Production pharma€: L`offensive des façonniers
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Production pharma€: L`offensive des façonniers
Production pharma L’offensive des façonniers Plusieurs big pharma veulent se désengager de la production. Le marché de la sous-traitance s’envole. Les pressions sur les prix et sur la rentabilité augmentent aussi. Les leaders peaufinent leur stratégie. En attendant l’inévitable consolidation. «L e modèle va aujourd’hui à la sous-traitance ». Pour Sébastien Aguettant, directeur général de Delpharm et président du Syndicat professionnel des industriels sous-traitants de santé (SPIS), il n’y a aucun doute. La montée des génériques, la pression sur les prix ou encore la moindre productivité de la re- cherche conduisent les laboratoires à se recentrer sur des domaines clés, aux premiers rangs desquels figurent la R&D et le marketing. La production, jugée moins stratégique, est de plus en plus externalisée. Les fusions acquisitions renforcent cette tendance, en entraînant des cessions de sites de production. Les big pharma vendent En 2007, selon Précepta1, avec 59 sites de production, le chiffre d’affaires de la sous-traitance pharmaceutique française s’est élevé à environ 1,2 milliard d’euros. Sur les 10 dernières années, l’activité affiche une croissance soutenue, liée au dynamisme du marché du médicament qui enregistre une progression annuelle moyenne de 4 à 7 % en France. Avec, il est vrai, un ralentissement sur la période 2003-2006 par rapport à 1999-2002, du fait des politiques menées pour réduire les dépenses de santé. La sous-traitance a suivi la même tendance, avec une croissance annuelle organique de 3,5 % sur la période 2003-2006, contre 8,6 % sur 1996-2002. Si la production des produits matures 50 PHARMACEUTIQUES - FÉVRIER 2008 assure pour partie la croissance du chiffre d’affaires des sous-traitants, la forte progression des génériques, depuis la fin des années 1990, a également contribué à leur essor, de même que l’entrée dans le champ du façonnage de 22 unités de production issues de l’industrie entre 1996 et 2007 (dont cinq entre début 2006 et mi 2007), qui a entraîné une envolée du chiffre d’affaires total de la sous-traitance. Car, si certains groupes décident encore, comme Sanofi-Aventis, de conserver de nombreux sites de production (75 au total) ou de poursuivre leurs investissements en France, comme Ipsen à Dreux, Pierre Fabre à Castres, GlaxoSmithKline dans le Nord, Eli Lilly à Fegersheim ou encore MSD en Auvergne, face à eux, les cas de désengagement sont légions. Pfizer souhaiterait ainsi externaliser une partie de sa production, majoritairement en Asie ; en France, le groupe a vendu ses usines de Val-de-Reuil et Angers à Fareva en 2005. AstraZeneca a fait savoir qu’il souhaitait se désengager de la fabrication n’offrant pas d’avantages compétitifs et a cédé son site de Monts à Recip Pharma en 2007. Bristol-Myers Squibb prévoit de se séparer d’une partie de ses usines dans le cadre d’un vaste plan Partenaires Industrie Croissance « organique » des façonniers selon leur spécialité galénique et la période (+ K:8D!(00-$)'') K:8D\e[lZ_`]]i\[X]]X`i\j () SOURCE : PRÉCEPTA K:8D)''*$)''- ()#. ((#' (' /#' / /#- -#, ,#/ - *#- + +#) *#, )#' ) ' =fid\jc`hl`[\j =fid\jj Z_\j =fid\jd`ok\jc`hl`[\j&j Z_\j KfkXc=Xfee`\ij @e[ljki`\G_XidX !KXlo[\Zif`jjXeZ\Xeel\cdfp\e de restructuration annoncé fin 2007. Abbott a cédé son site de Saint-Rémy-sur-Avre à Famar en 2007, GSK vient de céder son usine d’Hérouville à Fareva, Solvay cherche à vendre son site dijonnais et Boehringer Ingelheim son usine de Reims. Sanofi pourrait être amené d’ici peu à céder certains sites. Le phénomène est en marche et la sous-traitance semble avoir de beaux jours devant elle. premières usines historiques et qui applique cette stratégie sur son quatrième site. Atteindre la taille critique Dans ce contexte, et en attendant la phase de consolidation qui ne manquera pas de venir, les sous-traitants adoptent des stratégies de développement