Traumatisme nasal - Hôpital universitaire Robert

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Traumatisme nasal - Hôpital universitaire Robert
Médecine
& enfance
Traumatisme nasal
ORL - IMAGERIE
M. François, service ORL,
hôpital Robert-Debré, Paris
M. Elmaleh, service d’imagerie médicale,
hôpital Robert-Debré, Paris
Cet article initie une nouvelle rubrique, rédigée conjointement par un otorhinolaryngologiste et un radiologue (ou faut-il dire imageur ?), visant à optimiser
les examens et plus particulièrement les examens d’imagerie devant des pathologies ORL qui peuvent poser des problèmes tant de diagnostic que de prise en charge. Les familles sont de plus en plus demandeuses d’examens complémentaires, mais tous ne sont pas utiles, et certains pourraient même être
délétères, en brouillant le tableau ou en irradiant indûment des organes sensibles comme le cristallin, sans parler du surcoût, bien souvent supporté par la
communauté.
près un traumatisme nasal,
deux complications sont à rechercher : l’une est une urgence, c’est l’hématome de la cloison nasale ; l’autre n’est qu’une urgence relative,
c’est la fracture déplacée des os propres
du nez. Mais il ne faut pas oublier de
s’enquérir des circonstances du traumatisme, et en particulier essayer de savoir
s’il y a eu ou non perte de connaissance,
ce qui impliquerait un examen plus
complet, que nous ne détaillerons pas
ici. Il faut aussi vérifier qu’il n’y a pas eu
de lésion maxillaire ou dentaire, qui justifierait des explorations et une prise en
charge spécifiques.
A
L’HÉMATOME
DE LA CLOISON NASALE
rubrique dirigée par M. François
Il s’agit d’une collection de sang entre le
périoste et le cartilage septal. Cette pathologie est très trompeuse, car, d’une
part, l’hématome peut survenir après un
traumatisme mineur et, d’autre part, il
peut être retardé de quelques jours par
rapport au traumatisme [1]. La douleur
est inconstante, absente chez plus de la
moitié des enfants. Il n’y a pas de fièvre.
Le symptôme majeur est l’obstruction
nasale (95 % des patients) [2].
Le diagnostic d’hématome de la cloison
nasale est clinique : en soulevant la
pointe du nez, on voit directement
l’épaississement rouge foncé ou violacé
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de la cloison nasale (figure 1). La palpation douce, avec un porte-coton ou un
stylet, montre que cette tuméfaction est
fluctuante.
L’imagerie (figure 2) a un intérêt didactique ; elle permet d’expliquer à des étudiants le siège d’un hématome de cloison et le principe du traitement. Les enseignants se servent pour cela d’images
scannographiques réalisées dans le
cadre de la recherche de lésions associées suspectées sur la clinique.
Mais l’imagerie est inutile pour l’enfant : elle est inutile pour le diagnostic,
qui est clinique, et pour le traitement,
car que l’hématome fasse 2 ou 5 cm3
importe peu : dans les deux cas, il faut
le drainer, et la technique est indépendante de son volume.
Le traitement a pour but d’éviter l’abcédation de l’hématome. Cette surinfection survient au bout de quelques
heures ou jours. Elle se manifeste en général, mais pas toujours, par de la fièvre
et une douleur [3, 4]. Au final, c’est la
ponction sous anesthésie qui, sur l’aspect macroscopique du liquide recueilli,
différenciera un hématome d’un abcès.
L’évolution d’un abcès peut se faire vers
la nécrose du cartilage septal, avec des
conséquences esthétiques à moyen et
long terme très difficiles à corriger.
Le traitement d’un hématome ou d’un
abcès de la cloison nasale est une urgence. Le drainage de la collection se
fait sous anesthésie générale. Il faut
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& enfance
Figure 1
Hématome de la cloison nasale
Figure 3
Fracture déplacée des os propres du nez
A : déviation de l’arête nasale avec ecchymose
paralatéronasale droite : fracture récente et
déplacée des os propres du nez.
B : déviation de l’arête nasale, mais est-ce ancien
ou récent ?
A
Figure 4
Radiographie de profil des os propres
du nez
B
Figure 2
Examen tomodensitométrique en coupe
coronale montrant un hématome de la
cloison nasale
donc attendre que l’enfant soit à jeun.
Après évacuation de la collection, pour
éviter que celle-ci ne se reproduise, il
faut comprimer la cloison nasale par un
méchage antérieur bilatéral laissé en
place deux ou trois jours, et mettre l’enfant sous antibiotiques couvrant le staphylocoque doré pendant une huitaine
de jours.
LA FRACTURE DÉPLACÉE
DES OS PROPRES DU NEZ
Les seules fractures des os propres du
nez qui justifient un traitement particulier sont les fractures avec déplacement.
