Approche analytique et état des lieux des questions relatives à la

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Approche analytique et état des lieux des questions relatives à la
ENSEIGNEMENT MILITAIRE SUPERIEUR DU PREMIER DEGRE
DIPLOME TECHNIQUE
Cycle de formation 2012
Approche analytique et état des lieux des questions relatives à la sécurité
des navires à passagers de grandes dimensions.
Mémoire présenté par
l'APAM Antoine MATTHYS
Session 2012
Sommaire
1 Les navires à passagers de grandes dimensions...........................................................................2
1.1 La notion de grande dimension............................................................................................. 2
1.1.1 Critères de la réglementation............................................................................................ 2
1.1.2 Les « grands transbordeurs » présentent-ils un profil de risques comparable à celui des
grands navires de croisière ?....................................................................................................... 3
1.1.3 L'évolution de la flotte et sa représentativité.................................................................... 4
1.2 Statistiques de l'accidentologie et des déficiences au regard de la flotte globale..............4
1.2.1 Statistiques des événements de mer concernant les navires à passagers. ........................5
1.2.2 Statistiques des déficiences relevées dans le cadre du Paris Mou (EMSA)......................6
2 Facteurs déterminants et problématiques de la gestion de la sécurité......................................7
2.1 La gestion des navires à passagers de grandes dimensions génère un risque propre.......7
2.1.1 La grande dimension est-elle un facteur aggravant des risques communs ? ....................7
2.1.2 La problématique de l'évacuation et du rassemblement des passagers............................. 8
2.1.3 La problématique de l'abandon......................................................................................... 9
2.2 Les difficultés relatives à l’élément humain........................................................................11
2.2.1 Les conditions de détermination des effectifs minimum de sécurité..............................11
2.2.2 Le niveau d'exigence des formations est-il adapté aux navires à passagers de grandes
dimensions ? Comment sont contrôlés les centres habilités à dispenser ces formations ?.......13
2.2.3 L'ISM : entre élément humain et facteur structurel. Les limites du contrôle des
systèmes.................................................................................................................................... 14
2.3 L’État Côtier et l’État du Port font partie intégrante de la gestion de la sécurité des
grands navires à passagers..........................................................................................................15
2.3.1 Les États côtiers peuvent-ils répondre seuls au besoin d'assistance et/ou de sauvetage
d'un événement de mer mettant en jeu plusieurs milliers de personnes ?.................................15
2.3.2 Les difficultés rencontrées par l’État du port ................................................................. 17
3 Éléments existants pour la maîtrise des risques et prospectives..............................................18
3.1 Rendre le navire plus sûr : les dispositions relatives à la conception des navires...........18
3.1.1 L'évolution réglementaire relative à la stabilité après avarie des navires à passagers....18
3.1.2 Le retour au port en toute sécurité...................................................................................19
3.2 Rendre l'équipage plus sûr : les dispositions relatives à l’élément humain.....................21
3.2.1 La formation au BRM permet de réduire le risque lié à l'erreur humaine......................21
3.2.2 Le contrôle de l'aptitude du personnel navigant n'intègre pas l'évaluation du profil
psychologique. Quelles dispositions existent dans d'autres disciplines ?.................................22
3.2.3 Certaines exigences propres à d'autres secteurs du transport maritime pourraient être
appliquées au transport de passagers.........................................................................................23
3.3 Les propositions transmises au 90ème Maritime Safety Committee. .............................24
3.3.1 Les mesures proposées par la CLIA à la commission dans le cadre du MSC 90...........24
3.3.2 Les propositions des États Membres de l'OMI formulées dans le cadre du MSC 90.....25
4 Annexes.......................................................................................................................................... 28
Glossaire des acronymes
CLIA
Cruise Lines International Association
COMSAR
Sub-committee on radiocommunicaions and search and rescue
ISL
Institute of Shipping economics & logistics
ISM
International Safety Management
MAIB
Marine Accident Investigation Branch
MES
Marine Evacuation System
MRO
Mass Rescue Operations
MSC
Maritime Safety Committee
OMI
Organisation Maritime Internationale
SAR
Search and Rescue
SOLAS
Safety of Life At Sea
STCW
Standards of Training, Certification and Watchkeeping for Seafarers
1
Introduction
L'encadrement de la sécurité du transport maritime est une préoccupation permanente des États
parties aux conventions de l'Organisation Maritime Internationale. De surcroît, la densification du
trafic et l'augmentation continue de la taille des navires renforcent les exigences en termes de
résultats. Cela est vrai à l’échelle du navire, de l'armateur, et de l’État du Pavillon, mais également à
celle des États côtiers et des États du port, parties prenantes de plus en plus investies dans la mise en
œuvre des politiques de sécurité maritime et dans l'inspection des navires. D'autre part, les
règlements des sociétés de classifications, qui constituent les premiers référentiels à avoir
conditionné le développement de la fiabilité des navires, occupent encore aujourd'hui une place de
premier rang. Ces sociétés bénéficient dans certains cas d'un pouvoir de puissance publique délégué
par l’État du pavillon.
Mais on constate aujourd'hui, malgré la prégnance de cet environnement réglementaire, deux
tendances opposées. D'une part la volonté d'une maîtrise de la sécurité des activités, ce qui est
l'objet des réglementations et des systèmes de management de la qualité, et plus particulièrement
celui de la gestion de la sécurité des navires, et d'autre part, l'exposition toujours plus grande à des
risques dont la gravité et l'impact rendraient l'occurrence inacceptable. Dans ce sens, la dimension
des grands navires à passagers illustre cette contradiction. Nous acceptons des ensembles dont les
dimensions excluent dans bien des cas toute possibilité de sauvetage, mais nous refusons à juste
titre le préjudice en matière de sauvegarde de la vie humaine et de protection de l'environnement.
Face à ce constat, quelles sont aujourd'hui les difficultés posées par la gestion de la sécurité des
grands navires à passagers ? Existe-t-il des voies d'amélioration possibles pour fiabiliser davantage
ce transport toujours en développement ?
Pour aborder ces questions, il convient de s' intéresser dans un premier temps aux navires euxmêmes, à leurs représentativités dans le trafic mondial, et de tenter d'identifier à partir
d’observations quels critères permettraient d'appréhender le type de risque représenté par ces
navires.
Au delà de cet aspect contextuel, il sera nécessaire dans un deuxième temps de décrire plus en
détail ce qu'est l'organisation de la sécurité à bord de ces navires et les difficultés matérielles et
organisationnelles que la grande dimension engendre. Dans le même sens, les éléments relatifs aux
facteurs humains qui occupent une place centrale dans la prévention des risques seront étudiés.
Comme évoqué en première partie d'introduction, les rôles des États Côtiers et des États du Port
dans la gestion de la sécurité et les difficultés qu'ils peuvent rencontrer seront également présentés.
Enfin, il sera nécessaire de s’intéresser aux solutions techniques et réglementaires développées
depuis quelques années pour accroître le niveau de sécurité de ces navires, et d'identifier quel axes
d’améliorations sont envisageables en matière de facteurs humains, en observant notamment les
pratiques réalisées dans d'autres secteurs. Cette partie présentera également les propositions émises
par l’industrie de la croisière et certains États membres de l'Organisation Maritime Internationale en
réponse aux derniers événements rencontrés.
2
1 Les navires à passagers de grandes dimensions
1.1 La notion de grande dimension
1.1.1 Critères de la réglementation
Le navire à passagers est défini par la convention SOLAS et désigne « tout navire qui transporte
plus de 12 passagers »1. Au delà de cette première définition, la convention définit plusieurs seuils
introduisant des prescriptions complémentaires aux règles générales. Ainsi, le chapitre II-I relatif à
la prévention de l'incendie introduit des exigences sur les matériaux, l'isolation incendie, et les
équipements nécessaires au delà de 36 passagers. De même, la règle 8 du chapitre II-1 relative à la
stabilité des navires à passagers définit les conditions et critères applicables aux navires dont la
capacité est supérieure à 36 ou 400 passagers. Il faut aussi préciser que les amendements de 2006
relatifs à la stabilité du navire après avarie2 intègrent le nombre de personnes dans le calcul de
l'indice de compartimentage requis (cf §3.1.1). Dans ce sens, bien qu'il ne soit pas explicitement
défini par un seuil, un nombre de passagers croissant engendre un degré de compartimentage, et
donc de sécurité, plus élevé. Il en est de même pour le paramètre de la longueur. Enfin,
indépendamment de la capacité, ce sont le type de navire (rouliers à passagers ou passagers
exclusivement), la durée et la nature des voyages qui déterminent les règles de construction et
d'équipement applicables. Il faut aussi noter que la réglementation française, par la division 190
relative à l'accessibilité, établit la notion de navires à passagers de « grande capacité » au delà de
400 passagers ou de 50 cabines.
Il n'y a donc pas, à l'heure actuelle, de définition explicite de la notion de « grands navires à
passagers » correspondante aux dimensions ou aux capacités d'emport aujourd'hui développées.
Dans ce sens, le Comité de la Sécurité Maritime (MSC) avait exprimé en 2002 lors de sa 75ème
session la nécessité de répondre à la définition des navires à passagers de grandes dimensions en
intégrant notamment les paramètres de longueur, jauge, nombre de personnes à bord, conception.
Cette définition ne semble donc pas avoir abouti à ce jour. On observera cependant que la jauge
moyenne des « plus grands » navires à passagers se situe autour de 115000 UMS, et qu'au delà de
80000 UMS, ces navires transportent au moins 2500 passagers.
Au delà de ces premiers éléments, l'OMI apporte un éclairage à cette définition au travers du
champ d'application des règles relatives au « retour au port en toute sécurité » (cf §3.1.2). L'objectif
de ces règles est de concevoir des navires capables d'un retour au port en toute sécurité à la suite
d'un incident dont la gravité est inférieure à un seuil prédéfini. Cette disposition confirme le concept
du navire comme meilleur abri et répond partiellement à la problématique de l'abandon,
difficilement maîtrisable sur les plus grands navires. Elle est applicable aux navires à passagers de
plus de 120 m construits après le 1er Juillet 2010. Elle définit donc implicitement une limite entre
les navires nécessitant une capacité de survie (les navires à passagers de plus de 120m) que l'on
pourra considérer comme grands navires, et les autres.
Aujourd'hui, on observe donc que les critères de dimensions sont prépondérants sur la capacité
d'emport du navire pour la détermination des règles de conception. Cela exclut partiellement la
problématique des navires à forte densité de personnes embarquées, notamment les transbordeurs à
passagers, qui présentent cependant des risques potentiellement plus élevés en matière de
sauvegarde de la vie humaine en mer.
1 Convention SOLAS, règle 2 du chapitre I
2 Amendements à la convention SOLAS adoptés le 08/12/2006 par la résolution 216(82)
3
1.1.2 Les « grands transbordeurs » présentent-ils un profil de risques comparable à celui des
grands navires de croisière ?
Une étude réalisée sur un échantillon de 35 grands navires de croisière montre que nous avons en
moyenne 1170 membres d'équipage pour 3470 passagers 3. Nous observons ainsi un ratio
d'encadrement moyen de 1 membre d'équipage pour 3 passagers. En comparaison, un échantillon de
5 navires rouliers effectuant du cabotage international compte en moyenne 146 membres d'équipage
pour 2500 passagers. Le ratio est ici de 1 membre d'équipage pour 17 à 18 passagers. Bien que la
totalité des membres d'équipage ne soit pas affectée au rôle d'appel, toute chose étant égale par
ailleurs, nous observons un taux d'encadrement potentiel 6 fois plus important sur navire de
croisière que sur transbordeurs. L'effectif des navires de croisière ne semble donc pas constituer un
facteur aggravant.
Mais au delà de ce premier ratio, il faut prendre en compte le volume des navires et l'impact de
ce paramètre sur le besoin en ressources pour le contrôle de la totalité des espaces passagers. Nous
conviendrons que plus le navire est grand, plus la ressource en personnel pour le contrôle des
espaces doit être importante, indépendamment du nombre de passagers embarqués. Ainsi, le ratio
« membre d' équipage / par unité de jauge » donne une image de la ressource disponible pour le
contrôle du volume physique du navire, et particulièrement celui des espaces passagers. A ce
niveau, et malgré la dimension importante de ces navires, le ratio moyen des navires de croisière est
2,8 fois plus élevé que celui des transbordeurs. Ici encore, l'avantage est donné aux grands navires
de croisière. A noter que si nous prenons en compte la totalité des personnes à bord (équipage et
passagers), la densité de population (par unité de volume) est 1,7 fois plus importante sur
transbordeurs que sur navires de croisières. Cette densité plus élevée augmente le facteur de risques
de panique en cas d'évacuation4.
Enfin, afin d' intégrer les 3 paramètres décrits plus haut (passagers, équipage, volume du navire)
dans un même indicateur, il est proposé de définir le ratio R = (membres d'équipage) / (nombre de
passagers) / (jauge) comme indicateur pertinent du « taux de disponibilité potentielle du personnel à
l'attention des passagers ». Dans ce cas, nous observons en moyenne un facteur 2 à l'avantage des
navires de croisière. Mais ce bénéfice est atténué sur les navires les plus grands (classe Oasis of the
Seas) qui présentent un ratio similaire à celui des grands transbordeurs.
Pour plus de pertinence, ces résultats seraient à pondérer en fonction de la configuration des
espaces et des cheminements d'évacuation qui font l’objet d'une validation par l’État du Pavillon 5,
de l'organisation du bord, du nombre réel de personnes affectées au contrôle de l'évacuation des
locaux, et du niveau de compétence de l’équipage dans les situations d'urgence. Cependant, ils
permettent de décrire une tendance du « potentiel d'encadrement » des passagers. Celui-ci est ainsi
plus développé sur navires de croisières que sur transbordeurs, ce qui engendre une difficulté
supplémentaire dans la gestion de la sécurité sur ce dernier type de navire. Il faut rappeler que le
seuil des 3000 passagers sur des traversées de plus de 12 heures est désormais franchi sur certains
transbordeurs (C/F « TANIT »/COTUNAV). Ainsi, à capacité égale et à zone de navigation
équivalente en termes de fréquentation et de disponibilité des moyens SAR, le profil de risque du
transbordeur est non seulement comparable à celui du grand navire à passagers, mais
potentiellement plus élevé. Il faut cependant rappeler que la conséquence du naufrage et de
l'évacuation non maîtrisée d'un navire de plus de 8500 personnes représente un niveau de risque
majeur.
3 Voir annexe 1
4 Le calcul est réalisé à partir de la jauge brute. Pour plus de précision, les volumes des ponts garages seraient à
extraire sur transbordeurs, ce qui aurait pour conséquences d'augmenter encore la densité sur ces navires.
5 MSC.1/Circ 1238 du 30/10/2007 - directives pour les analyses de l'évacuation des navires à passagers.
4
Réglementer les effectifs minimum par un ratio qui intègre le nombre de passagers et la jauge
permettrait de garantir une disponibilité minimum de l'équipage à l’attention des passagers. Cela
aurait également pour conséquence indirecte de limiter l'économie en ressources réalisée par l'effet
d’échelle et de fait, l’intérêt de la course au gigantisme.
1.1.3 L'évolution de la flotte et sa représentativité.
Au 01 Janvier 20126, l'ISL recense 293 navires de croisière pour une jauge totale de 16,6 millions
UMS. La jauge du navire moyen est ainsi de 56655 UMS. Mais selon Awa SAM-LEFEBVRE 7, elle
compterait 500 navires, dont 150 d'une capacité supérieure à 2000 passagers. Entre ces deux
données, la valeur de 150 navires de croisière d'une capacité supérieure à 2000 passagers semble
représentative. En termes de répartition par taille, toujours selon l'ISL, 50% des navires de
croisières ont une jauge supérieure à 50000 UMS et 30% supérieure à 80000 UMS. Les navires les
plus importants (plus de 100000 UMS) représentent 16% de la flotte.
