ENQUETE ELECTORALE FRANÇAISE

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Région Normandie
N°12
Novembre 2015
Élisabeth Dupoirier
Directrice de recherche honoraire FNSP
La nouvelle région Normandie réunit la Haute-Normandie et la
Basse-Normandie, cette dernière ayant souhaité cette réunification
au nom d’une histoire commune, jusqu’ici en vain. Ainsi constituée,
la Normandie relie la Bretagne à la nouvelle région Picardie NordPas-de-Calais et jouxte la région Île-de-France sur une superficie de
près de 30 000 km2 comprenant 600 km de littoral.
Les treize nouvelles régions de France métropolitaine, source : Ministère de l’intérieur
1
Une population à dominante rurale et faible dynamisme démographique
Avec 3,3 millions d’habitants et une densité d’habitants au kilomètre carré de 111, la
Normandie figure au cinquième rang des régions les moins peuplées, juste avant sa voisine la Bretagne
et parmi les régions à faible densité de population, ce qui tient pour une bonne part au dépeuplement
de la Basse-Normandie. La région se caractérise en effet par sa dominante rurale, plus des deux tiers de
la population (les trois-quarts en Basse-Normandie) vivant dans des communes de moins de 10 000
habitants au lieu de 52% en moyenne métropolitaine. La population urbaine est concentrée sur la vallée
de la Seine où sont implantées la plupart des grandes aires urbaines que compte la nouvelle région. La
croissance annuelle de la population de 0,3% entre 2006 et 2011 est inférieure à celle de la métropole
(0,5%) et résulte exclusivement d’un solde naturel positif. La Normandie n’est effectivement pas une
région qui attire de nouveaux habitants.
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Tableau 1 - Marqueurs économiques et sociaux en Normandie, source : INSEE et CCI
Normandie
France
+0,3
+0,5
-0,6
0
25 922
27 700 hors IDF
Taux de chômage en 2014 (%)
10,3
10
Taux de pauvreté dans la population en 2011 (%)
13,8
14,1
Familles monoparentales dans la population en 2011 (%)
3,3
8,1
Bénéficiaires du RSA en 2013 dans la population (%)
6,3
6,4
Taux de croissance annuel de la population 2006-2011 (%)
Taux de croissance de l’emploi 2008-2013 (%)
PIB par habitant en 2012 en euros
Une région atteinte par la crise économique mais moyennement pénalisée
par ses effets sociaux
Avec un PIB de 86,2 milliards d’euros en 2012, la Normandie contribue à 4,3% de la richesse
nationale, au 7e rang des régions. La répartition du PIB par habitant s’établit à 25 922 euros - un niveau
de richesse inférieur à la moyenne métropolitaine hors Île-de-France - et situe la Normandie parmi les
régions les moins riches (11e rang).
L’emploi normand est inégalement réparti entre Basse-Normandie (45%) et Haute-Normandie
(55%). En 2012, il se concentre sur le secteur tertiaire qui absorbe 81% de l’emploi régional avec
comme filières dominantes dans le domaine des activités marchandes le commerce, les transports et la
logistique et le tourisme, ces trois activités étant fortement liées aux activités portuaires de la région.
Le secteur de la construction (7,5% des emplois), comme celui de l’industrie (16,8% des emplois) concentré
dans la vallée de la Seine sont en revanche tous deux en déclin continu depuis le début des années 2000,
c’est-à-dire avant la crise. Sur la période 2000-2013, ils auraient perdu près de 20% des emplois. Malgré ce
déclin, la Normandie reste la quatrième région industrielle française et la première pour ses activités dans
le domaine de l’énergie. Elle cumule en effet équipements nucléaires (trois centrales et une usine de
retraitement), raffinage de pétrole et énergies renouvelables (éoliennes et usine marée-motrice).
Le secteur agricole - surtout développé en Basse-Normandie -, bien qu’aussi en décroissance,
fournit encore 3,1% des emplois (au lieu de 2,4% en moyenne métropolitaine) et la région est au
premier rang pour l’élevage de chevaux.
Les effets sociaux de la crise sont - comme dans la Bretagne voisine - moins sévères qu’en
moyenne. Fin 2014, le taux de chômage n’excède pas la moyenne nationale, les bénéficiaires du RSA sont à
peine aussi nombreux qu’en moyenne tandis que le taux de pauvreté comme la proportion de familles
monoparentales dans la population sont nettement inférieurs à leurs moyennes métropolitaines.