diverses : pour certains, comme Delpharm, Fareva, Famar ou encore NextPharma, le salut passe par la Le revers de la médaille taille critique et l’acquisition d’usines. Même si, comme le rappelle Sébastien Sébastien Aguettant (Delpharm) le Aguettant, sa capacité d’absorption confirme : « Nos quatre usines tourn’est pas infinie. En outre, nent bien et nous souhaitons toute médaille a son recontinuer à nous dévers : l’externalisation ployer ». De nouveaux de ses usines par l’inrachats pourraient dustrie pharmaceuêtre annoncés en tique entraîne des 2008. NextPharma, De nouveaux surcapacités de proson côté, a acquis rachats en 2008 de duction, une forte six sites depuis 2000, compétition tant sur en France, en Alleles prix que sur l’offre magne, en Belgique et de services et une baisse aux Etats-Unis. Même de la rentabilité des sousstratégie chez Fareva, qui traitants, qui ont vu leur marge s’est développé via des acquiéconomique nette passer de 10 % en sitions et qui, selon Bernard Fraisse, 2001 à 6 % en 2005. De plus, il existe cherche désormais à croître sur le plan un risque important pour le façonnier international, notamment en Allemarepreneur de devenir trop dépendant gne, où la société a acquis fin 2007 de son nouveau client. Pour Bernard une unité de sous-traitance indépenFraisse, président de Fareva, un sous- dante de Pfizer, riche d’un portefeuille traitant doit élargir sa clientèle pour re- de 100 clients, et éventuellement aux constituer le même volume en l’espace Etats-Unis. Et puis pourquoi pas l’Inde cinq à sept ans maximum. Même de, à plus long terme où Nextpharma analyse chez Delpharm, qui n’est plus vient de nouer une JV avec l’Indien dépendant des cédants sur ses trois Centaur (formes solides). La croissan- ce externe permet en effet de réaliser des économies d’échelle et d’être compétitifs sur les prix, grâce à des coûts resserrés. Parallèlement, la plupart des sous-traitants investissent pour élargir leurs domaines de spécialisation : l’approche « multi-spécialistes », qui nécessite un volume suffisant de clients, est ainsi privilégiée par nombre d’entre eux. C’est le cas de Delpharm, dont l’objectif est d’avoir un grand nombre de sites spécialisés, permettant à la fois de répondre à l’ensemble des demandes des clients – qui ne veulent plus multiplier les fournisseurs – et d’acquérir un savoir-faire indéniable sur ses domaines de spécialisation. La stratégie semble payante puisque les ventes de la société ont progressé de l’ordre de 7 % en 2007, à environ 100 millions d’euros. Fareva a, de son côté, également mis l’accent sur la diversification des formes galéniques, afin de proposer une offre élargie à ses clients. L’acquisition récente du site allemand de Pfizer, spécialisé notamment dans les cytotoxiques sous forme sèche, s’inscrit dans cette dynamique. En outre, une forte expertise technologique permet d’éloigner le spectre de la concurrence indienne et de réduire les coûts de fabrication. Selon Bernard Fraisse, Fareva propose à présent une offre très large et cherche désormais à se développer dans les formes injectables cytotoxiques. A l’opposé de ces « multi-spécialistes », certains façonniers (Catalent, Unither…) cherchent plutôt à acquérir un savoir-faire spé- >>> 51 FÉVRIER 2008 - PHARMACEUTIQUES >>> cifique, concernant une niche précise Les viviers du façonnage rapport à 2006. Et puis, il existe des Actuellement, la plupart des façonniers relais de croissance potentiels, à plus ou trouvent de l’activité sur le marché, moins brève échéance : le passage dans Élargir l’offre de services même si, comme le précise Sébastien le champ de la sous-traitance des proEnfin, les façonniers sont de plus en Aguettant, il n’y a pas de sur-demande ductions stratégiques, comme les granplus nombreux à jouer la carte du servi- en volume, mais plutôt une demande des séries ou les produits de biotechnoce, en amont et en aval de la prestation continue, émanant des génériqueurs logie, reste un vivier possible, même si, liée à la seule formulation