En termes d'évolution, on observe entre 2000 et 2012, tous navires à passagers confondus, un
accroissement de la jauge moyenne de 42,4 % pour une augmentation en nombre de 20,9 %. Plus
spécifiquement sur le secteur passagers hors navires rouliers, on observe entre 2008 et 2012 une
augmentation en nombre de 0,1 % alors que l'augmentation en jauge totale atteint 5,5 %. Cette
croissance de la jauge prépondérante sur celle du nombre confirme l'accroissement globale de la
taille des navires. Le pic de cette tendance, sur la période 2008-2012, est observé entre 2010 et
2011. Enfin, il est intéressant d'observer que 16 navires sur 24 en commande au 01 Janvier 2012 ont
une jauge supérieure à 100000 UMS. Cela confirme la tendance au gigantisme, malgré une
saturation partielle8 par ces géants de mer des « espaces d'exploitation » de la croisière, en
particulier de la zone caraïbes qui concentre 70% du volume de croisière.
Si l'on compare au volume de la flotte mondiale, tous navires confondus, qui représente au
01/01/2012 une jauge de 978 millions UMS pour 48 197 unités, le secteur de la croisière (autres
navires à passagers exclus) ne représente que 1,7% de la flotte en jauge et 0,6 % en nombre. On
peut noter également que la prépondérance de l'accroissement de la taille sur celle du nombre est
encore plus vraie au niveau global puisque la jauge moyenne mondiale a augmenté de 51,9% entre
2000 et 2012 pour une variation en nombre de 23,4 %.
A ce jour, les plus grands navires construits sont l'Adventure of the Seas et l'Oasis of the Seas de la
Royale Caribbean Cruises Line jaugeant plus de 220000 UMS avec 8460 9 personnes autorisées à
bord.
1.2 Statistiques de l'accidentologie et des déficiences au regard de la flotte globale
Le but était ici d' identifier l’accidentologie et les déficiences propres au segment de la flotte des
navires à passagers de jauge brute supérieure à 50000 UMS (jauge moyenne à 56000 UMS). Ces
éléments auraient pu être utilisés comme indicateurs des difficultés rencontrées. Mais malgré le
concours de plusieurs bureaux d’enquêtes après accident 10et les données disponibles auprès de la
CLIA, il n'a pas été possible de réunir toute l'information attendue. Les résultats observés ici
concernent donc davantage la flotte à passagers dans son ensemble, en ciblant les plus grands
navires lorsque l' information était connue.
6 Institue of Shipping economics and Logistics / Merchant fleet data bases ; aggregates based on quarterly updates
from IHS Fairplay. Cette source est réputée référence internationale en matière de statistiques maritime.
7 DMF n°735 d'avril 2012 / Awa SAM-LEFEBVRE.
8 Maxime LEGHATE,« Le gigantisme des navires à passagers s'oppose-t-il à la conception et à la gestion de
l'évacuation », p 8.
9 Source CLIA
10 Maritime Analysis ans Investigation Branch (MAIB / UK) ; Bureau de la Sécurité des Transports (Canada)
5
1.2.1 Statistiques des événements de mer concernant les navires à passagers.
L'OMI a développé une base de données publique11 qui couvre quinze domaines, dont celui du
suivi des accidents et événements de mer12. Cette base de données a fait l'objet de critiques13 suite à
l' événement du Costa Concordia. Celle-ci a été qualifiée d’incomplète, en particulier sur la
disponibilité des rapports d’enquêtes après accident. Elle constitue cependant la seule base
institutionnelle internationale. La circulaire commune MSC-MEPC.3/Circ.3 définit les notions et
éléments à intégrer dans les rapports d’enquête, dont les quatre niveaux utilisés pour qualifier les
événements : Accidents très graves ; Accidents graves ; Accidents moins graves ; Incidents. Il est
regrettable qu'il n'y ait pas, à ce niveau, un travail de synthèse des événements de mer par type de
navire et par causes déterminantes.
Les données transmises par le Bureau de la Sécurité des transports du Canada (annexe n°4)
permettent d'identifier l'accidentologie des navires à passagers de plus de 500 UMS sous pavillon
Canadien entre 2000 et 2012. Les résultats mettent en évidence, par ordre décroissant, les éléments
suivants : heurts violents14 (30,4%) , incendie-explosion (12,7%), échouement (10,1%), abordage
(6,3%). En termes d'incidents, les situations rapprochées représentent 43,1% des événements, et
24,2% des cas sont liés aux installations de machines. Mais ces éléments ne permettent pas de
différencier les navires les plus grands.
Dans ce sens, les données recueillies auprès du MAIB ont permis de cibler les événements
relatifs aux navires de plus de 30000 UMS sous pavillon Royaume Uni (annexe 5). Sur ce segment
de flotte, tous types de navires confondus, les défauts machines et les incendies ont représenté la
majorité des accidents recensés entre 2001 et 2011 (respectivement 22% et 16%). Bien qu'elle ait
diminué de 2001 à 2011, il faut noter que la représentativité de ces domaines est encore plus
importante sur les navires à passagers (25% de défauts machines et 21% d'incendies). Enfin, la
collision (16%) et le contact (9%) représentent les 3ème et 4éme cas les plus représentés sur la
flotte globale, tandis que le risque de personne à la mer constitue le 3ème cas d'accident le plus
fréquent sur navires à passagers (19%).
Le MAIB a également transmis un recensement des facteurs déterminants mis en cause dans les
accidents survenus entre 1991 et 2005 sur les navires rouliers à passagers, toutes jauges confondues
(annexe n°5). Parmi les facteurs rapportés à la rubrique sécurité, seulement 20% des événements
sont liés à un défaut matériel, tandis que les défauts de management (communication-organisationgestion de la sécurité - entraînement) concentrent 78% des cas. Cela met en perspective la part du
facteur humain pour cette rubrique. Ces données nous indiquent par ailleurs que 7 échouements sur
11 sont causés par un défaut de procédure passerelle (consignes inadaptées ou non respect des
consignes), et que seulement 3 sont rapportés à un défaut machine. Enfin, 45 % des incendies ou
explosions machines ont pour origine un défaut électrique. Ce point est à souligner si l'on considère
le nombre d'installations électriques installées à bord des grands navires à passagers. Sur la même
période, on peut relever que le défaut de perception du risque, le défaut de compétence (formationsavoir-entrainement), et le défaut de décision, arrivent en tête des facteurs attribués à l’élément
humain (facteurs secondaires). Pour l'année 2004 uniquement, tous navires confondus, le facteur
humain a été identifié dans 84% des faits analysés en tant que facteur secondaire contre 78% sur
navires à passagers. Les défauts de management et de procédures passerelle représentent 50% des
11 GISIS : Global Integrated Shipping Information System
12 La règle 21 chapitre I de la convention SOLAS rend obligatoire pour les États parties l'analyse des accidents et
événements de mer et la transmission du résultat de l'enquête à l' OMI.
13 Critique de la CLIA lors du 90ème MSC / Voir § 3.3.1
14 La notion de « heurt » est définie par le BST : « toucher rudement un objet stationnaire ou un navire ne faisant pas
route (striking) ». Ce type d'accident se différencie de l'abordage qui engage deux navires faisant routes.
6
facteurs déterminants. Ces derniers éléments relatifs aux facteurs déterminants ne permettent
cependant pas d'extraire les valeurs qui concerneraient les navires de plus de 50000 UMS.
Enfin, on notera que 28 incidents mortels sont survenus en cours de croisière entre 2002 et
201115.
1.2.2 Statistiques des déficiences relevées dans le cadre du Paris Mou (EMSA).
En 2011, 15268 navires ont été inspectés par l’État du Port au titre du Mémorandum de Paris et
en application du « Nouveau Régime d'Inspection » mis en œuvre par l'Agence Européenne de
Sécurité Maritime. Ces inspections (19058) ont permis de relever 51146 déficiences donnant lieu à
688 détentions16. Les navires à passagers (273 ; rouliers exclus) représentent 4,42 % de ces
détentions, ce qui est supérieur au taux moyen de 3,61 %, et en augmentation par rapport aux deux
années précédentes (1,6% en 2009 ; 1,58% en 2010). Par contre, les navires rouliers représentent
seulement 1,7% des détentions pour 322 navires inspectés.
Pour les navires à passagers, ce résultat peut être interprété d'au moins deux façons distinctes.
Soit ces navires font l'objet d'une attention plus importante de la part des équipes d'inspection et la
« tolérance » admise par le jugement professionnel des Port State Control Officer en est plus
réduite, ce qui favorise une augmentation du nombre de déficiences relevées. Soit il faut admettre
que l'état des navires à passagers laisse apparaître de manière absolue plus de déficiences sujettes à
détention, ce qui traduirait un niveau de sécurité inférieur à celui de la flotte globale. Aucune des
deux hypothèses n'est privilégiée ici. Cependant, il faut noter que les résultats des taux de détention
de la flotte rouliers à passagers (1,70%) ainsi que ceux de la flotte des navires rapides (1,32%) sont
inférieurs au taux moyen. Or ces derniers navires bénéficient d'une fréquence et d'un référentiel
d'inspection plus élevés que les navires à passagers classiques, grâce aux mesures imposées par la
directive 1999/35/CE du Conseil de l'Union Européenne relative à un système de visites
obligatoires pour ces navires. De fait, il semblerait que ces résultats confirment le bénéfice de cette
mesure sur le niveau de sécurité. A contrario, les navires classiques souffriraient d'un degré de
contrôle et de suivi inférieur, qui se traduirait par une augmentation significative des déficiences et
des détentions. Cette observation validerait l’hypothèse d'un niveau de sécurité inférieur des navires
à passagers, hors navires rouliers et navires rapides.
Sur la nature des déficiences relevées, on observe que les domaines sécurité incendie, sécurité de
la navigation, conditions de travail, concentrent plus de 35% des déficiences, tous navires
confondus. D'autre part, la déficience ISM est la plus souvent relevée. Il faut rappeler que celle-ci
accompagne toujours une ou plusieurs autres déficiences démontrant un défaut dans la gestion de la
sécurité.
Sur les navires à passagers, quelque soit la jauge, la catégorie des déficiences relatives à la sécurité
incendie est la plus représentée (cf annexe 6). Pour les autres domaines, on observe une divergence
de répartition au delà de 40000 UMS. Il faut noter en effet que les déficiences relatives aux
conditions de vie et de travail ainsi qu'aux installations machines occupent les 2ème et 3ème poste
sur ces navires, alors qu'elles constituent les 5ème et 7ème taux sur la flotte inférieure à 40000
UMS. Pour ces derniers, ce sont les non conformités relatives aux certificats et aux systèmes de
sauvetages qui occupent les 2ème et 3ème postes. Pour les navires de plus 40000 UMS, on observe
ainsi une corrélation entre les déficiences observées au niveau du mémorandum de Paris et
l'accidentologie relevée par la MAIB sur les domaines sécurité incendie et machines (cf § 1.2.1).
A terme, il serait utile que les domaines de déficiences utilisés par l'EMSA et ceux utilisés par
l'OMI pour la qualification des incidents et événements de mer soient harmonisés. La création d'un
15 Source CLIA / Philippe BOISSON dans DMF n° 735.
16 Port State Control Paris Mou / Annual Report 2011.
7
référentiel commun permettrait une lecture plus directe des relations entre déficiences et nature des
événements de mer, et ainsi une identification plus efficace des axes de recherche et de
développement à privilégier en matière de sécurité maritime.
2 Facteurs déterminants et problématiques de la gestion de la sécurité.
2.1 La gestion des navires à passagers de grandes dimensions génère un risque propre
2.1.1 La grande dimension est-elle un facteur aggravant des risques communs ?
Il faut du temps pour connaître un navire, et ce, quelque soit la fonction embarquée. Cette
connaissance de l’environnement et des installations dont l'officier ou le marin a la charge est un
facteur de réussite dans le traitement de la réponse à apporter face à une situation d'urgence. A ce
niveau de dimension, cette connaissance « intime » du navire est plus difficile à acquérir. Le
capitaine n'est pas exclu face à cette difficulté. A cette gestion de la dimension physique du navire,
il convient d’intégrer aussi la gestion d'une ressource constituée de 1800 collaborateurs. Dans ces
conditions, le Capitaine ne peut décider qu'avec le retour d'informations de ses officiers et chefs de
service. La notion de management est ici indispensable pour la bonne gestion d'un ensemble aussi
important. En situation de crise, la remontée d'information est matériellement plus longue que sur
les navires de tailles plus modestes, car les informations et ses vecteurs sont plus nombreux. D'autre
part, le caractère exceptionnel de la grande dimension du navire peut favoriser une forme
d’isolement du milieu marin et de ses dangers, et accroître le déni ou le manque de perception du
risque17. Ces éléments peuvent favoriser un temps de « prise de conscience » plus long dans la prise
de décision. L’événement du Costa Concordia semble en partie révéler cette difficulté.
Pour les passagers, il est encore plus difficile de se situer dans un espace aussi important. Face à
un environnement ou une situation nouvelle, l'individu connaît trois états d'attention avant de
pouvoir agir efficacement. Il est d'abord centré sur lui-même, ensuite sur l'environnement avec
lequel il est directement en contact (le navire-le support), et enfin sur l'environnement plus large et
la situation qui évolue autour de lui. Ainsi, plus l'environnement direct est complexe à percevoir,
plus l'action d'une évolution adaptée sera difficile. Concernant la gestion de la foule, le risque de
survenance du phénomène de panique est également augmenté avec le nombre d'individus. Il faut
relever que sur les navires de la classe « Freedom », les zones de rassemblement comptent plusieurs
centaines de personnes.
A ce niveau d'effectif, l'affectation des marins au rôle d'appel 18 et la prise en main de la fonction
sécurité sont également rendues plus difficiles. Lors des relèves d'équipages qui peuvent concerner
plusieurs centaines de personnes, il est nécessaire que chaque nouvel embarquant soit familiarisé à
son « rôle » sécurité avant le départ et formé dans les 24 heures 19. Si les fonctions d'encadrement
sont suivies d'un embarquement sur l'autre, le personnel hôtelier connait des changements de poste
de travail et de fonction sécurité fréquents. D'autre part, le turnover est important pour cette
catégorie de personnel souvent impliquée dans le contrôle de l'évacuation des secteurs passagers.
Ces conditions créent des ruptures de charge dans la permanence du rôle et pénalisent
l'appropriation par le marin de sa fonction sécurité. D'autre part, l'équipage est fréquemment
17 JP CLOSTERMMAN – La conduite du navire marchand. Facteur humain dans un système à risques.
18 Le rôle d'appel est défini à la règle 37 du chapitre 3 de la convention SOLAS. Ce document centralise les
« fonctions sécurité » des membres d'équipages dans l'organisation de la lutte contre les sinistres et doit être affiché
dans plusieurs locaux stratégiques ( passerelle, salle de contrôle, locaux équipage) afin que tout membre à bord
puisse y avoir un accès rapide.
19 Les règle 19 et 30 du chapitre III définissent la périodicité et le délai des formations de l'équipage et des passagers.
