Fournitures accessoires
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Chronique TPS / TVQ 697 Fournitures accessoires Louis-Frédérick Côté, LL.M. (L.S.E.), avocat Mendelsohn Rosentzveig Shacter TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION.................................................................................... 699 I. FOURNITURE UNIQUE ET FOURNITURES MULTIPLES................................................................................. 699 II. ACCESSOIRE .............................................................................. 703 III. CONTREPARTIE UNIQUE ....................................................... 704 CONCLUSION......................................................................................... 705 698 Revue de planification fiscale et successorale, vol. 19, no 3 Chronique TPS / TVQ 699 INTRODUCTION L'article 138 de la Loi sur la taxe d’accise1 prévoit ce qui suit : «Pour l'application de la présente partie, le bien ou le service dont la livraison ou la prestation peut raisonnablement être considérée comme accessoire à la livraison ou à la prestation d'un autre bien ou service est réputé faire partie de cet autre bien ou service s'ils ont été fournis ensemble pour une contrepartie unique». Cet article prévoit donc que tout bien ou service dont la livraison ou la prestation est accessoire à une autre fourniture est réputé faire partie de cette autre fourniture. Par exemple, si une boîte de céréales (fourniture détaxée) renferme un petit jouet (fourniture taxable), la règle de la fourniture accessoire fait en sorte que la TPS ne sera pas perçue sur la partie du prix qui concerne le jouet. Si, à première vue, le concept semble simple, son application est complexe. Nous analyserons donc l'article 138 L.T.A. sous trois aspects : 1) fourniture unique et fournitures multiples; 2) accessoire; et 3) contrepartie unique. Nous soulignons que la présente chronique se limite à l'analyse de l'article 138 L.T.A., mais qu'il faut se rappeler que d'autres articles pourraient s'appliquer dans certaines situations précises.2 I. - FOURNITURE UNIQUE ET FOURNITURES MULTIPLES La simple lecture de l'article 138 L.T.A. implique qu'au point de départ, il doit y avoir deux fournitures : une fourniture principale et une fourniture 1 L.R.C. (1985), c. E-15 et mod., Partie IX (ci-après «L.T.A.»). Nous soulignons que les commentaires dans la présente chronique s'appliquent également dans le contexte de l'article 34 de la Loi sur la taxe de vente du Québec, L.R.Q., c. T-0.1 et mod. 2 Par exemple : par. 136(2) «fourniture combinée d'immeubles»; art. 139 «services financiers dans une fourniture mixte» L.T.A. 700 Revue de planification fiscale et successorale, vol. 19, no 3 accessoire. D'ailleurs, voici comment Revenu Canada s'exprime sur cette question : «L'article 138 ne s'applique que si l'on détermine, après application et analyse de la politique concernant les fournitures uniques et les fournitures multiples, ou après examen des faits lorsque cette analyse est inutile, qu'au moins deux fournitures sont effectuées concurremment. Si l'on détermine qu'une seule fourniture a lieu, l'article 138 ne s'y applique pas.»3 Revenu Canada, dans son Énoncé de politique P-0774, donne son point de vue sur ce qu'est une fourniture unique ou ce que sont des fournitures multiples : «Étant donné que l'analyse d'une fourniture unique ou de fournitures multiples dépend toujours des faits particuliers en jeu, cette approche prévoit l'analyse de la substance et de la réalité (les faits et la preuve) relativement à la transaction dans le but de déterminer la nature d'une transaction particulière dans des circonstances où une telle détermination est nécessaire (circonstances que nous abordons plus loin). L'objectif d'une telle étude est de vérifier l'existence d'une "fourniture unique" ou de "fournitures multiples" en examinant dans quelle mesure divers éléments sont liés, quelle est l'importance de cette interdépendance et de cet entrelacement, et en vérifiant si chaque fourniture est une partie intégrante ou un élément d'un tout. Une fourniture unique englobe toujours un certain nombre d'éléments (biens et (ou) services) fournis ensemble (souvent, mais pas forcément, pour un montant unique).» Par conséquent, d'après Revenu Canada, si, suite à une analyse de la substance et de la réalité, divers éléments sont liés, interdépendants, entrelacés, et si chaque fourniture est une partie intégrante ou un élément d'un tout, nous faisons face à une fourniture unique, qui sera taxable, exonérée ou détaxée. De plus, dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de recourir à l'article 138 L.T.A., qui implique au point de départ qu'au moins deux fournitures sont effectuées concurremment. Enfin, d'après Revenu Canada, qu'un montant unique apparaisse sur la facture ou que plusieurs montants apparaissent sur la facture 3 REVENU CANADA, Énoncé de politique P-160, «Sens de l'expression " ... est réputé faire partie de cet autre bien et service s'ils ont été fournis ensemble"...», 14 juin 1994. 