu et la
pérennisation d'un « esprit diênbiênphu ».
2005 a permis la commémoration d'un
épisode encore plus marquant: les 60 ans
de la proclamation de l'indépendance par
le président Hô Chi Minh (1890-1969) , le
2 septembre 1945,
sur la place Ba dinh,
en plein Hanoi libéré.
Lors de la cérémonie officielle, le président Trân Duc Luong
a magnifié « la grande
résonance de la pensée Hô Chi Minh, la
mission historique du
Parti communiste du
Trân Duc Luang
Vietnam, la tradition
patriotique et l'héroïsme révolutionnaire du
peuple vietnamien, facteurs fondamentaux
et essentiels de la force invincible du peuple vietnamien pendant la nouvelle ère. »
Le président a aussi mis en garde ses concitoyens en soulignant que « l'œuvre d'édification et de défense de la patrie du Vietnam
socialiste devrait jouir dans les prochaines
années des nouveaux avantages et opportunités, mais rencontrer dans le même
temps des difficultés et défis » . Pour dépasser ces difficultés, Trân Duc Luong, ancien
ingénieur des mines né en 1937, a affirmé
que « tous les Vietnamiens, sans discrimination du passé, d'ethnie, de religion, de
couche sociale, réunis dans le bloc de
AFI2006
VIETNAM
grande unité nationale, sont déterminés à
accélérer de manière globale la cause du Renouveau, de l'industrialisation et de la modernisation du pays » en concluant qu'avec
l'aide des 3 millions de Viêt kiêu (Vietnamiens de la diaspora), l'avenir de la nation
vietnamienne était « très radieux ».
Particulièrement fêté à Hanoi, dans le
nord du pays, un autre « haut fait d'armes »
a été célébré en grande pompe à Hô Chi
Minh-Ville, dans le Sud: les 30 ans de la
libération totale du Sud et la réunification
nationale. Exaltant la victoire du 30 avril
1975 qui a constitué l'apogée de la tradition de défense nationale du Vietnam et qui
a été rendue possible par la lutte vaillante
du peuple du Nord et du Sud et surtout par
le travail idéologique du Parti dans la lutte
antiaméricaine, on peut penser que le dessein des organisateurs a été surtout de renforcer la cohésion nationale tant sur le plan
des particularismes régionaux que sur celui
des clivages générationnels. Ces propos
mettent en relief deux aspects de la situation sociétale actuelle du Vietnam: la cohésion nationale et le déséquilibre entre les
générations. Par ailleurs, ils soulignent
d'une part une volonté affirmée d'insuffler
à l'économie un développement en harmonie avec l'internationalisation des échanges, plus spécialement dans les domaines à
forte valeur ajoutée, d'autre part une détermination à s'appuyer sur une prise de conscience de la valeur mobilisatrice d'une
« identité populaire vietnamienne ».
ÉCONOMIE
Le taux de croissance du Vietnam pour
2005-2006 est estimé à 7,6 %, ce qui le
place devant Singapour, la Malaisie et la
Thaïlande. Cependant, le taux d'inflation
(près de 6 %) dépasse les évaluations. Le
taux de pauvreté a certes diminué (il a
baissé de 58 % depuis 1993, atteignant 9 %
en 2004), et les revenus globaux de la population ont augmenté, mais l'écart entre
les populations rurales et urbaines ne cesse
de s'accroître. Par ailleurs, l'indice de développement humain du Vietnam croît
rapidement depuis les dernières années:
le pays est maintenant classé 108 e sur 177.
Le Vietnam prévoit recevoir 5 milliards
US $ en investissements étrangers pour
2005. Ces investissements devraient permettre d'améliorer les infrastructures touristiques, de réaliser un projet d'eau propre
et d'hygiène dans le delta du fleuve Rouge,
d'améliorer l'accès aux technologies de
communication et d'avoir accès à un fonds
d'urgence en cas de catastrophe naturelle.
Après le café et le poivre, le marché du
caoutchouc, dont le Vietnam est le quatrième exportateur mondial, prend de l'expansion. Le pays enregistre la deuxième
plus forte croissance mondiale dans le domaine des télécommunications, avec une
progression de 50 % pour le segment de la
téléphonie mobile en 2004.
