Joseph Blatter, les raisons d`une démission surprise

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Joseph Blatter, les raisons d`une démission surprise
UNIVERSITÉS
& GRANDES
ÉCOLES
SUPPLÉMENT
Jeudi 4 juin 2015 ­ 71e année ­ No 21890 ­ 2,20 € ­ France métropolitaine ­ www.lemonde.fr ―
Fondateur : Hubert Beuve­Méry
GRÈCE
ALEXIS TSIPRAS
ET SYRIZA
AU PIED DU MUR
Joseph Blatter,
les raisons
d’une
démission
surprise
→
LIR E LE C A HIE R É CO PAGE 3
SOMMET DU G7
ANGELA MERKEL
AU « MONDE » :
« L’ESPOIR
D’UN ACCORD
SUR LE CLIMAT »
→ LIR E
▶ Le président de la FIFA a démissionné,
PAGE 1 6
NSA :
UN PREMIER PAS
POUR
LES LIBERTÉS
PUBLIQUES
mardi, quatre jours après sa réélection
▶ Selon les médias américains, M. Blatter
serait désormais directement visé par le FBI
dans l’enquête sur la corruption
→ LIR E P A GE S 2 E T 3
→
LI R E P A G E 24
SYRIE
LA RUSSIE S’ÉLOIGNE
DU RÉGIME
DE BACHAR AL-ASSAD
A Zurich, en mai 2008.
JEAN REVILLARD/REZO POUR « LE MONDE »
Collège : les pistes de refonte des programmes d’histoire
→
▶ La concertation sur
▶ Le CSP envisage
▶ L’instance indépen­
▶ Les projets de nouveaux
les programmes d’histoire
se poursuit avec une série
de forums organisés
par le Conseil supérieur
des programmes (CSP)
de supprimer le distinguo
en histoire entre
les enseignements
obligatoires et ceux pré­
sentés comme facultatifs
dante envisage de faire
étudier l’islam dès la 6e,
en même temps
que le christianisme
et le judaïsme
programmes sont aussi vi­
vement critiqués en fran­
çais et en sciences, notam­
ment en mathématiques
LE LABORATOIRE
FUTURISTE
DE FACEBOOK
À PARIS
L’ISLAM, VARIABLE
ÉLECTORALE DE
NICOLAS SARKOZY
par cécile chambraud
et matthieu goar
C’
est l’histoire d’une grande ambition qui
s’est peu à peu dégonflée. Annoncée le 7 fé­
vrier par Nicolas Sarkozy devant le conseil
national de l’UMP, la « journée de travail sur l’islam »
aura certes lieu jeudi 4 juin au siège des Républicains.
Mais elle se tiendra à huis clos, en « petit comité, avec
les élus du mouvement intéressés », selon une source
du parti. Autant dire en toute discrétion…
Le président du parti a d’abord rencontré une
vive opposition interne. Sa vice­présidente délé­
guée, Nathalie Kosciusko­Morizet, avait dénoncé,
le 10 mai, « une mauvaise idée, parce que cette
question, ce n’est pas le seul sujet ». Aucun des prin­
cipaux rivaux de M. Sarkozy, comme Alain Juppé,
François Fillon ou Bruno Le Maire, ne devrait
d’ailleurs être présent jeudi.
Les participants ne pourront pas non plus comp­
ter sur la présence de nombreuses personnalités
musulmanes. Mardi soir, une source évoquait seu­
lement « quelques membres des fédérations », sans
citer de noms.
LE REGARD DE PLANTU
→
LIR E L A S U IT E PAGE 8
A Hawaï,
le poison des
multinationales
de l’agrochimie
ENQUÊTE
Située au milieu du Pacifique
et bénéficiant d’un climat qui
lui permet trois récoltes dans
l’année, Hawaï est un paradis
pour les multinationales de
l’agrochimie, qui y testent des
semences OGM résistantes aux
pesticides. Une culture intensive
qui génère une pollution à grande
échelle et d’importants problè­
mes de santé publique. Les habi­
tants de l’archipel, malades, se
révoltent contre le sort infligé à
leur terre ancestrale, désormais
surnommée « Poison Valley ».
→
TECHNOLOGIE
LIR E PAGE 1 1
→
8NOMINATIONS
Aux OScArS
LIR E LE C A HIE R É CO PAGE 7
PrIxdelAMeIlleure
AdAPTATION
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LIR E PAGE 1 5
Algérie 180 DA, Allemagne 2,50 €, Andorre 2,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,20 €, Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 €, Finlande 4 €, Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,50 €, Guadeloupe-Martinique 2,40 €, Guyane 2,80 €, Hongrie 950 HUF,
Irlande 2,50 €, Italie 2,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 €, Malte 2,50 €, Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 €, Portugal cont. 2,50 €, La Réunion 2,40 €, Sénégal 1 900 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,80 €, Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 9 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA
2 | international
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
L A C O R R U P T I O N À L A F I FA
Joseph Blatter, après l’annonce
de sa démission de la présidence
de la FIFA, mardi 2 juin, à Zurich.
VALERIANO DI DOMENICO/AFP
FIFA : la chute de Joseph Blatter
Acculé par les accusations de corruption, le Suisse a démissionné de la présidence de la fédération
L
es journalistes assis dans
l’auditorium du « Home
of FIFA », imposant bâtiment de béton et de verre
perché sur les collines de Zurich,
ont vite compris qu’ils allaient vivre un moment historique.
Mardi 2 juin, à 18 h 45, le président de la Fédération internationale de football, Joseph Blatter,
est entré, le visage fermé, dans
cette grande salle réservée aux
conférences de presse. Debout
face à son pupitre, celui qui tient
d’une main de fer les commandes
de l’institution depuis 1998 a annoncé son abdication prochaine.
Le 29 mai, soit quatre jours
auparavant, cet animal politique
doté d’une habilité qui confine au
funambulisme avait pourtant été
triomphalement réélu pour un
cinquième mandat de quatre ans
lors du 65e congrès de l’institution. Entré à la FIFA en 1975,
comme directeur des programmes de développement, secrétaire général puis successeur du
Brésilien Joao Havelange (19741998), le dirigeant âgé de 79 ans a
indiqué qu’il démissionnerait
après un « congrès électif extraordinaire », programmé entre décembre 2015 et mars 2016.
« Ce mandat n’a pas le soutien de
l’intégralité du monde du football », a-t-il gravement observé,
rappelant ses « quarante années
passées à la FIFA. » Le Suisse a précisé qu’il ne serait pas candidat
lors du prochain scrutin et se concentrerait d’ici là « sur la mise en
œuvre de réformes ambitieuses et
profondes », évoquant la nécessité d’une « restructuration » du
gouvernement du foot mondial.
Après avoir lu sa déclaration
d’une voix posée, il a rapidement
quitté l’auditorium sans répondre
aux questions des médias. Sans
un mot sur le scandale de corruption qui secoue la FIFA depuis une
semaine et qui aura finalement
eu raison de lui.
« Campagne de haine »
Avant l’arrestation mercredi
27 mai, à Zurich, sur ordre de la
justice américaine, de sept de ses
dirigeants, dont son vice-président Jeffrey Webb, puissant patron de la Confédération d’Amérique du Nord, centrale et des Caraïbes (Concacaf), « Sepp » Blatter
paraissait pourtant fermement
assis sur son trône. Comme indéboulonnable.
S’il ciblait neuf sommités de la
Fédération internationale pour
150 millions de dollars de dessous-de-table versés depuis 1991
dans le cadre de la commercialisation des droits médias et marketing de plusieurs compétitions,
l’acte d’accusation déposé le
27 mai par le tribunal fédéral de
Domenico Scala, le réformateur
Après l’annonce de la démission du Suisse Joseph Blatter, son
compatriote Domenico Scala, 50 ans, a été chargé de mettre en
œuvre un programme de réformes institutionnelles tout en supervisant cette phase de transition. Patron de la commission d’audit
et de conformité de la Fédération internationale, ce natif de Bâle
a pris la parole lorsque son président a quitté l’auditorium du
« Home of FIFA ». Il a annoncé la mise en place prochaine d’une limite des mandats pour le président et ses 24 collègues du comité
exécutif, jusqu’alors désignés par les six confédérations continentales. Inconnu du grand public, il avait supervisé le processus
de candidatures pour le scrutin présidentiel de 2015. En marge
de la FIFA, il occupe le poste de directeur non exécutif de Basilea
Pharmaceutica Ltd., une entreprise suisse de biotechnologie.
« Ce mandat
n’a pas le soutien
de l’intégralité
du monde
du football »
JOSEPH BLATTER
président démissionnaire
de la FIFA
Brooklyn ne visait pas personnellement le roué valaisan. L’enquête
du parquet suisse sur le vote d’attribution des Mondiaux 2018 et
2022, respectivement à la Russie
et au Qatar, et l’audition programmée de dix des vingt-deux membres du comité exécutif qui
avaient participé, le 2 décembre 2010, à ce scrutin ne découlaient-elles pas d’une plainte déposée par la FIFA, en novembre 2014 ?
Avant le congrès, Blatter avait
ignoré les appels à la démission
formulés par son ancien ami Michel Platini, le patron de l’Union
des associations européennes de
football (UEFA). Promettant de
« ramener le bateau de la FIFA à
bon port », le septuagénaire avait
rassemblé sur son nom 133 suffrages au premier tour, contre 73
pour son adversaire, le prince jordanien Ali Ben Al-Hussein, soutenu par une quarantaine de pays
de l’UEFA. Comme à chaque fois,
« Sepp » a gagné dans les urnes.
« Vous m’avez gardé à la FIFA »,
avait-t-il clamé victorieusement
dans la grande salle de l’Hallenstadion, récoltant les fruits d’un
système redistributif (plus de
1 milliard de dollars investi dans
l’aide au développement entre
2011 et 2014) qui profite d’abord à
ses électeurs africains, caribéens
et asiatiques.
Au lendemain de son triomphe,
il avait réglé ses comptes avec la
séditieuse UEFA, dont certains
membres comme l’Angleterre ap-
pelaient à boycotter le prochain
Mondial. « Je pardonne, mais je
n’oublie pas », avait-t-il tonné dans
un entretien à la Radio-Télévision
suisse, fustigeant « la campagne
de haine » menée par Platini.
« Pourquoi démissionnerais-je ?
Cela signifierait que je reconnais
être fautif ». Seul face à la tornade
judiciaire, il a fait porter la responsabilité de cette litanie de scandales aux responsables désignés par
les confédérations. « LA FIFA ne
peut pas tout contrôler », s’était-il
justifié le 30 mai lors d’une conférence de presse glaçante. Seul un
élément relevé par les enquêteurs
de Brooklyn pouvait inquiéter
l’inamovible patron du foot mondial : le versement en 2008 de
10 millions de dollars, effectué par
un « responsable de haut rang de
la FIFA », à Jack Warner, l’ex-patron
controversé de la Concacaf, démissionnaire de la FIFA en 2011 et
qui fait partie des neuf dignitaires
inculpés par la justice américaine.
« Je n’ai pas 10 millions de dollars,
avait lancé sèchement Blatter aux
médias. Ce n’est définitivement pas
moi. »
Le 1er juin, c’est pourtant son numéro 2, Jérôme Valcke, le secrétaire général français de la FIFA,
qui est désigné par le New York Times comme le hiérarque ayant supervisé cette transaction, initiée
par le comité sud-africain d’organisation du Mondial 2010
« C’est un bon
jour pour
le football mais
cette démission
juste après
le congrès
est une surprise »
KAREN ESPELUND
membre du comité
exécutif de l’UEFA
(Le Monde daté mercredi 3 juin).
« L’argent n’était pas un pot-de-vin
mais un paiement légitime dans le
cadre du développement des Caraïbes », s’est défendu Danny Jordaan, le patron de la Fédération
sud-africaine. Selon la FIFA, celui
qui avait donné son accord à ce
versement était le président de sa
commission des finances, l’Argentin Julio Grondona… mort en
juillet 2014.
« Réaction de panique »
L’étau s’est resserré sur Joseph
Blatter. Quelques heures après
l’annonce de sa démission, les
médias américains évoquaient
sans plus de détails une enquête
du FBI visant « personnellement »
le septuagénaire. « Cette démission, c’est une réaction de panique », témoigne un ex-compagnon de route de Blatter. « Le dossier sud-africain était trop lourd.
Blatter n’a pas pu le contrôler ou
dire qu’il était extérieur à la FIFA. Il
a su comment avaient été utilisés
ces fonds par Trinidad-et-Tobago
[le pays de Jack Warner]. Tous les
dossiers et informations ont dû
être donnés aux enquêteurs », explique un ancien cadre de la FIFA.
A l’instar des sponsors de la FIFA
(Coca-Cola, McDonald’s), les dirigeants de l’UEFA ont salué la démission du patriarche, tout en
s’interrogeant. « Que s’est-il passé
ces quatre derniers jours pour que
M. Blatter change de décision ? »,
se demande le patron de la Fédération polonaise Zbigniew Boniek, proche de Michel Platini.
« C’est un bon jour pour le football mais cette démission juste
après le congrès est une surprise »,
glisse, songeuse, la Norvégienne
Karen Espelund, membre du comité exécutif de l’UEFA. « Il y a eu
quelque chose ces trente-six dernières heures qui a contraint Blatter à démissionner. Il se doutait de
ce qui allait se passer. Les futures
révélations nous permettront d’assembler les pièces du puzzle. Il était
VERBATIM
“
Si l’Europe doit présenter
un candidat, ça ne peut être
que Michel Platini (…). Je ne
vois pas au niveau mondial un
homme d’une envergure
comparable pour un poste aussi
élevé. S’il veut y aller, c’est le
moment. »
Noël Le Graët, président de la
Fédération française de football. Il s’était pourtant affranchi
des consignes de M. Platini et
avait voté pour Joseph Blatter
lors du 65e congrès de la FIFA.
pourtant provocateur il y a quarante-huit heures, tirant à boulets
rouges sur l’UEFA. Et maintenant, il
est comme un agneau prêt à
s’égorger », ricane un autre dirigeant d’une fédération européenne.
En pleine implosion du « système Blatter », le prince Ali s’est
officiellement lancé dans la
course à la succession de l’Helvète. Le Jordanien pourrait bientôt être imité par l’ancienne star
brésilienne Zico et par l’ex-joueur
français David Ginola, qui n’avait
pas réussi à faire valider sa candidature en janvier, faute des parrainages de cinq fédérations nécessaires.
Qu’en est-il de Michel Platini,
qui avait renoncé, en août 2014, à
affronter son ancien mentor dans
les urnes ? « Je ne pense pas que
l’UEFA prendra le pouvoir », glisse
un ancien membre du comité
exécutif de la FIFA, rappelant que
cinq confédérations sur six
étaient jusqu’à présent restées fidèles à Blatter. « Platini n’a aucun
intérêt à postuler aujourd’hui, estime le patron d’une fédération
du Vieux Continent. A l’avenir, les
choses pourraient changer. » p
rémi dupré
international | 3
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
La justice
américaine,
terreur du
monde du sport
Après le cycliste Lance Armstrong,
les enquêteurs américains ont fait
tomber le président de la FIFA
C’
est toujours un peu
la même histoire. La
plume puis l’enclume. Preuve en est
le coup de filet, comme au cinéma, de la police suisse mandatée par la justice américaine qui a
arrêté, mercredi 27 mai à Zurich,
sept hauts dignitaires de la Fédération internationale de football
(FIFA) pour corruption présumée.
La presse fait les trois-huit, donne
des coups de pied dans la fourmilière, sécrète quelques éclaboussures de fiel, essuie les plâtres, publie des révélations, parfois accablantes… qui n’ont souvent
d’autre rôle que de préparer le terrain pour les vrais « pros », ceux
qui prononcent les avis de démolition, les super justiciers américains. Frustrant pour les journalistes ? Non, répond l’Irlandais David Walsh, journaliste au Sunday
Times. Cet auteur de nombreuses
enquêtes sur le système Lance
Armstrong dans le cyclisme
– dont le livre L.A. Confidential,
coécrit avec le journaliste français
Pierre Ballester (La Martinière,
2004) – mesure la différence de
combativité judiciaire de part et
d’autre de l’Atlantique, tout en
soulignant l’apport des médias à
la justice américaine : « Si la
presse n’avait pas sorti ces affaires,
le parquet de New York aurait eu
sans doute moins de données pour
lancer ses enquêtes, et l’opinion
publique aurait été moins sensibilisée. Le Britannique Andrew Jennings, de même que certains journalistes allemands, a publié de
bonnes enquêtes sur la FIFA. Les
autorités américaines se servent
de ce travail, elles prennent la suite
des bons journalistes. »
De fait, depuis le début du
XXIe siècle, c’est de l’autre côté de
l’Atlantique qu’ont été portés quelques-uns des coups les plus rudes
jamais encaissés par des sportifs.
En 2003, l’opiniâtreté de Jeff Novitzky, agent de la Food and Drug
Administration (FDA), qui réglemente les produits alimentaires
et pharmaceutiques aux EtatsUnis, a fortement contribué à la
déchéance, pour dopage, de la triple championne olympique Marion Jones, et de toute une série
d’athlètes américains dans l’affaire dite Balco.
En 2013, ce sont les enquêtes du
chef de l’agence américaine antidopage (Usada), Travis Tygart, qui
ont poussé Lance Armstrong, septuple vainqueur du Tour de France,
à passer aux aveux et à reconnaître
que ses habitudes médicamenteuses n’étaient pas étrangères à sa
domination sur le cyclisme mondial des années 2000. Et ce 27 mai,
donc, c’est sur décision du parquet
de New York que la police suisse a
pu s’attaquer à la plus opulente des
institutions sportives internationales, la FIFA, et pousser son indéboulonnable patron, Joseph Blatter, à la démission, quatre jours
après sa réélection.
« Aucun état d’âme »
Alors, comment se fait-il que les
Américains parviennent à fourrer
leur nez dans des affaires qui ne
les concernent parfois que de loin
alors que la vénérable justice de la
I
Image de « candidat de l’Ouest »
Lors du 65e congrès, le prince Ali a
bénéficié du soutien de Michel
Platini, le patron de la puissante
UEFA, la confédération européenne, et de celui des Etats-Unis.
Mais s’il veut faire de sa jeunesse
un atout, celui qui est vice-président de la FIFA seulement depuis
2011 doit faire face à un manque
d’expérience au sein des instances du football international. Face
à M. Blatter, il n’a même pas eu un
soutien total de sa propre confédération, l’Asie.
Les derniers événements ont
renforcé sa position de principal
opposant au « système Blatter ».
Fils du roi Hussein
et demi-frère
du roi Abdallah II,
Ali préside
depuis 1999
la Fédération
jordanienne
de football
avocat
Vieille Europe ne bouge pas le petit doigt ? « La justice des EtatsUnis n’a aucun état d’âme, assène
Thibault de Montbrial, qui en tant
qu’avocat d’une compagnie d’assurances américaine a combattu
Lance Armstrong pendant des années. Je n’écartais pas la possibilité
d’une telle intervention depuis que
le rapport Garcia [consacré aux
dérives supposées de la Fédération internationale de football]
avait été enterré par la FIFA. Des
suites pénales étaient à attendre.
Ils ont voulu créer une onde de
choc, un état de sidération. L’unité
de lieu et de temps de ce coup de filet, en marge du congrès de la FIFA,
était voulue. Si ce n’est pas coor-
A la pointe du front anti-Blatter, les dirigeants du football anglais
ont salué la démission du dirigeant suisse. « C’est le début de
quelque chose de nouveau. La FIFA dans son ensemble a besoin de
se restructurer » se félicite Greg Dyke, le président de la Fédération anglaise. Battue par la Russie dans la course à l’organisation
de la Coupe du monde 2018, l’Angleterre entrevoit désormais une
possibilité de venger cette défaite. « Si l’on découvre que cela repose sur des comportements répréhensibles, alors ils doivent regarder s’il est possible de rouvrir les dossiers », indique Simon Johnson, chargé de la candidature anglaise pour 2018. S’il estime
qu’il est « trop tard pour changer » l’attribution du Mondial 2018,
M. Johnson considère, en revanche, qu’il en va autrement « pour
2022 au Qatar » et espère « un autre regard sur cette candidature ».
Candidat malheureux face à Joseph Blatter, Ali Ben Al-Hussein,
39 ans, brigue de nouveau la présidence la FIFA
Ces derniers mois, le prince Ali
s’est présenté comme le candidat
du renouveau, prônant la transparence et une gouvernance plus
éthique, sans livrer beaucoup de
détails sur son programme. Un
discours qui revient, en creux, à
critiquer l’action de M. Blatter. Un
à un, les candidats déclarés à
l’élection – l’ex-footballeur portugais Luis Figo puis le président de
la Fédération néerlandaise
Michael van Praag – se sont ralliés
au Jordanien. Ce dernier est devenu la figure de proue du front
anti-Blatter.
THIBAULT DE MONTBRIAL
Londres espère une nouvelle chance
pour l’attribution du Mondial 2022
Le prince Ali de Jordanie
se verrait bien sur le trône
l n’a pas tardé à proposer de
nouveau ses services. Mardi
2 juin, le prince jordanien Ali
Ben Al-Hussein, candidat malheureux du récent congrès de la
FIFA, a déclaré, sur la chaîne de télévision américaine CNN, qu’il
restait « à la disposition de toutes
les associations qui veulent un
changement, y compris tous ceux
qui avaient peur de faire un
changement ». En langage footballistique, on appelle cela un
appel de balle.
Moins d’une heure après l’annonce de M. Blatter, le vice-président de la Fédération jordanienne
de football, Salah Sabra, a fait savoir, pour être encore plus clair,
que le prince Ali serait candidat
« dans le cas de nouvelles élections » et même disposé « à prendre la présidence dans l’immédiat
si on le lui demande ». Qu’on se le
dise : le prince jordanien, amateur de lutte gréco-romaine, souhaite faire savoir qu’il est prêt à
mener une nouvelle bataille.
Il y a cinq jours, lors du 65e congrès de la FIFA, à Zurich, le
« jeune » prince – il a 39 ans –
semblait pourtant avoir jeté
l’éponge sans avoir combattu jusqu’au bout. Distancé par M. Blatter au premier tour, il décide alors
de se retirer avant le second. Une
défaite loin d’être une déroute :
en cinq élections pour la présidence de l’instance, jamais un
candidat n’avait donné autant de
fil à retordre à M. Blatter. Sur les
206 voix exprimées, les 73 bulletins en faveur du prince le placent
certes à distance très respectable
du Suisse (133 voix), mais ils rendent nécessaires un second tour.
Le retrait du prince peut être
interprété comme une façon de
montrer qu’il ne cautionne pas
pleinement le processus électoral.
« Aux Etats-Unis,
la justice
ne se pose pas
la question
de savoir s’il faut
protéger
les puissants »
Le prince jordanien a beau présenter des traits tout en rondeur
sous un crâne légèrement dégarni, il réserve quelques piques
acérées à l’encontre du Suisse et
ne manque pas de réagir aux
scandales qui ont ébranlé la FIFA.
« Aujourd’hui est un jour triste
pour le football », avait-il déclaré
le 27 mai, jour de l’arrestation de
sept responsables de la FIFA à
Zurich.
Avant d’en tirer les conclusions :
« La FIFA a besoin d’un leader qui
gouverne, guide, protège et
assume ses responsabilités, ne
rejette pas la faute sur les autres et
restaure la confiance. »
Fils du roi Hussein et demi-frère
du roi Abdallah II, aujourd’hui au
pouvoir, le prince Ali Ben Al-Hussein préside la Fédération jordanienne de football depuis 1999.
Auparavant, il a étudié aux EtatsUnis, il est diplômé de la Salisbury
School en 1993, où les frais de scolarité peuvent dépasser les
40 000 euros. L’année suivante, il
rejoint l’académie royale militaire
de Sandhurst, en Angleterre,
avant de devenir chef de la sécurité spéciale du roi, en 1999. Un
parcours qui, ajouté au soutien de
l’UEFA, lui a donné l’image du
« candidat de l’Ouest », comme il a
parfois été présenté dans la
presse.
Rompu à l’exercice médiatique
– ce père de deux enfants est marié à une ancienne journaliste algérienne –, le prince Ali a profité
de la démission de M. Blatter pour
répéter son discours sur le changement. « La FIFA agit comme une
sorte d’entreprise, plus que comme
une organisation de service qu’elle
est, a-t-il proclamé mardi. Elle est
supposée être une organisation à
but non lucratif. » p
yann bouchez
donné, il y a des risques de destruction de preuves. De plus, cela provoque un effet de peur pour ceux
qui n’ont pas encore été arrêtés. »
Il faut sans doute être un justicier américain mal élevé pour oser
interpeller au petit matin des viceprésidents de la FIFA dans un palace 5 étoiles suisse et leur faire subir une humiliante et redoutable
extradition. « Aux Etats-Unis, si la
justice a des éléments tangibles,
elle ne se pose pas la question de savoir s’il faut protéger les puissants,
poursuit Thibault de Montbrial.
En France, il y a une déférence, une
sacralisation autour du sport. Le
public est assez indifférent à ces affaires, beaucoup de politiques sont
amis avec des sportifs. Sauf dans
des cas où les preuves sont flagrantes ou bien s’il y a une volonté politique de créer une impulsion, il est
impossible d’aller au bout des choses. En 1998, si Marie-George Buffet
[alors ministre des sports] ne
s’était pas battue pour son projet
de loi sur le dopage, il n’y aurait pas
eu l’affaire Festina. » Qui, de ce
côté-ci de l’Atlantique, demeure
l’exception qui confirme la règle.
Une autre affaire de tricherie
potentielle, qui aurait pu se transformer en une véritable bombe,
ne fit finalement qu’un joli
« pschitt », rappelle l’avocat :
« Avant la Coupe du monde 1998,
au plus haut niveau de l’Etat, on
s’est employé à ne pas faire de misères à l’équipe de France de football autour des contrôles antidopage. Des livres évoquent même
l’intervention personnelle du président Chirac. Le simple fait de rappeler que Zinédine Zidane et Didier
Deschamps évoluaient alors à la
Juventus de Turin, prise dans un
scandale de dopage organisé, judiciairement établi et dont les faits
ont été débattus en audience
publique, reste tabou. » p
LES DATES
2015
Mercredi 27 mai
Sept hauts responsables de la
FIFA, soupçonnés de s’être enrichis illégalement, sont arrêtés
dans la matinée à Zurich,
à la demande de
la justice américaine. Quelques
heures plus tard, le département
de la justice américain annonce
l’inculpation de neuf élus
de la FIFA et de cinq partenaires
de la Fédération internationale.
Vendredi 29 mai
Joseph Blatter, à la tête de la
FIFA depuis 1998, est réélu avec
133 voix, contre 73 pour son
opposant le prince jordanien Ali
Ben Al-Hussein, qui se retire
avant le second tour.
Lundi 1er juin
Le New York Times affirme que
le secrétaire général de la FIFA,
le Français Jérôme Valcke,
aurait supervisé le versement
de 10 millions de dollars
(9,1 millions d’euros) à Jack Warner, ex-patron de la Confédération d’Amérique du Nord,
centrale et des Caraïbes, et
ancien vice-président de la FIFA.
Mardi 2 juin
M. Blatter annonce sa démission
en fin d’après-midi. Le matin
même, la FIFA avait reconnu
le versement de 10 millions
de dollars, tout en dédouanant
M. Valcke.
eric collier et laurent telo
ALAIN
BESANÇON
Problèmes
religieux
contemporains
ÉDITIONS DE FALLOIS
“Comment le catholicisme a-t-il compris
les grands événements contemporains,
le communisme, l’islam ? Dans son dernier
ouvrage, Besançon répond en historien.
Iconoclaste et brillant.”
“Il ose décrire ce que l’Église n’ose pas
dire et que les médias n’osent même pas
savoir. Il déconstruit les lieux communs
lénifiants sur les ‘trois religions du Livre’.”
Eric Zemmour,
Le Figaro
4 | international
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
Moscou prend ses distances avec Damas
La Russie évacue ses ressortissants tandis que les troupes de Bachar Al-Assad accumulent les revers
moscou - correspondante
L’
avion, un Iliouchine­76
transportant 80 per­
sonnes, s’est posé sur
l’aéroport de Domode­
dovo, à Moscou, le 29 mai. Affrété
par le ministère russe des situations d’urgence, il avait décollé
quelques heures plut tôt de Lattaquié, sur la côte syrienne, bastion
de la communauté alaouite et du
régime de Bachar Al-Assad. Le signe, pour beaucoup, qu’en évacuant ses ressortissants, ainsi que
quelques autres, Biélorusses,
Ukrainiens et Ouzbeks, quelques
jours à peine après la chute de Palmyre aux mains de l’organisation
Etat islamique (EI), Moscou commencerait à prendre en compte
l’affaiblissement du pouvoir à Damas. De Lattaquié, le port de Tartous, où la Russie dispose d’une
petite base navale – la seule à l’extérieur de ses frontières en dehors des pays de l’ex-URSS –, n’est
qu’à 90 kilomètres de distance.
« Qui sont ces rapatriés ? Pas de
simples civils, mais les familles de
militaires et de conseillers », affirme Anatoli Nesmian, un spécialiste russe du Moyen-Orient. « Il
existe plusieurs indices qui montrent que la Russie s’éloigne de Bachar, et celui-ci est en un », affirmet-il. Depuis Londres où il est édité
le journal Asharq Al-Awsat, contrôlé par les Saoudiens, s’est montré encore plus catégorique, allant
jusqu’à affirmer le 31 mai que « le
Kremlin a commencé à se détourner du régime syrien ».
LE CONTEXTE
TARTOUS
Le port syrien de Tartous, à
160 kilomètres au nord-ouest de
Damas, est devenu une base navale logistique russe à la suite
d’un accord signé en 1971. Quasi
démantelé en 1992, le site est
par la suite réhabilité, et, en
juin 2013, un groupe permanent
de la marine russe rattaché au
commandement de la flotte de
la mer Noire s’y établit. Selon
Viktor Ozerov, chef de la
commission défense et sécurité
du Conseil de la Fédération de
Russie, Tartous « ne constitue
pas une base militaire à part
entière », faute d’« un climat
paisible ». Le nombre de militaires russes sur place est gardé secret mais, pour le ministère de la
défense, il s’agirait principalement de « conseillers ».
Un point de
contrôle des
forces loyales
à Bachar AlAssad,
le 14 mai
à Babila, dans
la banlieue
de Damas.
WARD AL-KESWANI/
REUTERS
Sans doute, la rencontre, quelques jours plus tôt, le 12 mai, à Sotchi, entre le président russe, Vladimir Poutine, et le secrétaire
d’Etat américain, John Kerry, a-telle constitué un autre de ces « indices » scrutés avec attention. Selon plusieurs sources, les deux
hommes auraient en effet évoqué
l’« après-Bachar ». A l’issue de ces
entretiens, Sergueï Lavrov, le ministre russe des affaires étrangères, s’était borné à évoquer « des
discussions sur les moyens de régler le conflit en Syrie ». Le chef de
la diplomatie russe avait toutefois
ajouté, après avoir fait le constat
que les djihadistes continuaient
d’étendre « leur influence au
Moyen-Orient et même au-delà » :
« Nous sommes convaincus que
pour lutter contre cette menace, il
vaut mieux unir les efforts des
grandes puissances. »
Jusqu’ici, Moscou a toujours affiché un soutien indéfectible à
son allié Bachar Al-Assad, en s’opposant à tout recours à la force en
Syrie – en 2013, la Russie avait
ainsi négocié un habile compromis sur les armes chimiques pour
éviter les frappes américaines –,
comme à toute condamnation
des massacres commis par le régime dans un conflit qui a fait
plus de 200 000 morts. La Russie
n’a d’ailleurs jamais cessé de livrer de l’armement à la Syrie depuis que M. Poutine, arrivé au
pouvoir en 2000, a redynamisé
des relations bilatérales.
Pragmatisme
Mais le pouvoir de Bachar Al-Assad vacille et la Russie n’a pas l’intention de perdre de son influence dans un pays stratégique
pour elle. Les deux réunions organisées à Moscou, en janvier, puis
en avril entre des émissaires du
président syrien et les seuls opposants tolérés par Damas, ont eu
valeur de test. Aucune « solution
politique » n’a pu être esquissée,
ni même abordée. La tentative de
médiation, destinée à maintenir
coûte que coûte le régime, a
tourné court.
Le pragmatisme pourrait s’imposer. Recevant, le 21 mai, le premier ministre irakien Haïder AlAbidi, et alors qu’il avait com-
S’il n’est pas
question,
pour Moscou,
de changer de
régime, Assad, lui,
apparaît de moins
en moins comme
la « solution
politique »
mencé la discussion sur les
échanges économiques, M. Poutine avait été ramené sans détour
à la situation de la région par son
interlocuteur : « Nous voudrions
que cette visite serve à encourager
une plus forte coopération à combattre le terrorisme, pas seulement
en Irak, mais dans toute la région. » S’il n’est pas question,
pour Moscou, de changer de régime, Bachar Al-Assad, lui, apparaît de moins en moins comme la
« solution politique ». Inquiet, le
président syrien avait pris les de-
vants en lançant fin mars cet appel à travers huit médias russes :
« La présence russe dans plusieurs
régions du monde, en Méditerranée orientale et le port de Tartous
notamment, est nécessaire pour
rétablir un équilibre que le monde
a perdu après le démantèlement
de l’Union soviétique. Pour nous,
plus cette présence est importante,
mieux c’est pour la stabilité de
cette région. »
« Oui, il y a une évolution de la
Russie, un mouvement de consultation avec les partenaires occidentaux et de la région », relève
Alexandre Choumiline, directeur
du Centre d’analyse des conflits
au Moyen-Orient à Moscou. En
cas de chute du pouvoir syrien,
ajoute-t-il, « cela servira juste la
propagande du Kremlin sur le
thème “on vous avait prévenus”,
mais Moscou ne lèvera pas le petit
doigt pour aider Bachar, sauf peutêtre pour un exil comme Snowden
[l’informaticien américain à l’origine de la divulgation des écoutes
de la NSA, réfugié en Russie]. »
Plus mesuré, Salman Sheikh, directeur du Doha Brookings Cen-
ter, qui suit de près l’affaire syrienne, et qui a récemment rencontré Mikhaïl Bogdanov, viceministre russe des affaires
étrangères, observe : « Les Russes
ont le sentiment qu’ils perdent de
l’influence et que la désintégration
de l’Etat syrien n’est pas dans leur
intérêt. Ils disent : “O-K, le régime
ne contrôle plus que 50 % du territoire.” Mais ils demandent aussitôt : “Qui contrôle les 50 % restant,
qui peut remplacer Assad ?” » Là
est toute la question. p
isabelle mandraud
avec benjamin barthe
(à beyrouth)
TURQUIE
SYRIE
Lattaquié
Tartous
Palmyre
LIBAN
IRAK
Damas
100 km
JORDANIE
L’Iran sème le trouble en augmentant son stock d’uranium enrichi
Ce « problème d’infrastructure » pourrait compliquer les négociations avec les pays occidentaux sur l’arsenal nucléaire de Téhéran
U
n couac ou une provocation ? Alors que les négociations sur le nucléaire
iranien sont entrées dans une
phase décisive à l’approche de la
date butoir du 30 juin, l’information a semé le trouble : l’Iran a accru son stock d’uranium enrichi,
indispensable à la fabrication
d’une bombe nucléaire, selon le
dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique
cité, mardi 2 juin, par le New York
Times.
Le sujet est hautement sensible
à un moment où les experts iraniens et ceux des pays du « P5 + 1 »
(Etats-Unis, Russie, France,
Royaume-Uni, Chine et Allemagne) mènent des négociations
épineuses, à Vienne, sur les annexes techniques d’un accord final, destiné à museler le programme nucléaire iranien.
Or, la capacité de l’Iran à acquérir une arme nucléaire dépend,
en partie, du volume de son stock
d’uranium enrichi. Selon le quotidien américain, le stock iranien
d’hexafluorure d’uranium, la
forme la plus préoccupante car
immédiatement utilisable pour
des enrichissements de qualité
militaire, aurait augmenté de
20 % depuis la signature de l’accord intérimaire entre l’Iran et
les pays occidentaux, en novembre 2013.
Autrement dit, Téhéran ne respecterait pas l’engagement pris
de ne pas augmenter ce stock,
tandis que les Occidentaux cherchent précisément à « serrer les
boulons » d’un texte pour éviter
toute fuite en avant.
Toutefois, ces révélations ont
été accueillies avec prudence, y
compris par des acteurs du dos-
Si l’Iran
ne démontre pas
qu’il est en
mesure de tenir
ses promesses,
les Occidentaux
hésiteront alors à
lever les sanctions
sier prompts à dénoncer les dérapages iraniens. « On ne peut pas
exclure un calcul politique pour peser sur la négociation, mais, à ce
stade, il n’y a pas de violation avérée par l’Iran », juge un diplomate
occidental. Cet interlocuteur estime qu’il s’agit avant tout d’un
« problème
d’infrastructure »,
l’Iran ne disposant pas des
moyens techniques pour convertir en une forme posant moins de
problèmes de prolifération d’importants volumes excédentaires
d’uranium.
Au terme de l’accord de Genève,
en 2013, l’Iran s’était engagé à démanteler son stock d’uranium
déjà enrichi à 20 %, un seuil qui lui
permet d’atteindre rapidement
une finalité militaire. Sur ce point,
les experts s’accordent pour dire
que l’Iran a, pour l’essentiel, tenu
parole. Téhéran avait également
accepté de ne pas augmenter son
stock d’uranium enrichi jusqu’à
5 %. Il était évalué à l’époque à
7,6 tonnes, soit assez pour fabriquer, au prix d’un enrichissement
supplémentaire, environ cinq
bombes atomiques.
Depuis, la production iranienne
a connu des « zigzags », note un
expert, mais l’objectif, dit-il, a tou-
jours été que le volume final ne
dépasse pas 7,6 tonnes à l’issue
des négociations de juin. Pour
maintenir son stock à ce niveau,
l’Iran a construit une unité de
conversion à Ispahan, mais sa
mise en route a pris du retard.
« Les opérations n’ont commencé
qu’en juillet 2014, car l’Iran avait
manifestement du mal à maîtriser
le processus », observe François
Nicoullaud, ancien ambassadeur
de France en Iran.
Obstacle technique
Cet obstacle technique a toutefois
une portée politique, car il risque
de fragiliser tout compromis final. A l’issue de l’accord-cadre, laborieusement conclu, le 2 avril, à
Lausanne (Suisse), l’Iran se serait
engagé à réduire son stock global
d’uranium légèrement enrichi à
300 kg pendant quinze ans, selon
les Occidentaux. Des chiffres qui
n’ont toutefois jamais été confirmés par Téhéran. Si l’Iran ne démontre pas qu’il est en mesure de
tenir ses promesses dans les délais convenus, les pays du « P5
+ 1 » hésiteront alors à remplir
leur part du contrat : la levée des
sanctions internationales, qui demeure l’objectif prioritaire des
Iraniens.
Ce blocage technique vient
compliquer encore davantage
des négociations qui devront surmonter de nombreux obstacles
dans les prochaines semaines.
« Les pourparlers menés en ce moment sont un travail de précision,
note un diplomate. Il ne faut rien
oublier car ces discussions vont
dessiner le cadre futur des relations entre l’Iran et la communauté internationale. » p
yves-michel riols
international & europe | 5
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
Le Sénat américain limite les
55
%
pouvoirs de surveillance de la NSA
Le USA Freedom Act ne changera rien aux activités de l’agence à l’étranger
P
ar 67 voix contre 32, le
Sénat américain a
adopté, mardi 2 juin, le
USA Freedom Act, un
projet de loi qui limitera certains
pouvoirs de surveillance de la
NSA, l’Agence nationale de sécu­
rité américaine, en contrepartie
d’une prolongation de certaines
dispositions du « Patriot Act ».
Quelques heures après, en promulguant le texte, le président Barack Obama a jugé qu’il protégeait
mieux les libertés civiles et la vie
privée tout en assurant « notre sécurité nationale ». « C’est un moment historique », a estimé le sénateur démocrate Patrick Leahy.
Cette réforme est « le premier remaniement majeur depuis des décennies de la législation sur la surveillance par le gouvernement », at-il ajouté.
Base légale insuffisante
Le Patriot Act, adopté aux EtatsUnis après les attentats du 11 septembre 2001, octroie de très larges
pouvoirs aux organismes de lutte
contre le terrorisme – et a notamment servi de justification à la
NSA pour mettre en place de vastes systèmes de surveillance des
réseaux téléphoniques, y compris
aux Etats-Unis. Un système dont
l’ampleur avait été révélée par Edward Snowden, ancien consultant
de la NSA.
En raison d’un délai technique,
la NSA ne peut d’ores et déjà plus
collecter les métadonnées téléphoniques (les informations entourant un appel ou un SMS : destinataire, heure d’appel, géolocalisation…) des Américains depuis le
1er juin. Le texte adopté par le Sénat – qui avait été largement voté
par le Chambre des représentants
– la privera définitivement de
cette capacité, sauf pour les enquêtes ayant débuté avant ce
lundi.
