Coordination, partenariat, coopération entre professionnels de santé

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Coordination, partenariat, coopération entre professionnels de santé
Coordination, partenariat, coopération entre professionnels de santé : la question
des réseaux de santé en psychiatrie
MC Hardy-Baylé, I Prade
Introduction
Cet article, qui prolonge celui de 2001 (1), se propose, sur la base des leçons tirées de
l’expérience du Réseau de Promotion pour la Santé Mentale dans les Yvelines Sud
(RPSM 78), et d’une lecture, à la lumière de cette expérience, du contexte actuel de
l’organisation de l’offre de soins en psychiatrie, de répondre à la question posée aux auteurs :
pourquoi et comment, de manière concrète, construire un partenariat tel que la notion de
réseau tend à le promouvoir ?
Au-delà de cette question, et pour répondre aux difficultés rencontrées dans la généralisation
des réseaux en psychiatrie, nous tenterons, au fil de l’article, d’exposer ce qu’une telle
expérience peut nous dire sur les facteurs de résistance à la généralisation d’une telle
innovation législative dans une discipline dans laquelle elle s’imposerait pourtant tout
naturellement. Cette relative réserve des professionnels du soin en psychiatrie est d’autant
plus étonnante que les réseaux de soins représentent sans aucun doute l’une des opportunités
les plus adaptées à la discipline de lever les impasses qu’elle rencontre et de l’introduire dans
la « modernité » en réaffirmant les grands principes que la psychiatrie de secteur a toujours
défendus.
Cet article se propose de faciliter l’appropriation de la « culture réseau » par les
professionnels du soin en rappelant les attendus d’un réseau, tels que les textes nous les fixent,
et de promouvoir son développement en montrant comment le réseau, sur un territoire donné,
a permis à chacun des acteurs publics et privés, de trouver sa place et au secteur de renouer
avec une politique sectorielle qui peine à se développer.
Le Réseau de Promotion pour la Santé Mentale dans les Yvelines sud (RPSM 78)
Structure juridique du réseau : Groupement de Coopération Sanitaire (GCS)
Zone géographique d’intervention : territoire de santé 78-1 (Yvelines sud)
Nombre d’habitants du territoire : 650 000
Nombre de secteurs de psychiatrie :
8 secteurs de psychiatrie générale
3 secteurs de psychiatrie infanto juvénile
1 secteur de psychiatrie pénitentiaire
Etablissements de santé membres du GCS :
Centre Hospitalier André Mignot de Versailles (public)
Centre Hospitalier Jean-Martin Charcot de Plaisir (public spécialisé)
Institut Marcel Rivière de La Verrière (privé mutualiste participant au service public)
Clinique d’Yveline (privé à but lucratif)
Hôpital Gérontologique et Médico-Social de Plaisir-Grignon (public)
Centre Hospitalier de Rambouillet (public)
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Libéraux partenaires du réseau :
246 médecins généralistes
15 psychiatres
14 psychologues
Médecins généralistes et psychologues sont impliqués dans le GCS, mais surtout dans le dispositif de soins partagés
ville/hôpital.
Partenariats non sanitaires principaux :
Structures et services sociaux et médico-sociaux (plus de 200 équipes en 8 ans)
13 Associations
14 Communes et structures publiques
Conseil Général des Yvelines
6 Associations d’usagers
Education Nationale (assistantes sociales et infirmières scolaires, lycées)
Ministère de la Justice
Financeurs stables du réseau :
Fond d’Intervention pour la Qualité et la Coordination des Soins
Agence Régionale de l’Hospitalisation d’Ile de France
Direction Départementale de l’Action Sanitaire et Sociale des Yvelines
Département des Yvelines
Communauté d’Agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines
Dispositifs et thématiques du réseau :
Les actions matures :
Dispositif de soins partagés depuis 2000 entre médecins généralistes et système spécialisé
psychiatrique. Ce dispositif assure une activité dite « directe » auprès des patients adressés par leur médecin généraliste
constituée de « séquences thérapeutiques de courte durée » avant l’élaboration d’un projet de soin « négocié » avec le
médecin généraliste, une activité dite « indirecte », hors présence du patient, constituée d’actions de coopération
dématérialisées et d’actions de formation – supervision – intervision en direction des médecins généralistes et proposant
des prestations dérogatoires de psychothérapie avec les psychologues libéraux.
Dispositif mutualisé d’interface entre psychiatrie et secteur social et médico-social depuis 2000, sous
forme d’une équipe mobile territoriale de liaison développant une clinique de l’aide aux aidants sociaux contribuant à
lutter contre la précarité, et d’un dispositif territorial d’hébergement favorisant l’insertion des malades mentaux stabilisés
par l’accès à des solutions d’hébergement diversifiées et adaptées.
Coopération hospitalière territoriale public/privé par élaboration d’un projet coordonné de territoire
inter établissements. Exemple de réalisation : organisation coordonnée territoriale de la réponse à l’urgence, à la crise et à
la post-urgence en psychiatrie.
Les actions matures donnent lieu au développement d’une démarche d’amélioration de la qualité territoriale et d’une
démarche d’évaluation territoriale de l’activité médicale.
Les actions en cours de maturation :
Dispositif de soins partagés en psychiatrie de la personne âgée.
Coordination territoriale de la réponse de la psychiatrie aux besoins des adolescents.
Transformation des « obligations de soins » en « opportunités de soins ».
Accès aux soins somatiques des patients psychiatriques.
Filière de soins pour la prise en charge des personnes autistes.
Addictions et comorbidités psychiatriques.
Maladies somatiques graves et comorbidités psychiatriques.
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1. L’organisation sectorielle historique de la psychiatrie, qui porte les
objectifs des réseaux de santé, peut s’avérer un frein à leur mise en oeuvre
Si les dispensaires dédiés à la prise en charge des patients présentant une tuberculose sont
considérés comme l’expérience initiale d’un travail en réseau dans le champ de la santé et les
réseaux dédiés aux patients atteints du SIDA comme leur successeurs, la psychiatrie a à son
actif la politique de sectorisation comme modèle d’organisation de l’offre de soins ayant
cherché à développer, dès les années 50-60 les principes fondamentaux d’un travail en réseau,
au premier rang desquels :
- faciliter l’accès aux soins par la définition de territoires pertinents comme le promeut
la circulaire du 15 mars 1960 (2) : « Éviter la désadaptation qu'entraîne l'éloignement
du malade de son milieu naturel. Il est donc nécessaire que les établissements, qu'il
s'agisse de l'hôpital psychiatrique, de l'hôpital de jour ou du foyer de postcure, soient
facilement accessibles pour la population qu'ils desservent. » La psychiatrie est ainsi la
première discipline à avoir adopté l’approche territoriale de l’organisation des soins
pour laquelle opte aujourd’hui toute la santé.
- Assurer la continuité des prises en charge qu’elle soit sanitaire, sociale ou médicosociale : « Ce dispositif consiste essentiellement à diviser le département en un certain
nombre de secteurs géographiques, à l'intérieur de chacun desquels la même équipe
médico-sociale devra assurer pour tous les malades, hommes et femmes, la continuité
indispensable entre le dépistage, le traitement sans hospitalisation quand il est
possible, les soins avec hospitalisation et, enfin, la surveillance de postcure » (2).
La similitude avec les principes qui sont à l’origine de la promotion des réseaux de santé
est frappante, que l’on se réfère aux ordonnances dites « Juppé » de 1996, à la circulaire
plus récente de 2007 (3) ou au texte fondateur de 2002 (4), qui indique « les réseaux de
santé répondent à un besoin de santé de la population dans une aire géographique définie,
prenant en compte l’environnement sanitaire et social. En fonction de leur objet, les
réseaux mettent en œuvre des actions de prévention, d’éducation, de soin et de suivi
sanitaire et social ».
C’est sans doute ce qui explique que la psychiatrie se soit sentie peu concernée par cette
réforme de l’organisation des soins, qui ne faisait que reprendre des principes mis en
oeuvre par elle depuis plus de 40 ans. Mais cette lecture, trop superficielle, a privé la
psychiatrie d’une évolution importante, à un moment où son organisation connaissait ellemême des difficultés comme en témoignent les nombreux colloques et écrits qui au début
des années 2000 soulignent la crise de la psychiatrie française. C’est peut-être d’ailleurs
ces difficultés elles-mêmes qui expliquent que la psychiatrie a préféré justifier son
organisation historique, plutôt que de se saisir des opportunités offertes par les réseaux
pour la faire évoluer. De fait, le nombre de réseaux développés par la psychiatrie est resté
limité même si les années 2000 ont vu l’émergence de plusieurs réseaux, essentiellement
thématiques (réseaux dépression en régions Ile de France et Provence - Côte d’Azur,
réseaux adolescents dans plusieurs régions, réseaux orientés vers l’insertion des patients
en région Rhône-Alpes…).
En effet, la méthode de travail promue par les textes sur les réseaux de santé est aussi
importante que les objectifs poursuivis, car elle tient compte du fait que les formes de
coopération et de coordination attendues se structurent différemment en fonction des époques,
et en fonction des politiques de santé qui se succèdent. Sans cet accrochage fort aux
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évolutions de la société, le pacte social qui doit unir le monde de la santé à sa société, est
menacé. Il semblerait qu’aujourd’hui la psychiatrie peine à s’inscrire dans un pacte social
accepté par les professionnels du soin eux-mêmes et par la société, représentée par les
associations d’usagers.
