pdf doctrines - Olivier Fréget
Transcription
pdf doctrines - Olivier Fréget
Concurrences Revue des droits de la concurrence Réflexions sur les pratiques d’influence et le droit de la concurrence : Lobbying, “négociations réglementaires” et/ou “capture réglementaire” ? Doctrines Concurrences Ν° 3-2006 – pp. 40-49 Olivier FRÉGET [email protected] Avocat à la Cour Fleur HERRENSCHMIDT [email protected] Avocat à la Cour Doctrines Olivier FRÉGET [email protected] Avocat à la Cour Fleur HERRENSCHMIDT [email protected] Avocat à la Cour Abstract e présent article procède à une revue succincte d’abord des dispositifs formels qui limitent les risques de “capture réglementaire” et de “sur-réglementation”, en prenant appui sur l’exemple du secteur des télécommunications, puis du traitement des pratiques d’influence en droit de la concurrence, y compris en présence de “négociations réglementaires” où l’autorité de concurrence peut jouer un rôle bénéfique. Il conclut sur la nécessité d’une réflexion sur le respect de règles de procédures comme moyen de limiter les phénomènes de capture réglementaire. L oth the efficiency and the legitimacy of sectorspecific regulation rely on the guarantee that the relevant regulators have not been “captured” by those they are expected to regulate. The present article proceeds with a brief analysis, first, of the formal mechanisms that reduce the risks of both “regulatory capture” and “over-regulation”, taking examples from the telecommunications sector. Then, it analysis how practices of regulatory capture are apprehended in competition law, including when “regulatory negotiations” are involved, cases where the competition authority has a positive role to play. Lastly, it concludes on the need for a reflexion on the importance of respecting procedural rules as a means to limit phenomena of regulatory capture. B Réflexions sur les pratiques d’influence et le droit de la concurrence : Lobbying, “négociations réglementaires” et/ou “capture réglementaire” ? 1. Les enjeux et risques que représentent les “pratiques d’influence” de la part des entreprises privées sur le fonctionnement de la concurrence ont fait, après la seconde guerre mondiale, l’objet de travaux bien connus de la part des économistes, travaux qui ont abouti à l’élaboration de la théorie dite de la “capture réglementaire”. 2. Richard Posner, juriste et économiste à l’Université de Chicago, est largement à l’origine de cette théorie. Il considérait que “la régulation n’est pas une affaire d’intérêt public du tout, mais un processus, par lequel un groupement d’intérêts tente de promouvoir ses intérêts personnels/privés […] Avec le temps, les autorités réglementaires en viennent à être dominées par les industries qu’elles régulent”1. Selon l’École de Chicago, “les gouvernements ne créent pas accidentellement des monopoles industriels. Ils ont plutôt le défaut de réguler en réponse à l’insistance, et au profit, de groupements d’intérêts qui utilisent cette régulation à leurs propres fins. Pour ceux-ci, la régulation administrative vient plus au service des entités régulées que des consommateurs”2. 3. De manière générale, pour l’École de Chicago, il y a capture réglementaire lorsque le sujet de la régulation est si influent auprès de son régulateur qu’il acquiert un certain contrôle sur la réglementation à laquelle il est assujetti. Les tenants de l’École de Chicago considèrent que la pratique de capture réglementaire conduit à une réduction du bénéfice que peuvent escompter la collectivité et le consommateur d’une régulation efficace et, partant, à une perte de bien-être social. Le débat est naturellement toujours d’actualité, comme le montrent d’ailleurs les nombreux travaux d’économistes sur le sujet3. Dans leur majorité (si cette notion a une pertinence, s’agissant de travaux scientifiques), ils semblent considérer que la régulation reste bénéfique, sans pour autant nier le risque qu’elle puisse être capturée par les entreprises régulées, les systèmes juridiques devant donc être conçus pour limiter cette possibilité4, le droit de la concurrence pouvant le cas échéant jouer un rôle de gardien. 1 Cité sur le site www.economist.com, rubrique “Finance & Economics”, puis “Economics A-Z”, à la lettre “R” comme “Regulation” 2 E. Kayaalp, Regulatory Capture, http://frazer.rice.edu/ epit/documents/dan/Dan-Comment-EK3.doc. 3 Pour un exposé clair et concis des différentes écoles : voir le chapitre “Introduction - I. Les concepts et les écoles” de l’ouvrage de François Lévèque Économie de la réglementation. Éd. La Découverte, Coll. Repères, n° 238, Nouvelle édition Septembre 2004. 4 Voir par exemple, en ces temps de discussion sur une fusion de l’ARCEP et du CSA, le très intéressant article de Jean-Jacques Laffont et David Martimort en 1999 sur l’utilité de séparer les régulateurs : Separation of regulators against collusive behavior, Rand Journal of Economics, Vol. 30, n° 2, Summer 1999, pp. 232-262). Concurrences N°3 - 2006 l Doctrines l O. Fréget, Pratiques d’influence et concurrence... 40 4. Plusieurs décisions récentes intervenues en droit de la concurrence montrent également l’intérêt pratique de cette théorie. De fait, on voit se dessiner – à mesure que la régulation devient de plus en plus sophistiquée et le droit de la concurrence exigeant – de nouvelles questions concurrentielles, où le comportement des entreprises en cause ne peut se comprendre qu’en s’intéressant à “l’hors marché”, dans le champ du politique et des médias. La bataille judiciaire elle-même n’apparaît qu’un temps d’un mouvement plus global où le résultat qui peut être obtenu sur le marché compte moins que le temps gagné grâce à l’adoption d’une régulation ou au retard dans sa mise en œuvre. Ces éléments “hors marchés” peuvent plus sûrement et plus durablement gêner le concurrent qu’une pratique anti-concurrentielle “classique”, laquelle peut être déjouée et parfois même paralysée dès son origine par une mesure judiciaire d’urgence. On pourrait qualifier ces comportements de pratiques “à double facette” en ce qu’elles visent à agir simultanément dans le marché, mais également sur le cadre du marché, en tentant d’influencer les règles qui l’organisent. Dans ces conditions, les comportements “dans” le marché – relevant d’une stratégie d’exclusion ou d’élévation des coûts des concurrents – se superposent à une pratique “hors marché” de “capture réglementaire”. 5. Certes, la frontière entre ces pratiques de “capture” et la simple pratique d’influence (le “lobbying”) est évidemment extrêmement difficile à définir. Il ne serait en outre pas justifié de jeter l’anathème sur toutes les pratiques de lobbying ou d’influence des régulateurs. Le lobbying comporte en effet des avantages économiques certains dès lors qu’en fournissant de l’information aux “réglementeurs”, il réduit l’asymétrie d’information dans laquelle ces derniers sont placés par leur position, nécessaire, d’extériorité au marché. 6. L’objet du présent article n’est pas d’aborder ce débat très complexe dans toute sa généralité. Il a une ambition plus mesurée, celle de fournir un début d’inventaire de la question d’un point de vue juridique, en évitant au surplus le domaine le plus sensible, celui du contrôle des concentrations, lequel pose des questions très spécifiques5. En prenant comme source d’exemples le secteur des télécommunications, il propose de procéder à une revue succincte des dispositifs formels qui limitent les risques de “capture réglementaire” et de voir comment ils fonctionnent (I), puis de revoir le traitement des pratiques d’influence en droit de la concurrence et les interactions qui peuvent exister entre une autorité de concurrence et une autorité de régulation, en présence de “négociations réglementaires”6 (II). 