pdf doctrines - Olivier Fréget

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Concurrences
Revue des droits de la concurrence
Réflexions sur les pratiques
d’influence et le droit de la
concurrence : Lobbying,
“négociations réglementaires”
et/ou “capture réglementaire” ?
Doctrines Concurrences Ν° 3-2006 – pp. 40-49
Olivier FRÉGET
[email protected]
Avocat à la Cour
Fleur HERRENSCHMIDT
[email protected]
Avocat à la Cour
Doctrines
Olivier FRÉGET
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Avocat à la Cour
Fleur HERRENSCHMIDT
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Avocat à la Cour
Abstract
e présent article procède à une revue succincte d’abord
des dispositifs formels qui limitent les risques de
“capture réglementaire” et de “sur-réglementation”, en
prenant appui sur l’exemple du secteur des
télécommunications, puis du traitement des pratiques
d’influence en droit de la concurrence, y compris en
présence de “négociations réglementaires” où l’autorité de
concurrence peut jouer un rôle bénéfique. Il conclut sur la
nécessité d’une réflexion sur le respect de règles de
procédures comme moyen de limiter les phénomènes de
capture réglementaire.
L
oth the efficiency and the legitimacy of sectorspecific regulation rely on the guarantee that
the relevant regulators have not been “captured” by
those they are expected to regulate. The present article
proceeds with a brief analysis, first, of the formal
mechanisms that reduce the risks of both “regulatory
capture” and “over-regulation”, taking examples from
the telecommunications sector. Then, it analysis how
practices of regulatory capture are apprehended in
competition law, including when “regulatory
negotiations” are involved, cases where the
competition authority has a positive role to play.
Lastly, it concludes on the need for a reflexion on the
importance of respecting procedural rules as a means
to limit phenomena of regulatory capture.
B
Réflexions sur les pratiques
d’influence et le droit de la
concurrence : Lobbying,
“négociations réglementaires”
et/ou “capture réglementaire” ?
1. Les enjeux et risques que représentent les “pratiques d’influence” de la part des
entreprises privées sur le fonctionnement de la concurrence ont fait, après la seconde
guerre mondiale, l’objet de travaux bien connus de la part des économistes, travaux qui
ont abouti à l’élaboration de la théorie dite de la “capture réglementaire”.
2. Richard Posner, juriste et économiste à l’Université de Chicago, est largement à
l’origine de cette théorie. Il considérait que “la régulation n’est pas une affaire
d’intérêt public du tout, mais un processus, par lequel un groupement d’intérêts tente
de promouvoir ses intérêts personnels/privés […] Avec le temps, les autorités
réglementaires en viennent à être dominées par les industries qu’elles régulent”1.
Selon l’École de Chicago, “les gouvernements ne créent pas accidentellement des
monopoles industriels. Ils ont plutôt le défaut de réguler en réponse à l’insistance, et
au profit, de groupements d’intérêts qui utilisent cette régulation à leurs propres fins.
Pour ceux-ci, la régulation administrative vient plus au service des entités régulées
que des consommateurs”2.
3. De manière générale, pour l’École de Chicago, il y a capture réglementaire lorsque
le sujet de la régulation est si influent auprès de son régulateur qu’il acquiert un certain
contrôle sur la réglementation à laquelle il est assujetti. Les tenants de l’École de
Chicago considèrent que la pratique de capture réglementaire conduit à une réduction
du bénéfice que peuvent escompter la collectivité et le consommateur d’une régulation
efficace et, partant, à une perte de bien-être social.
Le débat est naturellement toujours d’actualité, comme le montrent d’ailleurs les
nombreux travaux d’économistes sur le sujet3. Dans leur majorité (si cette notion a une
pertinence, s’agissant de travaux scientifiques), ils semblent considérer que la
régulation reste bénéfique, sans pour autant nier le risque qu’elle puisse être capturée
par les entreprises régulées, les systèmes juridiques devant donc être conçus pour
limiter cette possibilité4, le droit de la concurrence pouvant le cas échéant jouer un rôle
de gardien.
1
Cité sur le site www.economist.com, rubrique “Finance & Economics”, puis “Economics A-Z”, à la lettre
“R” comme “Regulation”
2
E. Kayaalp, Regulatory Capture, http://frazer.rice.edu/ epit/documents/dan/Dan-Comment-EK3.doc.
3
Pour un exposé clair et concis des différentes écoles : voir le chapitre “Introduction - I. Les concepts et les
écoles” de l’ouvrage de François Lévèque Économie de la réglementation. Éd. La Découverte, Coll.
Repères, n° 238, Nouvelle édition Septembre 2004.
4
Voir par exemple, en ces temps de discussion sur une fusion de l’ARCEP et du CSA, le très intéressant
article de Jean-Jacques Laffont et David Martimort en 1999 sur l’utilité de séparer les régulateurs :
Separation of regulators against collusive behavior, Rand Journal of Economics, Vol. 30, n° 2, Summer
1999, pp. 232-262).
Concurrences N°3 - 2006 l Doctrines l O. Fréget, Pratiques d’influence et concurrence...
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4. Plusieurs décisions récentes intervenues en droit de la
concurrence montrent également l’intérêt pratique de cette
théorie. De fait, on voit se dessiner – à mesure que la
régulation devient de plus en plus sophistiquée et le droit de la
concurrence exigeant – de nouvelles questions
concurrentielles, où le comportement des entreprises en cause
ne peut se comprendre qu’en s’intéressant à “l’hors marché”,
dans le champ du politique et des médias. La bataille judiciaire
elle-même n’apparaît qu’un temps d’un mouvement plus
global où le résultat qui peut être obtenu sur le marché compte
moins que le temps gagné grâce à l’adoption d’une régulation
ou au retard dans sa mise en œuvre. Ces éléments “hors
marchés” peuvent plus sûrement et plus durablement gêner le
concurrent qu’une pratique anti-concurrentielle “classique”,
laquelle peut être déjouée et parfois même paralysée dès son
origine par une mesure judiciaire d’urgence. On pourrait
qualifier ces comportements de pratiques “à double facette” en
ce qu’elles visent à agir simultanément dans le marché, mais
également sur le cadre du marché, en tentant d’influencer les
règles qui l’organisent. Dans ces conditions, les
comportements “dans” le marché – relevant d’une stratégie
d’exclusion ou d’élévation des coûts des concurrents – se
superposent à une pratique “hors marché” de “capture
réglementaire”.
5. Certes, la frontière entre ces pratiques de “capture” et la
simple pratique d’influence (le “lobbying”) est évidemment
extrêmement difficile à définir. Il ne serait en outre pas justifié
de jeter l’anathème sur toutes les pratiques de lobbying ou
d’influence des régulateurs. Le lobbying comporte en effet des
avantages économiques certains dès lors qu’en fournissant de
l’information aux “réglementeurs”, il réduit l’asymétrie
d’information dans laquelle ces derniers sont placés par leur
position, nécessaire, d’extériorité au marché.
6. L’objet du présent article n’est pas d’aborder ce débat très
complexe dans toute sa généralité. Il a une ambition plus
mesurée, celle de fournir un début d’inventaire de la question
d’un point de vue juridique, en évitant au surplus le domaine le
plus sensible, celui du contrôle des concentrations, lequel pose
des questions très spécifiques5. En prenant comme source
d’exemples le secteur des télécommunications, il propose de
procéder à une revue succincte des dispositifs formels qui
limitent les risques de “capture réglementaire” et de voir
comment ils fonctionnent (I), puis de revoir le traitement des
pratiques d’influence en droit de la concurrence et les
interactions qui peuvent exister entre une autorité de
concurrence et une autorité de régulation, en présence de
“négociations réglementaires”6 (II).