4 REVENU CANADA, Énoncé de politique P-077, «Fourniture unique et fournitures multiples», 8 août 1993. Chronique TPS / TVQ 701 n'est pas un élément déterminant dans le cadre de l'analyse dans le but de déterminer si nous faisons face à une fourniture unique ou à des fournitures multiples. À notre connaissance, la Cour canadienne de l'impôt s'est prononcée clairement trois fois sur le concept de fourniture unique. Premièrement, dans l'affaire Club Med Sales Inc. c. La Reine5, la Cour canadienne de l'impôt avait à décider si les frais payés par des contribuables pour être membres du Club Med étaient taxables alors que la fourniture du voyage était détaxée. La facture que Club Med Sales Inc. faisait parvenir au contribuable montrait d'une façon séparée le coût du voyage et les frais pour devenir membre. Voici comment la cour pose la question : «Here, one consideration is given for a vacation package and another is paid as a membership fee. Do they each represent a partial payment for the same supply or do they each relate to a distinct or separate supply of property or service, bearing in mind that if one concludes that there is a supply separate from the supply of the vacation package it must be of "a useful article or service".»6 La cour décide qu'il s'agit d'une fourniture unique détaxée : «(...) the membership fee and the vacation package or packages are so interdependent and intertwined that they cannot be considered separate supplies. As a matter of common sense, the supply of memberships cannot realistically be considered otherwise than as being an integral part of a composite whole that is one or more vacation packages abroad.»7 Deuxièmement, dans l'affaire Oxford Frozen Foods Limited c. La Reine8, la Cour canadienne de l'impôt avait à décider si des frais de location qui apparaissaient séparément sur la facture de vente de légumes congelés à des non-résidents, donc détaxée, étaient taxables ou détaxés. Voici comment la cour se prononce : 5 5 G.T.C. 1067. 6 Id., 1072. 7 Id., 1074. 8 4 G.T.C. 3180. 702 Revue de planification fiscale et successorale, vol. 19, no 3 «The Minister argues that the storage charges are a separate item apart from the sale of frozen product and is taxable. The Appellant's position is that it stores its frozen products so that it can supply its customers with frozen products. The Appellant is not engaged in the business of supplying storage for frozen products. Even though the storage component is itemized separately on the Appellant's invoices, it is so interdependent and intertwined with the supply of frozen products that it constitutes a single supply of frozen product. It is just a way of calculating the eventual price of a zero rated product. I am satisfied the Appellant's position is correct.»9 Par conséquent, la cour conclut qu'il s'agit d'une fourniture unique détaxée. Troisièmement, dans l'affaire O.A. Brown Ltd. c. Canada10, la Cour canadienne de l’impôt avait à décider si le contribuable avait à percevoir la TPS sur des commissions et des déboursés, qui apparaissaient séparément sur la facture, relativement à la vente de bétail qui était détaxée. La cour établit le test de la façon suivante : «The test to be distilled from the English authorities is whether, in substance and reality, the alleged separate supply is an integral part, integrant or component of the overall supply. One must examine the true nature of the transaction to determine the tax consequences. (...) One factor to be considered is whether or not the alleged separate supply can be realistically omitted from the overall supply. This is not conclusive but is a factor that assists in determining the substance of the transaction. (...) The fact that a separate charge is made for one constituent part of a compound supply does not alter the tax consequences of that element. Whether the tax is charged or not charged is governed by the nature of the supply. In each case it is useful to consider whether it would be possible to purchase each of the various elements separately and still end up with a useful article or service. For if it is not possible then it is a necessary conclusion that the supply is a compound supply which cannot be split up for tax purposes.»11 La cour décide qu'en l'espèce, il s'agissait d'une fourniture unique détaxée. 9 Id., 3183. 10 [1995] G.S.T.C. 40. 11 Id., 40-6 et 40-7. Chronique TPS / TVQ 703 Il semble donc que le test élaboré par Revenu Canada dans son Énoncé de politique P-07712 a été suivi par la Cour canadienne de l'impôt. Par ailleurs, déterminer, dans un cas précis, s'il s'agit d'une fourniture unique qui est taxable, détaxée ou exonérée, ou s'il s'agit de deux fournitures auxquelles l'article 138 L.T.A. s'applique, demeurera une question complexe et difficile à trancher. II. - ACCESSOIRE Si nous arrivons à la conclusion que nous faisons face à deux fournitures, il faut déterminer si l'une est accessoire à l'autre. À cet égard, Revenu Canada donne son point de vue dans l’Énoncé de politique P-15913. D'après Revenu Canada, la livraison ou la prestation d'un bien ou service peut être considérée comme accessoire à la livraison ou la prestation d'un bien ou service principal, lorsque ce premier bien ou service est sans importance ou peu important. De plus, la livraison ou la prestation d'un bien ou service ne peut raisonnablement être considérée comme accessoire à la livraison ou à la prestation d'un autre bien ou service que si elle joue un rôle mineur par rapport à cet autre bien ou service. Revenu Canada a donc pris une position administrative très étroite. En effet, la fourniture accessoire ne doit pas avoir d'importance et doit jouer un rôle mineur. Or, la Cour canadienne de l'impôt a eu à se prononcer sur cette question dans l'affaire Interior Mediquip Ltd. c. Canada14. Dans cette affaire, la Cour canadienne de l'impôt a décidé que la fourniture principale était une rampe qui donnait accès à des chaises roulantes dans un véhicule et que tous les autres biens et services (modifications au véhicule) étaient accessoires. Il semble donc que la Cour canadienne de l'impôt interprète le concept d'une façon beaucoup plus large que Revenu Canada. Cela pourrait forcer Revenu Canada à revoir son Énoncé de politique P-159.15 12 REVENU CANADA, op. cit., note 4. 