Turner et ses peintres par Dominique Dupuis Labbé « Etudiez donc

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Turner et ses peintres par Dominique Dupuis Labbé « Etudiez donc
Turner et ses peintres par Dominique Dupuis Labbé
« Etudiez donc les œuvres des grands maîtres pour toujours. Etudiez-les aussi près que vous le pouvez, à la manière et selon les principes qui les ont eux-mêmes guidés.
Etudiez la nature attentivement, mais toujours en compagnie de ces grands maîtres. Considérez-les à la fois comme des modèles à imiter et comme des rivaux à
combattre » Sir Josua Reynolds (1723-1792) Discourses on Art, VI, 1774
Joseph Mallord William Turner (1775-1851), déjà largement reconnu de son vivant, est considéré aujourd’hui comme le plus grand peintre de
paysage britannique du XIXe siècle. On le tient pour le rénovateur du genre notamment dans ses oeuvres ultimes où s’opère un dépassement
de la tradition par la dilution des formes dans la lumière. Turner est souvent perçu comme l’inspirateur de l’impressionnisme (qu’il n’a pas pu
connaître) voire de la peinture abstraite. Turner n’a jamais cessé de vouloir transcrire dans sa peinture la sensation de la nature tout en
s’inspirant continuellement d’un certain nombre d’artistes (des peintres essentiellement), glorieux anciens ou bouillonnants rivaux
contemporains, pour conduire sa quête artistique. Exceptionnellement ambitieux, Turner fut en constante rivalité avec l’art passé ou présent
afin de parfaire la discipline. Ce révolutionnaire, en effet, est aussi bien un héritier, un continuateur et un compagnon de route. La profonde
singularité de Turner (1775-1851) s’est nourrie de son dialogue avec la peinture tant des maîtres anciens que des ses contemporains tout au
long de sa très longue carrière. Ce dialogue, souvent inquiet, pointilleux, volontiers compétitif mais toujours fécond, a nourri le parcours
exigeant du peintre. Dès ses débuts, au milieu des années 1790, Turner se montre un aquarelliste particulièrement doué et ambitieux rivalisant
avec les plus grands de ses contemporains dont son ami Thomas Girtin (1775-1802) mais aussi avide de maîtriser la technique picturale en
s’inspirant du paysagiste gallois Richard Wilson (1713-1782) et en visitant les premières collections privées britanniques qui, en l’absence de
musée, détiennent les œuvres des maîtres anciens que Turner brûle d’égaler. Il s’est voulu d’abord peintre, pas seulement un paysagiste, il a
construit toute son œuvre pour être intégré au panthéon des plus grands. Indissociablement avec eux et contre eux, afin de se définir…
Un apprentissage britannique Londonien natif d’origine modeste, Turner est un pur produit de la jeune Royal Academy of Arts fondée en
1768 et qui préconisait comme base de son enseignement la copie d’après les « maîtres », à savoir un petit nombre de peintres de la
Renaissance ou du XVIIe siècle, considérés comme la quintessence du « Grand Style ». Suivant cette méthode tout au long de sa carrière,
Turner va construire sa voie en opérant ses propres choix parmi les « inspirateurs » à la fois ceux prônés par la tradition académique et en
dehors. Car son parcours est accompagné par le développement de la scène artistique à Londres avec la création des premiers musées, l’essor
des expositions publiques et du marché de l’art. À la fin du XVIIIe siècle, les paysagistes britanniques se sont faits une véritable spécialité de
l’aquarelle. D’abord passionné d’architecture, Turner commence ainsi sa carrière comme aquarelliste topographe. A Stourhead, chez le grand
collectionneur Sir Richard Colt Hoare, un de ses 1 er mécènes, il découvre en outre les sombres et inquiétantes gravures de Piranèse qui vont
inspirer ses 1ères vues aquarellées d’architectures gothiques. Il devient bien vite après 1795 l’aquarelliste le plus doué de sa génération avec son
jeune ami et rival Thomas Girtin. Mais au milieu des années 1790, il entend aussi acquérir la maîtrise de la peinture à l’huile. Il aura toute sa vie
des auteurs de prédilection. Titien La mise au tombeau Louvre vers 1520 est copiée dans un carnet en 1802. Dès les années 1790, Turner découvre l’art
de Rembrandt avec lequel il entretient un très riche dialogue. Il est d’emblée fasciné par la puissance des clairs-obscurs de ses paysages,
capables de transcender les sites les plus triviaux. Le maître hollandais semble apprendre à Turner la valeur dramatique des forts contrastes