5
Le contrôle des concentrations fait l’enjeu de critiques récurrentes sur l’influence
que les tiers auraient sur les décisions dont l’analyse mériterait une étude en soi.
6
On entend par “négociations réglementaires” toutes les situations où les
conditions d’application de la Loi font l’objet de discussions et de
définitions de priorités de manière bilatérale avec l’acteur le plus concerné,
contre des engagements formels ou informels de comportements de la part
de l’Autorité. De fait, un risque de “capture” apparaît dès que l’autorité ou
l’administration, ne s’est pas contentée d’écouter mais s’est engagée de telle
manière que sa pleine liberté d’action se trouve entravée.
I. Les dispositifs structurels
7. La création d’autorités indépendantes est naturellement un
premier niveau de réponse contre les tentatives de
manipulation de la règle et du régulateur qui la produit.
Cependant cette précaution peut ne pas être suffisante dès lors
qu’elle ne protège pas contre la volonté propre de toute
institution d’étendre son domaine de compétence et donc de
“sur-réglementer”. On peut d’ailleurs supposer que toute
volonté de réglementer rencontre toujours nécessairement
quelques intérêts privés (ou de l’Etat actionnaire, à l’égard
desquels ils ont été conçus) qui vont pouvoir légitimer
l’intervention du régulateur, le cas échéant en tentant de la
présenter comme une mesure de simplification pour le
consommateur, ce qui permet de court-circuiter le débat
concurrentiel (1).
8. À cet égard, le droit des télécommunications, à travers les
nouvelles directives, fournit un mécanisme particulièrement
élaboré qui semble être un cadre approprié pour contrôler ce
phénomène (2).
1. Les dispositifs “classiques”
d’ “anti-capture”
9. À l’origine, la notion de “régulateur” visait de manière
générale toutes les administrations et, le cas échéant, le
législateur lui-même, lequel – dans une vision ultra-libérale –
est perçu comme une source de perturbation du jeu
économique.
10. La “charge” de l’École de Chicago peut cependant
apparaître comme largement contingente du contexte de
l’apparition de l’État Providence où la conjonction du
keynésianisme et des politiques issues du New Deal marquait
une époque de fort interventionnisme qui n’aura pas décliné
avant la fin des années soixante-dix. Elle était contemporaine
d’une époque où la responsabilité de la régulation était quasiessentiellement entre les mains d’administrations soumises aux
aléas et aux contingences du pouvoir exécutif.
11. Aujourd’hui, toutefois, la notion de “régulateur” renvoie
avant tout à l’ensemble des entités et/ou autorités, autonomes,
sur lesquelles pèsent la responsabilité de surveiller et de
policer un comportement sur le marché. Elles sont souvent
conçues comme indépendantes de l’appareil politique7.
12. Dans certains cas, cette indépendance trouve sa source
dans le droit communautaire, lequel limite considérablement le
champ d’action de l’État régulateur lorsqu’il conserve un rôle
d’acteur économique.
7
Pour un inventaire de toutes les autorités existantes et une analyse de leurs
caractéristiques. Voir Sénat Document n° 3166, Rapport sur les autorités
administratives indépendantes, par M. Patrice Gélard en date du 15 juin
2006.
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13. En effet, dans tous les secteurs où l’État conserve une
entreprise publique (ou maintient des droits exclusifs ou
spéciaux, même conférés à des entreprises privées), la création
d’une autorité de réglementation indépendante s’impose afin
d’éviter les risques de conflits d’intérêts qui peuvent résulter
d’un cumul entre une fonction de réglementation et une
fonction de commercialisation8.
14. On doit ainsi, directement ou indirectement, au droit
communautaire, la création d’autorités structurellement
indépendantes comme l’ARCEP ou la Commission de
régulation de l’énergie (“CRE”). D’autres autorités
“structurellement indépendantes” le sont par la seule volonté
du législateur français, comme l’Autorité des marchés
financiers (“AMF”), le Conseil supérieur de l’audiovisuel
(“CSA”) ou enfin le Conseil de la concurrence, dont la
création ne dérive pas non plus directement du droit
communautaire, bien qu’il soit rattrapé par celui-ci du fait de
la mise en œuvre du réseau d’autorités nationales pour
l’application du règlement n° 1/2003.
15. Il reste cependant des administrations qui conservent
toujours un pouvoir réglementaire important (ou un succédané,
via l’imposition de “conventions”) mais qui ne sont toujours
pas indépendantes des intérêts de l’État en tant qu’acteur
économique. On pense ainsi, par exemple, au Comité
économique des produits de santé (le “CEPS”), lequel régule
les prix des entreprises pharmaceutiques, l’intégralité de leurs
activités, instruit d’éventuels dépassement des normes qu’il
élabore, les sanctionne par des pénalités (!), etc. De fait, le
CEPS définit les conditions de concurrence entre laboratoires,
alors même que l’État agit comme l’acheteur ultime de leurs
produits.
16. Ainsi, l’indépendance du régulateur, condition minimale
pour limiter les risques de capture réglementaire, est
aujourd’hui un phénomène assez largement répandu mais n’est
pas encore en France une solution “universelle”.
17. Cela est sans doute d’autant plus regrettable que
l’indépendance “formelle” vis-à-vis du pouvoir exécutif n’est
pas en elle-même suffisante. Elle doit en effet se traduire par
une indépendance vis-à-vis de l’industrie et d’un point de vue
financier.
8
Suivant l’arrêt de la CJCE en date du 13 décembre 1991, GB-INNO BM (aff.
C-18/88, Rec. p. I-5941), la Commission indique, par exemple dans sa
décision 2002/344/CE du 23 octobre 2001 relative à l’absence de contrôle
exhaustif et indépendant des conditions tarifaires et techniques appliquées
par La Poste aux entreprises de routage pour l’accès à ses services réservés,
que “la situation de conflit d’intérêts constitue un abus en soi. Il n’est pas
nécessaire d’attendre que l’entreprise en question commette effectivement un
abus pour que l’infraction puisse être constatée” et qu’ “une réglementation
qui ne prévoit pas une autorité de contrôle indépendante présentant des
garanties de neutralité suffisantes par rapport à une entreprise publique
placée dans une situation de conflit d’intérêts enfreint les dispositions de
l’article 86, paragraphe 1, du traité, en liaison avec son article 82” (JOCE
n° L. 120 du 7 mai 2002, p. 19). La France n’a d’ailleurs tiré toutes les
conséquences de cet arrêt, s’agissant du droit des télécommunications, que
lors de la transposition en 2005 du nouveau cadre réglementaire. Elle a alors
enfin retiré au Ministre de l’économie le contrôle de certains tarifs de détail
de France Télécom, alors même que l’État contrôlait toujours cette
entreprise, ce qui le plaçait en situation de conflit d’intérêts manifeste entre
ses intérêts d’actionnaire et ses devoirs de régulateur.
18. Cette question de l’indépendance vis-à-vis de l’industrie
est plus délicate qu’il n’y paraît. La réponse ne se limite pas à
prévoir des incompatibilités et règles en matière de conflits
d’intérêts entre les membres de l’autorité et le secteur régulé.
Toute autorité sectorielle a en effet besoin d’une connaissance
sectorielle qui se trouve nécessairement auprès de personnels
qui ont “vécu” dans le secteur en cause. Les autorités se trouve
ainsi face à la nécessité de recruter des personnalités
compétentes venant de l’industrie régulée, et ce afin de réduire
l’asymétrie d’information vis-à-vis du secteur dont elles ont la
charge. Est-ce une si grande difficulté ?
19. L’expérience montre qu’en fait le cumul du prestige de la
fonction de régulateur avec le fonctionnement collégial de ces
institutions, conduit souvent les personnes qui viennent de
l’industrie régulée (ou qui en ont été partie prenante à un
moment de leur carrière) à faire preuve d’un fort esprit
d’indépendance, stimulé en outre parfois par la volonté de ne
pas donner prise aux soupçons dont elles peuvent être la
cible9.