La Bourse de Hanoi a été inaugurée en
mars 2005. Deuxième Bourse du pays, elle
propose un système de vente aux enchèAFI 2006
res de parts d'entreprises d'États aux entrepreneurs privés, dans le cadre d'une réforme des entreprises d'État, dont une
grande partie éprouve des problèmes de
gestion. La Bourse de Hanoi se veut complémentaire à celle de Hô Chi Minh-Ville,
et devrait permettre de renforcer le marché de la Bourse vietnamien.
Hô Chi Minh- Ville
Hô Chi Minh-Ville, connue autrefois
sous le nom de Saigon, joue un rôle de
locomotive dans l'économie vietnamienne. La ville, qui célébrait cette année
le 30 e anniversaire de la fin de la guerre
contre les États-Unis, affiche en effet des
performances remarquables. Avec seulement 8,6 % de la population totale du
pays, elle représente 20 % de son PIB, et
40 % de sa production industrielle et de
ses exportations. En 2004, Hô Chi MinhVille enregistrait une croissance de 10 %,
accélérant considérablement le développement du pays.
Tourisme
Le secteur du tourisme est en croissance.
En 2004, 2,9 millions de touristes étrangers se sont rendus au Vietnam, en plus
des 14 millions de touristes vietnamiens.
Avec une augmentation de 27 % depuis
2003, ce secteur représente 3,7 % du PIB,
avec une recette de 1,7 milliard US $. Le
pays adopte plusieurs politiques pour attirer les investisseurs et les visiteurs au pays.
293
ASIE DU SUD-EST
Ainsi, les touristes en provenance du Japon,
de la Corée du Sud ou des pays membres
de l'Association des nations du Sud-Est asiatique (ASEAN) n'auront plus besoin de visa
pour entrer au Vietnam. Le pays lance également une campagne de promotion à travers le monde. Le nombre de vols en
direction du Vietnam a été augmenté, et
des festivals sont organisés tout au long de
l'année afin de valoriser le patrimoine culturel vietnamien tout en attirant touristes
et investisseurs. Enfin, la diversité et la richesse des sites touristiques contribuent à
l'essor de ce secteur.
Société
La grippe aviaire frappe durement le Vietnam: selon l'Organisation mondiale
de la santé (OMS), 47 Vietnamiens en sont décédés depuis le début de l'épidémie
en Asie. Face à la progression du VIH/sida, un projet de loi a été examiné par les
autorités vietnamiennes visant à aider les personnes contaminées. Les questions
d'assurance-maladie, de soin des malades et de couverture sociale, entre autres,
ont été soulevées. Jusqu'en septembre 2005, plus de 100 700 cas de séropositifs et
de sidéens ont été recensés au Vietnam.
Le quatrième Forum de l'emploi francophone s'est tenu le 6 avril, à Hô Chi
Minh-Ville, afin d'aider les étudiants bilingues à connaître les possibilités d'emploi
dans les entreprises françaises en opération au Vietnam. À ce jour, 10 000
Vietnamiens travaillent dans 250 de ces entreprises.
À l'occasion de la Journée de la Francophonie, une série d'activités ont eu lieu à
Hanoi: présentation de films canadiens, de spectacles d'artistes francophones du
monde, séminaire sur le marketing culturel, colloque sur la société de l'information
ainsi que des débats sur la francophonie, la formation et l'emploi ont été organisés.
Une Semaine culturelle se tenait du 2 au 10 octobre pour souligner le 99se
anniversaire de Hanoi: fête populaire autour du lac de l'Épée, présentation d'œuvres
caractéristiques et de séminaires ont eu lieu à cette occasion.
CULTURE
Nguyên Huy Thiêp, nouvelliste et conteur très apprécié du public vietnamien,
vient de publier son tout premier roman, À
nos vingt ans. Celui-ci raconte, à la première
personne, les démêlés d'un jeune Vietnamien avec la drogue. Il s'agit d'une œuvre
presque autobiographique, puisque l'auteur
se met ici dans la peau de son propre fils
pour raconter son expérience. Nguyên Huy
Thiêp a souvent eu maille à partir avec les
autorités pour sa dénonciation
des maux de la société vietnamienne. Ici aussi, il fait un violent réquisitoire contre l'échec
d'un régime qui a conduit toute
une génération à faire face à de
graves problèmes sociaux telles la
drogue, mais aussi la prostitution,
la corruption et l'hypocrisie.