Le gouvernement se fondait sur
la section 215 du Patriot Act pour
demander, et obtenir, de la part
d’un tribunal secret dit « FISA »
un mandat obligeant les opérateurs de téléphonie à lui fournir
l’intégralité des métadonnées téléphoniques de leurs clients américains. Récemment, un tribunal
avait jugé que la section 215, désormais caduque, n’était pas une
base légale suffisante pour une
telle demande.
Le USA Freedom Act met fin à
cette collecte massive, automatique et indiscriminée. A la place,
les métadonnées resteront stockées chez les opérateurs téléphoniques et les autorités pourront
demander à y avoir accès au coup
par coup. Elles conserveront la
possibilité de se les faire fournir
en temps réel, mais selon des
« critères spécifiques » liés au terrorisme, visant des individus, des
comptes ou des terminaux uniques. Les autorités devront pour
cela justifier d’un lien « raisonna-
Certains estiment
que cette
réforme fait
entrer dans la loi
une pratique
récemment jugée
illégale
ble et détaillé » avec le terrorisme
(sauf en cas d’urgence).
La loi prévoit également une petite réforme de la FISA Court, notamment en lui permettant de
nommer cinq personnes extérieures pour l’aider, si besoin, à se
prononcer sur des interprétations nouvelles de la loi. La défense n’est pas représentée dans
cette cour de justice. Le directeur
du renseignement doit se prononcer sur l’éventuelle déclassification de toute décision contenant une interprétation nouvelle
de la loi, notamment le « critère
spécifique ». Elle est soutenue par
une partie des opposants à la surveillance, la NSA et la Maison
Blanche – ces deux dernières estimant qu’il s’agit d’une porte de
sortie honorable pour préserver
certaines capacités de surveillance de la NSA.
Certaines organisations en
pointe dans la contestation de la
surveillance mise en place par la
NSA, comme l’American Civil Liberties Union (ACLU) ou l’Electronic Frontier Foundation (EFF),
étaient opposées au texte, le jugeant trop timide. Le projet a divisé au sein du Parti républicain :
certains élus s’y opposaient vivement au nom de la lutte contre le
terrorisme, d’autres considéraient qu’il s’agissait d’un compromis acceptable.
Garde-fous insuffisants
Parmi les opposants, certains estiment que, loin de mettre fin à la
surveillance de masse, cette réforme fait entrer dans la loi une
pratique récemment jugée illégale, tout en l’accompagnant
d’un nombre insuffisant de garde-fous. Ils craignent notamment que les « critères spécifiques » soient très larges et aboutissent de facto à une collecte de
masse.
Que changera le texte pour la
surveillance du Web et la surveillance hors des Etats-Unis ?
Rien. Le texte mentionne spécifiquement les métadonnées téléphoniques. Surtout, il ne concerne que la collecte d’informations aux Etats-Unis : le Freedom
Act ne changera strictement rien
à la surveillance pratiquée par la
NSA à l’étranger avec l’aide de ses
partenaires anglais, australiens,
néo-zélandais et canadiens. p
damien leloup
et martin untersinger
des Britanniques veulent que le Royaume-Uni reste dans l’UE
Selon l’institut Pew Research, l’opinion du public vis-à-vis de l’Union
européenne se « revitalise » au Royaume-Uni, en France, en Allemagne,
en Italie, en Pologne et en Espagne. Les résultats d’une étude, publiés
le 2 juin, indiquent que le niveau médian d’opinion positive envers
l’Union européenne atteint désormais 61 % dans ces pays. Soit
9 points de plus qu’en 2013. Une médiane de 46 % juge aussi que l’intégration économique européenne a renforcé leur économie, contre
32 % deux ans plus tôt.
U N I ON EU R OPÉEN N E
Réplique du Parlement
à la liste noire russe
Le président du Parlement
européen, Martin Schulz, a
annoncé, mardi 2 juin, que
désormais seul l’ambassadeur de Russie auprès de
l’Union européenne aurait
accès à son Assemblée en représailles contre l’interdiction faite par le Kremlin à 89
citoyens européens d’entrer
en Russie. Le Parlement a
également suspendu « ses engagements vis-à-vis de la
Commission parlementaire de
coopération UE-Russie et va
examiner au cas par cas les
demandes de visite (…) déposées par des députés russes »,
a indiqué M. Schulz.
sition de gauche. Celle-ci accuse le gouvernement de corruption, tandis que le pouvoir
profère des accusations d’« espionnage » à l’adresse de ses
détracteurs. – (AFP.)
ALLEMAGN E
Helmut Kohl
à nouveau hospitalisé
L’entourage de l’ancien chancelier allemand, Helmut
Kohl, 85 ans, s’est voulu rassurant, mardi 2 juin, après
son hospitalisation à la suite
de deux opérations. Selon
l’agence allemande DPA, l’ancien dirigeant, qui a conduit
la réunification allemande,
affaibli depuis 2008 par une
série de problèmes de santé,
se trouve « dans un état très
grave ». – (AFP.)
MAC ÉD OI N E
Des législatives
anticipées en avril 2016
La Macédoine organisera des
législatives anticipées avant la
fin avril 2016 pour mettre fin
à la crise politique qui secoue
cette ex-république yougoslave, a déclaré, mardi 2 juin, Johannes Hahn, commissaire de
l’UE chargé des négociations
d’élargissement, après avoir
rencontré les dirigeants de la
droite au pouvoir et de l’oppo-
N I GER I A
Treize morts
dans un attentat-suicide
Treize personnes ont été
tuées et vingt-quatre blessées, selon la Croix-Rouge,
dans un attentat-suicide
mardi 2 juin à Maiduguri
(nord-est du Nigeria). La capitale de l’Etat de Borno avait
déjà été la cible, samedi,
d’une attaque attribuée à
Boko Haram. – (AFP.)
Paris reçoit Felipe VI, ambassadeur
d’une monarchie espagnole fragilisée
La popularité de la formation de la gauche radicale Podemos
est préoccupante pour la couronne, qui s’est appuyée sur le bipartisme
madrid - correspondance
U
n an après l’abdication
de son père, Juan Carlos,
le roi d’Espagne Felipe VI,
accompagné de la reine Letizia, a
repris, mardi 2 juin, sa première
visite d’Etat en tant que monarque, à Paris. Commencée le
24 mars, celle-ci avait été suspendue après le crash de l’Airbus de la
Germanwings dans les Alpes françaises.
Après avoir été accueilli à l’Elysée par le président François Hollande, accompagné de la numéro
trois du gouvernement, Ségolène Royal, Felipe VI a réaffirmé
l’amitié entre les deux pays lors
du dîner d’Etat, et insisté sur leur
coopération en matière de lutte
contre le terrorisme djihadiste,
« la forme la plus cruelle de totalitarisme » et contre la crise économique.
« Nous devons obtenir un projet
européen plus proche des citoyens,
en travaillant à une plus grande
croissance économique qui favorise la création d’emplois et une
plus grande cohésion sociale », a
défendu le roi, dix jours après la
percée électorale du parti antiaustérité Podemos aux élections
municipales espagnoles.
Mercredi 3 juin, le souverain espagnol âgé de 47 ans devait réaffirmer ces priorités devant l’Assemblée nationale, où il a été invité à prononcer un discours
comme l’avait fait son père
en 1993, alors premier souverain
étranger convié à s’exprimer devant le Palais Bourbon.
Malgré le faste et les honneurs à
Paris, le roi ne pourra oublier le
malaise pesant sur la couronne
espagnole. La montée de nouveaux partis est préoccupante
Discret, prudent,
le roi a baissé son
salaire de 20 %,
à 234 000 euros
par an
pour la monarchie, dont la restauration, après la mort de Franco
en 1975, s’est appuyée sur le bipartisme. L’affaiblissement des socialistes et conservateurs pourrait
remettre en cause le pacte de la
transition démocratique (19751982) sur lequel se fonde la monarchie.
Podemos, le nouveau parti de la
gauche radicale, défend des principes républicains. Ironique, son
chef de file, Pablo Iglesias, a demandé une audience auprès de
Felipe VI, pour lui dire qu’il aurait
« de grandes chances d’être élu à
des élections comme chef d’Etat ».
En avril, il lui a offert la série télévisée Game of Thrones, avant de
déclarer à la presse qu’« elle peut
lui permettre de comprendre la
crise politique en Espagne. »
« Exemplarité »
Quant au parti de centre droit Ciudadanos, autre nouveau venu
dans le paysage politique espagnol, il défend la Couronne à condition qu’elle « apporte plus
d’exemplarité et de stabilité qu’un
élu public à la tête de l’Etat, a déclaré son chef de file, Albert Rivera. Une chose est claire : le roi est
roi en Espagne parce qu’ainsi le
veulent les Espagnols, non par la
grâce divine ».
Felipe VI en a conscience. Proclamé le 19 juin 2014, il s’est efforcé durant sa première année de
règne de récupérer le cœur des Espagnols, d’effacer les scandales de
son père – parti chassé l’éléphant
au Botswana en 2012 en pleine
crise et en charmante compagnie
–, mais aussi ceux de sa sœur,
Cristina de Bourbon, qui doit être
prochainement jugée pour délits
fiscaux, et de son beau-frère, Inaki
Urdangarin, accusé d’avoir détourné 6,1 millions d’euros d’argent public.
Discret, prudent, Felipe VI a
baissé son salaire de 20 %, à
234 000 euros par an, et interdit
officiellement à tous les membres
de la famille royale d’accepter faveurs et cadeaux. En Catalogne,
où il a multiplié les voyages, il a
défendu l’unité de l’Espagne face
à l’indépendantisme, l’autre menace qui plane sur la Couronne.
Dans ses discours, il s’est attaqué
aux grands maux de l’Espagne : la
corruption, le chômage et l’augmentation des inégalités.
En un an, il est ainsi parvenu à
améliorer l’image de la Casa Real
(Maison royale). Selon le baromètre d’avril du Centre de recherche
sociologique (CIS), 57,4 % des sondés considèrent que le travail de
Felipe VI est « positif ». Néanmoins, l’institution monarchique
obtient encore une note médiocre, de 4,34 sur 10 (contre 3,72 en
avril 2014). Pis, un Espagnol sur
cinq lui donne un zéro.
Dans un article paru le 2 juin, le
quotidien El Pais considère que
« la consolidation de la monarchie
passe par une consultation populaire afin de la soumettre à la volonté de ceux qui sont nés après la
mort de Franco ». Un défi, quand
l’indifférence et le désamour envers la monarchie sont particulièrement marqués chez les jeunes. p
sandrine morel
PRIX ALBERT LONDRES 2015
VOYAGE EN BARBARIE
Un documentaire de Delphine Deloget et Cécile Allegra,
lauréates du prix Albert Londres 2015
Une coproduction Memento / Public Sénat
Prix
Prix du Meilleur Documentaire
DIFFUSION JEUDI 4 JUIN À 22H30
SUR
CANAL 13
Disponible en replay sur publicsenat.fr
RETROUVEZ PUBLIC SÉNAT SUR LE CANAL 13 DE LA TNT, LE CÂBLE,
LE SATELLITE, L’ADSL, LA TÉLÉPHONIE MOBILE ET EN SIMULTANÉ SUR
INTERNET : WWW.PUBLICSENAT.FR
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JEUDI 4 JUIN 2015
Drame du Rana Plaza: vers un procès des responsables
En 2013, l’effondrement d’un immeuble abritant des ateliers textile, au Bangladesh, avait fait 1 134 morts
LE CONTEXTE
new delhi - correspondance
L
e Bangladesh a annoncé,
lundi 1er juin, avoir engagé
des poursuites contre
41 personnes impliquées
dans l’effondrement, il y a deux
ans, du bâtiment Rana Plaza qui
abritait, près de Dacca, cinq ateliers
de confection textile. Cette tragédie, la pire de l’histoire industrielle
du Bangladesh, a fait 1 134 morts et
près de 2 000 blessés.
L’enquête de deux ans, au cours
de laquelle près de 1 200 témoins
ont été interrogés, aura connu de
nombreux rebondissements, et
les associations de défense des
victimes craignaient qu’elle
n’aboutisse jamais, tant l’influence des industriels du textile
est considérable dans le pays. De
nombreux parlementaires et ministres, s’ils ne sont pas eux-mêmes propriétaires d’usines de textile, comptent au moins un membre de leur famille qui en possède.
La commission anticorruption,
initialement chargée de l’enquête,
avait écarté de la liste des inculpés
Sohel Rana, le propriétaire du
Rana Plaza, au motif que son nom
ne figurait pas dans les titres de
propriété, avant de revenir sur sa
décision. Puis il a fallu attendre
plus d’un an pour que le
gouvernement bangladais valide
l’inculpation d’une douzaine de
fonctionnaires.
Les 41 inculpés encourent la
peine de mort pour meurtre, ou
plusieurs années de prison si leur
responsabilité se limite à la violation du code de la construction.
« Cela a été un assassinat de
masse. Tous ont une responsabilité collective dans cette tragédie »,
a déclaré lundi Bijoy Krishna Kar,
chef des enquêteurs.
B ra h m a p o u t re
Ga
ng
e
BANGLADESH
INDE
Dacca
100 km
Golfe
du Bengale
BIRMANIE
INDE
SÉCURITÉ
Seules deux usines ont été
déclarées sûres et mises aux
normes requises par l’accord sur
la sécurité des bâtiments et les
mesures anti-incendie au Bangladesh. Cet accord regroupe
200 donneurs d’ordre européens,
dont H&M ou Primark. Au total,
quelque 2 500 usines ont été inspectées depuis la tragédie, mais
les syndicats regrettent que les
nouvelles mesures de sécurité
tardent à être mises en place.
FERMETURES
218 ateliers textile ont été fermés, et le secteur a été contraint
de faire le ménage en son sein,
selon l’Association des fabricants
et exportateurs de vêtements du
Bangladesh, qui représente
4 500 fabricants. Ces fermetures
ont entraîné la disparition de dizaines de milliers d’emplois et un
ralentissement des exportations
inquiétant pour le Bangladesh.
Des parents de victimes, le 20 avril, sur les lieux du drame du Rana Plaza. A. M. AHAD/AP
Sohel Rana, soupçonné d’avoir
voulu s’échapper du pays, a été
arrêté quatre jours après le drame,
à la frontière avec l’Inde, puis
incarcéré. C’est lui qui avait fait
pression sur ses ouvriers pour
qu’ils regagnent leurs postes de
travail malgré leur réticence. La
veille, des inspecteurs avaient recommandé la fermeture de l’édifice après avoir constaté l’apparition de fissures sur les murs. Il a
suffi d’une coupure de courant, le
24 avril 2013, et la mise en marche
des générateurs posés sur le toit,
pour que l’immeuble s’effondre.
Le procès attendu cet été devrait
mettre à jour un vaste réseau de
corruption, où des fonctionnaires
acceptaient des pots-de-vin des
industriels pour fermer les yeux
sur les entorses à la réglementa-
tion, aux normes de sécurité, et
laisser construire neuf étages au
lieu des six autorisés par le
permis de construire.
Fonds d’indemnisation
Les marques d’habillement ont financé un fonds d’indemnisation
des victimes, géré par l’Organisation internationale du travail,
pour couvrir les frais médicaux et
les pertes de revenus des familles
ayant perdu un de leurs membres.
Mais sur les 30 millions de dollars
(27,2 millions d’euros) dont le
fonds a besoin, les marques de textile n’ont apporté que 27,6 millions de dollars (25 millions
d’euros). Les entreprises françaises comme Camaïeu ou Auchan,
dont une partie de la production
était sous-traitée au Rana Plaza,
ont accepté d’y contribuer. Seul le
géant de la distribution Carrefour,
dont une étiquette de sa marque
Tex a pourtant été retrouvée dans
les décombres du bâtiment, et qui
s’approvisionne dans le pays depuis de longues années, a refusé
d’y verser le moindre euro. Le
groupe maintient qu’ils n’ont rien
Il a suffi de la
mise en marche
des générateurs
posés sur
le toit pour
que l’immeuble
s’effondre
commandé à Rana Plaza. Mais,
pour les ONG, il est possible que
leurs sous-traitants aient confié
une partie de leur production à
Rana Plaza.
Au lendemain du drame, ces entreprises ont également formé
deux organisations chargées de
vérifier la qualité de construction
des ateliers de leurs fournisseurs.
Sur les 3 500 usines que compte le
pays, plusieurs dizaines ont été
fermées. D’autres doivent être
rénovées, ce qui entraîne des
coûts élevés et surtout un suivi
important. La Banque mondiale a
proposé de financer des emprunts à condition que leurs
clients se portent caution.
Mais l’amélioration des fondations et des normes de sécurité ne
suffira pas, loin de là, à assurer des
conditions de travail décentes
aux ouvriers dans un secteur qui
représente 10 % du PIB du pays et
80 % de ses exportations. Quelques mois après le drame, le gouvernement bangladais a légèrement augmenté le salaire minimum, qui frôle désormais les
70 euros mensuels, et a autorisé la
création de syndicats indépendants. Des mesures qui demeurent insuffisantes.
Comme le révèle un rapport de
Human Rights Watch, publié en
avril, les ouvriers qui souhaitent
se syndiquer sont souvent victimes d’intimidations, de violences, et leurs plaintes sont ignorées
par la police. Seuls 10 % des ateliers textiles du pays comportent
des syndicats indépendants. p
julien bouissou
Tiananmen : le « J’accuse » d’étudiants chinois
Basés à l’étranger, ils dénoncent, dans une « lettre ouverte », le silence entourant le massacre
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tudiants chinois à l’étranger et nés dans les années
qui ont précédé, ou suivi, le
massacre de Tiananmen qui a eu
lieu dans la nuit du 3 au
4 juin 1989, à Pékin, ils ont choisi
d’en perpétuer la mémoire : dans
une lettre ouverte adressée à
leurs « camarades étudiants en
Chine », l’étudiant en chimie
Gu Yi, de l’université de Géorgie, à
Atlanta, et dix cosignataires, tous
étudiants chinois aux Etats-Unis,
en Australie et au Royaume-Uni,
ont brisé un tabou, celui de parler
ouvertement de l’intervention
armée et de ses conséquences.
Diffusée en Chine sur les réseaux
sociaux, la lettre, datée du 27 mai, a
recueilli à ce stade deux cents signatures de Chinois à l’étranger,
nous dit Gu Yi, joint, lundi 1er juin,
au téléphone aux Etats-Unis, où le
militant en herbe va de séminaires
en manifestations (devant l’ambassade de Chine à Washington le
week-end dernier). Et elle a bénéficié d’une publicité inattendue
après un éditorial du Global Times,
le porte-parole ultranationaliste
du régime, accusant les « forces
hostiles » de « cibler la jeune génération ». « Ces jeunes gens ont subi
un lavage de cerveau à l’étranger »,
affirme le quotidien, qui ajoute
que la « société chinoise a choisi
par consensus de ne pas débattre
de l’incident de 1989 ». Rien n’est
moins vrai : la censure et la répression déployées en 2014, pour les
25 ans du 4 juin, ont confirmé la
tendance du régime, sous le président Xi Jinping, à voir dans toute
remise en cause du dogme historique une attaque directe à son encontre. Signe de ce malaise, le texte
du Global Times, daté du 25 mai
– une première version de la lettre
circule depuis le 20 mai –, a été
censuré dans sa version chinoise.
« Plus nous en savons, plus nous
sentons le poids de lourdes responsabilités sur nos épaules », écrit
ainsi Gu Yi, l’auteur de la lettre,
dans son préambule, avant de rappeler certains des faits avérés –
parfois rapportés à l’époque par la
presse chinoise –, ainsi que les témoignages de divers protagonistes toujours vivants, des « mères
de Tiananmen » à l’athlète Fang
Zheng, blessé par un char puis amputé des jambes. « Le 4 juin est désormais devenu chaque année une
période sensible, un jour qu’on ne
peut absolument pas évoquer »,
écrit le jeune homme, qui interroge la puissance et la richesse cé-
lébrées par le régime. « De quelle
prospérité s’agit-il ? Nous sommes
sans cesse surpris par le fait que,
chez les responsables d’en haut
comme d’en bas, le mariage du
pouvoir et de l’argent contre lequel
les étudiants s’étaient soulevés il y a
vingt-six ans est devenu le modèle
de l’économie étatique actuelle »,
écrit-il. Il fustige « les clans de
Deng Xiaoping et de Li Peng, dont
les mains sont couvertes du sang
des étudiants, devenus d’une richesse écœurante ». « Mais nous
avons un rêve », conclut l’étudiant,
en référence au « rêve chinois » du
président Xi, « celui qu’un jour pas
trop lointain, chacun d’entre nous
vivra dans un pays libre de toute
peur, dans lequel l’histoire est rétablie et la justice rendue ».
Prise de conscience
Gu Yi et ses camarades ont, par
leur geste, compromis leur perspective de mener une carrière en
Chine, ainsi que la tranquillité de
leurs proches sur place. Le jeune
chimiste n’a pas prévenu ses parents, « pour qu’ils ne s’inquiètent pas », nous dit-il. Sa mère est
retraitée et son père, ingénieur, a
quitté le secteur public pour rejoindre le privé. Mais les parents
d’au moins un des cosignataires
ont déjà reçu un avertissement.
Originaire de Luzhou, dans la
province du Sichuan, Gu Yi a fait
des études de chimie à Hefei, dans
l’Anhui – là même où l’astrophysicien Fang Lizhi avait embrasé les
consciences des jeunes générations par ses appels à la démocratie dans les années 1980. « J’avais
entendu parler de lui quand j’étais
à Hefei », nous dit Gu Yi, qui décrit
l’intellectuel, décédé en 2012 en
exil aux Etats-Unis, comme une
« légende » pour lui et ses pairs.
Depuis son arrivée aux EtatsUnis, il y a trois ans, l’étudiant y a
découvert plus en détail un événement de la brutalité duquel il
n’avait que vaguement conscience : « J’ai pensé que c’était ma
responsabilité de m’exprimer.
J’avais accès à toutes sortes d’information, j’ai parlé à des survivants.
Ça m’a choqué de voir comment
tout cela était caché en Chine. » Il a
écrit la lettre en trois heures, après
des échanges avec d’autres étudiants par Internet. Cette première version a été enrichie. Puis
ils ont signé, apposant leur nom et
celui de leur université, vingt-six
ans après la rébellion d’autres étudiants chinois qui ont aujourd’hui
l’âge de leurs parents. p
brice pedroletti
planète | 7
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
La RDC, eldorado
du commerce
illégal de bois
L’ONG Global Witness publie
un rapport accablant et met en cause
la France, deuxième client de la RDC
F
aut-il encore importer
du bois de République
démocratique du Congo
(RDC) ? L’ONG Global Witness publie, mercredi 3 juin, un
rapport accablant intitulé « L’impunité exportée » sur les pratiques des grandes entreprises forestières opérant dans ce pays
d’Afrique centrale où le contournement des lois se fait avec la
complicité notoire de l’administration.
L’ONG britannique s’est appuyée sur le travail de l’Observatoire de la gouvernance forestière
(OGF) en compilant les cas d’infractions relevés entre 2011 et
2014 par cet organisme indépendant, mandaté par le ministère
des forêts pour suivre les fonctionnaires dans leurs missions de
contrôle. Dans une moindre mesure, elle a aussi tenu compte
d’enquêtes réalisées par des « observateurs forestiers issus des
communautés » ou d’ONG.
Les conclusions sont sans appel : chacune des 28 concessions
inspectées – soit la moitié des
concessions industrielles congolaises réalisant la grande majorité
des exportations – présentait des
entorses au code forestier.
Exploitation en dehors des zones autorisées, dépassement des
volumes de coupe, collecte d’espèces protégées exportées avec
de faux permis Cites (Convention
sur le commerce international
des espèces menacées d’extinction), marquage frauduleux du
bois, non-paiement des redevances, non-respect des engagements de compensation économique et sociale pris auprès des
communautés reviennent en
priorité dans ce catalogue d’illégalités.
« L’extrême faiblesse des contrôles gouvernementaux est aggravée par l’isolement et l’immensité
de la forêt tropicale congolaise. Les atteintes documentées à
ce jour ne constituent probablement que la partie visible de l’iceberg, écrit Global Witness. La totalité du bois récolté de manière
industrielle en RDC et commercialisé à travers le monde devrait être
considéré comme risquant fort
d’être illégal. »
Contacté par Le Monde, le coordonnateur de l’Observatoire de la
gouvernance forestière, Essylot
C. Lubala, confirme le tableau
dressé par l’ONG britannique.
« Les violations du code forestier
sont fréquentes. La gouvernance
en RDC est très faible et l’impunité
généralisée. La corruption gangrène le pays, car chacun cherche à
manger », explique ce juriste de
formation, en se plaignant du peu
de moyens dont dispose son
équipe de six personnes.
Le brûlot de Global Witness est
loin d’être le premier avertisseRÉP.
CENTRAFRICAINE
CAMEROUN
SOUDAN
DU SUD
Bandaka
OU.
RÉP. DÉM.
DU CONGO RW.
CONGO
BUR.
Kinshasa
TAN.
Matadi
ANGOLA
300 km
Lubumbashi
ZAMBIE
Des grumes de l’entreprise Sicobois sur une rive du fleuve Congo, en RDC. AMELIA JONES/GLOBAL WITNESS
ment. Il y a moins d’une semaine, Greenpeace pointait le
cas particulier de Cotrefor – une
société libanaise opérant depuis
2011, mais connue bien avant
sous le nom de Trans M. Et vendredi 5 juin s’ouvrira à Bandaka
(province de l’Equateur), au
terme d’une longue instruction,
le procès mettant en cause la société Siforco pour des cas de viols
et de destructions dont a été victime la population de Yalisika
en 2011. Ce sera la première fois,
dans la longue histoire des conflits entre les communautés et
les exploitants forestiers en RDC,
qu’une plainte arrive jusqu’à la
barre d’un tribunal.
« Le cœur de la forêt africaine »
Le « grand Congo » possède plus
de 150 millions d’hectares de forêts denses et humides, soit près
de 60 % du bassin forestier d’Afrique centrale. Dix millions d’hectares sont exploités dans le cadre
de grandes concessions accordées
à des entreprises industrielles.
« Les violations
du code forestier
sont fréquentes.
La gouvernance
en RDC
est très faible »
ESSYLOT C. LUBALA
Observatoire
de la gouvernance forestière
Jusqu’à présent, l’agriculture et le
bois utilisé comme combustible
restent les deux moteurs principaux de la déforestation. « C’est le
cœur de la forêt africaine, sa préservation est cruciale », argue Frédéric Amiel, de Greenpeace, pour
expliquer le tir groupé des ONG
internationales.
La France, 2e client de la RDC
(d’où elle a importé 13 350 tonnes
de bois) derrière la Chine, porte
une responsabilité particulière.
Elle importe la moitié des quanti-
tés écoulées vers l’Europe, et les
ports de Caen et de La Rochelle
font partie des principaux points
d’entrée du bois congolais. Selon
les manifestes de navires déclarés
au port de Matadi et que Le Monde
s’est procurés, plusieurs entreprises françaises sont clientes des
principaux exploitants forestiers
mis en cause.
Peltier Bois, une entreprise bretonne qui fabrique, entre autres,
des terrasses et des parquets et
achète des grumes à la Sicobois, a
refusé de répondre à nos questions. Laurent Angot, gérant de la
société de négoce Angot bois, qui
importe du bois de Cotrefor par le
port de Caen et par le Portugal, récuse les allégations des ONG :
« Cotrefor possède une concession
attribuée par l’Etat. Elle exploite en
suivant un plan d’aménagement
validé par une société d’audit reconnue et avec laquelle nous travaillons. Le règlement bois de
l’Union européenne (RBUE) nous
impose d’être en mesure de prouver l’origine légale du bois que
nous achetons. Nous sommes responsables pénalement, on ne va
pas faire n’importe quoi. »
Depuis mars 2013 en effet, un règlement européen reposant sur le
principe de la « diligence raisonnée » est entré en vigueur pour juguler les importations massives
de bois qui contribuent à la déforestation tropicale.
En France, le gouvernement a
cependant tardé à transposer ce
texte et à adopter un régime de
sanctions qui prévoit jusqu’à
2 ans de prison. Les premiers contrôles viennent à peine d’être
lancés. Ils sont menés par le ministère de l’environnement, celui
de l’agriculture, mais aussi par
« Le Commerce du bois », l’association qui regroupe les entreprises du secteur. Eric Boilley, son
délégué général, défend la fiabilité du système et promet que « si
Siforco est condamnée, elle sera
rayée de la liste des exploitants
congolais avec lesquels il est possible de travailler ». p
laurence caramel
La Corée du Sud touchée par un coronavirus
C LI MAT
T RAF I C
La moitié des éléphants de
Tanzanie tués en cinq ans
Une épidémie due au MERS coronavirus (syndrome respiratoire du Moyen-Orient), contre
lequel il n’y a pas de vaccin, progresse rapidement, suscitant la panique dans la population
Le Maroc et le Japon
publient leur
contribution climat
Le Maroc a annoncé,
mardi 2 juin, sa volonté
de diminuer d’au moins 13 %
ses émissions de gaz à effet
de serre à l’horizon 2030.
Le Japon a, pour sa part,
approuvé un plan de réduction de 26 % de ses émissions de gaz à effet de serre
entre 2013 et 2030. – (AFP.)
tokyo - correspondance
L
a hausse rapide en Corée du
Sud du nombre de cas de
syndrome respiratoire du
Moyen-Orient (MERS) suscite une
inquiétude grandissante. Le 3 juin,
le ministre de la santé et des affaires sociales a confirmé cinq nouveaux cas, portant le total de personnes atteintes à 30. Le premier
cas a été identifié le 20 mai. Le
2 juin, les autorités avaient annoncé le décès de deux patients,
une femme de 58 ans et un
homme de 71 ans.
Ces deux morts et la découverte
de premiers cas de transmission
non plus directs par le premier
malade, mais par des personnes
ayant par la suite contracté le
MERS coronavirus (MERS-CoV),
ont poussé la présidente Park
Geun-hye à convoquer, le 3 juin,
une réunion d’urgence.
Les autorités sud-coréennes
cherchent en outre à rassurer la
population. Elles rappellent que la
contamination se fait par contact
prolongé avec un malade et que
les personnes décédées souffraient de problèmes respiratoires
avant de contracter le MERS-CoV.
Elles multiplient également les
mesures d’endiguement. Des mesures de confinement de tous
ceux ayant été en contact avec les
malades ont déjà été décidées. 750
personnes seraient pour l’instant
concernées, mais le nombre pourrait rapidement augmenter. Les
malades et les personnes en isolement n’ont pas le droit de quitter
le pays. Cette décision fait suite à
l’affaire du Coréen du Sud qui a
choisi de prendre fin mai l’avion
pour la Chine, malgré 38 °C de fièvre et l’avis négatif des médecins.
L’homme a été hospitalisé le
29 mai dans la province chinoise
du Guangdong après confirmation de sa contamination au
MERS-CoV. Près de 70 personnes
l’ayant approché ont été placées
en quarantaine.
« Négligence du gouvernement »
Le 3 juin, le ministère de l’éducation a annoncé la fermeture de
209 établissements scolaires de
tout le pays, 1 % du total. Dans la
province de Chungcheong du
Nord (centre), quatre écoles primaires l’ont été, car l’un des enseignants aurait été en contact avec
un malade. Les autorités de la province de Gyeonggi, près de Séoul,
ont pris une décision similaire
pour 22 écoles primaires proches
de l’hôpital de Pyeongtaek, qui a
traité le premier cas de MERS et
qui a enregistré l’un des deux décès. L’hôpital de Pyeongtaek a été
fermé le 26 mai et devrait rouvrir
C’est en Arabie
saoudite
que le premier
patient
sud-coréen aurait
contracté, début
mai, la maladie
le 10 juin. 84 membres de son personnel sont en isolement. Les
zoos sud-coréens ont également
placé en quarantaine les chameaux qui peuvent transmettre
le virus à l’homme.
Ces réponses interviennent
pourtant tardivement, et le gouvernement est aujourd’hui sous
le feu de vives critiques pour la
lenteur de sa réaction. « Quand
une maladie se répand en raison
de traitements et de contrôles inadéquats, déplorait dans un éditorial du 1er juin le quotidien proche
de l’opposition Kyunghyang, le
problème vient de l’incompétence
et de la négligence du gouvernement. » Inquiets, les Coréens du
Sud multiplient les achats de masques. A l’étranger, l’inquiétude
grandit. Plusieurs centaines de
Chinois ont annulé des voyages
prévus en Corée du Sud.
L’inquiétude ne semble pas près
de retomber. « De nouveaux cas
sont attendus », estime l’Organisation mondiale de la santé
(OMS), qui n’a, pour l’instant, pas
recommandé de restriction sur
les voyages en Corée du Sud.
Selon des sources citées par le
quotidien Korea Times, l’OMS
pourrait envoyer une dizaine
d’épidémiologistes en Corée du
Sud. Ils interviendraient en réponse à une demande des autorités sud-coréennes, le 31 mai, pour
réaliser un séquençage du virus,
une opération importante afin
de freiner sa diffusion.
Le séquençage doit aussi permettre d’établir un lien avec la souche identifiée en Arabie saoudite.
C’est dans ce pays que le premier
patient sud-coréen aurait contracté, début mai, la maladie. C’est
également en Arabie saoudite que
le MERS-CoV a été identifié
en 2012. Depuis, selon les données
de l’OMS, 1 154 personnes l’ont
contracté dans le monde. 434 en
sont mortes. Aucun traitement ou
vaccin n’existent pour ce virus, qui
appartient à la même famille de
coronavirus que le SRAS, le syndrome respiratoire aigu sévère,
dont l’épidémie, en 2002-2003,
avait fait près de 800 morts en
Chine. p
philippe mesmer
En Tanzanie, sur les
109 051 éléphants recensés
en 2009, il n’en restait plus
que 43 330 en 2014, selon
les chiffres rendus publics
par le gouvernement. Selon
l’ONG Traffic, les braconniers
exportent l’ivoire principalement depuis les ports
de Dar es Salaam et de
Zanzibar. – (AFP.)
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JEUDI 4 JUIN 2015
L’islam, variable électorale de Sarkozy
Les Républicains consacrent, jeudi 4 juin, leur première journée de travail à la deuxième religion de France
suite de la première page
Les deux organisateurs, les députés Henri Guaino (Yvelines) et Gérald Darmanin (Nord), espéraient
pourtant faire venir une myriade
d’intellectuels, des représentants
d’associations, des responsables
de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) et du
Conseil français du culte musulman (CFCM), institution créée
en 2003 par M. Sarkozy, alors ministre de l’intérieur.
Aucun d’entre eux n’a finalement voulu cautionner cette journée, malgré des textos d’invitation de plus en plus pressants.
« Les conditions ne sont pas réunies pour une participation sereine » à la journée de travail du
parti de droite, affirme au Monde
l’un des dirigeants du CFCM. « Il
est inacceptable d’aller à cette convention », estime Abdallah Zekri,
membre du bureau exécutif du
CFCM.
Les relations entre l’ancien président de la République et le CFCM
se sont nettement dégradées ces
dernières semaines. Peu après
son retour à l’UMP, les représentants de l’institution chargée de
représenter les musulmans
avaient eu un aperçu de son état
d’esprit lors d’une rencontre au
siège du parti. « Il nous a dit que
s’il avait été battu à la présidentielle, c’était parce que nous avions
fait voter pour François Hollande », témoigne M. Zekri.
Une ligne de plus en plus dure
M. Sarkozy a néanmoins tenté de
les enrôler dans son projet de convention sur l’islam. Le 3 mars, à la
sortie d’un déjeuner à la Mosquée
de Paris avec le bureau du CFCM
élargi à l’UOIF et aux représentants de plusieurs mosquées, il affirme publiquement vouloir obtenir un « texte commun » entre son
parti et le CFCM. Pendant le repas,
il n’avait pourtant pas été question de ce texte. Peu désireux de se
laisser embarquer dans une initiative partisane, les responsables
musulmans publient le lendemain un communiqué affirmant
leur intention d’éviter « toute instrumentalisation ».
C’est surtout la ligne adoptée par
l’ex-chef de l’Etat, de plus en plus
dure à l’égard de l’islam, qui indispose les responsables musulmans.
Lors du déjeuner du 3 mars, « dans
une ambiance franche », selon un
proche du président du parti,
M. Sarkozy a déclaré que certaines
« pratiques » des musulmans devaient évoluer. Il a cité comme
exemple le port du voile par les
étudiantes à l’université, jugé problématique. Il a aussi affirmé que
la notion d’intégration était « dépassée » et qu’il fallait maintenant
parler d’« assimilation ».
Le climat s’est encore détérioré,
en avril, après une série de déclara-
Nicolas Sarkozy lors d’une rencontre
avec des représentants musulmans,
dont Dalil Boubakeur (assis face à l’ancien
chef de l’Etat), à la Grande Mosquée
de Paris, le 3 mars. MARTIN BUREAU/AFP
tions « stigmatisantes » de la part
de dirigeants de l’UMP, selon la formule d’Anouar Kbibech, qui prendra la présidence du CFCM le
1er juillet. Le 26 avril, le maire de
Nice, Christian Estrosi, a par exemple affirmé sur France 3 que la
France devait faire face à des « cinquièmes colonnes » islamistes et
qu’une « troisième guerre mondiale » était déclarée à la « civilisation judéo-chrétienne » par « l’islamo-fascisme ». « Il est entouré
d’idéologues de l’islamophobie qui
pensent récupérer les voix du FN »,
accuse Abderrahmane Dahmane,
qui fut conseiller pour la diversité
à l’Elysée avant d’être limogé,
en mars 2011, pour désaccord sur le
débat sur l’islam et la laïcité.
« Il est
inacceptable
d’aller à cette
convention »
ABDALLAH ZEKRI
membre du bureau exécutif
du CFCM
Remonter les méandres de la
pensée sarkozyste sur l’islam et la
laïcité peut donner le tournis.
En 2004, dans son livre La République, les religions, l’espérance
(éd. Cerf), celui qui est alors ministre de l’intérieur expose sa vision
d’une « laïcité positive » où les religions sont décrites comme « le
support d’une espérance ».
« Aujourd’hui, l’islam (…) a un nouveau rôle à jouer. Partout en
France, et dans les banlieues plus
encore qui concentrent toutes les
désespérances, il est bien préférable que des jeunes puissent espérer
spirituellement plutôt que d’avoir
dans la tête, comme seule “religion”, celle de la violence, de la drogue ou de l’argent », écrit-il.
Arrivé à l’Elysée en 2007,
M. Sarkozy n’abandonne pas ce
plaidoyer en faveur du fait religieux. Mais un glissement sémantique se dessine, puisqu’il va
peu à peu y ajouter la prédominance de la chrétienté. « La laïcité
positive (…) ne considère pas que
les religions sont un danger, mais
plutôt un atout », déclare-t-il lors
de son discours à la basilique du
Latran à Rome, le 21 décem-
bre 2007, où il s’enthousiasme
pour la « profondeur de l’inscription du christianisme dans notre
histoire ». En janvier 2008, lors
d’un voyage en Arabie saoudite, il
choque durablement les défenseurs de la laïcité en estimant que
« l’instituteur ne pourra jamais
remplacer le curé ou le pasteur ».
Incarner la rupture
Rien à voir avec le Nicolas Sarkozy
version 2015. De meeting en meeting, il se dresse en défenseur
d’une République forte qui ne survivra que par l’application d’une
laïcité rigoriste. « Ce sont les religions qui s’adaptent à la République, pas la République qui s’adapte
à la religion », déclare-t-il à chacun
de ses discours avant de longuement évoquer la question de l’islam. « Ce débat-là, il faut qu’on l’ait
pour avoir un islam de France qui
intègre les valeurs de la République », déclare-t-il lors d’un meeting à Dammarie-les-Lys (Seine-etMarne), le 20 mars, faisant luimême le deuil de l’action du
CFCM. « Celui qui nous rejoint doit
s’assimiler, adopter notre mode de
vie, notre culture. (…) Garde-t-on ses
chaussures quand on visite une
mosquée à l’étranger ? », lance-t-il
aussi lors de ce discours prononcé
à deux jours du premier tour des
élections départementales.
Même s’il n’est pas pratiquant,
Nicolas Sarkozy s’est toujours dit
« intéressé et intrigué » par le fait
religieux, selon son entourage.
Mais ses analyses sont souvent
conditionnées par le contexte
dans lequel il s’exprime.
Entre 2002 et 2007, figure montante de son parti cherchant à incarner une rupture par rapport à la
droite classique, il préempte la thématique de la discrimination positive et du respect de l’islam, des
thèmes assez novateurs dans sa famille politique. Un pragmatisme
teinté parfois d’électoralisme. A
l’approche des élections départementales de mars 2015, il durcit
son discours sur l’islam « qui ne
doit pas se vivre dans les caves et les
garages » et se prononce contre les
repas de substitution dans les cantines. Un appel du pied peu discret
aux électeurs du FN.