Ainsi si les réseaux de santé conservent les principes de l’organisation sectorielle ils rompent
à bien des égards avec la manière de les décliner sur le terrain des soins. Les réseaux tiennent
en effet compte du fait que les évolutions culturelles et sociologiques des 30 dernières années
impliquent que la façon de développer un partenariat effectif sur un territoire donné a changé.
1.1 Les changements culturels attendus
L’engagement effectif des professionnels, dans leur diversité, est l’un des gages essentiels
d’un partenariat réel. Comme le signale le rapport de l’Inspection Générale des Affaires
Sociales sur les réseaux (5) « dans la perspective d’une généralisation à tout le territoire, la
question de l’engagement des professionnels de santé dans des démarches nouvelles (…)
nécessitera une évolution forte de la culture et des comportements actuels des professionnels
de santé »
Il est donc essentiel de revenir aux textes pour éclaircir ce qui est préservée de l’organisation
traditionnelle de la psychiatrie et ce qui peut être considérée comme un changement radical
afin que le monde de la psychiatrie juge, en connaissance de cause, de la pertinence de
développer les réseaux en psychiatrie.
La correspondance affichée en introduction des deux textes de 1960 (2) et de 2002 (4)
n’exprime rien de moins que la réaffirmation des grands principes de la psychiatrie
traditionnelle, notamment celui de territoire de proximité pour assurer au mieux la réinsertion
des malades, la continuité des soins et la nécessité de prendre en compte conjointement la
prévention, le suivi des soins et la réinsertion. En somme les réseaux de santé s’inscrivent
dans des objectifs de santé publique. Au-delà, ils sont porteurs de changements culturels
attendus par les professionnels comme par les patients.
1.1.1 De la responsabilité territoriale d’une équipe dédiée à la notion de
responsabilité partagée
L’origine du terme réseau réside dans la définition sociale qui en a été donnée. Il est avant
tout « un mouvement social qui périme les modes d’organisation anciens » et qui s’est
développé dès les années 1980 dans les organisations au travail (6).
Le domaine de la santé s’est ouvert plus tardivement à ce mouvement social, dont l’essentiel
repose, d’une part sur une coordination d’acteurs en vue d’un objectif précis et non dans le
seul but de pérenniser une organisation, d’autre part sur une coopération des acteurs, non
hiérarchisée mais portée par un « leader » dont la compétence est reconnue dans le champ de
l’action projetée (en santé, un professionnel du soin). Ainsi cette notion intègre le changement
radical de valeurs dans la motivation et le comportement des hommes au travail, marquée par
le refus de la hiérarchie et la revendication de liens contractuels, individuels, autour d’un
projet et propose la réponse la plus adaptée à ces attentes : une équipe organisée autour d’un
projet, lieu d’une auto régulation, s’organisant et se contrôlant elle-même pour mener à bien
le projet. « Celui qui est légitime pour organiser ces personnes autonomes, auto-organisées et
créatives n’est plus le chef hiérarchique, nommé statutairement, (…) » c’est le leader, celui
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qui est reconnu comme légitime pour mener à bien le projet qui possède à la fois la
compétence requise et à la fois la qualité d’animation du groupe ».
Ce retournement des valeurs au travail a différentes conséquences : « d’une part, le centre de
l’action est bien le projet et non l’institution ; ce qui compte c’est qu’un projet aboutisse et
que sa réalisation permette, si possible, de nouer d’autres relations qui pourront s’unir autour
d’un nouveau projet. (…). L’organisation par projet crée elle-même les liens nécessaires entre
des professionnels, indépendamment des frontières institutionnelles ».
« Cette approche souple, changeante, décrite par L. Boltanski et E. Chiapello (7) est
radicalement opposée à la pratique hospitalière actuelle, malgré les nombreuses tentatives qui
se sont succédées pour réformer l’hôpital. Au-delà des modalités d’organisation de la
planification ou de l’évaluation, c’est la nature même des relations et de l’organisation interne
de l’hôpital qui reste fondée sur des valeurs de hiérarchie et de position statutaire ». « La
notion de frontière, frontières de l’établissement, frontières entre le public et le privé,
frontières au sein de l’établissement entre services, entre l’administration et les services de
soins, reste forte ».
Or, par son organisation même et ses principes, le secteur n’est pas favorable au mode
d’organisation souple d’un réseau, dans laquelle il n’y a pas de pivot, mais des professionnels,
éventuellement issus d’équipes différentes, qui apportent leurs compétences et s’organisent
pour assurer la continuité des soins dans un réseau. Il n’y a pas une équipe qui répond à toutes
les demandes et organise les partenariats nécessaires mais des équipes et des professionnels
qui organisent, ensemble, la réponse, de manière différenciée selon les situations, à des
niveaux territoriaux différents, le leader n’étant pas le même selon les projets.
C’est bien ce que portent les textes récents sur les réseaux de santé et notamment la circulaire
du 2 mars 2007 relative aux orientations de la Direction de l’Hospitalisation et de l’Offre de
Soins (Ministère de la Santé) et de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs
Salariés en matière de réseaux de santé, à destination des Agences Régionales de
l’Hospitalisation et des Unions Régionales des Caisses d’Assurance Maladie, et qui définit
des orientations en matière d’évolution des réseaux de santé (3).
La notion de réseau impose d’intégrer trois facteurs constituant les éléments du changement
culturel attendu : l’abandon d’un fonctionnement hiérarchisé des acteurs, où l’un des
partenaires pourrait revendiquer la position de «pivot », pour un fonctionnement horizontal où
la responsabilité territoriale est partagée ; la prise en compte de facteurs économiques sur le
mode d’un financement attaché à un relevé d’activité précis et adaptée à la réalité des services
rendus ; et enfin l’application d’une démarche qualité pour guider les pratiques de soins, c'està-dire la préférence accordée aux arguments de qualité et d’efficience sur les arguments
d’autorité et de rentabilité.
Cette évolution culturelle implique une réflexion renouvelée sur l’ensemble des principes qui
ont fondé le secteur et qui doivent fonder toute organisation des soins de qualité, qu’il s’agisse
de la notion de territoire pertinent, de la définition des acteurs impliqués dans la prise en
charge des patients et de la notion de responsabilité partagée ou de l’évaluation des pratiques
professionnelles.
L’enjeu, pour la psychiatrie, est de passer de la continuité des soins dévolue à une équipe
unique à la coordination des acteurs impliqués dans le parcours de santé du patient, et de la
responsabilité d’une équipe à organiser l’offre de soins d’un territoire à une culture
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« partenariale » de la complémentarité territoriale entre les équipes concernées (la notion de
responsabilité partagée). Cet enjeu est posé à la psychiatrie sectorielle depuis de nombreuses
années comme en témoigne l’évolution entre les préconisations de la circulaire de 1960 (1) et
de 1987 (8) sur le secteur.
Ces textes confient au médecin-chef de secteur la responsabilité de l’organisation de
l’ensemble des actions et des moyens de répondre aux besoins de la population que son
territoire sectoriel dessert. La raison avancée pour justifier d’une telle responsabilité est de
préserver la continuité des soins : « Entreprendre les soins des malades mentaux à un stade
plus précoce, avec de plus grandes chances de succès, et apporter aux anciens malades un
appui médico-social efficace leur évitant des récidives. Cette conception entraîne la nécessité
de confier à la même équipe médico-sociale la charge du malade en cure hospitalière et en
pré- et postcure. Il est, en effet, indispensable que le malade sorti de l'hôpital psychiatrique
retrouve au dispensaire, au foyer de postcure, le médecin qui l'a traité à l'hôpital
psychiatrique. C'est la condition même pour qu'il accepte cette postcure. Par ailleurs, nul plus
que le médecin de l'hôpital psychiatrique n'est intéressé au but poursuivi qui est d'éviter des
hospitalisations inutiles ».
Le deuxième élément fondateur du secteur est l’objectif de créer, pour chaque secteur,
l’ensemble des équipements utiles aux missions de prévention, de continuité des soins et, non
pas de réinsertion mais d’accompagnement sanitaire pour la réinsertion sous la forme de
structures alternatives.
Mais, dès 1987 (8), les textes soulignent les limites de cette politique : « Il convient donc de
considérer le contexte actuel », est-il écrit « les transformations opérées dans le service public
de psychiatrie par l’organisation sectorielle permettent dès à présent de considérer plus
précisément l’identité et la place du « secteur », ses limites, ses articulations avec les autres
systèmes et acteurs de santé ».
Concernant la continuité des soins, « cet objectif doit aujourd’hui être re- précisé. Il ne paraît
plus ni possible ni même très utile que, dans tous les cas le patient retrouve le même médecin
lors des diverses phases de la thérapie. Par contre, il reste indispensable que les soins qui lui
sont prodigués par divers praticiens et dans différentes structures fassent l’objet d’une
coordination par les soignants, en accord avec le patient, dans un projet thérapeutique
construit. Il convient aussi que l’équipe soignante s’assure qu’il n’y ait pas dans la thérapie,
de rupture : le relais doit toujours être envisagé (éventuellement hors service public) et le
patient conseillé sur la suite des soins »
La coordination des acteurs devient donc l’une des pièces maîtresse de la nouvelle
organisation territoriale et l’importance du conseil de santé mentale de secteur, créé dès 1960,
comme lieu de coordination est réaffirmée : « organisme de consultation à large
représentation chargé d’une mission de liaison, concertation, coordination entre différents
partenaires locaux » ce d’autant, comme le rappelle le texte que « le recours aux soins
psychiatriques s’est également accru dans les institutions privées et en psychiatrie libérale ».