8
constitué d'au moins 40 nationalités sur les plus grands navires, et peut en compter jusqu'à 70,
passagers inclus20. L’exigence d'une langue de travail commune et comprise par chaque marin, telle
que la définit la règle 14.3 du chapitre V de la convention SOLAS, devient dès lors difficile à
atteindre malgré les formations réalisées par les compagnies dans ce sens, et s'avère peut-être même
irréalisable. Cette difficulté, qui induit une perte d'information, prend une dimension encore plus
pénalisante dans le cadre des formations à la sécurité, tant pour l'équipage formé que pour les
formateurs.
Enfin, l'augmentation du nombre d'installations augmente le potentiel d'occurrences d'incidents.
De plus, nous avons vu précédemment que les incendies ou explosions machines ont souvent pour
origine une défaillance électrique, qui est la qualité première des installations des navires à
passagers. Cependant, et contrairement à d'autres types de navires, les effectifs et les qualifications
du personnel machine semblent adaptées à ce niveau d'équipement, et il n'y a a priori pas de raison
de craindre d’augmentation spécifique du risque lié à un défaut de maintenance. D'autre part, sur les
navires à passagers, les installations de surveillance (détection incendie) sont plus nombreuses et les
exigences en matière d'isolation incendie plus élevées. Nous verrons également plus loin que la
réglementation « Safe Return to Port » apporte un degré de sécurisation encore plus élevé sur les
navires les plus grands.
Ainsi, les grands navires à passagers offrent un niveau de conception et d'équipement favorisant
une sécurisation élevée. C'est davantage dans la gestion des ensembles techniques plus nombreux et
la nécessité d'une coordination exemplaire que la grande dimension constitue une difficulté
supplémentaire. Enfin, à cette échelle, ce sont aussi les conséquences d'un événement non maîtrisé
plutôt que sa probabilité d’occurrence qu'il faut appréhender comme un risque supplémentaire.
2.1.2 La problématique de l'évacuation et du rassemblement des passagers
La phase d'évacuation consiste à diriger et à regrouper les passagers vers les zones de
rassemblement, zones d'attente et de préparation à un éventuel abandon. L'abandon est le fait
d'utiliser les moyens de sauvetage afin de quitter le navire lorsque celui-ci représente un danger
irréversible pour les personnes à bord. La problématique de l'évacuation s'articule d'une part autour
de la configuration des cheminements prévus, et d'autre part de l'organisation du bord dans cette
phase d' « alarme générale » et de contrôle des locaux.
La circulaire MSC.1/Circ.1238 du 30 octobre 2007 présente les directives pour la conception des
cheminements d'évacuation. La méthode proposée est déterministe. On considère quatre cas
différents en fonction de l'occupation du navire (de jour, de nuit, tout cheminement disponible, avec
une tranche principale incendie indisponible). L'acceptabilité de la configuration est basée sur le
critère du temps total d'évacuation, qui comprend les phases d'alarme générale, de rassemblement,
et d'embarquement à bord des engins de sauvetage. Pour être acceptable, la durée totale
d'évacuation doit être inférieure à 60 minutes sur car-ferries, et à 80 minutes sur les navires à
passagers comportant au moins 4 tranches principales incendie, ce qui est le cas de tous les grands
navires à passagers. Ces délais sont adaptés aux cas d'évacuations les plus simples, dont la nature du
sinistre laisse suffisamment de temps pour le rassemblement des personnes. Mais l'actualité nous
rappelle encore que ces navires peuvent sombrer dans des délais nettement inférieurs 21.
Ces calculs sont établis à partir de modèles de flux réalisés pour la construction des grands
bâtiments terrestres. Pour prendre en compte les mouvements de roulis ou les fumées du navire, un
20 Note du secrétaire général du Comité de la Sécurité Maritime de l'OMI lors de la 90ème assemblée (MSC 90/27).
21 Collision le 26 septembre 2012 en Indonésie (détroit de Sunda) entre un transbordeur à passagers et un navire gazier.
Le navire à passagers a sombré en 20 minutes (le marin / 28 Septembre 2012).
9
coefficient de sécurité est appliqué. Mais il n'y a pas de validation du résultat de ces calculs par une
expérience, contrairement aux navires à grande vitesse qui font l'objet d'un contrôle dans ce sens.
Bien que les modèles de simulation soient validés au niveau de l'OMI, peut-on se passer d'un test
pour appréhender la justesse de la prévision ? De même que l'on confirme la stabilité prévisionnelle
du navire par une expérience, le résultat du calcul prévisionnel de la durée totale d’évacuation
(Total Evacuation Time) devrait être contrôlé au neuvage de la tête de série, au moins pour la
tranche principale identifiée la plus grande et/ou la plus longue à évacuer. Ce résultat devrait être
intégré au certificat de sécurité pour l'utiliser en référence en situation d'exercice.
Il faut aussi prendre en compte le besoin en personnel pour l'encadrement de l'évacuation. Cette
phase du rôle d'appel est utilisée par le capitaine dès lors qu'il y a un risque potentiel ou existant
pour l'ensemble des personnes à bord. En termes de ressources, elle est la plus exigeante des
situations d'urgences22. Elle est réalisée par des équipes désignées qui contrôlent l’évacuation
effective d'un secteur et rendent compte à un responsable de zone, généralement positionné sur un
axe stratégique du flux. Lorsque le responsable de zone a reçu la totalité des accusés de réception de
ses contrôleurs, il rend compte au directeur du service Hôtellerie (Hôtel Manager). Ce dernier
informe le capitaine une fois l'ensemble des secteurs évacués. Par la suite, les passagers se
retrouvent au niveau des « zones de rassemblement » encadrés par du personnel de bord. La
distribution des brassières a lieu à ce niveau. Il faut noter que l’Hôtel Manager est souvent le seul de
son service a être formé à la gestion de crises 23 alors que cette difficulté concerne tous les
responsables de zone.
D'autre part, lorsque des individus de langues et de cultures différentes se trouvent en situation
de stress, la langue commune ou de travail peut devenir une gêne si elle n'est pas la langue
maternelle. Or, comme cela a été dit précédemment, la multiplicité des nationalités à bord des
grands navires de croisières est le fait normal de ces exploitations. Elle en est même une des
conditions d'existence.
Le rassemblement des passagers est annoncé par le signal d'alarme générale 24. Il faut souligner
l'importance de cette phase préparatoire : utilisée dans les temps, ou en prévention, elle permet de
gérer l'évacuation avec un calme relatif de l'équipage qui aura été informé préalablement de
l’objectif de cette décision. Annoncée trop tardivement, la gestion de la foule n'est plus maîtrisée.
Ce point a de toute évidence fait défaut dans la gestion de l'évacuation et de l'abandon du Costa
Concordia.
2.1.3 La problématique de l'abandon
L'abandon répond au besoin de sauvetage lorsque le navire représente par lui-même un danger
pour les personnes à bord. Cette solution de dernier recours doit pouvoir être envisagée par tout
capitaine et membre d'équipage. Sur les navires à passagers, la préparation et la formation continue
à cette situation d'urgence constituent le seul moyen d'obtenir un niveau de maîtrise acceptable en
situation réelle. Dans ce sens, et au même titre que les exercices de lutte contre l'incendie, une
action de formation à l'emploi des moyens de sauvetage et à l’abandon doit être réalisée chaque
semaine. D'autre part il est recommandé que cette fréquence soit ajustée au rythme des mouvements
du personnel embarqué afin que chaque membre d'équipage ait la connaissance suffisante de l'
installation eu égard à sa fonction.
22 A bord de « Independence of The Seas », 1128 marins sur 1350 sont affectés à une fonction sécurité, dont 796 en
charge de l'évacuation des locaux passagers. 11 équipes sont constitués pour le contrôle de l'évacuation.
23 Code STCW / Section A-V/2 / § 3
24 SOLAS Chapitre III règle 37 et Code LSA section 7.2. nb : le signal d’alarme générale est le seul à être défini.
10
Cependant, le MAIB a réalisé en 2001 une étude sur les accidents liés à l'emploi des
embarcations de sauvetage durant les exercices de formation25. Ils ont représenté 16% des causes de
décès chez les marins professionnels, tous types de navires confondus, sur la période 1991-2001.
Un des points les plus critiques a été le déclenchement intempestif ou non maitrisé des systèmes de
largage. Ce constat sans équivoque a été reconnu dés 2002 par l'OMI lors de la 75ème session du
comité de la sécurité maritime. En 2006, puis en 2009, des mesures visant à prévenir les accidents
mettant en cause des embarcations de sauvetage ont été développées 26. Ces dispositions décrivent
autant les méthodes et principes à observer pour l'entretien des engins, que leurs emplois en
situation d' entraînement.
Aujourd'hui, il est recommandé de réaliser ces exercices avec le personnel d'armement à bord,
sécurisé par un dispositif anti-chute. Mais cette disposition ne fait pas l'unanimité, et le maniement
de ces engins suscite encore de la réticence. Cela constitue un frein à la valeur ajoutée de la
formation. D'autre part, la diversité des équipements complique toujours l'acquisition des savoirs
faire. Il faut cependant noter que les systèmes de mise à l'eau développés aujourd'hui sur les grands
navires à passagers sont plus simples et le risque mécanique est plus limité (nombre de mouvements
réduit), ce qui devrait favoriser une meilleure appropriation de ces installations par les opérateurs de
premiers rangs.
Sur la composition des moyens collectifs, les navires réalisant des voyages internationaux
doivent disposer d'un nombre d'embarcations permettant d’accueillir, de chaque bord, au moins 50
% du nombre maximum de personnes embarquées (100% en tout avec les 2 bords). L'administration
du pavillon peut cependant accepter que cette capacité soit réduite à 37,5% si un complément en
radeaux de sauvetages est prévu pour respecter la capacité minimum de 50% de chaque bord. Enfin,
au delà des 100% requis en embarcation et radeaux complémentaires, 25% de radeaux
supplémentaires doivent être installés. La capacité totale de la drome est donc de 125 % de N (N :
nombre maximum de personnes autorisées à bord).
A titre d'exemple, le paquebot « Independence of the seas » dispose de 30 embarcations de 150
places. L'embarquement des 4500 passagers et personnel d'armement à bord des embarcations, ainsi
que leurs mises à l'eau, doivent être réalisés en moins de 30' à partir du signal d'abandon 27.
Préalablement, chaque embarcation doit avoir été préparée en moins de 5' par 2 membres
d'équipage28. La Circulaire 1206 rappelle que ces objectifs de délais doivent rester un objectif
secondaire en situation d'exercice. En termes d'effectif, la règle 10 du chapitre III de la convention
SOLAS exige à minima 1 officier ou 1 marin breveté par embarcation et 1 personne capable de
mettre en œuvre le moteur. De ce point de vue, le règlement Français est plus exigeant et prévoit 2
marins brevetés à partir de 90 personnes à bord. Ces installations doivent pouvoir être déployées
avec une gite de 20° et une assiette de 10°.
Une question de fond se pose : pourquoi est-on moins exigeant sur la drome de sauvetage d'un
navire à passagers (125% de N) que sur celle d'un navire de charge (200% de N) ? Cette exigence
est également supérieure sur les navires à passagers de moins de 500 UMS 29. Soit l'on considère que
le navire de charge est moins sûr, notamment du fait d'un compartimentage et d'un franc-bord plus
réduits, soit parce que le préjudice d'une réduction des espaces commerciaux au profit d'installations
de sauvetage n'est pas acceptable sur les navires de croisière. Et pourtant, à partir de quelques
degrés de gite, les passagers vont naturellement « monter » le long du pont en cas d'évacuation et
25
26
27
28
29
Safety Study 1/2001 – Review of Lifeboat and Launching Systems' Accidents - MAIB
MSC.1/Circ.1206/Rev.1 du 11 juin 2009.
SOLAS Règle 21 § 1.3 Chapitre III.
SOLAS Règle 13 § 1.3 Chapitre III.
SOLAS Règle 21 § 1.4 Chapitre III : les navires de moins de 500 UMS transportant moins de 200 personnes doivent
avoir une drome à 150 % de N.
11
d'abandon, et le bord situé du coté de la gite sera rapidement déserté. Dans une certaine mesure, les
statistiques d'accidentologie donnent raison à cet écart entre navires à passagers et navires de
charges. Mais si l'on considère encore une fois le risque représenté par l'indisponibilité d'un bord en
phase d'abandon, plutôt que sa seule probabilité d’occurrence, le principe de précaution ferait tendre
vers une capacité de sauvetage de 100% de N de chaque bord.
D'autre part, certains grands navires à passagers bénéficient d'une dérogation 30 à la règle 24 du
chapitre III de la convention SOLAS qui impose une hauteur maximum de 15 m entre la partie
supérieure du bossoir et la surface du plan d'eau lorsque l'engin est au poste d'embarquement. Cette
dérogation semble être en contradiction avec le point 2 de la règle 13 qui recommande que les
engins soient « aussi près que possible de la surface de l'eau ». La condition de durée de mise à l'eau
est toujours respectée grâce à l'augmentation de la vitesse de descente. Mais, en cas de roulis, le
calcul montre qu'un allongement du « pendule » que représente l'embarcation suspendue peut
rapidement faire évoluer sa vitesse d'impact contre le bordé au delà du critère retenu par le code
LSA (3,5 m/s). Dans ces conditions la résistance aux chocs de l'engin est remise en cause, en
particulier avec un plein chargement.
Du point de vue de la récupération des naufragés, il faut noter que les dispositifs de mise à l'eau
doivent permettre la récupération des moyens à bord 31. Parmi les différents types de moyens de
sauvetage, il faut considérer avec beaucoup d'attention les « Means of Escape System » obligatoires
sur les navires rouliers à passagers. Pour certains d'entre eux, en particulier les systèmes à
toboggans, ils répondent aux critères attendus pour « l'évacuation » mais présentent également des
qualités adaptées à la récupération de naufragés. De surcroît, leur souplesse assure un déploiement
plus aisé dans des conditions de mer ou de gîte défavorables.
Typiquement, dans le cas du Costa Concordia, cet équipement aurait été plus adapté à l’évacuation
des passagers que les embarcations. Ils sont cependant associés à des radeaux qui n'offrent pas la
même protection que les embarcations. Une solution intermédiaire constituée par bord, d'une
capacité d'emport de 50% par toboggans et de 50% par embarcation permettrait d'augmenter le
potentiel opérationnel des équipements collectifs. Enfin, certaines dispositions propres aux rouliers
à passagers, tel que l'équipement de « Search and Rescue Transpondeurs » sur les radeaux, à raison
de 1 transpondeur pour 4 radeaux, devraient être étendues à tous les navires à passagers.
2.2 Les difficultés relatives à l’élément humain
2.2.1 Les conditions de détermination des effectifs minimum de sécurité
La notion d'effectif minimum est essentielle à la gestion de la sécurité à bord des navires. Elle a
été présente dans la Convention SOLAS dès 1960 par la règle 13 du chapitre V. Elle a constitué,
avant la convention STCW32 et avant l'ISM, le premier élément à formaliser des objectifs de
résultats dans l'encadrement en matière de sécurité. Plus récemment, les recommandations qui
encadrent ce concept ont successivement été définies par les résolutions A.481, A.890 et A.
1047(27) adoptée le 30 novembre 2011. La dernière évolution intègre une annexe dédiée aux
responsabilités respectives des compagnies et des administrations. En plus du critère du nombre, les
critères de qualification requis dans les effectifs minimum sont ceux développés par la convention
relative aux normes de formation et de qualification des gens de mer (convention STCW).