« Il ne m’apparaît pas comme un
homme pétri de religion, mais il en
a une vision bonapartiste, c’est-à-
Lydia Guirous, porte-parole d’une laïcité intransigeante
PROFIL
E
lle est devenue membre de
l’UMP en janvier. Elle n’est
pas élue. Mais elle est dorénavant l’une des deux porte-parole du parti Les Républicains. A
30 ans, Lydia Guirous n’a pas tardé
à se faire une place auprès de Nicolas Sarkozy. « Il a toujours à cœur
de faire monter de nouveaux profils. Elle est énergique, on va observer comment elle se révèle dans ce
rôle très politique », explique l’entourage de l’ancien chef de l’Etat.
A l’automne 2014, c’est Sébastien
Proto, conseiller de Nicolas
Sarkozy pour les questions économiques, qui glisse le nom de
Mme Guirous à celui-ci. A cette époque, cette Française d’origine kabyle, ancienne candidate aux législatives sous les couleurs du
Parti radical, émerge médiatiquement avec la publication de Allah
est grand, la République aussi (éd.
JC Lattès). Dans cet ouvrage, qui relève autant de l’autobiographie
que de l’essai, la jeune femme raconte son parcours, de l’Algérie à
l’Ecole supérieure de commerce
de Paris. Elle y dresse un réquisitoire très personnel des renoncements de la France face à la montée du communautarisme. Et décrit les pressions islamistes qui
gangrènent sa ville d’enfance de
Roubaix (Nord), où l’on prêche
« un islam fait de haine de l’autre,
haine de la femme et de la France ».
Assimilation stricte
« Des quartiers entiers étaient devenus des provinces étrangères où
il était recommandé de parler
arabe et d’être vêtu selon certains
critères, surtout quand on est une
femme d’origine maghrébine »,
écrit Mme Guirous, qui s’insurge
contre le thème « colla-beur »
employé, selon elle, par certains
musulmans pour dénoncer ceux
qui vivent avec un « mode de vie
français ». Inspirée dans sa jeunesse par Rosa Parks, militante
pour les droits civiques américains, l’auteure accuse les immigrés d’utiliser l’argument de la
« colonisation, qui devient une excuse aux échecs », et se prononce
en faveur du port de l’uniforme
ou pour une charte de la laïcité en
entreprise. Une conception très
stricte de l’assimilation.
« NKM » tient à son « autonomie »
Nathalie Kosciusko-Morizet a réussi à sauver sa place à la direction
des Républicains. Selon un communiqué du parti, publié mardi
2 juin, la députée de l’Essonne reste numéro deux, à la fonction de
vice-présidente déléguée. Mais elle ne s’occupera plus du projet,
dont hérite l’ancien ministre Eric Woerth. Laurent Wauquiez reste secrétaire général. D’après l’entourage de Nicolas Sarkozy, « NKM » s’est
engagée à ne plus exprimer des positions contraires au président du
parti. « Je tiens absolument à conserver mon autonomie d’expression.
Je souhaite continuer à défendre une ligne politique qui, je le sais,
n’est pas forcément la ligne majoritaire », a-t-elle affirmé au Monde.
M. Sarkozy a lu le livre, qui lui a
plu. Après un simple entretien
sollicité par l’auteure, le 21 janvier,
il la nomme secrétaire nationale
aux valeurs de la République et à
la laïcité. Elle envoie alors de nombreux communiqués, par exemple pour défendre l’interdiction
du voile à l’université, et ce alors
même que le bureau politique n’a
pas tranché sur le sujet.
Lydia Guirous pourfend également « les associations communautaristes relayées par les médias ». Chez Les Républicains,
certains jugent trop rigoriste une
telle défense de la laïcité. « Elle est
marquée par son histoire et c’est
tout à fait respectable. Mais la
France est aussi un pays de libertés », confie une dirigeante
du parti. p
m. gr
Selon ses
proches, Nicolas
Sarkozy a surtout
été marqué par
ses rencontres
avec des élus qui
constatent un
« durcissement
de l’électorat
sur la question »
dire qu’il y voit un fait social important dont il faut tenir compte
pour diriger les Français », analyse
un de ses anciens conseillers à
l’Elysée, où son entourage a toujours beaucoup pesé dans ses
orientations. Patrick Buisson l’a
incité sans relâche à faire référence aux racines chrétiennes de
la France. Henri Guaino, qui défend une ligne assimilatrice, l’a
convaincu de l’importance de la
loi contre la burqa alors qu’il était
plutôt dubitatif lors des premières réunions sur le sujet en 2010.
Pourquoi M. Sarkozy a-t-il encore accentué son discours depuis son retour à la vie politique ?
Entre 2012 et 2014, l’ancien chef de
l’Etat rencontre plusieurs fois des
jeunes catholiques lors de réunions informelles organisées par
le médiatique abbé Grosjean.
Mais il consulte peu sur le sujet de
l’islam.
Ses proches disent aujourd’hui
qu’il a surtout été marqué par ses
rencontres avec des élus qui constatent un « durcissement de l’électorat sur la question ». Il lit également le livre Allah est grand, la République aussi (JC Lattès, 2014), de
Lydia Guirous. Cette jeune femme
d’origine kabyle y décrit une
France qui a abdiqué face à la
montée du communautarisme
musulman. « Le prétexte de la
stigmatisation est devenu le cache-misère des républicains lâches », écrit Lydia Guirous, promue mardi 2 juin porte-parole des
Républicains. p
cécile chambraud
et matthieu goar
france | 9
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
Pacte de responsabilité : le coup
de pression du gouvernement
L'HISTOIRE DU JOUR
A l’Assemblée, Les Républicains
refusent d’être appelés « LR »
Stéphane Le Foll n’exclut pas une réorientation des crédits
F
aut-il y voir l’effet des mauvais chiffres du chômage
ou l’imminence du congrès
du Parti socialiste ? Stéphane Le
Foll, le ministre de l’agriculture et
porte-parole du gouvernement a
laissé entendre mardi 2 juin sur
Europe 1 qu’une réorientation du
pacte de responsabilité, pierre angulaire de la politique économique de François Hollande, était
dans les tuyaux. « Il va y avoir un
rapport d’évaluation du pacte de
responsabilité qui va arriver avant
l’été. (…) Il y aura bien sûr des décisions et des conclusions à en tirer »,
LES CHIFFRES
41 MILLIARDS
Annoncé, le 31 décembre 2013,
par François Hollande, le pacte
de responsabilité prévoit, pour
2015-2017, 41 milliards d’euros
d’allégements d’impôts et de cotisations sociales en faveur des
entreprises, en contrepartie
d’embauches, de formations, etc.
20
Nombre de branches qui ont
signé un accord, selon le Medef
(8 millions de salariés) ; 56 autres
ont engagé des négociations.
a expliqué ce proche du président,
en référence au rapport PisaniFerry qui doit être remis au cœur
de l’été.
Les propos de M. Le Foll font
écho à ceux du chef de l’Etat, estimant dans son discours de Carcassonne, le 19 mai, que le temps
de la redistribution était venu. Ils
traduisent surtout l’agacement
du gouvernement face au Medef
et à la CGPME, après la publication
lundi 1er juin de nouveaux chiffres
catastrophiques sur le front du
chômage. Mardi, M. Rebsamen a
fustigé les « postures nationales »
des « organisations patronales ».
Leurs critiques incessantes – par
exemple du projet de loi sur le dialogue social – sont liées au fait
qu’elles se disputent les voix des
petites entreprises pour calculer
la représentativité patronale, estime M. Rebsamen.
Réorientation
La menace est à peine voilée. Si les
grandes entreprises ne font pas
des efforts supplémentaires pour
répercuter les chiffres de la croissance en création d’emplois, une
partie des 15 milliards qui restent
à distribuer dans le cadre du crédit d’impôt compétitivité emploi
(CICE) et du pacte de responsabilité pourrait être davantage ciblée
en faveur de l’investissement public et privé et vers les PME et TPE.
C’est ce qui figure peu ou prou
dans la motion de M. Cambadélis
en vue du congrès de Poitiers, signée par l’ensemble du gouvernement : « Les engagements ne
semblent pas, à ce stade et par toutes les branches professionnelles,
respectés. Si cette situation est confirmée par l’évaluation nationale,
nous estimons que les 15 milliards
du pacte qui restent à utiliser devraient dorénavant l’être plus directement pour favoriser l’emploi,
l’investissement privé productif et
les investissements publics. »
La réorientation dépend donc
avant tout du rapport de M. Pisani-Ferry. « On sait déjà ce que va
contenir le rapport, pas besoin
d’être grand clerc pour voir que des
secteurs comme la grande distribution ou les banques ont moins
besoin du dispositif que les PME »,
confie un pilier de la majorité.
Evoquer la redistribution est
aussi une façon, à trois jours du
congrès, d’acheter la paix sociale
avec l’ensemble du PS, frondeurs
compris. « On va proposer de réorienter les 15 milliards, mais s’il y a
un compromis sur 7 ou 8 milliards
on sera d’accord », estime l’un
d’eux.
Du côté des ministères concernés, on se fait cependant beaucoup plus prudent. A Bercy, on indique qu’en attendant le retour de
l’évaluation de M. Pisani-Ferry,
« aucune piste de travail n’a été
ouverte ». Dans l’entourage du mi-
nistre du travail, François Rebsamen, on indique ne pas avoir d’informations nouvelles à apporter.
« Ce n’est pas un sujet dont on
parle », glisse un autre conseiller,
très au fait de ces dossiers.
« Prudence »
Le monde patronal, lui, fronce les
sourcils en prenant connaissance
des propos du porte-parole du
gouvernement. Si le dispositif est
remanié, « ça va être dramatique
pour la confiance », prévient un
haut gradé du Medef. « On leur a
dit à plusieurs reprises de ne pas
modifier la trajectoire du pacte de
responsabilité, ajoute cette
source. Il est impossible d’attendre
des chefs d’entreprises qu’ils embauchent et de ne pas leur donner
de la visibilité. »
Le président de la CGPME, François Asselin, est un peu étonné. Il
raconte que, lors de son audition,
mardi, par des députés socialistes,
ceux-ci lui ont indiqué que « pour
l’instant, il n’était pas question de
faire bouger les choses ». « Prudence, exhorte-t-il. Le sujet est sensible car il concerne l’environnement fiscal des entreprises. Quand
on y touche, ça peut entraîner des
catastrophes. Nous ne pouvons pas
nous permettre, compte tenu de notre situation, de nous lancer dans
des expériences malheureuses. » p
bertrand bissuel
et nicolas chapuis
D
éferlement de lettres à l’Assemblée nationale. Du jour
au lendemain, elles ont envahi tous les documents officiels de la maison, les fiches des déroulés de séance,
les écrans de télévision, les étiquettes… Adieu les appellations
SRC, RRDP, GDR, Ecolo, UDI et UMP ; bienvenue aux noms complets pour les Socialistes, républicains et citoyens, les Radicaux,
républicains, démocrates et progressistes, la Gauche démocrate et républicaine, les Ecologistes, l’Union des démocrates et
indépendants et… Les Républicains. Car c’est bien à ces derniers, nouvelle appellation de l’UMP, que les députés des cinq
autres groupes parlementaires doivent d’être désormais officiellement présentés dans leur intitulé complet et non par une
abréviation, comme le veut la coutume parlementaire.
Si la bataille sémantique peut apparaître insignifiante en dehors des
du Palais-Bourbon, elle tenait à
PUISQUE LES DÉPUTÉS murs
cœur aux députés de l’opposition. Le
DE DROITE NE VEULENT président du groupe de l’ex-UMP,
Christian Jacob, n’a pas lâché le morPAS D’ABRÉVIATION,
ceau lors de la conférence des présidents, mardi 2 juin, qui statuait sur la
IL N’Y EN AURA
question : pas question pour l’élu de
Seine-et-Marne de laisser son
POUR PERSONNE,
groupe se faire appeler LR.
Pendant un long moment, les préONT RÉPLIQUÉ LES
sidents des groupes ont donc déAUTRES GROUPES
battu de la question, le socialiste
Bruno Le Roux expliquant notamment qu’il se refuserait à appeler le groupe d’en face « Les Républicains ». « J’étais à deux doigts de quitter la conférence », a
rapporté dans la foulée à la presse Christian Jacob, furieux.
Puisque les députés de droite ne veulent pas d’abréviation,
alors il n’y en aura pour personne, ont répliqué les responsables des autres groupes autour de la table. L’opposition n’aura
donc pas le monopole du label « républicain » à l’Assemblée.
Le message politique est passé, du moins à l’écrit : avec les six
noms de groupes systématiquement déclinés au long, on ne
peut plus ignorer que trois d’entre eux se qualifient déjà de
« républicains ». Mais, dans les faits, cette pratique que tout le
monde s’accorde à trouver plutôt ridicule ne tiendra pas, et
l’utilisation des diminutifs reviendra forcément dans les usages. Reste à savoir si LR s’imposera ou si Les Républicains de
l’Assemblée ne finiront pas tout simplement par s’appeler
« Les Rep ». p
hélène bekmezian
Jean-Marie Le Pen dénonce
les « méthodes staliniennes » du FN
L’ancien président du Front national conteste en justice
la procédure ayant abouti à sa suspension du parti
« Voie de fait »
Depuis l’éclatement du conflit qui
les oppose, le père et la fille, avocate de son état, se préparent à cet
affrontement judiciaire. Dès le
lendemain de l’annonce de sa suspension par le bureau exécutif,
Jean-Marie Le Pen est notifié de
cette décision par un courrier envoyé à son domicile. Considérant
l’attitude de ses contempteurs
comme une « voie de fait », il fait
savoir, lui aussi par courrier, au secrétaire général du FN, Nicolas
Bay, qu’il se réserve « toutes voies
de droit ». Le même Nicolas Bay
lui transmet dans la foulée la réponse de Marine Le Pen : « Ce seront donc les tribunaux qui seront
amenés à trancher. »
« Il n’y a pas
besoin d’être
adhérent d’une
association pour
en être le
président
d’honneur »
FRÉDÉRIC JOACHIM
avocat de Jean-Marie Le Pen
Dans son assignation, M. Le Pen
met en avant l’illégalité, selon lui,
de la déchéance de ses droits en
tant que président d’honneur. Ces
dernières semaines, il n’a plus été
invité à siéger dans les instances
de direction. Il ne dispose plus,
non plus, d’une carte de crédit
pour régler ses frais personnels.
Rien de plus normal, assure-t-on à
la direction du FN, où l’on explique que la suspension de sa qualité d’adhérent vaut suspension
de sa qualité de président d’honneur. Une donnée qui justifierait
aussi le fait que le nom et la photo
de Jean-Marie Le Pen aient été effacés du site Internet du FN.
« Cette assignation n’est pas fondée juridiquement, elle tourne
autour du fait qu’il a été privé de
carte bancaire, ça le perturbe
beaucoup », raille-t-on dans l’entourage de Marine Le Pen.
« Il n’y a pas besoin d’être adhérent d’une association pour en être
le président d’honneur », assure
pourtant Me Frédéric Joachim,
conseil de Jean-Marie Le Pen.
L’avocat dénonce la pression
exercée sur son client, et l’influence que la situation exercerait
sur les adhérents : ces derniers
sont invités à voter par courrier,
dans les semaines à venir, sur la
suppression du statut de président d’honneur dans le cadre
d’une assemblée générale extraordinaire.
Jean-Marie Le Pen conteste par
ailleurs la procédure qui a abouti
à sa suspension. Il nie la compétence du bureau exécutif en la
matière, et note que les articles
soulevés dans les statuts du FN
pour appuyer la décision ne sont
pas les mêmes dans le courrier
qui lui a été envoyé et dans le communiqué transmis à la presse. De
plus, M. Le Pen dit ne pas reconnaître la légitimité de l’assemblée
générale à se prononcer sur le statut de président d’honneur. Il réclame dès lors l’organisation d’un
congrès physique.
« J’y serai »
Pour soutenir le caractère urgent
de cette procédure, la défense a
mis en avant le fait que la santé de
l’ancien président du FN, qui fête
ses 87 ans le 20 juin, est chancelante. Ce dernier a été hospitalisé
pendant trois jours en avril pour
une artère coronaire bouchée
ayant provoqué une embolie. « Il
ne va pas très bien, tout ça l’affecte », confirme son amie MarieChristine Arnautu. Cela ne devrait pas l’empêcher d’être présent à l’audience le 12 juin. « J’y
serai, en personne… », a-t-il assuré. Ce jour-là, le bureau politique du FN doit se réunir pour
fixer l’ordre du jour exact de l’assemblée générale extraordinaire.
« Le Pen, c’est le passé, c’est fini. On
a fait une croix dessus », veut
croire un dirigeant frontiste.
Mais quand le procédurier s’en
mêle, les certitudes peuvent être
mises à mal. p
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J
ean-Marie Le Pen est un procédurier. Du temps où il dirigeait le Front national, le parti
d’extrême droite quittait rarement les prétoires, trop occupé
qu’il était à porter devant la justice le moindre cas supposé de diffamation ou d’injure. « On avait
deux ou trois procès par semaine,
ça n’arrêtait jamais », se souvient
avec amusement un cadre du
parti. Cette manie, l’ancien président du FN la retourne
aujourd’hui à la fois contre son
parti et contre sa fille, Marine Le
Pen. Le député européen a annoncé, mardi 2 juin, avoir déposé
une assignation à jour fixe devant
le tribunal de grande instance de
Nanterre pour faire annuler la
suspension de sa qualité d’adhérent du FN, décidée le 4 mai. « Je
veux que cesse l’infamie de ma suspension », a réclamé M. Le Pen, dénonçant les « méthodes staliniennes » utilisées selon lui par la direction du parti. L’audience doit
avoir lieu le 12 juin, a-t-il annoncé.
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0123
JEUDI 4 JUIN 2015
De nouvelles
pistes pour
les programmes
d’histoire
sous celle d’un « récit national »
– plus axé sur les faits historiques
que sur la valorisation de héros et
d’une épopée –, le forum de mercredi lui consacre une table ronde.
Ces dernières semaines, le gouvernement s’est prononcé pour le
« récit ».
Un colloque est organisé pour
apaiser les polémiques sur le collège
D
es quatre « forums »
que le Conseil supérieur des programmes
(CSP) a convoqué pour
apaiser les polémiques sur ses projets – en histoire, mathématiques,
français et sciences –, celui consacré à l’histoire, mercredi 3 juin, est
le plus attendu. Pas seulement
parce qu’il doit réunir, à la Sorbonne, tout ce que le pays compte
de spécialistes et d’acteurs de terrain, dont les historiens Pierre
Nora et Patrice Gueniffey, qui ont
nourri la controverse en mai.
C’est aussi que la discipline,
prompte à exacerber les passions,
vient d’être soumise à un flot de
critiques. Les détracteurs des nouveaux programmes y ont vu un
enseignement de l’islam aux dépens de la chrétienté, une logique
de repentance privilégiée aux Lumières ou à la Renaissance, et également critiqué les thématiques
laissées au libre choix des enseignants… Une instrumentalisation
politique sans rapport avec la réalité de ces nouveaux programmes,
annoncés pour la rentrée 2016.
Si la logique chronologique est
désormais acquise, les projets de
programmes sont amenés à évoluer. Le CSP ne l’a jamais caché : ils
sont « perfectibles ». Dévoilés mimars, ils seront amendés après la
phase de consultation des enseignants, qui doit s’achever mi-juin.
Une deuxième version est promise en septembre.
Parmi les inflexions qui se devinent, la disparition – au moins sur
la forme – du distinguo entre des
thématiques « obligatoires » (en
gras dans le document initial) et
d’autres « facultatives ». Cette nouveauté, sur laquelle les milieux
conservateurs avaient focalisé le
débat, inquiète aussi les enseignants. « On peut craindre une inégalité territoriale entre les établissements quant aux sujets choisis »,
résume Hubert Tison, de l’Association des professeurs d’histoiregéographie, conviée à l’une des tables rondes le 3 juin.
L’inquiétude existe aussi parmi
Les Clionautes, autre association
d’historiens et de géographes de
terrain invitée au forum. « Faire le
tri entre ce qui est facultatif et ce qui
est obligatoire, cela revient à établir
une hiérarchie de valeurs, ce qui
nous laisse circonspects, témoigne
La place
de l’islam dans
les nouveaux
programmes
n’est pas remise
en question, mais
il n’est pas exclu
de le traiter dès la
6e plutôt qu’en 5e
Bruno Modica, enseignant à Béziers et président des Clionautes,
tout en soulignant que « donner de
la latitude aux professeurs en fonction de leur formation et de la réalité de leur classe semble nécessaire ».
Pour « sortir du cercle infernal des
programmes impossibles à boucler », comme le dit Michel Lussault, le président du CSP, l’instance entend « valoriser les choix
historiographiques plutôt que thématiques ». L’objectif, lui, reste le
même : « Aider les enseignants à
choisir ce qu’ils vont abandonner
dans le cadre de la scolarité obligatoire », assume ce géographe de
métier. Pas sûr qu’il apaise ainsi les
craintes d’un « nivellement par le
bas » brandi par les opposants aux
réformes engagées.
La place de l’islam dans les nouveaux programmes n’est pas remise en question. Ce qui l’est, semble-t-il, c’est le « moment » auquel
cet enseignement sera abordé : il
n’est pas exclu de le traiter dès la 6e
(plutôt qu’en 5e , comme
aujourd’hui), c’est-à-dire en même
temps que le christianisme et le judaïsme, pour constituer un bloc
sur les monothéismes. De ce choix
pourraient en découler d’autres.
Parmi les pistes explorées,
l’abandon de la préhistoire en 6e et
le fait d’avancer en classe de 4e l’enseignement de la première guerre
mondiale. Celle-ci est souvent
abordée en fin d’année, quand les
enseignants préféreraient le faire
plus tôt et plus sereinement. « Jusqu’où aller dans l’histoire contemporaine ? Quand faire commencer
l’histoire ancienne ? Pourquoi ne
pas inclure l’histoire de la Chine ?
Pourquoi ne pas miser sur des programmes plus internationaux ? Les
interpellations d’historiens sont
aussi nombreuses que variées, reconnaît le président du CSP. Mais il
nous faut lutter contre la tendance
naturelle à rajouter de nouveaux
chapitres. » Quant à la polémique
sur une histoire enseignée sous la
forme d’un « roman national » ou
« Un signal d’apaisement »
N’en déplaise à Michel Lussault,
qui assure que ce forum était prévu
de longue date – « Pas dans une
perspective de négociations, mais
d’échanges et de débats », dit-il –, les
discussions programmées mercredi ressemblent fort à une opération déminage du ministère de
l’éducation nationale. D’autant
que la ministre, Najat Vallaud-Belkacem, doit venir les ouvrir. « Ce
n’est pas la première fois qu’un colloque sur l’histoire est convoqué
par le pouvoir politique », rappelle
l’historien de l’éducation Claude
Lelièvre, citant notamment celui
organisé à la demande de François
Mitterrand en 1984. « Evidemment
que la ministre donne ainsi un signal d’apaisement, mais je n’y vois
pas, bien au contraire, un signe d’affaiblissement du CSP, insiste l’historien, ni un démenti des changements introduits. »
L’instance indépendante créée
par la loi de refondation de
juillet 2013 n’entend pas revenir
sur l’essentiel : la présentation des
programmes par cycles – sur trois
ans plutôt que sur un seul –, fixant
les objectifs à atteindre, plutôt que
le niveau à acquérir, selon une « logique curriculaire » en vigueur
chez nombre de nos voisins européens… Une formule qui peine à
s’enraciner en France. Michel Lussault reconnaît « avoir probablement sous-estimé la difficulté intrinsèque » à concevoir de tels programmes, « et la rupture culturelle » qu’ils induisent. p
mattea battaglia
et séverin graveleau
SAMEDI 6 JUIN 2015 10H-17H
s. gr
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S PART
DE
AIRES
EN
« Manque d’ambition »
De son côté, l’Académie des sciences ne mâche pas ses mots pour
dire tout le mal qu’elle pense d’un
projet dont la partie scientifique
sera mise au débat vendredi : « Ces
programmes ne sont pas satisfaisants pour des raisons structurelles. » Ses membres n’ont pas apprécié de ne pas être sollicités en
amont de la rédaction des nouveaux programmes. Dans un avis
rendu le 27 mai et intitulé « L’excellence pour tous », ils dénoncent
« le manque d’ambition » et la
« perte significative » de contenu
dans ces documents construits
« autour de compétences plutôt
que de connaissances ». La lecture
des textes concernant les disciplines scientifiques en cycle 4 tempère un peu leur propos. Ces programmes sont en effet organisés
en termes d’« attendus de fin de cycle », donc de compétences, mais,
pour chaque thème étudié –
« nombres et calculs » en maths,
par exemple, « la terre et le vivant »
en SVT –, les « connaissances associées » ou les « contenus scientifiques » correspondants sont bien
précisés.
Alors que l’Association des professeurs de mathématiques de
l’enseignement public estime
« l’esprit global de la réforme (…)
assez conforme aux revendications de l’association », l’Académie
des sciences juge négativement la
nouvelle approche sur les mathématiques. La discipline serait
« isolée » des autres sciences et
aurait même perdu « presque entièrement ce qui fait [sa] substance : la capacité de démontrer ce
qu’on affirme ».
Récemment invité de la Chaîne
parlementaire (LCP), Cédric Villani, Médaille Fields 2010, ne disait
pas autre chose : « A cet âge-là, au
collège, la découverte mathématique la plus importante est d’apprendre à faire un vrai raisonnement et une démonstration. Or (…)
il manque dans ces programmes
tout ce qui peut faire l’excitation intellectuelle. » Une critique difficile
à évaluer pour le néophyte. Le président du CSP a justement prévu
de mettre cette question « difficile » au menu du prochain forum
consacré à cette discipline. p
RCLE
CE
Mais en pariant sur le fait que,
étant spécialistes de leur discipline, ils connaissent parfaitement les grands auteurs pour les
avoir abordés pendant leur formation, on enlève à certains une
« béquille » pédagogique, craint
l’Ecole des lettres.
Elle évoque aussi un risque de
« dispersion des œuvres étudiées ».
Oral, écriture, lecture, étude de la
langue ; les composantes du travail en français sont structurées
dans quatre grands thèmes : « Se
chercher, se construire », « Vivre en
société, participer à la société »,
« Regarder le monde, inventer des
mondes », « Agir sur le monde ».
L’Association des professeurs de
lettres dénonce « une large évacuation des contenus au profit de
simples savoir-faire ou, pire, de “savoir-être”, parfois proches de l’endoctrinement et du formatage de
l’individu et qui transparaissent
dans [ces] thèmes bien-pensants ».
La Liberté guidant le peuple Eugène Delacroix
D
ans les prochaines semaines, le Conseil supérieur
des programmes (CSP) a
prévu d’autres « séances de réflexion » que son colloque du mercredi 3 juin sur l’histoire. Objectif :
recueillir les avis d’experts, de
scientifiques, d’intellectuels, sur
certains aspects disciplinaires de
ces projets. « Ce n’est pas une manière de mettre la poussière sous le
tapis, plaide Michel Lussault, le
président du CSP, mais d’aller plus
loin dans la logique de discussion
(…) pour trouver les meilleurs choix
d’écriture et de présentation [des
nouveaux programmes] afin que
l’évolution soit irréversible. » Reste
que ces tables rondes sont surtout
organisées dans les disciplines focalisant les critiques.
Lors de la journée de réflexion
sur les programmes de français, le
17 juin, le CSP sera sans aucun
doute interrogé sur la suppression
de la liste d’œuvres en fin de cycle 3
(classe de 6e) et pendant tout le cycle 4 (de la 5e à la 3e). « Où sont les
œuvres ? » s’interroge l’Ecole des
lettres, la revue pédagogique des
professeurs de français. Si les genres littéraires à étudier sont bien
précisés – « récits autobiographiques », « poésie lyrique », « épopée », « théâtre » –, aucune recommandation
d’ouvrages
ou
d’auteurs n’est de fait apportée
dans la première mouture.
C’est toute la question de la liberté pédagogique accordée, dans
les nouveaux textes, aux enseignants, véritable leitmotiv du CSP,
qui y voit une réponse à leur
plainte, historique, de programmes « impossibles à boucler ».
IHEDN/Service communication / 2015
Mathématiques, français…
les autres points de crispation
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0123
JEUDI 4 JUIN 2015
Outreau : « Les faits, vous en avez trouvé alors ? »
Mardi, cinq acquittés ont témoigné pour réaffirmer l’innocence de Daniel Legrand
I
ls sont venus, tous, les treize
acquittés
de
l’affaire
d’Outreau, prêts à défiler l’un
après l’autre à la barre des témoins devant la cour d’assises de
Rennes. Mais sitôt ce chiffre écrit,
il faut le rectifier. En fait, ils sont
deux de moins. L’un a été fauché
par une crise cardiaque en 2009,
l’autre par un cancer en 2012. On
s’apprêterait à en compter onze.
On aurait encore tort. Dix viennent donner leur témoignage le
temps d’une journée, tandis que le
onzième comparaît, lui, dans le
box depuis deux semaines déjà.
Mardi 2 juin, l’incroyable loterie
judiciaire de l’affaire d’Outreau
joue son va-tout : d’un côté, les acquittés-témoins qui repartiront
en train le soir même ; de l’autre,
l’acquitté-accusé qui risque vingt
ans de prison. Ni preuve ni élément nouveau n’ont pourtant été
découverts : c’est un coup de procédure, comme on dirait un coup
de dés, qui a séparé l’un d’eux de
tous les autres, quinze ans après le
début de l’affaire. « C’est tombé sur
Daniel Legrand : ça aurait pu être
moi », raconte un des dix autres.
Aux portes de la cour d’assises,
les gens qui se bousculent ont renoncé à comprendre – pour la plupart – les raisons de ce nouveau
procès. Trop compliqué. « Aucune
importance, Outreau c’est la folie
depuis des années, non ? », lance
un retraité. Il est venu « pour les têtes d’affiche, les fameux acquittés », égrenant sur ses doigts
« l’huissier, le curé, le taxi, la boulangère ». Derrière lui, une enseignante applaudit déjà à la parade
des innocents triomphants « qui
ont tous été indemnisés avec les excuses de la République ». C’est l’inverse qui va se produire.
« La première fois que j’ai vu les
autres ? » Alain Marécaux répète
la question du président Philippe
Dary. « Aux assises de SaintOmer. » C’était en 2004, la grande
époque d’Outreau, si l’on ose dire :
17 accusés dans le box, 17 enfants à
la partie civile (tous mineurs), un
réseau pédophile international
avec un berger allemand dressé
pour les sévices, une ferme en Belgique et des petits enfants de pauvres livrés à des notables. Marécaux appartient à cette catégorie,
un huissier possédant manoir,
gros 4×4 et un enfant dans la
même classe que Dimitri Delay.
Comme ses trois frères, Dimitri a
dénoncé ses parents, Myriam Badaoui et Thierry Delay, puis s’est
mis à accuser des gens, jusqu’à
plus de 70 de leur « faire des manières ». L’huissier et sa femme
sont sur une de ses listes.
Marécaux, 51 ans, n’était sûr que
d’une chose en s’asseyant dans le
box à Saint-Omer : « Mon innocence et celle de ma femme. » Et les
autres accusés ? A l’époque, il préfère ne pas leur adresser la parole.
Comment imaginer un juge d’instruction assez fou pour arrêter
autant de monde sans une enquête solide ? Le réseau existe et
eux doivent en faire partie, Marécaux en est sûr. Il mettra plusieurs
semaines à l’audience pour se rendre compte qu’il n’y a ni berger allemand ni Belgique et que chacun
d’entre eux vit, en réalité, la même
chose. C’est toujours le cas
aujourd’hui. L’huissier parle de
ses deux fils, placés en foyer après
son arrestation. L’aîné habite dans
un camion, touchant le RSA,
aucun n’a voulu faire des études.
L’huissier va pleurer. L’huissier
pleure. On n’en est qu’au début.
A voir passer les acquittés l’un
après l’autre, c’est le dossier en accéléré qui commence par défiler.
« Nous allons parler des faits », annonce le président à Dominique
Wiel, prêtre-ouvrier à la retraite. Et
lui lève son sourcil de vieil em-
Le cas à part Daniel Legrand
La comparution de Daniel Legrand dans le procès Outreau 3 ressemble à une question d’examen pour étudiant en droit. Legrand
a, en effet, fêté ses 18 ans en 1999, passant de mineur à majeur au
milieu de la période des faits poursuivis, de 1997 à 2000. Le cas arrive régulièrement. En général, les magistrats tranchent au plus
simple : les accusés concernés sont renvoyés devant les assises
des mineurs. Mais ce détail de minorité échappe, à l’époque, au
juge d’instruction. Pour rattraper l’affaire, la chambre d’instruction
de Douai prend une autre option, légale mais ahurissante : disjoindre le cas Legrand. Il sera bien jugé avec les autres – et donc acquitté – pour les faits postérieurs à sa majorité, mais comparaîtra
seul devant les assises des mineurs pour la période précédente.
L’HISTOIRE DU JOUR
Prostitution : l’Assemblée refait
ce que le Sénat avait défait
L
a « longue, longue route de la lutte contre le système prostitutionnel » qu’a empruntée la députée socialiste de l’Essonne Maud Olivier arriverait-elle à son terme ? Mardi
2 juin au soir, la rapporteure pouvait en tout cas se féliciter
d’avoir fait adopter sa proposition de loi sur la prostitution en
deuxième lecture par la commission spéciale de l’Assemblée
nationale, en rétablissant ce que le Sénat avait défait.
Si le président de la commission, Guy Geoffroy (Les Républicains, Seine-et-Marne) a plusieurs fois rappelé qu’elle n’est
« pas le premier objectif du texte », la disposition visant à pénaliser les clients d’actes sexuels est sans conteste la mesure de
la loi qui, depuis le début, cristallise le plus les débats. Supprimée par les sénateurs, elle a été rétablie en commission – assortie d’un stage de sensibilisation obligatoire pour le client –
à l’écrasante majorité des présents, les députés de l’opposition
ayant déserté les lieux depuis un moment déjà. A gauche, seul
Sergio Coronado, député des Français de l’étranger (EELV), a
voté contre, jugeant que l’« efficacité de la mesure n’a pas été
démontrée ».
Suppression du délit de racolage passif
L’élu écologiste a en revanche suivi les voix de ses collègues
socialistes – et du président de la commission – pour supprimer le délit de racolage passif. Introduit dans le code pénal
en 2003 par le ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy, celui-ci
avait été abrogé par l’Assemblée lors de l’examen en première
lecture de la proposition de loi fin
2013 puis rétabli en mars par le SéSUPPRIMÉE PAR
nat, repassé à droite à l’issue des
élections de septembre 2014. TouteLES SÉNATEURS,
fois, les députés de la commission
spéciale ne se sont pas contentés de
LA PÉNALISATION
défaire le travail de leurs collègues
sénateurs, puisqu’ils ont maintenu
DES CLIENTS
la possibilité de bloquer administraA ÉTÉ RÉTABLIE
tivement les sites Internet proposant un accès à la prostitution, alors
EN COMMISSION
qu’ils s’étaient refusés à la voter lors
de l’examen en première lecture.
Enfin, les élus ont renforcé les mesures d’incitation pour encourager les femmes à sortir de la prostitution et, surtout, à témoigner contre leur proxénète. Ils ont, là encore, suivi leurs
collègues sénateurs en maintenant à un an la durée du titre de
séjour provisoire accordé aux personnes étrangères voulant
sortir de la prostitution – et non six mois, comme le souhaitait
la rapporteure, Maud Olivier.
Cette « loi très attendue », selon les mots de Catherine Coutelle, présidente PS de la délégation aux droits des femmes de
l’Assemblée, devra encore passer l’épreuve du débat en séance,
prévue pour le 12 juin au matin. Soit plus d’un an et demi après
le dépôt de la proposition de loi à l’Assemblée nationale. p
hélène bekmezian
merdeur : « Les faits, Monsieur le
Président ? Vous en avez finalement trouvé alors ? »
Karine Duchochois est passée
chez le coiffeur, tenue particulièrement soignée. « Je suis venue en
me disant je suis superforte, ça ne
me fait rien. » Elle a voulu montrer à tous qu’on peut sortir
d’Outreau par le haut, faire d’un
malheur sa chance, devenir chroniqueuse judiciaire elle, cette
mère de 18 ans qui avait 20 kilos
de trop et passait ses journées à la
Tour du Renard, dans le même
HLM que Myriam Badaoui. « On
était les pions du juge Fabrice Burgaud, il n’écoutait rien. Et puis… »
Et puis, elle craque, brusquement
secouée de sanglots.
« Je tremble devant vous »
C’est le moment où la saga judiciaire se noie dans les larmes. Roselyne Godard, apparaît, la boulangère. Elle raconte l’euphorie
des premières années après son
acquittement, les études de droit
pour devenir avocate, comme Eric
Dupont-Moretti, son défenseur. Il
allait la prendre en stage, elle le lui
avait fait jurer. Elle donnait des
conférences sur les erreurs judiciaires. Elle a tout arrêté, sans
même pouvoir se l’expliquer vraiment, parlant juste « des regards
insistants » quand elle disait
« Outreau » et de sa brusque envie
de « disparaître ». Aujourd’hui,
« je vis recluse, aucune vie sociale.
L’idée de ce témoignage à la barre
a déjà été un cauchemar ».
Et puis, arrive une autre acquittée qui doit se raccrocher au micro pour ne pas tomber. Tout de
« On était
les pions
du juge
Fabrice Burgaud,
il n’écoutait rien »
KARINE DUCHOCHOIS
acquittée du procès Outreau
suite, elle crie : « Je tremble devant
vous, regardez-moi, j’avais tant de
choses à vous dire, je ne le peux
plus. On vit avec Outreau jusqu’à la
mort. Sans mon traitement, je ne
serais pas là. Ce qui se passe est une
horreur : Daniel, ils t’ont mis dans
le box, c’est dégueulasse. »
D’un coup, l’acquitté Daniel Legrand, 33 ans, sursaute sur le banc
des accusés, tiré de son propre
brouillard de médicaments. Les
faits qu’on lui reproche remontent à plus de quinze ans, déjà débattus par deux cours d’assises,
trois commissions d’enquête et
sont pour partie couverts par un
non-lieu. Quelques heures plus
tôt, après un interrogatoire, un
avocat de la partie civile rappelait
qu’un journal avait annoncé à
l’époque la saisie de cassettes vidéo avec des scènes de viols.
« Pourquoi ne pas avoir dit au juge
d’instruction “visionnez-les, vous
verrez que je ne suis pas dessus” ? »
Et l’acquitté Legrand avait répondu, sérieux comme un accusé : « C’était une bonne solution,
mais je n’y ai pas pensé. J’avais
19 ans, j’étais perdu. » La situation
prêterait à rire si elle ne faisait pas
si peur : aucune cassette de ce
Didier Lebret, un diplomate pour
coordonner le renseignement
Il remplace à ce poste Alain Zabulon parti chez Aéroports de Paris
U
n diplomate remplacera
un préfet pour coordonner les activités de la
communauté du renseignement
français. Le conseil des ministres
de mercredi 3 juin devait nommer
Didier Le Bret, directeur du centre
de crise au ministère des affaires
étrangères, au poste de coordinateur du renseignement, fonction
rattachée au président de la république. Il succédera à Alain Zabulon. Alors que la discussion parlementaire bat encore son plein sur
la future loi sur le renseignement
et que le préfet Zabulon avait été,
ès qualités, l’une des chevilles
ouvrières du texte gouvernemental, son départ inattendu, « à sa
demande » a-t-il tenu à préciser,
rappelle que le contrôle politique
sur l’activité des services secrets
est encore en chantier.
Préfet de Corrèze
M. Zabulon avait pris ses fonctions le 19 juin 2013. Nommé pour
ses liens de confiance avec le chef
de l’Etat, il avait notamment été
préfet de Corrèze en 2008, puis
des Landes en 2011, avant de devenir directeur adjoint du cabinet de
François Hollande à l’Elysée
en 2012. Lundi 1er juin, les Aéroports de Paris (ADP) ont annoncé
que M. Zabulon arrivait dans l’entreprise au poste de directeur de la
sûreté, du management des risques et de la conformité.
Le coordinateur national du renseignement (CNR) est une fonction qui a été créée, en 2008, par
l’ex-chef de l’Etat Nicolas Sarkozy
qui entendait par cette décision
contrebalancer, par un contrôle
accru sur les services secrets, le
pouvoir qu’il leur avait octroyé en
moyens financiers et techniques.
Mais faute de ressources propres
et contraint par des effectifs réduits, le coordinateur n’a encore
jamais pu s’imposer face aux
puissants directeurs généraux
des services secrets, notamment
ceux de la Direction générale de la
sécurité extérieure (DGSE) et de la
sécurité intérieure (DGSI).