20. En réalité, la difficulté apparaît davantage “en sortie” de
l’autorité qu’ “à l’entrée”. Le départ d’un membre d’une
autorité régulée vers le secteur dont il avait la charge, même
lorsqu’il n’en venait pas, pose en effet une difficulté évidente :
cela jette un doute sur son comportement avant qu’il ne
rejoigne l’acteur concerné et pousse à s’interroger sur le
transfert d’informations qu’il effectue auprès d’un acteur
économique, rompant ainsi le principe d’égalité des chances
sur le marché (dont on rappelle qu’il est un principe
fondamental du traité CE).
21. S’agissant de la question de l’indépendance financière des
autorités, force est de constater qu’elle n’est pas résolue, alors
même qu’il s’agit d’un point déterminant pour limiter des
risques de “capture réglementaire”. En effet, l’importance des
budgets des autorités peut conditionner leur degré
d’indépendance intellectuelle vis-à-vis des industries régulées :
de faibles moyens peuvent conduire les services au sein des
régulateurs à se reposer sur les études proposées par les
industriels ou encore à s’appuyer sur des experts
“indépendants” mais qui restent financés par l’industrie, ce qui
constitue un moyen de capture qui peut s’avérer très efficace.
De même, l’absence de budget prive le régulateur de moyens
pour attirer des profils de haute compétence ou pour financer
des travaux de mise en perspective, la rendant ainsi dépendante
du “consensus ambiant”. À l’inverse, doter les autorités de
régulation d’un financement propre par prélèvement de taxes
ou de frais de dossiers n’est pas non plus une solution dès lors
que l’organisme peut alors poursuivre un intérêt financier
propre. De tels phénomènes ont pu être constatés en matière de
contrôle des concentrations dans certains pays.
9
En revanche, bien évidement, ces mouvements ne peuvent être que dans un
seul sens. Il est évidemment inacceptable qu’un membre d’une autorité de
régulation rejoigne ensuite une entreprise du secteur dont il avait la charge,
et ce pour la raison symétrique de celle qui justifie le recrutement de la
personne : si le recrutement d’une personne du secteur diminue l’asymétrie
d’information de l’autorité, le recrutement d’un ancien membre du collège
d’une autorité par une des entreprises régulées créé au profit de celle-ci un
avantage informationnel important.
Concurrences N°3 - 2006 l Doctrines l O. Fréget, Pratiques d’influence et concurrence...
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22. Or, cette question n’est pas résolue dès lors que, de
manière générale, les budgets des autorités sont insuffisants
par rapport à leurs missions et au surplus très inégaux. Comme
l’indique le Professeur Marie-Anne Frison-Roche dans un
récent article sur l’impact la Loi relative aux Lois de Finances
(“LOLF”)10, ces budgets vont de 50 millions d’euros pour
l’ARCEP à 11 millions d’euros pour le Conseil de la
concurrence11, et on ne s’explique pas la faiblesse absolue de
ce montant. En outre, comme le révèle l’article précité, ladite
LOLF prétend soumettre tous les régulateurs indépendants à
une tutelle financière difficilement acceptable. Aucune
solution simple n’existe, d’autant que bien évidemment, les
autorités de régulation doivent et peuvent (comme le montre
d’ailleurs l’action du Conseil de la concurrence dans ce
domaine) être également redevable de leur efficacité et la
développer. Mais à l’impossible nul ne peut être tenu, et ici pas
davantage qu’ailleurs, la perspective d’une régulation
“expéditive”, par pauvreté, n’est pas acceptable. Sans doute
faudrait-il prévoir que les budgets soient directement fixés par
le Parlement, sans possibilité d’intervention du pouvoir
exécutif, à l’occasion d’un débat public où les responsables de
ces autorités exposeraient aux députés leurs actions et leurs
besoins.
23. Paradoxalement, même si et lorsque toutes ces difficultés
auront été amoindries, tous les risques de “capture
réglementaire” ne seront pas écartés pour autant. Le souhait
que peut développer toute institution de se renforcer et donc de
“générer de la norme” peut même augmenter au fur et à
mesure que croit l’indépendance réelle.
2. Le contrôle multilatéral contre les
risques de sur-réglementation
24. Tout régulateur sectoriel peut être la cible de tentatives de
capture réglementaire par des concurrents qui tenteront
d’obtenir de sa part une forme de protection, par la “création
de normes”, ces tentatives pouvant rencontrer un éventuel
désir d’interventionnisme de l’institution. Cette forme de
“capture réglementaire” prend alors la forme d’une “surréglementation”.
25. Le secteur des télécommunications fournit un exemple
intéressant de mécanismes permettant de limiter ce type de
risques en encadrant strictement le pouvoir du régulateur
sectoriel en matière de création de la norme. En effet, le souci
du contrôle des phénomènes de “sur-réglementation” peut être
considéré comme étant au coeur des évolutions du nouveau
cadre juridique, issu de la transposition en France, en 2005,
des directive communautaires adoptées en 2002 (2.1). Pour
autant, l’efficacité de cet encadrement communautaire
suppose, en retour, qu’il ne soit pas contourné par les
interventions d’autres autorités (2.).
10 M.-A. Frison-Roche, Régulateurs Indépendants versus LOLF, RLC, n° 7,
avril-juin 2006, p. 69.
11 Sénat Document n° 3166, Rapport sur les autorités administratives
indépendantes, par M. Patrice Gélard en date du 15 juin 2006, p. 90.
2.1 Les précautions mises en œuvres
par le nouveau cadre réglementaire
dans le secteur des télécommunications
26. Le nouveau cadre réglementaire est en effet bâti sur
plusieurs règles que l’on peut interpréter comme ayant pour
objectif explicite de lutter contre certains phénomènes de
“capture réglementaire” de la part de concurrents qui
cherchent à obtenir une “sur-réglementation”. Il s’agit :
- d’une part, de la soumission du droit sectoriel des
télécommunications au droit de la concurrence, ce qui suppose
de placer l’intérêt d’une concurrence effective au bénéfice du
consommateur au centre des préoccupations, en priorité sur
d’éventuelles préoccupations “industrialisantes” qui ont pu,
par le passé, rendre plus opaque la régulation du secteur ;
- d’autre part, la soumission de toute intervention des autorités
de régulation à la vérification préalable, par la Commission
européenne, de leur utilité par rapport au marché (notamment
du fait de l’existence d’une position dominante “structurelle”),
chaque remède envisagé devant faire alors l’objet d’une
consultation publique transparente et d’une revue par la
Commission ;
- enfin, l’organisation d’une transparence “multilatérale” qui
oblige les autorités de régulation non seulement à se notifier
simultanément les mesures qu’elles envisagent de prendre
mais également à consulter les opérateurs du secteur dont elles
ont la charge avant de prendre une mesure ayant des
incidences importantes sur son fonctionnement.
27. La conjonction de ces règles paraît de nature à pouvoir
permettre de lutter contre le risque de “sur réglementation” à la
suite notamment de tentatives de “capture” de l’autorité
sectorielle par des concurrents peu efficaces ou dépassés qui
chercheraient dans le droit sectoriel une protection.
28. L’efficacité de cet équilibre suppose cependant que
l’Autorité de régulation respecte scrupuleusement
l’ordonnancement procédural qui a été mis en place et qu’elle
ne tente pas de s’en abstraire pour retrouver elle-même une
marge de manœuvre discrétionnaire. Or, la complexité du
système et l’enchevêtrement des procédures de mise en œuvre,
comme les habitudes prises, représentent sans doute un risque
particulier à cet égard.