Ce dernier point rappelle que le secteur n’est plus la seule réponse possible aux patients
présentant une pathologie mentale.
Par ailleurs, dès 1987 (8), la nécessité de partager les équipements entre différents secteurs
s’impose : « chaque secteur n’est pas tenu de disposer de la « gamme » complète.
L’équipement est à prévoir en fonction des besoins ressentis et des projets construits par
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chaque équipe de soins. » (..) « Des équipements intersectoriels seront à envisager chaque fois
que les besoins sont ressentis dans plusieurs secteurs, sans qu’il soit nécessaire ni même
efficace que chacun d’entre eux s’équipe pour lui-même ».
La concertation entre les acteurs devient dès cette date une priorité « l’imbrication du
dispositif de santé mentale dans les systèmes sanitaires et médico-social et dans l’ensemble de
la société, justifie un élargissement de la concertation à de nombreux partenaires non
psychiatriques » (8).
La question centrale est bien celle de l’organisation du partenariat, d’autant que les évolutions
récentes ont confirmé la place grandissante de nouveaux acteurs dans la santé mentale. En
effet, au-delà de l’évolution de l’offre sanitaire, déjà évoquée en 1987 et qui s’est accélérée
avec notamment l’organisation de la psychiatrie dans les services d’urgence, la place des
acteurs sociaux et médico-sociaux dans la santé mentale est potentiellement modifiée de façon
très importante par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la
participation et la citoyenneté des personnes handicapées (9). En reconnaissant les troubles
psychiques comme potentiellement source de handicap, elle implique la responsabilité des
professionnels éducatifs et sociaux dans les services rendus aux personnes handicapées
psychiques. Elle a créé une dynamique nouvelle dans les nouveaux services créés (Groupes
d’Entraide Mutuelle, Services d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés,
Services d’Accompagnement à la Vie Sociale), qui se sont beaucoup développés ces dernières
années, parfois en concurrence avec certains équipements de secteurs, parfois, comme un
équipement du secteur, ce qui n’était pas dans l’intention des autorités, puisqu’il s’agit
d’organiser un véritable partenariat entre des acteurs aux compétences différentes et qui ont
chacun une responsabilité dans la réponse globale apportée aux besoins des patients. La
continuité de la prise en charge sanitaire, sociale et médico-sociale ne repose plus sous la
responsabilité d’une seule équipe sanitaire, mais sous celle de la coordination des équipes, qui
doit donner de la cohérence là où on a trop souvent assisté à la coexistence de logiques
divergentes (logique socio-éducative versus logique psychopathologique présidant aux soins).
En somme, par la façon dont ses objectifs étaient définis à l’origine, le secteur s’est développé
en opposition à l’esprit du réseau, au sens le plus actuel du terme, au prétexte de défendre au
mieux les principes d’une politique qui, comme nous l’avons constaté au sein du RPSM 78,
est pourtant largement partagée par l’ensemble des acteurs impliqués dans la santé mentale,
notamment les médecins généralistes et les partenaires du champ social et médico-social. Au
projet d’ouverture porté par le réseau s’est heurté celui de pérenniser l’institution.
Le RPSM 78 s’est construit sur des principes éthiques, inspirés des grands principes de la
politique de secteur : accès au système spécialisé pour tous (par le travail avec les partenaires
du champ social et une réponse systématique à toutes les demandes), préservation des chances
pour tous les patients par une lisibilité des compétences afin que, quelle que soit la porte
d’entrée dans le réseau, le patient puisse être dirigé vers le soin le plus adapté à son état,
questionnement partenariale sur la qualité des soins et élaboration de procédures claires quant
au suivi de la coordination, continuité des soins par l’usage de procédures conventionnelles
formalisant clairement la nature de la coordination et fixant les responsabilités de chacun dans
le parcours de santé1 du patient.
1
Par parcours de santé, on entend une notion qui, au-delà du parcours de soins, intègre la dimension d’insertion
caractéristique du travail social et médico-social.
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Une confusion est souvent faite entre la notion de responsabilité partagée dans l’élaboration
d’un projet médical de territoire et la notion de responsabilité dans le soin dispensé à un
patient donné.
Contrairement à l’argument parfois avancé selon lequel le réseau viendrait mettre en péril la
responsabilité soignante pour un patient donné, il vient renforcer cette nécessité d’un référent
dans le soin.
Les conventions de partenariat conclues attestent de l’importance que revêt la désignation
d’un référent, et le transfert concerté de cette responsabilité en cas de difficultés à l’assumer
(survenue d’évènement indésirable, situation de crise…) est prévu dans le cadre partenarial
fixé par le réseau, bien mieux que dans l’organisation actuelle de l’offre de soins.
Le réseau permet, en prenant en compte les contraintes des exercices de chacun, et en veillant,
par une mise sous le regard des autres acteurs, à assurer la continuité des soins à chaque
patient, de renforcer le principe de la responsabilité médicale face à la population prise en
charge sur le territoire.
Ainsi, si le secteur garde une responsabilité dans le suivi de patients dédiés, il n’est de fait
plus dans ses obligations de gérer seul la continuité des soins de tous les patients de son
territoire, à tous les moments de leur parcours de santé, ni, de ce fait, d’être seul responsable
de l’organisation de la réponse à la demande de soins sur son territoire sectoriel.
Les réseaux de santé se donnent pour objectif une continuité des soins garantissant la qualité
et la sécurité des soins. La circulaire de 2007 (3) est très claire à ce sujet : « la continuité des
soins est l’une des dimensions essentielles liée à la sécurité et à la qualité des soins.
L’implication de tous les acteurs du réseau de santé doit permettre une prise en charge
globale ».
Dès lors que sont acceptés les principes d’un partenariat dans les soins, que les faits viennent
d’ailleurs poser comme des évidences aujourd’hui, est acceptée l’idée d’un travail en réseau,
pour peu que soient entérinés les principes de fonctionnement partenarial du réseau au
premier rang desquels la notion de responsabilité partagée dans les décisions et leur mise en
œuvre, et l’organisation du partenariat autour de projets d’amélioration. C’est pourquoi, le
réseau peut être considéré comme le cadre institutionnel par excellence d’une démarche
qualité de territoire.
1.1.2 L’importance de l’évaluation dans un réseau de santé : une prise en
compte de la qualité et de l’efficience des réalisations
Si, en 1987 (8), il était possible d’expliquer la disparité constatée entre les secteurs en matière
d’équipements, de personnel et d’activité par « une diversité des conditions locales (besoins
de la population, situation des services de santé) dans chaque secteur et d’une diversité des
approches et techniques entre équipes, telles que les secteurs sont amenés à s’équiper selon un
mode propre, et ceci est à respecter », il ne faut pas y voir une porte ouverte à des pratiques de
soins hétérogènes, pouvant conduire les patients à se voir proposer une prise en charge
radicalement différente d’un secteur à l’autre.
Rien ne peut en effet justifier d’une hétérogénéité des pratiques de soins dans une discipline
dont les acquis scientifiques et cliniques sont aujourd’hui incontestables.
Ainsi, le constat d’une hétérogénéité des pratiques parfois non explicable impacte fortement
un des principes fondamentaux des réseaux de santé : assurer à chaque patient le soin le plus
adapté à son état et homogénéiser, dans cette intention, les réponses soignantes qui lui sont
proposées.
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La qualité des pratiques comme élément structurant de l’offre de soins est donc aujourd’hui
une évidence.
1.1.2.1 Le réseau comme cadre privilégié pour une démarche de qualité
La qualité représente le moyen le plus sûr de faire valoir les connaissances acquises dans le
champ soignant afin que l’exigence économique ne constitue pas l’unique guide à
l’organisation des soins.
Le réseau est sans aucun doute le cadre portant le plus haut cette exigence de qualité.
Cependant, il imprime à la démarche qualité une logique de développement spécifique.
En effet, si le législateur a vu dans le réseau la possibilité de diffuser des normes de qualité
protocolisées, il est revenu sur cette conception du réseau à laquelle les professionnels du soin
se sont opposés, pour y voir un cadre propice au développement de la qualité grâce au levier
du partenariat, comme le souligne le texte de 2007 (3) : « l’objectif second d’un réseau est
d’améliorer les pratiques des professionnels qui le composent afin de les mettre en adéquation
soit avec un norme de bonne pratique existante ou à créer, soit avec l’objectif de bonne
pratique préalablement fixé par le réseau ».
Le réseau, en s’appuyant sur des groupes de travail pluri professionnels, organisés en vue
d’améliorer l’offre de soins sur un projet de santé, promeut une démarche de qualité fondée
sur le partage des savoirs acquis par l’expérience des partenaires, et sur les données de la
littérature, notamment scientifique, pouvant guider les améliorations qui seront proposées.