L'objectif est annoncé dans l'annexe 1 de la résolution A.1047 : « Les présentes Directives ont
pour objet de veiller à ce qu'un navire soit doté d'effectifs suffisants en nombre et en qualité pour
30 Queen Mary 2 et autres grands navires. Accord de principe également donné au projet de Ferry de la BAI.
31 SOLAS Règles 16 et 26§4 du Chapitre III.
32 Convention STCW : Standard of Training and Certification for Watchkeeping for seafarers.
12
garantir la sécurité et la sûreté du navire, la sécurité de la navigation et des opérations en mer et la
sécurité des opérations au port... » Les considérants rappellent que cet objectif concerne la sécurité
du navire, mais aussi celle de l'équipage, des passagers, de la cargaison, et la protection du milieu
marin. Ils rappellent également que l'aptitude des gens de mer à observer ces prescriptions renvoie
aux conditions de formation mais également aux conditions de travail et de vie à bord (heures de
repos, sécurité et hygiène au travail, alimentation saine..). Ces éléments mettent en perspective
l'importance du facteur humain.
Cette résolution indique que la spécificité des installations nécessite une formation continue pour
l'aptitude à leurs utilisations (annexe 1 §3.2). Ce point est particulièrement intéressant si l'on
considère la diversité des embarcations de sauvetage et des systèmes de mise à l'eau pour lesquelles
la seule qualification BAEERS33 est aujourd'hui requise mais semble insuffisante. Or, on constate
parfois sur navires à passagers 34 que la priorité du bord est d'affecter un marin qualifié, sans valider
un niveau de compétences réel sur l'emploi du matériel du bord et les risques liés à son utilisation.
L'annexe 2 présente les critères utilisés pour la détermination des effectifs. Parmi les 12 facteurs
pertinents, il est intéressant de relever que le nombre de personnes transportées n'apparaît pas. Par
contre, les zones d'exploitation auxquelles se livre le navire et le « degré d'assistance que peut offrir
la compagnie » sont intégrés. Ces facteurs ne sont pas neutres dans le cas des navires à passagers
exerçant dans les eaux peu fréquentées. Le facteur passagers est cependant pris en compte à
l'annexe 3 relative aux responsabilités respectives, et plus particulièrement à celles des compagnies
sur l'effectif à prévoir pour l'encadrement des passagers en situation d’urgence, y compris
l’évacuation. Cette résolution recommande également un effectif d'officiers suffisant pour que le
commandant et le chef mécanicien ne soient pas intégrés de manière régulière aux bordés de quart
(A2 / § 1.3.2 et 1.3.3). Ce principe est renforcé par le § 2.7 de l'annexe 3.
Cette condition, ajoutée à l'exigence de la règle 16 du chapitre IV de la convention SOLAS d'avoir
un officier dédié aux communications sur navire à passagers, permet de garantir la disponibilité du
commandant et d'un officier « radio » en situations d'urgences, prérequis essentiels à la gestion
d'une situation de crise. On note également au point 4 des considérants que le pouvoir de l’État du
port est très limité sur le contrôle des effectifs : celui-ci doit considérer les effectifs satisfaisants à
partir du moment où ils sont conformes au document émis par l’État du pavillon (cf § 2.3.2) .
L'annexe 3 rappelle la responsabilité de la compagnie dans sa tâche d'évaluation et de
présentation des effectifs minimum à l'administration. Cette obligation est également indiquée au
chapitre VI du code ISM. La responsabilité de l'administration est également indiquée au § 2.4. Elle
« ne devrait approuver » le document qu’après vérification de sa cohérence avec les dispositions
applicables en matière d'effectifs de sécurité et de durée du temps de travail. La validation des
effectifs requis, tant pour la gestion des situations d'urgences, que pour la maintenance, la conduite,
et le respect de la durée du temps de travail, nécessite une véritable expertise de la part de
l'administration. En dehors de l'aspect sécurité, cela suppose d’évaluer la conformité de
l'organisation du travail, y compris sur un navire comptant 1800 membres d'équipage.
En France, l’administration attribue cette responsabilité à l’échelon des directions départementales.
En Italie, elle est située au niveau des capitaineries. Il n'est pas évident que dans le cas des navires
les plus grands, cette évaluation soit réalisée dans sa totalité par les services aujourd'hui désignés.
Une centralisation des compétences au niveau d'une « commission nationale/centrale compétente »
permettrait une appréciation plus uniforme et plus complète du sujet. Parallèlement à cette
exigence, il faut également s'intéresser à l'évaluation des centres de formation qui délivrent les
certificats de compétence inscrits au Minimum Safe Maning.
33 Brevet d'Aptitude à l'Exploitation des Engins et Radeaux de Sauvetage
34 Situation observée lors d'inspection PSC sur navires transbordeurs à passagers.
13
2.2.2 Le niveau d'exigence des formations est-il adapté aux navires à passagers de grandes
dimensions ? Comment sont contrôlés les centres habilités à dispenser ces formations ?
Le transport de passagers implique des qualifications spécifiques, complémentaires aux brevets
principaux de veille et de conduite. Elles sont prévues par le chapitre V/2 de la convention STCW et
différencient les compétences en fonction des niveaux d'intervention du personnel dans
l'encadrement des passagers.
La formation à la gestion de crise (règle V/2 §6) est exigée pour les fonctions supérieures, à
savoir : Capitaine, Second Capitaine, Chef Mécanicien, mais également pour toutes les fonctions de
responsabilités dans l'encadrement des passagers. Mais comme indiqué plus haut (§2.1.2), l' Hotel
Manager et son adjoint direct sont souvent les seuls à être titulaires de cette qualification au niveau
du service Hôtellerie. Le contenu et les objectifs de cette formation sont décrits à la section V/2 du
Code STCW. Ce programme prévoit une évaluation en situation d'exercice des compétences
relatives à la gestion des ressources (et à l'emploi d'une réponse adaptée), l'encadrement des
passagers, la communication. Il existe également des modèles de cours destinés aux centres de
formation. Si ce contenu semble pertinent, il n'en demeure pas moins que son enseignement et sa
certification nécessitent un regard attentif des administrations. Lors d'inspections au titre de l'État
du Port ou de visite au titre de l’État du Pavillon, il arrive de solliciter des personnes titulaires de ce
certificat sur la formation effective qu'ils ont reçue. Dans bien des cas, les marins concernés ne sont
pas capables de préciser ce à quoi ils ont été formés, ni par qui ils ont été formés. L'évidence
laisserait penser que pour ces marins, la formation s'est résumée à l’émission du certificat.
En Italie, les Capitaines peuvent recevoir un agrément pour valider les formations à la gestion de
crise. En France, les établissements doivent être agréés, y compris les services de formation des
compagnies qui délivrent ces certificats. La procédure d’agrément est définie par arrêté du ministre
du 25 mai 2011. La demande est traitée en premier lieu à l'échelon interrégionale (DIRM) puis
transmise à la Direction des Affaires Maritimes pour approbation. Le prestataire est dans
l'obligation de produire un dossier comprenant entre autres la présentation du système mis en place
pour le contrôle de la qualité des formations, les supports de cours, le profil et les qualifications des
formateurs. Il faut noter que l'inspection des établissements avant délivrance de l' agrément n'est pas
obligatoire. Il est à craindre que l'unique contrôle documentaire ouvre la porte à des dérives dans le
contenu et la qualité des formations dispensées.
Au même titre que la délivrance d'une certification ISM, les centres de formations devraient être
inspectés et audités périodiquement afin de garantir la conformité de leurs programmes aux
référentiels des standards STCW, la disponibilité du matériel pédagogique 35, la compétence
technique et pédagogique des formateurs, et le respect des conditions de sécurité sur site. Enfin, les
Lycées Professionnels Maritimes et l’École Nationale Supérieure Maritime ne sont pas soumis à
agrément. Le contrôle qualité de ces derniers relève de l'inspection générale et sont soumis à audits
ponctuels de l'EMSA. L'absence de système qualité au sein de l'ENSM a été relevée par l'EMSA.
Pour revenir à l’échelle des navires, les amendements de Manille à la convention STCW exigent
une traçabilité plus forte des actions de formations à bord. Dans le cas des navires à passagers, à
raison de 2 actions hebdomadaire minimum, ce point est considérable lorsque l'on considère le
volume de formations dispensées pour 1350 membres d'équipage. Cependant, la traçabilité ne
permet pas à elle seule d'apprécier toute la qualité des actions de formations. Dans une certaine
mesure, la certification ISM de ces navires, qui sont probablement les plus grands établissements de
formation maritime mondiaux, devrait comprendre une inspection spécifique des actions de
formations réalisées in situ.
35 A titre d'exemple, le CETIS, centre de formation des Marins Pompiers de Marseille, ne dispose pas d'embarcation de
sauvetage pour les formations au BAEERS.
14
2.2.3 L'ISM : entre élément humain et facteur structurel. Les limites du contrôle des
systèmes.
Le code ISM (International Safety Management) a été adopté par l'OMI en 1993 par la résolution
A.741(18). Préalablement, plusieurs directives relatives à la gestion de la sécurité avaient été
émises. Les recommandations de ce code sont rendues obligatoires par le chapitre IX de la
convention SOLAS. Les dernières directives sur l'application du code par les administrations ont été
adoptées en 2009 par la résolution A.1022(26). Les objectifs du code sont énoncés au § 1.2 :
« garantir la sécurité en mer (des personnes)...empêcher les atteintes à l’environnement ainsi que les
dommages matériels ». La gestion de la sécurité telle qu'établie par ce code intègre les composantes
d'une compagnie maritime au sein d'un système de management de la qualité, dont le but est la
gestion sûre et sécurisée des navires. Ce système est structuré et structurant. Il est est décliné sur
l'ensemble des navires d'une compagnie.
Depuis son entrée en vigueur le 1er Juillet 1998 sur les navires à passagers, le code ISM s'est
dans un premier temps imposé aux opérateurs. Pour nombre de navigant, il a été vécu comme une
ingérence dans le fonctionnement et l'organisation de la vie du bord, et non comme la recherche
d'une fiabilisation des méthodes visant à améliorer le niveau de sécurité de la conduite et de
l'exploitation36. Aujourd'hui encore, on observe une adhésion partielle à la culture de l'amélioration
continue et la définition d'objectifs qui passe nécessairement par le fait d' « écrire ce que l'on fait, ce
que l'on ne fait pas, ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas ». Ce principe est perçu comme une
perte de temps au détriment de la réalisation d'actions opérationnelles ou d'encadrement plus
directes (management, maintenance, contrôles). Il est donc difficile de parler de pleine
appropriation par les équipages de ce système qualité perçu parfois comme une obligation plutôt
qu'une aide fonctionnelle 37. Pourtant il accorde une place importante à la ressource humaine
(chapitre 6) et favorise l'implication des marins dans l'utilité du système au travers des notifications
d' irrégularités et des « near miss »38. Ces dispositions enrichissent les mesures de prévention, mais
n’écartent pas la survenance d'évènement 39 démontrant des failles dans le respect de ces dernières.
La certification implique l'audit du système mais aussi celui de l'équipage au jour de la visite, en
particulier celui des officiers. On constate que le certificat peut être renouvelé plusieurs années de
suite avec la même équipe embarquée, et a contrario, certains marins peuvent ne jamais être audités.
Dans certains cas, les armements peuvent favoriser l’embarquement d'un équipage « rodé » et
maîtrisant le système en préparation à l'audit. Or le code prévoit au § 6.1 et 6.4 que le capitaine et le
personnel intervenant dans le système de la gestion de la sécurité aient la connaissance et la maîtrise
de ce système. Aujourd'hui, pour les marins qui ne sont pas audités par le pavillon, ce contrôle est
interne à l'entreprise. Afin de fiabiliser cette compétence ISM, les officiers pressentis aux fonctions
de direction, au même titre que le navire ou la compagnie, pourraient être nommément certifiés
pour une fonction et un navire 40. Cette disposition complémentaire de certification
«marin/fonction/navire» impliquerait un contrôle effectif de la compétence des personnels dans le
36 Retour d'expériences d'officier de la marine marchande et entretien avec Claire Flecher, doctorante en sociologie sur
la question de l'ISM et de son impact sur la vie du bord.
37 Selon JP CLOSTERMMAN, p 11 de « La conduite du navire marchand », l'homme (et ses limites) doit être
positionné au centre du système, et non être le destinataire d'un système didactique. D'autre part, la présence des
équipages dans la conception et le développement de leur outil de travail actuel (l'ISM) favoriserait son acceptation
et sa performance
38 En 2010, les amendements de la résolution MSC.273(85) ont renforcé le chapitre IX relatif à la notification et
l'analyse des irrégularités, des accidents et des incidents potentiellement dangereux en intégrant l'identification des
événements récurrents
39 L’événement du Costa Concordia est le résultat d'une prise de risques inconsidérée. Ce type de pratique est en
opposition radicale à la culture ISM qui se veut avant tout préventive.
40 A un autre niveau, on retrouve ce principe d’agrément et de compétence attachés à une personne et à un matériel,
plutôt qu'à une structure entière pour les centres habilités à réaliser l'entretien des matériels de sauvetage.
15
système et limiterait le risque de voir un navire certifié avec un équipage partiellement neuf ou
méconnaissant le système ISM du navire et/ou de la compagnie. Elle aurait également pour effet de
stabiliser les équipages. On retrouve ce concept dans la notion de matrice développée au §3.2.3.
Enfin, le code accorde une place importante à la préparation aux situations d'urgences
(chapitre 8). Mais le contrôle de l'efficience des plans d'urgences des grands navires doit-il être
exhaustif pour obtenir la certification, ou peut-on considérer que le sondage ciblé est satisfaisant ?
Dans tous les cas, les auditeurs choisis par l’administration ou la société de classification pour
l'évaluation de ces systèmes devraient justifier d'une expertise éprouvée pour ces navires. Enfin,
parmi les plans d'urgences qui engagent des moyens externes à la compagnie, les plans Search and
Rescue relatifs à la coopération entre MRCC, Navires à passagers, et Compagnie, mettent en relief
la nécessité d'un référentiel ISM qui intègre la participation des États Côtiers .
2.3 L’État Côtier et l’État du Port font partie intégrante de la gestion de la sécurité des
grands navires à passagers
2.3.1 Les États côtiers peuvent-ils répondre seuls au besoin d'assistance et/ou de sauvetage
d'un événement de mer mettant en jeu plusieurs milliers de personnes ?
La convention de Hambourg de 1979 définit l'organisation du sauvetage en mer au niveau
international. Les compétences des États Côtiers parties à la convention sont définies par région
maritime appelée « Search and Rescue Region» (SRR). La règle 7 du chapitre V de la convention
SOLAS relative aux services de recherche et de sauvetage affirme ces obligations qui concernent
trois niveaux d'intervention. Tout d'abord une exigence de veille et de communication en cas de
détresse dans la zone de compétence, mais également un devoir de coordination des opérations et de
déploiement des moyens nécessaires au sauvetage. Ces opérations sont encadrées par les Maritime
Rescue Coordination Center (MRCC) des États parties compétents sur la SRR. Si les objectifs de
veille et de coordination sont atteignables, la réalité des moyens de sauvetage à mettre en œuvre en
cas de sauvetage maritime de grande ampleur tel que celui d'un navire à passagers de grande
dimension risque d'être beaucoup plus aléatoire.