Le coordinateur est supposé centraliser les questions de planification des moyens humains et techniques des services spécialisés de
renseignement, s’assurer du bon
usage des fonds publics et de la
bonne entente entre les six services constituant la communauté
française du renseignement,
DGSE, DGSI, Direction du renseignement militaire (DRM), police
militaire (DPSD), les douanes (DNRED) et l’autorité antiblanchiment
(Tracfin).
Le premier à avoir occupé cette
fonction, l’ambassadeur Bernard
Bajolet, est aujourd’hui à la tête de
la DGSE. Nommé en 2008, il était
parti en 2011 faute d’avoir pu installer ce poste dans toute sa légitimité. Ancien policier devenu préfet, Ange Mancini, très proche des
services de renseignement, lui
avait succédé et s’en était accom-
A la tête du centre
de crise du Quai
d’Orsay, M. Lebret
a milité pour que
la France cesse
de payer les
rançons exigées
par les ravisseurs
modé avant de laisser la place à M.
Zabulon.
Si le coordinateur doit surtout
déposer, tous les soirs, une note de
synthèse de l’activité des services
sur le bureau du président de la République, il est, en théorie, au cœur
d’une évolution fondamentale de
la stratégie en matière de défense
en France. Depuis les derniers Livres blancs sur la défense, notamment celui de 2008, le renseignement s’est vu reconnaître une
place à part entière, voire centrale,
dans la protection du pays et de ses
intérêts.
Rouage essentiel
Le départ de M. Zabulon est analysé dans le monde du renseignement comme un aveu de faiblesse
face aux services et à leurs relais au
sein de l’Etat et du Parlement. Il reviendra à M. Le Bret, qui fut ambassadeur à Haïti, et est considéré
comme un proche de M. Bajolet,
d’inscrire la fonction de coordinateur dans toute sa plénitude et
comme un rouage essentiel de
l’Etat, ce qu’il n’est pas encore.
A la tête, depuis 2012, du centre
de crise du Quai d’Orsay, qui coordonne toute la prise en charge, à
l’étranger, des victimes françaises
d’attentats, de prises d’otages ou
de catastrophes naturelles,
M. Le Bret est un interlocuteur régulier des services de renseignement. A ce poste, il avait, avec M.
Bajolet, alors ambassadeur en
Afghanistan, milité pour que la
France cesse de payer les rançons
exigées par les ravisseurs de ses
ressortissants. Un engagement repris par M. Hollande avant qu’il ne
change d’avis lors de la libération
des otages français en Afrique. p
jacques follorou
type n’a jamais été découverte,
pas plus que le sex-shop ou la maison en Belgique que l’acquitté Daniel Legrand et son père, également acquitté, étaient censés posséder.
Pierre Martel, chauffeur de taxi,
56 ans, s’avance à la barre, le dernier à témoigner, grand sourire,
confiant. Dans toute l’affaire, il est
le seul à qui une date précise a été
reprochée.
Le
dimanche 28 mai 2000, il aurait convoyé
en Belgique une voiture pleine
d’enfants. Ce jour-là, il disputait
un tournoi au Golfe d’Hardelot.
Martel vient de prendre sa retraite. Heureux. « Vous avez reconnu Daniel Legrand lors d’une
confrontation en garde à vue pour
l’avoir chargé en taxi avec Myriam
Badaoui à la Tour du Renard », lui
demande Léon-Lef Forster, un des
avocats de la partie civile. Pierre
Martel : « Je n’en étais pas sûr,
mais les enquêteurs m’ont dit : “il
faut dire oui ou non. Ici, il n’y a pas
de peut-être”. » Le golfeur sourit
toujours, paisible. Mais l’avocat
tempête. « Vous voulez dire que les
policiers ont changé vos propos ?
Je demande à ce qu’ils soient convoqués pour vous être opposés. »
Martel ne comprend pas, ses
mêmes déclarations ont déjà été
faites et débattues pendant des
heures à Saint-Omer, puis à Paris.
« Je l’avais confondu avec un autre,
mais je m’en suis rendu compte
qu’une fois revenu à la geôle. »
Comme un funambule sur le vide
du dossier, Me Forster continue :
« Ils ont menti donc ? » Alors,
Pierre Martel se met à pleurer. p
florence aubenas
F RAU D E F I S C ALE
La justice ouvre une
enquête sur Thévenoud
Le parquet de Paris a ouvert,
mardi 2 juin, une enquête
pour fraude fiscale visant le
député Thomas Thévenoud.
L’ancien socialiste avait dû
quitter le gouvernement en
septembre 2014 après des révélations sur le non-paiement
de ses impôts. Cette enquête
fait suite à une plainte de
Bercy. – (AFP.)
EN T R EPR I S E
Le texte sur le dialogue
social adopté par
l’Assemblée nationale
L’Assemblée nationale a
adopté, mardi 2 juin, en première lecture, le projet de loi
sur le dialogue social qui vise
à simplifier les règles de négociations au sein des entreprises. Le texte, qui sera examiné
par le Sénat dès le 22 juin, a
rassemblé 301 voix (238 contre et 13 abstentions). – (AFP.)
POLI C E
Démantèlement
d’une filière djihadiste
présumée à La Réunion
Cinq personnes ont été interpellées par la police mardi
2 juin à Saint-Denis dans le cadre d’investigations menées
sur les réseaux islamistes à La
Réunion. Elles ont été placées
en garde à vue pour « association de malfaiteurs en relation
avec une entreprise terroriste ».
R ÉGI ON ALES
Le Parti radical de gauche
met la pression sur le PS
Le président du Parti radical
de gauche, Jean-Michel Baylet,
déplore, dans une interview
au Figaro publiée mercredi
3 juin, que les négociations
avec le PS n’aient pas commencé pour les régionales. Il
réclame une tête de liste et
menace de ne pas soutenir
Carole Delga, secrétaire d’Etat
PS investie en Midi-PyrénéesLanguedoc-Roussillon, « sans
accord global ».
campus | 13
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
Les étudiants s’essaient aux « FabLab »
Universités et grandes écoles proposent à leurs élèves ces laboratoires de fabrication nés aux Etats-Unis
U
ne odeur âcre de plastique brûlé et de sciure
emplit les couloirs de
l’université de CergyPontoise sur le campus de Gennevilliers (Haut-de-Seine). « Bienvenue au FacLab, tonne Adel Kheniche, 23 ans. Vous pensiez que nous
n’étions qu’un atelier de bidouillage électronique ? Eh bien
non ! » Dans ce laboratoire de fabrication de 240 mètres carrés, offrant trois ateliers aux bricoleurs
manuels ou numériques, hackers
et néophytes, Adel Kheniche est
« fab manager » ou « facilitateur ».
Sa mission : « fab manager » ou
« facilitateur ». Sa mission : « accompagner des projets, créer des
synergies entre les utilisateurs du
laboratoire et construire un savoir
collectif plutôt que de le dispenser », explique Laurent Ricard, cofondateur du lieu.
Imaginé aux Etats-Unis, à la fin
des années 1990, au sein du Massachusetts Institute of Technology
LE CONTEXTE
Sous les projecteurs
depuis 2013
En 2013, le gouvernement avait
lancé un appel à projets pour favoriser l’éclosion des « FabLab »
(laboratoires de fabrication). Récompensant seulement quatorze dossiers, il avait fait de
nombreux déçus. L’un d’entre
eux était présenté par l’université de Reims - Champagne-Ardenne (Institut de formation
technique supérieur - IFTS) afin
de renforcer son FabLab « Smart
Materials » consacré aux matériaux intelligents.
Des établissements du supérieur
étaient aussi partenaires des
treize autres projets lauréats,
tels le Pôle de recherche et d’enseignement supérieur de Toulouse, l’université du LittoralCôte d’Opale et son école d’ingénieurs, Télécom Bretagne, Polytech Orléans ou bien l’Ecole polytechnique (comme partenaire
de la société coopérative d’intérêt collectif Made in Montreuil),
qui s’étaient joints aux platesformes de recherche des pôles
de développement locaux, des
collectivités territoriales, des entreprises ou des chambres de
commerce.
(MIT), le concept de « FabLab » (laboratoire de fabrication) a essaimé
un peu partout dans le monde depuis quelques années. Il a notamment fait école dans des incubateurs et des universités. Compte
tenu des exigences imposées – notamment d’ouverture au public –
pour être membre du réseau du
MIT, peu d’établissements ont un
véritable FabLab, tel que celui de
Cergy-Pontoise. Mais beaucoup
s’inspirent du principe. Traditionnellement, les écoles techniques
offrent aux étudiants la possibilité
d’accéder à des machines professionnelles. Mais, aujourd’hui, la
demande d’un équipement plus
complet émane des étudiants
comme des enseignants. La fréquentation du FabLab fait parfois
partie d’un cursus validé par des
crédits d’enseignement (ECTS).
Plus souvent, ces ateliers restent
un outil au service des étudiants et
de leurs projets.
Club social 2.0
Au FacLab de Cergy-Pontoise, il
faut déposer une bille dans un pot
pour notifier sa venue. « Un peu
plus de 10 000 en trois ans d’existence », précise Adel Kheniche. Il
faut dire que les équipements,
ouverts à tous, ont de quoi attirer :
tours numériques, thermo-formeuse, outils de découpe laser
pour tous les matériaux, du cuir
au Plexiglas en passant par l’aluminium et le bois. « On a une expression ici : si tu veux construire
une armoire en chêne, tu peux apporter ton chêne et on te prêtera les
outils », sourit Adel Kheniche.
Mais c’est la multitude d’objets
connectés, dont il a permis l’élaboration, qui le distingue : robots
téléguidés, veste de cycliste à clignotants en LED, potager urbain
qui gère automatiquement l’humidité, la température et l’exposition nécessaires à la croissance
des plantes… ou vase numérique
construit, de la glaise aux circuits
imprimés, par des étudiants en licence pro de développement Web
et mobile.
Depuis la rentrée 2013, le FabLab
propose également trois diplômes universitaires en initiation à
la fabrication numérique personnelle, en métier de facilitateur et
en développement de FabLab. « A
vrai dire, nous avons créé ces diplômes pour montrer aux gens qu’ils
n’avaient pas besoin de diplômes,
s’amuse Emmanuelle Roux, cofondatrice du lieu. A travers un vé-
Au FacLab de Cergy-Pontoise, le 29 mai. MATTEO MAILLARD POUR “LE MONDE”.
Ce concept
de « fabrique »
a essaimé
un peu partout
dans le monde
depuis
quelques années
ritable apprentissage avec de vrais
contenus, nous voulions surtout
introduire les étudiants à de nouvelles façons d’apprendre et de se
réapproprier les moyens de leurs
connaissances. » Derrière ses airs
de club social 2.0 à la convivialité
affichée, le FabLab est en réalité
un « objet pédagogique non identifié », souligne-t-elle. Il s’agit de
forger une communauté du savoir où « tout apprenant devient
sachant à son tour » et partage sa
connaissance.
L’Ecole centrale dispose aussi
depuis trois ans de sa propre « fa-
brique », plus modeste. L’aventure
a commencé il y a sept ans avec
l’achat d’une machine de maquettage et de prototypage rapide, explique Pascal Morenton, responsable et cofondateur de cette structure. Objectif : créer un cours de
mise en situation, inscrit dans le
cursus. Des équipes de quatre élèves – deux spécialisés en mécanique et deux en électronique – réalisent « un mini-projet qui part de la
conception et arrive à un prototype
en trente-six heures », explique
l’enseignant en mécanique et informatique.
Les élèves travaillent pour une
société virtuelle et doivent prendre en compte tous les aspects, y
compris économiques, afin de prévoir une industrialisation ultérieure. Ce qui les amène à demander des devis, y compris en Chine,
à comparer les prix et à défendre
leur offre devant le jury des professeurs, qui jouent le rôle des donneurs d’ordre. Récemment, un
projet d’assistance à la conduite
d’ambulances a été mené, pour
éviter les accélérations trop fortes
pour le malade : un boîtier, fixé au
brancard, transmet des alertes sur
le tableau de bord du conducteur.
Opération réussie : le projet a été
développé et est en phase de test.
Multiplication d’initiatives
Cette pédagogie par projet permet de confronter les étudiants
au réel et ils s’y investissent beaucoup plus que dans les cours traditionnels, souligne M. Morenton : « Il y a dix ans, je faisais beaucoup de conception assistée par ordinateur (CAO) et une présentation
en 3D assurait un silence religieux
dans l’amphi. Aujourd’hui, ce n’est
pas suffisant. Il faut aller jusqu’au
prototype. On a un peu trop oublié
les fondamentaux au profit du
théorique. Il faut que les élèves
aient dans les mains des pièces
techniques. »
Outil de cours, la fabrique de
Centrale Supélec doit prendre de
l’ampleur à l’occasion du déménagement de l’école, dans deux
ans, à Saclay.
Les initiatives continuent à fleurir. Parmi les dernières-nées figure
la « Fabric’INSA », qui a démarré
ses travaux à Toulouse en
mars 2015, dans des locaux mis à
sa disposition par l’école publique
d’ingénieurs. Estimant qu’un laboratoire de fabrication est
aujourd’hui aussi utile qu’une bibliothèque, un groupe d’étudiants
de l’INSA Toulouse avait soumis
son projet et reçu le soutien de
l’école : 20 000 euros ont été investis dans le matériel (imprimantes
3D, poste de développement de circuits imprimés, etc.), financés par
la fondation INSA.
Si, à Toulouse, les sessions ne
sont pas des travaux pratiques et
ne donnent pas droit à des ECTS,
« le but est de faciliter des échanges
encore plus informels entre élèves
et professeurs, dans l’optique des
cours », explique Henri Cazottes,
étudiant en 3e année et président
de l’association qui porte cet atelier numérique. p
adrien de tricornot
et matteo maillard
Des entrepreneurs en herbe sur les campus
Le gouvernement fait un bilan « positif » du plan « Pépite » après sa première année universitaire de mise en place, malgré un démarrage lent
O
bjectif : 20 000 entrepreneurs étudiants en 2017.
L’objectif fixé par l’Etat
au programme Pépite (Pôle étudiant pour l’innovation, le transfert, l’entrepreneuriat) est ambitieux. A l’issue de sa première année universitaire, on n’y est pas
encore, mais « le démarrage est
très positif », se réjouit Jean-Pierre
Boissin, responsable de la mission nationale Pépite. « Neuf mois
après le lancement du programme, il est mis en œuvre partout. C’est parti. »
Ce plan national, lancé en septembre 2014, est destiné à développer l’esprit d’entreprise et d’innovation sur les campus. La méthode mise en œuvre est novatrice : pédagogie par projet, atelier
de créativité, pluridisciplinarité,
mélange des étudiants indépendamment des niveaux et des disciplines… « Seuls 3 % des créateurs
d’entreprise sont étudiants, regrettait Geneviève Fioraso, alors secrétaire d’Etat chargée de l’enseignement supérieur, en juin 2014. C’est
trop peu par rapport aux EtatsUnis, où de grandes entreprises
comme Google ou Facebook ont
été créées par des étudiants. Il est
temps de faire émerger des Zuckerberg à la française ! »
Le bilan de cette première année
s’établit d’abord en chiffres :
100 000 étudiants sensibilisés à
l’entrepreneuriat, vingt-neuf Pépite créés dans toute la France,
cinquante lauréats pour le prix
national correspondant et, enfin,
643 étudiants dotés du statut
d’étudiant-entrepreneur sur 926
candidatures.
C’est là un point majeur du plan.
Ce statut prévoit un accompagnement par deux tuteurs et la reconnaissance du projet d’entreprise
dans les études, lesquelles peuvent être, en outre, aménagées.
Quant aux diplômés qui créent
une entreprise, ils conservent les
avantages sociaux des étudiants
pendant un an.
Qui sont ces jeunes ? Dans huit
cas sur dix, il s’agit d’hommes,
d’un vingtaine d’années, qui n’ont
pas terminé leurs études. Nicolas
Valin, étudiant en deuxième année de master entrepreneuriat à
l’Institut d’administration des entreprises (IAE) de Grenoble, est
l’un d’eux. Avec deux copains
d’enfance, dont l’un étudie dans
un autre établissement et l’autre
est diplômé, il travaille sur un projet de start-up. L’idée : monter une
galerie sur le Net pour distribuer
les œuvres de jeunes créateurs numériques. Auraient-ils monté le
même projet sans Pépite ? « Je ne
sais pas », reconnaît-il.
Mobiliser les grandes entreprises
Mais une chose est sûre : les facilités permises par le statut leur sont
très utiles. Ainsi, alors que leurs
condisciples effectuent un stage
en entreprise, ils peuvent, eux, se
retrouver chaque jour dans un espace de « cotravail », situé au sein
de l’IAE, pour peaufiner leur idée.
« Nous donner du temps, un lieu et
deux tuteurs est vraiment un gros
avantage », explique le jeune
homme. « Nous testons des hypo-
« Nous donner
du temps, un lieu
et deux tuteurs
est vraiment un
gros avantage »
NICOLAS VALIN
étudiant en deuxième année
de master entrepreneuriat
à l’Institut d’administration
des entreprises de Grenoble
thèses afin de réduire l’incertitude,
raconte-t-il. Les résultats sont encourageants, et les pertes acceptables : on y consacre du temps, mais
nous restons étudiants. Les portes
restent donc ouvertes. »
643 étudiants au total bénéficient du statut pour 2014-2015.
C’est
modeste,
reconnaît
M. Boissin. « Mais le programme
n’a été lancé qu’en septembre
[2014] !, plaide-t-il. Nous aurons
davantage de candidats [en 2015].
Nous allons mieux communiquer,
notamment en utilisant les réseaux sociaux. »
Il annonce d’autres améliorations. Il faudra, dit-il, affiner l’accompagnement des jeunes créateurs. Il faudra également travailler sur les espaces de cotravail,
afin qu’ils atteignent la taille critique « de quarante à cinquante étudiants par espace, et non quatre ou
cinq »… M. Boissin souhaite, en
outre, « trouver une solution pour
éviter d’assassiner » ces entrepreneurs en herbe : le paiement des
charges sociales, un an après la
création d’une société à responsabilité limitée, peut se révéler redoutable pour une jeune pousse
encore fragile. M. Boissin espère,
enfin, réussir à mobiliser les grandes entreprises. « J’étais persuadé
que les banques nous aideraient,
explique-t-il. Mais ce n’est pas le
cas. Elles ont pourtant un rôle à
jouer pour régénérer le tissu économique du pays. »
Sur le terrain, la situation est variable, reconnaît M. Boissin : dans
le Centre, l’Aquitaine ou à
Lyon - Saint-Etienne, des postes
ont été débloqués. Ailleurs, les
choses démarrent parfois doucement. C’est le cas au sein du Pépite
Bourgogne - Franche-Comté. Le
montage concomitant de la communauté d’universités et d’établissements (Comue) a perturbé la
mise en œuvre du plan. « On a
fonctionné avec un peu de gêne »,
reconnaît Pascale Brenet, coordinatrice du Pépite. L’enseignante
regrette que les 100 000 euros promis par l’Etat « aient mis un an
pour [leur] arriver ». « Il y a une
forte injonction au développement
de l’entrepreneuriat, dont je me réjouis, constate-t-elle. Mais nos
moyens sont limités et la temporalité de l’entrepreneuriat n’est pas
celle de notre institution. »
Un début timide, mais prometteur : « Les premiers retours sont
riches, explique Mme Brenet. Nous
avons mis les étudiants en mouvement. C’est comme si certains
d’entre eux sortaient de l’ombre et
osaient plus facilement. » p
benoît floc’h
14 | sports
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JEUDI 4 JUIN 2015
Opération reconquête pour Tsonga
Tombeur de Nishikori, le Français accède pour la deuxième fois en trois ans à une demi-finale porte d’Auteuil
C
omme un adolescent
amoureux en bord de
mer, il a tracé de ses
pieds ces mots doux sur
la terre battue : « Roland je t’aime
». Imitant ainsi un vainqueur, le
Brésilien Gustavo Kuerten qui
avait dessiné un cœur avec sa raquette en 2001. Puis Jo-Wilfried
Tsonga s’est étendu sur le dos,
achevant de transformer le court
Philippe-Chatrier en plage ocre.
Pas de rituelle danse des pouces
cette fois-ci. A 30 ans, le numéro 3
français (et quinzième mondial)
était d’humeur plus sentimentale
que festive pour fêter, mardi
2 juin, son accession aux demi-finales des Internationaux de
France, la deuxième en trois ans.
Il a d’ailleurs franchi un cran supplémentaire dans la distribution
de reliques à son public reconquis : le maillot y est passé quand
auparavant il s’était limité au jet
de poignets-éponges et de serviette. « Vous m’avez soutenu et je
ne l’oublierai jamais, a-t-il lancé,
solennel, à la foule. Aujourd’hui, je
suis un homme comblé. »
Avant lui, Henri Leconte (1986,
1988, 1992) demeurait le seul
Français à s’être hissé au moins
deux fois dans le dernier carré parisien. Pour le rejoindre, Tsonga
est revenu de loin, lors d’un
match rocambolesque remporté
en cinq manches (6-1, 6-4, 4-6, 3-6,
6-3) et 3 h 45 contre le Japonais Kei
Nishikori. Les deux hommes
avaient entamé les débats avec
une demi-heure d’avance sur les
autres quarts de finalistes de la
journée, les Suisses Roger Federer
et Stanislas Wawrinka, programmés sur le Suzanne-Lenglen. Ils
sont repartis avec une heure et
demie de retard, ce qui semblait
inenvisageable en milieu d’aprèsmidi. Des rafales de vent soufflaient à 30 km/h et une tempête
s’abattait sur Nishikori, méconnaissable, ectoplasmique, balayé
1-6 et 1-5. Il s’employa à sauver
trois balles de set mais seule une
intervention du ciel pouvait le secourir.
Ce qui advint avec la chute sur
des spectateurs d’un objet volant
vite identifié. Le directeur du
tournoi, Gilbert Ysern, précisa
qu’il s’agissait d’« une plaque
d’aluminium de trois mètres de
Jo-Wilfried
Tsonga après sa
victoire contre le
Japonais Kei
Nishikori, mardi
2 juin, en quarts
de finale de
Roland-Garros.
PASCAL GUYOT/AFP
long, déposée au-dessus des panneaux de score pour les protéger
des actes désagréables des pigeons ». Cela aurait pu être catastrophique. Il n’y eut qu’un blessé
léger à déplorer. Outre des cris
d’effroi, l’incident provoqua une
suspension de 35 minutes pour «
sécuriser la zone », comme annoncé au micro, soit l’évacuation
puis la réouverture de la tribune.
A la reprise, le vent avait tourné
en faveur de Nishikori, qui a honnêtement reconnu que l’interruption lui avait permis de discuter
avec son coach Michael Chang et
d’abandonner sa calamiteuse tactique de départ. « Kei ne trouvait
pas forcément les solutions tout
seul, a constaté Tsonga. Il est revenu avec des intentions complément différentes et est parvenu à
renverser le match. » En jambes,
ajustant enfin ses lignes, le no 5
Dans l’ultime
manche,
il s’appuya sur
son arme fatale,
la puissance
dévastatrice
de son service
mondial au bandeau de samouraï
prenait l’ascendant. Ses fans retrouvaient le sourire en déployant leurs éventails et leurs
drapeaux aux couleurs du SoleilLevant. Les locaux ne s’embarrassèrent plus de fair-play, en applaudissant les fautes du Nippon. Pour
s’extraire du piège, Tsonga, qui
entendait son nom scandé depuis
la place des Mousquetaires, s’ap-
puya dans l’ultime manche sur
son arme fatale, la puissance dévastatrice de son service.
Cet atout l’a projeté en demi-finales, comme lors de la « Tsongamania » de 2013, qui coïncidait
avec le trentième anniversaire de
la victoire de Yannick Noah, dernier Français à s’être imposé ici.
Les circonstances ont toutefois
changé. « Jo » était alors tête de série no 6 et sa cote au zénith. Elle
s’est brutalement détériorée en
novembre 2014 lors de la finale de
Coupe Davis contre la Suisse à
Lille. En raison de son forfait pour
blessure après un match perdu
contre Wawrinka, puis de sa participation, dans la foulée, à la lucrative International Premier Tennis
League asiatique. Plus que jamais,
le fantasque et imprévisible Gaël
Monfils fut confirmé comme coqueluche d’Auteuil. Il trimballe
Andy Murray, le bon élève
Comme Novak Djokovic, le numéro 3 mondial est invaincu cette saison sur terre battue
S’
il existait un prix de la
« révélation de l’année
sur terre battue », il serait
probablement décerné à Andy
Murray. Et si l’on avait dit au Britannique qu’il débarquerait un
jour porte d’Auteuil avec un
meilleur bilan sur ocre que Rafael
Nadal, il ne l’aurait probablement
pas cru. Nous non plus, pour être
honnêtes. Le numéro 3 mondial
est pourtant le seul joueur, avec le
Serbe Novak Djokovic, qui disputent tous deux les quarts de finale
de Roland-Garros, mercredi
3 juin, à être invaincu de la saison
sur cette surface.
Longtemps allergique à la terre, il
aura fallu dix ans à Murray avant
de décrocher son premier titre sur
terre. Le 4 mai, il s’imposait à Munich face au héros local, Philipp
Kohlschreiber (28e mondial). Sept
jours plus tard, le natif de Dunblane récidivait lors d’un tournoi
autrement plus relevé, le Masters
1000 de Madrid. Certes en l’absence du Serbe, numéro un mondial, mais en étrillant en finale un
client d’un autre calibre que sa victime allemande en la personne de
Nadal (6-3, 6-2). Des résultats probants qui ont fait de lui un sérieux
outsider à Roland-Garros.
Depuis le début du tournoi, le
numéro 3 mondial fait moins parler de lui que ses trois acolytes du
« Big Four » (Djokovic, Federer et
Nadal). Mais il affiche un niveau
de jeu et une solidité dignes de
son rang. Jérémy Chardy, éliminé
par l’Ecossais lundi (6-4, 3-6, 6-3,
6-2), est le dernier à en avoir fait le
constat : « Il joue chaque point à
fond, je ne suis pas habitué à avoir
face à moi un joueur aussi bon en
défense. Vu son niveau, il t’oblige à
jouer un coup supplémentaire à
chaque fois. Et il met beaucoup de
pression », a résumé le Français.
En huit participations à RolandGarros, Murray a déjà atteint par
deux fois le stade des demi-finales, en 2011 et en 2014, écœuré à
chaque fois par l’ogre Nadal. Mais
à l’instar de Novak Djokovic, qui
n’a jamais été aussi près de trouver la clé face à l’Espagnol, l’Ecossais apprivoise de mieux en
mieux le Grand Chelem parisien.
« Je pense que je comprends mieux
la façon dont il faut jouer sur terre
battue, ce qui n’était pas le cas par
le passé », a-t-il expliqué lundi en
conférence de presse – exercice
auquel il se plie avec un enthousiasme qui ferait passer Michel
Houellebecq pour un turbulent.
Les années passent et le joueur de
28 ans y est toujours aussi mollasson. Sur le terrain, en revanche, le
spectacle est sacrément plus nerveux, le garçon étant réputé pour
ses monologues débités dans un
langage fleuri.
Un « effet Mauresmo » ?
Devenu l’un des joueurs les plus
affûtés du circuit, l’Ecossais n’a
plus grand-chose à voir avec l’adolescent maigrichon qu’il était à
ses débuts. Selon lui, sa progression relève aussi d’une plus
grande régularité : « Par le passé,
j’ai parfois manqué de constance,
ce n’est plus le cas. J’espère pouvoir
maintenir cette constance. Même
si ces deux ou trois dernières années, j’ai rencontré des problèmes
de santé, notamment au dos. »
Une blessure qui l’a contraint à se
faire opérer en septembre 2013,
quelques semaines après son
triomphe historique à Wimbledon.
Le numéro 3 mondial n’a pas le
charisme d’un Federer ou d’un
Nadal, mais, dans le sillage de Djokovic, a su se hisser à un niveau
suffisamment élevé pour creuser
le fossé avec ses poursuivants. Et
s’inviter régulièrement dans le
dernier carré des tournois du
Grand Chelem. Depuis janvier, il
signe l’un de ses meilleurs débuts
de saison. Après une finale à
l’Open d’Australie (perdue contre
Djokovic), Murray a enchaîné
avec une demie à Indian Wells,
une finale à Miami et ses deux
premiers trophées sur ocre. Au
point de prendre, en quelques
mois, une nouvelle dimension.
Certains y voient un « effet
Mauresmo ». La Française entraîne officiellement le champion
olympique des Jeux de Londres
depuis juin 2014. Plutôt inattendue, cette collaboration a, sur le
moment, suscité pléthore de critiques. « Plusieurs personnes pensaient que c’était une blague », a
récemment déploré Murray. De
son côté, l’ancienne numéro un
mondiale a admis qu’« être critiquée avant même de commencer »
avait été « un peu compliqué ».
Une victoire de son protégé en
quarts de finale face à David Ferrer ferait un peu plus taire les
sceptiques. Encore faut-il se débarrasser du coriace espagnol qui,
une fois n’est pas coutume, évolue dans l’indifférence quasi générale. p
elisabeth pineau
une image de surdoué dilettante,
plus flatteuse que celle de puncheur besogneux.
Revanche
Seuls Tsonga et son clan croyaient
en ses chances au début de la
compétition. Depuis la demi-finale de 2013, gagnée par l’Espagnol David Ferrer, il n’avait plus
franchi les huitièmes dans un
tournoi de Grand Chelem. On crût
à une plaisanterie quand il déclara à Europe 1 penser être « capable d’aller plus loin que les demifinales ». Ce n’en était apparemment pas une. « Mes ambitions,
c’est d’aller le plus loin possible, at-il répété. Je ne me mets jamais de
barrière en termes de résultats. »
Depuis le début de la saison, il
n’avait su aligner trois victoires
d’affilée. Il vient d’en enchaîner
cinq, les deux dernières contre
deux membres du Top 5 – le Tchèque Tomas Berdych et Kei
Nishikori.
Vendredi 5 juin, il a, pour luimême et le public français, une
occasion en or d’effacer le fiasco
de la Coupe Davis en prenant sa
revanche sur Wawrinka. Le
9e mondial s’est montré jusqu’ici
impitoyable, y compris avec son
patron Federer, corrigé 6-4, 6-3,
7-6. Mais lors de leurs deux confrontations à Roland-Garros,
Tsonga l’avait emporté en cinq
manches. « Je n’ai plus grandchose à perdre », jure-t-il. Et beaucoup à gagner : une deuxième finale de Grand Chelem après celle
de 2008 à l’Open d’Australie,
quand la France ignorait encore
qui il était. Ensuite, après s’être
inspiré de Leconte, il pourra tenter de faire de même avec Noah. p
bruno lesprit
« J’AI BEAUCOUP
TRAVAILLÉ
POUR REVENIR »
Huit ans après sa victoire à Roland-Garros en 2008, la Serbe Ana Ivanovic s’est qualifiée pour les demi-finales du tournoi parisien, mardi
2 juin, en battant l’Ukrainienne Elina Svitolina (6-3, 6-2) en 1 h 15 de
jeu. A 27 ans, l’ex-numéro 1 mondiale, qui pointe actuellement à la
7e place, renoue avec le dernier carré d’un Grand Chelem, stade qu’elle
n’avait plus atteint depuis 2008.
Sous les yeux de son compagnon, le footballeur allemand
Bastian Schweinsteiger, la joueuse affrontera, jeudi 4 juin, la Tchèque
Lucie Safarova – tombeuse de l’Espagnole Garbine Muguruza – pour
une place en finale.
Choc des titans
sur le central
Williams, grande favorite
face à Errani
Le Serbe Novak Djokovic et
l’Espagnol Rafael Nadal ont
rendez-vous, mercredi 3 juin,
en quarts de finale de Roland-Garros sur le court Philippe-Chatrier. Une affiche de
rêve entre le numéro 1 mondial, en quête cette année du
seul titre du Grand Chelem
qui manque à son palmarès,
et le nonuple tenant du titre
Porte d’Auteuil qui vise une
dixième victoire de rang.
L’autre quart oppose le Britannique Andy Murray, tombeur du Français Jérémy
Chardy, à l’Espagnol David
Ferrer, bourreau du Croate
Marin Cilic.
Serena Williams, tête de série
numéro 1, est opposée à Sara
Errani, mercredi 3 juin, en
quarts de finale. Victorieuse
en 2002 et 2013 sur l’ocre parisienne, l’Américaine n’a jamais perdu, en huit confrontations, contre l’Italienne,
finaliste de l’épreuve en 2012.
Le second quart de finale féminin oppose la Suissesse Timea Bacsinszky à la Belge Alison Van Uytvanck, joueuse la
moins bien classée (93e) du
dernier carré. Grande surprise
de ces Internationaux de
France, cette dernière a forcé
tout son staff à se teindre les
cheveux en roux, comme elle.
enquête | 15
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
Poisons
de paradis
Les multinationales de l’agrochimie
se sont implantées à Hawaï, où le climat
permet de tester de façon intensive
les semences résistantes aux herbicides.
Les habitants de l’archipel, malades,
se révoltent contre le traitement infligé
à leur terre ancestrale
corine lesnes
honolulu, waimea (hawaï) - envoyée spéciale
T
ous les jours, Klayton Kubo,
49 ans, fait le même pèlerinage
dans son village de Waimea, sur
l’île de Kauai, l’un des confettis
de l’archipel d’Hawaï. Il prend la
route qui longe la rivière, gare
son pick-up sur le bas-côté et escalade la colline qui surplombe l’usine d’agrochimie. Là, il
observe. Par-delà les acacias, il voit l’épandage
de pesticides, le tracteur aux bras qui se déploient sur 5 m de chaque côté, les employés
vêtus de leurs combinaison de protection et il
attend la poussière. La pollution ne vient pas
tous les jours. Parfois, c’est la nuit ; tout dépend du vent.
Waimea est la crique où le Britannique James
Cook a accosté et « découvert » Hawaï le
20 janvier 1778, selon la plaque commémorative du monument érigé sous les lauriers. Une
bourgade de 2 000 habitants, dotée d’une
plage et d’un petit cinéma qui joue SpongeBob.
Les touristes viennent visiter la vallée de roches rouges surnommée « le Grand Canyon du
Pacifique ». Ils ne se doutent pas que le décor
paradisiaque cache une sourde bataille contre
Dupont-Pioneer, Syngenta et tous les Goliath
des OGM qui ont fait de l’archipel le laboratoire de leurs semences résistantes aux herbicides.
Klayton Kubo a toujours vécu à Hawaï, où sa
grand-mère a émigré du Japon. Son visage est
un testament du métissage des îles et son anglais est mélangé de « pidgin English », le
créole de l’archipel. Pour gagner sa confiance,
il a fallu s’asseoir sur un banc, à côté de la statue du capitaine Cook, et subir un quasi-interrogatoire. Après quoi, il a acheté un pique-nique à la « shrimp station » (fast-food de crevettes) et a décidé d’aller manger sur le terrain de
sport à côté du collège : l’école où une dizaine
d’enfants ont dû se rendre aux urgences
en 2008, après avoir été atteints de vomissements et de troubles respiratoires.
Klayton Kubo vit de pêche et de travaux de
peinture et, depuis dix ans, il a pris le sentier
de la guerre. Les firmes Pioneer et Syngenta
ont installé leurs laboratoires de chaque côté
de Waimea, prenant le village en tenaille. Il se
méfie de leurs manœuvres et de leurs avocats.
« Ils n’ont aucun respect pour nous », se désespère-t-il. Il venait de repeindre sa maison,
en 2000, quand elle a été recouverte d’un
épais nuage rouge. Il a demandé des explications à Pioneer, qui lui a rétorqué « secret industriel ». Depuis, il se heurte au même mur.
« Je n’ai pas de diplôme, je ne parle pas comme
leurs ingénieurs mais je sais qu’ils répandent ici
des quantités massives de poison. » Le militant
soulève ses lunettes noires, pour montrer ses
yeux rougis. « Et ne croyez pas que je consomme de la marijuana ! »
Klayton Kubo a rassemblé 150 résidents de
Waimea qui ont déposé en 2011 une plainte en
nom collectif contre Pioneer. Il a gardé la pétition originale dans son coffre-fort. Grâce au
procès, les villageois ont pu apprendre que la
firme utilise 90 mélanges de pesticides pour
Kauai
HAWAÏ
Maui
Honolulu
Océan
Pacifique
100 km
Waimea
ses expériences sur les plants de maïs, à base
de 63 composants. Selon le département fédéral de l’agriculture qui délivre les autorisations
d’utilisation de « pesticides à usage contrôlé »,
Pioneer a procédé à des épandages plus de 200
jours par an pendant cinq ans, entre 2007 et
2012. Toutes firmes confondues, 18 tonnes de
pesticides sont déversées à Kauai chaque année. « C’est plus qu’un fermier pendant toute sa
vie ! », s’exclame-t-il.
Kauai n’est pas unique. Au milieu du Pacifique, l’archipel d’Hawaï est devenu un paradis
pour les multinationales de l’agrochimie. Loin
de toute publicité, les cinq compagnies qui dominent le marché mondial des semences s’y
sont implantées pour bénéficier d’un climat
qui leur permet trois récoltes dans l’année : les
américains Monsanto, DuPont-Pioneer et
Dow Chemical, le suisse Syngenta et l’allemand BASF. Selon Ashley Lukens, la directrice
du Center for Food Safety d’Honolulu, 178
autorisations de tester des substances contrôlées ont été délivrées en 2013, sur 1 124 sites.
« Hawaï abrite plus d’essais de laboratoire que
tout autre Etat américain », affirme-t-elle, bien
que les îles soient minuscules à côté des vastes
terres du Midwest.
LE « DROIT DE SAVOIR »
Depuis les années 1990, les semenciers ont
pris la place des plantations de canne à sucre
et d’ananas, qui ont fermé les unes après les
autres. Quand ils sont arrivés, ils étaient plus
que bienvenus : l’emploi de milliers
d’ouvriers agricoles était sauvé. La bienveillance a tourné court. Dans un archipel où
l’Aloha Aina, l’attachement à la terre nourricière, est enraciné au plus profond, la contestation gronde. De Kauai à Molokai et Maui, les
recours en justice se multiplient, à l’initiative
d’un rassemblement de petits agriculteurs, de
commerçants bio, d’éducateurs, de « mamans contre les OGM » et d’Européens venus
installer leurs centres de yoga et de méditation dans ce paradis naturel.
En novembre 2014, les électeurs de Maui,
haut lieu du tourisme écologique et bastion
de Monsanto, ont adopté un référendum imposant un moratoire sur la culture et les essais d’OGM tant qu’une étude d’impact sur la
santé publique n’aurait pas établi qu’ils sont
sans danger. Une première aux Etats-Unis, où
les OGM sont légaux et omniprésents (90 %
du maïs et du soja sont transgéniques). Dès le
surlendemain, Dow Chemical a attaqué le
moratoire en justice, de même que Monsanto
(dont l’avocat Ken Robbins a annulé le rendez-vous qu’il nous avait donné à Honolulu).
Dans l’attente de la décision du juge fédéral, le
moratoire n’est pas appliqué. « C’est triste. Il
avait été adopté à l’issue d’un processus démocratique », regrette Vincent Minna, le président de l’association des agriculteurs indépendants, Farmers Union United.
A Kauai, les habitants ne demandent pas
l’interdiction des OGM mais le « droit de savoir » ce qui est déversé sur leur terre. Baptisée « l’île jardin », Kauai est la plus rurale de
l’archipel. Le berceau de la revendication de
« souveraineté alimentaire » (Hawaï importe
85 % de ses fruits et légumes !) et du retour à
l’enseignement de la langue hawaïenne, menacée d’extinction. La pollution ajoute au
sentiment de dépossession. Dans la culture
traditionnelle, les éléments ont « leur propre
personnalité, explique Molly Ka’imi Summers, professeur d’hawaïen et d’ethnobotanique à l’université d’Hawaï. La langue a des dizaines de mots différents pour chacun ». La
pluie, par exemple. Elle occupe toute une page
du dictionnaire anglais-hawaïen.
L’eau ruisselle à Kauai. Elle descend du mont
Waialeale, qui, avec 12,2 m de précipitations
par an, est considéré comme l’endroit le plus
arrosé de la planète. Traditionnellement, chaque communauté avait la responsabilité de
POLINE HARBALI
« HAWAÏ ABRITE
PLUS D’ESSAIS
DE LABORATOIRE
QUE TOUT AUTRE
ÉTAT AMÉRICAIN »
ASHLEY LUKENS
directrice du Center
for Food Safety
d’Honolulu
préserver son bassin d’irrigation (Ahupuha’a)
depuis le haut de la montagne jusqu’à la mer.
« C’était une relation très personnelle. Personne n’aurait voulu faire un mauvais usage
de l’eau », relate Malia Chun, qui enseigne la
culture hawaïenne à l’université de Kauai.
Aujourd’hui, « les gens ont peur de la contamination de l’eau. On ne sait pas ce que les compagnies répandent », explique Elan Goldbart,
23 ans, agronome dans une ferme biologique.