29. Ainsi, en France, dans l’ancien cadre réglementaire, la
rigidité de ce cadre et la répartition contestable des
compétences de régulation entre le Ministre des
télécommunications et l’Autorité de régulation des
télécommunications, avaient conduit cette dernière à utiliser de
manière très extensive ses pouvoirs juridictionnels pour
trancher les litiges entre opérateurs12, au point de parvenir à
12 L’article L. 36-8-I du Code des postes et des communications électroniques
habilite l’ARCEP à trancher les différents entre opérateurs en matière
d’interconnexion, le cas échéant, en imposant des “conditions équitables”.
Concurrences N°3 - 2006 l Doctrines l O. Fréget, Pratiques d’influence et concurrence...
43
créer dans ce contexte des normes de nature “quasiréglementaire” 13 , même si elles n’en avaient pas les
caractéristiques juridiques.
30. De fait, si l’on veut respecter l’esprit et la lettre du nouveau
cadre réglementaire, ce type d’outils doit redevenir un moyen de
résolution des litiges d’ordre contractuel relatifs aux conventions
d’accès et d’interconnexion, permettant de trancher un point non
envisagé par une règle ou d’imposer une prestation contractuelle
nécessaire mais non prévue par les parties et refusée par l’une
d’entre elle. Il ne peut permettre de pallier à un manque ou à une
insuffisance de définition de la norme réglementaire elle-même.
Lorsqu’il s’agit de “créer de la norme” ou de compléter des
dispositions de nature réglementaire, il appartient en effet à
l’ARCEP d’utiliser ses pouvoirs réglementaires et de soumettre
systématiquement ses projets de décisions au public et à ses
collègues européens et bruxellois.
31. Certes, cela suppose une réflexion sur l’organisation de
l’institution et la manière dont elle exerce ces différents rôles,
alors que ceux-ci ne sont pas formellement séparés en son
sein. Pour autant, cette réflexion ne sera pas suffisante, si
certains acteurs cherchent à imposer par d’autres voies ce
qu’ils savent ne pouvoir obtenir dans ce nouveau cadre
réglementaire.
2.2 Le chevauchement possible de
compétence entre autorité sectorielle et
autorité en charge du contrôle des
concentrations dans le secteur des
télécommunications
32. De fait, dans le secteur des télécommunications, l’autorité
sectorielle n’est pas la seule à pouvoir imposer aux acteurs des
obligations comportementales a priori, sans constatation
d’infraction. L’autorité de contrôle des concentrations peut elle
aussi, comme on va le voir, dans des conditions finalement très
proches, imposer à des acteurs lui soumettant un projet de
concentration d’accepter des obligations comportementales qui
ont, dans leur forme, leur contenu et leur finalité, une grande
similarité avec celles que peut imposer l’Autorité de régulation
des télécommunications.
33. S’agissant de la similarité entre les deux régimes, celle-ci
apparaît d’évidence en comparant, d’une part, le régime des
obligations ex ante en droit des télécommunications et, d’autre
part, les remèdes que les parties peuvent être contraintes de
proposer lors d’une opération de concentration.
13 À titre d’exemple de l’utilisation par le régulateur, dans l’ancien cadre, de
ses pouvoirs en matière de règlement de différents afin de créer une règle
sectorielle (la tarification des terminaisons d’appel vers réseaux fixes par
“symétrie tarifaire retardée”), voir les décisions de l’ART n° 03-701, n° 03702 et n° 03-703 du 6 juin 2003, confirmées par la Cour d’appel de Paris par
trois arrêts en date du 20 janvier 2004. Dans ces espèces, les requérants
avaient accepté que l’Autorité leur fournisse une méthode, sachant que le
cadre règlementaire ne fournissait alors que de trop vagues indications et
aucun mécanisme pour les compléter. Lors du recours, le principe même
d’une définition d’une méthode ne fut pas discuté mais seulement le contenu
de celle-ci, sur certains points.
34. Dans le cadre du contrôle des concentrations, les obligations
que peut imposer le Ministre de l’économie partagent plusieurs
caractéristiques fondamentales avec les remèdes ex ante en
matière sectorielle, comme le fait d’être fondées :
- sur un constat de dominance (notamment),
- non transitoire,
- sur la base d’une analyse prospective à trois ans.
35. Leur finalité est également très similaire :
- en droit des concentrations, l’Autorité de concurrence rend sa
décision et donc apprécie les remèdes proposés par les
parties 14 “en fonction de la nécessité de préserver et de
développer une concurrence effective dans le marché
commun”15, ce qui renvoie nécessairement à une appréciation
des barrières à l’entrée existantes et de la possibilité pour la
concurrence de se rétablir seule, sans prendre en compte
l’éventualité d’abus de position dominante (qui relèvent de
l’application de l’article 82 CE) ;
- en droit sectoriel, l’objet d’une obligation ex ante est
d’apporter un remède à (i) une situation de marché caractérisée
par des barrières structurelles, légales ou réglementaires, (ii)
dont la structure ne présage pas d’évolution vers une situation
de concurrence effective (à l’horizon de trois ans, période
séparant les “révisions ou revues” des décisions), (iii) les
défaillances identifiées ne pouvant être corrigées par
l’application du droit de la concurrence.
36. Les deux “systèmes” partagent de très grandes similitudes,
au point même que l’on peut se demander si, d’une certaine
manière, ils ne sont pas exclusifs l’un de l’autre. Se pose alors
nécessairement la question de savoir si le régime mis en place
en matière sectorielle ne doit pas conduire à exclure
l’imposition d’engagements à des opérateurs de
télécommunications dont la fusion aurait des conséquences sur
des types de marché qui sont compris dans le champ de la
réglementation sectorielle. À défaut, les précautions prises
dans le cadre du régime sectoriel pour éviter que des
concurrents peu efficaces essaient d’obtenir une protection
pourraient alors être contournées.
37. Ce n’est pas cependant ce que le Ministre de l’économie a
pu considérer dans une décision Neuf Télécom/Cegetel en date
du 12 août 200516, aux termes de laquelle il a imposé aux
parties notifiantes des remèdes en matière de mise à
14 Sur les conditions que doit remplir un remède pour être accepté, voir la
Communication de la Commission concernant les mesures correctives
recevables conformément au règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil et au
règlement (CE) n° 447/98 de la Commission, JOCE n° C. 68 du 2 mars
2001, p. 3.
15 Considérant 23 du Règlement n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004
relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, JOUE n° L. 24 du
29 janvier 2004, p. 1.
16 Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 12 août
2005 aux conseils de la société Neuf Télécom, relative à une concentration
dans le secteur des communications électroniques (aff. C2005-44), BOCCRF
n° 1 du 27 février 2006.
Concurrences N°3 - 2006 l Doctrines l O. Fréget, Pratiques d’influence et concurrence...
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disposition de ressources de télécommunications, lesquelles
auraient pu tout autant relever de la compétence de l’Autorité
de télécommunications.
38. D’une certaine manière, la question de savoir si les
engagements, expressément demandés par certains concurrents
de Neuf et Cegetel, étaient appropriés ou non, est peu
pertinente dans la réflexion. Il est cependant intéressant de voir
ainsi adoptées des mesures correspondant en tous points à des
remèdes ex ante relevant du droit sectoriel, dans le cadre d’un
processus peu transparent alors même que l’opérateur
historique ne s’est vue imposé une obligation similaire que
plusieurs mois après. En outre, tout risque d’augmentation de
prix des ressources considérées (qui étaient déjà fournies) était
écarté par le seul fait de l’existence de la réglementation
sectorielle qui aurait pu intervenir (y compris en urgence).