lumineux. Le Repos pendant la fuite en Egypte Rembrandt vers 1560 CP lui inspire Le four à chaux de Coalbrookdale - new Haven 1797). Cette précoce peinture à l’huile
témoigne de la fascination du jeune Turner pour la science des contrastes lumineux des paysages de Rembrandt. Il reprend le dispositif en
contre-jour fortement dramatisé qui sert à magnifier la disgracieuse fabrique industrielle, comme pour suggérer une créature fantastique,
maîtresse des prospérités humaines. La peinture de paysage vient d’acquérir ses lettres de noblesse en Angleterre avec les œuvres du gallois
Richard Wilson, lui-même très influencé par la grande tradition du paysage classique italien dont G Dughet. Vers 1765, Wilson réalisa et fit
graver une série des six vues galloises transposées selon les normes harmonieuses du paysage classique (Richard Wilson (1713-1782) Le Château et la Cité
de Pembroke, 1765-1766 Cardiff). Turner connaissait et admirait ces représentations au point de se rendre sur place en 1798 sur les traces du peintre
gallois et de s'en inspiré (Le château de Harleck, vu du bac de Twgwyn, crépuscule d'été, exposé à l'académie royal en 1799 - New Haven). Il évoque non seulement la
manière de Wilson mais aussi les événements contemporains (la guerre avec la France). Toutefois la lumière représentée par Turner sur sa toile
se fait bien plus raffinée et ses lointains subtilement vaporeux.
Les ressources du Nord A la fin du XVIIIe, les peintures flamandes et hollandaises du XVIIe étaient goûtées par les collectionneurs anglais
et un marché s’offrait aux artistes qui, comprenaient que l’on recherchait des œuvres dans le goût nordique. Les Ecoles du Nord étaient surtout
réputées dans les genres jugés inférieurs : les représentations de la vie quotidienne et le paysage étant jugés triviaux, réalistes et prosaïques.
C’est à partir de la 1ère décennie du XIXe qu'il exploite toutes les possibilités offertes par la tradition de ces paysages. Les variations inspirées
des marines hollandaises lui vaudront un succès constant, et il déclinera la veine humble et réaliste des paysages campagnards inspirés de Cuyp,
Jacob van Ruisdael ou van de Velde. Son étude des peintres hollandais, spécialistes des variations atmosphériques, de la nature, des effets du
soleil rayonnant ou filtrés le conduisent vers un embrasement total où le chaos participe du sentiment. Il met en place la perspective aérienne,
où le jeu des blancs et des gris, donne une impression de lointain et d'effacement dans lequel l'approche sera moins graphique.
Willem Van de Velde le jeune Une tempête qui se lève vers 1672 Toledo
Turner Bateaux Hollandais dans la tempête : pêcheurs essayant de ramener le poisson
à bord (marine Bridgewater) 1801 ngl
Turner The Junction of the Thames and the Medway 1808
Turner Spithead: Boat's Crew Recovering an Anchor, 1808 Tate
Turner Fishing Boats with Hucksters Bargaining for Fish (1837-1838), Chicago
Le salon de 1802 : une autre voie du paysage classique en référence à Poussin et Claude Gelée. En 1799, Turner est élu membre associé de la
Royal Academy, intronisé au cénacle de l’establishment artistique londonien. Ses productions picturales embrassent alors une inspiration plus
élevée selon les critères académiques : son intérêt se porte vers la peinture italienne de paysage du XVIIe siècle : les sites tourmentés de
Salvator Rosa (1615-1673) et surtout les représentations classiques des «Français» de Rome, très appréciés par les Britanniques dès le XVIIIe
siècle : Nicolas Poussin (1594-1665) et bientôt Claude Gellée, dit le Lorrain (1604/05-1682). Avec ce dernier Turner instaure le dialogue le plus
fructueux de sa carrière. « Claude » est son mentor qui lui enseigne l’art d’agencer des paysages harmonieux, où tout est équilibre dans une
nature idéale digne des dieux antiques, telle qu’il peut l’admirer sur une grande toile souvent contemplée à Petworth Paysage avec Jacob, Laban
et ses filles. Fait rarissime, Turner entreprend à deux reprises de véritables variations à partir de ce tableau en 1814 et, avec plus de lumineuse
liberté, en 1828. Car l’art du Lorrain, véritable poète de la lumière, lui enseigne également la voie de son indépendance. En 1802, à la faveur de
la Paix d’Amiens, Turner peut se rendre pour la première fois sur le continent. Emerveillé, il découvre les richesses artistiques du Louvre.