Dans ce sens, l'OMI a édicté en 2003 les directives pour l'établissement de plans de coopération
entre les services de recherche et de sauvetage et les navires à passagers 41. Les compagnies ont eu
alors pour obligation de préparer un plan de coordination appelé « Search and Rescue » (SAR). Ce
document fonctionnel lie les 3 parties concernées : le navire , la compagnie, le RCC. Il a pour
objectif de regrouper toutes les informations pertinentes nécessaires à un sauvetage. Il s'agit
principalement des caractéristiques du navire, du nombre maximum de personnes autorisées à bord,
des moyens de communication et de sauvetages dont dispose le navire, mais également et surtout
des coordonnées des contacts d'urgences de la compagnie. Pour le bord, il recense les moyens SAR
existants dans la zone considérée. Ces informations sont utiles dans un double sens : d'une part pour
les moyens de secours en cas d'assistance au navire dit, et d'autre part, dans le cas ou le navire
devient lui-même navire d'assistance ou « On Scene Commender ». Dans le cas des lignes
régulières, ce plan doit être élaboré en concertation avec le RCC compétent sur la zone de transit et
être à disposition de ce dernier.
Cependant, dans le cas des navires de croisières traversant plusieurs zones SAR, la transmission
des plans aux RCC compétents sur le voyage n'est pas obligatoire. La condition requise est un accès
possible sans délai via un fournisseur de renseignements SAR, organisation centralisatrice des
plans. Cet allègement est compréhensible d'un point de vue pratique : il peut s’avérer être
41 MSC/Circ.1079 du 10 Juillet 2003 et règle 7.3 du chapitre V de la convention SOLAS.
16
contraignant pour les 2 parties, compagnie et RCC, d'échanger ces documents sur des voyages au
long cours. Mais sur le plan fonctionnel, la garantie d'une disponibilité immédiate de l'information
pourrait être remise en cause. Cette disposition semble être en contradiction avec l'objectif
d'anticipation annoncé au point 2 de la MSC/Circ.1079 « le plan de coopération SAR devrait
garantir que tous les renseignements pertinents concernant les points de contact soient connus des
trois parties au préalable et qu'ils soient tenus à jour ». Afin de faciliter leurs missions, les MRCC
compétents sur les zones SAR traversées durant le voyage devraient être systématiquement
destinataires de ce document ainsi que du plan de route avant le début du voyage. Ces directives
prévoient également la réalisation d'exercices impliquant les 3 parties, sans fréquence minimum
imposée. Ces actions peuvent porter sur la totalité du plan ou seulement en partie. Elles apportent
une plus value à sa validité et contribuent à consolider les échanges professionnels. Mais ces
exercices sont contraignants, en particulier pour les compagnies, et difficiles à organiser.
L'OMI a établi en 2003 un recueil pour les opérations de sauvetage de grande ampleur 42,
désignées « Mass Rescue Opérations » (MRO), destiné au transport maritime et aéronautique. Dans
la même logique que le plan SAR, ce guide appelle la nécessité d'une coordination préparée entre
services SAR et compagnies. Mais il indique aussi le besoin de la part des compagnies qui utilisent
des moyens de transports de grande capacité de préparer et d'organiser leurs réponses à un
sauvetage de grande ampleur. Les armements devraient ainsi disposer d' « Emergency Response
Center », dont le but est de pouvoir maintenir la communication avec le navire, et aussi pouvoir
établir une organisation adaptée à la gestion de crise en cas d' incidents majeurs ( Incident
Command System Organization). Dans le domaine maritime, ces points sont en partie prévus par les
systèmes de management de la sécurité (ISM).
Cependant, le groupe de travail conjoint ICAO/IMO a confirmé 43 récemment que les États
côtiers ne peuvent répondre seuls à la récupération de plusieurs milliers de personnes, autant pour
des difficultés de ressources techniques qu'humaines. Le principe directeur de la réponse est
désormais l’identification et l'utilisation des moyens présents sur zones, adaptés à la récupération de
naufragés en masse, complémentaires à ceux des États Côtiers. Typiquement, un car-ferry muni de
MES à toboggans, constitue un moyen potentiel de récupération. Il faut rappeler les dispositions de
repêchage et de temps de récupération définies par la régle 3 du chapitre III de la convention
SOLAS qui s'appliquent aux engins de sauvetage et à leurs moyens de mise à l'eau. Ce principe de
récupération des naufragés est renforcé pour les navires rouliers à passagers 44.
La tendance va également vers la projection d'équipe d'assistance de terre pour assister le bord.
Ce principe semble pertinent en cas de besoin d'assistance médicalisée et de renfort d'équipes pour
la lutte contre un incendie. Il permet de préserver le navire et peut repousser ou annuler le besoin
d'abandon. Mais il devrait être mesuré avec prudence : il ne doit pas ôter à l'expédition maritime son
exigence d'autonomie et de compétences, y compris dans les situations d'urgence. Si cette nécessité
d'autonomie devait être remise en cause par le fait d'une dimension d'installation trop importante
pour être gérée par un seul équipage, ce constat serait peut-être l'indicateur du seuil limite des
dimensions acceptables. D'autre part, selon la zone de navigation fréquentée, le navire ne sera pas
toujours accessible aux moyens SAR. Enfin, la difficulté posée par l'interface Mer–Terre dans
l'acheminement des naufragés nécessite une organisation à plusieurs échelons de compétences.
Dans le cas de la France, ces modalités d’interface maritime font l'objet de plans de secours à
victimes intégrés généralement au plan ORSEC.
42 COMSAR/Circ.31 du 06 Fevrier 2003.
43 ICAO/IMO JWG-SAR/19-WP.3 / Nineteenth meeting – Honk Kong du 10 au 14 septembre 2012.
44 SOLAS règle 26 §4 et circulaire MSC/Circ.810 « recommandation sur les moyens de récupération »
17
Enfin, et au delà de l'obligation des États parties à la convention de fournir les moyens
nécessaires au sauvetage, Awa SAM-LEFEBVRE pose également la question d'un engagement
nécessaire des armateurs et des opérateurs de croisières dans le développement de moyens
d'assistance et de sauvetage adaptés à ces navires de grandes dimensions 45.
2.3.2 Les difficultés rencontrées par l’État du port
L' événement du Costa Concordia a suscité une réaction immédiate des instances impliquées
dans le contrôle par l’État du Port. Le Paris Mou et les US Coard se sont entendus dès le mois de
février afin d'identifier quel plan d'action permettrait d’accroître l'efficience des contrôles des
grands navires à passagers. Les éléments qui en résultent pourraient avoir constitué jusque là une
difficulté ou un défaut de contrôle. Dans une note du 3 avril 2012, le Port Sate Control
Committee46du Paris Mou rappelle que les navires à passagers « Low Risk Ship (LRS) » sont
soumis à une fréquence de contrôle comprise entre 24 et 36 mois. Le paramètre de la dimension ou
de la capacité n’intervient pas dans la calcul du profil de risques.
Ainsi, les navires à passagers les plus grands qui sont aussi les plus récents (LRS) ne seront
inspectés qu'une fois tous les 2 ans et ne seront soumis qu'à une inspection initiale, sans contrôle
effectif de la maîtrise des dispositions opérationnelles prévues en situations d'urgences. Selon les
cas, ce contrôle est en effet requis à partir de l'inspection détaillée ou étendue. Le Paris Mou et les
US Coast Guard ont proposé d'augmenter cette fréquence d'inspection détaillée à une action tous les
12 mois.
Dans le même sens, il est rappelé que les États membres, au titre des articles 1.7 et 9.1 du texte
du Paris Mou, ont la faculté de réaliser des inspections en dehors de la périodicité définie par le
New Inspection Regime (NIR). Il faut cependant souligner que l'inspection d'un navire à passagers
de grandes dimensions est soumise au planning tendu de l'activité du bord et de l'organisateur de
croisières. Afin de limiter les contraintes créées par ces inspections, celles-ci pourraient être
planifiées sans compromettre leur efficacité. En 2013, une campagne ciblée « Harmonized
Verification Programm » est prévue sur le contrôle des dispositions opérationnelles en situations
d'urgence des navires à passagers.
Au delà de la programmation, il convient de s’arrêter sur le niveau de compétence et la ressource
requise par l’État du port pour apprécier le déroulement d'un exercice mettant en œuvre plusieurs
centaines de membres d'équipages. Pour les navires à passagers en général, et les navires de grandes
dimensions en particulier, la formation d'équipes spécialisées semble incontournable. Parmi les
États Membres, le potentiel des profils adaptés existe au niveau des ports connaissant un trafic
régulier de navires à passagers (transbordeurs à passagers ou navires de croisière). Mais
l’opportunité des inspections peut être relativement faible dans d'autre port. Pour contribuer à
accroître le niveau de compétence des « Port State Control Officier » du Paris Mou, l'EMSA a
organisé en Mai 2012 un séminaire consacré aux inspections des navires à passagers. Il a été
rappelé le caractère prioritaire de l'évaluation en situation d’exercices. De leur coté, les US Coast
Guard bénéficient d'un centre d'expertise spécialisé dans le domaine des navires de croisière 47. Ils
réalisent l'inspection annuelle de tous les navires à passagers escalant aux États-Unis ou transportant
des citoyens américains48. Au niveau Européen, les visites prévues au titre de la directive 99-35
permettent un contrôle renforcé des navires rouliers à passagers et des navires rapides, mais pas des
navires de croisière.
45
46
47
48
DMF 735 / Avril 2012.
PSCC 45/4.3.11 du 03/04/2012
Le Cruise Ship National Center Of Expertise (CSNCOE) est rattaché aux US Coast Guard.
Ce programme de visite nommé « Control Vérification Examination (CVE)» a débuté en 1966.
18
Enfin, les prérogatives de l’État du port sont parfois limitatives. Il faut rappeler qu'il ne peut
remettre en cause la composition des effectifs minimums des sécurité visée par l’État du Pavillon.
Ce point est spécifié au § 4 du préambule de la résolution A.1047 relative à la détermination des
effectifs minimums de sécurité. Pourtant, on constate régulièrement des écarts entre l'effectif
minimum visé et celui nécessaire à la gestion des situations d'urgence, c'est à dire l'effectif du rôle
d'appel49. Or ces effectifs devraient être cohérents, c'est même tout l’intérêt du «minimum safe
manning document ». Dans le cas inverse, on laisse entendre qu'avec un équipage au niveau du
« safe manning document », toutes les fonctions du rôle d'appel ne seraient pas occupées.
L'acceptation de cet écart contribue à laisser les compagnies et les administrations approuver un
document pertinemment inadapté. Si l'on considère l'obligation de l'armateur de fournir l'équipage 50
minimum requis, on peut comprendre son intérêt de pouvoir réduire sans préavis les exigences en
nombre et en qualifications.
Au niveau gestion d'escale, on notera également les risques présentés en cas de besoin
d’évacuation et d' « abandon » du navire à quai. Les zones de rassemblements sont positionnées
pour offrir un accès rapide vers les moyens de sauvetage et non vers les portes de bordés et les
coupées qui ne sont pas dimensionnées pour les besoins d'une évacuation rapide. Au mieux, le
navire pourra utiliser ses propres moyens de sauvetage coté bassin si ce dernier ne présente pas de
danger. D'autre part, compte tenu de leurs dimensions, les ports n'ont pas toujours la capacité de
placer ces navires à l'abri de tout risque industriel 51.
3 Éléments existants pour la maîtrise des risques et prospectives
3.1 Rendre le navire plus sûr : les dispositions relatives à la conception des navires
3.1.1 L'évolution réglementaire relative à la stabilité après avarie des navires à passagers.
Les premiers critères de la réglementation sur le compartimentage des navires sont apparus en
1914 consécutivement au naufrage du Titanic. Ils ont évolué jusqu'en 1974 en utilisant des modèles
d'avaries et d’envahissements prédéterminés. La convention internationale de 1966 sur les lignes de
charge implique également des critères de compartimentage et de résistance minimum de la coque.
L'objectif est de conserver une stabilité résiduelle suffisante après une avarie modélisée 52. Pour
chaque navire, il est défini une longueur maximale d'envahissement (LE) 53. Par la suite, un facteur
de cloisonnement (F) est utilisé pour segmenter cette longueur en plusieurs compartiments étanches.
Dans le cas des navires à passagers, le critérium de service utilisé pour déterminer F est maximum
et impose deux compartiments minimums par longueur envahissable. Les navires rouliers à
passagers, connaîtront un changement en 1994 à la suite du naufrage du Herald of Free Enterprise 54.
Les amendements à la convention SOLAS de 2006 ont harmonisé la méthode dite probabiliste
pour l'évaluation de la stabilité du navire après avarie 55. Depuis le 1er Juillet 2010, tous les navires
49 Sur « Independence of the seas », 1350 membres d'équipage pour 4375 passagers, le Minimum Safe Manning est
validé à 23 marins par le pavillon Bahamas. Sur « AïdaBella », 634 membres d'équipage pour 2566 passagers, le
Minimum Safe Manning est validé à 58 membres d'équipage par le pavillon Italien.
50 Cette responsabilité est entre autre définie par le code ISM
51 Explosion d'un entrepôt d'hydrocarbure survenu à proximité de « Independence of the seas » en escale à Gibraltar en
mai 2011. 12 passagers blessés par le souffle de l'explosion.
52 La brèche prise en compte correspond à une ouverture type de 11m de long au maximum.
53 La longueur envahissable en un point donné du navire décrit le segment de longueur maximal qui permettra un
maintien à flot après envahissement de cette longueur.
54 La convention de Stockholm établie à l'issue de ce naufrage impose en effet la prise en compte d'un critère de
« probabilité » sur les conditions météorologiques rencontrées.
55 Les amendements à la convention SOLAS adoptés le 08/12/2006 par la résolution 216(82) concernent la stabilité
19
neufs peuvent répondre à ces dispositions dont les fondements sont basés sur des facteurs de
probabilité d'envahissement et de gravité, plutôt que sur une hypothèse prédéterminée. Ces
exigences sont définies au § 6 à 8 du chapitre II-I partie B de la convention SOLAS. Pour chaque
compartiment, il est calculé un indice partiel. Celui-ci exprime la probabilité que seul le
compartiment considéré soit envahi après avarie et la probabilité de survie du navire après
envahissement du compartiment considéré . Un indice élevé indique ainsi un compartimentage plus
sûr. Par la suite, ces résultats individuels sont intégrés et leur somme doit être supérieure à l'indice
de compartimentage requis R56(évolution par rapport au facteur de cloisonnement). Comme évoqué
au § 1.1.1, un nombre de passagers croissant engendre un degré de compartimentage, et donc de
sécurité, plus élevé. Il en est de même pour le paramètre de la longueur. N'étant pas astreint à un
compartimentage prédéterminé, l'architecte et le chantier ont ainsi une latitude plus grande de
conception. D'un certain point de vue, la méthode probabiliste pourrait tendre vers une obligation de
résultat, alors que la méthode déterministe est davantage fondée sur une obligation de moyens.
Quelle que soit la méthode envisagée, la définition précise des limites d'exploitation du navire
doit être connue par le capitaine et tous les officiers en charge de la conduite. Ce point fait l'objet de
la règle 5.1 du chapitre II-I partie B de la convention SOLAS. Dans ce sens, l'approbation des
calculateurs de stabilité doit répondre à des critères minimaux 57. Au delà de la stabilité après avarie
dont l'objectif est le maintien du navire à flot, et face à la dimension croissante des navires à
passagers, il a été nécessaire de développer des règles de conception augmentant le potentiel du
navire dans sa capacité à rejoindre un port en toute sécurité après une avarie limitée.