La Haute Autorité de Santé (HAS) ne s’y trompe d’ailleurs pas lorsqu’elle fait du réseau une
des méthodes de l’Evaluation des Pratiques Professionnelles.
Le cadre de cet article ne permet pas d’aller plus loin dans l’approfondissement des liens entre
réseau et démarche qualité mais, incontestablement, le partenariat professionnel que rend
possible le réseau permet d’envisager ce dernier comme un prototype que tous les soignants
devraient défendre pour faire valoir une notion de qualité adaptée à la réalité professionnelle.
1.1.2.2 L’évaluation de l’efficience dans un réseau de santé
Le RPSM 78 a intégré cette nécessité comme en témoigne la double direction, médicale et
administrative du réseau qui a facilité la démarche de valorisation de l’activité déployée au
sein des dispositifs proposés.
Bien que donnant la primauté au projet médical sur l’argument économique, (voir description
du fonctionnement institutionnel au paragraphe 2.2.1.) le RPSM 78 a montré sa capacité à
faire de la contrainte économique un levier de questionnement sur les pratiques. L’exemple
des mutualisations réalisées dans le cadre de l’interface entre les champs sanitaire et social
répond à la fois à une exigence de qualité et à une exigence économique.
Le principe de réalité impose de mesurer l’impact des mesures d’organisation proposées sur la
gestion.
Comme dans la logique de tarification à l’activité (T2A), le réseau doit, pour être financé,
rendre compte de l’activité réellement réalisée.
Comme la démarche qualité qui impose de « rendre public » son exercice, l’exigence
financière impose de « rendre des comptes » sur son activité.
Les dispositifs innovants, portés par le RPSM 78 ont, du fait des exigences posées par les
financeurs successifs des réseaux (Fond d’Aide à la Qualité des Soins de Ville, Direction
Nationale Des Réseaux, Fond d’Intervention pour la Qualité et la Coordination des Soins)
conduit les acteurs à proposer des relevés d’activité visant à valoriser la réalité des services
rendus et leur adéquation aux objectifs poursuivis. Cet exercice a permis d’introduire la
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psychiatrie dans une logique de valorisation de l’activité réalisée dans les dispositifs
innovants mis en place dans le réseau mais pouvant, au-delà, intéresser toutes les activités
réalisées sur le territoire. En imposant une réflexion sur la pertinence optimale des relevés de
l’activité en vue d’obtenir les moyens de la développer, le réseau offre aux partenaires des
options pour la définition d’une valorisation de l’activité en psychiatrie.
L’évaluation des coûts de la coordination et des modalités de financements spécifiques pour
les partenaires libéraux ou des organisations nouvelles est indispensable dans le cadre d’un
réseau et permet de mieux adapter les ressources aux services effectivement rendus. Au-delà
de la seule nécessité d’obtenir le financement du réseau, cette évaluation financière permet de
montrer le coût réel de la coordination, les difficultés rencontrées par les libéraux ou plus
largement le privé dont le paiement à l’acte rend difficile l’implication dans un partenariat
institutionnel, et la quasi–impossibilité d’inscrire les psychologues libéraux dans un dispositif
sanitaire compte tenu de leur statut hors assurance maladie.
L’exemple de l’intégration des psychologues libéraux dans le RPSM 78 a ainsi montré que si
grâce au réseau il a été possible de leur faire bénéficier de dérogations tarifaires, cette forme
de rémunération à l’acte ne rend pas compte du temps de travail institutionnel nécessaire pour
assurer la continuité des soins entre les équipes hospitalières et les professionnels libéraux et
assurer une évaluation de la qualité de la prise en charge des patients.
Cela peut contribuer à expliquer la réserve de certains acteurs libéraux à un travail en réseau
même si leur réticence à l’égard de toute forme d’institutionnalisation et leur attachement au
soin direct donné au patient expliquent également leur peu de goût pour un dispositif se
donnant pour objectif une organisation des soins territoriale.
Pourtant, la participation active de libéraux au fonctionnement d’un réseau reste un élément
important pour peu qu’ils acceptent de prendre la place institutionnelle qui est la leur à
l’échelle de l’organisation de l’offre de soins.
Dans le RPSM 78, les libéraux ont pu trouver leur place dans les dispositifs dédiés aux
populations qui relèvent de leur compétences au premier rang desquels les troubles mentaux
fréquents. Ils participent ainsi au fonctionnement du dispositif de soins partagés2 comme
spécialistes de deuxième recours.
Le réseau porte donc des évolutions culturelles importantes :
- introduction de la notion de responsabilité partagée dans le cadre d’un projet de
territoire, qui ne réduit en rien la responsabilité de chaque professionnel mais crée u
contraire des conditions plus sécures à son exercice,
- partage des savoirs et des expériences, indispensable à une démarche d’évaluation au
service de la qualité et d’une efficience économique.
Il pose également un cadre de partenariat réel fondé sur la notion de complémentarité et
interroge en cela la notion de territoire pertinent.
1.2. Le secteur : le niveau de proximité dans un coordination territoriale ?
2
Pour plus d’information, voir « Dépression : quel parcours de soin ? » (dossier : C. Passerieux : p. 26-32 ; D. Janvier : p.
32-38 ; N.Younes : p. 38-46 ; C. Passerieux : p. 46-51 ; C. Delecroix : p. 51-54 ; A.Guilleminot, C. Rinsant : p. 54-57 ;
B. Beauchamps : p. 57-61), Santé Mentale, n°116, mars 2007 : p. 26-61.
10/23
D’hier à aujourd’hui le périmètre pertinent pour le développement d’une logique en réseau a
dépassé le périmètre du traditionnel secteur de psychiatrie. Le territoire de santé est
aujourd’hui proposé comme unité géographique adaptée à une réelle complémentarité des
acteurs dans l’accomplissement des missions de santé à l’échelle d’un territoire. Dès lors la
question se pose de l’avenir du découpage sectoriel de la psychiatrie.
Le texte de 2007 (3) souligne « On peut distinguer deux niveaux territoriaux d’organisation
des réseaux de santé : le niveau de proximité et le niveau territorial subsidiaire ».
Cette distinction introduit deux champs supplémentaires de problématiques pour la
psychiatrie :
- le niveau de proximité doit lui-même être organisé en réseau
- la persistance d’un niveau de proximité risque de réduire la place du secteur de
psychiatrie à ce niveau là de l’organisation territoriale.
Il faut rappeler que le niveau de proximité est, dans l’esprit des législateurs, placé sous la
responsabilité des médecins traitants, considérés comme médecins de premier recours.
La question qui se pose est donc la suivante :
Comment la psychiatrie peut-elle à la fois contribuer à l’offre de proximité, aux côtés des
médecins traitants, et assurer des missions territoriales ?
1.2.1. Il y a proximité et proximité…
La récente réforme de l’assurance maladie a réaffirmé d’une part la place des médecins
généralistes dans le parcours de santé des malades psychiatriques, et d’autre part la nécessité
de développer la coordination entre ces médecins de premier recours et le psychiatre
spécialiste.
Dans ce contexte, la psychiatrie est clairement positionnée comme une spécialité médicale en
regard de la médecine générale, et ne se distingue que par son organisation particulière et les
missions qui lui sont conférées.
Il est indispensable dès lors de donner au terme de proximité le sens exact qu’il prend pour
chacun des acteurs du soin. En effet, le médecin traitant est chargé des soins de proximité au
sens de soins de premier recours, qualifiant ainsi un certain niveau d’intervention technique,
étroitement lié en outre à une mission de coordination censée en améliorer l’efficience.
Pour sa part, le psychiatre est lié à un territoire donné, en raison de la nécessité de proximité
géographique indispensable au traitement de patients présentant une maladie chronique
imposant un suivi fréquent. La psychiatrie publique partage cette caractéristique avec la
psychiatrie de ville.
Par ailleurs, le psychiatre, public ou de ville, constate tous les jours que certains patients
continuent de s’adresser directement à lui en soins de premier recours, comme peuvent
d’ailleurs le faire aussi les jeunes de moins de 16 ans dont le parcours de soins est
actuellement exclu des règles posées par le législateur.
Ces constats placent la psychiatrie devant l’obligation d’organiser ses missions sur le
territoire, tant au bénéfice des soins de proximité que des modalités de prise en charge de
second recours qui viennent améliorer ces derniers.
1.2.2. Psychiatrie et soins de proximité
11/23
Pour rester dans l’esprit du projet politique porté par les textes, la construction du lien entre
médecins généraliste et spécialiste apparaît donc particulièrement fondamentale, afin de
garantir le positionnement adapté des niveaux de recours, et cela quelle que soit la porte
d’entrée dans les soins adoptée par les patients. Le RPSM 78 a répondu à cet objectif dans un
cadre partenarial, sans pouvoir toutefois se dispenser de concevoir une modalité spécifique
transitoire.
Cette coordination « de proximité » entre spécialistes psychiatres et médecins traitants ne va
en effet pas de soi. Dans le RPSM 78, comme dans de nombreux pays occidentalisés, des
« dispositifs de soins partagés » entre médecins généralistes et psychiatres ont été
spécifiquement dédiés à cette coordination du fait des difficultés à la mettre en œuvre en
dehors de moyens dédiés. Le cahier des charges de ces dispositifs ne se résume en effet pas à
l’évaluation des patients adressés par le médecin traitant au psychiatre. Il comporte des actes
indirects comme le recours au spécialiste en dehors de la présence du patient ou des actions de
formation – intervision aux médecins traitants ou le suivi de programmes de qualité, dans
l’objectif d’aider le médecin généraliste à asseoir sa compétence dans le suivi des patients
psychiatriques. Sur le plan des actes directs, la prestation du spécialiste relève par ailleurs
davantage d’une séquence thérapeutique spécifique que d’une simple évaluation du patient
adressé par le médecin généraliste.