Le vent est généralement une bénédiction à
Hawaï. Lui aussi a droit à une page entière
dans le dictionnaire de Molly Summers. Mais
à Waimea, les alizés sont devenus l’ennemi,
qui transportent la poussière rouge jusque
dans les grille-pains. Malia Chun ne se doutait de rien, jusqu’au jour où ses deux filles
ont commencé à souffrir de problèmes respiratoires. Syngenta arrosait de pesticides le
champ au bout de son jardin mais elle n’y
avait pas prêté attention. D’autant qu’elle
n’avait « jamais vu » de maïs, une culture peu
répandue à Hawaï. Elle est maintenant asthmatique. Les enfants souffrent de maux de
tête, de saignements de nez et d’asthme, eux
aussi.
Fin octobre 2013, le conseil municipal de
Kauai a adopté une ordonnance exigeant des
quatre multinationales opérant sur son territoire qu’elles observent une « zone tampon »
aux abords des écoles et des hôpitaux. Et
qu’elles révèlent quels pesticides sont testés
et quand – « pour qu’on ait le temps de fermer
nos fenêtres », comme dit Malia Chun. Là
aussi, Pioneer, Syngenta et Dow se sont pourvues en justice et le dossier est en appel. L’espoir est faible, selon les anti-OGM, de voir la
justice fédérale valider une décision locale
prenant le contre-pied de la législation nationale. D’autant que les compagnies ont une
défense à toute épreuve : elles ne plantent ni
ne répandent rien qui ne soit approuvé et
autorisé par les autorités de régulation américaines, telles que l’agence pour la protection
de l’environnement (EPA) ou le département
de l’agriculture.
Le 28 avril, Malia Chun est allée jusqu’à Bâle,
en Suisse, porter la voix hawaïenne au siège
de Syngenta, le premier fabriquant mondial
d’herbicides, d’insecticides et de fongicides, à
l’occasion de l’assemblée générale des actionnaires. A la tribune, Gary Hooser, membre du
conseil municipal de Kauai, a demandé à la
compagnie de cesser d’utiliser à Hawaï une
demi-douzaine de pesticides interdits en
Suisse, tel l’atrazine, un herbicide de synthèse
suspecté d’être cancérigène, qui a été détecté
en 2011 dans l’eau potable du collège de
Waimea. « Traitez-nous avec la même dignité
que les citoyens suisses. Accordez-nous la
même protection. Ne déversez pas sur ma communauté des produits chimiques que vous ne
pouvez pas répandre sur la vôtre », a-t-il
plaidé. La délégation hawaïenne a présenté à
l’entreprise une pétition signée par 7 500 habitants de Kauai, soit plus de 1 sur 10. Là aussi,
la firme a eu beau jeu de faire remarquer que
les pesticides en question sont autorisés, aux
fins de recherche agricole, aux Etats-Unis.
A Hawaï, certains ont surnommé la vallée
de Waimea « poison valley ». Wendell et
Wanda Kabutan se sont réfugiés à Honolulu,
à portée d’un hôpital sophistiqué. Enseignante à la retraite, Wanda, 64 ans, espère
avoir surmonté un cancer. Son mari, ancien
agent au sol de la Hawaiian Airlines, a une
toux lancinante. Comme souvent en pareil
cas, aucune corrélation scientifique n’a pu
être établie de manière irréfutable entre les
problèmes de santé des habitants (37 cancers
dans un quartier de 800 habitants) et les pesticides répandus. La justice a donc tranché :
seule la dévalorisation des maisons par la pollution pourra être prise en compte dans la
plainte des habitants de Waimea et non pas
l’éventuelle contamination par les produits
chimiques. Le 9 mai, le juge a accordé les premières indemnités : 500 000 dollars par
foyer pour 15 des résidents affectés.
Pioneer a été condamné pour manquements aux réglementations sur les essais
agricoles. C’est une première, mais les Kabutan n’ont plus la foi. Ils ont vu l’herbe au pied
de leurs maisons devenir brune. Ils ont vu
des oiseaux morts tomber sur leur voiture
(« Ça fait vraiment bizarre », dit Wanda Kabutan) ; des collègues disparus avant l’heure. Ils
sont fatigués de s’entendre promettre qu’il
n’y aura plus d’épandages la nuit, ou quand le
vent sera trop fort. Ou que les tests se feront
dans des serres et non plus à l’air libre. Après
l’entretien, ils s’éloignent à petits pas lents, le
poids d’un combat trop lourd sur les épaules.
Sur le continent, ils auraient peut-être réussi
à se faire entendre plus tôt, mais Hawaï est si
loin… p
16 | débats
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
Les ambitions de l’Allemagne pour le G7
Les 7 et 8 juin, l’Allemagne accueille
le sommet du G7. Outre l’économie
et la sécurité, la chancelière Angela Merkel
fixe deux priorités : lutter contre la faim
et contre le réchauffement climatique
par angela merkel
L
LE G7
PEUT ET DOIT
ÊTRE UN MOTEUR
POUR QUE
LA PLANÈTE
SOIT VIVABLE
À LONG TERME
¶
& CIVIL ISATI ONS
Angela Merkel
est la chancelière
de la République
fédérale d’Allemagne. Les dirigeants des sept
pays les plus industrialisés se
réuniront en sommet les 7 et 8 juin
dans la ville d’Elmau, en Bavière
es chefs d’Etat et de gouvernement des sept pays les plus industrialisés se réuniront les 7 et
8 juin en Allemagne pour discuter des
défis les plus urgents de la planète. Les
liens qui unissent les pays du G7 ne
sont pas seulement basés sur la prospérité et la force économique. Ils reposent
aussi sur des valeurs : la liberté, la démocratie et les droits de l’homme. Si
quelqu’un doute du bien-fondé de ces
réunions au sommet, qu’il regarde du
côté des foyers de crise actuels pour se
rendre compte de la nécessité, voire de
l’obligation, de trouver activement des
solutions ensemble.
Qui aurait cru possible, vingt-cinq
ans après la fin de la guerre froide, que
l’ordre de paix européen pouvait être
remis en question par l’annexion de la
Crimée ? Que la prolifération du virus
Ebola pouvait déstabiliser plusieurs
États africains et porter préjudice à leur
développement ? Qu’une organisation
islamiste terroriste cherche à instaurer
au Proche-Orient un « califat » sur le
territoire de deux États ?
Ces quelques exemples, qui figureront tous à l’ordre du jour du G7, suffisent à montrer que les défis mondiaux
exigent des réponses internationales.
Ce sommet du G7 est cependant
beaucoup plus que de la diplomatie de
crise. C’est naturellement, comme toujours depuis les débuts de ce format,
l’occasion de discuter de la situation de
l’économie mondiale. Nos objectifs
sont la croissance durable, guidée par
des valeurs, et la prospérité pour le plus
grand nombre.
Ces objectifs ne peuvent être atteints
que dans le cadre de systèmes économiques ouverts, avec un grand nombre
d’investissements et un commerce international renforcé fondés sur des
normes élevées en matière sociale et
écologique. Les pays du G7 soutiennent
donc l’Organisation mondiale du commerce pour que le cycle de négociations de Doha puisse être conclu au
plus vite. De même, les négociations actuelles sur les accords de libre-échange
entre les partenaires du G7 doivent
avancer rapidement.
L’agenda de la présidence allemande
du G7 est fortement axé sur deux grandes tâches auxquelles la communauté
internationale doit s’atteler en 2015. La
première devra être résolue à
l’automne quand les Nations unies
fixeront les nouveaux objectifs du développement durable, ce qui déterminera pour de nombreuses années les
orientations de la politique internationale de développement. Je suis convaincue que les pays du G7 devraient se
prononcer dès maintenant pour une
éradication de la faim et de la pauvreté
absolue d’ici à 2030. C’est seulement
en garantissant l’alimentation d’une
population mondiale qui ne cesse de
croître que les autres mesures de développement auront une chance d’être
mises en œuvre.
N° 7 JUIN 2015
NS
& C IV IL IS A T IO
IRAK ET SYRIE
LE SACCAGE
4000 ANS
DE PATRIMOINE
MENACÉ
LE
LA KABBA
DE
AU CŒUR
E
LA MYSTIQUE JUIV
LOO
WATER
NTENAIRE
La seconde grande tâche concerne la
protection du climat mondial. La conférence de Paris, qui aura lieu au mois de
décembre prochain, suscite pour la première fois depuis des années l’espoir
d’un accord sur le climat dans lequel
tous les pays, y compris les pays émergents, s’engageront à réduire leurs
émissions. Nous pourrions ainsi nous
rapprocher de l’objectif de limiter à
deux degrés la hausse de la température sur la planète. Ainsi que nous le disent tous les experts, c’est le seul
moyen de rester à un niveau de température gérable.
LUTTE CONTRE LES ÉPIDÉMIES
Les pays du G7 devraient être des précurseurs de la transition nécessaire vers
une économie à faibles émissions de
carbone. En tant que pays industrialisés,
nous devons tenir notre engagement de
2009 à Copenhague qui consiste à consacrer, à partir de 2020, 100 milliards de
dollars par an à l’adaptation et à la protection du climat dans les pays en développement. À cette fin, l’Allemagne doublera ses fonds entre 2014 et 2020. J’espère que d’ici la réunion de Paris
d’autres pays formuleront des engagements concrets similaires.
Les pays du G7 ont toujours assumé
des responsabilités dans le domaine de
la santé mondiale. Aussi, nous évoquerons également à Elmau la lutte contre
les maladies tropicales négligées ou encore la résistance aux antibiotiques qui
pose un problème croissant et dangereux. J’ai mentionné au début le fléau
que représente Ebola pour plusieurs
pays africains et qui n’est toujours pas
complètement maîtrisé.
À Elmau, avec nos hôtes originaires
des pays concernés par ce problème et
les organisations internationales, nous
allons nous concerter sur les possibilités de mieux nous préparer à de telles
épidémies, de les empêcher ou de réagir plus vite et plus efficacement
quand elles se déclarent. La mise en
place d’une task force mondiale avec
un concept global cohérent et dotée
d’un financement suffisant est certainement un objectif à moyen terme,
mais il conviendrait de l’envisager dès
maintenant.
Le thème du « bon travail » à l’échelle
mondiale figure également parmi les
priorités de la présidence allemande.
Nous n’avons pas oublié les images
tragiques de l’accident qui s’est produit il y a deux ans dans l’usine textile
de Rana Plaza au Bangladesh. Je voudrais que le G7 se fixe pour but de réduire significativement le nombre
d’accidents du travail dans les entreprises de la chaîne d’approvisionnement et de prendre des mesures en
matière de prévention ainsi qu’en vue
d’une amélioration de la sécurité au
travail. Ces chaînes d’approvisionnement doivent être beaucoup plus
transparentes. Nous sommes de plus
en plus nombreux à vouloir connaître
les conditions dans lesquelles sont fabriqués les vêtements et les produits
alimentaires et à en tenir compte dans
notre décision d’achat.
Si nous parlons du travail, nous devons aussi évoquer les possibilités
qu’ont les femmes dans le monde
d’être indépendantes et de faire carrière en occupant un travail sûr et
qualifié. Toutes les informations
montrent que la pauvreté et l’inégalité reculent lorsque les femmes sont
plus nombreuses à participer activement à la vie économique. Cependant, la proportion des femmes à
exercer actuellement un emploi est
seulement de l’ordre de 50 %. À cela
vient s’ajouter que, dans beaucoup de
pays en développement, la grande
majorité de ceux qui travaillent ont
un emploi précaire ou informel. C’est
pourquoi, au sein du G7, nous voulons
nous donner pour objectif d’assurer
une formation professionnelle à plus
de filles et de femmes dans les pays en
développement.
Les pays du G7 ne sont pas en mesure de relever seuls ces défis. Nous
aurons besoin de nombreux autres
partenaires. Cela vaut pour tous les
thèmes évoqués. Je suis néanmoins
convaincue que le G7 peut et doit être
un moteur pour que la planète soit
également vivable à long terme. Je
plaide pour une organisation de
l’économie mondiale et de l’intégration mondiale qui améliore les conditions de vie de tous les citoyens du
monde, au plan politique, économique, social et écologique. Nous devons nous engager en faveur de la
paix, de la liberté et de la sécurité.
C’est la plus-value qui peut être exigée du sommet du G7. C’est l’aune à
laquelle tous nos actes devraient être
mesurés. p
NOS OBJECTIFS
SONT
LA CROISSANCE
DURABLE,
GUIDÉE PAR DES
VALEURS, ET LA
PROSPÉRITÉ
Un voyage à travers le temps et les grandes
civilisations à l’origine de notre monde
Dans chaque numéro, vous retrouverez
■ les signatures d’historiens et d’un comité scientifique
renommés
■ six dossiers riches en infographie et en iconographie
■ un regard sur toutes les civilisations qui ont marqué
notre humanité
LE BICE
UE
D'UNE DÉFAITE ÉPIQ
LES VAISSEAUX
AONS
DES PHAR
TE
À LA CONQUÊ
IL
DU NIL ET DU SOLE
LA MORT
CHAQUE MOIS CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX
éclairages | 17
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
Défense nationale : l’heure de la « vérité des prix »
ANALYSE
nathalie guibert
Service International
P
FRANÇOIS
HOLLANDE A FAIT
LE CHOIX
D’UNE PRÉSENCE
NOUVELLE, VISIBLE
ET PERMANENTE
DE SOLDATS
EN ARMES SUR
LE TERRITOIRE
lus d’argent, plus d’hommes, plus
d’équipements. La nouvelle loi de
programmation militaire pour 20152019, discutée à l’Assemblée nationale jeudi 4 juin, est un texte de croissance
dans une économie en plein marasme. Elle illustre une perception nationale – celle d’une
menace sécuritaire accrue – et un résultat politique – la capacité du ministre de la défense,
Jean-Yves Le Drian, à obtenir du président de
la République des arbitrages favorables, face
au ministère des finances. Révisant la programmation quinquennale votée en décembre 2013, le texte sauve 18 700 emplois dans
les armées et prévoit de nouvelles commandes de matériels.
Après les attentats de janvier, François Hollande a d’abord fait un choix stratégique. Celui
d’une présence nouvelle, visible et permanente de soldats en armes sur le territoire, ce
qui n’avait pas été assumé de la sorte depuis la
guerre froide. La marine assurait déjà la sécurité des approches françaises, et l’armée de
l’air la police du ciel, au titre de la « posture
permanente de sûreté ». A son tour, l’armée
de terre est requise de façon significative, audelà de ses missions ponctuelles, lors des catastrophes naturelles, par exemple. Au nom
de la lutte contre le terrorisme, elle doit dé-
ployer 7 000 hommes en permanence – ce
qui implique un réservoir trois fois supérieur
–, jusqu’à 10 000 pendant un mois en cas de
crise majeure. Parmi les trois grandes missions attribuées aux armées, la dissuasion, la
projection et la protection, la dernière reprend
une place éminente.
En second lieu, le chef de l’Etat a fait un
choix budgétaire. Les ressources de la défense
devaient provenir de recettes exceptionnelles
aléatoires – 6,1 milliards d’euros courants sur
les 190 milliards alloués à la défense sur
cinq ans. Elles viendront de crédits budgétaires si les promesses sont respectées (l’essentiel des efforts porte sur la fin de la programmation, soit après l’élection présidentielle de
2017). Par ailleurs, de nouveaux crédits sont
ajoutés, pour près de 4 milliards. La défense
récupère presque le montant des crédits budgétaires qu’elle avait perdus entre les programmations 2008-2013 et 2014-2019.
L’armée change-t-elle pour autant de modèle ? Ni sa vocation – pouvoir entrer en premier dans une guerre – ni ses grands équipements – un porte-avions, quatre sous-marins
lanceurs d’engins et six d’attaque, 200 chars
lourds, 225 avions de chasse – ne sont remis
en cause. Une seule nouvelle priorité, l’aérocombat. Les autres sont renforcées : cyber,
renseignement (drones, satellites…), moyens
de commandement et de ciblage. La rupture
vient des hommes. L’armée de terre a réussi à
faire la démonstration qu’en deçà d’un certain effectif, il n’était plus possible de protéger
le pays. Elle sera, en 2015, le premier recruteur
en France, avec 12 000 embauches.
Mais passé la satisfaction des chefs militaires, la situation pose de nouvelles questions
existentielles pour les armées. Le doute persiste sur l’adéquation entre le niveau d’ambition fixé par l’exécutif et les moyens qui seront attribués. « Des ajustements sont nécessaires en raison du haut niveau d’engagement
des forces françaises », dit l’exposé des motifs
de la nouvelle loi.
ÉVITER UNE ARMÉE À DEUX VITESSES
Le modèle de 2013 avait été calculé au plus juste
et les contrats opérationnels ont été d’emblée
dépassés. La marine, formatée pour assumer
deux engagements majeurs, en est à quatre.
L’intégralité des moyens de l’armée de l’air
sont sollicités au prix d’un vrai épuisement de
ses personnels. Quant à l’armée de terre, elle a
dû réduire la préparation des soldats envoyés à
l’étranger pour assumer l’opération « Sentinelle », qui a succédé à « Vigipirate ». Parmi les
24 000 réductions d’emplois supplémentaires
prévues en 2013, 5 000 étaient en fait jugées
impossibles à réaliser. Pour les matériels,
même difficulté. Faute de nouveaux avions ou
de nouveaux hélicoptères, les responsables assurent qu’ils seront « d’ici deux ans » contraints de renoncer à des opérations.
La révision des moyens forme donc en partie une opération « vérité des prix ». Dans ce
contexte, une discussion s’ouvre. Certains
s’interrogent : est-ce le rôle d’une force de
combat de garder des lieux sensibles ? Comment éviter une armée à deux vitesses, avec
des soldats ultraprofessionnels prêts à toutes
les guerres modernes et des hommes qui
auront été formés pour moins cher afin de
servir en France ? On ne connaît pas encore le
visage des futures « opérations intérieures ».
Un travail interministériel a été engagé au secrétariat général de la défense nationale. Pérenniser une troisième force de sécurité intérieure exige de clarifier la doctrine d’emploi
des armes de guerre sur le territoire, et la complémentarité des armées avec les forces de police et de gendarmerie.
La perspective demeure celle d’une armée
française toujours plus ramassée pour être
toujours mieux équipée. En une décennie, depuis 2008, elle aura encore perdu plus de
63 000 emplois, 15 % des effectifs environ. Les
restructurations, commencées à la fin de la
guerre froide, se poursuivent. Elles sont justifiées par l’évolution des crises sécuritaires.
En dépit de la résurgence d’une menace aux
frontières de l’Europe avec la guerre en
Ukraine, nul ne croit plus en la « guerre d’attrition » qui opposerait des dizaines de milliers d’hommes dans un combat interétatique. Mais la réticence partagée des Européens
à payer le prix de leur défense, ajoutée à la
« fatigue de la guerre » américaine, continue
de nourrir les doutes de l’institution militaire.
Dans les rangs, certains craignent que l’« armée expéditionnaire » cède ainsi progressivement le pas à une « armée factionnaire ». p
LETTRE DE SAN FRANCISCO | cor ine l esnes
L’amande, suspecte idéale de la sécheresse californienne
C’
est l’exercice du moment en Californie. Il est connu sous le nom
d’almond shaming. Honte aux
amandes, haro sur les producteurs. Quatre ans après le début de la sécheresse du siècle, c’est le grand déballage. Ou, si
l’on ose dire, la grande lessive. Maintenant
que l’eau est rationnée, on fait les comptes :
qui consomme le plus ? A quel coût pour la société ? Pour les fermiers, les statistiques sont
cruelles : l’agriculture « boit » 80 % de l’eau,
mais elle ne représente que 2 % du produit
brut de l’Etat.
Les amandes sont devenues le symbole de la
folie des grandeurs californienne. Le bouc
émissaire de la pénurie. Les citadins ne voient
pas pourquoi ils devraient sacrifier leurs douches et pelouses pour maintenir une production que la Californie ne peut – peut-être –
plus s’offrir à l’heure du changement climatique. Pour cultiver une seule amande, il faut
un gallon d’eau (3,78 litres). Chaque année, les
900 tonnes d’amandes produites sur les terres arides de la Central Valley engloutissent
plus que l’entière population de Los Angeles,
San Diego et San Francisco, soit les deux tiers
des habitants de l’Etat.
Les agriculteurs plaident non coupable. Ils
prennent à témoin leurs arbres anémiés et la
LES INDÉGIVRABLES PAR GORCE
terre crevassée. Ils assurent qu’ils ont réduit
de 30 % la consommation en eau des amandes grâce à leur arrosage de précision. Et ils
interpellent les urbains mangeurs de hamburgers. A poids égal, les amandes nécessitent moitié moins d’eau que la viande de
bœuf (c’est aussi l’argument de l’association
pour le traitement éthique des animaux
PETA, qui profite de la crise de l’eau pour vanter les vertus du régime végétarien).
Nul doute que les petits producteurs souffrent : sur les 6 500 fermes d’amandes, 70 %
sont encore des exploitations familiales. Mais
selon les enquêtes publiées ces dernières semaines par la presse, la réalité est plus contrastée. Les principaux producteurs ne sont
pas des fermiers éplorés, mais des investisseurs – fonds de pension, hedge funds (fonds
spéculatifs) – attirés par la rentabilité faramineuse des amandes, dont le prix de gros a augmenté de 78 % entre 2008 et 2012.
Ces entrepreneurs se soucient peu de la redistribution globale de l’eau en Californie. En
pleine sécheresse, ils continuent même à
planter. Entre 2007 et 2013, la superficie occupée par les amandiers a augmenté de 20 %.
En 2014, elle a dépassé pour la première fois le
million d’acres (404 700 hectares). « Les journaux parlent de “vallée de la poussière”, mais il
faut rouler loin pour trouver la poussière, note
Mark Arax, un auteur qui a grandi dans la Central Valley et prépare un livre sur les “guerres
de l’eau”. On plante encore beaucoup. »
« RUÉE SUR LA NOIX »
La Californie produit 80 % des amandes consommées dans le monde. Et l’appétit ne fait
qu’augmenter. Dans l’Etat de la ruée vers l’or,
on parle maintenant de « nut rush », la « ruée
sur la noix ». Les amandes sont plébiscitées
dans les régimes à la mode, pour leur haute
teneur en protéines, leur faible apport en carbohydrates, etc. Les bobos ne jurent plus que
par le lait d’amande, malgré son prix prohibitif. Après avoir dévoré du peanut butter pendant des générations, les Américains consomment maintenant plus d’amandes que
de cacahuètes, responsables d’un nombre
croissant d’allergies.
Même les Chinois se sont pris d’engouement pour les amandes. Les deux tiers de la
production californienne sont exportés, principalement vers l’Asie (ce qui revient à « exporter l’eau de la Californie », déplorent les critiques). Le premier producteur (Paramount
Farms) appartient à un milliardaire de Berverly Hills, Stewart Resnick, qui a bâti sa fortune sur un jus de grenade et une eau miné-
rale haut de gamme, vendus dans les magasins bio. Le deuxième est le groupe Hancock,
détenu par le géant canadien des assurances
et services financiers Manulife. Le troisième,
le fonds de pension new-yorkais TIAA-CREF.
Ces producteurs sont à peine dérangés par
la sécheresse. Ils ont leurs propres puits. « La
pénurie d’eau de pluie et de la fonte des neiges
est compensée par la nappe phréatique, indique Mark Arax dans un entretien à la radio
publique NPR. Les fermiers pompent à
tout-va. » Aucun permis n’est nécessaire pour
creuser un nouveau puits dans sa propriété.
Ceux-ci sont de plus en plus profonds, jusqu’à
500 mètres sous la surface, au risque de provoquer l’affaissement de la vallée. « La terre
s’enfonce. Avant c’était par pouces [2,5 cm].
Maintenant c’est par pieds entiers [33 cm] »,
dit le chercheur.
Les autorités ont commencé à préparer une
réglementation des ressources de la nappe
phréatique qui n’entrera pas en vigueur
avant cinq ans. En attendant, le centre de la
Californie continuera de s’affaisser pour satisfaire l’appétit des Chinois, des milliardaires de Beverly Hills et des hedge funds de
Wall Street. p
POUR CULTIVER
UNE SEULE
AMANDE, IL FAUT
UN GALLON D’EAU
(3,78 LITRES)
[email protected]
Jean Zay, ministre et martyr de la République
LIVRE DU JOUR
philippe-jean catinchi
A
uteur d’une thèse consacrée à
L’Ecole et la patrie en France dans le
premier vingtième siècle, soutenue en 1999, Olivier Loubes ne
pouvait que rencontrer la personnalité de Jean
Zay, le « Jules Ferry du Front populaire », dont il
se fit le biographe inspiré. Héritier d’une double tradition familiale humaniste, juive et protestante, le ministre, assassiné par la Milice
avant même d’avoir 40 ans, a beau avoir
donné son nom à nombre d’établissements
scolaires, il n’en restait pas moins jusque-là
L’Inconnu de la République (Armand Colin,
2012). Non content d’avoir naguère établi en
universitaire en quoi Jean Zay, « fils de la République radicale », incarne par son engagement
et son action la noblesse de l’idéal démocratique, de ses valeurs et de son éthique, Olivier
Loubes reprend aujourd’hui la figure du ministre martyr.
L’annonce en février 2014 de la panthéonisation de Zay a été déterminante, mais les événe-
ments sanglants des 7 et 9 janvier 2015, au moment même où Loubes composait ce bréviaire
pour mobiliser le citoyen d’aujourd’hui, ont
pesé sans aucun doute dans le titre si martial
de l’opuscule : Réarmer la République ! Car il
s’agit de se nourrir de ce que l’exemple de Zay a
de stimulant. Dans sa préface, Vincent Duclert
cite longuement le discours du poète et résistant Jean Cassou, lors de l’hommage en Sorbonne le 27 juin 1947, où Zay est vu comme
l’incarnation des vertus du peuple français :
« Le jugement critique, le sens du juste, le goût
du beau, le culte passionné de la raison et de la
liberté ». Le propos est fort, mais pour Zay qui
se voulait jacobin, au sens où l’entendaient les
patriotes de 1792 proclamant la patrie en danger, il sonne comme l’étendard d’une croisade
généreuse à visée universelle.
« POPULARISATION DE LA CULTURE »
Et Loubes d’interroger l’écho de chaque élément de la devise nationale dans l’action de
Zay. Liberté, principe actif qui ne supporte pas
la sclérose ni l’essentialisme nationaliste d’un
Maurras qui fige les symboles en fétiches, et
on ne s’étonne pas, dans ses écrits de prison
(Souvenirs et solitude, Belin, 2010), que Zay cite
Blanqui : « Les pouvoirs légitimes sont aux
mains de qui résiste. » Egalité et la réforme sociale qu’il préconise passent par la « popularisation de la culture » au cœur de ses champs
ministériels (enseignement, beaux-arts, recherche, sports et loisirs). Fraternité, comme
la morale de l’histoire républicaine contre
tous les sectarismes et ostracismes en vogue.
Le juste usage des mots reste essentiel, et
l’idéal de réforme de Zay pour reconstruire le
projet républicain une leçon des plus contemporaines. En marge des illusions générées par
une « histoire à thèse », en rupture avec la vogue stérile d’une « histoire à l’estomac » qui
captive les médias, mais n’ouvre sur rien, Loubes prône une histoire tonique en ce qu’elle
stimule, dynamise, revivifie les valeurs que les
acteurs du passé ont préconisées pour fonder
l’esprit républicain. Pour cela aussi, la juste
place de Zay est au Panthéon. p
Réarmer la République !
Jean Zay au Panthéon
Essai d’histoire tonique d’Olivier Loubes
Demopolis, 140 p., 16 €.
18 | culture
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
Cheikh Lô
à Keur Massar,
dans la banlieue
de Dakar,
en février.
YOURI LENQUETTE
POUR « LE MONDE ».
Le panafricanisme créatif de Cheikh Lô
Licence n° DOS201140718 - Conception : Arc en ciel - Illustration : Marc Dubos - Dpt40
Le chanteur et musicien
sénégalais sort, à 60 ans,
son cinquième album,
« Balbalou »
MUSIQUE
dakar (sénégal), envoyée spéciale
C
heikh Lô, c’est une élégance, un
éclair de bizarrerie dans une
musique assez codée : celle du
Sénégal, pays qui fait figure
d’îlot de sérénité dans une
Afrique traversée de combats
fratricides. Taillé comme un fil au vent, le
chanteur à la voix gracile s’enveloppe de
dreadlocks qui n’ont rien de jamaïcain, mais
ont à voir avec son appartenance aux Baye
Fall, branche de la confrérie des mourides –
fondée par Amadou Bamba – bien antérieure
à l’apparition du rastafarisme caribéen.
Cheikh Lô, 60 ans, a bâti sa maison familiale à Keur Massar, banlieue dakaroise enveloppée de poussière sahélienne, à l’entrée de
la presqu’île du Cap-Vert qui abrite la métropole africaine. A Keur Massar circulent des
bus bariolés, des taxis collectifs bondés, des
chevaux trottinants et des motos qui slaloment entre étals de légumes et marchandes
en boubou. « Cheikh » n’y est pas un inconnu, il y est considéré. Valeur sûre, sans les
apparats de la célébrité. Il est salué par de jeunes hommes aussi longilignes que lui, en
Nike et égrenant des chapelets maures. Lui
porte des tuniques brodées, un manteau redingote en coton tissé sur un jean à déchirures calculées. Et des baskets à motif pop art.
« Nangadef », ça va, en wolof : le Sénégal de
Cheikh Lô est là, vivant, ironique. C’est celui
des bals nourris au mbalax, le rythme typique des Wolof ; c’est aussi celui du rap made
in Dakar, que Cheikh Lô le moderniste, et
pourtant chanteur issu de la tradition des orchestres des années 1970, porte au pinacle.
De ce creuset contestataire est né, par exemple, le parodique « Journal rappé », présenté
sur YouTube par un duo percutant, Xuman et
Keyti. Tout y passe, l’ex-président Wade et
son fils Karim, condamné en mars à six ans
d’emprisonnement pour « enrichissement
illicite », ou la difficulté des transports en
commun, avec proposition d’une application Pousseul ma tok, style Uber pour les
taxis clando, souvent délabrés.
« bavarder », avec Ibrahim Maalouf à la
trompette).
Balbalou a été produit par le musicien Andreas Unge et enregistré en Suède pour partie. C’est dans ce Nord lointain que Cheikh Lô
croise par hasard l’accordéoniste français
Fixi, comparse, en 2013, du chanteur de reggae jamaïcain Winston McAnuff. Ils s’apprécient et s’allient avec la chanteuse brésilienne basée à Paris, Flavia Coelho. Ensemble,
ils créent Degg Gui (« la vérité »), titre à la mélodie imparable, tout en grâce, en voix filée,
et où l’accordéon s’insinue dans une exploration outre-Atlantique – terrain connu pour le
Sénégalais qui avait enregistré pour l’album
Lamp Fall, en 2006, à Salvador de Bahia avec
le groupe de percussionnistes afro Ilê Aiyê.
ENFANT D’UN PANAFRICANISME CRÉATIF
A ses débuts, Cheikh Lô était batteur. Il est né
en 1955 dans la deuxième ville du Burkina
Faso, Bobo Dioulasso. Son père, « un Toucouleur », était bijoutier, eut quatre femmes et
onze enfants. Sa mère, « une Sérère, comme le
président Senghor », n’eut qu’un fils, lui, le
gâta et scella ainsi sa différence. Cheikh Lô
débute au sein de l’orchestre Volta Jazz. L’ensemble, un des meilleurs d’Afrique de l’Ouest
de l’après-indépendance, revisite la chanson
cubaine, les classiques du Congolais Tabu Ley
Rochereau. Ils sont douze, derrière le saxophoniste et chanteur Moustapha Maïga, tous
d’âges, d’ethnies, de nationalités différentes,
« sénégalais, burkinabé, guinéen, béninois… », s’enthousiasme Cheikh Lô, enfant
d’un panafricanisme créatif.
Il grandit dans le quartier d’Accart Ville
« en écoutant le bruit du train » et en en reproduisant le rythme sur sa table d’écolier. Il
découvre les congas et les timbales. « A
13 ans, je chantais des covers de tubes occidentaux, en m’accompagnant avec une petite guitare sèche, ou à la batterie. » Son
idole, Moustapha Maïga, passe le voir d’un
coup de Mobylette, « le bassiste aussi, et on
jouait El Manisero », standard cubain. Le
soir, c’est concert au Normandie Bar. Il est
remplaçant. Le batteur attitré est jaloux : « Il
disait : “Il est dangereux là, le petit Sénégalais.” Mais moi, j’ai toujours pensé que jouer,
RAY-BAN ANTITIMIDITÉ
Tout ce décor nourrit la réflexion de Cheikh
Lô et préside au pittoresque de Balbalou, cinquième album officiel de l’énergumène, sourire large et profil aigu, arrondi par des RayBan antitimidité. En wolof et en bambara,
Cheikh Lô s’insurge d’une voix haute et flûtée contre les chefs d’Etat africains, grands
pourvoyeurs de coups d’Etat (Doyal Naniou,
avec la Malienne Oumou Sangaré). Avec un
brin de provocation, le Dakarois oppose les
contraires, l’eau, le feu, comme métaphores
des aléas de la vie quotidienne (Balbalou,
EN WOLOF
ET EN BAMBARA,
CHEIKH LÔ S’INSURGE
D’UNE VOIX HAUTE
ET FLÛTÉE CONTRE
LES CHEFS D’ÉTAT
AFRICAINS
ce n’était pas se battre. » Mais il lui pique la
place.
Revenu à Dakar en 1978 pour travailler à la
Société des transports du Cap-Vert (Sotrac),
passé par la Côte-d’Ivoire, il vit à Paris à la fin
des années 1980 l’expérience décalée de batteur de studio avec passage chez Papa Wemba,
et disques enregistrés chez Syllart Records. Il
passe à la guitare et découvre le reggae jamaïcain, mais surtout le funk, qu’il mélange aux
rythmiques sénégalaises du mbalax ou au high-life ghanéen. En 1989, il joue avec Youssou
N’Dour, puis enregistre sa première cassette
audio, Doxandeme (« immigrants »), résumé
de l’expérience d’un Sénégalais à l’étranger :
« C’était dur et j’avais besoin d’avoir une
croyance profonde dans ma religion. »
Aficionado de longue date, propagandiste
de l’excellente technique vocale de Cheikh Lô,
Youssou N’Dour produit, en 1995, l’album Ne
La Thiass sur son label dakarois Jojoli, distribué par World Circuit, la maison de disques
de Nick Gold. Il y en aura un second, Bambay
Gueej (1998), avant rupture avec le parrain de
la pop sénégalaise. Resté chez World Circuit, il
publie ensuite Lamp Fall (2006) et Jamm
(2010), qui inclut les talents du batteur historique de l’afro-beat nigérian, Tony Allen,
longtemps comparse de Fela Kuti.
LES FONDEMENTS HUMANISTES DE L’ISLAM
La maison de Cheikh Lô a été construite à la
moyen-orientale, avec salons, fauteuils kitsch,
escalier en colimaçon. On y mange le riz au
poisson dans un plat collectif, à côté des
bouilloires à thé. Notre hôte porte un large
collier de cuir tressé, rempart au mauvais œil,
aux mauvaises langues, aux mauvais regards.
Il est père de famille et doit protéger les siens
« comme la lionne le lionceau ». Il entretient
une foi éclairée dans Cheikh Ibrahima Fall
(1858-1930), le guide des Baye Fall. « Travaille
comme si tu ne devais jamais mourir et prie
Dieu comme si tu devais mourir demain », disait celui qui a imposé les n’djajne (les dreadlocks) comme symboles d’ardeur à la tâche –
« Il n’avait pas de temps à consacrer à la coiffure », précise Cheikh Lô.
Il y a une abbaye chrétienne à Keur Moussa,
fondée en 1961 par des bénédictins de Solesmes. « Les moines de Keur Moussa ont créé une
kora en s’inspirant de celles des griots mandingues – un instrument né au nord de la Guinée »,
explique Cheikh Lô, qui n’en joue pas. En 1963,
le Père Dominique Catta fut chargé, tout en
restant fidèle à l’héritage grégorien, de composer une musique liturgique inspirée de la
musique africaine. L’histoire réjouit Cheikh
Lô, « adepte de la spiritualité et des fondements
humanistes de l’islam », dit-il. p
véronique mortaigne
Balbalou, de Cheikh Lô. 1 CD Chapter Two
/Wagram
culture | 19
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
Un Banksy monumental vendu 600 000 euros
L’œuvre, mise aux enchères à Drouot, a été réalisée par l’artiste, en 1998, sur un semi-remorque
ARTS
C
e Banksy-là, garé devant
l’Hôtel Drouot, à Paris
(9e), est atypique en tous
points : par son âge, sa
taille, son style et son histoire. La
maison Digard a proposé aux enchères, lundi 1er juin, une fresque
monumentale de près de
10 × 2,5 mètres, réalisée sur un
semi-remorque par l’artiste phare
de l’art urbain, en 1998. Une époque où l’on ne parlait pas encore
de street art, et où le Britannique
était un graffeur de Bristol connu
des seuls initiés. Nulle trace ici de
pochoir, hormis pour son logo de
signature : Banksy, qui allait se
convertir à cette technique dans
la foulée, peignait alors encore à la
bombe aérosol.
« Mieux vaut ne pas trop compter sur le silence des majorités… Le
silence est une chose fragile… Il suffit d’un son et c’est parti. » Cette
inscription, en anglais et en capitales, encadre la fresque en haut et
en bas. L’ensemble dépeint l’esprit des rave parties, ces fêtes sauvages qui étaient alors à leur apogée, comme une opération militaire. Les personnages, habillés en
soldats, prennent d’assaut un site
depuis la mer, de nuit, sur des canots gonflables remplis de sound
systems. La moitié droite est occupée par le mot stealth (discrétion ),
graffé par Inkie, autre figure du
graffiti à Bristol. La composition
se termine par un personnage accroupi, tenant un mégaphone.
Sans reconnaître le style graphique de Banksy, on retrouve ici son
sens de l’humour, du détournement contestataire et de la mise
en scène.
« Chaque année, nous réalisions
des décors pour le Festival de Glastonbury sous forme de performances », explique Inkie, venu à Paris
pour revoir l’œuvre et assister à la
vente. Cette année-là, Banksy
avait recherché un camion pour
support, lors de ce grand festival
de musique et d’arts du spectacle.
Domicile et outil de travail
L’édition 1998 a pour têtes d’affiche Pulp et Blur et a aussi été particulièrement pluvieuse. C’est devant des festivaliers les pieds dans
la boue que les deux amis ont
œuvré. Le mystérieux Banksy,
l’homme qui a réussi à garder son
identité secrète au fil des années,
s’était donc produit en public
trois jours durant ? « Il préférait se
cacher le visage pour travailler »,
nuance Nathan Welland, le propriétaire du camion, qui a lui
aussi fait le déplacement à Paris.
Ce grand gaillard blond est alors
une connaissance de Banksy, et il
a accepté que son camion serve de
toile contre un dédommagement
de l’équivalent de 300 euros. Le
véhicule lui sert à l’époque autant
de domicile que d’outil de travail :
le circassien s’est reconverti en
loueur de chapiteau, sillonnant le
pays de fêtes en festivals.
L’année suivante, Banksy réitère
l’expérience sur l’autre face du camion à l’occasion d’un autre festival. La nouvelle fresque, Fungle
Junk, a aujourd’hui disparu. Lorsque Nathan Welland a arrêté la vie
itinérante, en 2004, sa remorque
s’est muée en mobile home, posé
dans la campagne du Norfolk.
En 2008, la peinture s’abîme, or
Banksy est devenu une star dont
les œuvres s’arrachent. Décision
est prise de découper les parois
pour les vendre. Sans certificat
d’authentification.
Cet épisode, personne n’est très
enclin à l’évoquer aujourd’hui. Visiblement en mauvais état de
conservation, Fungle Junk a été
scindé en plusieurs morceaux,
dont deux ont alors été vendus
par une galerie pour près de
140 000 euros. En parallèle, une
vente aux enchères a été organi-
Sur la fresque,
les personnages,
habillés en
soldats, prennent
d’assaut un site
depuis la mer,
de nuit, sur des
canots remplis de
sound systems
sée pour la première fresque, présentée sous le nom de Fragile Silence. Mais sans certificat, la vente
a tourné court.
Sept années plus tard, et après
une reprise du dialogue, Banksy a
accepté de délivrer le précieux certificat Pest Control – son service
d’authentification officiel. Et pour
cette vente sous de meilleurs auspices, à Paris, l’œuvre a pris un
nouveau nom : Silent Majority. « Il
a choisi de nous le délivrer, car il
aime cette pièce. Et il a considéré
qu’il s’agissait d’une commande du
festival », et non pas d’une œuvre
réalisée pour la rue, confie Nathan
Welland.
Avant la vente, le doute s’insinue : cette œuvre est-elle « vendable » ? Les grandes pièces ont en
effet tendance à partir moins facilement que les petites ; or celle-ci
est hors norme. Un galeriste présent à la vente est resté pour le
moins dubitatif quant à l’intérêt et
à la qualité de l’œuvre, se demandant qui pourrait être intéressé.