3.1.2 Le retour au port en toute sécurité
Les amendements à la convention SOLAS relatifs au retour au port en toute sécurité sont le
résultat des travaux diligentés par l' OMI depuis 2000 en réponse à la question de la sécurité des
navires à passagers de grandes dimensions, et au besoin d'en accroître la capacité de survie après
incident. Ces amendements sont entrés en vigueur le 1er Juillet 2010. Comme évoqué en première
partie, ils concernent les navires à passagers dont la longueur est supérieure ou égale à 120 m ou
comportant au moins 3 tranches verticales principales. Ces nouvelles dispositions sont intégrées au
chapitre II-2 de la convention SOLAS relatif à la prévention, la détection et l'extinction de
l'incendie au niveau de la construction. Pourtant, leurs conséquences en termes d'amélioration des
capacités de survie du navire dépassent le seul périmètre de l'incendie. La définition des zones sûres
introduite par la règle 3 précise en effet que ces espaces doivent pouvoir être situés « en dehors de
la ou des tranches verticales principales dans lesquelles un incendie s'est déclaré » ou dans une zone
« qui n'est pas envahie ». Cette zone doit permettre de « recevoir en toute sécurité toutes les
personnes se trouvant à bord afin de les protéger ».
La notion déterminante dans cette approche est le seuil de gravité (règle 21 §3) qui définit le
périmètre acceptable de l'incendie pour lequel les installations considérées essentielles au retour au
port en toute sécurité devront rester opérationnelles. Ce seuil prévoit à minima la perte d'un local
initial, quel-qu’il soit, jusqu'à son cloisonnement incendie de type A le plus proche. Il intègre les
locaux adjacents si le local initial est dépourvu de moyen fixe d'extinction. Il n'y a pas de distinction
explicite de la nature des locaux (machines ou emménagements). Celle-ci est réalisée de fait par le
type de cloisonnement et de moyens fixes d'extinction installés, eux-mêmes fonctions de la
catégorie du local.
après avarie mais également le retour au port en toute sécurité.
56 L'indice de compartimentage obtenu pour le navire (indice A) doit être supérieur à l'indice requis R. Pour les navires
à passagers R=(1 – (5000)/(Ls + 2.5N + 15225)). On note que plus le nombre de personnes à bord est important,
plus R sera contraignant. Il en est de même pour la longueur.
57 MSC.1/Circ.1229 du 11 Janvier 2007 / directives pour l'approbation des calculateurs de stabilité.
20
Ainsi, la disponibilité des installations devra être réalisée autant après la perte d'un local
propulsion que d'une machinerie ascenseur. On comprendra cependant que les contraintes
techniques liées au besoin de redondance et de disponibilité des installations sont sans communes
mesures selon les cas. Les conséquences de la perte d'une installation (criticité d'une installation)
sont analysées par les sociétés de classification grâce à une méthode d’analyse de risques de type
« Failure Mode and Effect Analysis (FMEA) of Redundant Systems ». L'OMI a part ailleurs édité
des notes explicatives à ce sujet58. On notera que le seuil de gravité n’intègre pas le cas de
l'envahissement d'un compartiment. Ce cas est intégré par la règle 8-1 relative à la disponibilité des
systèmes essentiels en cas d'envahissement qui revoit à la règle II-2/21.4 en cas d'envahissement
d'un compartiment quelconque. Cette configuration est explicitement prise en considération par les
sociétés de classifications dans l'implémentation de ces règles.
La règle 21 §4 définit les 14 installations qui doivent rester opérationnelles en cas d'un incendie
inférieur au seuil de gravité. On retrouve entre autres la propulsion, l'appareil à gouverner, le
collecteur incendie, les moyens de communication internes et externes, le circuit d’assèchement, et
les systèmes nécessaires au maintien des zones sûres. Ces dernières devront pouvoir préserver la
santé des personnes à bord et se trouver de préférence à l'intérieur du navire. Elles contiendront les
éléments nécessaires à l'atteinte de cet objectif (installations sanitaires, eau, vivres, local pour les
soins médicaux, abri contre les intempéries, équipements de lutte contre l'hypothermie, éclairage,
ventilation). Enfin, ces zones sûres offrent un accès aux zones de rassemblement. On notera
également la présence obligatoire d'un centre de sécurité contigu ou intégré à la passerelle. Il
regroupe le contrôle et la commande de la totalité des dispositifs de sécurité, exceptée la commande
de l’assèchement59.
Cette règle énonce également les critères minimaux à satisfaire dans la cas ou le seuil de gravité
est franchi. A ce niveau, 6 équipements doivent rester opérationnels durant 3h au moins (règle 22)
afin de pouvoir procéder à l'évacuation et l'abandon du navire de façon ordonnée. On retrouvera le
collecteur incendie, les systèmes communications internes et extérieures, le circuit d’assèchement,
l'éclairage minimum (le long des échappées, aux postes de rassemblement et d’embarquement dans
les moyens de sauvetage) et les systèmes d'aide à l’évacuation le cas échéant.
Les dispositions relatives au retour au port en toute sécurité démontrent un degré de conception
des navires à passagers encore plus sécurisé et répond, dans une certaine limite, à la problématique
de l’évacuation et de l'abandon des navires à passagers de grandes dimensions. Il intègre également
ses propres limites en prévoyant les critères à respecter pour l'évacuation et l'abandon. Mais d'autres
limites ou difficultés sont à relever. Par définition, toute zone sûre doit permettre de regrouper la
totalité des personnes à bord en cas d'incendie déclaré dans une ou plusieurs tranches verticales
principales, ce qui implique la présence d'au moins une zone par tranche. Dans le cas d'un navire
comptant 9 tranches verticales principales60, il faudrait que chacune de ces zones puisse accueillir
6000 personnes.
Cependant, la contrainte la plus difficile à traiter aujourd'hui est l'intégration des règles du retour
au port en toute sécurité et des règles de stabilité après avarie dans un même ensemble. En effet,
selon les scénarios d'avarie, le navire peut rester conforme à la stabilité après avarie mais disposer
d'une stabilité résiduelle trop faible pour envisager l'emploi de la propulsion qui aura été préservée
grâce à la conception safe return to port. Dans ce sens, la MSC-1 Circ 1400 précise comment et
58 MSC.1/Circ.1369 du 22 Juin 2010 « Notes explicatives intérimaires pour l'évaluation des capacités des systèmes des
navires à passagers après un incendie ou un envahissement.
59 La règle 23 relative au centre de sécurité est applicable à tous les navires à passagers, et non uniquement aux navires
de plus de 120m. 17 équipements ou dispositifs doivent pouvoir être supervisés et/ou commandés.
60 Navire de type « Independence of the Seas ».
21
quelles informations relatives à la stabilité après avarie doivent être disponibles à tout moment,
depuis le bord, ou par un service à terre (délégation possible à une société de classification).
La compagnie Tunisienne COTUNAV exploite aujourd'hui le transbordeur à passagers le plus
grand au monde répondant à ces dispositions. Nous n'avons pas encore, en France, approuvé de
navire répondant à cette réglementation. Les premiers projets à venir pourraient être la commande
de 8 transbordeurs pour la SNCM. Enfin, qu'en est-il des grands navires existants qui ne répondent
pas à cette réglementation et comment rendre leur exploitation plus sûre ?
3.2 Rendre l'équipage plus sûr : les dispositions relatives à l’élément humain
3.2.1 La formation au BRM permet de réduire le risque lié à l'erreur humaine.
L'analyse des accidents et la recherche des facteurs déterminants ont contribué à développer la
notion de facteur humain ou d'erreur humaine. Les éléments que recouvrent cette notion peuvent
varier selon les organismes et les définitions. Elle comprend à minima les notions relatives à l'action
directe de l'homme, son comportement, son savoir-faire et son savoir-être en situation d'analyse de
risques et de prise de décision, du point de vue individuel, comme du point de vue du groupe. Elle
exclut tout ce en quoi l'opérateur n'est pas directement responsable, notamment les éléments
d'ordres structurels ou conjoncturels.
Le code STCW relatif aux normes de formations et de compétences se présente en 2 parties. Les
dispositions obligatoires de la partie A concernent essentiellement les normes de compétence
relatives à la veille et à la conduite du pont et de la machine, pour les trois niveaux d'intervention
dans l'organisation du bord : appui, opérationnel, directionnel. La partie B décrit les
recommandations. En 2010, les amendements de Manille ont été adoptés et rendent obligatoires
certaines de ces recommandations, notamment la formation à la gestion des ressources passerelle
(Bridge Ressource Management / BRM) et à la gestion des ressources machines (Engine Ressource
Management / ERM).
La formation BRM contribue à développer les compétences des opérateurs de premiers rangs
dans la gestion adaptée des ressources (humaines et techniques). Le développement de ce savoirfaire, dont l’expérience et la motivation sont aussi des prérequis, conduit les opérateurs concernés à
favoriser un contexte de travail et de prise de décision « sécurisant », et à tendre vers une conduite
plus sûre des installations. Les mises en situations sont réalisées sur simulateur. Elles sont
composées de scénarios dont le degré de contrainte est croissant et impose in fine une prise de
décision. Chaque exercice donne lieu à une analyse et à un enseignement. Elle est directement
inspirée des pratiques de l'aéronautique qui a vu son taux d'accidents dûs à l'erreur humaine chuter à
55%61 depuis la mise en œuvre d'une formation dédiée au facteur humain alors que nous en sommes
encore à 75% dans le maritime. Preuve est faite de son importance et de son efficacité. Néanmoins,
elle ne supplante pas le savoir-faire et la compétence métier de l'opérateur : la maîtrise technique est
un prérequis dans la gestion d'une situation d'urgence. La formation BRM est dispensée en France
depuis une dizaine d'années en formation initiale des officiers de la marine marchande et en
formation continue pour les marins et armateurs. Cependant, elle n'est pas obligatoire, et de
nombreux commandants et officiers exercent encore aujourd'hui sans avoir été formés.
Dans son ouvrage dédié à la conduite du navire marchand vue au travers des facteurs humains, le
professeur de l'enseignement maritime J.P CLOSTERMMAN décrit les phénomènes mis en œuvre
ou influents dans la compréhension d'une situation et dans la prise de décision. Un des concepts
61 JP CLOSTERMMAN – La conduite du navire marchand.
22
importants développé dans cet ouvrage est celui de « l'équipage synergique » qui constitue « la
seule réponse fiable à l'erreur humaine »62. L'enjeu de l'équipage synergique prend une dimension
encore plus importante lorsqu'on envisage la gestion des effectifs des grands navires à passagers. Il
limiterait dans une certaine mesure les conséquences du pouvoir discrétionnaire du capitaine en cas
d’erreur d'appréciation. Dans ce sens, il faut noter les nouvelles exigences intégrées par les
amendements de Manille relatives aux compétences de management et de communication.
Les amendements de Manille permettront ainsi un renforcement effectif des compétences en
matière de gestion du facteur humain. Il faut noter que les administrations auront jusqu'au
01/01/2017 pour en faire l’implémentation dans leurs standards. Cependant, la mise en œuvre au
plus tôt de cette mesure devrait être encouragée. Sur le plan technique, il faut aussi noter la
revalidation par une action de formation obligatoire du certificat de formation de base à la sécurité
tous les 5 ans. Il en sera de même pour le certificat d'aptitude à l'exploitation des engins et radeaux
de sauvetage. Ces deux actions consolideront la compétence des opérateurs dans les situations
d'urgence. En dehors de la formation, existe-t-il d'autres moyens d'accroître le potentiel de réussite
d'un équipage dans la gestion des situations d'urgence ?
3.2.2 Le contrôle de l'aptitude du personnel navigant n'intègre pas l'évaluation du profil
psychologique. Quelles dispositions existent dans d'autres disciplines ?
L'entrée et le maintien dans la profession de marin sont conditionnés par une aptitude médicale.
Celle-ci est contrôlée initialement et périodiquement 63. Cette évaluation répond au double objectif
de santé publique et de sécurité maritime. La communauté du bord doit en effet être et demeurer en
bonne santé durant son embarquement. La notion d'isolement liée au navire renforce le besoin de
contrôle. D'autre part, l'aptitude physique du marin conditionne sa disponibilité pour la réalisation
de son travail mais également pour la mise en œuvre des plans d'urgences (rôle d'appel). Ces
derniers éléments constituent des facteurs essentiels dans le niveau de sécurité générale de
l'expédition maritime.
En France, l'arrêté du 16 avril 1986 décrit les pathologies qui sont incompatibles avec l'exercice
du métier de marin, y compris certaines pathologies psychiques. Cependant, le paramètre
psychologique ou psychotechnique n'est pas évoqué, non plus la notion d'aptitude à la résistance au
stress pour les fonctions décisionnelles les plus exposées (Commandants, Chefs Mécanicien,
Seconds). Mais on s’étonnera qu'à défaut d'être pris en compte en prévention, ces facteurs font
l'objet d'un examen a posteriori, après accident, dans l'établissement des rapports requis par la règle
I/21 de la convention SOLAS64. Pourtant, dans le même objectif de sécurité que celui représenté par
l'évaluation médicale, on peut s'interroger sur la pertinence, ou non, d’identifier plus précisément
les profils des candidats quant à leurs aptitudes à répondre de manière adaptée et cohérente à leurs
fonctions en situations d'urgences. Ces qualités sont cependant appréciées au niveau des armements
par le biais des évaluations internes du personnel, et aussi naturellement par l'individu tout au long
de sa carrière. Mais l'actualité récente (échouement du Costa Concordia) montre que les
comportements ou les réactions au plus haut niveau peuvent être inadaptés (prise de risque
inconsidérée, déni du risque, délai de réaction). Aussi, certains secteurs d'activité intègrent une
évaluation spécifique de ces qualités.
Dans ce sens, la Marine Nationale dispose de Services Locaux de Psychologie Appliquée
(SLPA). Ces services ont pour fonction de réaliser les entretiens de sélection-orientation avant
62 René AMALBERTI cité page 90 de l'ouvrage de JP CLOSTERMMAN.
63 Convention ILO 73 et arrêté du 16 avril 1986 pour la France.
64 Dans l'annexe II § 10.1.2 de la MSC-MEPC.3 / Circ.3 relative aux rapports sur les accidents et incidents de mer, on
relève les aspects psychologiques dans les facteurs sous-jacents liés à l'homme.
23
l'engagement, mais également de suivis de carrière et d'expertise. Dans ce dernier cas, ils occupent
un rôle de conseil et émettent un avis au commandement sur le potentiel des individus. Les
évaluations et entretiens d'expertise ont pour objectif d'établir une appréciation générale de la
personnalité et de préciser les aptitudes ou le potentiel à la performance et à la gestion du stress. Ils
sont systématiquement réalisés pour les fonctions de commandement et certaines spécialités 65. Les
tests de personnalité66 donnent une image des principaux traits admis comme représentatifs de la
personnalité et les résultats sont confirmés ou infirmés en entretien. Plus ciblés, les tests
d'évaluation de « coping » 67 permettent une appréciation des ressources et stratégies utilisées par
l'individu pour faire face ou s’adapter à une situation nouvelle ou inattendue et génératrice de stress.
Bien entendu, ces principes d'évaluation ne répondent pas à eux seuls à la reconnaissance des
qualités requises pour la gestion et l'encadrement des situations d'urgences. Leurs résultats ne sont
ni absolus, ni définitifs, et bien d'autres facteurs peuvent venir modifier les comportements 68.
D'autre part, ces pratiques ne feraient pas l'unanimité, et certains pourraient y voir un frein à
l'avancement professionnel. Mais associés aux formations, à l'expérience, et aux évaluations des
armements, elles contribueraient à mieux identifier le potentiel des équipages et des fonctions de
direction à répondre de manière adaptée aux événements et périls de la mer auxquels peuvent être
confronté le navire et la communauté du bord. Dans cette hypothèse, il resterait à déterminer si cette
évaluation doit être intégrée au niveau de l’administration, en cohérence avec la pratique du
contrôle de l'aptitude médicale, ou rendue obligatoire pour les compagnies maritimes.