5 Le contrôle des concentrations fait l’enjeu de critiques récurrentes sur l’influence que les tiers auraient sur les décisions dont l’analyse mériterait une étude en soi. 6 On entend par “négociations réglementaires” toutes les situations où les conditions d’application de la Loi font l’objet de discussions et de définitions de priorités de manière bilatérale avec l’acteur le plus concerné, contre des engagements formels ou informels de comportements de la part de l’Autorité. De fait, un risque de “capture” apparaît dès que l’autorité ou l’administration, ne s’est pas contentée d’écouter mais s’est engagée de telle manière que sa pleine liberté d’action se trouve entravée. I. Les dispositifs structurels 7. La création d’autorités indépendantes est naturellement un premier niveau de réponse contre les tentatives de manipulation de la règle et du régulateur qui la produit. Cependant cette précaution peut ne pas être suffisante dès lors qu’elle ne protège pas contre la volonté propre de toute institution d’étendre son domaine de compétence et donc de “sur-réglementer”. On peut d’ailleurs supposer que toute volonté de réglementer rencontre toujours nécessairement quelques intérêts privés (ou de l’Etat actionnaire, à l’égard desquels ils ont été conçus) qui vont pouvoir légitimer l’intervention du régulateur, le cas échéant en tentant de la présenter comme une mesure de simplification pour le consommateur, ce qui permet de court-circuiter le débat concurrentiel (1). 8. À cet égard, le droit des télécommunications, à travers les nouvelles directives, fournit un mécanisme particulièrement élaboré qui semble être un cadre approprié pour contrôler ce phénomène (2). 1. Les dispositifs “classiques” d’ “anti-capture” 9. À l’origine, la notion de “régulateur” visait de manière générale toutes les administrations et, le cas échéant, le législateur lui-même, lequel – dans une vision ultra-libérale – est perçu comme une source de perturbation du jeu économique. 10. La “charge” de l’École de Chicago peut cependant apparaître comme largement contingente du contexte de l’apparition de l’État Providence où la conjonction du keynésianisme et des politiques issues du New Deal marquait une époque de fort interventionnisme qui n’aura pas décliné avant la fin des années soixante-dix. Elle était contemporaine d’une époque où la responsabilité de la régulation était quasiessentiellement entre les mains d’administrations soumises aux aléas et aux contingences du pouvoir exécutif. 11. Aujourd’hui, toutefois, la notion de “régulateur” renvoie avant tout à l’ensemble des entités et/ou autorités, autonomes, sur lesquelles pèsent la responsabilité de surveiller et de policer un comportement sur le marché. Elles sont souvent conçues comme indépendantes de l’appareil politique7. 12. Dans certains cas, cette indépendance trouve sa source dans le droit communautaire, lequel limite considérablement le champ d’action de l’État régulateur lorsqu’il conserve un rôle d’acteur économique. 7 Pour un inventaire de toutes les autorités existantes et une analyse de leurs caractéristiques. Voir Sénat Document n° 3166, Rapport sur les autorités administratives indépendantes, par M. Patrice Gélard en date du 15 juin 2006. Concurrences N°3 - 2006 l Doctrines l O. Fréget, Pratiques d’influence et concurrence... 41 13. En effet, dans tous les secteurs où l’État conserve une entreprise publique (ou maintient des droits exclusifs ou spéciaux, même conférés à des entreprises privées), la création d’une autorité de réglementation indépendante s’impose afin d’éviter les risques de conflits d’intérêts qui peuvent résulter d’un cumul entre une fonction de réglementation et une fonction de commercialisation8. 14. On doit ainsi, directement ou indirectement, au droit communautaire, la création d’autorités structurellement indépendantes comme l’ARCEP ou la Commission de régulation de l’énergie (“CRE”). D’autres autorités “structurellement indépendantes” le sont par la seule volonté du législateur français, comme l’Autorité des marchés financiers (“AMF”), le Conseil supérieur de l’audiovisuel (“CSA”) ou enfin le Conseil de la concurrence, dont la création ne dérive pas non plus directement du droit communautaire, bien qu’il soit rattrapé par celui-ci du fait de la mise en œuvre du réseau d’autorités nationales pour l’application du règlement n° 1/2003. 15. Il reste cependant des administrations qui conservent toujours un pouvoir réglementaire important (ou un succédané, via l’imposition de “conventions”) mais qui ne sont toujours pas indépendantes des intérêts de l’État en tant qu’acteur économique. On pense ainsi, par exemple, au Comité économique des produits de santé (le “CEPS”), lequel régule les prix des entreprises pharmaceutiques, l’intégralité de leurs activités, instruit d’éventuels dépassement des normes qu’il élabore, les sanctionne par des pénalités (!), etc. De fait, le CEPS définit les conditions de concurrence entre laboratoires, alors même que l’État agit comme l’acheteur ultime de leurs produits. 16. Ainsi, l’indépendance du régulateur, condition minimale pour limiter les risques de capture réglementaire, est aujourd’hui un phénomène assez largement répandu mais n’est pas encore en France une solution “universelle”. 17. Cela est sans doute d’autant plus regrettable que l’indépendance “formelle” vis-à-vis du pouvoir exécutif n’est pas en elle-même suffisante. Elle doit en effet se traduire par une indépendance vis-à-vis de l’industrie et d’un point de vue financier. 8 Suivant l’arrêt de la CJCE en date du 13 décembre 1991, GB-INNO BM (aff. C-18/88, Rec. p. I-5941), la Commission indique, par exemple dans sa décision 2002/344/CE du 23 octobre 2001 relative à l’absence de contrôle exhaustif et indépendant des conditions tarifaires et techniques appliquées par La Poste aux entreprises de routage pour l’accès à ses services réservés, que “la situation de conflit d’intérêts constitue un abus en soi. Il n’est pas nécessaire d’attendre que l’entreprise en question commette effectivement un abus pour que l’infraction puisse être constatée” et qu’ “une réglementation qui ne prévoit pas une autorité de contrôle indépendante présentant des garanties de neutralité suffisantes par rapport à une entreprise publique placée dans une situation de conflit d’intérêts enfreint les dispositions de l’article 86, paragraphe 1, du traité, en liaison avec son article 82” (JOCE n° L. 120 du 7 mai 2002, p. 19). La France n’a d’ailleurs tiré toutes les conséquences de cet arrêt, s’agissant du droit des télécommunications, que lors de la transposition en 2005 du nouveau cadre réglementaire. Elle a alors enfin retiré au Ministre de l’économie le contrôle de certains tarifs de détail de France Télécom, alors même que l’État contrôlait toujours cette entreprise, ce qui le plaçait en situation de conflit d’intérêts manifeste entre ses intérêts d’actionnaire et ses devoirs de régulateur. 18. Cette question de l’indépendance vis-à-vis de l’industrie est plus délicate qu’il n’y paraît. La réponse ne se limite pas à prévoir des incompatibilités et règles en matière de conflits d’intérêts entre les membres de l’autorité et le secteur régulé. Toute autorité sectorielle a en effet besoin d’une connaissance sectorielle qui se trouve nécessairement auprès de personnels qui ont “vécu” dans le secteur en cause. Les autorités se trouve ainsi face à la nécessité de recruter des personnalités compétentes venant de l’industrie régulée, et ce afin de réduire l’asymétrie d’information vis-à-vis du secteur dont elles ont la charge. Est-ce une si grande difficulté ? 19. L’expérience montre qu’en fait le cumul du prestige de la fonction de régulateur avec le fonctionnement collégial de ces institutions, conduit souvent les personnes qui viennent de l’industrie régulée (ou qui en ont été partie prenante à un moment de leur carrière) à faire preuve d’un fort esprit d’indépendance, stimulé en outre parfois par la volonté de ne pas donner prise aux soupçons dont elles peuvent être la cible9. 20. En réalité, la difficulté apparaît davantage “en sortie” de l’autorité qu’ “à l’entrée”. Le départ d’un membre d’une autorité régulée vers le secteur dont il avait la charge, même lorsqu’il n’en venait pas, pose en effet une difficulté évidente : cela jette un doute sur son comportement avant qu’il ne rejoigne l’acteur concerné et pousse à s’interroger sur le transfert d’informations qu’il effectue auprès d’un acteur économique, rompant ainsi le principe d’égalité des chances sur le marché (dont on rappelle qu’il est un principe fondamental du traité CE). 