Ainsi, si l’efficacité de tels dispositifs repose en partie sur leur caractère « de proximité » du
médecin traitant, il n’est pas démontré pour autant que chaque secteur de psychiatrie doive en
disposer. L’implication des psychiatres libéraux dans le cadre de ces dispositifs « villehôpital » impose par ailleurs la gestion « en réseau » de telles structures.
Pour contribuer à l’efficience de certaines missions de proximité dans des conditions
appropriées aux besoins évalués, le RPSM 78 a du, en s’adossant aux acteurs publics du
territoire, mettre en œuvre des dispositifs innovants et trois dispositifs de soins partagés ont
vu le jour sur le territoire. Les spécialistes, hospitaliers et libéraux, se sont positionnés, dans
ces dispositifs, en acteurs de deuxième recours.
Dans le même but, certaines missions de la psychiatrie, requièrent de la proximité
géographique tout en constituant des interventions de recours, sous forme d’actes directs ou
indirects au bénéfice des patients.
Sous forme d’actes directs, ces actes sont pour les patients qui nécessitent des soins
psychiatriques de proximité.
Sous forme d’actes indirects, ces actes s’adressent aux professionnels non sanitaires prenant
en charge dans la proximité des personnes souffrant de troubles psychiques. Ce type
d’intervention de proximité peut trouver avantage à être mutualisé au niveau territorial. Ainsi,
la constitution, au niveau du territoire de santé du RPSM 78, d’une équipe mobile de liaison,
interface entre les secteurs de psychiatrie et les professionnels sociaux et médico-sociaux,
dédiée à une mutualisation des actions « pour la communauté » au nom des secteurs de
psychiatrie et des actions « dans la communauté » en direction de l’amélioration de l’insertion
des patients psychiatrique du territoire. Ce dispositif de recours a donné davantage d’efficacité
aux actions menées, dans le cadre de chaque secteur, par les professionnels pour le plus grand
profit des patients.
1.2.3. Psychiatrie et missions territoriales
Les textes soulignent que le niveau territorial représente un niveau de recours pour le niveau
de proximité. Dès lors que la psychiatrie, comme il vient de l’être soutenu, se situe par nature
12/23
au niveau de recours, auquel s’imposent toutefois des impératifs de proximité géographique,
confier au territoire l’organisation de certaines de ses missions ou organiser ses missions dans
un cadre territorial implique la préexistence d’un cadre de coopération territoriale, où devront
se définir les besoins en la matière et se décider les partenaires acceptant de les assurer.
Les missions sur lesquelles un recours devra être organisé au niveau territorial sont en effet
très diverses d’un territoire à l’autre, même si l’on peut penser que des recommandations
viendront en définir l’opportunité.
Par ailleurs, le cahier des charges des missions territoriales peut difficilement suivre un cadre
pré-établi dans la mesure où le paysage des soins change en fonction des besoins non couverts
et des compétences de ses acteurs. Il s’argumente donc dans le cadre du projet médical
concerté de territoire.
Le circuit de l’urgence au sein du territoire de santé couvert par le RPSM 78 a très tôt été
considéré comme une priorité à penser dans le cadre du projet médical de territoire. C’est à
partir de cette question que s’est constituée, au sein du réseau, une communauté hospitalière
de territoire « publique-privée » missionnée par l’Agence Régionale de l’Hospitalisation pour
élaborer, dans le cadre du SROS 3, une réponse à cette priorité territoriale. Une
complémentarité « public-privé » a ainsi pu être mise en œuvre dans la configuration
territoriale de ce circuit de l’urgence.
Un autre champ expérimenté par le RPSM 78 dans ce cadre concerne la psychiatrie de la
personne âgée, avec la mise en place d’un dispositif territorialisé de recours secondaire pour
les médecins traitants comme pour les spécialistes (gériatres et psychiatres).
Il en va de même des patients reconnus handicapés psychiques, pour lesquels un dispositif
territorial mutualisé d’insertion se développe, en partenariat avec les professionnels des
champs social et médico-social et la Maison Départementale des Personnes Handicapées
(MDPH), adossé au centre expert « schizophrénie » du service hospitalo-universitaire du
Centre Hospitalier de Versailles, un des centres de la Fondation FondaMental, Réseau
Thématique de Recherches et de Soins, dirigé par le Professeur M. Leboyer.
Dans le même sens, il conviendrait de réfléchir sous l’angle territorial au niveau de recours
que constituent les secteurs de psychiatrie pour la prise en charge de certaines populations
spécifiques de patients dits « lourds » présentant à la fois une pathologie chronique
invalidante, un handicap psychique et social majeur et un refus de soins. Les secteurs de
psychiatrie possèdent en effet à la fois la compétence et les moyens en règle attribués à des
dispositifs de recours secondaire, y compris au bénéfice de patients déjà pris en charge par les
spécialistes notamment de ville.
L’expérience du RPSM 78 nous montre que la distinction entre niveau de proximité et niveau
territorial pose de nombreux problèmes si l’on cherche à retrouver dans la spécialité une
représentation de ces niveaux analogue à celle des textes.
La constitution d’un réseau s’adosse à l’existant, c'est-à-dire aux professionnels là où ils
exercent sur le territoire. Le réseau ne se substitue donc jamais à eux.
Si le tissu de proximité existe, c’est bien le niveau de recours qu’il s’agit d’organiser, le cas
échéant avec les acteurs de proximité.
2. Comment, concrètement, constituer une dynamique en réseau ?
13/23
Il est traditionnel de dire qu’un travail en réseau se justifie dans les situations dans lesquelles
plusieurs acteurs sont concernés.
La psychiatrie doit donc être considérée comme l’un des champs de prédilection pour le
développement d’une dynamique en réseau.
Trois principes guident la constitution d’un réseau. Ils suivent les caractéristiques de
fonctionnement en réseau décrites dans la première partie de l’article.
-
un partenariat à établir. La constitution du cadre du partenariat est une première étape
essentielle à la constitution d’un réseau. Dans un réseau, par définition, il n’existe pas
de « dispositif pivot » dans la mesure où le pivot du réseau est le partenariat lui-même.
Aucun des acteurs, dans un fonctionnement en réseau, ne peut prétendre, au risque
d’entraver la constitution d’un réseau, parler à la place de l’autre, c'est-à-dire, être
pivot dans une planification qui s’imposerait à l’ensemble des acteurs. Le cadre
juridique et les modalités de prise de décision au sein du fonctionnement du réseau
doivent refléter cette posture partenariale des acteurs. Le Groupement de Coopération
Sanitaire (GCS) est le cadre institutionnel conçu pour les réseaux (10).
-
un partenariat organisé autour de projets. La bonne conduite de ces projets impose de
confier la responsabilité du projet à un chef de projet (« leader ») reconnu pour sa
compétence dans le champ thématique de l’action concernée et de mettre en place les
outils d’évaluation nécessaires à un ajustement du projet à la réalité des situations
rencontrées.
-
un partenariat intégrant une démarche évaluative justifiant des financements octroyés
et procédant selon une démarche qualité.
Les priorités sont variables d’un territoire à l’autre comme la faisabilité de l’amélioration et la
nature de la réponse compte tenu du paysage très contrasté du territoire en matière
d’installation des acteurs….
Cependant, la méthodologie de constitution et de fonctionnement du réseau reste identique
malgré cette diversité.
Les points clés de la mise en œuvre d’un réseau sont les suivants :
2.1. Pourquoi un financement spécifique des réseaux ?
Le premier des objectifs stratégiques d’un réseau de santé est le décloisonnement entre les
intervenants.
La HAS, antérieurement Agence Nationale pour l’Evaluation en Santé (ANAES) (11), donne
aux réseaux la mission d’ « assurer une coordination optimale des différents intervenants
(établissements de santé, professions de santé, travailleurs sociaux, groupes de patients) de la
prise en charge optimale de pathologies lourdes, chroniques ou d’évolution fatale ; ou [d’]
assurer une prise en charge optimale des populations à risque. »
La santé mentale est l’une des disciplines les plus concernées par ce type de dispositif, compte
tenu des missions qu’elle a à remplir.
14/23
La circulaire de 2007 (3) réaffirme l’objectif principal d’un réseau, qui demeure le
décloisonnement des acteurs impliqués dans le parcours de santé de pathologies chroniques
pour lesquelles, compte tenu de leur chronicité, plusieurs intervenants seront sollicités : « le
premier objectif des réseaux de santé reste l’amélioration de la prise en charge globale des
patients favorisée par le décloisonnement entre les professionnels de ville, les établissements
de santé publics, les établissements privés à but lucratif ou non lucratif, les centres de santé,
les médecins du travail, les établissements et professionnels du secteur médico-social et du
secteur social. A cette fin, a été créée, en 2002 une enveloppe fongible au sein de l’Objectif
National des Dépenses d’Assurance Maladie s’imputant sur les autres enveloppes ».