Le cinéma vietnamien connaît
de plus en plus de succès: Kin dàn
ông co bâtu (Les Hommes enceints) a battu
tous les records pendant la Fête du Têt à
Hô Chi Minh-Ville, avec une recette de 6
milliards de dôngs ; Gai nhay (Les Cavalières), un drame sur le sida et la toxicoma294
nie, est resté longtemps en tête des cotes
de succès; Mùa Zen trâu (Le Gardien de buffles), du réalisateur Nguyen Vo Nghiem
Minh, a remporté de nombreux prix cinématographiques à travers le monde. Ce dernier film, qui continue de récolter les
honneurs, se déroule en 1940 sous l'occupation française et raconte le voyage initiatique de Kim, 15 ans, qui doit mener ses
deux buffles, seule richesse de la famille,
loin des terres inondées du Sud.
En traversant son pays, Kim apprend la vie d'adulte.
En février, une troupe du Théâtre de la musique impériale de
Huê a été invitée par l'UNESCO
pour une tournée européenne
pour offrir des œuvres de nha
nhac, la musique rituelle de la
Cour du Vietnam. Cette tournée
a amené les artistes en France,
en Allemagne et en Belgique. À cette occasion, l'UNESCO a remis, lors d'une cérémonie officielle, un certificat du Patrimoine
immatériel et oral de l'humanité à la ville
de Huê.
AFI 2006
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AFI 2006
295
AU-DELÀ DES PAYS FRANCOPHONES
CHINE
Xueying DING
Université des langues étrangères de Pékin, [email protected]
D
epuis une vingtaine d'années, la
Chine connaît un bond économique. À la fin du mois de juin 200S,
la réserve de devises étrangères de Chine
a atteint 711 milliards US $. Ces excellentes performances ont conduit la Banque
populaire de Chine à réévaluer sa monnaie, le yuan (RMB), au taux de change de
8,11 pour 1 dollar américain à partir du
21 juillet 200S. Le perfectionnement du
mécanisme du taux de change de RMB a
pour but de réduire le déséquilibre du commerce extérieur de la Chine, d'accroître les
besoins internes, d'augmenter la combativité des entreprises chinoises sur le plan
international.
Cette vigueur de l'économie chinoise ne
se reflète pas seulement par des chiffres
abstraits; elle se perçoit aussi dans la vie
quotidienne: plus de voitures particuliè-
res. plus de touristes chinois à l'étranger.
On commence à apprendre le français non
seulement pour faire des études en France,
en Belgique ou au Québec, mais aussi pour
y voyager ou, tout simplement, par plaisir.
Le nombre de voyages des Chinois à l'étranger a augmenté rapidement. De plus, la
France a donné son accord à la Chine pour
ouvrir un consulat à Papeete (Polynésie
française), destination touristique de rêve.
La Chine compte 103 millions
d'internautes. Par le truchement d'Internet,
elle s'est ouverte au monde entier.
N'oublions pas que le grand public chinois
a accédé à Internet beaucoup plus tard que
celui des États-Unis, du Canada et de la
France. Or, la Chine a aussi besoin de se
faire mieux connaître par le monde extérieur. La mise en service de différents
médias en langues étrangères y contribuera.
INDE
Romey BORGES
Borges Institute for French and the Francophonie, New Delhi
[email protected]
L
a collaboration entre l'Inde et certainspays francophones progresse.
Les rapports économiques, scientifiques et culturels avec la France sont solides. L'Inde collabore depuis quelques
années avec plusieurs autres pays francophones. Avec le Burkina Faso, le montant
du commerce bilatéral atteint 40 millions
US $. L'Inde et le Maroc ont aussi lancé
une entreprise conjointe à 200 km au sud
de Casablanca, Indo-Maroc phosphore SA.
Le Festival international de la Francophonie a été fêté avec beaucoup d'enthousiasme par les communautés francophones
et francophiles dans plusieurs villes du pays
et surtout à New Delhi. À Delhi, le Festival
s'étendant sur une douzaine de jours (12
au 24 mars 200S) comprenait une soirée de
poésie, une table ronde de jeunes francophones à l'Université]awaharlal Nehru, des
soirées musicales avec la participation de
296
-
représentants de plusieurs pays francophones. Le point culminant du Festival a été le
grand Carnaval francophone qui a eu lieu
le 19 mars dans les nouveaux locaux de l'Alliance française de Delhi. Des kiosques de
toutes les ambassades francophones et non
francophones, comme la Roumanie, étalaient curiosités et mets typiques.