Aucun pays en Europe ne dispose d’un musée universel comparable. Il couvre son carnet de croquis de notes et de copies. L’artiste n’admire
pas seulement les paysages, mais aussi les grandes peintures d’histoire : religieuses ou mythologiques. Turner a visité à de très nombreuses
reprises la France et ne s’est pas contenté d’en dépeindre les paysages fluviaux ou côtiers. Certaines œuvres, certaines collections (Louvre) et
certains artistes qu’il a pu y rencontrer ont été particulièrement importants pour le développement de son art. Lorsque Turner visite Paris pour
la première fois en 1802, il prend bien soin de visiter le «Salon », l’exposition publique régulière des dernières productions des artistes vivants,
présentée au Louvre. Paris est alors un centre artistique extrêmement brillant et dynamique. La peinture de paysage y est particulièrement
florissante : « à en juger par ce fragment d’exposition, la palme sera cette année pour les peintres de genre et les paysagistes » affirme le critique
du Journal des débats. Le peintre Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819) vient de publier en 1800 le premier grand traité théorique consacré
au genre : Eléments de perspective pratique… Il y énonce les règles néo-classiques du paysage historique issu de la tradition classique des paysages
idéaux de Nicolas Poussin et Claude Gelée avec le souci d’intégrer la représentation d’actions humaines exaltant les valeurs morales. Cette
ambition est finalement proche des recherches du jeune Turner à une époque où l’art britannique n’offre rien de comparable. Pourtant, le
peintre se montre sévère envers l’école française qui, selon ses dires, est trop affectée et rigide. Néanmoins, après son retour à Londres, il peint
pendant une petite dizaine d’années certains de ses paysages historiques « à l’antique » les mieux ordonnés de sa carrière.
Nicolas Poussin L'exposition de Moïse, 1654 Oxford
Nicolas Poussin Le Déluge 1660.1664 Louvre Pendant
Turner, d’après
Nicolas Poussin, carnet de croquis Dolbadarn Tate
son premier séjour à Paris en 1802, Turner accorda une attention toute particulière à ce paysage de
Nicolas Poussin, qu’il décrit dans ses notes comme une oeuvre «réellement sublime ». En 1811, il précisera « pour ses couleurs, Le Déluge est
admirable », il critiquera néanmoins son dessin trop précis, trop appliqué et tentera ainsi sa propre variation, plus délibérément confuse,
exposée à la Royal Academy en 1813. Turner peignit sa version - Le Deluge, exposé à la Turner’s Gallery en 1805(?)
, Tate Britain,
avec le fort souvenir du même sujet traité par Poussin. Il a repris la dominante grisée et délétère qu’il avait admiré dans son modèle. Mais il
trouble le rigoureux ordonnancement de lignes droites régi par le Français dans une confusion de lignes et de formes qui constitue l’une des
ses plus brillantes scènes de chaos.
Claude Gelée dit le Lorrain est la grande passion de Turner. Il aurait même pleuré devant le tableau Jacob, Laban et ses Filles…« Pur comme l'air
italien, calme, beau et serein surgit l'oeuvre, et avec lui le nom, de Claude Lorrain. » J.M.W. Turner, conférence sur les « Arrière-plans » prononcée à la
Royal Academy, 1811. Le paysage classique idéal condense tous les éléments du paysage. .. Eau, arbres, montagne, homme, troupeau… Le
paysage n’existe pas, il est recomposé et enrichi par des personnages bibliques (ou mythologiques) qui apporte ainsi un sens à la composition et
permet au spectateur méditation et réflexion. Turner se souviendra de la leçon toute sa vie et le dialogue sera constant. Avec Claude, les
personnages animent par des taches de couleurs la composition, la perspective est aérienne, l’ensemble est raffiné, subtil, calme. Claude Paysage
e
avec Isaac et Rebecca 1648 NGL
Fête des vendanges à Mâcon (1803, Sheffield, City Art Gal)
reflète son assimilation des méthodes de composition de Claude, qui allait être déterminante.