galénique : et des laboratoires traditionnels sur concernant ces derniers, les façonniers un support à la recherche clinique ou les produits matures. Selon Précepta, adoptent plutôt une attitude de veille, au dépôt de dossier auprès de l’agence au cours des cinq prochaines du fait de volumes encore resdu médicament peut ainsi être proposé années, le marché devrait treints liés notamment à au client. Fareva souhaite par exemple rester dynamique en vola volonté des groupes accompagner les labos dans l’exper- lume, du fait de l’enbiotech de préserver tise de pilotes et le développement de trée probable dans la leur savoir-faire. Pas de nouveaux produits chimiques. Même sphère du façonnage Face à cette analyraisonnement chez NextPharma, qui d’une petite dizaine se de marché plutôt sur-demande propose des services allant de la formu- d’usines entre 2007 optimiste, Druon en volume lation à la distribution : selon Frédéric et 2012. Un avis Note, président de Kahn, son vice-président exécutif mar- partagé par Bernard Laphal Industries est keting et ventes, le but est de devenir Fraisse, qui estime qu’il plus nuancé. Pour celui « un partenaire majeur dans le domaine devrait y avoir des mouvequi préside aussi le Leem des services stratégiques pour l’industrie ments pendant encore quatre Industrie, si la France reste la pharmaceutique et biotechnologique ». à cinq ans sur le secteur. 1ère plateforme de production pharmaIl s’agit dès lors d’offrir un service inParallèlement, la croissance organi- ceutique [Ndlr : elle serait passée à la tégré et d’être un « low-cost » sur les que devrait être au rendez-vous : esti- 2ème place depuis peu], elle est talonnée technologies conventionnelles, tout en mée à 4,5 % sur la période 2008-2012 par l’Allemagne qui mène une véritable étant doté d’une expertise forte dans par Précepta, elle devrait bénéficier de politique industrielle, contrairement à les formes stériles et lyophilisées. Selon la progression des produits d’automédi- l’Hexagone. Et la situation ne devrait lui, dans cinq ans, les indiens seront à cation (qui vont passer devant le comp- pas s’améliorer, la production de promême de proposer une offre de qualité toir de l’officine en 2008 en France) et duits biopharmaceutiques s’effectuant acceptable, avec un différentiel de 5 % de la poursuite de la montée en puis- largement hors de France et la visibilité sur les coûts. D’où la nécessité de pren- sance des génériques. A titre d’exemple, sur la pharmacie traditionnelle étant dre dès à présent la mesure de ce défi ceux-ci représentent environ 27 % de insuffisante. En outre, les récents dépour rester compétitifs. l’activité de Delpharm, en hausse par remboursements pourraient freiner la croissance, à l’image de 2006, année au cours de laquelle certaines unités de Laphal avaient subi de fortes baisses de Positionnement des leaders du façonnage en France volume. Il est vrai que les ventes d’un Offre (nombre de sites produit peuvent chuter de 70 % après de production en France) déremboursement… Autre facteur négatif pour la sous-traitance : la tendanGroupe ou société Nombre de salariés CA 2006 pro forma employés dans le Liquide Sec Mixte TOTAL France «façonnage» en ce sur longue période au ralentissement façonnage en France millions d’euros de la croissance du marché pharmaceutique. Variable à relativiser à court Fareva Holding 1089 5 1 1 7 175* terme car, selon le Leem, la croissance Catalent Pharma du marché des médicaments rembour566 1 2 3 133 Solutions*** sables (ville et hôpital) en France deFamar Healthcare vrait être d’environ 4,5 % en 2007, en 884 1 3 4 103** Services valeur (relativement stable en volume), et n’enregistrer qu’une légère décéléraDelpharm 872 1 3 4 100* tion en 2008. Une année qui devrait Unither Pharmaceuticals 438 3 1 4 70** permettre de tracer de nouveaux horiSynerLAB 541 1 1 2 67 zons à la branche. n SOURCE : PRÉCEPTA (unidoses, seringues préremplies…). Laboratoires Chemineau 240 Patheon 221 Roche-Cenexi 143 Laphal Industries 150 1 1 1 1 39 1 1 33 1 1 29 2 29** (*) CA 2007 estimé, (**) CA 2005, (***) Nom donné à la division Pharmaceutical Technologies & Services (PTS) de Cardinal Health cédé au fond d’investissement Blackstone en avril 2007. 