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Une identité politique encore incertaine
Telle qu’elle a été constituée par la réforme territoriale, la Normandie présente une identité
politique incertaine. La Haute-Normandie, en partie marquée par son activité industrielle passée et
encore présente, vote volontiers majoritairement pour la gauche. La Basse-Normandie, plus rurale et
surtout marquée par le centrisme - incarné jadis par Raymond Barre, aujourd’hui par François Bayrou,
se révèle plutôt droitière aux tours décisifs des élections.
Le rapport de forces mesuré au second tour de l’élection présidentielle de 2012 confirme cette
différence de tempérament politique entre les deux entités : la Haute-Normandie, peu sensible au
candidat Bayrou du premier tour, vote largement François Hollande au second (52,6% des suffrages).
La Basse-Normandie, qui donne 10,6% de ses votes au candidat centriste au premier tour, élit de justesse
le candidat de la gauche au second (50,8% des suffrages) et le score reconstitué pour le nouvel
ensemble Normandie s’établit finalement au niveau de la moyenne nationale (51,6%).
Tableau 2 - La gauche au second tour de l’élection présidentielle, 1988-20121 , source : CEVIPOF
1988
1995
2007
2012
Normandie (%)
56
48,3
46,7
51,8
France (%)
54
47,4
46
51,6
Au niveau régional, la Basse-Normandie a été gouvernée par un président de centre droit René Garrec - durant les trois premières mandatures avant que la gauche ne remporte la région en
2004. En Haute-Normandie, l’alternance des majorités a été plus précoce, la région étant gouvernée par
la gauche dès 1998.
Sans jamais faire des scores de premier plan, le FN a souvent joué le rôle d’arbitre entre la
gauche et la droite aux élections régionales. En 1998, il contribue à faire tomber le président RPR de
Haute-Normandie - Antoine Rufenacht - et facilite la réélection de la gauche en 2010 en se maintenant
au second tour avec un score de 14% qui lamine la liste de droite. C’est encore le FN qui provoque le
basculement à gauche de la Basse-Normandie en 2004, sans pour autant maintenir son influence lors de
la dernière élection régionale. En 2010 en effet, ce sont les Verts qui contribuent au maintien de la
gauche au pouvoir, face à une droite divisée entre une liste centriste et une liste UMP.
Des élections locales aux résultats mitigés pour la gauche
Les élections municipales de 2014 ont été relativement moins pénalisantes pour la gauche qu’on
aurait pu s’y attendre. Parmi les 37 villes d’au moins 10 000 habitants que compte la Normandie, elle perd
sept villes sur les 28 qu’elle détenait précédemment mais en conserve 21 qui lui permettent de rester
largement dominante par rapport à la droite. À l’issue des élections, celle-ci ne détient en effet que 16
villes sur 37. C’est en Haute-Normandie que les pertes de la gauche ont été les plus lourdes. Le PS ne détient
Dans ce tableau et les suivants, ce sont les résultats électoraux des trois anciennes régions qui sont agrégés
puis présentés sous forme de pourcentages des suffrages exprimés de la nouvelle région.
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plus dans l’Eure qu’une ville au lieu des quatre précédemment gouvernées. En Seine-Maritime, cinq villes
de la vallée de la Seine sont perdues et une seule est prise à l’UMP.
Les élections départementales de mars 2015 sont plus sévères pour le PS. Dès le premier tour
la droite domine la gauche de plus de deux points, tandis que le FN confirme son implantation en
Normandie au 6e rang des régions. Au second tour, les deux départements de la Haute-Normandie
basculent à droite et rejoignent les trois départements de la Basse-Normandie dont les présidents
sortants, réélus, appartiennent déjà à l’UMP ou à l’UDI. La Normandie est désormais politiquement
monocolore et de droite.
Tableau 3 - Les résultats du 1er tour des élections départementales de 2015, source : CEVIPOF
Normandie
France
Gauche (%)
35,5
36,5
Droite (%)
37,7
36,4
FN (%)
26,1
25,8
En marche vers les élections régionales de décembre
Les 6 et 13 décembre 2015, environ 2,3 millions d’électeurs normands sont invités à élire 102
conseillers régionaux répartis dans les cinq départements au prorata de leur population.
