LA POLICE DES COURSES ET JEUX

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LA POLICE DES COURSES ET JEUX
LA POLICE DES COURSES ET JEUX
1 / PRESENTATION
Le service des Courses et Jeux de la Direction Centrale de la Police Judiciaire, constitué d'une
soixantaine de fonctionnaires spécialisés, s'appuie sur le maillage des services de police judiciaire
de province mais aussi à Paris et sa banlieue.
Il forme et entretient un réseau de près de 60 correspondants qui effectuent les enquêtes et
assurent une présence dans les établissements de jeux, casinos, cercles ou sur les champs de
courses.
Le service des Courses et Jeux effectue un travail en amont puisqu'il instruit les dossiers que les
casinos soumettent à la commission supérieure des jeux, ainsi que les demandes d'agrément tant
des dirigeants et employés de jeux que des matériel et des locaux.
A ce titre, le service pratique des échanges quotidiens avec la direction des liberté publiques et
des affaires juridiques (D.L.P.A.J.) chargée de « dire le droit en la matière ».
Son rôle de conseiller technique lui permet de contribuer à la rédaction de circulaires, de notes et
de textes législatifs, relatifs à la réglementation des jeux. Il traite également des demandes
d'agréments émanant du ministère de l'agriculture, des sociétés de courses, «France Galop » et
« le cheval français » et du pari mutuel urbain (PMU).
Lorsque les règles ne sont pas respectées et que des infractions à la législation sur les jeux sont
constatées, des enquêtes peuvent être diligentées.
2/ HISTORIQUE
Il convient de rappeler que l'exploitation des jeux d'argent est interdit en France depuis une loi du
18 juillet 1836.
Toutefois une prohibition complète de se secteur d'activité était impossible et ne pouvait générer
que le développement des jeux clandestins.
Ce n'est que par dérogation que l'Etat a accordé successivement au PMU puis aux casinos et
cercles de jeux, l'autorisation d'exploiter des paris hippiques, des jeux de hasard ou de loterie.
Parallèlement, il est devenu indispensable pour les pouvoirs publics d'exercer un contrôle étroit sur
les établissements où le jeu est officiellement autorisé et de réprimer la pratique des jeux
clandestins.
Un service de police spécifique a donc été créé. Le Service Central des Courses et Jeux est le
plus ancien service de police spécialisé à compétence nationale, puisqu'il apparaît en 1892, sous
l'appellation de « service de contrôle du pari mutuel ».
Sa création est une conséquence indirecte du vote par le parlement français de la loi du 2 juin
1881, ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux,
afin de lutter contre les paris non contrôlés et faire la chasse aux bookmakers.
Le chef de ce service, homme de confiance de Georges Clémenceau, entreprend d'imposer et de
faire respecter la réglementation des jeux.
A cet effet, la loi du 15 juin 1907 est créée, réglementant les jeux « dans les cercles et les casinos
des stations balnéaires, thermales et climatiques ».
3 / LES MISSIONS DU SERVICE DES COURSES ET JEUX
Le service des courses et jeux est essentiellement chargé de veiller au respect de la
réglementation ainsi qu'à la défense des intérêt de l'Etat, des joueurs et des établissements de
jeux.
Les casinos sont placés sous le contrôle du ministère de l'intérieur et plus particulièrement du
service central des courses et jeux.
L'article 93 de l'arrêté du 23 décembre 1959 précise que « la police des jeux est assurée sous
l'autorité du chef du service central des courses et jeux et dans les conditions fixées par lui ».
Les fonctionnaires du service chargés du contrôle sont habilités pour assurer, dans le cadre du
présent arrêté, « la régularité et la sincérité des jeux ».
Ainsi, le service central des courses et jeux remplit une triple fonction:
–
de surveillance et d'information (lutte contre le blanchiment d'argent)
–
de prévention, en contrôlant de façon permanente l'application des règles de droit dans les
casinos, les cercles et sur les hippodromes.
–
de répression des infractions prévues par le code pénal sous le titre « jeux, paris, loteries ».
4/ LE SECTEUR DES JEUX EN FRANCE
196 casinos autorisés fonctionnent sur le territoire national.
Ces établissements de jeux dégagent un produit brut des jeux global (PBJ = ce qui reste au casino
après le paiement des gagnants et avant impôts), de près de 2 milliards 300 millions d'euros
(saison 2009/2010).
L'Etat et les communes, qui concèdent par délégation de service public l'exploitation de ces
casinos à des partenaires privés (Partouche, Tranchant, Barrière, Joa, ...), prélèvent près de 54 %
du produit brut des jeux (soit plus d'un milliard d'euros en 2010).
Ce secteur emploie environ 15 000 salariés et représente jusqu'à 60 % des ressources fiscales de
certaines communes.
Néanmoins, ce secteur connaît une crise depuis ces dernières années et le PBJ est en baisse
depuis trois années consécutives.