21. S’agissant de la question de l’indépendance financière des autorités, force est de constater qu’elle n’est pas résolue, alors même qu’il s’agit d’un point déterminant pour limiter des risques de “capture réglementaire”. En effet, l’importance des budgets des autorités peut conditionner leur degré d’indépendance intellectuelle vis-à-vis des industries régulées : de faibles moyens peuvent conduire les services au sein des régulateurs à se reposer sur les études proposées par les industriels ou encore à s’appuyer sur des experts “indépendants” mais qui restent financés par l’industrie, ce qui constitue un moyen de capture qui peut s’avérer très efficace. De même, l’absence de budget prive le régulateur de moyens pour attirer des profils de haute compétence ou pour financer des travaux de mise en perspective, la rendant ainsi dépendante du “consensus ambiant”. À l’inverse, doter les autorités de régulation d’un financement propre par prélèvement de taxes ou de frais de dossiers n’est pas non plus une solution dès lors que l’organisme peut alors poursuivre un intérêt financier propre. De tels phénomènes ont pu être constatés en matière de contrôle des concentrations dans certains pays. 9 En revanche, bien évidement, ces mouvements ne peuvent être que dans un seul sens. Il est évidemment inacceptable qu’un membre d’une autorité de régulation rejoigne ensuite une entreprise du secteur dont il avait la charge, et ce pour la raison symétrique de celle qui justifie le recrutement de la personne : si le recrutement d’une personne du secteur diminue l’asymétrie d’information de l’autorité, le recrutement d’un ancien membre du collège d’une autorité par une des entreprises régulées créé au profit de celle-ci un avantage informationnel important. Concurrences N°3 - 2006 l Doctrines l O. Fréget, Pratiques d’influence et concurrence... 42 22. Or, cette question n’est pas résolue dès lors que, de manière générale, les budgets des autorités sont insuffisants par rapport à leurs missions et au surplus très inégaux. Comme l’indique le Professeur Marie-Anne Frison-Roche dans un récent article sur l’impact la Loi relative aux Lois de Finances (“LOLF”)10, ces budgets vont de 50 millions d’euros pour l’ARCEP à 11 millions d’euros pour le Conseil de la concurrence11, et on ne s’explique pas la faiblesse absolue de ce montant. En outre, comme le révèle l’article précité, ladite LOLF prétend soumettre tous les régulateurs indépendants à une tutelle financière difficilement acceptable. Aucune solution simple n’existe, d’autant que bien évidemment, les autorités de régulation doivent et peuvent (comme le montre d’ailleurs l’action du Conseil de la concurrence dans ce domaine) être également redevable de leur efficacité et la développer. Mais à l’impossible nul ne peut être tenu, et ici pas davantage qu’ailleurs, la perspective d’une régulation “expéditive”, par pauvreté, n’est pas acceptable. Sans doute faudrait-il prévoir que les budgets soient directement fixés par le Parlement, sans possibilité d’intervention du pouvoir exécutif, à l’occasion d’un débat public où les responsables de ces autorités exposeraient aux députés leurs actions et leurs besoins. 23. Paradoxalement, même si et lorsque toutes ces difficultés auront été amoindries, tous les risques de “capture réglementaire” ne seront pas écartés pour autant. Le souhait que peut développer toute institution de se renforcer et donc de “générer de la norme” peut même augmenter au fur et à mesure que croit l’indépendance réelle. 2. Le contrôle multilatéral contre les risques de sur-réglementation 24. Tout régulateur sectoriel peut être la cible de tentatives de capture réglementaire par des concurrents qui tenteront d’obtenir de sa part une forme de protection, par la “création de normes”, ces tentatives pouvant rencontrer un éventuel désir d’interventionnisme de l’institution. Cette forme de “capture réglementaire” prend alors la forme d’une “surréglementation”. 25. Le secteur des télécommunications fournit un exemple intéressant de mécanismes permettant de limiter ce type de risques en encadrant strictement le pouvoir du régulateur sectoriel en matière de création de la norme. En effet, le souci du contrôle des phénomènes de “sur-réglementation” peut être considéré comme étant au coeur des évolutions du nouveau cadre juridique, issu de la transposition en France, en 2005, des directive communautaires adoptées en 2002 (2.1). Pour autant, l’efficacité de cet encadrement communautaire suppose, en retour, qu’il ne soit pas contourné par les interventions d’autres autorités (2.). 10 M.-A. Frison-Roche, Régulateurs Indépendants versus LOLF, RLC, n° 7, avril-juin 2006, p. 69. 11 Sénat Document n° 3166, Rapport sur les autorités administratives indépendantes, par M. Patrice Gélard en date du 15 juin 2006, p. 90. 2.1 Les précautions mises en œuvres par le nouveau cadre réglementaire dans le secteur des télécommunications 26. Le nouveau cadre réglementaire est en effet bâti sur plusieurs règles que l’on peut interpréter comme ayant pour objectif explicite de lutter contre certains phénomènes de “capture réglementaire” de la part de concurrents qui cherchent à obtenir une “sur-réglementation”. Il s’agit : - d’une part, de la soumission du droit sectoriel des télécommunications au droit de la concurrence, ce qui suppose de placer l’intérêt d’une concurrence effective au bénéfice du consommateur au centre des préoccupations, en priorité sur d’éventuelles préoccupations “industrialisantes” qui ont pu, par le passé, rendre plus opaque la régulation du secteur ; - d’autre part, la soumission de toute intervention des autorités de régulation à la vérification préalable, par la Commission européenne, de leur utilité par rapport au marché (notamment du fait de l’existence d’une position dominante “structurelle”), chaque remède envisagé devant faire alors l’objet d’une consultation publique transparente et d’une revue par la Commission ; - enfin, l’organisation d’une transparence “multilatérale” qui oblige les autorités de régulation non seulement à se notifier simultanément les mesures qu’elles envisagent de prendre mais également à consulter les opérateurs du secteur dont elles ont la charge avant de prendre une mesure ayant des incidences importantes sur son fonctionnement. 27. La conjonction de ces règles paraît de nature à pouvoir permettre de lutter contre le risque de “sur réglementation” à la suite notamment de tentatives de “capture” de l’autorité sectorielle par des concurrents peu efficaces ou dépassés qui chercheraient dans le droit sectoriel une protection. 28. L’efficacité de cet équilibre suppose cependant que l’Autorité de régulation respecte scrupuleusement l’ordonnancement procédural qui a été mis en place et qu’elle ne tente pas de s’en abstraire pour retrouver elle-même une marge de manœuvre discrétionnaire. Or, la complexité du système et l’enchevêtrement des procédures de mise en œuvre, comme les habitudes prises, représentent sans doute un risque particulier à cet égard. 29. Ainsi, en France, dans l’ancien cadre réglementaire, la rigidité de ce cadre et la répartition contestable des compétences de régulation entre le Ministre des télécommunications et l’Autorité de régulation des télécommunications, avaient conduit cette dernière à utiliser de manière très extensive ses pouvoirs juridictionnels pour trancher les litiges entre opérateurs12, au point de parvenir à 12 L’article L. 36-8-I du Code des postes et des communications électroniques habilite l’ARCEP à trancher les différents entre opérateurs en matière d’interconnexion, le cas échéant, en imposant des “conditions équitables”. Concurrences N°3 - 2006 l Doctrines l O. Fréget, Pratiques d’influence et concurrence... 43 créer dans ce contexte des normes de nature “quasiréglementaire” 13 , même si elles n’en avaient pas les caractéristiques juridiques. 30. De fait, si l’on veut respecter l’esprit et la lettre du nouveau cadre réglementaire, ce type d’outils doit redevenir un moyen de résolution des litiges d’ordre contractuel relatifs aux conventions d’accès et d’interconnexion, permettant de trancher un point non envisagé par une règle ou d’imposer une prestation contractuelle nécessaire mais non prévue par les parties et refusée par l’une d’entre elle. Il ne peut permettre de pallier à un manque ou à une insuffisance de définition de la norme réglementaire elle-même. Lorsqu’il s’agit de “créer de la norme” ou de compléter des dispositions de nature réglementaire, il appartient en effet à l’ARCEP d’utiliser ses pouvoirs réglementaires et de soumettre systématiquement ses projets de décisions au public et à ses collègues européens et bruxellois. 