Immunoglobuline monoclonale et myélome. Devenir et suivi des
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Immunoglobuline monoclonale et myélome. Devenir et suivi des
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Revue du Rhumatisme 75 (2008) 358–361 Immunoglobuline monoclonale et myélome. Devenir et suivi des immunoglobulines monoclonales, nouveaux aspects diagnostiques et thérapeutiques du myélome Monoclonal gammopathy. New tools and new drugs for diagnosis and treatment in myeloma Maud Janvier Service d’hématologie, centre René-Huguenin, 35, rue Dailly, 92210 Saint-Cloud, France Accepté le 19 janvier 2008 Disponible sur Internet le 28 mars 2008 Mots clés : MGUS ; Myélome ; Thalidomide ; Borthézomib ; Lenalonomide Keywords: MGUS; Multiple myeloma; Thalidomide; Borthezomib; Lenalonomide Introduction La découverte d’une immunoglobuline (Ig) monoclonale (Mc) est une situation fréquente au-delà de 60 ans ; elle est souvent fortuite. Se pose alors la question des modalités de la surveillance de cette IgMc d’une part, et de son potentiel évolutif, d’autre part, en particulier vers un myélome. La prévalence des IgMc monoclonales croît en fonction de l’âge, passant de 1 % à 50 ans à 3 % au delà de 70 ans, puis 10 % au delà de 80 ans. Certains éléments vont pouvoir orienter vers le diagnostic de gammapathie monoclonale bénigne ou monoclonal gammapathy of undetermined significance (MGUS). 1. Critères diagnostiques des myélomes et des MGUS 1.1. Découverte d’un pic monoclonal La découverte d’un pic sur l’électrophorèse des protéines doit conduire à la réalisation d’explorations biochimique, hématologique et radiologique. 1.1.1. Exploration biochimique L’électrophorèse des protéines sériques permet de mettre en évidence un pic et surtout de le quantifier. L’immunofixation Adresse e-mail : [email protected]. 1169-8330/$ – see front matter © 2008 Publié par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.rhum.2008.01.006 sérique est l’examen de choix pour caractériser le type de l’Ig en cause, par ordre de fréquence décroissant : IgG dans 60 % à 70 % des cas, IgA dans 25 % des cas, chaînes légères dans 15 % ou IgD, voire exceptionnellement à IgM ou IgE. Les chaînes légères impliquées sont kappa, deux fois plus souvent que lambda. Le dosage des Ig apporte surtout une information pronostique, puisque son taux est pris en compte dans la définition des stades de Durie et Salmon. Les examens urinaires, malgré leur contrainte, sont indispensables : protéinurie des 24 heures, immunofixation des protéines urinaires, voire électrophorèse des protéines urinaires concentrées. Enfin depuis peu, il est possible de doser les chaînes légères libres sériques. Plus que le taux de chaînes légères libres sérique lui-même (taux normaux : kappa : 3,3–19,4 mg/l, lambda : 5,7–26,3 mg/l), il est important d’analyser le rapport kappa/lambda, normalement compris entre 0,26 et 1,65 ; cela permet de distinguer les hypergammaglobulinémies polyclonales et de tenir compte de la fonction rénale. Ce test n’est utile que dans des cas très particuliers et seulement en complément des tests sanguins et urinaires classique : myélome paucisécrétant ou non sécrétant, myélome à chaînes légères, plasmocytome solitaire ou amylose AL. Leur intérêt pronostique dans les myélomes stades I et dans les MGUS n’est pas validé. Enfin, le ionogramme sanguin, la créatininémie et la calcémie sont indispensables pour apprécier les complications éventuelles d’un myélome. M. Janvier / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 358–361 1.1.2. Examens hématologiques L’hémogramme permet d’évaluer le retentissement de l’infiltration plasmocytaire, fréquent sur la lignée érythrocytaire. Le myélogramme, indispensable en cas de suspicion de myélome n’est pas toujours réalisé lorsqu’une MGUS est suspectée. 