90 % du chiffre d'affaire des casinos est réalisé sur les machines à sous, le reste sur les jeux dits
«de table ou grands jeux » (roulette, black jack, Poker, ...).
Les machine à sous ont été autorisées depuis 1987 par le ministre de l'intérieur Charles Pasqua.
Depuis, elles ont connu un développement considérable (23 148 unités) et ont largement contribué
à démocratiser les casinos.
Elles ont aussi entraîné un accroissement sensible du phénomène de l'addiction.
IMPLANTATION DES CASINOS
5 / LA PROCEDURE D'INTERDICTION VOLONTAIRE DE JEUX
La réglementation prévoit une procédure d'interdiction volontaire de jeux qui ne peut être
prononcée que par le ministère de l'intérieur, plus précisément par la Direction des Libertés
Publiques et des Affaires Juridiques.
L'article 22 de l'arrêté du 17 mai 2007 prévoit cependant plusieurs cas:
S'agissant d'une mesure volontaire qui entraîne une privation d'un droit fondamental, celui d'aller
et venir librement dans un espace public, cette procédure s'entoure d'un certain formalisme.
La personne qui souhaite se faire interdire doit en exprimer la demande auprès d'un représentant
de la Police des Jeux. Celui-ci doit s'assurer de son identité et lors d'un entretien lui donner
connaissance des dispositions précises concernant l'interdiction.
Ensuite, il revient au fonctionnaire de police de transmettre la demande au Ministère de l'intérieur.
En dehors des casinos qui sont destinataires du fichier des personnes interdites et du service de la
police des jeux, cette démarche d'interdiction n'est communiquée à aucun autre service ou
administration.
Voici les principaux points dont doit être informée la personne qui souhaite se faire interdire:
–
L'interdiction a une durée initiale de trois ans, incompressible.
–
Cette interdiction est valable dans tous les casinos nationaux et depuis 2010 sur tous les sites
de jeux en ligne agréés par l'ARJEL (autorité de régulation des jeux en ligne).
–
Elle entraîne un traitement informatisé (fichier des personnes interdites) qui n'est consultable
que des casinos (pour contrôler aux entrées) et des services de la police des Jeux.
–
Au bout des trois années, et sans démarche de la part de l'intéressé pour demander la levée
de la mesure d'interdiction, cette dernière est reconduite tacitement.
Ci-dessous un exemplaire de la demande d'exclusion volontaire qui doit être remplie par le
demandeur
M, Mme, Mlle .......................................................................................
né(e) le .......................................à ........................................................
Domicilié(e) ..........................................................................................
à
Monsieur le Ministre,
Je soussigné(e), ................................................................................................., sollicite mon
interdiction volontaire de jeux sur l'ensemble du territoire national, conformément
aux dispositions de l'article 22 de l'arrêté du 14 mai 2007 modifié relatif à la
réglementation des jeux dans les casinos, de l'article 38 de l'arrêté du 15 juillet 1947
modifié portant instruction ministérielle sur la réglementation des jeux dans les
cercles de jeux de hasard et de l'article 2 du décret n° 2010-518 du 19 mai 2010
relatif à la mise à disposition de l'offre de jeux et de paris par les opérateurs agréés
de jeux ou paris en ligne.
Je reconnais avoir été informé(e) que cette mesure est prise pour une durée initiale
de trois ans, sans possibilité de la réduire. Elle sera reconduite, sans nouvelle
démarche de ma part, tacitement, à l'issue de cette durée initiale de trois ans. Dans
cette hypothèse, cela signifie que je continuerai à être interdit (e) de jeux dans les
casinos, les cercles de jeux de hasard et sur les sites de jeux en ligne.
Si je souhaite ne plus être exclu(e) de jeux, soit à l'issue de la période initiale de
trois ans, soit par la suite sans nouvelle condition de délai minimum, je devrai en faire
la demande directement auprès du Ministère de l'Intérieur – Direction des Libertés
Publiques et des Affaires Juridiques – Cabinet du Directeur – Bureau des cercles et
jeux - Place Beauvau – 75008 PARIS – en joignant à ma demande une photocopie recto
verso copie de ma pièce d'identité.
Je suis informé(e) que mes nom et prénom, date et lieu de naissance feront l'objet
d'un traitement informatisé dont les destinataires seront le Ministère de l'Intérieur,
les services spécialisés de la police judiciaire, les cercles de jeux, les casinos et
l'autorité de régulation des jeux en ligne (A.R.J.E.L.) en vertu de l'article 26 de la loi
du 12 mai 2010.
Le droit d'accès aux informations me concernant et de rectification éventuelle pourra
s'exercer auprès du Ministère de l'Intérieur – DLPAJ – Cabinet du Directeur –
Bureau des cercles et jeux – place Beauvau – 75008 Paris.
Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en mes respectueuses salutations.
Fait à ......................
