Dossier de presse

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17 août 2007
Le contexte
Les Terres australes et antarctiques françaises (Taaf) sont composées des archipels Crozet,
Kerguelen, Saint-Paul et Amsterdam, des îles Éparses, et d’une portion du continent
antarctique : la terre Adélie.
Une zone de pêche importante
Les zones économiques exclusives (ZEE) entourant les trois archipels subantarctiques
couvrent près de 2 millions de km². Sur les 540 000 km² de la zone économique exclusive de
Kerguelen, le plateau des Kerguelen représente une superficie de 110 000 km² pour la zone
française dont seulement 6,6 % est émergée et constitue les îles proprement dites.
On y pêche notamment la légine, poisson à forte valeur commerciale très apprécié des
marchés asiatiques et américains. Le total admissible de capture de légine dans les Taaf
(Kerguelen et Crozet exclusivement) constitue 30 % du TAC mondial : 6000 tonnes.
Un poisson fragile et convoité
La légine australe « Dissostichus eleginoides » est l’une des rares espèces capables de
coloniser les eaux de l’océan Austral grâce à la présence dans son sang de composés antigels.
Elle vit dans les eaux profondes à proximité des plateaux continentaux et des montagnes sousmarines. Une légine peut vivre 40 ans, mais il lui faut une décennie pour atteindre l’âge adulte.
La lenteur de son développement en fait donc une espèce particulièrement vulnérable à la
surexploitation des réserves halieutiques.
Six armements réunionnais sont autorisés par les Taaf à pêcher dans la ZEE. De 1980 à 2000,
la pêche s’effectuait au chalut. Les techniques de pêche ont depuis évolué, devenant plus
sélectives en se concentrant sur la légine au moyen de palangres. Ce poisson est aussi
convoité par les pêcheurs illicites. Les patrouilles des navires de la Marine Nationale, et du
patrouilleur l’Osiris, la surveillance de la zone par satellite et la coopération franco-australienne
sont parvenus à maîtriser la pêche illégale, qui est désormais contenue à l’extérieur de la ZEE
française.
Des données sur l’état de la ressource manquantes
Les ressources halieutiques du plateau de Kerguelen n’ont pas été réévaluées de manière
exhaustive depuis plus de vingt ans. Pour y remédier, les Taaf ont décidé de réaliser une
campagne scientifique. Celle-ci permettra d’obtenir des données actualisées sur la biomasse
des espèces exploitées, la légine mais aussi les autres espèces de poisson. Il était difficile de
mener une telle campagne tant que le pression de la pêche illicite était forte, celle-ci ayant
évidemment un impact sur les résultats observés.
Le déroulement de la campagne d’évaluation
L’Austral, propriété de la SAPMER a appareillé le 29 août 2006 avec à son bord une équipe
scientifique de six personnes (2 ingénieurs halieutes, 2 contrôleurs de pêche, 2 assistants) sous
la direction du Professeur Guy Duhamel du Muséum national d’histoire naturelle.
Le MNHN avait défini un cadre de travail visant à réaliser en 45 jours, une couverture maximale
de la zone économique exclusive de Kerguelen par des chalutages standardisés et aléatoires,
les résultats devant être représentatifs de la biomasse de toutes les espèces de poissons
ciblées.
A l’issue de chaque coup de chalut, l’équipe scientifique se répartissait par bordée afin
d’effectuer :
- le tri de toutes les espèces, numération et pesée
- les mensurations et pesées individuelles de toutes les espèces commerciales et accessoires
- l’analyse biologique complète ou partielle, sexe, stade sexuel, contenu stomacal
- les prélèvements d’otolithes et d’écailles (afin de déterminer l’âge)
- les prélèvements de tissus (génétique des espèces et des populations) et de cellules
(caryologie)
- les prélèvements de spécimens (collection, complément identification…)
- le marquage et la remise à l’eau de légines (évaluation complémentaire de biomasse, de
croissance
En 2 mois, plus de 200 stations de chalutages ont été réalisés, entre 100m et 1000m de
profondeur, environ 70 000 spécimens ont été capturés.
Premiers résultats
En comparaison avec les résultats des campagnes SKALP (1987/88), il est à noter que
des espèces non ciblées par la pêcherie (le grande gueule par exemple) ont vu leur
biomasse augmenter alors que des espèces commerciales pourtant inexploitées depuis
plus de dix ans n’ont absolument pas redressé leur effectifs ou biomasse (cas du colin de
Kerguelen et du poisson des glaces par exemple). Les chiffres concernant la légine australe
restent significatifs (127 000 tonnes, 78 millions d’individus) tant en zone du plateau qu’en
zone profonde.
Ces résultats incitent à la fois à gérer les ressources exploitables et à protéger les
espèces à importance écologique indéniable. L’environnement marin est constitué
d’écosystèmes dont les espèces peuvent avoir des interactions fortes (prédateur/proie). De
même, les stocks, s’ils subissent l’effet de la pêche, sont aussi sujets aux changements
environnementaux qu’il convient d’analyser surtout pour des espèces très sensibles aux
variations de température comme le poisson des glaces.
Un des résultats attendus de la campagne POKER était aussi la répartition spatiale et
bathymétrique des espèces. Cette répartition est d’une remarquable stabilité pour les
espèces communes analysées lors des campagnes SKALP (1987/88) et POKER (2006) même
si les saisons n’étaient pas toutes identiques. Les concentrations sont permanentes et
peuvent même être identifiées géographiquement en fonction de la croissance du poisson. De
plus il y a une ségrégation nette entre les zones de concentration des différentes espèces,
tant sur le plateau qu’en profondeur. A la différence d’autres zones mondiales, il y a très peu de
superposition de populations d’espèces de poisson sur un secteur. Le poisson des glaces se
cantonne au plateau nord-est et au banc Skif, le cacique antarctique au plateau nord ouest, le
colin de Kerguelen au semi-profond sud-est….
Cette situation est idéale pour de nombreux aspects de gestion environnementale et de pêche
puisque des secteurs peuvent être facilement délimités et isolés. Une protection de certaines
zones peut ainsi être assurée. De même, on peut nettement améliorer les campagnes
d’évaluation en cernant spécifiquement les secteurs de concentration d’une espèce et fournir
ainsi des estimations de biomasse et d’abondance plus précises. POKER en balayant une zone
plus vaste que SKALP a aussi permis de détecter des secteurs de concentration de poisson
jusqu’à présent inconnus (cas du cassigné noir, de la bocasse triangulaire). C’est une avancée
certaine sur la connaissance de l’écosystème marin.
Perspectives
Le bilan POKER est très positif. Cette campagne menée indépendamment de la
pêcherie, ce qui était une condition de sa réussite, permet aux Taaf de connaître l’état réel
d’une ressource exploitée depuis près de trente ans, de se faire une bonne idée des potentiels
futurs et des règles à respecter pour une pérennisation de la ressource (gestion durable). Un
couplage avec les données de la plus importante et plus ancienne base de données sur la
pêche australe (PECHEKER) va permettre de répondre à plusieurs attentes de la communauté
scientifique. Les multiples données acquises sur les espèces non commerciales amélioreront
l’étude de la biodiversité. Enfin la cartographie de la distribution des espèces et de leur
abondance par secteur géographique contribuera à la modélisation des habitats importants à
préserver.