ISAE Carole

Transcription

ISAE Carole
Lamphun (Thaïlande) : 6 mois pour
découvrir le monde industriel chez Zodiac
Aerospace.
Par Carole Laubignat (ISAE)
"Sa wat dee kha
Ra kha tao rai ?
120 baths kha
Khoop khun kha." [1]
L'hôtesse me salue, je remonte ma vitre droite et avance jusqu'à la sortie du parking de
l'aéroport international de Chiang Mai.
"Tu es devenue thaï on dirait !", lance mon père alors que je les conduis vers leur hôtel.
Ma famille est venue me rendre visite pour les fêtes de Noël. Cela faisait 5 mois que je ne
les avais pas vus.
Faire un stage à l'autre bout du monde est une expérience extraordinaire que je
recommande à tout le monde. C'est au nord de la Thaïlande, à Lamphun, sur le plus gros
site mondial constructeur de chariots et de galleys pour avions que j'ai passé mes 6
premiers mois dans le monde de l'industrie. J'ai travaillé en tant que chef de projet, mon
but était de réduire les coûts sur une chaine de production de barres profilées
d’aluminium.
En choisissant de me rendre à plus de 8 000 km de chez moi, je m’attendais à être
dépaysée et je n’ai pas été déçue. Des montagnes à perte de vue, la végétation
abondante, les averses de pluie chaude par 40°C, les couleurs, les piments, les
marchands de rue, la musique, … La Thaïlande est un pays magnifique que j’ai eu la
chance d’explorer pendant mes week-end. Mais ce n’est qu’après avoir passé les
premiers mois à découvrir la Thaïlande que j’ai enfin pu comprendre les Thaïlandais.
C’est là où le dépaysement du voyageur s’arrête et que commence celui de l’expatrié.
Derrière ces paysages et ces temples impressionnants se cachent une culture riche et
une autre vision du monde. Travailler avec des personnalités aux valeurs et aux
priorités différentes des miennes est sans doute ce qui m’a le plus apporté et ce
que j’ai préféré tout au long de ce stage. Au début, seule la barrière de la langue me
paraissait encombrante puis je compris que ce n’était pas seulement la langue ou la
couleur de ma peau qui me rendait différente. Les personnes avec qui je travaillais
n’avaient pas reçu le même type d’éducation, n’avaient pas évolué dans le même
cadre, ne s’intéressaient pas aux mêmes choses et n’avaient pas les mêmes rêves.
Les découvrir et les comprendre furent un défi que je n’ai pas hésité à relever ! Usant de
curiosité et de créativité, je me suis lancée à la rencontre du peuple thaïlandais.
« La jeune fille blanche aux cheveux bouclés », une description courte mais suffisante si
vous vouliez me trouver au sein de l’usine thaïlandaise où les cheveux raides et noirs
font partie des standards. J’étais différente, et pourtant, j’ai réussi à m’intégrer dans une
entreprise de plus de 1000 thaïlandais.
Qu’est ce qui nous a rapprochés ?
Les mêmes objectifs professionnels : optimiser et améliorer la production.
Même à l’autre bout du monde, les objectifs d’une entreprise sont les mêmes. Les
moyens de les atteindre sont également semblables. Seule la façon de communiquer
peut différer. Ce qui est stimulant c’est de faire des objectifs du projet une priorité pour
chacun des membres de l’équipe. Pour ce faire, j’ai appris à écouter des modes de pensée
différents et à les coupler avec mes idées pour en tirer le meilleur. Ce qu’un stage à
l’étranger apporte plus qu’un stage chez soi est cette ouverture d’esprit nécessaire à la
réussite d’un projet. Pour ce qui est de la réalisation, on rencontre les mêmes
problématiques.
J’ai du me remettre plusieurs fois en question notamment sur la communication de mon
projet au sein de l’usine et envers les ouvriers. Après deux semaines d’implémentation
de la nouvelle méthode de travail conçue pour économiser de l’aluminium, je me suis
rendue compte que les ouvriers demeuraient passifs et indifférents à toute modification.
Pour les impliquer et leurs expliquer, j’ai décidé de remplacer l’argent par un nombre de
mobylettes sur tous mes graphiques de suivi de projet que j’affichais toutes les semaines
dans l’usine. Ainsi, au lieu de gaspiller des milliers de baths, l’usine perdait une certaine
quantité de motos par semaine – et tout de suite, tout le monde a compris les enjeux du
projet !
Sans cette prise de recul et ce désir de compréhension, je n’aurais jamais pu atteindre
mes objectifs et réaliser un tel projet.
Avoir une expérience professionnelle à l’étranger est une opportunité que les étudiants
d’aujourd’hui doivent saisir. Quand on sort d’école, il nous reste tout à apprendre. Se
retrouver dans un monde différent m’a aidé à comprendre quels efforts je devais faire
pour mener à bien un projet impliquant des personnes très différentes de moi mais
aussi entre elles. En effet, ne pas avoir de base culturelle commune a mis en avant les
points importants du management et de la communication que je devais travailler.
Désormais revenue en Europe, je travaille avec des personnes qui me ressemblent plus
mais j’utilise les mêmes astuces de management afin de mener à bien mes projets. Qui
aurait cru que les outils de communication créés pour communiquer avec des ouvriers
thaïlandais soient si efficaces de retour à la maison ? Lorsqu’on s’adresse à des
personnes évoluant dans le même monde que nous, on ne s’adapte pas forcément à eux
alors que lorsqu’on se sent étranger, s’adapter apparaît comme une nécessité. Ces 6
mois à plus de 8000 km de chez moi m’auront appris à prendre du recul, à m’adapter et
à rester créative face à n’importe quelle situation. Ce sont pour moi les fondements du
management de demain.
[1] «
Bonjour,
Combien je vous dois s’il vous plait ?
Voici 120 Baths.
Merci et au revoir. »
Carole est étudiante en école d’ingénieur de l’Institut Supérieur de l’Aéronautique et de
l’Espace (ISAE) suivant la formation SUPAERO. Après deux ans de classe préparatoire
scientifique et deux ans à SUPAERO, elle décide de faire une année de césure avant de se
spécialiser. C’est à Lamphun en Thaïlande qu’elle est partie pour 6 mois découvrir le monde
industriel chez Zodiac Aerospace. Se découvrant une passion pour le génie industriel et le
management, elle accepte un second stage chez Zodiac Aerospace à Hambourg en
Allemagne où elle sera responsable de la mise en place des concepts Lean dans le
département des opérations. Passionnée de voyages et de rencontres, elle n’attend plus
qu’une chose : explorer de nouveaux horizons industriels et culturels.