39. De toute évidence dans cette affaire, le rôle des
concurrents dans l’adoption de la norme a été déterminant et a
impacté directement les conditions de concurrence sur le
marché concerné, sans respecter le formalisme posé par le
nouveau cadre. Or, comme on va le voir, la revue ou la
contestation de telles “pratiques d’influence” ne relèvent pas
du champ de compétence de l’autorité de concurrence, laissant
ainsi ceux qui en sont la cible sans recours effectif.
II. Le rôle du droit de la
concurrence dans l’encadrement
des pratiques d’influence
40. C’est, comme souvent en droit de la concurrence, la
jurisprudence américaine qui a eu la première l’occasion de
définir des limites acceptables, en droit de la concurrence, aux
pratiques d’influence ; celle-ci a été reprise, dans une certaine
mesure, dans la pratique décisionnelle française (1). Pour
autant, la pratique décisionnelle française et européenne
s’écarte très nettement de la position de la Cour Suprême des
États-Unis lorsqu’il s’agit de laisser possible un contrôle
indirect des rapports entre autorité sectorielle et entreprises
régulées à l’occasion de l’examen parallèle des mêmes faits
par l’autorité de concurrence (2).
1. L’admissibilité de principe, en droit de
la concurrence, des pratiques d’influence,
sous réserve qu’elles ne se traduisent
pas par une action sur le marché
1.1 Les enseignements de la jurisprudence
américaine
41. La pratique de lobbying a été à l’origine de la jurisprudence de
la Cour suprême des États-Unis, dite doctrine “Noerr 17
Pennington18”, qui pose les conditions qu’une pratique d’influence
doit respecter pour ne pas être qualifiée d’anti-concurrentielle.
42. En substance, il résulte de l’arrêt Noerr que “ne constitue
pas une violation du droit de la concurrence19 le simple fait de
tenter d’influencer l’adoption ou l’application de lois” et de
l’arrêt Pennington que “des efforts collectif visant à influencer
des autorités publiques ne constituent pas une violation du droit
de la concurrence, même lorsqu’elles ont objet d’éliminer la
concurrence”. En d’autres termes, la doctrine Noerr Pennington
protège (il s’agit là d’une immunité contre toute condamnation
sur le fondement du droit de la concurrence) ceux qui tentent
d’utiliser les pouvoirs publics, y compris le pouvoir judiciaire,
afin de servir ouvertement leurs intérêts privés20.
43. La Cour Suprême a toutefois prévu une exception à ce
principe en cas de “sham proceedings” (ou “procédures
vexatoires”)21. Ainsi, aucune immunité n’est accordée lorsqu’
“une action ostensiblement intentée dans le but d’influencer une
action gouvernementale se révèle être une façade dissimulant ce
qui n’est rien d’autre qu’une tentative d’interférence directe
avec les relations commerciales d’un concurrent”. Cette
exception s’applique aux procédures vexatoires ou abusives
intentées dans le seul but de nuire à un concurrent, notamment
en lui imposant des coûts judicaires.
44. Une action sera considérée “vexatoire” lorsque deux
conditions sont remplies22 : d’une part, l’action judiciaire doit
être objectivement infondée, c’est-à-dire qu’aucun plaignant
raisonnable ne pourrait s’attendre, de façon réaliste, à gagner
son action au fond ; d’autre part, il doit être établi que le
plaignant entendait utiliser le processus judiciaire en tant que tel
(et non le résultat du procès) comme outil anticoncurrentiel23.
45. On retrouve la même approche dans l’arrêt du Tribunal de
Première Instance des Communautés européennes (TPICE) dans
l’affaire ITT Promedia24 selon lequel “le fait qu’une entreprise
17 U.S. Supreme Court, February 20, 1961, Eastern Railroad Conference v.
Noerr Motors, 365 US 127. Des transporteurs ferroviaires s’étaient
regroupés au sein d’une association qui avait pour objet de tenter d’obtenir
l’adoption d’une loi qui aurait accordé aux membres de cette association un
avantage concurrentiel par rapport aux transporteurs routiers.
18 U.S. Supreme Court, June 7, 1965, Mine Workers v. Pennington, 381 US 657.
19 En l’espèce, plus particulièrement, de la prohibition des ententes.
20 En l’espèce, tenter d’obtenir l’adoption ou le respect d’une loi qui accorde à
un groupe d’entreprises un avantage concurrentiel au détriment d’autres
opérateurs sur le même marché.
21 Dans l’arrêt Noerr précité, confirmé ultérieurement dans l’arrêt California
Motor Transport v. Trucking Unlimited, 404 US 508 (1972).
22 U.S. Supreme Court, Real Estate Investors v. Columbia Pictures Industries
Inc., 508 US 49, 113 S. Ct. 1920 (1993).
23 Certains pourraient d’ailleurs voir dans ce type de procédure une pratique de
type “raising rival costs”, effectivement susceptible d’être qualifiée d’abus
de position dominante.
24 TPICE, 17 juillet 1998, ITT Promedia NV c/ Commission, aff. T-111/96, Rec.
p. II-2937
Concurrences N°3 - 2006 l Doctrines l O. Fréget, Pratiques d’influence et concurrence...
45
occupant une position dominante sur un marché déterminé
intente une action en justice à l’encontre d’une entreprise
concurrente sur ce marché peut constituer un abus au sens de
l’article 86 du traité” lorsque (i) elle ne peut pas
“raisonnablement être considérée comme visant à faire valoir
les droits de l’entreprise concernée” et (ii) elle est “conçue dans
le cadre d’un plan ayant pur but d’éliminer la concurrence”.
1.2 La “réception” en droit français
de la concurrence
46. Il est sans doute possible de considérer que le Conseil de la
concurrence a adopté une solution équivalente à celle de l’arrêt
Noerr dans sa décision RMC Info/GIE Sport Libre en date du
30 avril 200225 (même s’il ne s’agit que d’une décision de
mesures conservatoires).
47. Dans cette affaire, la radio RMC Info avait obtenu les
droits exclusifs radiophoniques de retransmission de la coupe
du Monde de Football de 2002 au détriment des grandes radios
nationales, Europe 1, RTL et Radio France. Ces dernières
refusaient le principe d’avoir à payer pour pouvoir commenter
sur leurs stations de radio des matchs de Football. Ils avaient
convaincu au soutien de leur position le Ministre des Sports et
les syndicats de journalistes et plus généralement l’ensemble
des medias.
48. L’affaire aurait pu en rester là. Pour autant, afin de donner
de l’efficacité à leur position de principe, les trois grandes
radios décidèrent de se coaliser en mettant en place un
Groupement d’intérêt économique lequel comportait, dans ses
“statuts”, l’acceptation d’une interdiction d’acquérir ou
d’accepter une sous-licence de droits sportifs qui ne puisse être
offerte simultanément à tous les autres membres. Saisi d’une
demande de mesure conservatoire par RMC Info, le Conseil a
ordonné au GIE Sport libre de suspendre l’application des
dispositions litigieuses en retenant que :
“Considérant qu’il est légitime pour les radios opposées au
principe même de ces droits ou soucieuses de discuter leur
conséquences ou, encore, inquiètes du niveau de leur prix,
d’exprimer publiquement leurs préoccupations ; qu’il est également légitime, et licite, pour leurs organisations professionnelles de manifester ces préoccupations et de chercher à
influencer la politique des pouvoirs publics ;
Considérant, cependant que, conformément à une
jurisprudence constante, il n’appartient pas aux entreprises de
se faire justice elles-mêmes ; qu’il ne leur est pas permis, par
conséquent, au motif qu’elles estiment que tel ou tel de leur
concurrent méconnaît, dans un autre domaine juridique, une
règle de droit, de se livrer à une pratique interdite par le droit
de la concurrence ; qu’il suit de là que l’invocation des
25 Cons. conc., déc. n° 02-MC-06 du 30 avril 2002 relative à une demande de
mesures conservatoires présentée par la société RMC Info, BOCCRF n° 11
du 22 juin 2002, p. 449. (Nota L’auteur de cet article est intervenu dans cette
affaire)
préoccupations précédemment exposées ne saurait suffire, à
elle seule, à faire obstacle à ce que la saisine soit regardée
comme dépourvue d’éléments probants”.