13 REVENU CANADA, Énoncé de politique P-159, «Sens de l'expression "peut raisonnablement être considéré comme accessoire"», 14 juin 1994. 14 [1994] G.S.T.C. 86. 15 REVENU CANADA, op. cit., note 13. 704 Revue de planification fiscale et successorale, vol. 19, no 3 III. - CONTREPARTIE UNIQUE Lorsque nous faisons face à deux fournitures et que l'une est accessoire à l'autre, il y a lieu de déterminer si les deux fournitures sont effectuées pour une contrepartie unique. À cet égard, dans une note explicative, le ministère des Finances du Canada émet l'opinion que l'article 138 L.T.A. ne s'applique pas lorsqu'on peut déterminer que la fourniture accessoire a été facturée de façon distincte16. Par conséquent, d'après le ministère des Finances du Canada, la façon de facturer serait déterminante quant à l'application de l'article 138 L.T.A. Sur cette base, certains pourraient être tentés d'émettre plusieurs factures ou de séparer certains éléments sur une même facture, dans le but d'éviter l'application de l'article 138 L.T.A. Par exemple, dans le contexte où la fourniture principale est taxable et la fourniture accessoire est détaxée, l'application de l'article 138 L.T.A. ferait en sorte qu'il y aurait une taxe facturée sur la partie accessoire. Dans ces circonstances, il pourrait être intéressant de facturer séparément la partie accessoire ou d'identifier séparément sur la facture la partie accessoire afin d'éviter l'application de l'article 138 L.T.A. Ce type de planification est, à notre avis, risqué. En effet, dans l'affaire Oxford Frozen Foods Limited c. La Reine, où des frais d'entreposage apparaissaient séparément sur la facture de vente de légumes congelés, la Cour canadienne de l'impôt a indiqué dans un obiter dictum qu'elle aurait de toute façon appliqué l'article 138 L.T.A. : «If I had not found for the Appellant as I have above, I would have said that the maintaining of the frozen product in that state was incidental, as the whole purpose was to supply the Appellant's customers with frozen product on request.»17 Par conséquent, la Cour canadienne de l'impôt ne semble pas avoir été impressionnée par le fait que les services de location apparaissaient séparément sur la facture de vente de légumes congelés. 16 Taxe sur les produits et services - Notes explicatives du Projet de loi C-62, février 1990, p. 40. 17 Précitée, note 8, 3183. Chronique TPS / TVQ 705 De plus, dans l'affaire O.A. Brown Ltd. c. Canada, où les commissions et les déboursés apparaissaient séparément sur la facture envoyée au client pour la vente de bétail, la cour a émis le commentaire suivant : «The services are rendered under a single contract, for a single consideration, albeit the invoice is itemized.»18 Par conséquent, la Cour canadienne de l'impôt semble être d'avis que, même si des montants sont montrés séparément sur une facture, il s'agit d'une contrepartie unique. Par ailleurs, dans l'affaire Club Med Sales Inc. c. La Reine, où les frais pour devenir membres étaient indiqués séparément sur la facture, la Cour canadienne de l'impôt a écrit ceci : «We are not here in a situation where there has been an incidental provision of property or service together with the supply of another property or service for a single consideration thus requiring the application of section 138 of the Act, although the same principle, i.e. that underlying section 138, might be applicable. Here, one consideration is given for a vacation package and another is paid as a membership fee.»19 Par conséquent, dans cette affaire, la cour semble conclure qu'il y avait deux contreparties. Il faut donc conclure que la réponse à la question de savoir si nous faisons face à une contrepartie ou à deux contreparties n'est pas claire. Plusieurs éléments identifiés séparément sur une facture, chaque élément ayant un prix, pourraient être considérés comme étant une contrepartie unique par certains, et être considérés comme étant plusieurs contreparties par d'autres. Il faut s'attendre à des développements sur cette question. CONCLUSION Si, à première vue, l'article 138 L.T.A. semble être facile à appliquer, l'analyse qui précède et la jurisprudence à laquelle nous référons démontrent clairement le contraire. 18 Précitée, note 10, 40-08. 19 Précitée, note 5, 1072. 706 Revue de planification fiscale et successorale, vol. 19, no 3 Quant au concept de fourniture unique, si Revenu Canada et la Cour canadienne de l'impôt semblent avoir adopté le même concept, ces deux institutions ont des points de vue très différents lorsque vient le temps d'appliquer le concept dans un cas particulier. Deuxièmement, quant au concept accessoire, il semble que la vision étroite de Revenu Canada tranche clairement avec l'application beaucoup plus large qu'en a fait la Cour canadienne de l'impôt. Enfin, quant au concept de considération unique, il faut espérer que Revenu Canada publie une politique claire sur cette question, et nous souhaitons que la Cour canadienne de l'impôt établisse clairement sa position.