3.2.3 Certaines exigences propres à d'autres secteurs du transport maritime pourraient être
appliquées au transport de passagers.
La réglementation évolue grâce à l'expertise de ses comités techniques, et aussi en s'appuyant sur
les résultats des recommandations émanant de la profession. A titre d'exemple, la CLIA est partie
prenante dans les Martime Safety Committee de l'OMI et a été force de proposition lors de la 90ème
assemblée de Mai 2012 (voir § 3.3.1). De même, le Cruise Ship Safety Forum a été précurseur dans
la mise en oeuvre de certaines dispositions aujourd’hui intégrées à la convention SOLAS 69, telles
que celles exigées pour la conception Safe Return to Port. Mais le niveau d'exigence développé
contractuellement entre opérateurs de navire, affréteurs, et armateurs semble encore plus efficace
dans le secteur du transport pétrolier que dans le domaine du transport de passagers.
L' «Oil Companies International Maritime Forum » (OCIMF) est née en 1970, consécutivement
à la catastrophe du Torrey Canyon. Les objectifs de cette association sont entre autres « d'identifier
les problèmes de sécurité »70 afin « de contribuer à l'élaboration de conventions et règlements
internationaux qui renforcent la construction et l'exploitation sécuritaires des pétroliers ». Afin de
renforcer son efficience, l'OCIMF a élaboré en 1993 le « Ship Inspection Report Programm » dont
l'objectif est l'évaluation des risques présentés par les navires pétroliers dans un format d'inspection
uniformisé. Cette exigence du secteur pétrolier est mieux connue dans sa pratique sous le nom de
« vetting ».
Il est intéressant de mettre en avant certaines dispositions propres à ce programme. Le principe
de matrice en est probablement le plus pertinent. Il permet de garantir un niveau d’expérience des
fonctions de direction et de maistrance, par service, par ancienneté dans la compagnie, et par type
65 Atomicien / Pilote Aéronavale
66 Tests de type « big five ». Il faut noter que l'entretien avec le psychologue constitue également une épreuve en soi,
ce qui permet une première appréciation de la sensibilité au stress du candidat.
67 Tests de type « CISS » Coping Inventory for Stressful Situations.
68 R. CAMPAN / Approche systémique du comportement.
69 Awa SAM-LEFEBVRE / DMF 735
70 OCIMF objectives / http://www.ocimf.com/Organisation/Objectives
24
de navire. Ainsi, le cumul de l' expérience du capitaine et du second capitaine dans leurs fonctions
respectives doit représenter une expérience totale (combinée) significative. Il en est de même pour
le Chef et le Second Mécanicien. Enfin, l’expérience combinée du Capitaine et du Chef Mécanicien
est également prise en compte. Ces conditions excluent ainsi l' hypothèse d'un État Major constitué
de profils peu expérimentés et réduit le risque externe en termes de facteur humain 71. Bien qu'elle
représente une contrainte forte pour les armateurs, il n'en demeure pas moins que cette disposition
valide l'exigence de compétences instaurée par l'ISM. Elle dépasse le niveau de la qualification qui
s'avère insuffisant. Cette méthode s’intègre totalement dans la gestion du facteur humain. Son
implémentation sur navires à passagers présenterait les mêmes avantages. Ce secteur a également
introduit la formation au « Bridge Ressources Management » des capitaines et seconds capitaines
depuis plus de 10 ans. De même, la politique en matière de lutte contre la consommation d'alcool et
de stupéfiant est en avance sur les autres branches du transport maritime. Toutes ces dispositions
contribuent encore une fois à réduire le risque représenté par le facteur humain.
Enfin, sur le plan technique, une inspection réalisée pour le compte du client dans le cadre du
« vetting » intègre 546 points de contrôles pertinents72. Il faut rappeler que ces contrôles sont
réalisés en plus des inspections dues par l’État du Port, l’État du pavillon, et les sociétés de
classification. Les navires pétroliers et gaziers sont aujourd'hui plus suivis que les grands navires à
passagers. On notera que cette flotte connaît le taux de détention le plus faible des navires inspectés
au titre du Mémorandum de Paris, contrairement à la flotte passagers. Ces résultats ne sont
certainement pas étrangers à l'efficacité de la politique de contrôle mise en place par le secteur
pétrolier.
3.3 Les propositions transmises au 90ème Maritime Safety Committee.
La problématique du renforcement de la sécurité des navires à passagers de grandes dimensions
a été présentée pour la première fois en 1999, lors de la 72ème session du Comité de la Sécurité
Maritime. Le 90ème comité de la sécurité maritime de l'OMI s'est réuni en Mai 2012. L’événement
du Costa Concordia à bien évidemment remis à l'ordre du jour cette problématique. Ce comité a
permis d’émettre de nouvelles propositions, mais également de rappeler les intentions déjà
exprimées par certains États parties.
3.3.1 Les mesures proposées par la CLIA à la commission dans le cadre du MSC 9073
L'association internationale des lignes de croisières (CLIA) a été la première partie prenante à
adresser ses recommandations à l'OMI dans la cadre de ce comité. Elle recommande en premier
principe la réalisation d'un exercice d'évacuation avant l'appareillage, et non dans les 24 heures tel
que l'exige la règle 26 du chapitre III de la convention SOLAS. Cette réaction spontanée du secteur
de la croisière montre que le caractère limité de cette disposition était identifié. Dans sa démarche
pro-active, il est regrettable que l'OMI n'ait pas renforcé cette exigence plus tôt.
En mesure d'expertise, il est demandé que la base de données GISIS de l'OMI soit alimentée de
manière régulière par les États parties afin que celle-ci devienne le référentiel international en
matière de report des événements de mer. A ce titre il est proposé un renforcement de l'obligation de
la production d'un rapport après accident (SOLAS règle 6 du chapitre XI-1). Il a également été
rappelé par l'association l’objectif de la MSC-MEPC 3-Circ 3 relatif à la forme et aux délais des
rapports que devraient transmettre les administrations à l'OMI 74 et l'adoption du « Code sur les
enquêtes après accidents » par la résolution MSC.255(84). La CLIA propose également l'emport de
71
72
73
74
JP CLOSTERMMAN / Éléments Humains dans un environnement à risque / p 97.
Ship Inspection Report Programme / Vessel Inspection Questionnaires (VIQ 5)
MSC 90/27/1 ; 2 ; 11 ; 12.
§ 8 de la MSC-MEPC 3 Circ 3.
25
brassières supplémentaires dans des quantités correspondantes aux besoins de la tranche principale
la plus peuplée. L'objectif est de prévoir un nombre de brassières suffisant en cas d'inaccessibilité à
une tranche principale et aux brassières qui s'y trouvent. La police de l’accès en passerelle, difficile
à respecter sur les navires de croisières, est aussi rappelée.
Un point d'importance n'a pas été omis : le respect strict de la résolution A 893(21) relative à la
planification des voyages. Celle-ci précise explicitement au § 3.2.2, dans le cas où cela ne serait pas
évident pour tout navigateur, certains facteurs à prendre en compte pour la détermination de la
route, dont la vitesse de sécurité et le clair sous quille à respecter à proximité des zones présentant
des dangers pour la navigation. Sur ces 2 points, l'usage fait injonction à la règle et cela positionne
le Capitaine et les officiers en situation d'écart par rapport à la procédure (et au sens marin). Cela
contribue à la « banalisation de la transgression »75. La CLIA encourage les membres de l'équipe
passerelle « à exprimer toute préoccupation en matière d'exploitation, sans crainte de rétorsion ou
de représailles » (MSC/90/27-12 § 6). Cette annonce induit une inquiétude sur la réalité des
pratiques exercées.
Enfin, la CLIA réalisera un examen de la sécurité de l'exploitation des navires de croisières par le
biais d'audits internes et d'expertises indépendantes. Chaque ligne de croisière effectuera son propre
examen. L'objectif est l'identification des meilleures pratiques possibles. Le secrétaire général de
l'OMI a favorisé la création d'un canal de communication entre l'OMI et la CLIA pour le recueil de
ces éléments.
3.3.2 Les propositions des États Membres de l'OMI formulées dans le cadre du MSC 90
L' Allemagne est le premier État membre à avoir adressé ses rappels et recommandations sur le
sujet des grands navires à passagers. Sur la base des travaux réalisés lors des MSC 72, 73, 74 et 75,
elle dénonce la légitimé de l'acceptation actuelle des niveaux de sécurité des grands navires à
passagers, et affirme la nécessité de définir un niveau de risques acceptable. Par la suite, une
approche holistique pour la recherche de solution adaptée à la sécurité et à l'évacuation des grands
navires est proposée. Elle consiste à considérer le navire et son exploitation dans son ensemble, et à
procéder aux analyses de risques des différentes configurations pour ne retenir que les solutions les
plus sûres et satisfaisantes au niveau de risque défini. Cette approche semble la plus rationnelle de
toutes. En termes d'objectifs, les nouvelles propositions de l’Allemagne sont de réduire à 30' le
temps total d’évacuation, avec une analyse obligatoire des schémas d'évacuation et scénarios
proposés. Elle préconise également une évolution du code LSA par l'adoption d'un contrôle
spécifique des engins de sauvetage adaptés à la taille des grands navires. Enfin, les évaluations des
systèmes de management de la sécurité des compagnie devraient intégrer le contrôle de
l'implémentation des dernières réglementations et recommandations de l'OMI au niveau de leurs
systèmes.
Les États-Unis rappellent les 5 axes identifiés en 2000 lors du MSC 73, à savoir : le
dimensionnement des échappées, les moyens d'action en cas d’événements, la pénurie en personnel
qualifié, les problèmes concernant la sûreté, la complexité de l'exploitation. Il apparaît que ces
préoccupations sont toujours d'actualité et les États-Unis redéfinissent la problématique en 4 axes
nouveaux. 1/ Le niveau de capacité de survie des navires à passagers est-il adapté au cas
d'échouement de collision ou d'envahissement ? Cette réflexion pose le problème de la pertinence
de la stabilité dite probabiliste dans certains cas « peu fréquent ». Une remise en cause de la
possibilité d'ouverture des portes étanches lors de la navigation encadrée par la MSC.1/Circ.1380
est également évoquée. 2/ L’élément humain et la problématique de la communication entre
l'équipage et les passagers lorsque 70 nationalités sont présentes à bord. Les États-Unis soulignent
75 JP CLOSTERMMAN / La conduite du navire marchand – Facteurs humains dans une activité à risques – p 88.
26
l'absence de dispositifs contraignants sur ce point alors que l'obligation d'une langue de travail au
sein de l'équipage est établie. Dans le même sens, les exercices d'alertes et les informations à
l’attention des passagers sont-elles comprises ? 3/ Techniques de récupération et de sauvetage des
navires à passagers. L'efficacité des plans SAR actuelle est remise en cause. 4/ Prévention des
échouements et collisions. Le pouvoir discrétionnaire du capitaine est-il encore acceptable ? En
dehors des DST (STC), doit-on envisager un suivi par la terre, via les MAS, des navigations
réalisées par les navires à passagers ?
Sans attendre le résultat de l’enquête après accident, l'Italie a annoncé très clairement dés le mois
de février que le principal facteur mis en cause dans le déroulement chaotique de l'évacuation et de
l’abandon a été le délai trop long du déclenchement de l'alarme générale. Elle propose d'autre part
une réflexion autour des axes suivants : 1/Recrutement et formation des équipages. 2/ Planification
des voyages et passation de quart. 3/ gestion de l'alarme générale après l'avarie . 4/ embarcations et
moyens de sauvetage. 5/ Communication entre membres du personnel. 6/ Redondance du matériel.
En termes de mesures à court terme, l'Italie recommande une campagne d'inspection intensive des
navires de croisière, et notamment sur le contrôle de l'aptitude de l'équipage à mettre en œuvre les
plans d'urgences. Cette recommandation sera suivie d'effets dès 2013 par la campagne ciblée du
ParisMou (voir § 2.3.2).
Dans le même sens, elle présente les dispositions de la directive 99-35 comme adaptées à ces
contrôles. Afin de faciliter les opérations de recherche, l'information relative à la nationalité des
passagers doit être fiabilisée. Le voyage plan devrait également faire l'objet d'une transmission
systématique à la compagnie dans un objectif de contrôle et de conservation jusqu'au prochain audit
de renouvellement du Document de Conformité ISM. Dans ce sens, l'obligation d'une route « sûre »
doit être effective, telle que prévue par la règle 34 du chapitre V de la convention SOLAS. L'Italie
recommande également l'amélioration des consignes données aux passagers par l'utilisation de
brochures « multilingues », la diffusion permanente des consignes de sécurité sur le réseau
télévisuel, l'appel des passagers avant l’appareillage, et la définition d'un signal d'abandon
compréhensible par l'ensemble des passagers.
L' Espagne propose une obligation d'affichage des capacités maximum des locaux publics
déterminées par la règle 13 du code FFS en vue d'en respecter la capacité et de limiter le risque de
saturation en cas d’évacuation. Elle dénonce également le principe de l'existence de deux méthodes
pour l'approbation des cheminements d'évacuation, soit par une analyse simplifiée, soit par une
analyse complète, qui amènent à des différences d’interprétation de la part des administrations. Pour
conséquences, les salons fauteuils qui contiennent des sièges inclinables peuvent être considérés
comme salle de réunion. Cela réduit d'autant le taux d'occupation pris en compte dans le calcul de
l’évacuation de ces locaux. Il est proposé que tout salon fauteuils soit considéré comme occupé à
100% dans tous les cas, ce qui est le reflet de l'exploitation de nombreux transbordeurs. Dans le
même sens, il est proposé une extension de l'application de la règle 13.7 du chapitre II-2 de la
convention SOLAS relative à la dimension minimale des coursives et à l’accès aux cabines, à tous
les navires à passagers, et non seulement aux navires rouliers à passagers. L’Espagne porte
également une réflexion essentielle sur les contradictions relevées entre les objectifs de la
réglementation Safe Return to Port et ceux de la stabilité après avarie (voir § 3.1.2). Elle propose de
revoir ce point en réintroduisant une dimension déterministe par l’obligation de conserver une
stabilité résiduelle positive après l'envahissement d'un compartiment quelconque, mais également
de supprimer l'obligation de disponibilité des équipements d'un compartiment dés lors que
l'envahissement de celui-ci implique une perte de la stabilité du navire.
27
Conclusion
Les navires à passagers de grandes dimensions, en particulier les navires de croisière,
représentent 1,7% du transport maritime mondial en jauge brute. Néanmoins, les enjeux représentés
en termes de sécurité sont capitaux. Il n'existe pas aujourd'hui de définition ou de limites sur la
notion de grands navires, ni de consensus sur le niveau de risque acceptable. On notera par ailleurs
que les navires rouliers à passagers, dont la capacité dépasse aujourd'hui 3000 personnes, présentent
des facteurs de risques potentiellement plus élevés que les navires de croisière. On constate que
d'autres types de navires, en particulier pétroliers et gaziers, connaissent de meilleurs évaluations
que les navires à passagers lors des contrôles réalisés par l'État du port, et que ce résultat est
certainement lié à l'efficacité des inspections contractuelles développées par ce secteur. L'industrie
de la croisière devrait s'inspirer d'un tel niveau d'exigence dans la profession.