31. Certes, cela suppose une réflexion sur l’organisation de l’institution et la manière dont elle exerce ces différents rôles, alors que ceux-ci ne sont pas formellement séparés en son sein. Pour autant, cette réflexion ne sera pas suffisante, si certains acteurs cherchent à imposer par d’autres voies ce qu’ils savent ne pouvoir obtenir dans ce nouveau cadre réglementaire. 2.2 Le chevauchement possible de compétence entre autorité sectorielle et autorité en charge du contrôle des concentrations dans le secteur des télécommunications 32. De fait, dans le secteur des télécommunications, l’autorité sectorielle n’est pas la seule à pouvoir imposer aux acteurs des obligations comportementales a priori, sans constatation d’infraction. L’autorité de contrôle des concentrations peut elle aussi, comme on va le voir, dans des conditions finalement très proches, imposer à des acteurs lui soumettant un projet de concentration d’accepter des obligations comportementales qui ont, dans leur forme, leur contenu et leur finalité, une grande similarité avec celles que peut imposer l’Autorité de régulation des télécommunications. 33. S’agissant de la similarité entre les deux régimes, celle-ci apparaît d’évidence en comparant, d’une part, le régime des obligations ex ante en droit des télécommunications et, d’autre part, les remèdes que les parties peuvent être contraintes de proposer lors d’une opération de concentration. 13 À titre d’exemple de l’utilisation par le régulateur, dans l’ancien cadre, de ses pouvoirs en matière de règlement de différents afin de créer une règle sectorielle (la tarification des terminaisons d’appel vers réseaux fixes par “symétrie tarifaire retardée”), voir les décisions de l’ART n° 03-701, n° 03702 et n° 03-703 du 6 juin 2003, confirmées par la Cour d’appel de Paris par trois arrêts en date du 20 janvier 2004. Dans ces espèces, les requérants avaient accepté que l’Autorité leur fournisse une méthode, sachant que le cadre règlementaire ne fournissait alors que de trop vagues indications et aucun mécanisme pour les compléter. Lors du recours, le principe même d’une définition d’une méthode ne fut pas discuté mais seulement le contenu de celle-ci, sur certains points. 34. Dans le cadre du contrôle des concentrations, les obligations que peut imposer le Ministre de l’économie partagent plusieurs caractéristiques fondamentales avec les remèdes ex ante en matière sectorielle, comme le fait d’être fondées : - sur un constat de dominance (notamment), - non transitoire, - sur la base d’une analyse prospective à trois ans. 35. Leur finalité est également très similaire : - en droit des concentrations, l’Autorité de concurrence rend sa décision et donc apprécie les remèdes proposés par les parties 14 “en fonction de la nécessité de préserver et de développer une concurrence effective dans le marché commun”15, ce qui renvoie nécessairement à une appréciation des barrières à l’entrée existantes et de la possibilité pour la concurrence de se rétablir seule, sans prendre en compte l’éventualité d’abus de position dominante (qui relèvent de l’application de l’article 82 CE) ; - en droit sectoriel, l’objet d’une obligation ex ante est d’apporter un remède à (i) une situation de marché caractérisée par des barrières structurelles, légales ou réglementaires, (ii) dont la structure ne présage pas d’évolution vers une situation de concurrence effective (à l’horizon de trois ans, période séparant les “révisions ou revues” des décisions), (iii) les défaillances identifiées ne pouvant être corrigées par l’application du droit de la concurrence. 36. Les deux “systèmes” partagent de très grandes similitudes, au point même que l’on peut se demander si, d’une certaine manière, ils ne sont pas exclusifs l’un de l’autre. Se pose alors nécessairement la question de savoir si le régime mis en place en matière sectorielle ne doit pas conduire à exclure l’imposition d’engagements à des opérateurs de télécommunications dont la fusion aurait des conséquences sur des types de marché qui sont compris dans le champ de la réglementation sectorielle. À défaut, les précautions prises dans le cadre du régime sectoriel pour éviter que des concurrents peu efficaces essaient d’obtenir une protection pourraient alors être contournées. 37. Ce n’est pas cependant ce que le Ministre de l’économie a pu considérer dans une décision Neuf Télécom/Cegetel en date du 12 août 200516, aux termes de laquelle il a imposé aux parties notifiantes des remèdes en matière de mise à 14 Sur les conditions que doit remplir un remède pour être accepté, voir la Communication de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil et au règlement (CE) n° 447/98 de la Commission, JOCE n° C. 68 du 2 mars 2001, p. 3. 15 Considérant 23 du Règlement n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, JOUE n° L. 24 du 29 janvier 2004, p. 1. 16 Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 12 août 2005 aux conseils de la société Neuf Télécom, relative à une concentration dans le secteur des communications électroniques (aff. C2005-44), BOCCRF n° 1 du 27 février 2006. Concurrences N°3 - 2006 l Doctrines l O. Fréget, Pratiques d’influence et concurrence... 44 disposition de ressources de télécommunications, lesquelles auraient pu tout autant relever de la compétence de l’Autorité de télécommunications. 38. D’une certaine manière, la question de savoir si les engagements, expressément demandés par certains concurrents de Neuf et Cegetel, étaient appropriés ou non, est peu pertinente dans la réflexion. Il est cependant intéressant de voir ainsi adoptées des mesures correspondant en tous points à des remèdes ex ante relevant du droit sectoriel, dans le cadre d’un processus peu transparent alors même que l’opérateur historique ne s’est vue imposé une obligation similaire que plusieurs mois après. En outre, tout risque d’augmentation de prix des ressources considérées (qui étaient déjà fournies) était écarté par le seul fait de l’existence de la réglementation sectorielle qui aurait pu intervenir (y compris en urgence). 39. De toute évidence dans cette affaire, le rôle des concurrents dans l’adoption de la norme a été déterminant et a impacté directement les conditions de concurrence sur le marché concerné, sans respecter le formalisme posé par le nouveau cadre. Or, comme on va le voir, la revue ou la contestation de telles “pratiques d’influence” ne relèvent pas du champ de compétence de l’autorité de concurrence, laissant ainsi ceux qui en sont la cible sans recours effectif. II. Le rôle du droit de la concurrence dans l’encadrement des pratiques d’influence 40. C’est, comme souvent en droit de la concurrence, la jurisprudence américaine qui a eu la première l’occasion de définir des limites acceptables, en droit de la concurrence, aux pratiques d’influence ; celle-ci a été reprise, dans une certaine mesure, dans la pratique décisionnelle française (1). Pour autant, la pratique décisionnelle française et européenne s’écarte très nettement de la position de la Cour Suprême des États-Unis lorsqu’il s’agit de laisser possible un contrôle indirect des rapports entre autorité sectorielle et entreprises régulées à l’occasion de l’examen parallèle des mêmes faits par l’autorité de concurrence (2). 1. L’admissibilité de principe, en droit de la concurrence, des pratiques d’influence, sous réserve qu’elles ne se traduisent pas par une action sur le marché 1.1 Les enseignements de la jurisprudence américaine 41. La pratique de lobbying a été à l’origine de la jurisprudence de la Cour suprême des États-Unis, dite doctrine “Noerr 17 Pennington18”, qui pose les conditions qu’une pratique d’influence doit respecter pour ne pas être qualifiée d’anti-concurrentielle. 