Tableau 4 - Répartition par département des 102 sièges au conseil régional de Normandie, source :
Elisabeth Dupoirier
Anciennes régions
Haute-Normandie
Eure
Seine-Maritime
Basse-Normandie
Calvados
Manche
Orne
Normandie
4
Sièges
17
38
21
16
10
102
Neuf listes se sont déclarées. La gauche se révèle divisée entre cinq listes. La liste PS-PRG est
emmenée par Nicolas Mayer-Rossignol, président sortant du conseil régional de Haute-Normandie. Celle
d’Europe-Écologie-les-Verts est conduite par Yanic Soubien, conseiller régional sortant de BasseNormandie. S’ajoutent la liste du Front de gauche avec pour tête de liste le maire communiste de
Dieppe, la liste écologiste Nouvelle Donne d’Alexandra Lecoeur et la liste Lutte Ouvrière (LO) emmenée
par Pascal Le Manach, militant syndicaliste en Haute-Normandie.
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À droite, la liste de rassemblement UDI-LR-MoDem d’Hervé Morin, ancien ministre, est
encadrée par deux listes souverainistes : celle de Debout la France emmenée par Nicolas Calbrix et celle
de l’Union Républicaine et Populaire (UPR) conduite par Jean-Christophe Loutre.
Le FN aura à sa tête Nicolas Bay, député européen et conseiller régional sortant de HauteNormandie.
Un sondage BVA pour la presse régionale réalisé en Normandie du 6 au 14 octobre 2015
auprès de 800 Normands inscrits sur les listes électorales, suggère un scrutin serré à l’issue pour le
moment incertaine. Au premier tour, la liste de rassemblement de la droite d’Hervé Morin avec 32%
d’intentions de vote dominerait largement celle du PS-PRG de Nicolas Mayer-Rossignol (23%) qui
n’arriverait qu’en troisième position derrière le FN (27%). Mais la stratégie de rassemblement a un
coût : la droite manque de réserves de voix dans son propre camp (Debout la France n’est crédité que de
1% des votes) et totaliserait seulement 33% des suffrages de 1er tour tandis que l’ensemble des listes de
gauche en recueillerait 40% grâce aux 7% de la liste EELV Cap21 et aux 9% de la liste du Front de
gauche. Si bien qu’au second tour, les bons reports des électeurs du Front de gauche compensant ceux
minoritaires des écologistes, la liste PS PRG talonnerait avec 34% des suffrages la liste d’Hervé Morin
(36%) qui serait toujours en tête.
On le voit bien en Normandie, la mobilisation des électeurs de chaque camp sera décisive.
Toujours selon le sondage BVA, l’intérêt manifesté par les électeurs pour ces élections est pour le
moment nettement plus faible (42%) qu’en moyenne des régions (56%) et un tiers environ des
personnes interrogées ne donnent pas d’intentions de vote pour le premier comme pour deuxième tour.
Dans le climat de défiance vis-à-vis du gouvernement et du président qui prévaut encore aujourd’hui,
la mobilisation à droite se fondera sans doute sur la nationalisation des enjeux de l’élection pour
appeler à un vote sanction. À gauche, c’est sur des enjeux régionaux que la mobilisation pourrait se
faire, d’autant plus que, selon BVA, les bilans d’action des deux conseils régionaux sortants sont
appréciés par plus des deux tiers des sympathisants PS et encore une nette majorité des sympathisants
du Front de gauche, une force politique qui compte en Normandie. Affaire à suivre.
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Pour aller plus loin :
> INSEE, La France et ses territoires, 2015, 172 p., http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/FST15.pdf
> CAZENEUVE (Bernard), « Une nouvelle carte des régions en accord avec les attentes des
Français »,TNS Sofres, L’Ėtat de l’opinion 2015, Seuil, 2015, p. 37-46.
> MARCĖ (Carine), CHICHE (Jean), « Le profil politique des nouvelles régions
françaises »,TNS Sofres, L’Ėtat de l’opinion 2015, Seuil, 2015, p. 47-54.