1.1.3. Imagerie Les explorations radiologiques reposent sur les clichés standard, incluant au minimum le crâne, l’ensemble du rachis, le bassin, les humérus et les fémurs. L’intérêt du TEP-scan reste à évaluer. Il n’y a pas d’indication de routine dans le myélome, mais peut être intéressant dans les plasmocytomes. L’IRM du rachis n’est pas systématique dans notre pratique. Elle est demandée en cas de plasmocytome solitaire, pour vérifier l’absence d’autres lésions, ou surtout lorsqu’une compression médullaire est suspectée. Elle est réalisée par certaines équipes pour explorer la totalité du rachis et dépister ainsi des lésions de l’arc postérieur notamment, potentiellement compressives et donc à risque neurologique, qu’il sera facile de surveiller. Au terme de ces examens, le diagnostic peut être posé, selon la classification proposée récemment par le Groupe international du myélome [1] (Tableau 1). La MGUS est caractérisée par la présence d’une IgMc à un taux sérique inférieur ou égal à 30 g/l et l’absence d’hypercalcémie, d’insuffisance rénale, d’anémie ou de lésions osseuses et l’absence d’autres signes (hyperviscosité symptomatique, plus de deux infections bactériennes en 12 mois, amylose) et une plasmocytose médullaire inférieur ou égal à 10 %. Le myélome asymptomatique ou indolent est défini par la présence d’une IgMc à un taux sérique supérieur à 30 g/l, et/ou une plasmocytose supérieure à 10 %, sans les signes précédemment énumérés. Enfin, le myélome symptomatique est défini par la présence d’une IgMc à un taux sérique supérieur à 30 g/l et/ou une plasmocytose supérieur à 10 %, avec au moins l’un des symptômes décrits précédemment. 359 pathie maligne, surtout s’il s’agit d’une IgM. Cette évolution vers une pathologie maligne peut apparaître après parfois de très nombreuses années, le risque actuariel de transformation maligne est estimé à 15 % à 10 ans et 30 % à 20 ans. Certains éléments laissent espérer l’absence de transformation maligne : taux du composant monoclonal inférieur à 15 g/l, plasmocytose médullaire inférieure à 5 %, isotype IgG [2]. L’apparition d’un symptôme de myélome symptomatique, défini précédemment, ou d’une hémopathie lymphoïde traduit la transformation maligne. Il est indispensable d’instaurer une surveillance, à quatre mois initialement, puis tous les six mois, voire tous les ans en fonction du taux du composant monoclonal et de son évolutivité. Cette surveillance portera sur la clinique et surtout les examens biologiques : électrophorèse des protéines sériques principalement, NFS avec numération des plaquettes, calcémie, créatininémie, excrétion urinaire de chaînes légères. Le meilleur critère pour poser le diagnostic de MGUS est la stabilité dans le temps du pic à l’électrophorèse des protéines. Le diagnostic ne peut donc être posé d’emblée. 1.3. Évaluation du pronostic Le bilan pronostique du myélome est indispensable pour définir le traitement. Parmi les données biochimiques, le taux sérique de 2-microglubuline est le principal paramètre pronostique, reflet de la masse tumorale et de l’insuffisance rénale. S’y ajoutent l’hypoalbuminémie, l’anémie, la thrombopénie, les taux de LDH et de CRP. La cytogénétique, réalisée lors d’un myélogramme, apporte des éléments pronostiques fondamentaux. Si la cytogénétique conventionnelle est peu informative (plasmocytes souvent peu nombreux, faible indice de prolifération), les techniques de cytogénétique moléculaires comme la Fish permettent de mettre en évidence des anomalies cytogénétiques de grande valeur pronostique. Ainsi, on identifie trois groupes pronostiques en fonction de la cytogénétique [3] : 1.2. Diagnostic de MGUS Le diagnostic de MGUS est finalement un diagnostic d’exclusion. L’évolution peut toujours se faire vers un myélome multiple s’il s’agit d’une IgG ou d’une IgA ou vers une lympho- • défavorable : t(4 ;14), del(17p13) et t(14 ;16) ; • intermédiaire : délétion du bras long du chromosome 13 ; • favorable : autres anomalies, hyperploïdie. Tableau 1 Classification du groupe international du myélome [1] MGUS Myélome indolent Myélome multiple symptomatique Protéine Mc circulante (g/l) Symptomatologie clinique < 10 % et < 30 g/l Absence ≥ 10 % et/ou ≥ 30 g/l Absence + et/ou + Anémie < 10 g/dl Insuffisance rénale > 173 mol/l Hypercalcémie > 2,75 mmol/l Ostéolyse, ostéoporose Infections bactériennes (> 2 épisodes/12 mois) Amylose, hyperviscosité symptomatique Chaînes légères urines < 1 g/24 h Infiltrat médullaire plasmocytaire 360 M. Janvier / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 358–361 2. Traitement des myélomes 2.1. Moyens L’arsenal thérapeutique du myélome s’est enrichi de trois nouvelles molécules, toutes trois très efficaces : le thalidomide, le bortézomib et le lenalidomide. Il y a peu de nouveauté au sein de la chimiothérapie classique. Elle reste fondée sur les agents alkylants (Alkéran® , Endoxan® ) et l’Adriamycine® ou son dérivé liposomal (Caelyx® ). La dexaméthasone (DXM) est le glucocorticoïde de choix utilisé dans le myélome. Sa posologie de 40 mg/j conduit les pharmacies hospitalières à fournir les gélules en rétrocession, le conditionnement du Dectancyl® (comprimés à 0,5 mg) ne se prêtant pas à de telles doses. 