Le déplacement se juge cliniquement en
observant le nez de face : y a-t-il élargissement de la base du nez, déviation latérale de l’arête nasale, enfoncement
Références
[1] DUBACH P., AEBI C., CAVERSACCIO M. : « Late-onset posttraumatic septal hematoma and abscess formation in a six-year
old Tamil girl, case report and literature review », Rhinology,
2008 ; 46 : 342-4.
[2] CANTY P.A., BERKOWITZ R.G. : « Hematoma and abscess of
the nasal septum », Arch. Otolaryngol. Head Neck Surg., 1996 ;
122 : 1373-6.
[3] DISPENZA C., SARANITI C., DISPENZA F., CARAMANNA C.,
SALZANO F.A. : « Management of nasal septal abscess in child-
d’un os propre ? et de profil : y a-t-il modification du profil ? Autrement dit, il
faut pouvoir comparer le nez tel qu’il
est au moment de l’examen et tel qu’il
était avant le traumatisme. Le praticien
tient compte de ce que disent les parents, mais ils n’ont pas toujours observé que le nez de leur enfant n’était pas
tout à fait symétrique, et l’idéal est de
disposer de photographies antérieures.
En effet, autant dans le cas présenté figure 3a la présence d’un hématome est
en faveur d’un déplacement récent des
os propres du nez, autant dans celui
présenté figure 3b il est bien difficile
d’affirmer que la déviation de l’arête nasale fait suite au traumatisme et n’existait pas auparavant.
En dehors de leur intérêt médico-légal
éventuel (traumatisme survenu à l’école
par exemple), les radiographies standards des os propres du nez (figure 4) ne
sont pas toujours d’une grande aide. Il y
a une faible corrélation entre les résultats radiologiques et la présence d’une
déformation externe [5].
Le traitement d’une fracture déplacée
des os propres du nez peut se concevoir
de deux façons différentes : réduction
dans les jours suivant le traumatisme ou
intervention chirurgicale à distance [6].
La réduction d’une fracture déplacée
des os propres du nez se fait sous anesthésie générale. Ce n’est pas une urgence : la réduction est possible pendant
dix à quinze jours après le traumatisme.
Il est préférable d’attendre quelques
jours que l’œdème périnasal se soit résorbé pour mieux apprécier les contours
du nez et plus particulièrement la rectitude et la position bien médiane de
l’arête nasale. Le nez est ensuite protégé pendant une dizaine de jours par une
attelle plâtrée ou métallique pour éviter
un déplacement. Les résultats d’une telle réduction ne sont pas toujours parfaits, et les patients et leur famille doivent en être avertis (voir la fiche d’information pour les patients disponible
sur le site de la Société Française d’ORL,
http://www.orlfrance.org) [7]. A distance du traumatisme, une déviation de la
pyramide nasale peut justifier une rhinoseptoplastie. Cette intervention ne se
fait qu’après la fin de la croissance de la
pyramide nasale, après bilan clinique et
radiologique comportant au mieux un
examen tomodensitométrique, voire
une imagerie par faisceau conique « cone beam », moins irradiante [8-10].
첸
hood : our experience », Int. J. Pediatr. Otorhinolaryngol., 2004 ;
68 : 1417-21.
[4] MENGER D.J., TABINK I., NOIST TRENITÉ G.J. : « Treatment
of septal hematomas and abscesses in children », Facial Plast.
Surg., 2007 ; 23 : 239-43.
[5] SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE RADIOLOGIE ET SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE BIOPHYSIQUE ET DE MÉDECINE NUCLÉAIRE : « Guide du bon usage des examens d’imagerie médicale 2005 »,
http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_468917/guide-du-bonusage-des-examens-d-imagerie-medicale.
[6] ONDICK M., LIPINSKI L., DEZFOLI S., FEDOK F. : « The treatment of nasal fractures, a changing paradigm », Arch. Facial
Plast. Surg., 2009 ; 11 : 296-302.
[7] LOVE R.L. : « Nasal fractures : patient satisfaction following
closed reduction », N. Z. Med. J., 2010 ; 123 : 45-8.
[8] HWANG K., YOU S.H., KIM S.G., LEE S.I. : « Analysis of nasal
bone fractures ; a six-year study of 503 patients », Craniofac.
Surg., 2006 ; 17 : 261-4.
[9] KIM B.H., SEO H.S., KIM A.Y. et al. : « The diagnostic value of
the sagittal multiplanar reconstruction CT images for nasal bone
fractures », Clin. Radiol., 2010 ; 65 : 308-14.
[10] HODEZ C., GRIFFATON-TAILLANDIER C., BENSIMON J.L. :
« Imagerie par faisceau conique ‘cone beam’, applications en
ORL », Ann. Fr. Oto-rhino-laryngol., 2011 ; 128 : 77-91.
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