42. En substance, il résulte de l’arrêt Noerr que “ne constitue pas une violation du droit de la concurrence19 le simple fait de tenter d’influencer l’adoption ou l’application de lois” et de l’arrêt Pennington que “des efforts collectif visant à influencer des autorités publiques ne constituent pas une violation du droit de la concurrence, même lorsqu’elles ont objet d’éliminer la concurrence”. En d’autres termes, la doctrine Noerr Pennington protège (il s’agit là d’une immunité contre toute condamnation sur le fondement du droit de la concurrence) ceux qui tentent d’utiliser les pouvoirs publics, y compris le pouvoir judiciaire, afin de servir ouvertement leurs intérêts privés20. 43. La Cour Suprême a toutefois prévu une exception à ce principe en cas de “sham proceedings” (ou “procédures vexatoires”)21. Ainsi, aucune immunité n’est accordée lorsqu’ “une action ostensiblement intentée dans le but d’influencer une action gouvernementale se révèle être une façade dissimulant ce qui n’est rien d’autre qu’une tentative d’interférence directe avec les relations commerciales d’un concurrent”. Cette exception s’applique aux procédures vexatoires ou abusives intentées dans le seul but de nuire à un concurrent, notamment en lui imposant des coûts judicaires. 44. Une action sera considérée “vexatoire” lorsque deux conditions sont remplies22 : d’une part, l’action judiciaire doit être objectivement infondée, c’est-à-dire qu’aucun plaignant raisonnable ne pourrait s’attendre, de façon réaliste, à gagner son action au fond ; d’autre part, il doit être établi que le plaignant entendait utiliser le processus judiciaire en tant que tel (et non le résultat du procès) comme outil anticoncurrentiel23. 45. On retrouve la même approche dans l’arrêt du Tribunal de Première Instance des Communautés européennes (TPICE) dans l’affaire ITT Promedia24 selon lequel “le fait qu’une entreprise 17 U.S. Supreme Court, February 20, 1961, Eastern Railroad Conference v. Noerr Motors, 365 US 127. Des transporteurs ferroviaires s’étaient regroupés au sein d’une association qui avait pour objet de tenter d’obtenir l’adoption d’une loi qui aurait accordé aux membres de cette association un avantage concurrentiel par rapport aux transporteurs routiers. 18 U.S. Supreme Court, June 7, 1965, Mine Workers v. Pennington, 381 US 657. 19 En l’espèce, plus particulièrement, de la prohibition des ententes. 20 En l’espèce, tenter d’obtenir l’adoption ou le respect d’une loi qui accorde à un groupe d’entreprises un avantage concurrentiel au détriment d’autres opérateurs sur le même marché. 21 Dans l’arrêt Noerr précité, confirmé ultérieurement dans l’arrêt California Motor Transport v. Trucking Unlimited, 404 US 508 (1972). 22 U.S. Supreme Court, Real Estate Investors v. Columbia Pictures Industries Inc., 508 US 49, 113 S. Ct. 1920 (1993). 23 Certains pourraient d’ailleurs voir dans ce type de procédure une pratique de type “raising rival costs”, effectivement susceptible d’être qualifiée d’abus de position dominante. 24 TPICE, 17 juillet 1998, ITT Promedia NV c/ Commission, aff. T-111/96, Rec. p. II-2937 Concurrences N°3 - 2006 l Doctrines l O. Fréget, Pratiques d’influence et concurrence... 45 occupant une position dominante sur un marché déterminé intente une action en justice à l’encontre d’une entreprise concurrente sur ce marché peut constituer un abus au sens de l’article 86 du traité” lorsque (i) elle ne peut pas “raisonnablement être considérée comme visant à faire valoir les droits de l’entreprise concernée” et (ii) elle est “conçue dans le cadre d’un plan ayant pur but d’éliminer la concurrence”. 1.2 La “réception” en droit français de la concurrence 46. Il est sans doute possible de considérer que le Conseil de la concurrence a adopté une solution équivalente à celle de l’arrêt Noerr dans sa décision RMC Info/GIE Sport Libre en date du 30 avril 200225 (même s’il ne s’agit que d’une décision de mesures conservatoires). 47. Dans cette affaire, la radio RMC Info avait obtenu les droits exclusifs radiophoniques de retransmission de la coupe du Monde de Football de 2002 au détriment des grandes radios nationales, Europe 1, RTL et Radio France. Ces dernières refusaient le principe d’avoir à payer pour pouvoir commenter sur leurs stations de radio des matchs de Football. Ils avaient convaincu au soutien de leur position le Ministre des Sports et les syndicats de journalistes et plus généralement l’ensemble des medias. 48. L’affaire aurait pu en rester là. Pour autant, afin de donner de l’efficacité à leur position de principe, les trois grandes radios décidèrent de se coaliser en mettant en place un Groupement d’intérêt économique lequel comportait, dans ses “statuts”, l’acceptation d’une interdiction d’acquérir ou d’accepter une sous-licence de droits sportifs qui ne puisse être offerte simultanément à tous les autres membres. Saisi d’une demande de mesure conservatoire par RMC Info, le Conseil a ordonné au GIE Sport libre de suspendre l’application des dispositions litigieuses en retenant que : “Considérant qu’il est légitime pour les radios opposées au principe même de ces droits ou soucieuses de discuter leur conséquences ou, encore, inquiètes du niveau de leur prix, d’exprimer publiquement leurs préoccupations ; qu’il est également légitime, et licite, pour leurs organisations professionnelles de manifester ces préoccupations et de chercher à influencer la politique des pouvoirs publics ; Considérant, cependant que, conformément à une jurisprudence constante, il n’appartient pas aux entreprises de se faire justice elles-mêmes ; qu’il ne leur est pas permis, par conséquent, au motif qu’elles estiment que tel ou tel de leur concurrent méconnaît, dans un autre domaine juridique, une règle de droit, de se livrer à une pratique interdite par le droit de la concurrence ; qu’il suit de là que l’invocation des 25 Cons. conc., déc. n° 02-MC-06 du 30 avril 2002 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société RMC Info, BOCCRF n° 11 du 22 juin 2002, p. 449. (Nota L’auteur de cet article est intervenu dans cette affaire) préoccupations précédemment exposées ne saurait suffire, à elle seule, à faire obstacle à ce que la saisine soit regardée comme dépourvue d’éléments probants”. 49. Le Conseil s’est ainsi gardé de se prononcer sur la légitimité de la position des acteurs considérés mais a retenu que leur position commune devait demeurer dans le domaine du débat d’idée et ne pas “déborder sur le marché”, en prenant la forme d’une action collective pouvant s’apparenter à une forme de boycott. Il est clair que dans certains débats publics, la tentation est évidemment grande d’accompagner la prise de position publique par une action plus coercitive, les auteurs de tels comportements y voyant même la marque de leur cohérence, la nécessité d’allier l’action à la parole. De telles hypothèses de débordement de l’action collective vers une action sur le marché ne sont pas si exceptionnelles et la presse en fournit des exemples. Ainsi, dans le secteur de la pharmacie, à l’automne dernier, le gouvernement avait annoncé une extension du “Tarif Forfaitaire de Responsabilité” à tous les groupes génériques présents sur le marché depuis plus de deux ans, mettant ainsi fin à un régime de droit commun discriminant car favorisant la pénétration des médicaments génériques au détriment des fabricants de “princeps”, même lorsque ceux-ci ne disposent plus d’aucun pouvoir de marché significatif. Le Comité économique des produits de santé semble cependant avoir modifié son projet à la suite d’une menace puis d’un boycott engagé par plusieurs syndicats de pharmaciens. Ceux-ci entendaient en effet obtenir le maintien du régime discriminatoire actuellement en vigueur, qui leur assure une meilleure rémunération de leurs prestations en cas de revente de génériques que de princeps (laquelle disparaît lorsque le produit princeps et ses copies relèvent d’un même Tarif Forfaitaire de Responsabilité). 