Dans la peau d`un lad jockey

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Dans la peau d`un lad jockey
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JEUDI 21 JANVIER 2016
WWW.SUDOUEST.FR
Pau Agglo
LE PIÉTON
Salue l’inventivité commerciale
d’un hôtelier situé non loin de son
travail. Le but de la manœuvre est
d’amener le client à franchir le sas
pour déguster un café gourmand et
le moyen est une ardoise à blanchir
de craie. La mise en œuvre consiste
à trouver une simple accroche d’actualité. Décembre : « Pendant les
fêtes, faites une pause gourmande ! » Janvier : « Pendant les
soldes, faites une pause gourmande ! » Février ? Novembre ?
HIPPISME Le meeting d’hiver bat son plein
à Pau. Les lads restent dans l’ombre mais
sont indispensables au travail du cheval.
Reportage dans l’écurie de Simone Brogi
C
AGENDA
Défense de consommateurs. L’asso-
ciation familiale laïque tiendra
une permanence sur rendezvous, aujourd’hui, de 17 h 30
à 18 h 30 ; demain, de 9 h à 11 h,
au 32 cours Lyautey.
Tél. 05 59 27 19 56.
Café sciences. Animé par Sadia
Radji, maître de conférences à
l’UPPA et membre de l’équipe de
recherche en physique et chimie
des polymères de l’Iprem, sur le
thème « Nano, microscopie et
polymère : que peuvent bien
faire ces termes ensemble ? ».
À 12 h 30, à la médiathèque
André-Labarrère, salle Interlude.
DEMAIN
UTLA. Conférence sur le thème
« L’évolution des climats au
cours des âges et les implications
géopolitiques actuelles » par
Jean-Pierre Baudelet. Le 22 janvier, à 17 h 30, à l’UPPA, faculté de
droit, amphithéâtre 600. Renseignements au 05 59 30 45 07
ou sur http://utla.pau.fr.
Maison de la montagne. Inaugura-
tion de l’exposition « Cimes pyrénéennes : galerie de portraits » de
Patrice de Bellefon, suivie d’une
conférence sur le thème « Alpinisme, risque et écologie ». Le
22 janvier, à 19 h, à la Cité
des Pyrénées, rue Berlioz.
L’ESC Pau ouvre ses portes au public ce samedi, de 13 à 18 heures. Comme
chaque année, enseignants et étudiants feront visiter les locaux de l’école
qui dépend de la CCI Pau-Béarn, et dispense des formations depuis le bac + 2
en passant par un programme Bachelor et des formules d’alternance. PHOTO L. L.
Dans la
peau d’un
lad jockey
TEXTE : MARIE DESHAYES
PHOTOS : DAVID LE DEODIC
AUJOURD’HUI
L’École supérieure de commerce s’ouvre
’est la course. Pas seulement
sur les pistes, mais aussi dans
les écuries, avant d’aller monter les chevaux à l’entraînement.
Toutestchronométré,lesgestessont
précis et rapides. Il faut desseller les
chevaux qui viennent d’être montés
avant de repartir sur une autre « rotation »,uneheureoùleslads(1)vont
préparer leurs chevaux et les sortir
sur les pistes.
CorentinBergén’apasletempsde
s’amuser avec le jeune cheval de
3 ans qui essaye de lui mordiller sa
veste alors qu’il est en train de le sangler. Il fait ses classes chez l’Italien Simone Brogi, qui a ouvert son écurie,
enmarsdernier,audomainedeSers.
Le jeune homme de 15 ans pourra y
rester jusqu’à la fin de sa scolarité. Et
peut-être être embauché ensuite…
Petit et fin, il a commencé sa formationdeladenquatrièmeetseprépare à un bac pro. Il entame sa troisième année aux côtés des chevaux.
« Je suis né dans le milieu. La passion
est venue comme ça, tout petit, j’allais dans les hippodromes. Ma mère
était cavalière d’entraînement. »
Déjà titulaire d’un galop 5 (sur 7) en
équitation, il a choisi ce métier pour
être auprès de chevaux avant tout.
« C’est la base. Et puis j’aime bien la
vitesse, la compétition. »
5 % deviennent jockeys
Les élèves comme lui partagent leur
temps entre l’École des courses hippiques de Mont-de-Marsan et leur
travail dans une écurie de course,
dans son cas à Pau : « À peu près quatre semaines là-bas et quatre semainesici. »Environ5 %desladsparviendront à devenir jockey. C’est
l’ambition de Corentin. Pour mettre
les chances de son côté, « déjà, il ne
faut pas être lourd. Ensuite, il faut
être travailleur. Et avoir un peu de talent ». Le jeune homme définit ainsi
le bon jockey : « Il a une main douce
avecleschevaux,ilestcalme,ilnes’affole pas dans les courses quand il y a
des moments compliqués. C’est
quelqu’un qui a beaucoup de sangfroid et qui s’adapte. » Et c’est un
homme de cheval, aussi. « Si on
n’aime pas les chevaux, on ne vient
pas ici. Il faut être ferme, mais on les
respecte beaucoup. Sinon ils ne
pourraient pas donner le meilleur
d’eux-mêmes et ils ne seraient pas
heureux. Et quand on n’est pas heu-
reux, on ne se donne pas tout le
temps », soutient le jeune homme.