L’attribution de moyens spécifiques pour la constitution des réseaux de santé souligne bien les
exigences, et, partant, le coût inédit que représente la poursuite d’un objectif aussi ambitieux.
A moyens constants, les professionnels du soin ne peuvent en effet dégager le temps
nécessaire pour se conformer aux exigences attendues d’un réseau de santé.
En effet, il ne suffit pas, dans le cadre d’un réseau de santé, d’assurer la collaboration
habituelle et informelle que beaucoup de soignants assurent au quotidien.
Les réseaux de santé sont des dispositifs structurés, possédant un fonctionnement propre dont
l’évaluation permet de mesurer la réalité du partenariat, et menant des actions d’amélioration
à partir de besoins exprimés et évalués sur le territoire. Ces actions d’amélioration se
déclinent au niveau territorial et au niveau de proximité, les deux niveaux étant intimement
liés. L’amélioration est évaluée selon une méthodologie rigoureuse pour garantir son suivi et
son ajustement permanent à la réalité du terrain.
Il est clair que le travail en réseau est un travail exigeant, condamné à démontrer sans faiblir
sa pertinence, sa plasticité lui offrant les outils indispensables à une adaptation permanente.
Comme le souligne la circulaire de 2007 (3) donnant consigne aux organismes de tutelle « de
veiller à ce que les financements accordés dans le cadre de la dotation régionale soient
conditionnés à la mise en place effective de ce décloisonnement, vérifiable à travers la
composition et le fonctionnement des réseaux de santé. Il est important de rappeler à cet égard
que le secteur médico-social est un acteur à part entière des réseaux ».
2.2.Comment mettre en place un réseau ?
La mise en place d’un réseau requiert avant tout l’appropriation par les acteurs d’une
« posture partenariale ». Cette posture, largement définie dans le premier chapitre, doit être
lisible dans le fonctionnement du réseau, en particulier dans les procédures de prise de
décision. En effet, les décisions prises et les actions entreprises s’imposant à l’ensemble des
acteurs du territoire, elles doivent être collégialement conçues et acceptées.
2.2.1. Coordination et fonctionnement du réseau
La première étape de constitution d’un réseau doit fixer les objectifs du réseau dans la mesure
où les objectifs fixent la nature des professionnels qui y seront conviés.
Ainsi, le RPSM 78 a choisi de prendre pour thématique la totalité des champs recouvrant la
santé mentale.
Ce choix s’est imposé devant le constat d’une intrication forte des différentes thématiques
ayant trait à la santé mentale comme des acteurs impliqués dans telle ou telle thématique, dès
lors que le parcours de santé et l’approche globale de la personne était prise en compte. Le
choix d’une thématique plus étroite fait en effet courir le risque de perpétuer des
cloisonnements au sein des acteurs de la santé mentale, notamment en induisant des
15/23
découpages fondés sur des liens privilégiés, à un moment donné de l’évolution, entre une
situation, détachée de son contexte évolutif et un des acteurs du réseau. Nous prendrons
comme exemple la situation du handicap psychique, qui constitue une interface privilégiée
des secteurs de psychiatrie avec ses partenaires traditionnels des champs social et médicosocial. Il n’est pas sans conséquence de centrer le travail du réseau sur le seul problème de la
réinsertion sans prendre en compte la prévention des handicaps qui souvent implique d’autres
acteurs que ceux qui seront requis pour la réinsertion, et, dans le champ de la prévention, de
ne s’intéresser qu’à la prévention traditionnellement portée par les secteurs de psychiatrie,
excluant la prévention qu’assurent les médecins généralistes, voire les psychologues libéraux
ou les psychiatres de ville. Tous les professionnels du soin sont requis à un moment ou à un
autre du parcours de santé du patient. Les personnes, comme les pathologies, traversent tous
les découpages qu’une structuration trop stricte de l’offre de santé voudrait instaurer.
Si, de fait, cette thématique a fait l’objet des premières actions du RPSM 78 et qu’elle a
rapidement réuni les seuls secteurs de psychiatrie, elle est toujours restée inscrite dans une
approche globale de la personne intégrant la prévention du handicap et donc les autres acteurs
sanitaires volontiers impliqués à l’origine du parcours de soin. Cela a permis de développer
des actions de dépistage précoce, notamment avec les médecins généralistes ou les
psychologues libéraux et de prendre en compte la contribution de ces professionnels à la prise
en charge des patients handicapés psychiques. De la même manière, cela a permis de poser la
question de la participation des psychiatres libéraux au suivi de patients présentant un
handicap psychique ou de l’apport possible de l’hospitalisation privée à ces patients.
Motiver les professionnels à ce travail en réseau n’est pas facile, comme en a témoigné le
rapport de l’Inspection Général des Affaires Sociales publié en 2002 (5).
Dans le RPSM 78, les partenaires ayant le plus contribué à la mobilisation des acteurs et à la
mise en œuvre d’actions d’amélioration ont été les professionnels portant une demande forte
de lien et d’amélioration du travail avec la psychiatrie : médecins généralistes d’une part et
partenaires du champ social et médico- social d’autre part.
Le caractère volontaire de l’engagement de ces partenaires a par ailleurs largement favorisé
l’affirmation par ces derniers de leurs compétences spécifiques, différentes et
complémentaires de celles des spécialistes.
Et si, à l’origine du réseau, médecin généraliste, psychiatre libéral, psychiatre public et
psychologue considéraient chacun « faire de la psychiatrie », le développement du partenariat
a permis au cours du temps de fixer ensemble les limites de la compétence de chacun et de
répondre clairement à la question du « qui fait quoi ? ».
La deuxième étape d’un réseau est de constituer un comité de pilotage composé des acteurs
impliqués dans la thématique choisie et volontaires pour participer à ce travail partenarial.
La composition de ce comité de pilotage n’est pas sans poser problème. Le RPSM 78 a choisi
et a régulièrement reconduit, une composition soignante de ce comité de pilotage. Ce choix
témoigne de la primauté du projet médical sur toute autre considération dans le
fonctionnement d’un réseau de santé, donc l’identité sanitaire du réseau.
Il est apparu important de considérer que le réseau devait conserver son identité sanitaire et
réaffirmer sa différence avec les champs social et médico-social notamment.
Ce choix était sous-tendu par deux intentions : la priorité à donner au décloisonnement des
acteurs du sanitaire d’une part et la plus grande facilité de construire un partenariat si les
identités des partenaires étaient d’emblée posées dans leur différence.
Ainsi le comité de pilotage réunit des représentants des différents établissements de santé du
territoire, publics et privés et des professionnels libéraux, médecins généralistes, psychiatres
libéraux et psychologues libéraux.
16/23
Enfin, la structure juridique du réseau doit être débattue. Le choix de donner à une
personnalité morale différente de celle des acteurs le soin de porter les objectifs du réseau est
primordial. En effet, le développement d’une culture partenariale s’oppose à la désignation
d’un établissement « pivot » pour mener cet objectif. S’il existe plusieurs formes juridiques
possibles pour un réseau de santé, le RPSM 78 a choisi, après avoir expérimenté le
Groupement d’Intérêt Public pendant plusieurs années, le GCS, forme juridique
spécifiquement conçue par le décret 2005-1681 du 26 décembre 2005 pour les réseaux de
santé, qui présente plusieurs avantages importants, et notamment :
- Il autorise le réseau à pratiquer une activité de soins ou à détenir des autorisations
d’équipements en la matière
- Il formalise un partenariat auquel peut s’associer toute personne physique ou morale,
publique ou privée
- Il garantit un fonctionnement fédératif et participatif sans présidence ni structure
dominante, avec un administrateur élu au sein de l’assemblée générale, les droits de vote
étant répartis par la convention constitutive entre les membres.
Une structuration forte pour l’encadrement des activités d’un réseau se justifie en effet par les
« obligations » de suivi fixées par les financeurs, qui rejoignent les exigences du travail
partenarial décrites ci-dessus.
Ainsi, le guide méthodologique de l’évaluation des réseaux proposé par l’ANAES en 1999
(11), et reconduit largement dans les documents ultérieurs fixant les termes de l’évaluation
des réseaux, recommande d’évaluer la réalité du partenariat établi sur la base des indicateurs
suivants rappelés dans la circulaire de 2007 (3) :
« Tous les trois ans, ainsi que, le cas échéant, au terme du projet, un rapport d’évaluation est
réalisé permettant d’apprécier :
- le niveau d’atteinte des objectifs
- la qualité de prise en charge des usagers, processus et résultats
- la participation et la satisfaction des usagers et professionnels du réseau. La
participation et l’intégration des acteurs doivent faire l’objet d’une évaluation, en
particulier la capacité des acteurs du réseau à s’approprier une démarche commune.
- l’organisation et le fonctionnement du réseau
- les coûts afférents au réseau
- l’impact du réseau sur son environnement (en particulier le décloisonnement opéré
entre professionnels de ville, entre la ville et l’hôpital, liens tissés avec et entre les
structures médicales et/ou sociales)
- l’impact du réseau sur les pratiques professionnelles. La qualité de la prise en charge
des usagers aussi bien pour ce qui est des processus mis en œuvre que des résultats,
qu’il s’agisse de l’amélioration de l’état de santé des patients ou de leur satisfaction
seront évalués. »
Ces éléments d’évaluation reprennent les principaux facteurs permettant d’apprécier la qualité
et l’efficience de l’organisation mise en place : l’organisation et le fonctionnement du réseau,
la participation et l’intégration des acteurs (professionnels, établissements, services sociaux,
collectivités…), la prise en charge des patients dans le cadre du réseau et l’impact du réseau
sur les pratiques professionnelles et enfin, l’efficacité et l’efficience du réseau.