50. Si dans ce cas, la pratique d’influence avait été exercée de manière relativement publique, d’autres pratiques peuvent en revanche apparaître dans des contextes moins “transparents”, comme dans le cadre de marchés publics26 ou à l’occasion de discussions confidentielles avec l’autorité publique, et prendre des formes diverses. Ainsi, récemment encore, le Conseil de la concurrence, en condamnant des pratiques abusives sur le marché de l’eau potable en Île-de-France, a notamment relevé les pratiques suivantes mises en œuvre par un syndicat professionnel (le Sedif : Syndicat des eaux de l’Île-deFrance) : “l’instruction a révélé, en effet, que le Sedif est intervenu pour peser sur l’issue de la négociation du contrat de Semmaris avec sa concurrente Sagep par des lettres visant à dissuader tant le président de la Sagep de poursuivre ces 26 À cet égard, selon Monsieur le Professeur CAILLAUD : “une capture réglementaire dans le cadre de marchés publics est susceptible d’entraîner trois conséquences : le risque d’inefficacité, que ce soit dans le choix du gagnant, dans la répartition des lots et/ou encore dans les caractéristiques retenues ; l’augmentation des dépenses publiques ; la mise en œuvre d’un dysfonctionnement de la régulation sectorielle qui devra ensuite s’appliquer « dans le marché »” (B. Caillaud, Entente et capture dans la commande publique : un point de vue d’économiste, in Commande publique et droit de la concurrence, atelier de la DGCCRF du 5 juin 2002). Concurrences N°3 - 2006 l Doctrines l O. Fréget, Pratiques d’influence et concurrence... 46 négociations que le maire de Paris de soumettre au Conseil de Paris, décideur en dernière instance, le projet de convention de fourniture entre la filiale de la ville de Paris et la Semmaris. […]. En outre, […] le Sedif, parallèlement à son intervention auprès de « l’actionnaire principal » étudiait des mesures de rétorsion […]. Le Sedif, par ces pratiques, a abusé du pouvoir de marché qu’il tire de sa position de monopoleur de fait dans la production et la distribution d’eau sur le territoire de ses communes adhérentes en exerçant des pressions sur les autorités de tutelle de son concurrent, ce qui constitue une immixtion dans la liberté contractuelle de ce concurrent fournisseur d’eau. Cette immixtion avait pour objet d’empêcher la finalisation d’une convention tarifaire entre la Sagep, son concurrent, et son prospect Semmaris”. Le Conseil conclue ainsi que “la protection que le délégant d’un service public accorde à son délégataire ne doit pas aller au-delà de ce qui est strictement nécessaire au bon fonctionnement dudit service. En tout état de cause, ces mesures de protection ne doivent pas enfreindre l’ordre public économique procédant des règles de concurrence visées au code du commerce”27. Le Conseil a donc ainsi condamné, sur le fondement du droit de la concurrence, le fait d’exercer des pressions sur les autorités publiques aux fins d’obtenir un avantage concurrentiel. 51. Dans les deux cas susvisés, les pratiques condamnées s’étaient déroulées dans un contexte de négociation entre entreprises et administration, et le Conseil de la concurrence était en position d’extériorité pour les juger. La question est nécessairement plus délicate lorsque les pratiques se déroulent dans le cadre même de procédures réglementaires, sans fraude avérée, comme c’est le cas pour l’une des pratiques reprochées à Astra Zeneca par la Commission dans sa décision du 15 juin 200528. C’est peut-être pourtant dans ce type de situations que se nichent aujourd’hui les risques les plus importants de “capture réglementaire”. En effet, lorsque la pratique d’influence prend la forme d’une négociation avec l’autorité, “l’échange” que cette négociation prétend entériner rend la pratique moins détectable : l’autorité ayant reçu (ou du moins cru recevoir) lors de l’échange une contrepartie, elle sera nécessairement réticente à admettre, le cas échéant, que cette contrepartie a pu comporter une atteinte aux intérêts du consommateur. L’existence même de cette négociation rend en outre difficile tout contrôle juridictionnel, sauf pour le juge à refuser purement et simplement l’idée même d’une négociation entre régulé et régulateur, ce qui ne semble pas dans l’air du temps. 52. À l’inverse, il est vrai que refuser à une autorité réglementaire toute latitude de négociation la conduirait nécessairement à s’engager dans une stratégie de confrontation systématique qui risquerait de retarder plus encore l’établissement ou le rétablissement d’une situation de concurrence effective. Toute autorité de régulation se trouve ainsi prise entre deux risques contradictoires : 27 Cons. conc., déc. n° 05-D-58 du 3 novembre 2005 relative à des pratiques relevées dans le secteur de l’eau potable en Île-de-France, pts 124 à 126, BOCCRF n° 4 du 14 mars 2006. 28 Comm. CE, 15 juin 2005, Astra Zeneca, aff. COMP/A.35.507/F3, publiée sur le site Internet de la DG Concurrence de la Commission européenne. - Soit utiliser ses pouvoirs de sanction mais prendre le risque de tout bloquer ; - Soit négocier avec le destinataire de l’obligation, mais alors renoncer au moins temporairement à exercer son pouvoir de sanction. 53. Le secteur des télécommunications a là encore fourni, ces dernières années, une série d’exemples de ce type de “dilemme”. 2. L’exemple de l’interaction entre le Conseil de la Concurrence et l’ARCEP dans la libéralisation du secteur des télécommunications 54. Depuis le 1 er janvier 1998, date théorique de fin du monopole de France Telecom, l’Autorité de régulation des télécommunications (devenue en 2005 l’ARCEP) a dû engager avec cette dernière un ensemble important de travaux pour parvenir à l’élaboration d’offres d’interconnexion ou d’accès de nature à permettre aux opérateurs alternatifs de proposer des services concurrents. De fait, ces travaux ont nécessairement pris la forme d’une sorte de négociation continuelle où, par hypothèse, l’opérateur historique disposait de plus d’informations que son régulateur. Ainsi, dans le secteur des télécommunications, l’ARCEP n’a quasiment jamais fait usage de son pouvoir de sanction, de 1997 à nos jours ; en matière de libéralisation de la boucle locale (qui a donné lieu sans doute aux débats les plus intenses), l’ARCEP n’en a fait aucun usage. 55. Ce type de situation est topique d’un cas d’ouverture à la concurrence, où l’autorité sectorielle n’a sans doute pas d’autres possibilité réelle, au moins à titre initial, que de négocier avec l’entreprise régulée. Pour autant, il est bien évident que cette “négociation réglementaire” peut avoir pour effet de permettre à l’entreprise qui s’y livre de développer une stratégie de résistance dite en “4 D” 29 au détriment du consommateur. Se développe nécessairement une situation de “capture du régulateur” dont il lui est difficile de sortir dès lors que le processus de négociation est continu. L’usage par le régulateur de son pouvoir de sanction peut en effet lui apparaître très dangereux, car susceptible d’entraîner la mise en œuvre de mesures de rétorsion par l’entreprise régulée sur d’autres sujets. 56. Dans ces conditions, seule l’autorité de concurrence peut jouer un rôle “modérateur” car elle n’est pas partie à ces “négociations réglementaires”. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé de manière assez saisissante dans le cas du dégroupage de la boucle locale. Comme évoqué ci-dessus, en dépit du 29 Quatre “D” pour “Deny” (refuser le principe même de l’accès), “Difficult” (accepter le principe de l’accès mais tenter de convaincre que cela est trop difficile en pratique), “Differ” (après y avoir été contraint, gagner du temps en retardant la disponibilité) et “Deter” (décourager en multipliant les chausses trappes). Concurrences N°3 - 2006 l Doctrines l O. Fréget, Pratiques d’influence et concurrence... 47 nombre considérable de ses interventions et de ses remontrances à l’encontre de l’attitude de France Telecom30 en matière de dégroupage, l’ARCEP n’a fait aucun usage de son pouvoir de sanction. 57. Parallèlement, toutefois, le Conseil de la concurrence, sur le seul sujet (connexe au dégroupage) de la mise à disposition d’une offre de gros d’accès à la boucle locale (dénommée “Option 3” 31) a pour sa part sanctionné assez lourdement l’opérateur historique en lui infligeant une amende cumulée de 120 millions d’euros32. 