Signature (précédée de la mention “lu et approuvé”)
6 / QUELQUES CHIFFRES ET OBSERVATIONS POUR LA REUNION
J'attire votre attention sur le fait que ces chiffres ne concernent que la Réunion et ne
peuvent donc être extrapolés au territoire national.
Nombre de personnes qui se sont faites interdire ces dernières années:
–
–
–
–
2008 : 74
2009 : 72
2010 : 83
2011 à ce jour : 41
Sur l'année 2010, on comptait 34 hommes pour 49 femmes.
L'addiction aux jeux touche davantage les femmes que les hommes (la répartition entre les sexes
est sensiblement la même sur les années précédentes).
La moyenne d'âge pour l'année 2010 est de 47 ans pour les hommes et 52 ans pour les femmes.
L'addiction la plus forte est liée aux machines à sous. Une très forte majorité de femmes se disent
« envoutées » par les machines, alors que les hommes présentent souvent, en plus, des formes
d'addiction aux jeux de tables.
L'autorisation donnée en 2007 aux casinos d'exploiter le Texas Hold'em Poker a considérablement
rajeuni la clientèle des jeux de table. Il n'est pas rare d'y voir des jeunes d'une vingtaine d'année.
Les premiers cas d'addiction aux jeux en lignes sont apparus récemment (l'année dernière pour la
Réunion et concernant mon service) et touche un public plus jeune, venu aux jeux par la mode du
Poker.
Au niveau national, on compte près de 34 000 personnes inscrites sur le fichiers des personnes
interdites. Tous les mois, à chaque remise à jour du fichier, environ 450 personnes sont ajoutées
et environ 340 font lever leur interdiction.
7 / PROBLEMATIQUE ET LIMITES DE LA MESURE D'INTERDICTION VOLONTAIRE
La principale contrainte de la démarche volontaire d'interdiction, une fois que la décision a été
prise (ce qui reste le pas le plus difficile à franchir), consiste à réussir à prendre un rendez-vous
auprès du correspondant Courses et Jeux.
Avant 2008 (réforme des services de renseignements suivie d'une forte déflation du nombre de
correspondants, passés de 190 à 60 au plan national), trois fonctionnaires de police concourraient
à cette mission à la Réunion.
Il n'y a plus qu'un seul correspondant Course et Jeux pour toute l'île, et sans suppléant de
surcroît... De plus ses tâches se sont élargies à d'autres domaines que celui des jeux.
Néanmoins, chaque casino dispose des coordonnées du correspondant Courses et Jeux, et même
de son portable professionnel qu'ils peuvent communiquer à tout demandeur.
De nombreuses personnes rechignent cependant à se déplacer dans un service de police pour
cette démarche. Alors quand il s'agit de venir à Saint-Denis, depuis l'autre bout de l'île...
Toutefois, lors de mes déplacements dans le casino du sud, je reçois sur rendez-vous à l'hôtel de
Police de Saint-Pierre.
Beaucoup de personnes pensent aussi, à tort, que cette démarche sera connue de leur
employeur, leur banque, l'administration fiscale...
En règle générale, les personnes qui viennent se faire interdire ont honte... mais partent toutes en
se disant soulagées!
Afin d'améliorer l'accès à cette procédure d'interdiction, il conviendrait sans aucun doute d'en
faciliter le formalisme, tout en conservant les même garanties; à savoir que cela doit demeurer une
démarche volontaire et que personne d'autre ne peut faire la démarche à votre place.
La simplification des démarches administratives, opérées dans le cadre de la réforme des services
de l'Etat, devrait permettre d'atteindre cet objectif.
La faculté de se faire interdire depuis son ordinateur à l'aide d'une simple connexion internet, avec
vérification d'identité, me paraît être tout à fait réalisable techniquement. On délivre bien des
certificats pour faire sa déclaration de revenus en ligne...
---Après près de cinq années passées à la Réunion et environ 400 personnes interdites par mes
soins, je revois depuis un ou deux ans des gens pour une seconde interdiction.
Il faut savoir que la procédure de levée d'interdiction ne nécessite pas obligatoirement de passer
par un correspondant. Une fois la durée initiale effectuée, toute personne peut demander la levée
de la mesure d'exclusion en écrivant directement à la D.L.P.A.J..
Il n'est donc pas toujours possible de faire passer un message de prévention auprès de ce public à
risque.
Très souvent, je dirais une fois sur deux, les personnes qui font lever leur interdiction se font réinterdire dans les 6 mois qui suivent une reprise de l'activité « ludique ».
Les propos qui reviennent le plus souvent : « C'est pire qu'avant, j'ai replongé deux fois plus vite et
plus fort ».
L'erreur la plus commune : Le sentiment d'être « guéri » et pire encore, l'impression d'avoir fait des
économies pendant la période d'abstinence forcée...
Laurent JAUNATRE – Capitaine de Police
Correspondant Courses et Jeux – Réunion