une ode au paysage classique et à son maître: étude du ciel, de la
lumière, de l’atmosphère. Hommage au poète écossais James Thomson (1700-48), elle se réfère à son Ode sur la harpe d'Eole. Turner
accompagnera son oeuvre par un poème dans lequel il écrit notamment : " Saisons resplendissantes ! /Chassez les ombres de l'oubli/Là où de généreuse mains
Turner La harpe éolienne de Thomson 1809 Manchester
le poème
(d’après
de Thomson). C’est
/posent la Lyre de Thomson ;/Des hauteurs de Putney il contemplait /de la nature les teintes /Et ses yeux enchantés notaient/chaque beauté . /Des mains bienveillantes /placent sur la
hauteur /Une harpe éolienne ;/à la nature accordée ,/Elle frémit doucement /aux moindres brises qui volent /Du fleuve majestueux /ou de ses plaintes verdoyantes ."
Claude Port de mer avec la villa Médicis est l’unes des premières représentations du soleil de face avec une dilution de la forme dans la lumière. Dans Le
Claude Débarquement de Cléopâtre à Tarse, vers 1642, Louvre Claude, véritable virtuose de l’éblouissement, transcrit un soleil plus haut mais filtré. A Paris,
en 1821, lors d’une nouvelle visite du Louvre, Turner entreprend la copie rapide et systématique d’un ensemble de huit tableaux de Claude
exposés dans les salles. L’artiste privilégie les ports de mer, comme pour les confronter à ses propres variations sur le thème réalisé en 1815,
Didon faisant construire Carthage (LNG) et 1817, Le Déclin de l’empire carthaginois. Les deux oeuvres avaient obtenu un retentissant succès critique.
Turner le déclin
carthaginois de
exposél’empire
à la Royal Academy en 1817, Londres, Tate Britain est une réponse au tableau de Claude, avec un traitement jeune
du soleil, une mer agitée qui continue l’embrasement. En 1817, Turner présente cette toile à la Royal Academy. Il l’a conçue comme le pendant
du Didon faisant construire Carthage (Londres, The National Gallery), son triomphe de l’exposition de 1815. Les deux oeuvres étaient des
variations manifestes à partir des ports de mer de Claude. Devant leur retentissant succès critique, Turner les choisit toutes 2 dans son
testament pour être présentées à la National Gallery de Londres en face des toiles du Lorrain. En 1831, il décide pourtant de remplacer Le
Déclin de l’empire carthaginois par Soleil levant dans la brume, chef d’œuvre de jeunesse qu’il vient de racheter à prix d’or. « Car ce Turner, c'est de l'or en
fusion, avec, dans cet or, une dissolution de pourpre. [...] Pour moi c'est un tableau qui a l'air fait par un Rembrandt né dans l'Inde.» Ed de Goncourt, 1891.
Turner Ovide banni de Rome 1838 reprend ce thème luministe, le soleil dévore littéralement les zones périphériques et embrase le ciel et les bâtiments
qui semblent détruits par la lumière. Turner continuera toute sa vie à chercher des stimulants visuels Il étudie les maîtres et cela dès le début.
En dehors des présentations annuelles de la Royal Academy, la British Institution, une association d’amateurs privés, organise à partir de 1805
les principales expositions publiques d’oeuvres d’art où les créateurs vivants n’ont pas seulement à entrer en compétition entre eux mais aussi
avec les maîtres du passé. Dans cet environnement nouveau et extrêmement compétitif, l’attention de Turner est particulièrement aiguisée
pour repérer les nouveaux talents et les nouvelles tendances. Les contemporains craignaient que leurs oeuvres ne soient accrochées à côté des
toiles de Turner car « c’était aussi préjudiciable que le voisinage d’une fenêtre ouverte ». En outre, dans sa maturité, Turner prit l’habitude de faire porter
à la Royal Academy ses toiles non encore achevées afin d’en terminer sur place l’exécution. Ces expositions étaient l’occasion privilégiée de
prendre la mesure des autres immenses talents de la peinture anglaise à l’époque : surtout les paysagistes John Constable et Richard Parkes
Bonington (1802-1828), tant pour assimiler leurs audaces que pour se confronter à elles (Turner au cabinet des dessins par J Th Smith 1825).