Un brin de philosophie, les bottes
dans la paille.
Un rythme à prendre
Corentin est jeune, a-t-il des idoles ?
« Oui, bien sûr ! Ioritz Mendizabal,
qui a été formé dans le Sud-Ouest. Et
un jeune jockey comme Pierre-Charles Boudot », qui vient de remporter
une cravache d’or.
Pour suivre leurs pas, des années
de labeur sont nécessaires. Les journées commencent très tôt (lire par
ailleurs)maisapparemment,celane
dérange pas Corentin. « Au début
c’est un peu dur, mais c’est un
rythme à prendre. » Quand il neige
ou que la piste est gelée, les cavaliers
ne sortent pas. Mais qu’il pleuve ou
qu’il vente, pas d’excuse pour rester
au chaud. On y va. « Quand on est
bien équipés, il n’y a pas de problème », relativise Corentin. Les chevaux, en ce jour d’averses de janvier,
ont droit à deux couvre-reins : un en
polaire et un imperméable.
Hop, pas le temps de s’épancher
davantage, il faut mettre le filet et se
mettre à cheval sous l’œil de l’entraîneur. Simone Brogi, spécialisé en
plat, est présent sur Pau depuis cinq
ans et a monté sa propre écurie en
mars 2015, après avoir été assistant
de Jean-Claude Rouget, entraîneur
palois bien connu dans le milieu. Il
accueilledeuxélèvesenplusdes11salariés : « Corentin, qui est bien avancé,c’estuntrèsbonélément » ;etManon, plus jeune que Corentin. « Avec
les élèves, je préfère être prudent et
y aller doucement. Je ne veux pas
qu’ils prennent peur ». Les accidents
La maison au milieu des chevaux
AFASEC Les élèves ne rentrent pas chez eux le
soir, mais dorment à la résidence, comme certains
salariés. La vie en collectivité doit s’organiser
En France, sept résidences de l’Afasec (1) accueillent élèves, apprentis
ou salariés des écuries de courses. À
Pau, soixante chambres sont disponibles pour les salariés des écuries,
et 11 chambres doubles sont réservées aux élèves comme Corentin et
Manon. Toute une vie en collectivité s’y organise.
Le self est le centre de la ruche. Les
résidents sont invités à suivre un
menu équilibré même s’ils peuvent
se faire plaisir de temps en temps.
Le lundi, par exemple, c’est steak-frites. Les jeunes élèves sont loin
d’avoir fini leur croissance, donc pas
de restriction draconienne. Les jockeys, eux, ont pour obsession leur
poids, qu’ils veulent maintenir voire
baisser par tous les moyens… Pas
besoin de se faire violence à ce point
quand on ne monte pas en courses.
Exercices spécifiques
Laurent Laffitte, responsable de
l’établissement palois depuis environ quatre ans, veut inciter les
résidents à respecter leur corps et
leur santé. Cela passe aussi par des
exercices de sport spécifiques
pour améliorer la motricité,
l’équilibre, ou s’étirer, même si
leurs journées à rallonge sont
déjà bien sportives. Un cheval mécanique est là pour ceux qui veulent travailler leur position. Une
psycho-esthéticienne intervient
aussi régulièrement pour aborder le sujet de la place des filles
dans ce milieu qui reste globale-
ment très masculin, même si les
élèves sont en majorité féminines.
caméra de surveillance veille au
grain. « C’est juste pour aider le
veilleurdenuitencasdeproblème »,
tempère Laurent Laffitte. Pas toujours évident, en effet, d’arbitrer les
problèmes d’adolescents qui passent leur vie à cheval entre Mont-deMarsan et Pau, sans leur famille. Ce
sont donc les animateurs de la résidence qui prennent le relais. Ils vérifient que le ménage est fait, que les
jeunes sont couchés à 21 h 45 après
le brossage de dents réglementaire… À Pau, deux personnes sont
dédiées au suivi socio-éducatif des
élèves (et une personne accompagne les tout jeunes salariés). « Mais
on exige quand même un contact
avec les parents. Ce lien est important à 14, 15 ou 16 ans. Même si les gamins ne le disent pas forcément ».
