tableau de Caravage peint entre 1599et 1600 pour la chapelle

Transcription

tableau de Caravage peint entre 1599et 1600 pour la chapelle
LA VOCATION DE SAINT MATTHIEU
La vocation de St Matthieu est un tableau de Caravage peint entre 1599 et 1600 pour la
chapelle Contarelli dans l’église St Louis des Français à Rome.
Dans ce tableau, nous voyons deux parties distinctes. Comment le peintre va-t-il les réunir ?
A gauche cinq personnages sont assis autour d’une table, richement vêtus d’habits
contemporains. Matthieu, collecteur d’impôts reçoit des personnes qui sont venus payer leur
dû. On aperçoit, sur la table, les pièces de monnaie, le livre de comptes et l’encrier avec la
plume pour écrire dessus. Ces personnes sont dans une pièce sombre. Le volet intérieur de la
fenêtre est entrouvert mais ne laisse pas passer de lumière.
La lumière vient de la droite, une lumière vive qui laisse apercevoir deux personnes en clair
obscur sur l’ombre portée. Nous y voyons le Christ et St Pierre, pieds nus et en habit d’époque
biblique qui contrastent avec les riches vêtements des autres personnes. Ils entrent dans la
pièce et font un geste de la main vers le groupe. Ce geste est un appel très fort du Christ,
Françoise Rollin, rscj
jeune, avec son bras tendu, repris par la main de St Pierre, de dos et reconnaissable à sa
coiffure. Seule sa main est bien visible, qui accompagne discrètement le geste de Jésus.
Quelle réponse voyons nous à cet appel ? Les visages des personnages du groupe expriment
des réactions et sentiments divers.
Deux des personnes, à gauche, ignorent complètement Jésus et Pierre, et ne les regardent
même pas absorbés à compter leurs pièces. Comme dans la parabole du semeur, le grain
semble tomber dans les cailloux du chemin. Ici la graine ne germe même pas.
Un autre, un jeune homme en bel habit or et rouge avec un chapeau élégant à plume, se
tourne vers le Christ et semble interdit par cet appel. Que va-t-il en faire ? Etre le jeune
homme riche de l’Evangile ?
Au bout droit de la table, un autre, richement vêtu également et porteur d’une épée, est
fasciné au point d’avoir le corps entièrement tourné vers les visiteurs, les jambes à
califourchon sur le banc, oublieux de ce qu’il faisait. Va-t-il concrétiser cette attirance en
finalisant le pas esquissé ?
Au centre de ce groupe, Matthieu, plus âgé et bien assis sur sa chaise comme dans sa
profession, regarde Jésus d’un air surpris, se désignant lui-même de la main gauche, tandis
que sa main droite posée sur la table est comme interrompue dans le geste de compter. Les
gestes différents des deux mains indiquent qu’il est divisé : l’index de la gauche se désigne,
tandis que la main droite ne quitte pas les pièces d’argent qu’elle compte.
Dans une homélie, le pape Benoît XVI dit: « Les douze apôtres n’étaient pas des hommes
parfaits. Si Jésus les a appelés, ce n’est pas parce qu’ils étaient déjà des saints, mais afin
qu’ils deviennent des saints, afin qu’ils soient transformés de manière à ce que l’histoire le
soit aussi »
Et nous savons que l’appel du Christ a opéré cette transformation chez Matthieu, en
surmontant cette division de son être. « Celui qui a reçu la semence sur la bonne terre, c'est
celui qui entend la Parole et la comprend : et celui-là porte du fruit » (Mt 13 : 23)
Cet appel qui va transformer la vie de Matthieu est symbolisé par la lumière vive qui arrive
de droite en même temps que les visiteurs. Elle entre dans la pièce et va illuminer le groupe de
gauche en donnant des couleurs vives aux vêtements des personnages. Dans les œuvres
religieuses du Caravage, cette lumière indique la grâce de Dieu qui entre à l’improviste dans
la vie des hommes et qui est capable de la transformer contre toute logique humaine.
L’opposition entre les habits bibliques de Jésus et de Pierre et les riches habits
contemporains du groupe nous parle cette introduction, de cette interpellation de l’Evangile
dans nos vies actuelles. L’appel du Christ est de tous les jours et à chacun de nous.
Et cet appel est destiné à susciter en nous une nouvelle création, comme pour Matthieu. Le
geste de Jésus qui reprend exactement celui de Dieu dans la création d’Adam de Michel Ange
nous parle de cette nouvelle création dans nos vies.
Et Pierre, qui imite le geste du Christ, symbolise l’Église qui fait écho à cet appel et le relaye.
Quelle réponse donnerons-nous ?
Françoise Rollin, rscj