49. Le Conseil s’est ainsi gardé de se prononcer sur la
légitimité de la position des acteurs considérés mais a retenu
que leur position commune devait demeurer dans le domaine
du débat d’idée et ne pas “déborder sur le marché”, en prenant
la forme d’une action collective pouvant s’apparenter à une
forme de boycott.
Il est clair que dans certains débats publics, la tentation est
évidemment grande d’accompagner la prise de position
publique par une action plus coercitive, les auteurs de tels
comportements y voyant même la marque de leur cohérence,
la nécessité d’allier l’action à la parole. De telles hypothèses
de débordement de l’action collective vers une action sur le
marché ne sont pas si exceptionnelles et la presse en fournit
des exemples. Ainsi, dans le secteur de la pharmacie, à
l’automne dernier, le gouvernement avait annoncé une
extension du “Tarif Forfaitaire de Responsabilité” à tous les
groupes génériques présents sur le marché depuis plus de deux
ans, mettant ainsi fin à un régime de droit commun
discriminant car favorisant la pénétration des médicaments
génériques au détriment des fabricants de “princeps”, même
lorsque ceux-ci ne disposent plus d’aucun pouvoir de marché
significatif. Le Comité économique des produits de santé
semble cependant avoir modifié son projet à la suite d’une
menace puis d’un boycott engagé par plusieurs syndicats de
pharmaciens. Ceux-ci entendaient en effet obtenir le maintien
du régime discriminatoire actuellement en vigueur, qui leur
assure une meilleure rémunération de leurs prestations en cas
de revente de génériques que de princeps (laquelle disparaît
lorsque le produit princeps et ses copies relèvent d’un même
Tarif Forfaitaire de Responsabilité).
50. Si dans ce cas, la pratique d’influence avait été exercée de
manière relativement publique, d’autres pratiques peuvent en
revanche apparaître dans des contextes moins “transparents”,
comme dans le cadre de marchés publics26 ou à l’occasion de
discussions confidentielles avec l’autorité publique, et prendre
des formes diverses. Ainsi, récemment encore, le Conseil de la
concurrence, en condamnant des pratiques abusives sur le
marché de l’eau potable en Île-de-France, a notamment relevé
les pratiques suivantes mises en œuvre par un syndicat
professionnel (le Sedif : Syndicat des eaux de l’Île-deFrance) : “l’instruction a révélé, en effet, que le Sedif est
intervenu pour peser sur l’issue de la négociation du contrat
de Semmaris avec sa concurrente Sagep par des lettres visant
à dissuader tant le président de la Sagep de poursuivre ces
26 À cet égard, selon Monsieur le Professeur CAILLAUD : “une capture
réglementaire dans le cadre de marchés publics est susceptible d’entraîner
trois conséquences : le risque d’inefficacité, que ce soit dans le choix du
gagnant, dans la répartition des lots et/ou encore dans les caractéristiques
retenues ; l’augmentation des dépenses publiques ; la mise en œuvre d’un
dysfonctionnement de la régulation sectorielle qui devra ensuite s’appliquer
« dans le marché »” (B. Caillaud, Entente et capture dans la commande
publique : un point de vue d’économiste, in Commande publique et droit de
la concurrence, atelier de la DGCCRF du 5 juin 2002).
Concurrences N°3 - 2006 l Doctrines l O. Fréget, Pratiques d’influence et concurrence...
46
négociations que le maire de Paris de soumettre au Conseil de
Paris, décideur en dernière instance, le projet de convention
de fourniture entre la filiale de la ville de Paris et la
Semmaris. […]. En outre, […] le Sedif, parallèlement à son
intervention auprès de « l’actionnaire principal » étudiait des
mesures de rétorsion […]. Le Sedif, par ces pratiques, a abusé
du pouvoir de marché qu’il tire de sa position de monopoleur
de fait dans la production et la distribution d’eau sur le
territoire de ses communes adhérentes en exerçant des
pressions sur les autorités de tutelle de son concurrent, ce qui
constitue une immixtion dans la liberté contractuelle de ce
concurrent fournisseur d’eau. Cette immixtion avait pour objet
d’empêcher la finalisation d’une convention tarifaire entre la
Sagep, son concurrent, et son prospect Semmaris”. Le Conseil
conclue ainsi que “la protection que le délégant d’un service
public accorde à son délégataire ne doit pas aller au-delà de
ce qui est strictement nécessaire au bon fonctionnement dudit
service. En tout état de cause, ces mesures de protection ne
doivent pas enfreindre l’ordre public économique procédant
des règles de concurrence visées au code du commerce”27. Le
Conseil a donc ainsi condamné, sur le fondement du droit de la
concurrence, le fait d’exercer des pressions sur les autorités
publiques aux fins d’obtenir un avantage concurrentiel.
51. Dans les deux cas susvisés, les pratiques condamnées s’étaient
déroulées dans un contexte de négociation entre entreprises et
administration, et le Conseil de la concurrence était en position
d’extériorité pour les juger. La question est nécessairement plus
délicate lorsque les pratiques se déroulent dans le cadre même de
procédures réglementaires, sans fraude avérée, comme c’est le cas
pour l’une des pratiques reprochées à Astra Zeneca par la
Commission dans sa décision du 15 juin 200528. C’est peut-être
pourtant dans ce type de situations que se nichent aujourd’hui les
risques les plus importants de “capture réglementaire”. En effet,
lorsque la pratique d’influence prend la forme d’une négociation
avec l’autorité, “l’échange” que cette négociation prétend entériner
rend la pratique moins détectable : l’autorité ayant reçu (ou du
moins cru recevoir) lors de l’échange une contrepartie, elle sera
nécessairement réticente à admettre, le cas échéant, que cette
contrepartie a pu comporter une atteinte aux intérêts du
consommateur. L’existence même de cette négociation rend en
outre difficile tout contrôle juridictionnel, sauf pour le juge à
refuser purement et simplement l’idée même d’une négociation
entre régulé et régulateur, ce qui ne semble pas dans l’air du temps.
52. À l’inverse, il est vrai que refuser à une autorité réglementaire
toute latitude de négociation la conduirait nécessairement à
s’engager dans une stratégie de confrontation systématique qui
risquerait de retarder plus encore l’établissement ou le
rétablissement d’une situation de concurrence effective. Toute
autorité de régulation se trouve ainsi prise entre deux risques
contradictoires :
27 Cons. conc., déc. n° 05-D-58 du 3 novembre 2005 relative à des pratiques
relevées dans le secteur de l’eau potable en Île-de-France, pts 124 à 126,
BOCCRF n° 4 du 14 mars 2006.
28 Comm. CE, 15 juin 2005, Astra Zeneca, aff. COMP/A.35.507/F3, publiée
sur le site Internet de la DG Concurrence de la Commission européenne.
- Soit utiliser ses pouvoirs de sanction mais prendre le risque
de tout bloquer ;
- Soit négocier avec le destinataire de l’obligation, mais alors
renoncer au moins temporairement à exercer son pouvoir de
sanction.
53. Le secteur des télécommunications a là encore fourni, ces
dernières années, une série d’exemples de ce type de
“dilemme”.
