La vérité, rien que la vérité
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La vérité, rien que la vérité
COMMUNICATION 10 com.in avril 2005 | « UNE AGENCE, UN JOUR » Mother London La vérité, rien que la vérité Une agence sans account, sans brief et sans créatifs mégalos, ça n’existe pas? Au nord-est de Londres, dans une ancienne usine réaménagée, Mark Waites, directeur créatif et fondateur de l’agence Mother, propose un autre regard. Rencontre avec l’un des publicitaires les plus en vogue, et qui ne se la joue pas! 10, Redchurch Street. Etonnants quartiers que ceux de Smithfield et Spitalfields, au nord-est de Londres. offrir une telle surface dans le quartier de Soho qui concentre le microcosme publicitaire londonien (agences, boîtes de production et de post-production), explique Mark Waites. Mais, toutes ces considéra- Loin du luxe de la proche City, on peut y assister en plein vendredi après-midi, à même la rue, à la prière collective d’une centaine de fidèles d’une école coranique. Et ce à quelques mètres d’une des agences de publicité considérée comme l’une des plus créatives du moment: l’agence Mother. «Pourquoi ce quartier? Parce que nous n’aurions jamais pu (mes associés et moi) nous tions immobilières misent à part, je pense que cet endroit correspond bien à la philosophie de Mother.» Justement, quel est le secret de cette agence tant citée en exemple? «Il n’y en a aucun. Notre seule ambition est de trouver des solutions aux problèmes de nos clients. Trop souvent, lorsque l’on s’adresse à une agence de publicité, on peut s’attendre à ce que la solution soit immanqua- Mother, mais pourquoi ce nom? «Parce que nous en avons tous une et que c’est le plus beau mot qui existe. A l’usage, je peux vous dire que nous avons eu raison de l’utiliser.» Cet amour pour les mères va au-delà des paroles. Au dos de toutes les cartes de visite des collaborateurs de l’agence, on retrouve la photo de leur maman avec la mention «proud mother of...» blement une campagne de publicité. Or, je ne partage pas cet avis. Les problèmes des entreprises ou des marques ne sont pas toujours liés à leur image ou à celle de leur produit. En tant que publicitaires, nous devons être à l’écoute et avoir l’humilité de reconnaître que nous n’avons aucune expertise pour résoudre des questions liées à la distribution, la qualité intrinsèque du produit ou à son développement. «Ce devoir d’honnêteté se retrouve également dans le fonctionnement de l’agence. Alors que les agences traditionnelles mettent à contribution leurs créatifs, stratégiques planneurs et accounts au service de leurs clients, chez Mother, on applique un autre modèle. Ici, on préfère se focaliser autour d’une solution et considérer le client comme un partenaire, au même titre qu’un créatif ou qu’un planneur stratégique. Autre particularité: la suppression du brief.» A quoi sert un brief si toutes les personnes concernées se rencontrent et parlent ensemble? Pourquoi rajouter des intermédiaires? «D’où la suppression du poste d’accounts.» On me dit souvent que c’est impossible, qu’aucune agence ne peut fonctionner sans ces coordinateurs. Faux, nous n’en avons aucun et cela marche. Pourquoi? Parce que nos planneurs stratégiques sont impliqués dans le travail créatif et que nos créatifs sont mis à contribution pour les études. Résultat: tout le monde est au courant de tout. C’est aussi simple que cela!» Simplicité Comme les pubs réalisées par l’agence. Prenons la campagne Coca Cola «I wish». Une jeune femme noire chante dans la rue en distribuant des bouteilles de la marque. Pas de quoi fouetter un chat, et pourtant! Ce 30 secondes réussit à recentrer la marque dans ce qu’elle avait de plus essentiel: la proximité et la sympathie. La magie opère tellement bien que de locale (marché britannique), sa diffusion finira par être internationale. Avec Orange, autre COMMUNICATION « UNE AGENCE, UN JOUR » | avril 2005 com.in 11 avec ques. «Avec nous, c’est blanc ou noir. Comme nous participons à peu de pitches, ce sont les annonceurs qui nous rendent visite. Dès qu’ils franchissent la porte, nous savons s’ils seront Mother ou pas. Nous ne forçons rien. Si l’annonceur vient avec une idée préconçue que nous ne partageons pas, nous n’entrons pas en matière. Il y a d’autres agences pour cela.» Créée à Londres voici 8 ans, présente à New York depuis un an, Mother vient d’ouvrir une structure à Buenos Aires. «Attention, on va croire que client de l’agence, on nous présente une équipe dirigeante à la recherche d’un metteur en scène capable de tourner la prochaine campagne. Acteurs et metteurs en scènes célèbres se relaient. Tous proposent leur concept. Tous seront refusés. Faire d’un entretien professionnel tournant au vinaigre un inventaire des valeurs de la marque, sans le moindre effet spécial: du Mother tout craché! Les campagnes réalisées pour les marques Typhoo, Supernoodles, Magic, Dr. Pepper ou le magazine Les 3 raisons du succès de Mother une équipe multiculturelle (un fait encore assez rare dans les agences anglaises) un choix de réalisateurs internationaux une forte présence de créatiVES The Observer sont de la même veine: des êtres humains tout ce qu’il y a de plus banals évoluant dans un contexte un brin décalé. Des exemples? Un ado se retrouvant tout nu après avoir pris une bouteille de Dr. Pepper sur un rayonnage, un mari égoïste laissant lâchement son assiette de nouilles à sa femme après que le chien l’ait léchée, un présenta- Une ancienne manufacture L’immeuble entièrement réhabilité affiche une modernité contrastant avec un quartier un peu laissé en marge de la prospérité londonienne. A l’intérieur, dans des étages entièrement ouverts, c’est béton sur béton. Murs blancs, tables de travail grises sur lesquelles trônent principalement des portables. De-ci de-là, des espaces discussion constitués de simples tables de bistrot ou de vieux canapés. L’ambiance est potache mais nullement dissipée. On travaille dans le calme et sans stress apparent. Une «mamma» des îles (encore une mère!) veille aux estomacs de ces 120 publicitaires. Un ventre sain pour des esprits pleins. teur en mal de reconnaissance frappant un passant. Même les spots réalisés avec d’importants effets visuels (pour les téléphones Xelibri ou la chaîne Boots) mettent l’esthétisme en second plan. Un angle résolument très différent de l’école de publicité française. On aime ou on aime pas. Ça passe ou ça casse ! «J’ai pour parti pris de ne dire que la vérité, sinon les consommateurs ne nous croiront jamais. Dans les années 80, les marques avaient un discours très segmentant vis-à-vis de ceux qui ne pouvaient accéder à leurs produits. Aujourd’hui, tout le monde a le choix. Les consommateurs n’ont rien demandé. A nous d’attirer leur attention et de les remercier de nous prêter leur attention.» Une profession de foi qui ne convient pas, on s’en doute, à toutes les mar- l’on fonctionne comme un réseau, or nous sommes totalement indépendants.» Pourquoi ces deux villes, alors que tous les publicitaires ne jurent plus que par la Chine? «Parce que les Américains ont un sens extraordinaire pour l’écriture, et que les Argentins sont d’excellents créatifs. Nous allons là où nous pouvons faire du bon boulot et pas là où l’on peut gagner le plus d’argent.» Victoria Marchand » www.motherlondon.com