58. Il nous semble qu’au-delà des éléments propres du dossier ADSL Connect ATM, lesquels ont pu conduire le Conseil à prononcer à la fois une amende pour non-respect de l’injonction qu’il avait prononcée en 2000 et qui avait été confirmée par la Cour d’appel, puis une seconde pour refus d’accès à une infrastructure essentielle, le sens de l’intervention parallèle du Conseil est de clairement indiquer que lorsque les entreprises soumises à une régulation sectorielle négocient avec l’autorité du secteur, l’existence, voire les conditions négociées, restent intégralement soumises à une analyse en droit de la concurrence. Cela signifie que le Conseil de la concurrence entend conserver un rôle de contrepoids qui doit permettre à l’entreprise de ne pas abuser de la situation d’asymétrie d’information dont elle bénéficie vis-à-vis de son régulateur. 59. Ce rôle de contrepoids que peut jouer une autorité de concurrence face à une autorité de réglementation avait d’ailleurs été décrit par Monsieur Frédéric Jenny, en 1998, lorsqu’il était Vice-président du Conseil de la concurrence. Dans le cadre d’une intervention devant un groupe de travail du Sénat 33, celui-ci évoquait la persistance de risques de “capture réglementaire”, même en présence d’une autorité administrative indépendante, en expliquant que : “Certaines expériences étrangères démontrent la difficulté qu’éprouve le régulateur à appliquer le droit de la concurrence dans le domaine dont il a la charge. Il lui est en effet difficile d’éviter le phénomène de « capture réglementaire » qui conduit à une interprétation laxiste de la réglementation”. 60. Cette conception d’une interaction nécessaire entre l’autorité de concurrence et l’autorité sectorielle n’est cependant pas unanime. Elle est précisément rejetée par la Cour Suprême américaine qui exclut l’application simultanée du droit de la concurrence et d’une régulation sectorielle fondée sur le droit de la concurrence aux mêmes faits. La Cour Suprême américaine a en effet pris, dans l’affaire Trinko34, une position radicalement opposée, en considérant que la seule existence d’une réglementation sectorielle fondée sur le droit de la concurrence rend inapplicable les dispositions de celuici. Il existe, du fait de cet arrêt, un très grand écart entre les conceptions américaines actuelles et la position européenne sur les rôles complémentaires que peuvent développer une autorité de régulation et une autorité de concurrence. En effet, cette position a été implicitement rejetée par la Commission européenne dans sa décision Deutsche Telekom35. 61. En d’autres termes, on peut considérer que le droit communautaire refuse de laisser l’autorité de régulation en tête à tête avec les entreprises, et qu’il revendique la possibilité pour le droit de la concurrence de toujours constituer une sorte de “ressort de rappel”, afin d’éviter que la dépendance susceptible de se développer entre l’autorité sectorielle et les opérateurs régulés ne se fasse pas au détriment du consommateur et du marché. C’est là une forme particulièrement intéressante de contrôle des risques de “capture réglementaire” par la séparation des fonctions de régulation et de sanction entre deux autorités également indépendantes, l’une assumant la charge de la répression, l’autre celle de la négociation. Pour autant, ce type d’approche est adapté à un contexte d’introduction de la concurrence dans lequel l’opérateur régulé vise à ralentir la mise en œuvre d’une législation de libéralisation. Il est sans pertinence dans le cas où la capture réglementaire vise à non à ralentir une “ouverture à la concurrence” mais à construire des protections réglementaires. Or, comme on l’a vu, le droit de la concurrence se refuse de considérer que la tentative par un acteur d’influencer le régulateur pour qu’il le protège puisse en soi relever de son champ de compétence. La solution réside alors dans la mise en place de dispositifs structurels du type de ceux évoqués ci-dessus dans le secteur des télécommunications, lesquels vont rendre plus difficile l’adoption de “sur réglementation”. 30 Alors même que l’article L. 36-11 du Code des postes et communications électroniques prévoit la possibilité pour l’Autorité d’imposer des amendes pouvant aller jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires concerné en cas de violation de ses dispositions. 31 “L’option 3” était une offre d’interconnexion qui aurait dû permettre aux opérateurs de réseau concurrents de l’opérateur historique de connecter leurs infrastructures nationales à celle de France Télécom au niveau régional, et d’accéder ainsi indirectement à la boucle locale de celle-ci, tout en maîtrisant les paramètres essentiels de l’offre d’un point de vue technique, et ce dans l’attente du déploiement de leurs équipements au niveau local. 32 Cons. conc., déc. n° 05-D-59 du 7 novembre 2005 relative à des pratiques mises en œuvre par la société France Télécom dans le secteur de l’Internet haut débit (affaire ADSL Connect ATM), BOCCRF n° 4 du 14 mars 2006. Le rédacteur de cet article représentait la partie saisissante dans cette affaire. 33 Sénat, Session Ordinaire de 1998-1999, Annexe au procès verbal de la séance du 27 octobre 1998, Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires culturelles sur la communication audiovisuelle, par M. Jean-Paul Hugot, document n° 38. 34 U.S. Supreme Court, January 13, 2004, Verizon Communications Inc. v. Law Offices of Curtis V. Trinko, LLP, 540 US 398 (2004), n° 02-682. 35 Comm. CE, 21 mai 2003, Deutsche Telekom AG, aff. COMP/C-1/37.451, 37.578 et 37.579, JOCE n° L. 263 du 14 octobre 2003, p. 9. Concurrences N°3 - 2006 l Doctrines l O. Fréget, Pratiques d’influence et concurrence... 48 Conclusion 62. Les risques de “capture réglementaire” des autorités, et même de celles qui semblent nécessairement disposer des moyens pour y échapper, est une question d’actualité qui concerne l’intégralité de la régulation des marchés. Contenir ce phénomène suppose une vertu particulière de la part des autorités réglementaires, notamment dans des situations fortement médiatisées où elles peuvent être instrumentalisées par certains acteurs. La vertu cependant ne suffit pas. 63. Certes l’organisation et le maintien d’un système multilatéral de “checks & balances”, à la fois entre les institutions et au sein de chaque institution, peuvent permettre de limiter les risques. Comme l’exposent Patricia Charlety et Saïd Souam36, se fondant sur l’étude de Laffont et Mortimort de 199937 : “si le régulateur est bienveillant et cherche uniquement à maximiser le bien-être social, il convient évidemment de regrouper les deux types de contrôle38 sous la même autorité ; cette solution est à la fois moins coûteuse (pas de duplication de coûts fixes) et plus productive dans la mesure où l’autorité unique possède une meilleure information que chacune des deux agences séparées, qu’elle utilise à bon escient. considérations de droit civil, dont la connaissance n’est parfois plus assez répandue dans ces organes, lesquels parce qu’ils sont régulés par le droit public, font naturellement appel à des publicistes. 65. Ce morcellement a également pour effet de rendre illisible et imprévisible l’ensemble du “système normatif”, ce qui perturbe également le fonctionnement du marché. 66. Est-ce dire alors qu’il faut regrouper les autorités ? Pas davantage, mais sans doute repenser leur articulation, leur organisation et faire respecter les manquements aux règles qui en découlent en assumant et en gérant les cas de conflits. Trop souvent perçues comme un moyen d’échapper à une éventuelle sanction (comme en procédure pénale), les règles de procédures sont regardées avec suspicion dans le cadre des contentieux réglementaires alors qu’elles participent de l’équilibre institutionnel. 67. Une telle démarche ne peut évidemment être menée par des juristes seuls. Elle doit être l’occasion d’une réflexion commune avec les économistes intéressés par ces questions et les régulateurs. Un appel aux travaux et réflexions d’ “économie du droit”38 au service du “droit économique”, en I quelque sorte. En revanche, dans le cas où les régulateurs ne sont pas bienveillants, Laffont et Martimort (1999) montrent que la séparation des régulateurs devient souhaitable. En effet, chacun possède alors une information parcellaire sur l’entreprise contrôlée, ce qui limite de facto son pouvoir discrétionnaire, et donc la possibilité de capture de l’agence par l’entreprise contrôlée. […] Martimort (1999) renforce cet argument en faveur de la séparation des régulateurs en ajoutant une dimension temporelle. Dans un cadre d’analyse dynamique où l’engagement des autorités n’est pas crédible, la séparation limite les possibilités de renégociation des accords de long terme avec les entreprises régulées”. 