2. L’exemple de l’interaction entre le
Conseil de la Concurrence et
l’ARCEP dans la libéralisation du
secteur des télécommunications
54. Depuis le 1 er janvier 1998, date théorique de fin du
monopole de France Telecom, l’Autorité de régulation des
télécommunications (devenue en 2005 l’ARCEP) a dû engager
avec cette dernière un ensemble important de travaux pour
parvenir à l’élaboration d’offres d’interconnexion ou d’accès
de nature à permettre aux opérateurs alternatifs de proposer
des services concurrents. De fait, ces travaux ont
nécessairement pris la forme d’une sorte de négociation
continuelle où, par hypothèse, l’opérateur historique disposait
de plus d’informations que son régulateur. Ainsi, dans le
secteur des télécommunications, l’ARCEP n’a quasiment
jamais fait usage de son pouvoir de sanction, de 1997 à nos
jours ; en matière de libéralisation de la boucle locale (qui a
donné lieu sans doute aux débats les plus intenses), l’ARCEP
n’en a fait aucun usage.
55. Ce type de situation est topique d’un cas d’ouverture à la
concurrence, où l’autorité sectorielle n’a sans doute pas
d’autres possibilité réelle, au moins à titre initial, que de
négocier avec l’entreprise régulée. Pour autant, il est bien
évident que cette “négociation réglementaire” peut avoir pour
effet de permettre à l’entreprise qui s’y livre de développer une
stratégie de résistance dite en “4 D” 29 au détriment du
consommateur. Se développe nécessairement une situation de
“capture du régulateur” dont il lui est difficile de sortir dès lors
que le processus de négociation est continu. L’usage par le
régulateur de son pouvoir de sanction peut en effet lui
apparaître très dangereux, car susceptible d’entraîner la mise
en œuvre de mesures de rétorsion par l’entreprise régulée sur
d’autres sujets.
56. Dans ces conditions, seule l’autorité de concurrence peut
jouer un rôle “modérateur” car elle n’est pas partie à ces
“négociations réglementaires”. C’est d’ailleurs ce qui s’est
passé de manière assez saisissante dans le cas du dégroupage
de la boucle locale. Comme évoqué ci-dessus, en dépit du
29 Quatre “D” pour “Deny” (refuser le principe même de l’accès), “Difficult”
(accepter le principe de l’accès mais tenter de convaincre que cela est trop
difficile en pratique), “Differ” (après y avoir été contraint, gagner du temps
en retardant la disponibilité) et “Deter” (décourager en multipliant les
chausses trappes).
Concurrences N°3 - 2006 l Doctrines l O. Fréget, Pratiques d’influence et concurrence...
47
nombre considérable de ses interventions et de ses
remontrances à l’encontre de l’attitude de France Telecom30 en
matière de dégroupage, l’ARCEP n’a fait aucun usage de son
pouvoir de sanction.
57. Parallèlement, toutefois, le Conseil de la concurrence, sur
le seul sujet (connexe au dégroupage) de la mise à disposition
d’une offre de gros d’accès à la boucle locale (dénommée
“Option 3” 31) a pour sa part sanctionné assez lourdement
l’opérateur historique en lui infligeant une amende cumulée de
120 millions d’euros32.
58. Il nous semble qu’au-delà des éléments propres du dossier
ADSL Connect ATM, lesquels ont pu conduire le Conseil à
prononcer à la fois une amende pour non-respect de
l’injonction qu’il avait prononcée en 2000 et qui avait été
confirmée par la Cour d’appel, puis une seconde pour refus
d’accès à une infrastructure essentielle, le sens de
l’intervention parallèle du Conseil est de clairement indiquer
que lorsque les entreprises soumises à une régulation
sectorielle négocient avec l’autorité du secteur, l’existence,
voire les conditions négociées, restent intégralement soumises
à une analyse en droit de la concurrence. Cela signifie que le
Conseil de la concurrence entend conserver un rôle de
contrepoids qui doit permettre à l’entreprise de ne pas abuser
de la situation d’asymétrie d’information dont elle bénéficie
vis-à-vis de son régulateur.
59. Ce rôle de contrepoids que peut jouer une autorité de
concurrence face à une autorité de réglementation avait
d’ailleurs été décrit par Monsieur Frédéric Jenny, en 1998,
lorsqu’il était Vice-président du Conseil de la concurrence.
Dans le cadre d’une intervention devant un groupe de travail
du Sénat 33, celui-ci évoquait la persistance de risques de
“capture réglementaire”, même en présence d’une autorité
administrative indépendante, en expliquant que :
“Certaines expériences étrangères démontrent la difficulté
qu’éprouve le régulateur à appliquer le droit de la
concurrence dans le domaine dont il a la charge. Il lui est en
effet difficile d’éviter le phénomène de « capture
réglementaire » qui conduit à une interprétation laxiste de la
réglementation”.
60. Cette conception d’une interaction nécessaire entre
l’autorité de concurrence et l’autorité sectorielle n’est
cependant pas unanime. Elle est précisément rejetée par la
Cour Suprême américaine qui exclut l’application simultanée
du droit de la concurrence et d’une régulation sectorielle
fondée sur le droit de la concurrence aux mêmes faits. La Cour
Suprême américaine a en effet pris, dans l’affaire Trinko34, une
position radicalement opposée, en considérant que la seule
existence d’une réglementation sectorielle fondée sur le droit
de la concurrence rend inapplicable les dispositions de celuici. Il existe, du fait de cet arrêt, un très grand écart entre les
conceptions américaines actuelles et la position européenne
sur les rôles complémentaires que peuvent développer une
autorité de régulation et une autorité de concurrence. En effet,
cette position a été implicitement rejetée par la Commission
européenne dans sa décision Deutsche Telekom35.
61. En d’autres termes, on peut considérer que le droit
communautaire refuse de laisser l’autorité de régulation en tête
à tête avec les entreprises, et qu’il revendique la possibilité
pour le droit de la concurrence de toujours constituer une sorte
de “ressort de rappel”, afin d’éviter que la dépendance
susceptible de se développer entre l’autorité sectorielle et les
opérateurs régulés ne se fasse pas au détriment du
consommateur et du marché. C’est là une forme
particulièrement intéressante de contrôle des risques de
“capture réglementaire” par la séparation des fonctions de
régulation et de sanction entre deux autorités également
indépendantes, l’une assumant la charge de la répression,
l’autre celle de la négociation. Pour autant, ce type d’approche
est adapté à un contexte d’introduction de la concurrence dans
lequel l’opérateur régulé vise à ralentir la mise en œuvre d’une
législation de libéralisation. Il est sans pertinence dans le cas
où la capture réglementaire vise à non à ralentir une “ouverture
à la concurrence” mais à construire des protections
réglementaires. Or, comme on l’a vu, le droit de la
concurrence se refuse de considérer que la tentative par un
acteur d’influencer le régulateur pour qu’il le protège puisse en
soi relever de son champ de compétence. La solution réside
alors dans la mise en place de dispositifs structurels du type de
ceux évoqués ci-dessus dans le secteur des
télécommunications, lesquels vont rendre plus difficile
l’adoption de “sur réglementation”.
30 Alors même que l’article L. 36-11 du Code des postes et communications
électroniques prévoit la possibilité pour l’Autorité d’imposer des amendes
pouvant aller jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires concerné en cas de violation
de ses dispositions.
31 “L’option 3” était une offre d’interconnexion qui aurait dû permettre aux
opérateurs de réseau concurrents de l’opérateur historique de connecter leurs
infrastructures nationales à celle de France Télécom au niveau régional, et
d’accéder ainsi indirectement à la boucle locale de celle-ci, tout en maîtrisant
les paramètres essentiels de l’offre d’un point de vue technique, et ce dans
l’attente du déploiement de leurs équipements au niveau local.
32 Cons. conc., déc. n° 05-D-59 du 7 novembre 2005 relative à des pratiques
mises en œuvre par la société France Télécom dans le secteur de l’Internet
haut débit (affaire ADSL Connect ATM), BOCCRF n° 4 du 14 mars 2006. Le
rédacteur de cet article représentait la partie saisissante dans cette affaire.
