Pieter à l`œil d`un rapace » Du bronze au grenier
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Pieter à l`œil d`un rapace » Du bronze au grenier
Du bronze au grenier ! « Pieter à l’œil d’un rapace » Depuis cet été il y a un lauréat de médaille olympique parmi nos clients : Pieter Verlinden et son équipe ont en effet obtenu le bronze lors des Jeux Paralympiques à Londres dans la discipline de la « boccia ». Il est donc temps d’un entretien au grenier boccia du C.O. « De Beweging » à Gijzenzele. Nous y avons parlé avec le papa de Pieter, Jean-Pierre Verlinden. Rédaction : Annelies Naert Photographie : Filip Erkens Nous avons pu suivre en direct, sur le site Internet des Jeux, la lutte pour la médaille de bronze. Qu’est-ce que signifie une telle médaille ? Pieter avec son père et Bart Gosselin d’O.C. De Beweging. Jean-Pierre Verlinden : « C’est un couronnement pour des années d’entraînement et de sacrifices pour le sport. Depuis 2009 nous sommes membre de l’équipe nationale. Cela signifie que nous nous entraînons deux fois par semaine et qu’il faut toujours faire de son mieux. Il faut également laisser certaines choses pour cela. Ainsi, cette année, nous n’avons pas pu partir en voyage, ce qui est normalement quelque chose que Pieter aime beaucoup faire. Les entraînements ont le plus souvent lieu le mercredi et le dimanche, mais les derniers mois avant un grand tournoi on insère des week-ends de stage et alors nous nous entraînons le samedi et le dimanche parfois entre 10 et 16 heures. Nous partons également en stage avec des joueurs de l’étranger. Comme préparation nous avons, entre autres, fait un stage aux Pays-Bas entre 9 et 18 heu- res. Alors Pieter ne peut pas sortir beaucoup, il doit aller se coucher tôt, et cetera. Cette médaille est un couronnement de notre engagement. Après un grand tournoi nous interrompons pourtant les entraînements pendant un mois. » Est-ce que Pieter s’est toujours intéressé au sport ? « Je pense bien que oui. Nous allons souvent regarder d’autres sports : le volley, le football, … » Est-ce que vous avez été à la recherche activement d’un sport que Pieter luimême pourrait pratiquer ? « Pour des gens comme Pieter il y a peu d’occasions pour faire du sport. C’est le kinésithérapeute de l’établissement où Pieter résidait jadis qui l’a accompagné vers un match de boccia. Ce kinésithérapeute m’a téléphoné par après : ‘qu’il avait probablement trouvé quelque chose dans laquelle Pieter pourrait se défouler et pour laquelle il avait du talent.’ C’est ainsi que cela a commencé, lentement. » « Pieter a démarré en 2002 et depuis 2007 il a commencé à jouer bien. Pieter a l’avantage qu’il a l’œil d’un rapace : il sait viser parfaitement. » La boccia n’est pas un sport très connu. Pouvez-vous expliquer en bref comment le jeu se déroule ? « La boccia est apparentée à la pétanque. Mais pendant que pour la pétanque on joue avec un cochonnet, pour la boccia la boule blanche – appelée « jack » – est aussi grande que les boules rouges et bleues. A tout de rôle, chaque joueur accède au terrain et essaie de positionner la boule coloriée le plus près possible de la boule blanche. L’adversaire essaie alors d’écarter cette boule. Cela se joue ainsi tout le temps, en va-etvient. » “La boccia est jouée l’un contre l’autre, en paire (deux contre deux) ou en équipe (trois contre trois). C’est à la paire que l’équipe belge s’entraîne pour avoir un score le plus haut possible, ce qui a réussi maintenant. » « Il s’agit de plus que de seulement lancer une boule. Les joueurs luttent parfois avec des coups tactiques et quand ils lancent une boule, ils anticipent toujours sur les pas suivants. Ils doivent avoir de l’intelligence et être forts mentalement. Toujours anticiper. » Combien de personnes pratiquent la boccia ? « Lors de matchs en Belgique il y a bien une cinquantaine de personnes qui participent. Cela n’est pas rien, non ? La boccia est souvent jouée dans beaucoup d’institutions de notre pays : à Kwatrecht, Landegem, Gits, Diepenbeek et en Wallonie. Mais en dehors des établissements la boccia est peu connue. Quand Pieter a commencé à faire de la compétition, il y avait trente joueurs dans sa catégorie. Maintenant, grâce à Sporza et d’autres personnes qui ont lutté pour mettre en image les Paralympiques, cela a un peu changé. C’est remarquable comment plus d’attention a été accordée à cette édition des Paralympiques et nous le ressentons. Dans notre club il y a remarquablement plus de demandes. Mais le problème est que pour la boccia il faut que toujours un accompagnateur soit présent. Les joueurs ne peuvent souvent pas faire beaucoup de choses sans l’aide et l’assistance. » Simplement jouer avec quelqu’un d’autre, ce n’est probablement pas évident ? « Il faut bien se comprendre l’un l’autre dans le jeu. Je suis personnellement l’accompagnateur de Pieter. Je tourne le dos au jeu et je regarde surtout Pieter : quelle tâches me donne-t-il ? Pieter communique avec les yeux. Ainsi il indique où il veut que le conduit soit mis (c’est une pièce dans laquelle il lâche la boule au moyen d’un casque sur la tête, ndr.) : plus haut, plus bas, vers la gauche, vers la droite. Quand il a bien visé