52 PHARMACEUTIQUES - FÉVRIER 2008 Valérie Moulle (1) « Le façonnage pharmaceutique : Quelle logique de la performance à horizon 2012 ? », juillet 2007. Précepta, du groupe Xerfi. Partenaires Industrie Sébastien Aguettant (SPIS) « promouvoir un label européen » Sebastien Aguettant, président du SPIS, souhaite obtenir la création d’un label européen pour étiqueter les productions pharmaceutiques. Le président du SPIS1 souligne le poids croissant des sous-traitants dans la production pharmaceutique. Il propose aussi de labelliser les productions pharmaceutiques réalisées en Europe par un « made in EU ». ● La France est (encore) la première plateforme européenne de production pharma. Quelle est la place des façonniers dans cette dernière ? Pourquoi une association ? Le SPIS rassemble tous les acteurs importants de la sous-traitance en France. Nous avons pris contact avec l’AFSSAPS, afin de faire entendre la voix de la sous-traitance en cas de changements réglementaires. L’affaire de la directive Bolar montre que nous sommes arrivés trop tard et qu’il faut anticiper ce type de changements. Nous travaillons donc pour les évolutions réglementaires internes et à venir. Nous avons également de bons contacts et réunions régulières avec le Leem. Le monde de la sous-traitance commence donc à être bien reconnu. Enfin, en termes de recrutement, il faut noter que les cadres de valeur des laboratoires viennent chez les sous-traitants. ● Est-ce à relier avec les récentes restructurations pharmaceutiques ? On ne vend pas 25 ou 30 usines en cinq ans, avec ce que l’on peut pressentir dans un proche avenir pour certains groupes pharmaceutiques, sans que des salariés anticipent, nous contactent, répondent aux chasseurs de tête. Il y a vraiment une inversion de tendance. ● Quel autre objectif poursuit le SPIS ? Un objectif, non encore explicite, serait d’arriver à promouvoir un label européen. Aujourd’hui nous n’avons pas vraiment mis en avant ce dernier. J’aimerais que figure sur les boîtes de médicaments « Made in EU », à défaut de « in France ». Car nos concurrents sont surtout hors d’Europe, au-delà de l’Europe de l’Est qui n’a récupéré que peu d’activité de sous-traitance pharma. Je pense qu’il y a un vrai intérêt à marquer « fabriqué en Europe ». Ce serait une très bonne chose en termes de communication et qui pourrait aussi confirmer que produire en Europe est un gage de qualité. ● Comment votre organisation se situe-elle dans le débat sur l’attractivité du territoire qui va être au cœur du futur Conseil stratégique des industries de santé ? Nous avons un tissu professionnel qui est un des plus riches d’Europe. Nous avons un siècle d’historique et de savoir faire dans la production de médicaments. Depuis un siècle, la France est exporta- trice de médicaments. Nous avons donc le bon terreau pour fabriquer les produits pharmaceutiques. Nous avons surtout les compétences et une réelle expertise dans ce savoir-faire, avec tout ce qui va autour. Nous avons commencé avant les autres et nous avons continué à investir. Forcément nous sommes toujours devant ! ● Comment se situent les membres du SPIS dans le benchmarking européen des big pharma ? Prenez-vous la menace indienne au sérieux ? Avec nos voisins allemands, nous nous situons en bonne position. Il faut consolider l’économie de production, comme le font les Allemands. Une société prospère a besoin d’un secteur secondaire fort ! Quant à la question de la concurrence indienne, je ne pense pas que nous sommes dans une zone de libre circulation où tout sera produit en Asie. Je ne crois pas qu’il y ait de risque à court terme, à horizon de deux à cinq ans. n Jean-Jacques Cristofari (1) Syndicat professionnel des industriels sous-traitants de la santé, qui rassemble 30 opérateurs, cf. www.spis.fr. 53 FÉVRIER 2008 - PHARMACEUTIQUES