> FOURQUET (Jérôme) et MANTERNACH (Sylvain), Départementales de mars 2015 (1) : le
contexte, août 2015, 44 p. [ISBN 978-2-36408-086-7], http://www.fondapol.org/etude/jeromefourquet-et-sylvain-manternach-departementales-de-mars-2015-1-le-contexte/
> FOURQUET (Jérôme) et MANTERNACH (Sylvain), Départementales de mars 2015 (2) : le
premier tour, août 2015, 56 p. [ISBN 978-2-36408-087-4], http://www.fondapol.org/etude/
jerome-fourquet-et-sylvain-manternach-departementales-de-mars-2015-2-le-premier-tour/
> FOURQUET (Jérôme) et MANTERNACH (Sylvain), Départementales de mars 2015 (3) : le
second tour, août 2015, 56 p. [ISBN 978-2-36408-088-1], http://www.fondapol.org/etude/jeromefourquet-et-sylvain-manternach-departementales-de-mars-2015-3-le-second-tour/
> PERRINEAU (Pascal), Régionales 2010 : que sont les électeurs devenus ?, Paris, Fondation
pour l’innovation politique (FONDAPOL), mai 2010, 52 p. [ISBN 978-2-917613-49-8]
http://www.fondapol.org/wp-content/uploads//pdf/note/Note_Regionales_2010.pdf
> DUPOIRIER (Élisabeth), « La régionalisation des élections régionales ? : un modèle
d’interprétation des élections régionales en France », Revue française de science politique, 54
(4), août 2004, pp. 571-594. [ISSNe 1950-6686]
http://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=RFSP_544_0571
> DUPOIRIER (Ėlisabeth) (dir.), Régions, La croisée des chemins, Paris, Presses de Sciences
Po, 1998, 382 p.
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Le mode de scrutin régional
Le mode de scrutin pour les élections régionales est un scrutin proportionnel à
deux tours avec prime majoritaire pour la liste arrivée en tête au tour décisif1.
Au premier tour, il n’y a répartition des sièges que dans l’hypothèse où une liste
obtiendrait la majorité absolue des suffrages exprimés. Les sièges sont alors attribués à
chaque liste en fonction du nombre de voix obtenues par chacune d’entre elles à
l’échelon régional. La liste qui recueille la majorité absolue des suffrages exprimés
obtient en outre une prime majoritaire de 25% du nombre de sièges à pourvoir. Les
autres sièges sont attribués à la représentation proportionnelle selon la règle de la plus
forte moyenne entre toutes les listes qui ont obtenu au moins 5% des suffrages
exprimés.
Si aucune liste n’obtient la majorité absolue des suffrages exprimés, il est
procédé à un second tour de scrutin. Seules peuvent se présenter les listes qui ont
obtenu au moins 10% des suffrages exprimés. Au second tour, la liste qui a obtenu le
plus grand nombre de voix obtient une prime majoritaire de 25% du nombre de sièges à
pourvoir. Les autres sièges sont répartis à la proportionnelle à la plus forte moyenne
entre toutes les listes qui figurent au second tour et ont obtenu au moins 5% des
suffrages exprimés. La liste arrivée en tête reçoit donc le plus grand nombre de sièges
qui s’ajoutent à ceux obtenus par la prime majoritaire. Elle est ainsi quasiment assurée
de détenir la majorité au sein du conseil régional.
Composition des listes
Pour les élections régionales, les listes sont régionales mais elles sont
composées de sections départementales : chaque liste est constituée d’autant de
sections qu’il y a de départements dans la région. Les listes sont bien régionales dans
la mesure où est désigné à sa tête la ou le candidat tête de liste régional et où le
bulletin de vote d’une liste est identique dans tous les départements d’une même
région.
Le nombre de conseillers régionaux et de candidats par section départementale
est fixé par une annexe au code électoral. Chaque section départementale de liste
comporte deux candidats de plus que le nombre de sièges à pourvoir dans le
département.
Les listes doivent également respecter l’obligation de parité : chaque liste est
composée alternativement d’un candidat de chaque sexe.
Le nombre de conseillers régionaux Le nombre total de conseillers régionaux reste inchangé malgré la nouvelle carte
des régions.
En cas de regroupements de régions, l’effectif du conseil régional est égal à la
somme des effectifs des conseils régionaux regroupés.
1757 conseillers régionaux sont à élire. Pour la Basse-Normandie et HauteNormandie : 102.
_________________
Le tour décisif est le tour de scrutin où une liste obtient la majorité des suffrages : majorité absolue au
premier tour ou majorité relative ou absolue au second tour.
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Edition : Madani CHEURFA, Odile GAULTIER-VOITURIEZ
Conception et réalisation : Marilyn AUGE
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