L’objectif premier d’un réseau est bien d’être un dispositif « de qualité ». La qualité de ce
dispositif tient à la cohérence et à la confiance qu’il permet d’établir entre les acteurs de la
santé mentale d’un territoire et qui lui confère la réactivité nécessaire pour faire face aux
17/23
besoins émergents sur son périmètre d’intervention. Avant tout, le réseau est un cadre préétabli de partenariat dont la valeur repose sur ce qu’il rend possible. Ainsi, par exemple, le
RPSM 78 a pu, devant l’émergence de la MDPH ou lors de la mise en place de la Maison des
Adolescents de son département, faire, dans des délais très courts, des propositions d’emblée
partenariales.
2.2.2. Le développement du partenariat dans l’action : les actions d’améliorations
apportées par le réseau constituent le meilleur levier du partenariat
Le levier le plus adapté à un travail en réseau est le partage d’un objectif d’amélioration.
Pour cela, il faut admettre la nécessité d’améliorer l’offre existante, c'est-à-dire adopter une
démarche de qualité où l’organisation et les pratiques de soins sont mises en question.
L’évaluation des besoins identifiés au sein d’un territoire permet de fixer des priorités en
tenant compte des priorités de santé publique.
Les premières thématiques ayant fait l’objet d’un questionnement dans le RPSM 78 ont été,
d’une part, le parcours de santé des patients présentant une dépression comme « pathologie
traceuse » du partenariat entre médecins généralistes et psychiatres, et, d’autre part, le
parcours de santé des patients présentant un trouble schizophrénique comme « pathologie
traceuse » du partenariat entre psychiatrie et champs social et médico-social. En l’occurrence,
ces deux pathologies ont à l’expérience permis de tracer les dysfonctionnements liés aux
cloisonnements des différents intervenants de la prise en charge.
La méthode de travail du réseau veut qu’un groupe de travail soit constitué sur décision du
comité de pilotage pour travailler sur une thématique retenue et faire des propositions
d’amélioration. Ces propositions sont discutées en comité de pilotage (instance décisionnelle
du réseau) puis soumises à l’approbation de l’assemblée générale (instance décisionnelle du
GCS).
Le rôle de ces groupes de travail est essentiel. Comme cela a déjà été souligné, il est capital
qu’un chef de projet soit désigné, « leader » de projet reconnu par l’ensemble des participants
au groupe pour sa compétence sur la thématique et ses capacités d’animation et d’écoute.
Toute amélioration proposée doit avoir au préalable évalué l’importance du besoin ou du
dysfonctionnement qu’elle vise à réduire, la nature des ressources disponibles et la possibilité
de les mobiliser et, une fois ces données acquises avoir fixé les objectifs d’amélioration
poursuivis.
Aucune amélioration ne peut être proposée si l’analyse des données acquises à l’étape
précédente n’est pas réalisée avec l’ensemble des partenaires concernés et si les décisions
prises en vue d’une amélioration ne font pas l’objet d’un consensus.
Toute amélioration proposée fixe les responsabilités de chacun dans l’action. Le suivi
partenarial de l’action mise en place permet de veiller à son ajustement par rapport à l’objectif
poursuivi et à sa faisabilité et son acceptabilité par les acteurs concernés.
Ainsi, la démarche du travail en réseau suit une méthodologie de travail précise dont
l’intention n’est pas seulement de rendre lisible pour les financeurs le travail accompli mais
surtout vise à apporter aux acteurs impliqués dans l’action toutes les garanties d’objectivité
18/23
dont ils ont besoin pour ne pas suspecter le réseau de s’appuyer sur des arguments d’autorité
pour prendre ses décisions. Cette méthode permet d’assurer que les décisions seront prises sur
les seuls arguments de qualité. La qualité, dans un réseau, se définit par la prise en compte des
faits que des enquêtes de terrain permettent de mettre à jour, sur les données issues de la
littérature permettant de guider les décisions et sur la connaissance liée à l’expérience des
membres du groupe.
Les dispositifs dédiés doivent se soumettre aux mêmes exigences évaluatives que celles qui
s’imposent au fonctionnement du réseau lui-même. Le financement notamment repose sur un
« rendu public » du service effectivement apporté en regard des objectifs initialement fixés.
Les modalités de partenariat doivent être formalisées par des procédures conventionnelles
précisant ce que chacun s’engage à faire dans les différentes situations rencontrées par le
patient ou sa famille ainsi que les responsabilités de chaque partenaire dans le parcours de
santé du patient. A titre d’exemple, dans le cadre du RPSM 78, les soignants d’un patient
requérant une solution d’hébergement auprès d’un acteur social ou médico-social s’engagent
par écrit à assurer son suivi sanitaire. Des groupes de concertation pluri- professionnels,
réunissant les acteurs sanitaires et sociaux, s’inscrivant dans la démarche qualité du réseau,
s’assurent du respect des conventions passées et des modifications éventuelles à y apporter.
2.2.3. La méthode de travail, dans un réseau, est formalisée comme une action
d’amélioration de la qualité de l’organisation et des pratiques de soin
L’objectif d’un réseau est, in fine, l’amélioration de l’organisation et des pratiques de soins.
La HAS ne s’y est pas trompée en définissant le réseau comme une démarche d’amélioration
de la qualité permettant aux participants à un réseau de santé de répondre à l’obligation
d’évaluation des pratiques professionnelles (12).
La méthode partant des faits (enquêtes de terrain) pour concevoir de manière partenariale une
réponse qui soit réaliste et applicable, assurant le suivi de l’amélioration attendue et
l’ajustement permanent aux données d’évaluation du dispositif constitue bien la séquence
habituelle de la démarche qualité telle qu’elle est définie par la HAS.
Si le réseau prend essentiellement pour objet l’amélioration de l’organisation des soins et la
coordination des acteurs, il reste, pour les actions qu’il met en place, un cadre privilégié
permettant d’aborder l’amélioration des pratiques de soins.
Le guide d’évaluation des réseaux de santé élaboré par l’ANAES en 1999 (11), précise que
« l’évaluation doit notamment porter sur :
- l’utilisation des protocoles de soins et d’organisation
- les modalités d’adaptation, d’élaboration ou de révision de ces protocoles
- l’impact du réseau sur les pratiques médicales et en particulier sur : la généralisation
de l’application des référentiels, l’utilisation en routine des procédures, le
développement des relations transversales (entre professionnels, entre la ville et
l’hôpital, etc.), et la mise en place de l’évaluation des pratiques professionnelles. »
L’exigence d’une protocolisation des soins dans le cadre des réseaux ne doit cependant pas
faire du réseau un dispositif où chaque partenaire se soumet à un exercice protocolé, défini
sans lui, bien au contraire.
Le réseau est un cadre permettant d’élaborer et de formaliser des liens entre les acteurs en
fonction des situations traitées et de le faire de manière consensuelle et partenariale sur la base
19/23
du recours à différents savoirs : données obtenues par les enquêtes de terrain, savoirs liés à
l’expérience des acteurs, savoirs issus des données acquises par la discipline.
Le réseau est un cadre qui, de fait, s’oppose à l’application systématique de référentiels
élaborés de manière académique. Il inscrit la démarche de qualité dans la réalité du terrain et
amène les professionnels, en s’interrogeant sur les meilleurs réponses à donner à des besoins
non satisfaits ou à des dysfonctionnements repérés et évalués, à promouvoir une démarche de
qualité où les objectifs d’amélioration sont fixés par le terrain et non par les seules données
scientifiques.
Cette qualité s’évalue par le biais d’indicateurs préalablement définis : « L’utilisation
d’indicateurs préalablement définis pour mesurer l’impact du réseau sur la prise en charge des
personnes d’un point de vue quantitatif et qualitatif (moindre morbidité, moindre dégradation
de l’état fonctionnel et cognitif, diminution du recours à l’hospitalisation). Seront également
évalués : la quantification des évènements indésirables préalablement identifiés et
l’observation de la maîtrise de ces évènements indésirables ou dysfonctionnements ».
Une démarche de qualité implique également, sous diverses formes, l’organisation de
séquences de formation. Le réseau doit en conséquence promouvoir le partage de
connaissances afin d’instaurer un « langage commun » entre des professionnels issus
d’horizons différents. La psychiatrie se situe, compte tenu de ses compétences, souvent dans
une posture d’aide aux aidants. Cette notion d’aide aux aidants vient préciser le cadre de
transmission des connaissances le plus adapté à un partenariat effectif des acteurs. Ce que l’on
nommait traditionnellement les « actions médiatisées » se prête tout particulièrement à la
posture d’aide aux aidants attendue des spécialistes. Il ne s’agit en effet pas pour eux
d’apporter des réponses aux questions que posent, aux partenaires du champ social, les
situations qu’ils rencontrent et dont ils sont responsables. Il s’agit par contre de leur apporter
le contenu de connaissances adapté à leur exercice et à leur formation afin qu’ils puissent les
utiliser tout en restant dans leur champ de compétence.