Problèmes d’ados
Dans les couloirs des chambres, une
(1) Association de formation et d’action
sociale des écuries de courses.
LE GRAND PRIX
Fin de semaine chargée pour les
entraîneurs, jockeys, lads et propriétaires du domaine de Sers,
puisque deux réunions sont prévues à l’hippodrome, dont celle
d’aujourd’hui, avec huit courses en
plat et steeple-chase. Attention,
début à midi.
Surtout, dimanche, l’hippodrome
accueillera le Grand Prix de Pau Biraben, LA course très attendue par
les turfistes, qui prendra place au
sein d’un meeting de six courses à
obstacles et deux plates. Il s’agira
du 128e Grand Prix, excusez du peu.
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Pau Agglo
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« À quoi ça sert de grandir ? », c’est à voir
Le Tam-Tam Théâtre, basé au Foirail, reprend la pièce « A quoi ça sert de
grandir ? », une adaptation originale de la pièce de Dominique
Richard, vendredi 29 janvier, à 20 h 30. Ou les interrogations d’un ado,
l’incompréhension de son père, traitées de manière sensible. ARC. L. L.
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Journée de travail
■ Voici à quoi ressemble la journée
de travail type de Corentin, au domaine de Sers. « Je me lève à 5 h 15.
J’arrive aux écuries un peu avant
6 heures (une navette passe prendre
les élèves et salariés à 5 h 40,
NDLR). Il faut faire les boxes et les
soins aux chevaux. On les prépare
pour le premier lot. On sort vers
7 heures pendant une heure. On
monte quatre chevaux dans la matinée. On va à la piste pour échauffer
les chevaux puis on fait le travail : du
trot, du galop de chasse… On a des
consignes précises en fonction de
chaque cheval, selon leur condition
physique. C’est le travail de fond
quotidien. On revient aux écuries, on
fait les soins, on change de cheval et
on fait comme ça toute la matinée.
Et après il faut balayer la cour, etc.
On revient le soir, vers 17 heures, pour
mettre du foin, de l’eau, du grain aux
chevaux. »
Tous les matins, les cavaliers d’entraînement sortent les
chevaux sur les pistes pour les préparer physiquement et
mentalement à leurs prochaines courses. Simone Brogi,
entraîneur italien basé à Pau, donne le tempo
sont vite arrivés mais pour retrouver confiance à cheval, cela demande du temps.
« Il aura ses élèves pendant deux,
trois, quatre ans. Au bout du compte, s’il les embauche par la suite, il
aura formé ses propres salariés, indique Laurent Laffitte, responsable
de la résidence Afasec où logent les
deux jeunes. Après, on peut tomber
sur des élèves qui ne sont pas aptes
à ce métier. Et là, c’est notre rôle de le
leur dire. Il ne faut pas tricher, il faut
vraiment être passionné. »
Simone Brogi renchérit : « Oui,
c’est tellement dur qu’il ne faut pas
forcer les choses. Si on le fait juste
pour avoir un salaire à la fin du mois,
ce n’est pas suffisant. » D’autant plus
qu’il peut ne pas être très élevé selon
les écuries…
Pour les élèves, l’entraîneur paye
une partie des frais de scolarité à
l’école. Les jeunes reçoivent un petit
pécule par mois.
Délicats pur-sang
Ce jour-là, le sol est détrempé et un
peu trop profond sur les pistes du
centre d’entraînement. Direction,
donc, la piste en sable fibrée de l’hippodrome pour faire courir les che-
vaux. Cela correspond bien au pursang anglais, qui est « très délicat »,
selonl’entraîneur.« Onn’yarrivepas
toujours mais on essaye de prévenir
les problèmes. »
Les chevaux tournent en rond
avant de s’élancer. Simone Brogi se
met au centre et distribue ses consignes. Chacun sa vitesse. « Il y a des
chevaux qui vont courir dans pas
longtemps, donc ils courent plus
vite. » L’entraîneur monte ensuite
en tribune pour avoir un meilleur
point de vue sur le travail de ses chevaux. « Celui-ci va courir à Cagnessur-Mer. C’est un bon cheval, un
vieux, 4 ans. Elle, elle court demain à
Pau. Elle, elle va débuter peut-être à
Toulouse. » Simone Brogi travaille
aujourd’hui 41 chevaux.
Fin de la rotation, on enchaîne sur
la suivante. Et ainsi de suite, jusqu’à
ce que les chevaux obtiennent des
résultatsetquelesélèvesdécrochent
leur diplôme.
Corentin Bergé a 15 ans. Il veut devenir jockey
Le travail aux écuries commence dès 6 heures du matin
(1) Terme anglais désignant le garçon
d’écurie qui soigne les chevaux de course.
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Chaque cavalier doit gérer la vitesse de son cheval

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