La fresque est finalement adjugée à 500 000 euros, ce qui devrait
permettre à Nathan Welland de
réaliser son rêve : « Acheter une
vraie maison. » A l’issue de la
vente, le quarantenaire est attendu avec sa femme et leurs quatre enfants par les caméras de la
télévision britannique pour commenter ce happy end.
L’opération est également un
succès pour la commissaire-
priseur,
Marielle
Digard :
« 500 000 euros, c’est le prix intermédiaire entre l’estimation basse,
400 000, et la haute, 600 000.
Deux collectionneurs représentés
par téléphone se sont battus pour
l’obtenir. » Banksy et Inkie doivent
toucher environ 1 % de la vente au
titre du droit de suite. L’acquéreur
devra pour sa part débourser
625 400 euros au total, avec les
frais.
Lundi soir, après avoir stationné
pendant trois jours devant Drouot,
le semi-remorque a pris le chemin
d’un entrepôt, en attendant de livrer son œuvre monumentale.
Alors que certains se demandent si
Banksy n’aurait pas lui-même orchestré cet achat, Marielle Digard a
précisé que le camion prendrait la
direction du « nord de l’Europe ».
L’acquéreur est un collectionneur
d’art contemporain et d’art urbain, qui destine son achat à un
usage privé, assure la commissaire-priseur. p
emmanuelle jardonnet
Interdiction de « Saw 3D » :
vers un durcissement
de la censure ?
Le Conseil d’Etat a retiré son visa
d’exploitation au film d’horreur sorti en 2010
CINÉMA
D
ans un arrêt daté du
1er juin, le Conseil d’Etat a
retiré son visa d’exploitation à Saw 3D, film d’horreur sorti
en 2010 qui avait rassemblé près
de 560 000 spectateurs. Il invalide
ainsi la décision du ministère de la
culture qui l’avait seulement interdit aux moins de 16 ans, avec
l’avertissement suivant : « Ce film
comporte un grand nombre de scènes de torture particulièrement réalistes et d’une grande brutalité,
voire sauvagerie. » Cinq ans après
sa sortie, cela pourrait prêter à sourire si l’affaire n’était pas plus retorse qu’elle n’en a l’air.
L’interdiction de Saw 3D aux
moins de 18 ans est le résultat
d’un long combat mené par l’association Promouvoir, qui s’est
pourvue en cassation après avoir
été déboutée une première fois
par le tribunal administratif, puis
en appel.
Cette association, qui se donne
pour objectif de « promouvoir les
valeurs judéo-chrétiennes », entend militer « en faveur de la dignité de l’homme, de la femme et de
l’enfant » et faire obstacle, entre
autres, « au viol », à « l’homosexualité », à « la pornographie »,
était déjà à la manœuvre dans l’affaire Baise-moi, en 1999, quand fut
sortie des oubliettes la catégorie
des films interdits aux moins de
18 ans mais non classés X.
En 2008, elle a obtenu d’y faire
intégrer Quand l’embryon part braconner, de Koji Wakamatsu, et
en 2014, à l’issue d’un référé, de rehausser le degré d’interdiction du
Nymphomaniac de Lars von Trier,
qui passa de 12 à 16 ans pour le premier volet et de 16 à 18 ans pour le
second.
Agnès Tricoire, déléguée de l’Ob-
servatoire de la liberté de création,
s’alarme des termes de la motivation de cet arrêt, qui va faire jurisprudence, et surtout de la mention
selon laquelle le film serait « susceptible de heurter la sensibilité des
mineurs ». « C’est terriblement
large, outrageusement subjectif !
La porte ouverte à toutes les interprétations… » L’arrêt, en outre, serait contestable au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui
« se fonde sur le fait que les œuvres
peuvent heurter, qu’elles ont vocation à nous secouer ».
« Au bord de l’implosion »
S’alarmant du fait que Promouvoir obtienne de plus en plus souvent gain de cause, elle parle d’un
« système au bord de l’implosion ».
Un sentiment que partage une
bonne partie du milieu du cinéma,
comme le distributeur Daniel Chabannes qui constate déjà, depuis
trois ans qu’il y siège, un durcissement tendanciel des positions de
la commission de classification
des films. « Mais si un juge peut décider à notre place, dit-il, je me demande à quoi sert la commission. »
Membre de la Société des réalisateurs de films (SRF), le cinéaste
Christophe Ruggia se dit « atterré
par cette réponse du Conseil
d’Etat », qui s’inscrit, selon lui,
dans un climat de « droitisation »
de la société, où les cas de censure
se multiplient – de manière spectaculaire depuis les attentats de
janvier. Il note que le cas particulier de Saw 3D – film de genre, sorti
il y a cinq ans – risque de ne pas
susciter de levée de boucliers. « La
question maintenant, s’inquiètet-il, c’est de savoir ce qu’il va se passer quand un nouveau Taxi Driver
sortira en salles. » p
isabelle regnier
Nespresso, partenaire de la Semaine de la Critique à Cannes,
félicite le réalisateur Santiago Mitre, lauréat du 5e Grand Prix Nespresso,
pour son film PAULINA.
SOUTENIR LA JEUNE CRÉATION POUR PERMETTRE
À CHAQUE HISTOIRE DE S’ÉCRIRE.
20 | culture
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
Les Chedid, à eux quatre, tout un orchestre
Autour du père Louis, Anna, Joseph et Matthieu offrent un récital où s’entrecroisent leurs talents
CHANSON
E
n novembre 2014, le Palais omnisports de ParisBercy, qui deviendra à la
rentrée, après travaux,
Bercy Arena, avait reçu les Vieilles
Canailles. Soit Johnny (Hallyday),
Eddy (Mitchell) et Jacques
(Dutronc), trois copains d’enfance
devenus vedettes dans la génération rock des années 1960. Puis ce
furent Alain (Souchon) et Laurent
(Voulzy) qui, début mai, au Dôme
de Paris, ex-Palais des sports, avant
une tournée des grandes salles,
ont mis sur scène leur amitié et
leur collaboration artistique féconde depuis les années 1970.
Cette fois, ils sont quatre. Non pas
copains-copines, mais en famille.
A l’Olympia, à Paris, entre fin mai
et début juin, et en route vers
quantité de festivals d’été avant retour parisien au – excusez du peu –
Palais-Garnier, le 6 septembre.
D’un instrument à l’autre
D’abord c’est Anna, dite Nach, qui
se présente. Puis Joseph, dit Selim,
puis Matthieu, dit -M-, et enfin
Louis… dit Louis. Trois enfants et
leur père, la famille Chedid presque au grand complet (la grande
sœur, Emilie, réalisatrice, et la
grand-mère, Andrée, poète et romancière morte en 2011, sont évoquées). Tour à tour, ils émergent
par la face avant, qui tourne sur
un axe, de l’un des volumes rectangulaires servant de décor en
fond de scène. Anna au piano, Joseph à la guitare, Matthieu à la
basse et Louis à la guitare pour la
chanson d’ouverture, Ce qu’ils deviennent, composition de la jeune
femme, extraite d’un premier album sous le nom de Nach, publié
début avril.
Ils sont quatre tout au long de ce
plaisant récital mêlant les chan­
sons de l’une et des autres, sans
musiciens additionnels, parce que
l’on a là des interprètes complets.
Tous plus ou moins poly-instrumentistes qui passent selon les
besoins à la basse (que manie plus
particulièrement Anna), aux guitares, acoustiques et électriques,
aux claviers, à la batterie (poste
que Joseph maîtrise mieux et que
seul Louis ne va pas occuper). Ce
qui fait dire à Louis Chedid :
« Quand j’ai besoin d’un orchestre,
pas besoin de chercher très loin. »
De gauche à droite, Louis, Anna, Matthieu et Joseph Chedid. ROD/DALLE
Louis Chedid
et -M-,
pour des succès
plus établis,
dominent
dans le répertoire
Tous auteurs-compositeurs aussi.
Et tous chanteurs.
En une trentaine de chansons,
c’est cet ancrage familial, par sa
part de partage artistique, qui est
proposé. Au début du concert,
tout est simple. Après Anna et sa
chanson, c’est Louis qui prend en
charge son Tu peux compter sur
moi. Joseph présente Paranoïa,
tiré de son album Maison rock, et
Matthieu l’un de ses plus fameux hymnes, Mojo. Celle-là a
cappella, avec des battements de
mains pour s’accompagner.
Et peu à peu se dessine un jeu
d’échanges. La voix principale
d’un thème n’est plus celle de son
créateur. Louis Chedid chante
L’Amour éternel, de Joseph. Ce dernier lui répond avec son Danseur
mondain. Louis encore, qui se régale de devenir le Machistador de
-M-, à qui Joseph emprunte La
Seine… Les arrangements, très travaillés en studio, sont rapportés à
une manière plus sobre, pour l’instrumentation à quatre. Tout cela
fonctionne plutôt bien. Avec de
beaux entrelacs vocaux, la redé-
Trop vive allure pour le train des Semianyki
Au Théâtre du Rond-Point, le nouveau spectacle des clowns russes
ne parvient pas à nous transporter, malgré la fantaisie burlesque de la troupe
SPECTACLE
D
ès le soir de la première,
jeudi 28 mai, nombre
d’amateurs se pressaient
devant le Théâtre du Rond-Point,
à Paris, pour tenter d’acheter des
places pour Semianyki Express.
Tout le monde, en possession ou
non d’un billet, avait envie de retrouver l’irrésistible folie comique de ces jeunes clowns russes
déjantés, qui avaient signé,
en 2003, un spectacle vite devenu
« culte », Semianyki (« la famille », en russe), qui pendant
plus de dix ans a tourné dans le
monde entier, et notamment
dans tout l’Hexagone (Le Monde
du 16 mai 2007).
C’est dire s’il était attendu, ce
nouveau spectacle que les Semianyki (c’est aussi le nom de leur
compagnie) ont mis des années à
roder et à peaufiner. Las ! On dit
souvent qu’il est bien difficile de
signer une deuxième œuvre après
un premier opus marquant, et ce
Semianyki Express – dont on pourrait dire méchamment qu’il porte
bien son nom – vient le confirmer.
On n’y retrouve ni l’inventivité,
ni le rythme trépidant, ni la merveilleuse esthétique de bric et de
broc qui faisaient tout le prix de
cette Famille, ni, surtout, le talent
dont les clowns avaient fait montre pour en dire beaucoup – sur la
Russie, notamment, et sur la famille, évidemment – sans jamais
prononcer un mot.
La vie d’un train de nuit
Il y avait mille idées à la minute
dans ce premier spectacle, il y en a
bien peu dans cet Express. Les
Semianyki ont passé les dix dernières années à voyager sans
cesse, ils ont eu envie de mettre
en scène la vie d’un train de nuit,
avec son contrôleur, son barman,
ses serveuses, ses voleurs, ses divas de passage et ses voyageurs
en quête d’aventures, amoureu­
ses ou autres.
Séduisant point de départ. Mais,
malgré quelques jolies saillies
poétiques, notre famille de
clowns a bien du mal à tirer un fil
dramaturgique qui se tienne. Les
gags paraissent poussifs, et les tableaux se succèdent sans vérita-
Malgré quelques
jolies saillies
poétiques,
notre famille
de clowns a bien
du mal à tirer un
fil dramaturgique
qui se tienne
ble rythme, qui tournent principalement autour des innombrables petits (ou grands) verres d’alcool qu’il faut bien s’enfiler pour
supporter l’ennui – du voyage, de
la grande steppe russe, de l’existence…
Reste que les Semianyki sont
des clowns de talent, qui savent
faire exister leurs personnages.
Notamment la prima donna de la
troupe, Olga Eliseeva, qui, dotée
d’un abattage hors du commun,
offre les moments les plus réjouissants du spectacle, en délirante danseuse de flamenco ou
en patineuse très peu artistique.
couverte, par une approche acoustique, de certains thèmes.
Louis Chedid et -M-, pour des carrières plus longues, des succès plus
établis, dominent dans le répertoire. Des chansons de Nach qui
commencent à être repérées,
comme Je suis moi ou Cœur de
pierre, font entendre leurs jolies
manières de comptines un rien
fantasques.
Au crédit de Joseph, vocalement
plus incertain par endroits, d’indéniables qualités de rythmicien,
dans ces métriques qui emprun-
tent aux combinaisons impaires
de l’Orient ou de l’Afrique. Un effet
de déséquilibre dans la durée du
spectacle que -M- et Louis atténuent par l’attention portée aux
deux autres. p
sylvain siclier
Louis, Matthieu, Joseph et Anna
Chedid, en tournée. Prochains
concerts, Le Bikini, Ramonville, le
5 juin, au JDM Festival, Bulligny, le
7 juin, Ardèche Aluna Festival, à
Ruoms, le 19 juin… Dates, lieux et
tarifs sur Infoconcert.com.
L’Institut du monde arabe organise les
Premiers
En partenariat avec
les Rendez-vous de l’Histoire de Blois
Alexander Gusarov, lui, n’a pas
son pareil pour incarner
l’homme russe dans toute sa dimension alcoolique et égarée.
Elena Sadkova, délicieuse de fantaisie, Kasyan Ryvkin et son sens
de l’absurde, Marina Makhaeva et
Yulia Sergeeva, tous jouent leur
partition, plus ou moins burlesque ou poétique, sans démériter,
loin de là.
On ne peut pas dire que l’on ne
passe pas d’agréables moments
avec eux. Mais on attendait
quand même de vivre des sensa­
tions un peu plus fortes, dans le
train de nuit des Semianyki. p
Conférence inaugurale
le vendredi 5 juin à partir de 19h
Les villes fabuleuses
de l’Orient
par Nasser Rabat,
professeur titulaire
de la chaire Aga Khan
Entrée libre dans la limite
des places disponibles
Institut du monde arabe
1, rue des Fossés-Saint-Bernard
75005 – Paris
01 40 51 38 38
www.imarabe.org
fabienne darge
Semianyki Express, par le Teatr
Semianyki. Mise en scène : Yana
Toumina. Théâtre du Rond-Point,
2 bis, avenue FranklinD.-Roosevelt, Paris 8e. Tél. : 01-4495-98-21. Du mardi au samedi à
21 heures, samedi également à
15 heures, dimanche à 16 heures,
jusqu’au 5 juillet. De 15 € (moins
de 30 ans) à 36 €. Durée : 1 h 30.
A partir de 7 ans. Puis tournée en
France jusqu’en 2016.
3 jours de débats, conférences, présentations
d’ouvrages, projections de ilms, expositions…
Les 5, 6 et 7 juin 2015
programme complet sur www.imarabe.org
le courrier de
l’actualité du Maghreb en Europe
carnet | 21
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
en vente
actuellement
K En kiosque
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23 79 4: 43 58
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AU CARNET DU «MONDE»
Hors-série
Naissance
Juliette GOUX-LEYMARIE
et Jean LEYMARIE
ont la joie d’annoncer la naissance de
Victor LEYMARIE,
Décès
Paris. Toulouse. Lille.
Eva Bisseuil,
Jacques, Michel (†), Bernard,
Françoise,
ses frères et sœur,
Rachel, Stella et Karl
ses enfants,
Noé, Eliott, Lila, Anna, Louise, César,
Emma,
ses petits-enfants,
font part du décès de
M. Jean-Pierre BISSEUIL,
architecte DPLG.
Hors-série
Collections
---------------------------------------------------------
0123
La célébration religieuse de ses
funérailles aura lieu le jeudi 4 juin 2015,
à 10 h 30, en l’église de Meudon-Bellevue
(Hauts-de-Seine).
Ses amis
Et ses collègues,
ont le chagrin de faire part du décès,
le 28 mai 2015, à Paris,
à l’âge de cinquante-six ans, de
Sylvie BOURGOGNE,
présidente
du Tribunal de grande instance
de Reims.
L’inhumation aura lieu le jeudi 4 juin,
à 14 heures, au cimetière de Thononles-Bains (Haute-Savoie).
Dès mercredi 3 juin, le vol. n° 12
TROYLUS ET CRESSIDA
BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN
Un service à sa mémoire sera célébré
ultérieurement en région parisienne.
a la profonde tristesse de faire part
du décès de
Mme Hélène COHEN,
née CHAMACHE,
épouse de
André COHEN,
Nos services
Lecteurs
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Tél. : 32-89 (0,34 � TTC/min)
www.lemonde.fr/abojournal
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K Le Carnet du Monde
Tél. : 01-57-28-28-28
Elle a rejoint son mari,
La cérémonie religieuse aura lieu
en l’église Notre-Dame de l’Espérance,
47, rue de la Roquette, Paris 11e, le jeudi
4 juin, à 10 h 30, suivie de l’inhumation
au cimetière du Montparnasse, Paris 14e.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Catherine Eugène,
19, rue Servan,
75011 Paris.
David Fontaine,
son petit-ils,
Isabelle Monod-Fontaine,
sa belle-ille
et François Rouan,
Cécile Schotsmans,
sa belle-sœur,
Etienne, Claude et Frédérique Hinous,
ses neveux,
Ses neveux, petits-neveux
et arrière-petits-neveux,
ont l’immense tristesse de faire part
de la mort de
Jacques FONTAINE,
professeur émérite de langue et littérature
latines, à l’université Paris 5-Sorbonne,
membre de l’Académie
des Inscriptions belles-lettres,
docteur honoris causa
des universités catholiques
de Salamanque, Lublin et Milan,
le 31 mai 2015,
à l’âge de quatre-vingt-treize ans.
Ils lui associent le souvenir de son
épouse,
Anne,
(1922-1996),
et de son ils,
Marc,
(1944-1995).
Après une messe de funérailles
en l’église Saint-Germain-des-Prés,
à Paris, le vendredi 12 juin, à 10 heures,
il sera enterré à leurs côtés, dans le
cimetière de Vieux-Port (Eure), à 15 h 30.
Les obsèques auront lieu le vendredi
5 juin, à 15 heures, au cimetière
du Montparnasse, 3, boulevard EdgarQuinet, Paris 14e.
a le très profond regret de faire part
du décès, survenu à Châtenay-Malabry,
le 31 mai 2015, de
ASPCJE,
8, rue des Tanneries,
75013 Paris.
----------------------------------------------------------------
survenu le 1er juin 2015,
dans sa quatre-vingt-quatorzième année.
L’Académie
des inscriptions et belles-lettres
Tous les membres de l’association
présentent à son époux, ses enfants, petitsenfants, arrière-petite-fille et tous les
membres de sa famille leurs condoléances
les plus sincères.
LE RÉVOLUTIONNAIRE CONSERVATEUR
née PÉAN,
survenu le 1er juin 2015, à Paris,
à l’âge de quatre-vingts ans.
« C’était notre amie,
forte, discrète et lumineuse. »
Actuellement en kiosque
le volume n° 16 REAGAN
Marie EUGÈNE,
Paris.
L’ASPCJE
Association pour la Sauvegarde
du Patrimoine Culturel des Juifs d’Egypte
Dès jeudi 4 juin,
le double CD n° 20
ON AIR - LIVE AT THE BBC Volume 2
ont la tristesse d’annoncer le décès de
Jacques EUGÈNE,
(Bruxelles, † 1971).
à Paris, le 3 mars 2015.
Hors-série
Dominique et Anne Eugène,
Claire et Douglas Eugène Wallis,
Noëlle Favard,
Catherine Eugène,
Christophe Eugène,
Philippe et Véronique Eugène,
ses enfants,
Olivier et Aurélie Eugène Marty,
Yann Eugène et Anne-Sophie Kolacz,
Guillaume Eugène,
Margot Favard,
Grégoire et Léa Eugène,
ses petits-enfants,
Stanislas, Adrien, Augustin et Solenn,
ses arrière-petits-enfants,
Le père Olivier Péan,
son frère,
Annie et Yves Jullien,
sa sœur et son beau-frère
et leurs enfants,
Ses neveux et nièces
de la famille Bossard,
Mme Philippe Decourteix,
née Florence Walbaum,
son épouse,
Pauline et Grégoire de Preneuf,
Antoine et Hélène Decourteix,
ses enfants,
Oscar, Félix, Arthur, Edgar et Léon,
ses petits-ils,
ont la tristesse de faire part du décès de
Philippe DECOURTEIX,
survenu le 30 mai 2015,
des suites d’une longue maladie.
La cérémonie religieuse sera célébrée
le jeudi 4 juin, à 14 h 15, en l’église SaintClodoald, à Saint-Cloud (à côté de la
mairie, place Charles-de-Gaulle), suivie de
l’inhumation au cimetière de Saint-Cloud.
Ni fleurs ni couronnes souhaitées,
mais des dons pour l’Institut Curie,
26, rue d’Ulm, 75248 Paris Cedex 05,
www.curie.fr.
Cet avis tient lieu de faire-part.
M. Jacques FONTAINE,
membre de l’Institut,
oficier de la Légion d’honneur,
commandeur
dans l’ordre des Palmes académiques,
chevalier
dans l’ordre des Arts et des Lettres,
ancien élève
de l’Ecole normale supérieure,
ancien membre de la Casa de Velázquez,
professeur émérite
à la Sorbonne.
Une messe de funérailles sera célébrée
en l’église Saint-Germain-des-Prés,
le vendredi 12 juin, à 10 heures.
Marie-Thérèse Giroire,
Anne-Claude, Yves, Chloé, Marion
Pont,
Virginie, Yvan, Margot, Juliette,
Tanguy Belleret
Et toute la famille,
ont le chagrin de faire part du décès de
M. Jacques GIROIRE,
chevalier de la Légion d’honneur,
survenu le 30 mai 2015,
à l’âge de quatre-vingt-trois ans.
La cérémonie religieuse sera célébrée
le vendredi 5 juin, à 10 h 30, en l’église
Saint-Charles-de-Monceau, 22 bis, rue
Legendre, Paris 17e.
L’inhumation aura lieu le même jour,
à 12 h 30, au cimetière communal
de Clamart, 26, avenue du Bois-Tardieu.
Josette Griveau,
son épouse,
Michel (†) et Germaine (†) Griveau,
Monique Griveau,
Geneviève (†) et Robert Baguet,
Marie-Thérèse et Henri Lecroart,
Bernard (†) et Charlotte (†) Griveau,
Jean-Claude Griveau,
Brigitte Griveau,
Jacqueline Plantié (†),
ses frères, sœurs, beaux-frères
et belles-sœurs,
Yves, François, Maryelle, Dominique,
Pierre-Christophe, Laurent (†), Bénédicte,
Bruno, Antoine, Emmanuel, Matthieu,
Marine, Guillaume, Thomas,
ses neveux et nièces,
Les familles Torri, Herr, Poncier,
Jouanin et Cissé,
ont la douleur de faire part du décès de
Pierre GRIVEAU,
X 44,
survenu le 31 mai 2015, à Paris 10e.
Une cérémonie religieuse sera célébrée
le vendredi 5 juin, à 10 h 30, en l’église
Saint-Sulpice, Paris 6e.
Un temps de recueillement aura lieu
le même jour, à 14 h 30, au crématorium
du cimetière du Père-Lachaise, 71, rue des
Rondeaux, Paris 20e.
8, rue de Vaugirard,
75006 Paris.
La Fédération française
des maisons des jeunes et de la culture,
a la tristesse de faire part du décès de
M. André JAGER,
survenu le 9 mai 2015.
Membre de la direction fédérale
des années 1950 à 1977, André Jager
a contribué activement à l’élaboration
de l’histoire des MJC et de la FFMJC.
Ses enfants
Et sa famille,
ont la douleur de faire part du décès de
Françoise-Hélène JOURDA,
architecte,
chevalier de la Légion d’honneur,
chevalier
dans l’ordre national du Mérite,
chevalier
dans l’ordre des Arts et des Lettres,
membre de l’Académie d’architecture,
professeure titulaire
de la chaire d’architecture
et développement durable
de l’université technique de Vienne
(Autriche).
Les obsèques auront lieu dans la plus
stricte intimité.
Une cérémonie d’hommage sera
organisée ultérieurement.
La Cité
de l’architecture & du patrimoine
Et La Fondation Locus,
ont le regret de faire part du décès de
Françoise-Hélène JOURDA,
architecte,
lauréate du Global Award
for Sustainable Architecture 2007.
Ulla Rasmussen
et sa ille, Louise Le Meur
Ainsi que tous ses amis,
ont la douleur de faire part de la mort de
Jacques LE MEUR,
ancien chef du service publicité
de France Médias Monde,
le 19 mai 2015,
à l’âge de cinquante-huit ans.
Il sera inhumé dans l’intimité, le 6 juin,
à Concarneau, dans le caveau familial.
Une messe sera célébrée à Paris, le jeudi
11 juin, à 18 h 30, chez les Frères des
Ecoles chrétiennes,78, rue de Sèvres,
Paris 7e.
Véronique LEMAITRE,
pédopsychiatre,
psychanalyste,
est décédée le mercredi 27 mai 2015.
Ses amis de la WAIMH-France désirent
lui rendre hommage.
Sa créativité dans l’art de la clinique
des origines restera pour nous une source
inépuisable d’inspiration.
Corinne,
son épouse,
Elisabeth et Agnès,
ses illes,
Glenn et Aminata,
son frère et sa belle-sœur,
Héloïse, Mathieu, Raphaël, Charles,
sa nièce et ses neveux,
Sa famille,
Ses proches,
ont la douleur de faire part du décès de
Emmanuel LIMIDO,
survenu le samedi 30 mai 2015.
La messe de funérailles sera célébrée
le lundi 8 juin, à 14 h 30, en l’église SaintHonoré-d’Eylau, 66 bis, avenue RaymondPoincaré, Paris 16e.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Sa famille,
Ses amis,
ont la tristesse de faire part du décès de
Jacqueline MARTINET,
née GERVAIS,
survenu le 31 mai 2015,
dans sa quatre-vingt-dix-septième année.
La Société française de physique
a la tristesse de faire part du décès de
Roger MAYNARD,
professeur émérite
université Joseph-Fourier,
président de la SFP, 2004, 2005,
Bernard Ribier,
son époux,
Hervé, Emmanuelle, Luc, Jean,
ses enfants,
Antoine, Erika, Juliette, Marion,
ses petits-enfants,
font part du décès de
Renée RIBIER,
née FILIOL,
normalienne, agrégée d’histoire,
chevalier de l’ordre national du Mérite,
survenu le 30 mai 2015.
La célébration aura lieu le 4 juin,
à 15 heures, en la chapelle de l’Est,
au cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e.
L’inhumation se déroulera le 6 juin,
à 11 h 15, au cimetière Saint-Lazare
de Montélimar (Drôme).
Bernard Ribier,
33, rue des Gâtines,
75020 Paris.
Christine Ropers,
sa ille,
Pierre Conil,
son gendre
et leurs enfants, Jeanne, Célia, PierreAlain
ainsi que leurs petits-enfants, Pauline,
Louis,
ont la tristesse de faire part du décès de
Mme Marguerite ROPERS,
née THEVENET,
professeur de Lettres en retraite,
oficier de la Légion d’honneur,
médaille de la Résistance,
croix de guerre 1939-1945
avec Palmes et à la Division,
croix du combattant volontaire,
chevalier
dans l’ordre des Palmes académiques,
survenu le 30 mai 2015
survenu le 28 mai 2015,
dans sa quatre-vingt-douzième année.
et s’associe à la douleur de sa famille
et de ses proches.
Un hommage lui sera rendu le vendredi
5 juin, à 10 h 30, au crématorium de Rouen
(Seine-Maritime).
Nous tous, avons apprécié l’énergie
et l’élégance de Roger Maynard dans son
approche de la recherche et la formation,
dans ses interactions avec les collègues,
dans ses engagements au service de la
communauté scientiique.
Le comité d’éthique du CNRS
(COMETS),
a la très grande tristesse d’annoncer
le décès d’un de ses membres
Roger MAYNARD,
professeur de physique
émérite à l’université Joseph Fourier.
Sa très grande culture, sa tolérance
et sa profonde compréhension des relations
entre les scientiiques et la société seront
vivement regrettées.
L’enterrement aura lieu à la Tronche
(Isère), le 5 juin, à 11 heures.
La présidence
de l’université Joseph-Fourier Grenoble 1,
Le CNRS,
La direction
Et les personnels
du LPMMC et de l’UFR PhITEM,
ont appris avec une immense tristesse
la disparition, le 30 mai 2015,
à l’âge de soixante-dix-sept ans, de
« C’est nous qui brisons les barreaux
des prisons pour nos frères. »
« Chantez, compagnons,
dans la nuit la liberté nous écoute. »
François Wolff,
son mari,
Marianne et Nicole,
ses illes,
André Brégégère,
son petit-ils,
avec Mirna Lekic,
son épouse,
Philippe et Nicole Jacob,
son frère et sa belle-sœur,
Ses neveux et nièces
et leurs enfants,
ont la douleur de faire part du décès de
Lise WOLFF,
née JACOB,
pharmacienne,
survenu le 1er juin 2015.
Les obsèques auront lieu le jeudi
4 juin, à 15 h 15, au cimetière du PèreLachaise, entrée principale, 8, boulevard
de Ménilmontant, Paris 20e.
37, rue des Longs-Prés,
92100 Boulogne-Billancourt.
Communications diverses
Roger MAYNARD,
chevalier
dans l’ordre des Palmes académiques,
physicien et professeur émérite
à l’université Joseph-Fourier.
Ils s’associent à la douleur de sa famille
et de ses proches et leur présentent leurs
plus sincères condoléances.
Co-fondateur et directeur du laboratoire
de physique et modélisation des milieux
condensés (LPMMC - UMR CNRS/UJF)
de 1990 à 2002, Roger Maynard a
découvert avec d’autres chercheurs le cône
de rétrodiffusion « cohérent » dans les
milieux diffus.
Eminent scientifique, il a exercé de
nombreuses responsabilités dans
l’organisation et la médiation de la science
et a fortement contribué au rayonnement
national et international de la physique
grenobloise.
Homme de culture et d’ouverture,
à la grande générosité, il aura été un
modèle et une source d’inspiration pour
ses collègues et de nombreux étudiants et
jeunes chercheurs.
Présentation-dédicace de l’ouvrage de
Salma Samar Damluji
Une autre architecture, la géométrie,
la terre, le vernaculaire
The Other Architecture : Geometry,
Earth and the Vernacular
Leçon inaugurale 2014
de l’École de Chaillot,
prononcée par Salma Samar Damluji
En présence de l’auteure
jeudi 11 juin 2015, à 18 h 30.
Entrée libre, inscription citechaillot.fr
Cité de l’architecture & du patrimoine
Hall About,
7, avenue Albert-de-Mun, Paris 16e
(métro Iéna ou Trocadéro).
ISF :
Déduisez 75 % du montant de votre don
à la Fondation du patrimoine Juif
de France, pour sécuriser et mettre
aux normes nos synagogues
et centres communautaires.
Tél. : 01 49 70 88 02.
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Sous l’égide
de la Fondation du Judaïsme Français.
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22 | télévisions
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
La danse macabre
des teenagers
qui exhibe caricaturalement les attitudes de la culture rap. Alien,
dont les intentions sont, un
temps, assez obscures, et qui se
vante d’avoir « commis tous les crimes du monde », les enrôle dans sa
bande en leur promettant les plaisirs les plus intenses. Elles participent à une série de coups fourrés
au cours desquels elles s’illustreront, en bikini et passe-montagne
roses, manipulant toutes sortes
d’armes automatiques. Deux
d’entre elles, pourtant, rentreront
chez elles ; l’une par peur, l’autre
parce qu’elle a été blessée.
Le pacte faustien qu’ont accepté
les filles ne constitue pas vraiment
une bifurcation essentielle du scénario. Car la seconde partie de
Spring Breakers n’est en fait que la
continuation de la première par
d’autres moyens. La grande débauche des sens, de l’assouvissement infantile des pulsions, y atteint sa vérité cachée, une dimension mortifère et cruelle qui se démasquera
progressivement,
comme le refoulé putréfié du
monde néolibéral.
On sent bien que la réalité intéresse moins Harmony Korine que
sa représentation fantasmatique,
son reflet forgé par la publicité et
les clichés sans esprit des industries culturelles. Les personnages
veulent entrer dans une image qui
n’est que leur propre horizon mental. Le faux devient ici une expression du vrai. p
Harmony Korine s’empare du « spring break »
pour explorer les abysses de l’hédonisme
CINÉ+ CINÉMA
JEUDI 4 – 20 H 45
FILM
O
n aurait tort de voir
dans le film d’Harmony Korine une
plongée opportuniste
et rouée au cœur d’un phénomène
social, à la fois excentrique et ba­
nal. Spring Breakers ne relève pas
d’une volonté anthropologique et
documentaire de décrire des
comportements qui tiennent
autant du rituel que du défoulement collectif.
Harmony Korine a pris pour objet, et pour contexte, le spring
break, ces « vacances de printemps » durant lesquelles les étudiants américains se retrouvent au
bord de la mer pour des orgies où
l’alcool, le sexe et les drogues diverses servent de viatique à la manifestation d’une réjouissance grégaire et, a priori, déraisonnée.
Le dessein du cinéaste n’est pas
d’en révéler les mécanismes, mais
d’en interroger les significations
comme fantasme générationnel
et actuel. Tout est dit peut-être dès
les premières images du générique, où l’on voit s’ébattre, au ra-
lenti, de jeunes hommes athlétiques en bermuda ou maillot de
bain et des adolescentes pulpeuses en bikini, monades déchaînées, buvant, fumant, inventant
des jeux grotesques qui signalent
un rapport d’agressivité et d’émulation triviale entre les sexes.
Introuvable raison d’être
Le parti pris de monter ces scènes
au ralenti est une manière de
jouer, justement, la fascination
publicitaire pour ce moment dont,
très vite, il est démontré qu’il est
attendu, convoité, par des personnages qui n’y voient pas seulement le temps d’un plaisir programmé, mais une introuvable
raison d’être.
Le récit s’attache à quatre filles
qui attendent avec impatience de
partir pour le spring break. Un soir,
elles braquent un fast-food pour
réunir l’argent de leur excursion.
Arrivées sur leur lieu de villégiature, elles se font embarquer par
la police, qui fait une descente
dans une chambre où circulent
des drogues diverses. Emprisonnées, elles sont libérées par un
malfrat, chef de bande local surnommé « Alien » (James Franco),
jean-françois rauger
Rachel Korine, Selena Gomez, Ashley Benson, James Franco
et Vanessa Hudgens. MARS FILMS
Spring Breakers, d’Harmony
Korine. Avec Selena Gomez,
Vanessa Hudgens, James Franco
(EU, 2013, 92 min).
Une double vie sans relief
A travers un drame familial, une mini-série britannique tente d’explorer les années 1990 dans le Manchester ouvrier
E
n ce 15 juin 1996, à Manchester, peu de temps
avant le match décisif entre
l’Angleterre et l’Ecosse dans la
course à l’Euro de football, Daniel
a réuni, dans un pub, son père, Samuel, directeur de la confiserie familiale, et son frère Robbo, gérant
d’une boîte de nuit, pour tenter de
les réconcilier. Mais une bombe
posée par l’IRA, l’Armée républicaine irlandaise, souffle le pub et
ses occupants. Le père et les deux
frères, sérieusement secoués, s’en
tirent tant bien que mal. Daniel,
qui a secouru une serveuse coincée sous les décombres, la raccompagne chez elle, dans le quartier ouvrier où il a grandi jusqu’à
son adoption.
Troublé par cette jeune mère célibataire, qui élève deux enfants
dont un est handicapé, il lui rend
visite à plusieurs reprises, en lui
cachant qu’il est marié. Une double vie qu’il ne pourra pas tenir
longtemps, et qui va faire exploser son couple et sa famille.
A travers ce drame familial et les
interrogations de Daniel, qui
cherche à redonner du sens à sa
vie après avoir frôlé la mort, cette
mini-série britannique tente d’explorer les années 1990 dans le
Manchester ouvrier épris de football et déchiré par le conflit de l’Irlande du Nord.
Dégâts de la politique de Thatcher
Au fil des trois épisodes qu’Arte
diffuse à la suite se dessinent les
dégâts de la politique ultralibérale menée par Margaret Thatcher dans les années 1980 (chômage, pauvreté, précarité) et les
espoirs suscités par la victoire du
travailliste Tony Blair, censé re-
HORIZONTALEMENT
GRILLE N° 15 - 130
PAR PHILIPPE DUPUIS
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
SOLUTION DE LA GRILLE N° 129
HORIZONTALEMENT I. Rhétoriqueur. II. Héron. Inné. III. Itou. Onc. Fès.
IV. Nessos. Ali. V. Or. Scandales. VI. Coder. Orient. VII. Edo. Agueusie.
VIII. Rotatives. GR. IX. Oxer. Rê. Sema. X. Serpillières.
VERTICALEMENT 1. Rhinocéros. 2. Hétérodoxe. 3. Eros. Doter. 4. Tousse.
Arp. 5. On. Ocrât. 6. Osa. Girl. 7. Ion. Nouvel. 8. Cadrée. 9. Ui. Laïusse.
10. Eniles. Er. 11. Une. Enigme. 12. Résisteras.
I. Panse et soigne à l’écurie. II. Lui
aussi défend et soigne son écurie. Petit bruit à la fermeture. III. Tout ce qui
se passe à la campagne. Plume de la
Botte. IV. Acclamation en tribune. Deviennent diiciles à contrôler. V. Les
premiers à déguerpir en cas de danger. Propos enfantin. Préposition.
VI. Disposition de corps et d’esprit.
VII. Fâche les cruciverbistes. Fétide,
elle est extraite de la férule. Drape la
belle Indienne. VIII. Dans la gamme.
Ouvriras l’appétit. IX. Délicatement
colorée. Modiié chimiquement.
X. Préfèrent rester en dehors de tous
les problèmes.
lancer un peu le partage des richesses.
Plutôt sympathique sur le papier, « D’une vie à l’autre » n’est
malheureusement pas à la hauteur de ses ambitions.
Le réalisateur, James Strong,
tombe dans le mélo ennuyeux en
s’éparpillant dans des intrigues
entre les différents personnages
(souvent mal interprétés), qui ne
présentent guère d’intérêt. Il est
difficile d’entrer en empathie
avec Philip Glenister (Daniel) tant
il a l’air de ne pas croire en son
personnage. Le football et la politique, qui étaient censés structu-
rer le récit, sont relégués au second plan.
On le regrette, car, depuis de
nombreuses années, les réalisateurs britanniques nous avaient
habitués à mettre en scène les
drames sociaux de l’après-Thatcher (The Full Monty, Les Virtuoses
et les films de Ken Loach), où la
comédie dramatique n’empêchait pas la férocité du propos. p
D’une vie à l’autre, mini-série
créée par Peter Bowker.
Avec Philip Glenister, Steven
Mackintosh (GB, 2014, 3 × 55 min).
France 2
20.55 Envoyé spécial
Magazine présenté par Guilaine
Chenu et Françoise Joly.
Les invisibles du Net.
22.25 Complément d’enquête
Magazine présenté par Nicolas
Poincaré. Affaire Balkany, mariage
chinois, le poids du scandale.
France 3
20.50 Ronin
Thriller de John Frankenheimer.
Avec Robert De Niro, Jean Reno
(GB/EU, 1998, 120 min).
23.45 Afghanistan,
le prix de la vengeance
Documentaire d’Alberto Marquardt
(2012, 85 min).
Canal+
21.00 Vikings
Série créée par Michael Hirst.
Avec Travis Fimmel, George Blagden
(Irl.-Can., S3, ép. 5 et 6/10).
22.30 Mad Men
Série créée par Matthew Weiner.
Avec Jon Hamm, Elisabeth Moss,
Vincent Kartheiser (S7, ép. 14/14).
France 5
20.40 Nus et culottés
Magazine animé par Guillaume
Mouton, Nans Thomassey et
Charlotte Gravel. Objectif Italie.
21.30 La tournée des popottes
Série documentaire présentée
par Greg Cuilleron. La Réunion.
Arte
20.50 D’une vie à l’autre
Mini-série avec Philip Glenister,
Steven Mackintosh, Saskia Reeves,
Bernard Hill, Liz White (S1, 1 à 3/3).
23.35 Le Retour
des tomates tueuses
Science-fiction, de John de Bello.
Avec J. Stephen Peace, John Astin,
George Clooney, Michael Villani
(EU, 1988, 100 min).
M6
20.55 Scorpion
Série créée par Nick Santora.
Avec Elyes Gabel, Katharine McPhee
(EU, S1, ép. 21 et 22/22).
0123 est édité par la Société éditrice
SUDOKU
N°15-130
du « Monde » SA
Durée de la société : 99 ans
à compter du 15 décembre 2000.
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Collection : Le Monde sur CD-ROM :
CEDROM-SNI 01-44-82-66-40
Le Monde sur microfilms : 03-88-04-28-60
VERTICALEMENT
1. Ce n’est que la conclusion d’un
long discours. 2. A toujours un bon
coup de brosse à passer. 3. Tapis de
récupération. Se jette dans plus grand
que lui. 4. Chez les Grecs. Introduit
une supposition. Démonstratif.
