LE DYNOSAURE MOLDAVIEN : LA TRISTE HISTOIRE DU
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LE DYNOSAURE MOLDAVIEN : LA TRISTE HISTOIRE DU
©Media Online 2002. All rights reserved. LE DYNOSAURE MOLDAVIEN : LA TRISTE HISTOIRE D'UN SERVICE DE RADIODIFFUSION PUBLIC Artur Corghencea L'histoire du service public de la radiotélévision de Moldavie a deux origines. La première histoire remonte à la genèse du jeune Etat de Moldavie, il y a de cela douze ans. Dès le lendemain de la proclamation de son indépendance, le nouveau Parlement avait adopté, avec les autres emblèmes de l'Etat - drapeau, hymne et Constitution - une Loi sur la compagnie de radiodiffusion nationale, appelée TeleradioMoldova. Le premier article de cette Loi stipule : "La compagnie étatique TeleradioMoldova est une institution de radiotélévision publique qui..." La première histoire Dans la fièvre des évènements qui devaient changer la vie de l'ensemble du pays, et du monde en général (1989-90!), les députés moldaves, manquant d'expérience, avaient oublié le petit rien qui fait la différence. Même un laïc sait que les termes 'étatique' et 'public' sont tout à fait distincts et susceptibles parfois de s'exclure l'un et l'autre. Quoi qu'il en soit, la loi a été adoptée et la Radiotélévision d'Etat publique a continué à émettre. C'est à dessein que nous parlons de "continuité", vu qu'il s'agissait en fait de la même Gostelradio de la République socialiste soviétique de Moldavie, mais sous un nouveau nom et sans que rien n'ait vraiment changé. La seule véritable différence était dans le bulletin d'information, où étaient présentées des positions nouvelles, des opinions différentes, tout cela avec un très grand enthousiaste. Malheureusement, la situation a ensuite empiré d'année en année... La deuxième histoire La seconde histoire a commencé cette année. Au mois de janvier, l'un des partis parlementaires de l'opposition - le Parti populaire chrétien-démocrate, a organisé de grandes manifestations contre la langue et la politique d'éducation de la majorité parlementaire. (Je dois rappeler ici que le Parlement moldave compte 101 sièges, dont 71 appartiennent au Parti communiste moldave de gauche, 19 à l'Alliance centriste Social-démocrate et 11 au Parti populaire chrétien-démocrate, de droite. Le Président de la Moldavie est le leader du parti communiste et le premier ministre a lui aussi été désigné par ce même parti. Plus de 30.000 personnes se sont rassemblées tous les jours pendant environ trois mois sur la Place centrale de la capitale, exigeant que l'on mette fin à cette politique. Ces ©Media Online 2002. All rights reserved. trois mois ont représenté pour tous les mass médias de la capitale Chisinau une véritable aubaine, car il y avait une histoire à raconter!. Pour tous les médias - sauf un - la TeleradioMoldava publique et étatique. Pas un seul reportage sur les manifestations n'y a été diffusé, bien qu'il s'agisse de la seule télévision moldave couvrant l'ensemble du territoire du pays, et aussi l'unique station de radio dont le signal peut partout être capté. Deux mois plus tard, au mois de mars, les manifestants ont quitté le centre de Chisinau pour ses environs... devant la télévision nationale. Le jour même, environ deux cent employés de TeleradioMoldova (sur 1.500) ont déclaré une grève générale et ont cessé d'émettre. Ils diffusaient leurs reportages à partir de la rue et c'est ainsi que de nombreux Moldaves ont appris, pour la première fois, qu'il y avait une grève à Chisinau. Le pouvoir a eu l'intelligence de ne pas utiliser la force contre les grévistes, ni dans la rue, ni à l'intérieur de la TeleradioMoldova (TRM). Pourtant, selon la rumeur, telle avait été leur intention, et ce bruit s'est encore renforcé lorsque le Ministère de l'éducation et des affaires intérieures s'est retiré du Gouvernement, au mois de mars. Néanmoins, la tactique utilisée contre les grévistes était beaucoup plus subtile - ceux qui étaient dans la rue ont été abandonnés à eux-mêmes. Un courant opposé s'est alors formé à l'intérieur de la TRM, dénonçant les grévistes de la TV. L'instabilité politique en Moldavie a fini par attirer l'attention des organisations internationales, et plus particulièrement du Conseil de l'Europe. Deux représentants de ce Conseil sont venus en Moldavie pour faire le point de la situation et envoyer un rapport à Strasbourg. Et voici l'une des fins. Le 24 avril, et pour la deuxième fois dans son histoire (après la Fédération de Russie et la Tchétchénie), le Parlement du Conseil de l'Europe (PACE), a examiné le fonctionnement des institutions démocratiques d'un pays-membre de ce Conseil la République de Moldavie - et adopté une résolution contenant quatorze recommandations adressées aux autorités moldaves. L'une des plus importantes se rapportait à la TeleradioMoldova. Ce document enjoignait les autorités moldaves à procéder à la restructuration de cette compagnie de radiotélévision pour la transformer en une véritable compagnie publique, et ce avant le 31 juillet. Loi sur la radiodiffusion publique Quelqu'un aurait pu penser : "o.k., voilà, c'est la fin", mais...