33 Sénat, Session Ordinaire de 1998-1999, Annexe au procès verbal de la
séance du 27 octobre 1998, Rapport d’information fait au nom de la
commission des affaires culturelles sur la communication audiovisuelle, par
M. Jean-Paul Hugot, document n° 38.
34 U.S. Supreme Court, January 13, 2004, Verizon Communications Inc. v. Law
Offices of Curtis V. Trinko, LLP, 540 US 398 (2004), n° 02-682.
35 Comm. CE, 21 mai 2003, Deutsche Telekom AG, aff. COMP/C-1/37.451,
37.578 et 37.579, JOCE n° L. 263 du 14 octobre 2003, p. 9.
Concurrences N°3 - 2006 l Doctrines l O. Fréget, Pratiques d’influence et concurrence...
48
Conclusion
62. Les risques de “capture réglementaire” des autorités, et
même de celles qui semblent nécessairement disposer des
moyens pour y échapper, est une question d’actualité qui
concerne l’intégralité de la régulation des marchés. Contenir
ce phénomène suppose une vertu particulière de la part des
autorités réglementaires, notamment dans des situations
fortement médiatisées où elles peuvent être instrumentalisées
par certains acteurs. La vertu cependant ne suffit pas.
63. Certes l’organisation et le maintien d’un système
multilatéral de “checks & balances”, à la fois entre les
institutions et au sein de chaque institution, peuvent permettre
de limiter les risques. Comme l’exposent Patricia Charlety et
Saïd Souam36, se fondant sur l’étude de Laffont et Mortimort
de 199937 :
“si le régulateur est bienveillant et cherche uniquement à
maximiser le bien-être social, il convient évidemment de
regrouper les deux types de contrôle38 sous la même autorité ;
cette solution est à la fois moins coûteuse (pas de duplication
de coûts fixes) et plus productive dans la mesure où l’autorité
unique possède une meilleure information que chacune des
deux agences séparées, qu’elle utilise à bon escient.
considérations de droit civil, dont la connaissance n’est parfois
plus assez répandue dans ces organes, lesquels parce qu’ils
sont régulés par le droit public, font naturellement appel à des
publicistes.
65. Ce morcellement a également pour effet de rendre illisible
et imprévisible l’ensemble du “système normatif”, ce qui
perturbe également le fonctionnement du marché.
66. Est-ce dire alors qu’il faut regrouper les autorités ? Pas
davantage, mais sans doute repenser leur articulation, leur
organisation et faire respecter les manquements aux règles qui
en découlent en assumant et en gérant les cas de conflits. Trop
souvent perçues comme un moyen d’échapper à une éventuelle
sanction (comme en procédure pénale), les règles de
procédures sont regardées avec suspicion dans le cadre des
contentieux réglementaires alors qu’elles participent de
l’équilibre institutionnel.
67. Une telle démarche ne peut évidemment être menée par
des juristes seuls. Elle doit être l’occasion d’une réflexion
commune avec les économistes intéressés par ces questions et
les régulateurs. Un appel aux travaux et réflexions d’
“économie du droit”38 au service du “droit économique”, en
I
quelque sorte.
En revanche, dans le cas où les régulateurs ne sont pas
bienveillants, Laffont et Martimort (1999) montrent que la
séparation des régulateurs devient souhaitable. En effet,
chacun possède alors une information parcellaire sur
l’entreprise contrôlée, ce qui limite de facto son pouvoir
discrétionnaire, et donc la possibilité de capture de l’agence
par l’entreprise contrôlée. […] Martimort (1999) renforce cet
argument en faveur de la séparation des régulateurs en
ajoutant une dimension temporelle. Dans un cadre d’analyse
dynamique où l’engagement des autorités n’est pas crédible,
la séparation limite les possibilités de renégociation des
accords de long terme avec les entreprises régulées”.
64. L’expérience du juriste peut cependant conduire à tempérer
cette analyse. À mesure que se multiplient les textes et les
autorités pour les mettre en œuvre, la complexité qui en résulte
créée précisément des opportunités renouvelées de
“négociations réglementaires”. En outre, le morcellement du
droit en des collections de textes “régulatoires”, réparties en de
multiples sous - branches “techniciennes”, rend aisée la
construction d’oppositions factices entre des normes qui n’ont
pas été conçues pour “travailler ensemble” et empruntent leurs
inspirations à des sources différentes. Dans les interstices entre
ces sous - branches peuvent alors se développer des pratiques
de “capture réglementaire” extrêmement efficaces car elles se
dissimulent derrière de prétendues “difficultés juridiques”
providentielles venant d’un autre droit ou même de prétendues
36 P. Charlety-Lepers et S. Souam, Analyse économique des fusions
horizontales, publié sur le site Internet du CREST, www.crest.fr et Revue
Française d’Économie, Vol. 17, n°2, octobre 2002, p. 37,
37 Pour l’article de Laffont et Martimort, voir supra.
38 Au sens de l’école anglo-saxonne “law & economics”.
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Direction
Comité scientifique
Laurence IDOT
Professeur à l’Université Paris I – Panthéon-Sorbonne
Jean-Bernard BLAISE
Professeur émérite de l’Université Paris II
Guy CANIVET
Premier Président de la Cour de cassation
Damaso Ruiz Jarabo COLOMER
Avocat général à la Cour de justice des
Communautés européennes
Marco DARMON
Ancien Avocat général à la Cour de justice
des Communautés européennes
Damien GÉRADIN
Directeur du Global Competition Law Center
Collège d’Europe, Bruges
David GERBER
Professeur au Kent College of Law, Chicago
Marie-Dominique HAGELSTEEN
Conseiller d’Etat, ancienne Présidente
du Conseil de la concurrence
Bruno LASSERRE
Président du Conseil de la concurrence
Hubert LEGAL
Juge au Tribunal de première instance
des Communautés européennes
Koen LENAERTS
Juge à la Cour de justice
des Communautés européennes
Aristide LÉVI
Directeur du Centre de Recherches
sur le Droit des Affaires - CCIP
Claude LUCAS DE LEYSSAC
Professeur à l’Université Paris I
Emil PAULIS
Directeur de l’unité Politique de concurrence
et coordination, DG Concurrence
Commission européenne
Sylvaine POILLOT-PERUZZETTO
Professeur à l’Université de Toulouse I
Louis VOGEL
Professeur à l’Université Paris II
Richard WHISH
Professeur à King’s College
London University
Comité international
Frédéric JENNY
Président du Comité de concurrence de l’OCDE
Conseiller à la Cour de cassation en service extraordinaire
Christopher BELLAMY
Président du Competition Appeal Tribunal, Londres
Bill KOVACIC
Professeur à George Mason University
Washington
Christian BOVET
Professeur à l’Université de Genève
Santiago MARTINEZ LAGE
Avocat, Madrid
Josef DREXL
Professeur à l’Institut Max Planck, Munich
Abel MATEUS
Président de l’Autorité portugaise
de concurrence
Claus-Dieter EHLERMANN
Ancien Directeur général DG Concurrence
Philippe GUGLER
Professeur à l’Université de Fribourg
Karel VAN MIERT
Président de l’Université de Nyenrode
Ancien Commissaire en charge
de la politique de concurrence
Barry HAWK
Professeur à Fordham University, New-York
Thomas SHARPE
Avocat - QC, Londres
Comité de rédaction
Nicolas CHARBIT
Directeur de la rédaction
Pierre KIRCH
Avocat à la Cour et au barreau de Bruxelles
Alain RONZANO
Rédacteur de la lettre d’information
“Creda-Concurrence” - CCIP
Concurrences N°2 - 2006 l Direction
François SOUTY
Chargé des affaires internationales et
multilatérales, Conseil de la concurrence
Professeur associé à l’Université de
La Rochelle
3
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