Les difficultés posées par la gestion de la sécurité des grands navires à passagers concernent en
premier lieu le navire et son exploitation. Dans ce sens, on retiendra que ces navires sont
globalement conçus afin d'atteindre un niveau de sécurité élevé, mais que l’équipement en matière
de drome de sauvetage semble inadapté ou insuffisant dans certains cas. C'est aussi dans la gestion
des ensembles techniques plus nombreux et la nécessité d'une coordination exemplaire que la
grande dimension constitue une difficulté et un défi supplémentaire. Conjointement à ces premiers
éléments, les enjeux résident aussi et surtout dans la gestion efficace des facteurs humains, en
particuliers en matière de formation et de compétences des équipages qui, à la vue des effectifs
embarqués, sont déterminantes pour atteindre une exploitation sûre du navire. Enfin, il est
aujourd'hui reconnu que les États Côtiers ne sont pas en mesure de répondre à une opération de
sauvetage de grande ampleur. Par ailleurs, les États du Port, ainsi que les États du pavillon, sont
confrontés à un niveau d'expertise qu'il est nécessaire de développer pour accéder à une pleine
appréciation des conditions d'exploitation de ces navires, et agir efficacement dans leurs missions
d'inspection et de certification.
Les évolutions relatives au concept du retour au port en toute sécurité instaurées par les
amendements à la convention SOLAS de 2006 vont cependant contribuer à rendre ces navires
encore plus fiables. De même, les amendements à la convention STCW de 2010 vont permettre
d'accroître les compétences des équipages dans la gestion du facteur humain.
On notera également que certaines voies d'amélioration existent, en s'inspirant notamment des
meilleures pratiques réalisées par le secteur du transport pétrolier ou l'évaluation du profil des
candidats aux fonctions de direction. Enfin, parmi les propositions émises lors de la 90ème session
du comité de la sécurité maritime de l'OMI, on retiendra l'intervention de l'Allemagne qui interroge
la communauté maritime sur la légitimité de la sécurité aujourd'hui présumée de ces grands
ensembles et affirme le besoin de définir un risque acceptable.
Dans le même sens, on ajoutera que dans la conduite des systèmes à risques 76, l'opérateur devrait
toujours considérer la gravité des conséquences d'un risque plutôt que sa probabilité d’occurrence.
Enfin, la sûreté pose un autre questionnement. La menace représentée par le détournement ou la
prise de force d'un ensemble de plusieurs milliers de personnes est-elle acceptable ? Dans ce sens
également, la recherche d'une limite objective au gigantisme devrait être favorisée.
76 JP CLOSTERMANN / La conduite du navire marchand.
28
4 Annexes
Annexe 1 : Comparatif des Ratios Equipage / Passagers / Jauge des Navires de Croisières et des
Transbordeurs
Annexe 2 : Données flotte passagers au 01/01/2012 (ISL)
Annexe 3 : Données flotte mondiale au 01/01/2012 (ISL et MFC)
Annexe 4 : Accidentologie - Statistiques du Bureau de la Sécurité des Transports – Canada
Annexe 5 : Accidentologie – Statistiques du Marine Accident Investigation Branch – Royaume Uni
Annexe 6 : Déficiences par type en fonction de la jauge des navires – EMSA - ParisMou
Annexe 1 : Comparatif des Ratios Equipage / Passagers / Jauge des Navires de Croisières et des Transbordeurs
Nom
Année de
construction
Jauge Brute
Passagers
Equipage
Total de
personnes à
bord
Ratio R1 :
Equipage /
Passagers
Ratio R2 : Equipage /
Jauge Brute
Ratio R3 : Personnes à
bord / Jauge Brute
R= 1000*R1/GT
disponibilité
potentielle de
l'équipage
Transbordeurs à passagers (CF)
Napoléon Bonaparte
1996
44306
2690
150
2840
0,0558
0,0034
0,0641
0,0013
Pont Aven
2004
40859
2415
150
2565
0,0621
0,0037
0,0628
0,0015
Méditerranée
1989
30985
2600
140
2740
0,0538
0,0045
0,0884
0,0017
Mega Express III
2001
29637
2100
141
2241
0,0671
0,0048
0,0756
0,0023
Tanit
2011
52645
3200
200
3400
0,0625
0,0038
0,0646
0,0012
198432
13005
781
13786
0,0601
0,0039
0,0695
0,0015
39686,4
2601
156,2
2757,2
TOTAL
valeurs
moyennes
Navires de Croisières (CS)
Carnival Breeze
2012
130000
4633
1367
6000
0,2951
0,0105
0,0462
0,0023
Carnival Conquest
2002
110000
3756
1160
4916
0,3088
0,0105
0,0447
0,0028
Carnival Destiny
1996
101353
3400
1050
4450
0,3088
0,0104
0,0439
0,0030
Carnival Dream
2009
130000
4633
1369
6002
0,2955
0,0105
0,0462
0,0023
Carnival Fascination
1994
70367
2634
926
3560
0,3516
0,0132
0,0506
0,0050
Carnival Paradise
1998 / 2008
70367
2606
920
3526
0,3530
0,0131
0,0501
0,0050
Annexe 1 : Comparatif des Ratios Equipage / Passagers / Jauge des Navires de Croisières et des Transbordeurs
Ratio R3 : Personnes à
bord / Jauge Brute
R= 1000*R1/GT
disponibilité
potentielle de
l'équipage
0,0096
0,0426
0,0025
0,2923
0,0096
0,0425
0,0026
4538
0,3078
0,0104
0,0442
0,0030
450
1450
0,4500
0,0157
0,0507
0,0157
2680
920
3600
0,3433
0,0107
0,0419
0,0040
113000
3782
1200
4982
0,3173
0,0106
0,0441
0,0028
2006
113000
3763
1200
4963
0,3189
0,0106
0,0439
0,0028
Star Princess
2002
109000
3209
1100
4309
0,3428
0,0101
0,0395
0,0031
Golden Princess
2001
109000
3209
1100
4309
0,3428
0,0101
0,0395
0,0031
Allure of the Seas
2010
225282
6296
2165
8461
0,3439
0,0096
0,0376
0,0015
Freedom of the Seas
2006
160000
4375
1360
5735
0,3109
0,0085
0,0358
0,0019
Explorer of the seas
2000
142000
3835
1185
5020
0,3090
0,0083
0,0354
0,0022
Brillance of The Seas
2002
90090
2501
848
3349
0,3391
0,0094
0,0372
0,0038
Serenade of the Seas
2003
90900
2490
891
3381
0,3578
0,0098
0,0372
0,0039
Oasis of the Seas
2009
220000
6300
1800
8100
0,2857
0,0082
0,0368
0,0013
Voyager of the Seas
2001
138000
3835
1185
5020
0,3090
0,0086
0,0364
0,0022
Equipage
Total de
personnes à
bord
Ratio R1 :
Equipage /
Passagers
Ratio R2 : Equipage /
Jauge Brute
3780
1100
4880
0,2910
114500
3763
1100
4863
2004
102587
3470
1068
Costa Allegra
1992 / 2005
28597
1000
Costa Atlantica
2000 / 2003
86000
Caribbean Princess
2004/2009
Crown Princess
Nom
Année de
construction
Jauge Brute
Passagers
Costa Fascinosa
2012
114500
Costa Pacifica
2009
Costa Magica
Annexe 1 : Comparatif des Ratios Equipage / Passagers / Jauge des Navires de Croisières et des Transbordeurs
Ratio R3 : Personnes à
bord / Jauge Brute
R= 1000*R1/GT
disponibilité
potentielle de
l'équipage
0,0112
0,0420
0,0028
0,3938
0,0114
0,0403
0,0047
5936
0,4040
0,0110
0,0381
0,0026
949
2967
0,4703
0,0126
0,0394
0,0062
2348
1065
3413
0,4536
0,0116
0,0372
0,0049
92000
2846
1081
3927
0,3798
0,0118
0,0427
0,0041
2007
93530
2807
1092
3899
0,3890
0,0117
0,0417
0,0042
MSC Divina
2012
133500
3959
1325
5284
0,3347
0,0099
0,0396
0,0025
MSC Fantasia
2008
133500
3959
1325
5284
0,3347
0,0099
0,0396
0,0025
MSC Magnifica
2010
92400
3013
987
4000
0,3276
0,0107
0,0433
0,0035
MSC Splendida
2009
133500
3959
1325
5284
0,3347
0,0099
0,0396
0,0025
MSC Musica
2006
92400
3012
987
3999
0,3277
0,0107
0,0433
0,0035
Queen Mary 2
2003
151400
3090
1253
4343
0,4055
0,0083
0,0287
0,0027
TOTAL
4026724
121589
40964
162553
0,3369
0,0102
0,0404
0,0029
moyenne
115049,257
3473,971
1170,400
4644,371
5,610
2,585
1,721
1,935
Nom
Année de
construction
Jauge Brute
Passagers
Equipage
Total de
personnes à
bord
Ratio R1 :
Equipage /
Passagers
Ratio R2 : Equipage /
Jauge Brute
Disney Dream
2011
130000
4000
1458
5458
0,3645
Disney Magic
1998
83000
2400
945
3345
Norwegian Epic
2010
155873
4228
1708
Norwegian Spirit
1999
75338
2018
Norwegian Star
2001
91740
Norwegian Jewel
2005
Norwegian Gem
Rapport des ratios CV / CF
Annexe 2 : Données flotte passagers au 01/01/2012 (ISL)
Annexe 2 : Données flotte passagers au 01/01/2012 (ISL)
Annexe 3 : Données flotte mondiale (MFC – Sources ISL)
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Milliers d'unités de jauge brute
520 913
537 354
552 660
570 325
601 673
639 658
685 738
734 678
788 241
838 353
909 146
977 932
Milliers de tonnes TPL
778 758
799 763
820 746
840 355
888 036
944 497
Nombre de navires
39 008
39 113
39 415
39 665
39 932
41 110
42 872
8 597
9 376
10 366
11 728
TEU (*1000)
1 009 524 1 079 519 1 152 848 1 234 154 1 348 930 1 461 759
44 553
46 155
46 948
47 833
48 197
14 516
15 197
16 423
17 666
2 000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Milliers d'unités de jauge brute
520 912
537 623
552 660
570 325
601 671
639 660
682 158
734 676
788 241
838 351
909 145
977 931
Milliers de tonnes TPL
778 758
799 762
820 746
840 355
888 035
944 497
Nombre de navires
39 008
39 113
39 415
39 665
39 932
41 110
42 872
44 553
46 155
46 948
47 833
48 197
Contrôle
2 000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Milliers d'unités de jauge brute
1
-269
0
0
2
-2
3 580
2
0
2
1
1
Milliers de tonnes TPL
0
1
0
0
1
0
157
1
-1
-1
1
1
Nombre de navires
0
0
0
0
0
0
0
0
0
T
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1
3
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3
6
1
7
2
3
6
1
4
9
1
7
4
1
5
5
1 009 367 1 079 518 1 152 849 1 234 155 1 348 929 1 461 758
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5
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1
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0
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5
7
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0
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1
0
0
0
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0
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0
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0
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1
2
5
0
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0
,
0
0
0
1
6
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0
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0
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0
3
0
0
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0
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0
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0
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1
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1
4
6
8
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1
5
5
6
1
4
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3
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0
2
0
4
2
9
9
9
4
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1
1
4
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4
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0
1
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3
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%
%
%
1
3
0
8
0
4
0
7
0
1
9
0
2
1
6
,
jauge moyenne 2000
13,354004
jauge moyenne 2011
20,290309
croissance de la jauge moyenne
51,94%
r
Annexe 4 : Accidentologie - Statistiques du Bureau de la Sécurité des Transports – Canada
Source des données MARSIS du BST
27 août 2012
Accidents de navires de passagers plus de 500 tjb
Total par
type
5
Répartton
par type
6,33%
0
8
10,13%
2
24
30,38%
6
1
25
31,65%
0
0
0
2
2,53%
0
1
2
0
10
12,66%
0
0
0
0
0
3
3,80%
1
0
0
0
0
0
1
1,27%
0
0
0
0
0
0
1
1,27%
7
4
5
7
13
4
79
100,00%
Répartton
par type
43,16%
25,26%
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Abordage
0
0
0
2
0
0
0
0
0
1
1
0
1
Échouement
0
0
1
1
1
0
0
1
1
0
3
0
Heurt Violent
1
1
0
4
3
1
1
2
2
1
1
5
Autres
4
0
1
1
2
4
0
2
1
2
1
A sombré / A coulé
0
0
0
1
0
0
0
0
0
1
Incendie / Explosion
3
0
2
0
1
0
0
1
0
Avaries causées par les glaces
Avarie - hélices / gouvernail /
bâtiment
Envahissement
0
0
0
1
0
2
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Total
8
1
4
10
8
7
1
Incidents à signaler de navires de passagers plus de 500 tjb
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Situation très rapprochée
1
3
3
6
9
7
2
3
3
1
0
2
1
Total par
type
41
Autres
3
1
1
3
1
4
2
1
4
1
1
2
0
24
Problèmes de cargaison
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
0
1
1,05%
Machine / gouvernail / hélice
0
1
0
3
0
1
3
3
2
6
1
1
2
23
24,21%
Incidents personnels
0
1
0
2
1
0
1
0
0
1
0
0
0
6
6,32%
Total
4
6
4
14
11
12
8
7
9
10
2
5
3
95
100,00%
Annexe 5 : Accidentologie – Statistiques du Marine Accident Investigation Branch – Royaume Uni
Accidents impliquants des navires transbordeurs sous pavillon UK sur la période 1991-2005 : facteurs déterminants
Source : MAIB 2006.
Systèmes mis en cause
Sécurité - Gestion et procédures
Service pont (cas des échouements)
Service machine (cas des incendies)
Facteurs déterminants
Nombre de cas
Défauts liés à l’équipement, la documentation,
6
l’ergonomie
Système de maintenance inadapté
1
Défaut de management
19
Défaut de formation
6
TOTAL
32
Procédures passerelle
Défaut machines
Equipement de navigation ou de
communication
Part représentée
19%
3%
59%
19%
100%
7
3
64%
27%
TOTAL
1
11
9%
100%
TOTAL
3
29
1
1
16
9
5
64
5%
45%
2%
2%
25%
14%
8%
100%
Machines auxiliaires
Origine électrique
Echouement
Incident grave
Autres défauts importants
Machines principales
Pratiques non sures
Annexe 5 : Accidentologie – Statistiques du Marine Accident Investigation Branch – Royaume Uni
Tous navires UK de plus de 30000 UMS - Accidents par type de 2001 à 2011
source : MAIB
16%
0% 0% 9%
0%
22%
15%
2%
2%
Cargo Handling Failure
Collision
Contact
Escape Of Harmful Substance
Fire/Explosion
Flooding/Foundering
Grounding
Heavy Weather Damage
Hull Failure
Machinery Failure
Missing Vessel
Person Overboard
Pollution
6%
16%
2%
9%
Navires de Croisières UK de plus 30000 UMS - Accidents par type de 2001 à 2011
Source : MAIB
9%
2% 2%
19%
4%
21%
25%
5%
9%
5%
Collision
Contact
Escape Of Harmful Substance
Fire/Explosion
Flooding/Foundering
Grounding
Heavy Weather Damage
Machinery Failure
Person Overboard
Pollution
Annexe 6 : Déficiences par type en fonction de la jauge des navires – EMSA – ParisMou
GT<40000
GT>40000
Paris MOU / Déficiences 2011 navires à passagers
Répartition par type en fonction de la jauge
25,00%
20,00%
15,00%
10,00%
5,00%
0,00%
A
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Paris Mou / Détentions 2011 : Taux de détention des navires à passagers
5,00%
4,50%
4,71%
4,51%
4,00%
3,50%
3,00%
2,50%
2,00%
1,70%
1,50%
1,00%
0,50%
0,00%
0,00%
Navires à passagers de JB>40000
Navires rouliers à passagers de JB>40000
Tous navires à passagers
Tous navires rouliers à passagers

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