L’aide aux aidants sanitaires se décline de la même manière. La formation à apporter aux
médecins généralistes procède davantage d’une aide au raisonnement clinique et de la
diffusion des seules connaissances utiles à leur exercice. Les connaissances à diffuser aux
spécialistes dans le cadre d’un réseau se déclinent davantage dans un cadre conjoint
d’évaluation des pratiques professionnelles, par la diffusion de techniques de soins innovantes
tels que les centres experts peuvent l’assurer ou par une diffusion des connaissances acquises
dans les dispositifs dédiés constitués dans le réseau.
2.2.4. La prise en compte des contraintes financières
Cette prise en compte se décline de différentes manières dans le réseau :
- l’optimisation de l’utilisation des ressources
- les exigences de gestion au sein du réseau
- la valorisation de l’activité développée au sein du réseau, amorce d’une valorisation de
l’activité psychiatrique du territoire
L’optimisation de l’utilisation des ressources est un des objectifs affichés des réseaux, comme
l’exprime le texte de 2007 : « la nécessaire optimisation des ressources amène à favoriser
systématiquement l’utilisation mutualisée des moyens ». Les textes les plus actuels de la HAS
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portant sur les modalités de coopération (13) témoignent de ce souci d’optimisation des
ressources.
Dans le cadre du RPSM 78, une forme de communauté hospitalière de territoire, intégrant
l’ensemble des établissements impliqués dans la santé mentale, qu’ils soient publics, privés
participant au service public ou privés à but lucratif, s’est spontanément constituée pour
répondre à certaines thématiques comme, par exemple, l’organisation des circuits de l’urgence
sur le territoire. Une mutualisation, au moins partielle, de certaines missions d’établissements
a été réalisée, par exemple avec un poste de médecin responsable de l’information médicale
partagé.
Quant à la coopération des acteurs, il est essentiel qu’elle soit l’objet d’une expérimentation
approfondie avant d’être entérinée dans les textes. La mise en œuvre de dispositifs ad hoc est
indispensable à l’analyse des délégations de compétence possibles sans risque pour la qualité
des soins. Le dispositif de soins partagés entre médecins généralistes et psychiatres, les
prestations spécifiques de psychothérapie proposant un cadre dérogatoire pour que les
psychologues libéraux puissent assurer des psychothérapies en ville faisant l’objet d’un
remboursement, ou le dispositif d’interface entre professionnels du champ sanitaire et
professionnels du champ social et médico- social, sont autant de cadres mis en place dans le
RPSM 78 pour analyser la nature des coopérations possibles entre acteurs et les éventuelles
délégations de compétences réalisables dans des conditions de qualité et de sécurité
acceptables.
Les exigences de gestion au sein du réseau doivent conduire un réseau de santé à se doter
d’une direction à double compétence médicale et gestionnaire, ainsi qu’à un temps dédié à la
coordination sur le terrain. La nécessité d’un encadrement juridique, financier et institutionnel
fort impose de faire appel à des compétences administratives que les professionnels du soin ne
possèdent pas.
La valorisation de l’activité développée au sein du réseau est une obligation imposée par le
Fond d’Intervention pour la Qualité et la Coordination des Soins. Les coûts afférents au
fonctionnement du réseau permettent d’établir le coût de la coordination comme les coûts
afférents aux dispositifs de santé mis en œuvre sont l’occasion d’analyser les coûts de telle ou
telle activité relevant de la psychiatrie.
Ainsi, le dispositif de soins partagés a permis d’établir trois types de forfaits de coordination
relevant de l’activité spécifique déployée au sein de ce dispositif.
De même, le dispositif d’interface entre les champs sanitaire, social et médico-social dispose
d’une analyse fine des activités « médiatisées » de la psychiatrie auprès de ses partenaires
permettant d’y affecter un coût.
Cette évaluation permet de rendre lisible les coûts de la coordination pour d’une part
maintenir la dynamique d’un réseau et pour d’autre part construire, au niveau du soin luimême, un dispositif de suivi assurant prévention, continuité des soins et réinsertion dans les
meilleurs conditions de qualité et de sécurité.
Les professionnels qui s’engagent dans un fonctionnement en réseau doivent faire valoir les
coûts de la coordination qu’ils se proposent de mettre en œuvre et des dispositifs partenariaux
soignants qu’ils pourront proposer.
Conclusion
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Le réseau est une structure évolutive, réactive, adaptative grâce au partenariat qu’elle pose
préalablement à toute nouvelle action.
Le réseau est donc avant tout la constitution d’un cadre partenarial dont la dynamique
s’enrichit avec la réalisation d’objectifs d’amélioration.
Le réseau ne se résume ni à une communauté hospitalière de territoire (qu’il intègre), ni à une
coopération des acteurs dans le grain fin de la prise en charge, qu’il intègre par le biais de la
question des délégations de compétences analysée à l’aune de la qualité et de la sécurité de la
prise en charge, conformément à la démarche qualité que le réseau adopte comme principe
essentiel de fonctionnement.
La notion de réponse aux besoins identifiés au sein d’un territoire permet d’y fixer des
priorités spécifiques et d’y préserver la marge de créativité propre à sa personnalité.
Chaque acteur doit pouvoir trouver sa place dans une coordination établie au niveau d’un
territoire plus large que celui du secteur de psychiatrie, tout autant qu’au niveau du soin de
proximité.
Mais le travail en réseau est un travail exigeant qui, en outre, décentre les professionnels de
leur place traditionnelle. Le réseau implique la mise en question des pratiques en vue de leur
amélioration et impose de rendre compte de son activité réelle pour un financement adapté.
C’est en se pliant à ces obligations sans rien concéder sur la qualité des soins, que les
soignants peuvent valoriser leur activité et faire valoir les arguments soignants dans les
décisions à prendre. Le réseau constitue, dans une visée soignante, la garantie de faire valoir
la qualité des soins et des organisations, de faire un relevé de qualité et d’activité permettant
de justifier des coûts, notamment d’y intégrer le coût de la coordination, de montrer l’impact
sur la qualité des soins sur les patients, de poser les questions dans un partenariat établi et
d’apporter une réponse fortement orientée par les exigences soignantes de qualité et de
continuité des soins.
Conclure un article sur les réseaux ne peut faire l’économie, au moment même où la Loi
« Hôpital, Patients, Santé, Territoire » vient d’être adoptée (14), de s’interroger sur leur
avenir.
Dans ce sens, Jocelyne Rajnchapel-Messaï écrit, dans l’éditorial de la revue Filières&Réseaux
de mars/avril 2009 (15) : « verra t on demain la suppression des réseaux de santé au profit des
maisons de santé ou de pôles ? Les décideurs vont-ils appréhender la complémentarité de ces
structures dans l’offre de soins d’un territoire ? Ne risque-t-on pas d’assister à leur mise en
concurrence pour les crédits du FIQCS ? ».
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Références Bibliographiques
1) Massé G., Houver J., Martin-Leray C., Graindorge E., Kannas S. Santé Mentale et
Réseaux, Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris,
tous droits réservés), Psychiatrie, 37-956-A-10, 2001, 5p.
2) Circulaire du 15 mars 1960 relative au programme d’organisation et d’équipement des
départements en matière de lutte contre les maladies mentales
3) Circulaire n°DHOS/O3/CNAM/2007/88 du 2 mars 2007 relative aux orientations de la
DHOS et de la CNAMTS en matière de réseaux de santé et à destination des ARH et
des URCAM.
4) Circulaire DHOS/03/DSS/CNAMTS n° 2002-610 du 19 décembre 2002 relative aux
réseaux de santé
5) Daniel C., Delpal B., Lannelongue C., Membres de l’Inspection Générale des Affaires
Sociales « Contrôle et évaluation du fonds d’aide à la qualité des soins de ville
(FAQSV) et de la dotation de développement des réseaux (DDR) » rapport de
synthèse, Rapport n°2006 022, Mai 2006
6) Hardy-Baylé MC, Bronnec C. « Jusqu’où la psychiatrie peut-elle soigner ? » Paris :
Odile Jacob, 2003, 256 p.
7) Boltanski L., Chiapello E., « Le nouvel esprit du capitalisme », Paris, Gallimard,
« NRF Essais », 1999.
8) Circulaire n° 5780 du 21 décembre 1987 relative à la planification en santé mentale et
à la préparation de la mise en place de la carte sanitaire en psychiatrie.
9) Loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées
10) Décret n° 2005-1681 du 26 décembre 2005 relatif aux groupements de coopération
sanitaire et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires)
11) « Réseaux de Santé – Principes d’évaluation des réseaux de santé », ANAES, août
1999
12) Haute Autorité de Santé « Les Réseaux de Santé », dans « une démarche
d’amélioration de la qualité », juillet 2004
13) Haute Autorité de Santé, « Délégation, transferts, nouveaux métiers…. Comment
favoriser des formes nouvelles de coopération entre professionnels de santé ? »
Recommandation HAS en collaboration avec l’ONDPS, Avril 2008
14) Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux
patients, à la santé et aux territoires
15) J. Rajnchapel-Messaï, Edito, Revue Filières&réseaux 2 santé, n°25, mars/avril 09, p.5
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