64. L’expérience du juriste peut cependant conduire à tempérer cette analyse. À mesure que se multiplient les textes et les autorités pour les mettre en œuvre, la complexité qui en résulte créée précisément des opportunités renouvelées de “négociations réglementaires”. En outre, le morcellement du droit en des collections de textes “régulatoires”, réparties en de multiples sous - branches “techniciennes”, rend aisée la construction d’oppositions factices entre des normes qui n’ont pas été conçues pour “travailler ensemble” et empruntent leurs inspirations à des sources différentes. Dans les interstices entre ces sous - branches peuvent alors se développer des pratiques de “capture réglementaire” extrêmement efficaces car elles se dissimulent derrière de prétendues “difficultés juridiques” providentielles venant d’un autre droit ou même de prétendues 36 P. Charlety-Lepers et S. Souam, Analyse économique des fusions horizontales, publié sur le site Internet du CREST, www.crest.fr et Revue Française d’Économie, Vol. 17, n°2, octobre 2002, p. 37, 37 Pour l’article de Laffont et Martimort, voir supra. 38 Au sens de l’école anglo-saxonne “law & economics”. Concurrences N°3 - 2006 l Doctrines l O. Fréget, Pratiques d’influence et concurrence... 49 Direction Comité scientifique Laurence IDOT Professeur à l’Université Paris I – Panthéon-Sorbonne Jean-Bernard BLAISE Professeur émérite de l’Université Paris II Guy CANIVET Premier Président de la Cour de cassation Damaso Ruiz Jarabo COLOMER Avocat général à la Cour de justice des Communautés européennes Marco DARMON Ancien Avocat général à la Cour de justice des Communautés européennes Damien GÉRADIN Directeur du Global Competition Law Center Collège d’Europe, Bruges David GERBER Professeur au Kent College of Law, Chicago Marie-Dominique HAGELSTEEN Conseiller d’Etat, ancienne Présidente du Conseil de la concurrence Bruno LASSERRE Président du Conseil de la concurrence Hubert LEGAL Juge au Tribunal de première instance des Communautés européennes Koen LENAERTS Juge à la Cour de justice des Communautés européennes Aristide LÉVI Directeur du Centre de Recherches sur le Droit des Affaires - CCIP Claude LUCAS DE LEYSSAC Professeur à l’Université Paris I Emil PAULIS Directeur de l’unité Politique de concurrence et coordination, DG Concurrence Commission européenne Sylvaine POILLOT-PERUZZETTO Professeur à l’Université de Toulouse I Louis VOGEL Professeur à l’Université Paris II Richard WHISH Professeur à King’s College London University Comité international Frédéric JENNY Président du Comité de concurrence de l’OCDE Conseiller à la Cour de cassation en service extraordinaire Christopher BELLAMY Président du Competition Appeal Tribunal, Londres Bill KOVACIC Professeur à George Mason University Washington Christian BOVET Professeur à l’Université de Genève Santiago MARTINEZ LAGE Avocat, Madrid Josef DREXL Professeur à l’Institut Max Planck, Munich Abel MATEUS Président de l’Autorité portugaise de concurrence Claus-Dieter EHLERMANN Ancien Directeur général DG Concurrence Philippe GUGLER Professeur à l’Université de Fribourg Karel VAN MIERT Président de l’Université de Nyenrode Ancien Commissaire en charge de la politique de concurrence Barry HAWK Professeur à Fordham University, New-York Thomas SHARPE Avocat - QC, Londres Comité de rédaction Nicolas CHARBIT Directeur de la rédaction Pierre KIRCH Avocat à la Cour et au barreau de Bruxelles Alain RONZANO Rédacteur de la lettre d’information “Creda-Concurrence” - CCIP Concurrences N°2 - 2006 l Direction François SOUTY Chargé des affaires internationales et multilatérales, Conseil de la concurrence Professeur associé à l’Université de La Rochelle 3 Ta r i f s 2 0 0 6 Revue Concurrences l Review Concurrences HT TTC Without tax Tax included 392 € 400 € 420 € 430 € J Abonnement annuel - 4 n° (versions papier & électronique sur concurrences.com) 440 € 1 year subscription (4 issues) (print & electronic versions on concurrences.com) 450 € J 1 numéro (version papier) 1 issue (print version) 100 € 102 € J Crédit de 5 articles (version électronique sur concurrences.com) Pack of 5 articles (electronic version on concurrences.com) 110 € 113 € 30 € 31 € 298 € 357 € J Crédit de 5 articles Pack of 5 articles 90 € 108 € J 1 article 1 article 20 € 24 € J Abonnement annuel - 4 n° (version papier) 1 year subscription (4 issues) (print version) J Abonnement annuel - 4 n° (version électronique sur concurrences.com) 1 year subscription (4 issues) (electronic version on concurrences.com) J 1 article (version électronique sur concurrences.com) 1 article (electronic version on concurrences.com) (France only) Bulletin électronique e-Competitions l e-bulletin e-Competitions J Abonnement annuel multi-postes + accès libre aux e-archives 1 year subscription with multi PC access + free access to e-archives Revue Concurrences + bulletin e-Competitions l Review Concurrences + e-bulletin e-Competitions J Abonnement annuel revue + e-bulletin (versions papier & électronique) 1 year subscription to the review + e-bulletin (print & electronic versions) 490 € 586 € Renseignements l Subscriber details Nom-Prénom/Name-First name : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . e-mail : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Institution/Institution : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Rue/Street : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ville/City : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Code postal/Zip Code : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pays/Country : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° TVA intracommunautaire/VAT number (EU) : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Paiement l Payment details Vous pouvez payer directement sur www.concurrences.com (accès immédiat à votre commande) ou bien utiliser ce formulaire : For instant access to your order, pay on-line on www.concurrences.com. Alternatively : J Veuillez m’adresser une facture d’un montant de . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € Please bill me for the sum of . . . . . . . . . . . . . . . € J Veuillez débiter ma carte MasterCard/Visa/American Express d’un montant de . . . . . . . . . . . € Please debit the sum of . . . . . . . . . . . . . . . . . . € from my MasterCard/Visa/American Express Numéro de carte/Card n° : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Date d’expiration/Expiry date : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom-Prénom/Name-First name : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Signature J J’ai transféré au compte bancaire dont références ci-dessous la somme de . . . . . . € à la date du . . . . . . . . . . . I have transferred the sum of . . . . . . € to the bank account below on . . . . . . . . . . . . . . .(date) IBAN (International Bank Account Number) FR76 3000 4007 Bank : BNP - Agence Opéra 9900 0255 BIC (Bank Identifier Code) 3523 060 BNPAFRPPOP l 2, Place de l’Opéra - 75 002 Paris - France Formulaire à retouner à l Send your order to Transactive – A Thomson subsidiary 1 rue Saint-Georges l 75 009 Paris – France Conditions générales (extrait) l l contact: [email protected] Subscription information Les commandes sont fermes. L’envoi de la revue ou des articles de Concurrences et l’accès électronique aux bulletins ou articles de e-Competitions ont lieu dès réception du paiement complet. Consultez les conditions d’utilisation du site sur www.concurrences.com (“Notice légale”). Orders are firm and payments are not refundable. Reception of Concurrences and on-line access to e-Competitions and/or Concurrences require full prepayment. For “Terms of use”, see www.concurrences.com. Frais d'expédition Concurrences hors France : 18 € l 18 € extra charge for sending hard copies outside France