5. Fragilisé mais pas cassé. Faire le
bon poids. 6. Risque de vous entraîner bien bas. 7. Russe qui a ini dans
les décors. Grand moment de tristesse. 8. Coule en Irlande. Personnel.
9. Cœur de seiche. Se rend. Se
mettent à cinq pour ne rien rater.
10. Zénon à fréquenté son école.
Met à sec. 11. A belle et grande allure.
Passe au plus près. 12. Venues
d’Edimbourg et de Glasgow.
TF1
20.55 Alice Nevers,
le juge est une femme
Série créée par Noëlle Loriot.
Avec Marine Delterme, Jean-Michel
Tinivelli, Guillaume Carcaud (saison
13, ép. 7 et 8/10 ; saison 12, ép. 6/10).
0.10 Les Experts
Série policière créée par Anthony
E. Zuiker. Avec Ted Danson, Marg
Helgenberger (EU, S12, ép. 8 à 10/22).
daniel psenny
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sans l’accord de l’administration. Commission
paritaire des publications et agences de presse
n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037
0123
Les Unes du Monde
RETROUVEZ L’INTÉGRALITÉ
DES « UNES » DU MONDE
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VOTRE CHOIX ENCADRÉE
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Universalis
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65 e Année
- N˚19904
- 1,30 ¤ France métropolitaine
L’investiture
de Barack
Nouvelle édition
Tome 2-Histoire
---
Jeudi 22 janvier
Uniquement
2009
Fondateur
Premières mesures
Le nouveau président
américain a demandé
la suspension
: Hubert Beuve-Méry
En plus du «
en France
- Directeur
Monde »
métropolitaine
: Eric Fottorino
Obama
des audiences
à Guantanam
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Présidente :
Corinne Mrejen
PRINTED IN FRANCE
Barack et
Michelle Obama,
à pied sur
Pennsylvania
Avenue, mardi
20 janvier,
se dirigent
montré. Une
vers la Maison
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nouvelle génération
Blanche. DOUG
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transformationde l’Amérique. Une ère
d’une chanteuse.
national de été réunie sur le Mall
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Washington,
Des rives du commencé.
Kidjo, née au
Obama a prononcé,
a Le grand
Barack lantique,
Pacifique à
jour. Les cérémonies
celles de l’At- aux Etats-Unis pendant Bénin, a chanté
discours d’investituremardi 20 janvier,
toute l’Amérique
la liesse ; les
la campagne
de Barack Obama
;
ambitions d’un
presque modeste.un sur le moment
s’est arrêtée
a Feuille
force d’invoquer
en 2008,
la première
rassembleur
qu’elle était
pendant les
A vivre :
décision de
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Abraham
en train de
festivités de et de nouveau administration:
Martin Luther
l’accession
la nouvelle
Lincoln,
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l’investiture,
au poste
du 18 au
dant en chef
Avec espoir et dû. Elle doit se mériter.
avait lui même King ou John Kennedy,
pendant cent la suspension
des armées, de comman- raconte 20 janvier. Pour Le Monde,
(…)
vertu,
il
placé la barre
responsable
vingt
: les cérémonies,
elle
de plus les courants bravons une fois
discours ne
très haut. Le l’arme nucléaire, d’un
de Guantanamo. jours des audiences
passera probablement
les rencontres
jeune sénateur de – elle a croisé l’actrice
glacials et endurons
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Pages 6-7
les tempêtes à
postérité, mais
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page 2
et l’éditorial
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de 47 ans.
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il fera date pour pas à la
Harry Belafonte… Bacall,
du discours
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miste Alan Greenspan.
Lire la suite
et l’écono- a It’s the economy...
des Etats-Unis.
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MINI-SÉRIE
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L’avenir de
Xavier Darcos
Ruines, pleurs
et deuil :
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« Mission terminée
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par
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bien morts.
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Michel Bôle-Richard
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Algérie 80 DA,
métallique de
éditeur de Barthes,
Allemagne 2,00
Lire la suite
¤, Antilles-Guyane
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2,00 ¤, Belgique
et Débats page 5 François Wahl.
1,40 ¤, Cameroun
Maroc 10 DH,
1 500 F CFA,
17 Page
Norvège
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Enquête page
Nicolas Sarkozy
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françaises qu’ilsdes banques
renoncent
à la « part variable
de leur rémunération
».
En contrepartie,
les banques
pourront
bénéficier d’une
aide
de l’Etat de
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équivalent à
celle accordée
fin 2008.
Barthes,
la polémique
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2,20 ¤, USA
2,20 ¤, Hongrie
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CFA autres
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1 500 F CFA,
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JEUDI 4 JUIN 2015
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Le
brise identique, trappe à essence
s’ouvrant depuis l’intérieur, par
exemple), lui a aussi permis de bénéficier des compétences de la
marque alliée, en particulier pour
proposer une version à quatre
roues motrices.
Doté d’un grand coffre (527 litres), le Kadjar est suspendu plus
confortablement que le Qashqai,
mais il dispose au lancement, en
juin, d’un éventail de moteurs
plus restreint. Seule proposition
disponible en essence, le 1,2 litre
de 130 chevaux ne fait pas grosse
impression : trop juste en performances et gourmand dès qu’on
le sollicite un tant soit peu. Le
diesel (1,6 litre) développe lui
aussi 130 chevaux, mais son couple supérieur lui procure un
avantage en matière d’agrément.
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AUTOMOBILE
I
l suffit de considérer le Kadjar pour s’en convaincre ; Renault est sorti de sa période
post-traumatique. Au sortir
d’années d’errance stylistique (Laguna, Latitude, Koleos, Wind), de
non-choix (Mégane et Scénic de
dernière génération) et de coups
d’épée dans l’eau (Twizy et Zoé
électriques), la marque a mené à
bien son travail de résilience.
Ce n’est pas encore le Losange
triomphant des années 1990 mais
ce n’est plus le constructeur intro­
verti et ennuyeux des années
2000, traumatisé par l’échec de
ses audaces sur le haut de gamme.
SUV (Sport Utility Vehicle, 4 × 4 urbain), de gabarit intermédiaire
(4,45 m), le Kadjar n’est, certes, pas
le premier à donner le signal du réveil. Conçus sous la baguette de
Laurens van den Acker, qui est devenu bien plus que le patron du
design, les récents Espace, Twingo,
Captur et Clio ont balisé le chemin
d’un renouveau, mais le dernier-né affirme plus nettement
encore des choix destinés à faire
de Renault une marque à la fois
plus forte et plus consensuelle.
Une certaine stature
Destinée à l’Europe, mais aussi à
l’Afrique et à l’Asie, cette voiture,
qui se conduit comme une berline mais se donne des airs de
4 × 4, ne prétend rien réinventer.
Le Kadjar en impose avec son « nez » caractéristique et son capot proéminent. COMPOSITION D’APRÈS J.-BRICE LEMAL/RENAULT
Il est loin le temps où Renault
s’autoproclamait
« créateur
d’automobiles ». « Dans cette catégorie, les deux principaux critères
d’achat sont, d’abord, le design, ensuite, la capacité de la voiture à exprimer un statut social. Pour asseoir notre crédibilité auprès des
acheteurs de SUV, nous savions
quelles priorités retenir », souligne
Delphine de Andria, chargée du
segment des modèles de gabarit
intermédiaire.
La face avant, qui en impose
avec son « nez » caractéristique et
son capot proéminent, ainsi que
des inserts de chromes horizon-
taux qui l’élargissent visuellement, donne une certaine stature
au Kadjar. De ce crossover émerge
l’impression d’une vraie transversalité dans le style Renault. Sans
être le clone d’un autre modèle, il
reprend à son compte certaines
proportions et caractéristiques de
la nouvelle gamme. La surface vitrée contenue, les « muscles »
sculptés sur les flancs et les bas de
caisse pour allonger la silhouette,
ou encore la légère protubérance
qui surgit sous la vitre du hayon
arrière. Des signes distinctifs définis très en amont dans le cahier
des charges, afin de ne pas sortir
Destinée
à l’Europe,
à l’Afrique et à
l’Asie, cette auto,
qui se conduit
comme une
berline mais se
donne des airs de
4 × 4, ne prétend
rien inventer
de l’épure et de forger une identité
tangible sans être paralysante.
L’important, toutefois, n’est pas
seulement la cohérence du style,
mais aussi son efficacité. Et le résultat n’est pas du tout désagréable à regarder.
Le Kadjar (à partir de
22 990 euros), qui s’installe sur un
créneau en plein essor non encore occupé par Renault, ne part
pas d’une feuille blanche. Elaboré
sur la même plate-forme que le
best-seller Nissan Qashqai, il en
partage 60 % des composants. Ce
cousinage, que ne trahissent que
quelques détails apparents (pare-
Prévenant, consensuel
Chez Renault comme ailleurs,
l’acheteur ne dispose pas toujours d’un vrai choix entre essence et diesel. En juin sera également disponible un 110 chevaux
diesel, qui devrait représenter
l’essentiel des ventes, mais que
Renault n’a, curieusement, pas
jugé bon de nous faire tester.
Critiqué à juste titre pour la qualité de présentation très
moyenne du Captur, Renault a
consenti un louable effort pour le
Kadjar, dont l’habitacle est soigné
même si la planche de bord et
l’instrumentation n’ont rien de
très innovant. On y retrouve le –
trop – petit écran tactile issu du
Qashqai. L’espace intérieur est
généreux, mais ne peut être aménagé qu’a minima, sans doute
pour ne pas trop piétiner le territoire du Scénic.
Prévenant, consensuel, présentant plutôt bien et correctement
équipé, le Kadjar devrait tenir son
rang face à des concurrents qui
s’appellent Peugeot 3008, Volkswagen Tiguan, Kia Sportage ou
Hyundai Tucson. On peut regretter qu’il manque d’aspérités mais
ce serait oublier que le « fun »
n’est pas vraiment la tasse de thé
de cette catégorie de SUV. Et puis,
chez Renault, personne n’a oublié
que l’audace est une notion à manier avec ménagement. p
jean-michel normand
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automobile sur
Lemonde.fr/m-voiture/
Scooter au carré
Mi-moto mi-auto, le Quadro4 et ses quatre roues veulent séduire les urbains prudents
A
Le Quadro4 s’incline jusqu’à 45 degrés. QUADRO VEHICLE S.A.
priori, un scooter à quatre roues, c’est paradoxal.
Cela peut même paraître
légèrement cocasse. Cela posé, le
Quadro4 n’est pas une automobile qui s’ignore. Cet engin inédit
explore un territoire où se sont
déjà aventurés le défunt BMW C1,
l’improbable Renault Twizy ou
l’étonnant Toyota i-Road. Il se
propose lui aussi de créer le chaînon manquant entre le scooter et
la voiture, l’engin qu’attendent
les actifs périurbains tentés par
l’efficacité qu’offre le premier
dans le trafic, mais attachés à la
sécurité que garantit la
deuxième.
Moins orienté vers la performance que la « rassurance », ce
quatre-roues conçu par Quadro –
petit constructeur italo-suisse qui
a lancé depuis 2011 un trois-roues
diffusé à 2 700 exemplaires en
France – adopte une architecture
qui contribue, par définition, à en
améliorer la stabilité.
A peine l’a-t-on enfourchée que
cette machine semble posée sur
des rails. L’impression s’explique
sans doute par son poids respectable (257 kilos), mais aussi par
l’extrême aplomb dont fait
preuve le train arrière, avec deux
roues écartées de 45 cm. Ce curieux scooter est capable de s’incliner jusqu’à 45 degrés (sensiblement plus qu’un Piaggio MP3)
sans sourciller et, surtout, sans
qu’il soit nécessaire de le brutaliser. Une caractéristique que l’on
appréciera moins dans l’idée de
négocier un virage au cordeau
que pour réaliser un demi-tour
rapide.
Imposant, le Quadro4 est à
peine plus large qu’un autre gros
scooter, à deux ou trois roues,
mais il effectue les changements
d’appui avec un peu moins de vivacité. Toute la plasticité dynamique de ce scooter s’articule non
pas autour de béquilles électroniques, mais d’une solution technique assez simple, basée sur un
système pendulaire oléo-pneumatique. A l’avant et à l’arrière, un
circuit fermé composé de trois vérins est rempli d’un mélange d’air
et d’huile qui circule selon l’incli-
naison de la machine. Ces circuits
assurent le fonctionnement de la
suspension et permettent au
Quadro4, une fois les vérins verrouillés, de se tenir droit comme
un i à l’arrêt, évitant au pilote de
mettre pied à terre au feu rouge
ou de devoir basculer son scooter
sur une béquille lorsqu’il en descend. Quatre roues donnent aussi
plus d’efficacité au freinage (combiné) et présentent l’intérêt de
mieux avaler les inégalités de la
chaussée.
Pas d’accélérations décoiffantes
Accessible aux détenteurs du permis B (voiture), ce scooter, dont
une bonne partie des composants sont d’origine européenne
mais qui est assemblé à Taïwan,
est animé par un monocylindre
inédit de 346 cm3 (30 ch) installé
en position centrale.
Exempt de vibrations, il présente un tempérament placide
mais suffisant pour circuler sur
les voies rapides, à condition de
ne pas rechercher d’accélérations
décoiffantes. Une double trans-
mission par courroie et un différentiel transmettent le mouvement aux roues arrière.
La présence de quatre roues impose aussi des contreparties. Le
coffre situé sous la selle dispose
d’un volume revu à la baisse et ne
peut guère accueillir qu’un seul
casque. De même, les designers
n’ont pas pu réaliser de miracle au
regard de la silhouette plutôt
massive, voire pataude, à laquelle
se condamnent les scooters qui
décident de s’offrir une ou deux
roues supplémentaires.
Surtout, le Quadro4 impose des
tarifs qui se rapprochent de ceux
d’un véhicule à quatre roues : à
partir de 12 490 euros, soit un surcroît de 2 500 euros comparé au
plus huppé des Piaggio MP3. Ses
promoteurs se disent pourtant
persuadés d’aller dans le sens de
l’histoire. « Vous verrez, dans deux
ou trois ans, nos concurrents suivront notre exemple », assure Philippe Monceyron, directeur commercial de Royal Moto France, importateur de Quadro. p
j .-m. n.
24 | 0123
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
par ar naud l e par m e nt ie r
Voix
désaccordées
A
u secours, les élections
reviennent ! On nous a
beaucoup reproché de
nous être inquiétés, il y
a pile six mois, du retour en scène
des citoyens-électeurs en cette année 2015. Au moins ne sommesnous pas déçus : c’est bel et bien la
catastrophe annoncée.
L’Europe, c’est l’empire éclaté, la
révolte des peuples contre un centre si faible qu’il est incapable de
donner une direction. Une protestation tous azimuts et contradictoire, de sorte qu’un infléchissement de politique – plus à gauche,
moins centralisatrice – n’y suffirait pas. Entre le vote des Grecs et
des Espagnols au sud, des Anglais
et des Ecossais au nord, des Polonais et des Finlandais à l’est, on y
perd son latin. Les vents sont contraires, mais prennent l’Europe
dans un tourbillon.
Ces élections ont un mérite : elles confirment que les Européens
sont en désaccord généralisé sur
tous les grands dossiers.
Le premier d’entre eux concerne
l’euro. Depuis la victoire de Syriza
en Grèce aux élections législatives
du 25 janvier, les politiques d’austérité sont contestées. La vague
s’est poursuivie avec le bon score
de Podemos aux élections locales
espagnoles du 24 mai, camouflet
pour les partis dominants socialiste et conservateur.
Mais ce cri du Sud trouve un
écho dans l’exaspération du Nord,
comme en témoignent les élections finlandaises du 19 avril. Le
conservateur très europhile
Alexander Stubb a perdu les élections, tandis que les Vrais Finlandais, populistes eurosceptiques arrivés deuxièmes en sièges, sont
entrés au gouvernement : leur leader, Timo Soini, est devenu ministre des affaires étrangères de Finlande. Il est plus que critique sur
les aides à la Grèce. Et ce n’est pas
l’arrogance du premier ministre,
Alexis Tsipras, et de son ministre
des finances, Yanis Varoufakis, qui
va les conduire à plus de bienveillance. Dans une tribune au
Monde, le premier a fustigé des
Européens « indifférents à l’égard
des récentes élections en Grèce »,
mais ne s’interroge pas sur sa propre indifférence aux élections
chez ses partenaires. La guerre des
légitimités démocratiques ne fait
que commencer, alors que la
Grèce n’en finit pas de négocier
son sauvetage.
Avancée des eurosceptiques
Pendant que la zone euro se chamaille, rien ne va plus non plus
dans la grande Europe. Les eurosceptiques l’emportent partout,
qu’il s’agisse des élections britanniques du 7 mai, qui ont permis la
réélection du conservateur David
Cameron, ou de la présidentielle
polonaise du 24 mai, qui a vu la
victoire d’Andrzej Duda, un inconnu qui a grandi dans l’ombre
des frères eurosceptiques Kaczynski. On peut se rassurer, en disant que les europhobes anglais
du UKIP ont divisé par deux leur
score par rapport aux élections
européennes de mai 2014 ou que
les Européens en ont vu d’autres
avec les Polonais sous l’ère des
Kaczynski. Il n’empêche, Londres
ne veut plus des plombiers polonais et Varsovie ne veut plus des
capitalistes européens – allemands et français notamment –
LES FRANÇAIS ET
LES ALLEMANDS
RESSORTENT LEUR
POUDRE DE
PERLIMPINPIN
L’EUROPE, C’EST
L’EMPIRE ÉCLATÉ,
LA RÉVOLTE DES
PEUPLES CONTRE
LE CENTRE
qui dominent l’économie polonaise. Le Royaume-Uni et la Pologne qui se préparent à torpiller le
marché unique cher à Margaret
Thatcher, cette Europe réduite aux
acquêts qu’on croyait invulnérable, qui l’eût cru ?
Troisième désaccord, la Russie.
Un petit graphique révélé par le
Spiegel montre combien les Européens sont naïfs dans la crise
ukrainienne : le commerce des
Européens avec les Russes a chuté,
en 2014, de 9,7 % (377 milliards de
dollars), tandis que celui des Amé­
ricains avec Moscou progressait
de… 5,6 % (29 milliards de dollars).
Faites ce que je dis, pas ce que je
fais, tel est le leitmotiv d’Obama. Il
n’empêche, les Polonais sont de
nouveau pris par leurs angoisses
et tentés de choisir les Américains
protecteurs contre l’Europe continentale, comme lors de la guerre
en Irak de 2003. C’est aussi le sens
des élections polonaises du 10 mai
qui voient le retour de la croyance
polonaise en une Amérique mythique, alors que les Allemands
sont plus que jamais brouillés avec
Obama, coupable de les avoir espionnés. En Europe, la question
russe et américaine est de nouveau posée.
Une Europe à deux vitesses
Quatrième dossier, le modèle social européen, longtemps porté
par la gauche sociale-démocrate.
Cette dernière est en perdition, en
passe de subir le destin des radicaux, qui dominèrent la IIIe République. A tous les coups, elle perd.
Elle est éliminée en Grèce, laminée
en Espagne, après la terrible crise
de l’euro. Mais dans les pays où la
crise est plus sourde, elle ne résiste
pas à l’exercice du pouvoir : le gouvernement Valls, incapable d’endiguer le chômage, a pris une gifle
aux départementales de mars,
tandis que le gouvernement réformateur de Matteo Renzi a enregistré un résultat décevant lors des
régionales du 31 mai. S’il s’agit de
mener une politique d’ajustement
à la mondialisation, pourquoi ne
pas le faire faire par la droite ?,
semblent dire les électeurs. C’est
ce qui se passe aussi en Allemagne, où la popularité du Parti so­
cial­démocrate reste calamiteuse,
autour de 25 % des intentions de
vote, loin des 40 % d’Angela Mer­
kel. Quant à la gauchisation du discours, prônée par les frondeurs,
elle n’apporte pas de résultats garantis, comme en témoigne
l’échec au Royaume-Uni d’Ed Miliband le Rouge, qui croyait l’emporter en faisant du New Old Labour.
Dans ce contexte de confusion,
les Français et les Allemands ressortent leur poudre de perlimpinpin, la fameuse Europe à deux
vitesses, qui serait la panacée. Ce
concept, repris par le ministre de
l’économie social-démocrate Sigmar Gabriel en Allemagne et son
homologue français, Emmanuel
Macron, a un mérite : faire croire
que si l’Europe est à la peine, c’est
parce qu’une périphérie récalcitrante ne voudrait pas aller de
l’avant, tandis que la France et l’Allemagne seraient l’avant-garde
éclairée de l’Europe. Mesdames et
messieurs les Français et les Allemands, vous le savez parfaitement,
nul ne vous empêchera d’aller de
l’avant : à vos propositions ! p
[email protected]
Tirage du Monde daté mercredi 3 juin : 262 521 exemplaires
NSA :
UN PREMIER PAS
POUR LES
LIBERTÉS
PUBLIQUES
C’
est un tournant, et il est à porter
au crédit d’Edward Snowden.
Pour la première fois depuis les
attaques du 11 septembre 2001, une loi
américaine, le USA Freedom Act, réduit la
portée des vastes programmes de surveillance et de renseignement mis en place
dans la foulée de ces attentats.
A l’issue d’une spectaculaire bataille politique, le Sénat américain a finalement
adopté, mardi 2 juin, par une forte majorité
– 67 voix contre 32 –, un texte qui met fin à
la collecte massive des métadonnées des citoyens américains par la National Security
Agency (NSA), procédé qui avait été révélé
en 2013 par Edward Snowden, le lanceur
d’alerte de la CIA, réfugié depuis en Russie.
La loi, qui renouvelle en les modifiant plu-
sieurs dispositions du Patriot Act de 2001
arrivées à expiration, a été promulguée
quelques heures plus tard par le président
Barack Obama.
C’est une cuisante défaite pour le chef de
la majorité républicaine, Mitch McConnell,
puisque 23 sénateurs républicains ont voté
avec les démocrates pour limiter les pouvoirs de l’Etat en matière de collecte de données personnelles. L’étendue de ces défections montre à quel point le vent a tourné
aux Etats-Unis dans le grand débat sur
l’équilibre entre sécurité et libertés publiques depuis le début de l’affaire Snowden.
Certes, il ne s’agit pas ici de l’abrogation
du vaste dispositif de renseignement mis
sur pied à l’ombre du Patriot Act, qui demeure un texte fondateur de la sécurité intérieure américaine au XXIe siècle. Les modifications introduites par le Freedom Act
sont limitées. La collecte des données personnelles (facturation détaillée et conversations téléphoniques, échanges de courriels,
etc.) sera toujours possible, même si l’intervention des services de l’Etat se trouve réduite. Le Freedom Act ne met pas fin à la
collecte par la NSA des données étrangères
(notamment européennes) transmises par
les entreprises américaines du Net ; il laisse
également intactes les gigantesques opérations de renseignement de la NSA à l’étranger, source de fortes tensions entre les
Etats-Unis et certains de leurs alliés, en par-
ticulier l’Allemagne, depuis deux ans.
Mais il est clair qu’outre-Atlantique la dynamique s’est inversée, au point que les défenseurs des libertés publiques voient dans
le Freedom Act une étape importante. Le
stockage des métadonnées sera désormais
assuré par les compagnies privées, et non
par la NSA. La nouvelle loi constitue également une avancée en matière de transparence, à la fois pour les compagnies de télécommunications, qui pourront communiquer davantage sur les demandes qui leur
sont présentées par les services de renseignement, et sur la publication des décisions
de la juridiction de contrôle.
L’ironie a voulu que le Sénat américain ait
voté sur le Freedom Act le jour même où, au
Sénat français, s’ouvrait la discussion du
projet de loi sur le renseignement, texte sur
lequel le gouvernement a demandé la procédure d’urgence et qui a déjà été adopté
par les députés. Sagement, la commission
des lois du Sénat a introduit plusieurs modifications au projet de loi, dans le sens d’un
contrôle plus étroit des algorithmes de surveillance et de l’utilisation des « IMSI-catchers », valises qui captent les communications de téléphones portables, ainsi que
d’un renforcement de la commission de
contrôle. Comme le montre l’exemple de
leurs collègues américains, les sénateurs
français ont raison de veiller de plus près à
la protection des données personnelles. p
«
AUSSI BRILLANT
QUE JOUISSIF
«
EUROPE | CHRONIQUE
Augustin Trapenard, France Inter
«Yann Moix frappe fort.»
Bernard Pivot, Le JDD
«L’enfant terrible
de la littérature.»
Pierre Vavasseur, Le Parisien
«Cruel, exaltant, jubilatoire.»
Maurice Szafran, Challenges
«Ceux qui aiment
suivent Yann Moix.»
Marcela Iacub, Libération
«Les femmes. Un vrai sujet
pour ce touche-à-tout
génial et éruptif.»
Anne Fulda, Le Figaro
«Un poète hors pair,
un inventeur de formules
magiques, un découvreur
de nouvelles terres.
Bref, un écrivain.»
Albert Sebag, Le Point
«Il y a du Guitry chez Moix.»
Frédéric Beigbeder,
Le Figaro Magazine
www.grasset.fr
www.facebook.com/editionsgrasset
www.twitter.com/editionsgrasset
Grasset
Les créanciers renvoient la balle
dans le camp de la Grèce
▶ La Commission euro-
▶ Le premier ministre grec,
▶ Côté créanciers, l’accord,
▶ Comment le FMI est
péenne pourrait présenter
à Alexis Tsipras, mercredi
3 juin à Bruxelles, une proposition formelle d’accord
des créanciers d’Athènes
s’il l’accepte, devra
convaincre sa majorité
parlementaire d’avaliser
le texte, ce qui est loin
d’être acquis
s’il est conclu, devra encore être validé par l’Eurogroupe. Puis par certains
parlements nationaux,
dont le Bundestag
passé en cinq ans du statut
de sauveur de la Grèce à
celui de créancier le plus
intransigeant
→
LIR E PAGE 3
L’OCDE révise à la baisse ses prévisions de croissance
▶ La crois-
sance des pays
avancés
devrait être
de 1,9 %,
en 2015, et de
2,5 %, en 2016
▶ L’organisation dénonce
la faiblesse
de l’investissement des
entreprises
et des Etats
▶ Confiant, le
danois Maersk
commande
11 porte-conteneurs géants
→
AccorHotels
se renforce sur
la réservation
en ligne
S
ébastien Bazin continue
d’accélérer. Le PDG du
groupe hôtelier Accor met
son groupe en ordre de bataille,
avec pour objectif de faire pièce à
l’emprise de plus en plus forte des
agences de voyages en ligne. Les
Booking.com et autres Expedia.
Pour répondre à cette menace,
Accor a changé de look – la bernache bleue est passée au miel – et
de nom. Le groupe est désormais
rebaptisé AccorHotels.com, du
nom de sa plate-forme de distribution sur Internet. Une première étape indispensable pour
réussir la mue du groupe hôtelier
qui veut devenir une « place de
marché », à l’exemple du site
Amazon.com, a indiqué au
Monde, mercredi 3 juin, M. Bazin.
En pratique, le groupe va ouvrir
« sa plate-forme de distribution AccordHotels.com à une sélection
d’hôteliers indépendants », précise
M. Bazin. L’objectif est de tripler
l’offre d’hôtels proposés par le
portail de réservation. D’ici à la fin
2018, les clients devraient avoir accès à plus de 10 000 hôtels dans
plus de 300 villes et 92 pays à travers le monde. Une offre répartie à
parts égales entre les 5 000 hôtels
à l’enseigne des différentes marques du groupe Accor (Ibis, Sofitel,
Mercure…) et les 5 000 établissements partenaires de la plateforme de distribution.
guy dutheil
→ LIR E L A S U IT E PAGE 5
10 000
LIR E PAGE 4
HÔTELS
Le porte-conteneurs « EdithMaersk », sur le canal de Suez,
en octobre 2012. REUTERS/STRINGER
FINANCES
GUERRE OUVERTE POUR
LA PRÉSIDENCE DU FONDS
SOUVERAIN LIBYEN
→
LIR E PAGE 5
MÉDIAS & PIXELS
À PARIS, FACEBOOK
VA TRAVAILLER
SUR L’INTELLIGENCE
ARTIFICIELLE
→
LIR E PAGE 7
J CAC 40 | 4 996 PTS – 0,16%
J DOW JONES | 18012 PTS – 0,16%
j EURO-DOLLAR | 1,1137
J PÉTROLE | 65,04 $ LE BARIL
j TAUX FRANÇAIS À 10 ANS | 1,03%
VALEURS AU 03/05 - 9 H 30
ACCOR SOUHAITE TRIPLER SON OFFRE
POUR PROPOSER 10 000 HÔTELS SUR
SA PLATE-FORME INTERNET FIN 2018
PERTES & PROFITS | COCA-COLA - ADIDAS - VISA
Le bal des hypocrites
A
h qu’ils sont beaux ces parangons
de vertu que sont les sponsors de la
Fédération internationale de football Association (FIFA) ! Ils ont tous,
ou presque, salué, mardi 2 juin, la démission de
Joseph Blatter de la présidence de l’instance
mondiale du ballon rond, en y voyant un grand
pas vers la transparence et l’éradication de la
corruption.
L’odeur du scandale et la crainte des conséquences d’une enquête judiciaire américaine
pour corruption, qui n’en est qu’au début,
avaient de quoi ternir l’image des principaux
sponsors de la FIFA. Ils sont au nombre de
cinq : les groupes américains Coca-Cola et Visa,
l’allemand Adidas, le coréen Hyundai et le
russe Gazprom. Ce dernier est le seul à ne pas
s’être bruyamment réjoui de l’éviction de l’indéboulonnable M. Blatter. Faut-il en conclure
qu’il serait malvenu de cracher dans la soupe,
alors que les faits présumés de corruption portent notamment sur le choix de la Russie pour
la Coupe du monde de 2018 ? Les autres mériteraient pourtant de s’imposer un petit examen
de conscience avant de se parer de la blanche
cape des redresseurs de torts.
Vitrine publicitaire
Reconnaissons que ces généreux sponsors
n’ont pas attendu le 2 juin pour réclamer transparence, éthique et réforme de gouvernance
dans la multinationale du foot. Leur puissance
financière a sans doute davantage pesé pour
sortir M. Blatter du terrain de jeu que le vote
Cahier du « Monde » No 21890 daté Jeudi 4 juin 2015 - Ne peut être vendu séparément
« démocratique » des instances de la maison.
Les sponsors apportent 350 millions de dollars
(310 millions d’euros) par an dans les caisses de
l’institution installée à Zurich. De quoi se faire
entendre.
Il est amusant de revenir quatre ans en arrière, où le même sketch nous avait été joué.
M. Blatter se représentait en juin 2011 pour un
quatrième mandat à la présidence de la FIFA
sur fond de scandale de corruption. Les sponsors ont tapé du poing sur la table, alerté la
presse, exigé des changements. M. Blatter a été
réélu… et ils ont renouvelé leurs contrats.
Il y a tout juste un an, c’est une enquête impartiale sur l’attribution de la Coupe du
monde 2022 au Qatar que ces mécènes intéressés ont demandée. L’enquête a eu lieu, ses conclusions ont été censurées… et Adidas a renouvelé, en novembre 2014, son partenariat officiel jusqu’en 2030. Coca-Cola renouvelle le
sien de façon ininterrompue depuis 1976. Il se
trouve que la compétition la plus regardée de
la planète offre une vitrine publicitaire sans
égale pour ces marques.
L’argent « propre » des sponsors va-t-il chasser l’argent « sale » de la corruption ? Restons
prudent. « Couvrez cette corruption que je ne
saurais voir », aurait pu écrire Molière s’il était
entré dans un stade de football. Dans ce bal des
hypocrites, la corruption ne semble déranger
que lorsqu’elle est trop visible. Mais, chut,
puisque M. Blatter s’en va, tout va déjà
mieux… p
jean-baptiste jacquin
En partenariat avec
1945
Un hors-série du « Monde »
100 pages - 7,90 €
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et sur Lemonde.fr/boutique
2 | plein cadre
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
India Mahdavi a
aménagé le très chic
restaurant I love
Paris, de Guy Martin,
inauguré, jeudi 4 juin,
à l’aéroport ParisCharles-de-Gaulle.
Comme ses collègues,
elle explique ses
succès à l’étranger
par le savoir-faire
des artisans
hexagonaux
J
e veux bien travailler, mais je ne veux
pas souffrir », c’est ainsi que Jacques
Grange, l’un des décorateurs français
les plus reconnus, a organisé son destin. Celui d’un globe-trotteur dont la
mission est, depuis quatre décennies,
d’aménager les palais, les appartements luxueux ou encore les yachts d’une
clientèle de milliardaires, de princesses ou
d’hommes d’affaires aux comptes en banque stratosphériques.
Dans ce micromilieu, une petite poignée
de décorateurs français s’est forgé une réputation inégalée et porte haut et fort la tradition hexagonale de l’artisanat d’art dans le
monde entier. La plus innovante, India Mahdavi, qui a aménagé le restaurant très chic I
love Paris de Guy Martin, officiellement
inauguré jeudi 4 juin à l’aéroport Paris - Charles-de-Gaulle, assure qu’on vient la
chercher « parce que les Français ont une capacité très forte à raconter des histoires, à les
mettre en volume, à créer des identités en
trois dimensions ».
Elle élabore une kyrielle de projets – un
luxueux grand magasin à Istanbul, un autre
à Rome, un immeuble à Téhéran, un bateau
en Grande-Bretagne ou encore une maison
aux Etats-Unis… Ses contrats, presque exclusivement à l’international, elle les doit, ditelle, « à la culture française, et au formidable
savoir-faire de tous les corps de métier, les
ébénistes, les staffeurs, les bronziers »…
Sa consœur Dorothée Boissier (Gilles
& Boissier) précise que ses clients attendent
« cette French touch », qu’elle qualifie plus
précisément de « supplément d’âme hérité
du XVIIIe siècle, du temps où l’art était partout dans le siècle des Lumières ». Les commanditaires de Gilles & Boissier (80 % à l’international) sont directement liés « au taux
de croissance des pays ». Mais aussi au bouche-à-oreille. « Aujourd’hui, nous travaillons
davantage aux Etats-Unis qu’en Asie », explique-t-elle. C’est parce que l’agence a décoré
une ribambelle de restaurants huppés (dont
le Buddakan, à New York, et le Hakkasan, à
New York, Miami et San Francisco) qu’elle a
gagné l’aménagement du nouvel hôtel Baccarat sur la Ve Avenue à New York. « Il ne faut
parfois pas trop intellectualiser le discours
avec les clients américains, il est préférable de
rester plus simple dans ses idées », prévientelle. Le groupe Starwood, propriétaire de
l’hôtel, « voulait [les] emmener vers quelque
chose de très clinquant. [Ils ont] joué les garde-fous, en proposant un projet un peu plus
glamour que d’habitude ». L’art du compromis.
PRINCES ARABES ET MILLIARDAIRES GRECS
Joseph Karam, un Libanais qui a fui son pays
en guerre, est l’un des rares à avoir ouvert
des agences à Paris, Nice, Beyrouth, Monaco
et Moscou. Il travaille pour des oligarques
russes – avec notamment une imposante
villa de 6 000 mètres carrés à Moscou –, des
princes arabes, des milliardaires grecs. En
suivant à la lettre leurs goûts parfois grandiloquents et sans jamais dévoiler le nom de
ses clients.
« Nous ne pouvons plus nous vendre qu’à
l’export », confirme Jean Huguen, qui travaille à la fois à son compte et pour le studio
Alberto Pinto, tout en concédant une exception pour les hôtels et les restaurants dans
l’Hexagone. « Sans les très bons artisans,
nous ne sommes rien », dit-il, en regrettant
qu’ils disparaissent au fil des années. « Depuis trente ans, mon carnet d’adresses [de
fournisseurs] a fondu des deux tiers, les artisans ont pris leur retraite, sans former d’apprentis ou sans pouvoir vendre leur affaire »,
ajoute-t-il. Exit les fabricants d’aiguilles
d’horloge, les bombeurs de verre, les ciseleurs sur bronze… Les bons ébénistes ou ver-
L’architecture intérieure de l’hôtel Bungalow 8, à Londres, est signée India Mahdavi. VIEW PICTURES/UIG VIA GETTY IMAGES
La France exporte
ses décorateurs d’intérieur
nisseurs se raréfient.
Longtemps, dans ce métier, « c’était le goût
de madame » qui primait, se souvient Jacques Grange. Ce n’est plus toujours vrai.
« Dès qu’il s’agit d’un yacht ou d’un avion,
c’est monsieur qui décide de tout et peut passer des heures à veiller à l’aménagement de
son jouet, avec une joie d’enfant », raconte
Linda Pinto, qui a repris la direction du studio Alberto Pinto après le décès de son frère,
en 2012.
« Aux Etats-Unis, une fois qu’un propriétaire vous a choisi, il vous fait réellement confiance », ajoute Jacques Grange, qui s’est fait
connaître à New York en aménageant le
Mark Hotel. Il faut souvent une fée qui joue
les intermédiaires et présente au décorateur
tout le gratin des milliardaires, aussi bien à
Boston, à Londres, à Shanghaï qu’à Moscou.
C’est une princesse iranienne qui a confié à
Jacques Grange, alors qu’il n’avait que 25 ans,
ses deux premiers gros chantiers.
Chaque détail doit être parfait pour ces
clients exigeants et gâtés. Les prix sont fixés
par honoraires ou oscillent entre 20 % et
25 % du prix du chantier d’aménagement du
lieu. Ce qui représente généralement plusieurs dizaines de millions de dollars, en
comptant la démolition des cloisons existantes, la construction des nouvelles pièces,
les boiseries, les parquets, les marbres, les
carrelages… La mission des architectes d’intérieur inclut le mobilier, les luminaires, les
rideaux, mais s’arrête aux conseils sur
l’achat des œuvres d’art. Souvent, ces chantiers sont longs et peuvent durer deux ans.
« Nous avons un œil très différent de celui
de l’architecte », affirme Linda Pinto. Elle
connaît tout de ses clients : leur marque de
cigarettes, le nombre d’oreillers qu’ils affec-
« AVEC LA CRISE, LA
CLIENTÈLE FAIT PLUS
ATTENTION, DEMANDE
TOUJOURS CE QU’IL
Y A DE MIEUX, MAIS
POUR MOINS CHER.
QUITTE À
MARCHANDER,
CE QUI NE SE FAISAIT
PAS AUPARAVANT »
LINDA PINTO
Studio Alberto Pinto
tionnent, leurs préférences pour les draps en
lin ou en coton… La plupart sont devenus des
amis. Certains ont commandé jusqu’à sept
ou huit chantiers – entre les villégiatures à la
campagne, les yachts et les avions.
Geoffrey Gelardi, directeur général du palace londonien The Lanesborough (du
groupe Oetker Collection, qui détient aussi
Le Bristol, à Paris, ou l’Hôtel du Cap-EdenRoc, à Antibes), qui va réouvrir ses portes fin
juin assure avoir choisi le studio Pinto parce
qu’il apporte « un niveau de luxe qui s’apparente à la haute décoration, comme il existe
de la haute couture ». Le cahier des charges
qui lui avait été imposé consistait « à refléter
l’héritage architectural de l’un des monuments Régence les plus vénérés de Londres,
tout en y incorporant le luxe le plus contemporain et en rendant les innovations technologiques les plus discrètes possibles ». Le directeur du palace a commandé du sur-mesure et l’agence française a choisi, à plus de
80 %, des fournisseurs anglais de tissu et de
mobilier. Pour des questions de coûts, le studio Pinto n’envoie que des ébénistes, des
peintres décorateurs et des tapissiers français sur ses chantiers.
Christian Liaigre, qui a, lui, décoré le pavillon de golf d’un des membres de la famille
Lee – les propriétaires très secrets de Samsung –, signé le yacht du magnat Rupert
Murdoch et différents chantiers pour Karl
Lagerfeld ou pour le galeriste Larry Gagosian, assure préférer travailler pour des particuliers. « Réaliser un hôtel oblige à se confronter à de nombreuses contraintes, ce qui
peut limiter la créativité », explique Christophe Caillaud, président de Liaigre.
Cette entreprise créée voici trente ans par
ce Vendéen au goût très janséniste est l’une
des rares à avoir cédé 60 % de son capital, fin
2009 à la compagnie financière Edmond de
Rothschild. Le reste étant aux mains du fondateur. Cet apport d’oxygène financier lui a
permis de mener à vive allure son expansion
internationale – avec vingt-sept showrooms
dans le monde dont onze détenus en direct –
et une diversification dans deux métiers – la
décoration d’intérieur et l’édition de meubles. « Le chiffre d’affaires a doublé depuis
2010 pour atteindre 40 millions en 2014, et
vise 45 millions en 2015 », assure M. Caillaud.