ça ne l'était pas. Bien que certains des dirigeants aient déclaré que le PACE avait émis des recommandations et non des sommations, le 26 juillet, à Chisinau, le Parlement a adopté une LOI SUR LA RADIODIFFUSION PUBLIQUE. L'un des premiers articles de cette Loi stipule :: "TéléradioMoldova est non lucrative, son fonctionnement est autonome et elle mène une politique rédactionnelle indépendante (...). Elle est tenue de respecter le droit des citoyens à ©Media Online 2002. All rights reserved. l'information, en présentant de manière impartiale et objective la vie sociale et politique intérieure et extérieure grâce à la libre expression des idées et opinions et la libre circulation de l'information". Après sa restructuration, la Compagnie devrait être gérée par un Conseil d'Observateurs chargé de nommer le Conseil d'administration et le Directeur général de la Compagnie. Tout cela semble parfait, mais la suite ne l'est pas. Aux termes de la loi, le Conseil des observateurs est composé de quinze membres, nommés à la proportionnelle par le Président, le Parlement et le Gouvernement. La "nouvelle" compagnie est toujours financée par le budget de l'Etat, adopté, de toute évidence, par les organes législatifs et exécutifs. Et si les pouvoirs disposent de deux armes importantes leur permettant d'influer sur l'activité du Service de la radiodiffusion publique - administrative et financière - comment en garantir "le fonctionnement 'autonome et la politique rédactionnelle indépendante" ? Il s'agirait en fait de la même Compagnie étatique publique, avec une différente structure administrative. Quant aux obligations de la TV et de la radio dictées par la Loi, il serait très difficile de prouver devant la Cour que la RTV moldave a diffusé hier, ou il y a deux semaines, ou même diffuse tous les jours - des informations partiales et tendancieuses. Cela reviendrait à accuser un journaliste de n'avoir pas respecté l'éthique du journalisme. Le fait que ces deux obligations aient été inclues à la loi soulignent la tendance des autorités à essayer de conserver leur contrôle sur l'unique média couvrant l'ensemble du territoire du pays. Car l'obligation de présenter une information claire, impartiale et objective fait généralement partie de la réglementation intérieure de toute radiotélévision publique (par exemple, le Manuel des producteurs à la BBC ). Sans doute le Secrétaire général du Conseil de l'Europe Walter Schimmer et les leaders de l'opposition moldavienne se sont posé la même question lorsqu'ils ont envoyé, il y a de cela deux mois une lettre au président de la Moldavie. Dans sa lettre, Walter Schwimmer suggérait aux autorités de Chisinau d'amender la Loi sur la RTV publique, afin d'inclure la société civile à la gestion de la nouvelle TeleradioMoldova. L'idée étant que si la compagnie devenait publique, elle devait être contrôlée par le public. On n'a pas répondu à cette lettre et il n'y a eu aucune déclaration officielle. Jusqu'au 26 septembre, lorsque l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a étudié la mise en œuvre, par les pouvoirs moldaves, de la résolution du 24 avril. Les députés européens ont adopté une nouvelle résolution, recommandant de nouveau aux autorités moldaves d'accorder plus d'attention au processus de restructuration de TeleradioMoldova et demandant à ce qu'il soit terminé avant le mois de décembre 2002. A Chisinau, les dirigeants ont répondu que ce serait chose faite. ©Media Online 2002. All rights reserved. Pourtant, rien n'a bougé jusqu'à présent. Il reste moins d'un mois et il n'y a eu aucune proposition ou nouvelle initiative législative de la part du Parlement. Certaines propositions ont été faites par la société civile, surtout par des ONG de journalistes - l'Union des journalistes de Moldavie, l'Association de la presse indépendante, etc.. D'une manière générale, ces projets proposent d'utiliser le modèle de financement de la RTV publique de la Grande-Bretagne - à savoir que tout propriétaire d'un téléviseur devra verser une petite somme mensuelle destinée à la RTV publique. Les employés de TéléradioMoldova éliraient la direction de la Compagnie, et il pourrait aussi y avoir, au sein de l'organe exécutif suprême, un ou deux représentants nommés par les pouvoirs. Les journalistes ont déclaré que ce sont là des standards généralement respectés par les organismes des radiodiffusions publiques du monde entier, qui devraient être adoptés par le Parlement, s'il désire vraiment créer une radiodiffusion publique en Moldavie. Néanmoins, il y a là un mais. C'est un fait connu que les pouvoirs essayent toujours de contrôler les mass médias les plus influents de la société, ce qui se voit malheureusement confirmé dans le cas de la Moldavie. Et les seuls à en souffrir sont les Moldaviens (un million environ), qui une fois rentrés chez eux après le travail, n'ont qu'une idée - enlever leurs chaussures et s'effondrer devant leurs téléviseurs. Artur Corghencea, diplômé de journalisme et communication, reporter à Pro TV Chisinau. Traduction: N. D. © Media Online 2002. All rights reserved.