2.1.1. Immunomodulateurs Le thalidomide est une vieille molécule retirée du marché dans les années 1960 en raison des ses effets tératogènes. Il n’a pas d’AMM et reste prescrit en ATU de cohorte dans le myélome, dans deux indications : le traitement des myélomes réfractaires et/ou en rechute après au moins une ligne de traitement par les alkylants et, en première ligne, en association avec le melphalan et la prednisone chez les patients de plus de 65 ans ou présentant une contre indication à une chimiothérapie à haute dose. Il est délivré par les pharmacies hospitalières. Ses mécanismes d’action restent mal compris et sont probablement multiples : effet antiangiogénique, modification des molécules d’adhésion du plasmocyte, stimulation de la prolifération des cellules T. Ses effets secondaires sont nombreux : tératogène principalement, mais aussi neuropathies périphériques, thromboses veineuses (surtout lorsqu’il est associé à la DXM), somnolence et constipation. La réalisation d’un examen neurologique clinique et d’un EMG est nécessaire avant l’institution du traitement ; il sera répété à six mois puis tous les ans. La posologie recommandée est de 200 mg/j. Les taux de réponses en rechute sont de 25 à 35 % utilisé seul, autour de 50 % en association avec les corticoïdes et atteignent 70 % en association avec les agents alkylants [4]. Le lenalidomide (Revlimid® ) est un analogue du thalidomide, beaucoup plus puissant ; il vient d’obtenir son AMM dans le myélome en rechute, en association avec la DXM. Sa posologie est de un comprimé à 25 mg/j, pendant trois semaines, suivi d’une semaine de repos. Sa prescription reste du domaine de la prescription hospitalière et sa délivrance en rétrocession par les pharmacies hospitalières. Associé à la DXM, les taux de réponse en rechute sont de 59 % [5]. Son profil de toxicité est un peu différent de celui du thalidomide : hématologique principalement (thrombopénie, neutropénie) et thromboses veineuses. La plus grande prudence est requise en cas d’insuffisance rénale. Qu’il s’agisse du thalidomide ou du Revlimid® , le risque de thrombose conduit à recommander un traitement prophylactique (Aspirine® ou HBPM), en présence de facteurs de risques tels que l’âge, des antécédents de thrombose, une forte masse tumorale, un traitement concomitant par DXM, chimiothérapie ou érythropoïétine. 2.1.2. Le bortézomib (Velcade® ) Le seul inhibiteur du protéasome commercialisé est le bortézomib (Velcade® ). Le protéasome est une enzyme complexe qui dégrade les protéines intracellulaires, en particulier les protéines régulatrices du cycle cellulaire et des facteurs transcriptionnels. Son action est potentialisée par la DXM, l’Adriamycine® et l’Alkéran® . Il s’administre par voie intraveineuse, deux fois par semaine, deux semaines sur trois, généralement en hôpital de jour. Le taux de réponse en rechute est de 43 % en monothérapie pour atteindre 50 à 70 % en association avec la DXM [6]. Ses principaux effets secondaires sont hématologiques (thrombopénie, neutropénie), neurologiques (neuropathie périphérique), une grande fatigue et digestive (nausées, diarrhée). 