L’Intérieur de la cathédrale de Durham, vers l’est,
ate Britain.
le Cette
long
représentation
du flanc
à l’aquarelle
sud,
d’un ver
monument gothique britannique compte parmi les plus remarquables réalisées par le jeune Turner au début de sa carrière. Sa mise en scène qui
magnifie la grandeur nostalgique des ruines doit beaucoup à l’art de Piranèse. Le format important et le chromatisme subtile et contrasté est
aussi redevable des aquarelles du suisse Ducros que Turner découvre à la même époque. Il y restitue les rayons du soleil à l’intérieur, dans un
sentiment préromantique. Sentiment qui se retrouve dans Le Château de Dolbadarn, nord du Pays de Galles, exposé à la Royal Academy en 1800, huile sur toile, 119,4 x
90,2 cm, Londres, The Royal Academy of Arts. Turner présenta cette image d’une forteresse médiévale galloise comme morceau de réception auprès de la
Royal Academy. Son dramatisme, accentué par les forts contrastes lumineux et la découpe acérée des montagnes, doit beaucoup aux peintures
de Salvator Rosa et se distingue du Château de Harlech exposé un an plus tôt. Mortlake Terrace, the Seat of William Moffatt, Esq.; Summer's Evening, 1827 Tate,
résidence de l’aristocrate est dépeinte dans un contrejour mis en valeur par la silhouette du chien (découpée). La modernité est extraordinaire
dans La Plage de Calais, à marée basse, des poissardes récoltant des appâts, exposé à la Royal Academy en 1830, Bury Art Gallery and M. Pour cette œuvre, Turner
emprunta le sujet côtier, le format et l’esprit de lumineuse simplicité à la toile présentée par son jeune rival Bonington à la British Institution en
1826. Le coucher de soleil en fusion est une touche plus personnelle qui porte l’épure de Turner à la perfection. La symphonie des jaune,
orange, rouge bleu est comme un écrin. Les contemporains le sentent, il s’éloigne de la réalité. Le paroxysme est atteint dans Incendie de la
chambre des lords et des communes –1835. Réalisé un an après le drame, ce n’est plus que feu et lumière, dissolution des formes. Que l’on retrouve
dans Les Mutinées du Téméraire en 1839. L’incandescence du ciel, la disparition de la ligne de démarcation, la fusion des éléments aquatiques et
aériens sont extrêmement modernes. Le sujet est prétexte. Lorsqu’il est à Venise, c’est une ville de rêve qu’il dépeint (1841 Palais des doges) entre
eau, ciel et reflets. Stimulé par les succès de Bonington et de Stanfield, Turner entreprit à partir de 1833 de présenter au public ses propres vues
de Venise. Dans sa peinture il rivalise aussi avec Canaletto le plus célèbre illustrateur de la lagune. Mais la vivacité de son coloris et l’apparente
spontanéité de sa facture lui assurèrent la palme auprès du public. Turner est également un témoin de la révolution industrielle. Avec Pluie,
Vapeur et vitesse 1844 Tate, il transcrit la vitesse mais est-ce celle de la machine ou celle du lièvre posé sur les rails? Ses tableaux sont ainsi en
suspens, au bord de l’informel.
Les Suiveurs : les avant-gardistes du début du XX° La voie royale à la modernité s’ouvre avec au XVII° Claude, puis au XVIII et XIX°
avec Turner. Claude Monet, impression soleil levant 1872 (Marmottan) est réalisé après son voyage à Londres. Claude Monet, le parlement de Londres fait écho à
l’Incendie du parlement. Mais Monet comme Turner n’est pas un copiste, on passe de génie en génie. Derain, le pont de Waterloo 1905-1906 est réalisé
à Londres, Derain Pont de Charing cross est en filiation directe dans l’emploi du couleur et du rendu de l’atmosphère.
Derain Effets du
est soleil
un tableau fauve
sur
précurseur
l’eau
de l’abstraction.
1906