JawaharLal Nehru University a tenu à New
Delhi, en décembre 200S, un séminaire international sur les littératures et cultures
francophones de la diaspora indienne.
Vient d'être lancé en mai 200S à New
Delhi le Borges Institute for French and the
Francophonie. Premier en son genre en
Inde, il se donne pour principal objectif
la promotion des cultures et civilisations
des pays francophones par tous les moyens
possibles, conférences et séminaires, ateliers et enseignement de la langue française, l'une de ses principales activités.
AFJ 2006
AU-DELÀ DES PAYS FRANCOPHONES
JAPON
Nobutaka MIURA
Professeur à l'Université Chûô, administrateur
délégué de la Maison franco-japonaise, [email protected]
« Inapte au calcul, il est normal que le
français soit disqualifié comme langue internationale. » C'est en ces termes que
Shintaro Ishihara, gouverneur de Tokyo,
connu pour ses formules politiquement
incorrectes, aurait attaqué publiquement
la langue de Molière. Il visait expressément
le Département de littérature française de
l'Université municipale de Tokyo, qui s'opposait à son projet de restructuration de cet établissement,
réputé pour sa tradition d'excellence dans les études en humanités .
Depuis le début des années
1990, l'enseignement supérieur
au Japon a connu une série de réformes
en profondeur sous le triple signe de compétitivité, d'efficacité et de rentabilité. Les
effets en sont négatifs pour l'enseignement
des langues. Au Japon comme ailleurs, la
mondialisation rime avec le tout anglais.
L'apprentissage d'une seconde langue n'est
plus obligatoire dans plus de 500 universités japonaises. Les effectifs d'apprenants
du français sont sensiblement réduits
d'après les statistiques des ventes de manuels de français. L'augmentation du nombre de lycées qui offrent l'enseignement
d'une seconde langue (200 sur 5000) ne
compense pas, loin s'en faut, la baisse des
effectifs d'étudiants de français dans le premier cycle universitaire. Mais il faut mettre un bémol à ce constat pessimiste: le
français se défend beaucoup mieux que
l'allemand pour faire face à la concurrence
du chinois et du coréen, et les instituts et
alliances attirent encore beaucoup de Japonais qui prennent plaisir à apprendre
cette langue qui n'est pas directement utile
dans la vie ni pour la carrière.
L'enseignement du français est de moins
en moins populaire depuis dix, voire 15
ans. Dans les années 1980, il était encore
dans sa phase ascendante . L'approche
communicative étant introduite pour
compléter la méthode classique de « grammaire et traduction », la compétence de
AFI2006
communication orale était enfin prise en
considération dans les classes de langue.
Le Congrès mondial de la Fédération internationale des professeurs de français
(FIPF) organisé à Tokyo en 1996 marque
cette prise de conscience et l'ouverture
d'esprit de la part des enseignants de français au Japon. Où en est aujourd'hui la stratégie pour la défense et l'illustration de la
langue française?
Le Japon n 'a pas « bénéficié »
de ces transferts linguistiques et
culturels que la colonisation
française lui aurait apportés.
Pourtant, la France représentait
une des grandes civilisations qui
ont fait l'objet des « études occidentales » ,
moteur de la modernisation duJapon après
son ouverture au milieu du XIxe siècle. Il
est vrai que la France a cédé la place à l'Angleterre dans la bataille d'influence dans
les années devant conduire à la Restauration de Meiji (1868), puisque le Second
Empire soutenait le shôgounat finissant. La
République française n'était pas un bon
modèle à côté du Reich allemand, lorsque
le Japon allait définir sa monarchie éclairée par la Constitution de Meiji (1889).
L'influence des États-Unis a été prépondérante dans la grande réforme du pays au
lendemain de la Seconde Guerre mondiale : elle a été dictée par les quartiers généraux de l'armée d'occupation
américaine. Mais la culture française n'a
cessé d'intéresser les élites intellectuelles,
juristes, écrivains et artistes.
Aujourd'hui, la France n'est plus une
puissance coloniale. Elle a certes brillé,
pendant la période de guerre froide, par
son esprit d'indépendance comme par son
avant-garde philosophique et littéraire.
Longtemps locomotive de la construction
européenne, son poids semble avoir diminué dans l'Europe élargie et dans le monde
globalisé dominé par la superpuissance
américaine. Le français n'est plus une langue dominante ni de domination, mais il
est aujourd'hui une langue de résistance
297
AU-DELÀ DES PAYS FRANCOPHONES
et de « contre-pouvoir » , comme a déclaré
Lionel Jospin en 2000 devant 3000 professeurs de français du monde réunis à Paris.