2.1.3. Les traitements de supports restent un appoint essentiel dans le traitement des myélomes symptomatiques L’érythropoïétine est proposée en association à la chimiothérapie, le but étant d’atteindre un chiffre de 12 g par 100 ml d’hémoglobine. Parmi les bisphosphonates : nous disposons de trois molécules : le Pamidronate® intraveineux, 90 mg en deux heures, le zolédronate, intraveineux, 4 mg en 15 minutes, et le clodronate intraveineux ou per os. Une surveillance de la fonction rénale est requise avant chaque injection. Le traitement de tout foyer dentaire doit être réalisé avant le début des bisphosphonates en raison des risques d’ostéonécrose mandibulaire, plus fréquent avec le zolédronate. Un consensus se dessine pour une durée de traitement mensuel de deux ans [7]. Parmi les agents anti-infectieux, un traitement substitutif par les immunoglobulines intraveineuses ou sous-cutanées est indiqué en cas d’infections bactériennes récidivantes 2.2. Indications thérapeutiques Les indications thérapeutiques restent basées sur l’évaluation de la masse tumorale et l’évolutivité de la maladie. Qu’il Tableau 2 Classification de Durie et Salmon [8] Stade I Faible masse tumorale Tous les critères suivants sont présents Hb > 10 g/100 ml Ca < 120 g/l (3 mmol/l) Absence de lésion osseuse ou 1 plasmocytome isolé Taux IgG < 50 g/l IgA < 30 g/l, Protéinurie de Bence-Jones < 4 g/24 h Stade II Masse tumorale intermédiaire Ne répond pas à la définition de I et III Stade III Forte masse tumorale Présence d’au moins 1 des critères suivants Hb < 8,5 g/100 ml Ca > 120 ml/l (3 mmol/l) Lésions osseuses multiples IgG > 70 g/l, IgA > 50 g/l Protéinurie de Bence-Jones > 12 g/24 h A B Créatinine < 20 mg/l ou 180 mol/l Créatinine ≥ 20 mg/l ou 180 mol/l M. Janvier / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 358–361 Tableau 3 Index pronostique international du myélome [9] Stades Critères Survie médiane (mois) I 2-microglobuline < 3,5 mg/l et albuminémie > 35 g/l Ni stade I, ni stade II 2-microglobuline > 5,5 mg/l 62 II III 44 29 s’agisse des stades II ou III (Tableau 2) de la classification de Durie-Salmon [8], le traitement est identique. La nouvelle stratification pronostique de l’International Myeloma Working Group (Tableau 3), proposée en 2005 n’est pas encore utilisée par tous et mérite d’être mieux validée [9]. 2.2.1. Traitements de première ligne Chez les sujets jeunes de moins de 65 ans, voire 70 ans, la chimiothérapie intensive avec autogreffe de cellules souches hématopoïétiques périphériques (CSP) reste le traitement de référence. Néanmoins l’avènement des trois nouvelles drogues peut remettre en question la place du traitement intensif en première ligne ou en rechute. Se pose également la question de la nature du traitement administré avant l’intensification, VAD classiquement ou une combinaison de molécules innovantes associée aux corticoïdes. Chez les sujets âgés la chimiothérapie Alkéran® –prednisone de type « Alexanian » devrait être désormais remplacée par l’association Alkéran® –prednisone–thalidomide [10]. L’introduction du thalidomide en première ligne vient d’être autorisé par l’Afssaps (toujours dans le cadre d’une ATU de cohorte) en association avec le melphalan et la prednisone. La posologie conseillée du thalidomide de 200 mg/j est fréquemment réduite à 100 mg/j chez le sujet âgé, pour des raisons de tolérance. Dans le cadre de la prévention des thromboses veineuses un traitement pas l’Aspirine® ou les HBPM est conseillé. Traitement d’entretien : enfin quelque soit l’âge, de nombreux essais thérapeutiques posent la question de l’intérêt d’un traitement d’entretien et de ses modalités. 2.2.2. Traitement des rechutes Rappelons que les molécules innovantes n’ont leur AMM que dans les maladies en rechute. De nombreux essais tentent de préciser les meilleures combinaisons de ces molécules entre elles ou avec les agents cytotoxiques tels que l’Alkéran® , l’Endoxan® ou d’Adriamycine® . 361 C’est peut-être en rechute que s’intégreront les traitements intensifs avec autogreffe dans le futur. Enfin, l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques trouve un regain d’intérêt avec les conditionnements atténués, en raison de sa moindre toxicité et surtout de son effet immunologique. En conclusion, l’apparition de molécules innovantes conduit à repenser totalement la stratégie thérapeutique dans le myélome. Leurs combinaison n’est pas encore optimale et justifie l’inclusion des patients dans les essais thérapeutiques. La place de l’intensification avec autogreffe de cellules souches hématopoïétiques, voire de l’allogreffe doit être revisitée, là encore par des essais thérapeutiques. 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