et qu’il pense qu’il peut jouer la boule, je mets la boule derrière le casque qu’il a sur la tête et il laisse la boule rouler. Il sait également indiquer lui-même quelle vitesse la boule doit prendre : plus le conduit est long, plus de vitesse la boule prendra. » Comment se déroulent les sélections pour un championnat comme les Jeux ? « Dans notre pays il y a plusieurs clubs qui s’opposent dans une compétition, dans différentes catégories. Dans la catégorie de Pieter il y vingt personnes. Par année il y a deux tournois qui comptent pour les points : le championnat flamand et le championnat belge. Sur la base de ces points on fait une classification. Pieter est maintenant quatrième dans la classification belge. Sa place la plus élevée était le numéro trois, et il est dans le top cinq depuis des années. Pieter participe également à la compétition hollandaise. » « En Belgique Pieter fait partie de l’équipe nationale, qui consiste actuellement de cinq joueurs. C’est le coach national qui décide qui il choisit pour participer aux grands championnats. Pieter était à Londres comme troisième joueur. Les deux premiers démarrent toujours ensemble, il est difficile de se mettre entre les deux. Mais si cela ne réussit pas pour eux, on peut faire appel à Pieter. » « Il y a une approche professionnelle : seuls les meilleurs joueurs peuvent y aller. Nous connaissons d’avance les pays contre lesquels nous devons lutter et les joueurs contre qui nous devons lutter. On regarde quel jeu l’opposant joue traditionnellement et on s’entraîne alors dans ce sens. » Comment vous préparez-vous à un tel concours important ? « Normalement, Pieter ne se couche pas avant 23 heures, mais lorsqu’il y a un concours ou un tournoi, nous devons être sévères, car il est important pour des joueurs de boccia de s’être bien reposés. Ils doivent réfléchir bien et clairement sur les possibilités de jeu. Même s’il revêt parfois les mêmes sous-vêtements pour une compétition, Pieter n’a pas beaucoup de rites ou de superstition. Mais il prend bien souvent quelque chose à mâcher en bouche. Il est également important pour lui d’arriver à temps dans la salle de sports, pour qu’il puisse tranquillement ne penser qu’au concours et s’échauffer un peu. » Est-ce que l’on vous aborde plus souvent maintenant ? « Nous avons été surpris par tous les sms, mails et coups de téléphone que nous avons reçus pour nous féliciter. La boccia a reçu bien de la publicité par l’attention des médias pour les Jeux et le sport en a besoin. Maintenant nous essayons de le garder ainsi. C’est un sport idéal pour des personnes avec une déficience qui autrement ne pourraient rien faire, c’est une possibilité pour ces gens de se défouler. » « On nous demande de donner des démonstrations et à Gand il y aura sous peu un événement lors duquel notre club essayera d’attirer des sponsors supplémentaires. Mais également des maisons de repos, comme celle de la grand-mère de Pieter, nous demandent de jouer un jeu avec les résidents, pour qu’ils puissent également faire connaissance avec la boccia. » Est-ce un sport qui coûte cher ? « La participation aux Paralympiques est payé par l’organisation. Nous sommes invités. Les sponsors des athlètes valides sont en même temps nos sponsors. Quand nous partons pour un tournoi international, tous les frais sont payés par Parantee, la ligue pour les sportifs avec une déficience, avec des budgets du COIB. Mais nous cherchons surtout localement des sponsors supplémentaires pour notre club. » Au C.O. « De Beweging » il y a un grenier boccia. Qu’est-ce qui est nécessaire pour cela ? « Quand Pieter est arrivé ici, il y avait déjà un espace boccia au grenier, mais le sol était en mauvais état. Parce qu’il y avait déjà deux bons joueurs ici, la direction a décidé d’aménager un nouveau sol en parquet sur cet espace de grenier. Cet espace est maintenant en assez bon état pour jouer de la boccia et nous nous entraînons parfois là-bas. Un terrain officiel doit compter dix mètres et le grenier ici n’en compte que huit, mais on peut bien déjà s’y exercer beaucoup. Quand il y a un entraînement qui tombe à Bruxelles, je viens ici pour m’exercer, avec les autres résidents. » Quels sont vos plans pour l’avenir ? « Nous allons essayer d’encore augmenter notre niveau et – cela ne sera pas facile – d’également passer avec succès les sélectons suivantes. Et nous continuons à nous entraîner. Nous allons essayer de rester dans l’équipe nationale et si nous recevons l’occasion de jouer, nous la saisirons. » « Mais peut-être est-il bon de ne pas miser tout sur la boccia : il y a encore bien d’autres choses dans la vie. Les dernières années nous devions être présents à chaque entraînement et nous avons mis de côté bien d’autres choses. Mais Pieter aime bien aller à Werchter, par exemple. » Y a-t-il encore des choses dont vous rêvez ? « Si nous le pouvons, nous essayerons d’être de la partie lors des Jeux suivants, à Rio. Nous avons participé lors du dernier championnat européen et le dernier championnat du monde et nous étions présents à Londres et c’est là le plus haut à quoi un sportif peut aspirer. Nous espérons pouvoir participer encore une fois à Rio en 2016. »