Dans le contexte japonais, il n'est pas
réaliste d'espérer voir le français devenir
une langue de communication de masse.
Mais il a son rôle à jouer comme langue
d'ouverture au monde, comme langue
d'information et de réflexion critique, et
comme langue de formation intellectuelle
des jeunes bien ciblés. La stratégie pour la
promotion du français dans l'enseignement supérieur au Japon pourrait se résumer en quatre points:
- troisièmement, il faudrait établir un
dialogue intellectuel entre Français etJaponais, un vrai échange dans les deux sens.
Les francisants japonais se contentaient
par le passé d'étudier et d'assimiler les choses françaises de façon toute passive
comme s'ils étaient élèves fidèles aux leçons du maître. Or, nos relations ne sont
plus celles de maître-disciple ou de supérieur-subalterne. Nous sommes tout simplement différents, mais égaux. Vous
apprenez notre langue et nous apprenons
la vôtre. Mais en attendant une vraie réciprocité, nous devons essayer de notre côté
de devenir bilingues et biculturels. Mais il
faudrait une révolution des mentalités en
nous débarrassant de la modestie et de la
réserve traditionnelles. Ce qui fait cruellement défaut dans l'éducation au Japon,
c'est l'entraînement à l'exposé et au débat
public;
- premièrement, il faudrait développer
la filière d'études françaises pluridisciplinaires en privilégiant les sciences humaines et sociales. Les études françaises
au Japon étaient par le passé trop centrées
sur la littérature. Tous les chefs-d'œuvre
de littérature française sont disponibles en
japonais. Mais aujourdhui, le Département
de littérature française ne pourra pas survivre sans se convertir en Département
d'études françaises, tant est grande l'inadéquation entre l'offre et la demande. Le
recruteur d'un professeur de français exige
de plus en plus une double formation combinant la compétence de communication
en français et la capacité d'enseigner une
discipline en sciences humaines et sociales (histoire, sociologie, science politique,
etc.). Il est bon d'apprendre le français par
amour pour la langue, mais il est encore
meilleur de le faire pour étudier en français. L'expérience de la formation en double cursus s'inscrit dans cette perspective;
- quatrièmement, nous nous proposons
d'utiliser le français comme langue
d'intercompréhension entre les peuples
asiatiques. Nous sommes conscients que
ce n'est pas un créneau prometteur, étant
donné la faible présence des francophones
en Asie. Mais nous savons qu'il en existe
dans tous les pays d'Asie. La coopération
régionale dans le domaine économique se
fait le plus souvent en anglais, mais le français gagnerait à devenir une langue de coopération intellectuelle en Asie. C'est un
projet méritoire déjà entamé par le biais
d'un ouvrage comme La Modernité française
dans ['Asie littéraire - Chine, Corée, Japon
(sous la direction de Haruhisa Kato, Presses universitaires de France, 2004).
- deuxièmement, il faudrait développer
les études francophones pour faire découvrir l'étendue et la variété des pays et régions francophones dans le monde. Le
français est nécessaire pour communiquer
avec Français, Belges, Suisses, mais il l'est
aussi pour discuter avec Québécois, Antillais, Africains, Maghrébins, etc. Dans les
études francophones, on ne peut pas éviter d'étudier le passé colonial de la France
et l'histoire de la décolonisation dont la
mémoire constitue souvent la toile de fond
des littératures francophones. C'est une
culture de base indispensable pour vivre
ensemble dans le monde postcolonial
d'aujourd'hui, dans le respect de la diversité des langues et des cultures;
Le Congrès Asie-Pacifique des professeurs de français de Taipei, prévu pour la
fin avril 2006, s'inscrit dans la même perspective. Le projet de création d'une Communauté est-asiatique sur le modèle de la
Communauté européenne s'ébauche. Sauf
que ce n'est pas le rapprochement, mais
la rivalité hostile, qui est à l'œuvre actuellement dans les relations entre Chine, Corée et Japon. Si les rencontres en français
se multiplient dans la région, quoique
dans des milieux restreints, elles contribueront à établir la confiance réciproque
entre les peuples, puisque ceux qui parlent français partagent tous plus ou moins
la culture humaniste et une certaine vision du monde.
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AFI2006
J

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