Une dimension rare dans cette profession
qui n’englobe que des PME ou des TPE (très
petites entreprises). Le studio Pinto est le
seul à compter plus de quatre-vingt-dix salariés, pour un chiffre d’affaires de 25 millions
d’euros. Linda Pinto concède qu’« avec la
crise la clientèle fait plus attention, demande
toujours ce qu’il y a de mieux, mais pour
moins cher. Quitte à marchander, ce qui ne se
faisait pas auparavant ». Le statut même des
maisons a changé : « Avant, on commandait
des maisons pour y habiter à vie, aujourd’hui,
elles peuvent être revendues, comme un placement », explique Jean Huguen.
Si les Français installent les grands de ce
monde dans leurs meubles, seule l’agence
new-yorkaise de Peter Marino donne, largement, le change. Et cette fois-ci, c’est ce créateur toujours vêtu de cuir noir qui travaille à
l’aménagement des boutiques les plus huppées des géants français du luxe. Son carnet
de commandes ressemble à une litanie presque exhaustive du secteur. On y trouve, pêlemêle, des marques dans le giron de Bernard
Arnault, comme Dior, Louis Vuitton, Loewe,
Céline ou Fendi, mais aussi Chanel ou Lancôme (L’Oréal)… p
nicole vulser
économie & entreprise | 3
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
Le choix cornélien d’Alexis Tsipras
Les créanciers du pays devaient faire parvenir à Athènes une proposition d’accord formel mercredi 3 juin
bruxelles, athènes bureau européen, correspondance,
L
a Grèce et l’Eurozone vivent à nouveau des jours
cruciaux, alors que mercredi 3 juin, les créanciers
du pays, – FMI, Commission européenne et Banque centrale européenne – étaient censés finaliser
une proposition commune d’accord destinée à Athènes. Il était
question, mercredi matin, qu’elle
soit remise en main propre le soir
même par le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, au
premier ministre Alexis Tsipras.
Une réunion des experts de
l’Eurogroupe – un euro working
group – devait aussi avoir lieu par
téléphone dans la journée.
Cette proposition doit porter
sur une série de réformes (des retraites, du droit du travail, de la
TVA) que le gouvernement grec
est censé mettre sur les rails en
échange de prêts restant à verser
par les créanciers (environ
7,2 milliards d’euros), dans le cadre du deuxième plan d’aide activé en 2012.
Rien de précis n’avait filtré, mercredi. Selon nos informations, les
créanciers pourraient proposer
au gouvernement Tsipras, en contrepartie de cette liste de réformes, de solliciter une nouvelle
prolongation du deuxième plan
d’aide, qui doit normalement se
terminer le 30 juin (il a déjà été
prolongé deux fois…). Prolongation d’au moins trois mois, pour
pouvoir commencer une nouvelle négociation, portant, cette
fois, sur la restructuration de la
dette grecque.
Des haies ont certes été franchies ces derniers jours, avec la
forte impulsion politique donnée
par le président français François
Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel pour pousser les parties à un accord, lors
d’une rencontre au sommet,
lundi, à Berlin. « Nous sommes
confiants dans les chances d’un accord parce qu’il y a un travail franco-allemand extrêmement intense
sur le sujet de la Grèce, les derniers
jours l’ont montré et les prochains
jours le montreront », a déclaré
mercredi Emmanuel Macron, le
ministre français de l’économie
après un entretien avec son homologue allemand Sigmar Gabriel.
Mais pour qu’Athènes s’entende
avec ses créanciers, que l’argent
soit versé, et surtout qu’on en finisse avec cette incertitude politique délétère pour les finances et
l’économie grecques (retombée
en récession au deuxième trimestre), il reste encore pas mal de chemin à parcourir.
Au ministère grec de l’éducation,
à Athènes, le 2 juin. THANASSIS STAVRAKIS/AP
« Si les compromis
exigés sont plus
importants
que ce qu’un parti
de gauche radicale
peut accepter,
alors il y a
un problème »
LOUKAS AXELOS
membre historique de Syriza
Il y a encore cette échéance de
remboursement d’Athènes au
FMI, (300 millions dus au 5 juin)
qui pourrait poser problème. Le
gouvernement Tsipras a répété
ces derniers jours qu’il paierait.
Mais mercredi, le porte-parole des
parlementaires du parti Syriza au
pouvoir, Nikos Filis, menaçait de
ne pas le faire, « s’il n’y a aucune
perspective d’accord d’ici vendredi
ou lundi. » Un non paiement serait
un premier pas vers un défaut
grec, il pourrait entraîner un mouvement de panique des déposants
Grecs et, par un malheureux effet
boule de neige, conduire rapidement à une insolvabilité des banques hellènes.
Autre difficulté, dans les jours
qui viennent : essentiellement politique, pour M. Tsipras. Il va devoir
convaincre sa majorité parlementaire d’avaliser l’accord. Son parti
de la gauche radicale, Syriza, n’a
remporté qu’une majorité relative
aux élections du 25 janvier (qui
ont permis son accession au pouvoir), et ne peut compter que sur
149 sièges sur les 300 que compte
le Parlement. Pas de quoi atteindre
la majorité (151) et Tsipras s’est
donc allié avec le parti des Grecs
indépendants (ANEL), soit 13 voix
supplémentaires. ANEL s’est jusqu’ici révélé un partenaire plutôt
discipliné. On ne peut pas en dire
autant des membres de Syriza…
Référendum
Ces dernières semaines les divisions se sont renforcées au sein
du parti. Certains de ses membres
n’hésitent plus à menacer de ne
pas voter l’accord. Ils reprochent à
Tsipras ses concessions par rapport à son programme de campa-
gne anti-austérité, qui prévoyait
l’arrêt des privatisations ou se refusait à toute réforme du système
des retraites. Autant de points sur
lesquels M. Tsipras a reculé.
« Si les compromis exigés sont
plus que ce qu’un parti de gauche
radicale peut faire, alors il y a un
problème », affirme Loukas Axelos, un membre historique du
parti. Lors de la réunion du comité directeur de Syriza, le 24 mai,
M. Axelos a déposé une motion
de censure contre la stratégie de
négociation de Tsipras. Inquiet, ce
dernier multiplie les appels à la
discipline de parti. Le premier ministre fait un pari : personne chez
Syriza ne voudra provoquer la
chute du premier gouvernement
de gauche de l’histoire récente de
la Grèce, ou aller contre une opinion majoritairement opposée à
la sortie de l’euro que ne manquerait pas d’engendrer l’échec des
négociations avec les créanciers.
Mardi 2 juin, le porte-parole de
Syriza, Nikos Filis, a proposé de recourir aux élections en cas
d’échec du vote au Parlement.
Même son de cloche pour le ministre du travail Panos Skourletis :
« Si l’accord proposé par les créanciers n’était pas honorable alors le
peuple devra être consulté ».
Alexis Tsipras a lui même évoqué
à plusieurs reprises l’idée d’un référendum en cas d’échec des négociations, afin de se faire clarifier par le peuple grec les contours
300
C’est, en millions d’euros, ce que doit rembourser la Grèce au Fonds
monétaire international (FMI) le 5 juin. Les prochaines échéances de
remboursement sont le 12 juin : 336 millions ; le 16 juin : 560 millions ; et le 19 du même mois : 336 millions d’euros.
de son mandat.
Côté créanciers, l’accord, s’il est
obtenu avec Tsipras, ne passera
pas non plus comme une lettre à la
poste. Il doit d’abord être validé en
Eurogroupe (réunion des 19 ministres des finances de la zone euro).
Puis par certains Parlements nationaux (l’Allemagne, peut-être la
Finlande, les Pays-Bas). Et là, tout
dépendra des contours de l’accord : s’il s’agit juste d’acter la liste
des réformes avec les 7,2 milliards
déjà « fléchés » pour Athènes, le
Bundestag et les autres hémicycles
ne devraient pas faire trop de problèmes.
Mais s’il est question d’une nouvelle extension du deuxième plan
d’aide, voire, s’il est proposé que
les 10,9 milliards d’euros mis de
côté il y a quelques années par les
Européens pour assurer la recapitalisation éventuelle des banques
grecques soient utilisés pour
payer les remboursements dus
par Athènes à la BCE cet été (plus
de 7 milliards), l’aval du Bundestag
devrait être plus difficile à obtenir… p
cécile ducourtieux
et adéa guillot
Le premier pays européen aidé massivement par le FMI
bruxelles, athènes bureau européen, correspondance
L
e FMI a toujours joué un
rôle à part dans le sauvetage financier de la Grèce.
Cela s’est encore vérifié ces derniers jours, alors que l’institution
internationale a contribué à bloquer les négociations sur une liste
de réformes contre des prêts supplémentaires à Athènes. Il exigeait encore, le week-end dernier,
une réforme des retraites avec des
baisses supplémentaires du niveau des pensions. Une demande
inacceptable politiquement pour
le gouvernement d’Alexis Tsipras.
Fondé en 1944 pour assurer à
l’époque la stabilité du système
monétaire international (et
en 1976, pour venir en aide aux
pays en difficulté), le FMI n’a pas
toujours joué le mauvais rôle dans
le dossier grec. Au printemps 2010,
quand il s’agissait de s’entendre –
déjà – sur un sauvetage de la Grèce,
qui menaçait de faire faillite et, à
l’époque, d’entraîner l’ensemble
de l’eurozone dans sa chute, c’était
plutôt l’Allemagne qui se montrait
la plus dure sur les mesures d’austérité devant être imposées à la
Grèce.
Le 23 avril 2010, les pays de la
zone euro ont fini par activer un
(premier) plan d’aide à la Grèce, de
110 milliards d’euros. Dont
80 milliards de prêts en provenance de la zone euro et 30 milliards avancés par le FMI. Une
somme énorme pour l’institution, compte tenu de la taille du
pays (11 millions d’habitants), au
regard des autres interventions
du Fonds. C’est la première fois
que le FMI intervient dans la zone
euro. Si beaucoup d’acteurs à
l’époque – Nicolas Sarkozy en
France, Jean Claude Junker, à ce
moment président de l’Eurogroupe, et maintenant, de la Commission européenne – s’y opposent, la chancelière allemande Angela Merkel y est favorable.
Ayant accumulé des dizaines
d’années d’expérience comme
« pompier » des pays en crise, en
Amérique latine, en Afrique ou en
Asie, le Fonds dispose des savoirfaire pour négocier puis pour vérifier la mise en place des réformes
exigées en échange des prêts accordés. Une expertise dont ne disposent pas encore les Européens
en 2010 (depuis, la Commission
s’est équipée d’une « task force »,
d’experts).
Profonde aversion
La demande officielle d’aide viendra cependant directement du
premier ministre grec de l’époque, Georges Papandréou, grand
ami de Dominique Strauss-Kahn,
à l’époque directeur général du
FMI. Est-ce au nom de cette amitié
que le Fonds, mené alors d’une
main de fer par « DSK », contournera ses propres règles ? Pour intervenir en Grèce, le FMI reverra
en effet ses propres statuts, qui
stipulent qu’un pays ne peut être
aidé que s’il est solvable, ce qui a
été très vite mis en doute par les
experts.
Les Grecs ont développé une
profonde aversion à l’égard du
FMI, au fur et à mesure que ce
dernier, au sein de la « troïka »
avec les autres créanciers du pays
(Union européenne et BCE), impose, puis pilote au plus près la
mise en place de très sévères mesures d’austérité, à partir de
2010. Il y a deux ans, en juin 2013,
le FMI avait d’ailleurs fait une
sorte de mea culpa, reconnaissant dans un rapport que les mesures préconisées à la Grèce, et
qui avaient contribué à une
chute du PIB de 22 % entre 2008
Le FMI
veut éviter
de créer
un précédent
avec la Grèce,
en assouplissant
ses conditions
de prêts
et 2012, étaient en partie inadaptées. « Se débarrasser » du FMI
était un des objectifs politiques
du conservateur Antonis Samaras, qui a cédé son fauteuil de
premier ministre à Alexis Tsipras, en janvier dernier.
Dirigé par Christine Lagarde depuis le 5 juillet 2011, le Fonds est
aussi régulièrement critiqué à
Bruxelles pour son approche, jugée insuffisamment politique et
peu adaptée à la réalité de la
Grèce. Plus récemment, le fait que
le FMI, fin 2014, ait contribué –
déjà – à bloquer les négociations
qui s’étaient engagées entre Samaras et les créanciers du pays,
sur la fin du deuxième plan d’aide
à la Grèce, ne passe pas non plus à
la Commission européenne. De
fait, si un accord avait été trouvé à
ce moment-là, le psychodrame de
ce printemps n’aurait probablement pas eu lieu.
Certains, en Europe, attribuent
la rigidité récente du FMI à l’égard
d’Athènes à ses règles de fonctionnement. L’institution veut abso-
lument éviter de créer un précédent avec la Grèce, en assouplissant ses conditions de prêts. Par
ailleurs, parmi les 188 pays présents au conseil d’administration
du Fonds, « certains n’ont pas la
même obsession de la Grèce qu’en
Europe, c’est normal. Et trouvent
qu’on a déjà trop prêté au pays »,
explique une source proche des
négociations avec Athènes.
L’attitude du FMI va-t-elle changer dans les semaines qui viennent, si un accord est enfin trouvé
sur le nouveau programme de réformes exigé par les créanciers
d’Athènes ? Pas impossible : cela
fait déjà quelque temps que le FMI
plaide pour une restructuration
de la dette grecque (environ
320 milliards d’euros), une forte
revendication du gouvernement
Tsipras. Les autres créanciers sont
également conscients que cette
question ne pourra être éludée
dans les mois qui viennent. Pas
sûr pour autant qu’ils céderont rapidement… p
c. du. et a. gt
4 | économie & entreprise
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
L’OCDE déconcertée par la mollesse de la reprise
L’organisation économique a révisé à la baisse ses prévisions de croissance car l’investissement reste faible
E
n mars 2015, l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) exprimait un optimisme tempéré au
sujet de la croissance. Deux mois
et demi plus tard, elle a révisé à la
baisse ses prévisions pour les économies américaine, japonaise et
chinoise, et envisage l’avenir avec
circonspection. Après un piètre
début d’année, la croissance devrait se renforcer dans les pays
avancés tout au long de 2015 et de
2016, mais elle resterait modeste
(+ 1,9 % et + 2,5 %). L’OCDE relève
aussi que l’environnement économique global n’est pas dénué
de risques, que les marges de
manœuvre monétaire et budgétaire des Etats sont faibles et qu’il
existe des « signes d’excès sur les
marchés financiers ». Pas de quoi
pavoiser.
« Les chiffres vont être un peu décevants. Les perspectives d’amélioration restent limitées et fragiles »,
a concédé son secrétaire général,
Angel Gurria, lundi 1er juin, devant
l’Association des journalistes économiques et financiers (AJEF), au
début d’une semaine qui verra
pas moins de huit ministres du
gouvernement Valls et le président de la République lui-même
participer au Forum ou à la réunion ministérielle de l’institution.
Dans son rapport sur les perspectives économiques, présenté
mercredi 3 juin, l’économiste en
chef de l’OCDE, Catherine Mann,
décerne un « B – » à une économie
mondiale en mal d’investissements. « La reprise économique
qui a suivi la crise financière de
2008 a été inhabituellement faible.
La croissance a été bien plus lente
que dans les douze ans qui ont précédé la crise et cela a eu des conséquences bien réelles sur l’emploi,
sur la stagnation du pouvoir
Croissance et chômage dans les principales zones développées
VARIATION DU PIB SELON L’OCDE, EN %
Donnée définitive
TAUX DE CHÔMAGE, EN %
Prévision de mars
Prévision de juin
12
Zone euro
Etats-Unis
Japon
Chine*
6,8
6,9
6,7
8
2,8
2,4
2
2
6
Etats-Unis
1
4
0,7
2016
2014
2016
2015
2014
Vents favorables
L’économiste américaine ne dit
pas quelle note elle se décerne
pour avoir dû réviser à la baisse et
pas qu’un peu (– 1,1 point) sa prévision de croissance pour les EtatsUnis. A sa décharge, Mme Mann
n’est pas la seule à avoir été surprise par les contre-performances
américaines du premier trimestre 2015 sur fond d’hiver rigoureux, de grèves dans les ports de la
côte ouest et de dollar fort. Les
conjoncturistes ont quasiment
tous été surpris par la contraction
L’HISTOIRE DU JOUR
WikiLeaks offre 100 000 dollars
à qui divulguera le TPP
new york - correspondant
D
epuis la conquête de l’Ouest, les Etats-Unis ont une solide culture de la récompense pour retrouver « mort
ou vif » un hors-la-loi. Rappelez-vous ces affiches placardées dans les westerns avec le mot « Wanted ! » (« recherché »). Le pays est en train de renouer avec cette tradition. Cette
fois, ce n’est pas un homme qui est recherché, mais un traité.
Le site WikiLeaks offre 100 000 dollars (89 700 euros) à qui lui
fournira une copie de l’accord de partenariat transpacifique
(TPP) en cours de négociation, qui veut libéraliser les échanges
entre une douzaine d’Etats situés sur les deux rives du Pacifique
(dont le Japon, les Etats-Unis et le Mexique).
« Nouveau régime juridique international »
« L’heure de la transparence a sonné pour le TPP. Stop aux secrets.
Stop aux excuses », a appelé Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, qui s’était notamment illustré en révélant des milliers de
documents relatifs aux modes opératoires de l’armée américaine en Irak. « Cet accord contient 29 chapitres, dont 26 restent
secrets, explique WikiLeaks, qui en a déjà révélé trois. Il couvre
40 % du PIB mondial et il s’agit du plus grand accord du genre
dans l’histoire. Le traité vise à créer un
nouveau régime juridique internatio« STOP
nal qui permettra aux sociétés transnationales de contourner les tribuAUX EXCUSES,
naux nationaux, de se soustraire à la
de l’environnement, de
STOP AUX SECRETS ! » protection
contrôler Internet pour le compte des
JULIAN ASSANGE
fournisseurs de contenus et de limiter
fondateur de WikiLeaks
la disponibilité des médicaments génériques abordables. »
Les négociations sur ce traité, menées dans la plus grande
confidentialité, sont de plus en plus contestées aux Etats-Unis,
notamment par une partie des démocrates, de nombreux syndicats et associations, qui contestent leur caractère anti-démocratique et redoutent des conséquences sur l’emploi, les normes sanitaires et l’environnement.
En quelques heures, Julian Assange avait déjà recueilli un
quart de la somme proposée grâce à une opération de financement participatif sur Internet. Reste à savoir si la récompense
offerte sera suffisamment attrayante pour inciter un lanceur
d’alerte à divulguer ce que WikiLeaks appelle « America’s most
wanted secret », « le secret le plus recherché d’Amérique ». p
stéphane lauer
3,6
3,5
5,2
3,3
2
2015
2016
2014
2015
2016
* Echelle modifiée par rapport aux autres graphiques.
d’achat dans les économies avancées, sur un développement moins
vigoureux dans certains pays
émergents ou encore sur l’augmentation des inégalités presque
partout », écrit-elle dans son éditorial.
6,6
Japon
0
2015
6,9
5,5
1,4 1,4
0,9
2014
7,3 OCDE
6,2
2,1
1,4 1,4
10,5
10
7
3
11,1
Zone euro
7,4
3,1
11,5
En Europe,
l’état de certains
marchés trop
fragmentés,
comme celui
de l’énergie,
n’incite pas
à investir
du PIB. Les vents favorables qui
portent la croissance ne manquent pourtant pas : les conditions monétaires restent très accommodantes, les politiques
budgétaires sont moins restrictives, la situation financière s’est
améliorée, le bas prix du pétrole
devrait être à l’origine de
2014
2015
2016
SOURCE : OCDE
0,25 point de PIB supplémentaire
en 2015 et en 2016. Les marchés du
travail se portent mieux, à l’exception de celui de la zone euro,
qui affiche toujours un taux de
chômage moyen à deux chiffres.
Le commerce mondial, en revanche, n’a pas retrouvé son dynamisme d’avant la crise. L’amélioration du pouvoir d’achat a eu peu
d’effets sur la consommation, et la
productivité augmente faiblement (+ 0,7 % par an entre 2011 et
2014, contre un peu moins de 2 %
entre 1980 et 2007). Pour qu’elle
passe à la vitesse supérieure, il faudrait qu’il y ait davantage d’investissements. Or c’est là que le bât
blesse. « Nous avons 18 % à 20 % de
flux d’investissements en moins
par rapport à la période précédant
la crise. Quant aux stocks d’investissements, ils sont toujours infé-
rieurs à leur niveau de 2008 », a déploré M. Gurria.
Des marchés fragmentés
Cette faiblesse de l’investissement, qui pèse sur la productivité,
la croissance et l’emploi, a plusieurs causes. Contrairement à ce
qui s’est passé lors de précédentes
reprises, analyse l’OCDE, les entreprises privées n’ont pas engagé
d’investissements
productifs,
faute notamment d’une demande
suffisamment dynamique. De
nombreux gouvernements ont
différé leurs investissements dans
les infrastructures, pourtant jugés
prioritaires par le G20, pour cause
de consolidation budgétaire. « Aux
Etats-Unis, l’investissement productif pourrait être multiplié par
deux si les entreprises y consacraient les sommes qu’elles al-
louent aux rachats d’actions », a
pointé M. Gurria. Ailleurs, notamment en Europe, l’état de certains
secteurs ou de certains marchés
trop fragmentés, comme celui de
l’énergie, n’incite pas à investir. Enfin, malgré des liquidités ultraabondantes et les bas taux d’intérêt, les banques ne prêtent toujours pas aux PME. En conséquence,
l’investissement
n’augmentera que faiblement
en 2015 (+ 2,7 %). Le vrai redémarrage serait pour 2016 avec une progression de 4 %, la plus forte depuis la crise.
De nombreux aléas entourent
toutefois les prévisions de l’OCDE,
qui identifie, entre autres sujets
sensibles, la normalisation monétaire américaine, la Grèce, un atterrissage brutal de l’économie
chinoise ou encore une escalade
dans le conflit russo-ukrainien.
L’institution précise que son rapport n’a pas pris en compte les
« risques extraordinaires » résultant des effets collatéraux des politiques monétaires ultra-accommodantes adoptées pour stimuler
la reprise (quête de rendement,
bulles, etc.).
L’OCDE – dans laquelle les autorités françaises voient davantage
aujourd’hui une organisation de la
régulation que le temple du libéralisme – rappelle le rôle central que
peuvent jouer les politiques structurelles pour booster l’investissement. Elle appelle ses 34 paysmembres à adopter des politiques
monétaires, budgétaires et structurelles qui se renforcent mutuellement pour soutenir la croissance. S’agissant de la France, l’institution prévoit une consolidation
de la reprise en 2015 (+ 1,1 %) et 2016
(+ 1,7 %) mais elle pointe aussi la
faiblesse de la confiance des patrons qui pèse sur l’investissement et sur les embauches. p
claire guélaud
Confiant dans la croissance mondiale,
Maersk commande onze porte-conteneurs
Le danois, leader mondial du transport maritime, va investir 1,6 milliard d’euros dans des
navires géants, alors que le secteur, surcapacitaire, est en proie à une intense guerre des prix
C’
est l’une des plus grandes commandes jamais
vues dans le monde de
la mer. Maersk, le numéro un
mondial du transport maritime
de conteneurs, a officiellement signé, mardi 2 juin, un contrat pour
l’achat de onze navires gigantesques, avec une option pour six bâtiments supplémentaires. Tous
seront construits dans les chantiers navals du sud-coréen
Daewoo. La transaction atteint
1,8 milliard de dollars, soit 1,6 milliard d’euros, pour les onze premiers bateaux.
Ces navires, longs de 400 mètres
et capables de transporter 19 630
conteneurs chacun, seront les
plus grands de la flotte de Maersk.
Ce n’est qu’un début, proclamet-on à Copenhague, au siège du
premier groupe danois tous secteurs confondus. Dans les cinq années à venir, l’entreprise prévoit
d’investir 15 milliards de dollars
« dans de nouveaux bâtiments, les
économies d’énergie, les conteneurs et d’autres équipements »,
précisent ses dirigeants.
Après quatre ans de régime sec,
sans nouvelle commande, ils se
sont offert en mars sept navires
collecteurs de plus petit tonnage.
Une sorte de mise en bouche.
De l’extérieur, le lancement de
cette impressionnante vague d’investissement peut paraître très
risqué. Depuis 2009, le secteur du
transport maritime traverse en ef-
fet une crise de surcapacité dont
les professionnels ne voient pas le
bout. Sur la route la plus active, entre l’Europe du Nord et l’Asie, les
capacités sont supérieures d’environ 30 % aux besoins, selon le Wall
Street Journal.
Pendant les années d’euphorie,
Maersk et ses concurrents ont en
effet commandé des navires en
masse. Or, le temps qu’ils soient
construits, ces porte-conteneurs
ont commencé à être livrés au
moment où le marché s’est replié,
du fait de la crise économique de
2008-2009. Maersk ne va ainsi recevoir que ce mois-ci le dernier
des 20 géants des mers qu’il avait
achetés en 2011.
Résultat : depuis six ans, la concurrence est très vive, et les prix
faséient comme des voiles sans
vent. Au premier trimestre,
Maersk a vu les siens reculer en
moyenne de 5 %, tandis que son
volume d’activité fléchissait de
1,6 %. La semaine dernière, le tarif
de référence pour expédier des
marchandises de Shanghaï à Rotterdam est même tombé à
342 dollars par conteneur, son
plus bas niveau depuis la création
de l’indice en 2009. Pas sûr que les
hausses annoncées par Maersk et
ses rivaux pour juin soient suivies
de beaucoup d’effet.
Dans ces conditions, commander onze, voire dix-sept bateaux
géants d’un coup relève du pari.
Ils seront livrés entre avril 2017 et
Dans les cinq
années à venir,
l’entreprise
prévoit d’investir
15 milliards
de dollars
mai 2018. Pour peu que la croissance mondiale s’affaiblisse à cet
horizon, l’afflux de nouveaux
porte-conteneurs ne pourra
qu’alimenter la guerre des prix.
D’autant que Maersk n’est pas
seul à investir. Ses grands concurrents, à commencer par l’italien
MSC et le français CMA CGM, ont
eux aussi passé récemment d’importantes commandes.
Leader incontesté du secteur
Soren Skou, le patron de Maersk
Line, mise visiblement sur un
autre scénario. Il veut croire à une
poursuite de la croissance mondiale, en particulier des échanges
entre l’Europe et l’Asie. C’est à
cette route que ces futurs bateaux sont destinés.
Surtout, Maersk tient à défendre sa part de marché.
Aujourd’hui, le groupe représente 15 % de la flotte mondiale de
porte-conteneurs, ce qui en fait le
leader incontesté du secteur.
Mais son concurrent immédiat,
MSC, n’est pas loin : avec 13 % de
part de marché, il pourrait prendre la tête de la compétition dès
2016, selon les estimations des
analystes d’Alphaliner.
En outre, les dirigeants danois
savent que, si le marché n’est pas
au rendez-vous, ils pourront toujours utiliser leurs tout nouveaux navires non pour augmenter la capacité de Maersk, mais
simplement pour la maintenir,
en mettant au rebut des bâtiments plus petits, plus gourmands en carburant, et donc
moins rentables. « Ces navires
vont nous aider à rester compétitifs sur la route Asie-Europe » et à
« croître avec le marché », assuret-on chez Maersk, l’un des groupes les plus rentables du transport maritime.
Au passage, cette énorme commande vient à point nommé
pour Daewoo. Le conglomérat
sud-coréen a beau être l’un des
principaux constructeurs de porte-conteneurs avec ses compatriotes Samsung et Hyundai, il
souffre. Sa filiale spécialisée,
Daewoo Shipbuilding & Marine
Engineering, a essuyé une perte
nette de 172 milliards de wons
(139 millions d’euros) au premier
trimestre. Elle cherche à vendre
plusieurs de ses chantiers navals,
notamment celui de Mangalia,
en Roumanie, l’un des plus
grands d’Europe. p
denis cosnard
économie & entreprise | 5
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
Duel sans merci à la tête du fonds souverain libyen
Deux hommes réclament le titre de président du fonds, qui détient l’équivalent du PIB du pays
londres - correspondance
L
e premier, stature imposante, débit lent, 64 ans,
n’apprécie guère la contradiction et affiche une
énorme confiance en lui. Le second, charmeur et ouvert, 42 ans,
cherche au contraire à convaincre
son interlocuteur, multipliant les
documents officiels pour prouver
ses propos. Entre Abdulmajid
Breish et Hassan Bouhadi, la
guerre est déclarée. Une guerre
feutrée, qui se déroule dans les tribunaux internationaux et les palaces de luxe, mais sans merci.
L’un d’eux est le président du
fonds souverain libyen, la Libyan
Investment Authority (LIA). Mais
lequel ? Les deux en réclament le
titre, s’affrontant à coups de documents légaux et de déclarations
publiques. Le Monde a pu les rencontrer – séparément, bien sûr –
dans cette bataille pour mettre la
main sur un fonds de 67 milliards
de dollars (61 milliards d’euros),
issu de l’argent du pétrole des années Kadhafi. Si l’essentiel de l’argent reste gelé, à la suite des sanctions internationales contre l’ancien Guide de la révolution, cela
reste un pactole qui équivaut à peu
près au produit intérieur brut (PIB)
de la Libye.
Un procès à Londres
Les deux hommes sont d’accord
sur un seul point : cet affrontement est tragique pour la Libye.
« Pendant quatre décennies, sous
la dictature, les Libyens ont souffert d’avoir des gens qui s’appropriaient des droits qu’ils n’avaient
pas, et voilà que ça recommence »,
dénonce M. Bouhadi. « Cette affaire est un énorme gâchis », réplique M. Breish.
La bataille est le reflet logique de
l’état actuel de la Libye. Le pays est
coupé en deux, avec deux gouvernements parallèles. L’un, reconnu
par la communauté internationale, a fui Tripoli devant l’avancée
des assaillants et s’est réfugié à
Tobrouk, dans l’est du pays. Il est
composé d’une coalition d’antiislamistes, d’anciens kadhafistes
et de libéraux. L’autre gouvernement est basé à Tripoli. Il est soutenu par les groupes islamistes,
mais aussi par les anti-kadhafistes de la première heure.
Le plus curieux dans cette af-
Le plus curieux
dans cette affaire
est que
M. Bouhadi et
M. Breish ont tous
les deux raison
faire est que MM. Bouhadi et
Breish ont tous les deux raison.
Tout dépend de quel gouvernement on parle. Le premier a été
nommé en octobre 2014 par l’administration de Tobrouk et s’est
désormais exilé à Malte. Le second est basé dans la capitale libyenne, au siège historique de la
LIA : il semble proche du gouvernement de Tripoli, même s’il affirme en être indépendant.
Jusqu’en 2014, la version des faits
des deux hommes concorde.
Ayant quitté la Libye en 1968, à
l’âge de 17 ans, M. Breish a passé
l’essentiel de sa vie à l’étranger, travaillant pour une banque de Bahreïn, Arab Banking Corporation.
M. Bouhadi a, lui, quitté la Libye à
l’âge de 15 ans, suivant une formation d’ingénieur à Londres, avant
de travailler au Moyen-Orient
pour de grandes multinationales,
dont BASF et General Electric.
En 2013, deux ans après la chute
du régime de Kadhafi, ces deux
membres de la diaspora libyenne
se retrouvent ensemble au conseil d’administration de la LIA,
dont M. Breish est le président.
Les conditions de travail sont
chaotiques. « A quatre reprises,
en 2013 et 2014, des factions armées sont entrées dans mon bureau, raconte M. Breish. Ils m’ont
braqué, arme au poing. Il a fallu
parlementer. »
En juin 2014, coup de théâtre :
M. Breish est suspendu de ses
fonctions de président de la LIA. Il
doit répondre de l’accusation
d’avoir collaboré avec le régime de
Kadhafi, ce qui est interdit d’après
une loi instaurée après la révolution. Le 18 mai, presque un an plus
tard, il finit par gagner son procès
en appel. « Cette décision me restitue immédiatement à mon
poste », affirme-t-il.
Sauf qu’entre-temps, le gouvernement de Tobrouk a nommé M.
Bouhadi à la tête de la LIA en octobre 2014. Celui-ci a décidé de démé-
L’essentiel des fonds de la Libyan Investment Authority (LIA) est gelé depuis 2011. CAREN FIROUZ / REUTERS
nager, à Malte, son équipe chargée
des investissements : seulement
sept personnes, mais qui détiennent les clés du fonds souverain.
Pour M. Breish, il s’agit donc
d’une institution parallèle, en
exil, qui n’existe pas : « Ce groupe
est parti à l’étranger, a dupliqué le
papier à en-tête de la LIA et a falsifié le tampon officiel. »
Faux, réplique M. Bouhadi : « Ma
nomination vient du seul gouvernement qui soit reconnu internationalement. C’est très important,
parce que c’est la seule façon de
protéger les fonds, qui sont essentiellement détenus hors de Libye. »
Une version que soutient un observateur occidental indépendant, qui connaît bien les deux
hommes. « Mon instinct est de
faire confiance à M. Bouhadi. Pour
la protéger, mieux vaut transférer
la LIA hors du pays. »
Cette bataille pour le contrôle
du fonds souverain aurait pu rester cachée s’il n’y avait, à Londres,
un procès très important pour
son avenir. Depuis 2014, la LIA
poursuit en justice Goldman
Sachs et la Société générale. Les
deux banques sont accusées de
lui avoir vendu des produits financiers pourris du temps de
Kadhafi, qui lui ont fait perdre
plusieurs milliards de dollars.
Dans le cas de la Société générale,
67 MILLIARDS
C’est le montant, en dollars, de la valorisation par Deloitte, fin 2012,
de la Libyan Investment Authority (LIA), créée en 2006. Celle-ci comprend pour moitié des participations dans 550 entreprises libyennes, souvent très présentes en Afrique (les stations essence Oil Libya, les hôtels Laico, le fournisseur de téléphonie LAP GreenN…).
L’autre moitié est composée d’investissements « liquides » sur les
marchés financiers internationaux : la LIA a ainsi d’importantes participations en Italie (Unicredit, ENI, Finmeccanica…), en France (Lafarge, France Télécom…) ou en Allemagne (Siemens, Allianz…). Mais
les investissements « liquides » sont pour l’essentiel gelés, suite aux
sanctions internationales de 2011 contre le régime Kadhafi.
AccorHotels.com riposte à Booking.com
Pour parvenir à son but, Accor devra avancer à marche forcée.
Aujourd’hui, le groupe compte
3 700 hôtels et il n’ouvre « que »
180 nouveaux établissements
chaque année. Cette plate-forme
sera disponible dès juillet pour les
clients.
Avec ce lancement, AccordHotels.com va devoir remettre la
main à la poche. Au plan d’investissements sur Internet de
225 millions d’euros sur quatre
ans, annoncé à l’automne 2014,
vont s’ajouter une vingtaine de
millions d’euros. « Soit environ
10 % du montant du plan d’investissements dans le numérique qui seront rentables dès la troisième année », prévoit le PDG. Le groupe
veut aller vite ! « Nous avons intérêt
à nous réveiller, car les Booking, Expedia et autres Kayak sont en train
de prendre une partie de notre valeur ajoutée, donc une partie de notre marge. »
Plus encore que d’opposer une
force de frappe plus importante à
Booking.com et Expedia, la démarche d’Accor est « d’accroître
[sa] capacité à mutualiser [ses]
coûts sur une base plus large d’hôtels et d’augmenter le trafic clients
sur une plate-forme unique de réservation ». A entendre le PDG, AccorHotels.com joue sur du velours. « 70 % des hôteliers dans le
monde sont indépendants et 90 %
de ces 70 % n’ont pas la réponse à
ce monde numérique de demain »,
explique M. Bazin. En clair, un hôtel ne peut lutter seul face aux
agences de voyages en ligne.
Pour séduire rapidement 5 000
établissements
partenaires,
M. Bazin va s’appuyer sur Fastbooking, un site spécialisé dans les réservations en ligne pour hôteliers,
acquis en avril par Accor. « Il n’a pas
été acheté par accident », se félicite
le PDG, selon lequel « un bon tiers
des 4 000 hôtels clients de Fastbooking pourraient devenir des clients
d’AccorHotels.com ».
Pour attirer les établissements
indépendants, le groupe hôtelier
va se montrer moins gourmand
que ses rivaux. AccorHotels.com
« Nous avons
intérêt à nous
réveiller car
Booking et autres
Kayak sont en
train de prendre
une partie de
notre valeur
ajoutée »
SÉBASTIEN BAZIN
PDG d’Accor
prendra seulement de « 12 % à 15 %
de taux de commission » sur les réservations qui auront été passées
via sa plate-forme. Nettement
moins que la concurrence, dont la
commission peut atteindre 20 %
ou 25 %. AccorHotels.com promet
d’être « entre un tiers et 50 %
moins cher que Booking.com ».
Surtout, à l’inverse des pratiques
des grandes agences de réservation en ligne, AccorHotels.com as-
échaudé par les ordres contradictoires des deux camps.
M. Bouhadi sort alors de son silence, faisant connaître sa colère.
La dispute éclate. Et comme par
enchantement, quelques jours
plus tard, M. Breish gagne son procès, et revient sur le devant de la
scène. Chacun est d’une mauvaise
foi évidente. Les deux camps reconnaissent avoir continué à négocier entre eux depuis 2014. Initialement, ils avaient trouvé un accord pour continuer les procédures judiciaires, malgré tout.
Mais la procédure judiciaire contre la Société générale et Goldman
Sachs est sur le point de s’écrouler.
Dans cette affaire, les seuls à se
frotter les mains sont les avocats
des deux banques. Le 22 mai, l’un
d’eux, représentant un témoin potentiel dans le dossier de la Société
générale, a souligné « l’état chaotique » du plaignant. Difficile de lui
donner tort. p
F I N AN C E
La banque australienne
ANZ s’implante à Paris
Le groupe français lance sa nouvelle plate-forme de réservation, ouverte aussi aux hôteliers
indépendants, avec l’objectif de tripler son offre d’établissements disponibles en 2018
suite de la première page
l’accusation fait état de 58 millions de dollars de pots-de-vin.
Jusqu’au mois dernier, les préparatifs du procès suivaient leur
cours. Preuve que, malgré ses disputes internes, la LIA continuait à
payer les frais de justice. Mais le
28 avril, le cabinet d’avocats Enyo
Law, qui gérait ce dossier, a annoncé qu’il s’en dessaisissait,
sure que les hôteliers indépendants resteront propriétaires de
leurs bases de données clients.
Toutefois, prévient M. Bazin,
« tout le monde ne sera pas éligible » à la plate-forme. Le PDG veut
être « sélectif ». Les établissements seront d’abord choisis
d’après les commentaires et « les
notes laissés par les clients sur Trip
Advisor », site américain de recommandations. La sélection
promet d’être sévère : « Si les hôtels ne sont pas dans les 10 % les
mieux notés dans leur catégorie, ils
ne seront pas éligibles à l’offre Accor », annonce M. Bazin. Accor va
ajouter « une double vérification ».
Les bons point des clients devront
être validés par la visite, in situ,
des collaborateurs du groupe. Le
moyen pour AccorHotels.com de
ne proposer que « la crème de la
crème » à ses clients.
Accor attend désormais de voir
la réaction de Booking.com et
d’Expedia. « Comment vont-ils réagir ? Vont-ils baisser leurs commissions ? », s’interroge M. Bazin. p
guy dutheil
Déjà présente en Europe à
Londres et à Francfort,
la banque australienne ANZ,
l’un des principaux établissements du pays, a annoncé,
mercredi 3 juin, l’ouverture
d’une succursale à Paris pour
accompagner le développement des multinationales
françaises dans la zone AsiePacifique. « Les flux commerciaux français vers l’Asie représentent déjà 90 milliards de
dollars (environ 81 milliards
d’euros) et cette tendance va
prendre de l’ampleur avec le
développement des classes
moyennes asiatiques », estime la banque.
eric albert
Nomad, propriétaire du concurrent Iglo en discussions
avancées avec Lion Capital,
JP Morgan et HighBridge,
actionnaires de Findus.
MÉD I A
Acquisition de Publicis
en Australie
Le français Publicis a annoncé, mercredi 3 juin,
l’acquisition de l’agence
média indépendante Match
Media en Australie. Match
Media, fondée en 2003,
emploie plus de 75 collaborateurs. Elle est spécialisée en
stratégie média, achat d’espaces, média planning numérique et achat d’espace sur
Internet, moteurs de recherche, médias sociaux et analyse de données.
AGR OALI MEN TAI R E
Un français candidat
à la reprise de Findus
Florac, le family-office de Marie-Jeanne Meyer, a déposé,
selon Le Figaro du 3 juin, une
offre visant à racheter pour
200 millions d’euros les activités de Findus en Europe du
Sud, y compris l’usine de
Boulogne-sur-Mer (Pas-deCalais). Alors que le fabricant
de surgelés tient jeudi 4 juin
un comité central d’entreprise, les 200 salariés du site
s’inquiètent d’un possible rachat par le fonds américain
I N T ER N ET
Pinterest lance
un bouton de paiement
Après les expérimentations
menées par Facebook ou
Twitter, l’application américaine Pinterest, qui permet
d’épingler des photos liées à
ses centres d’intérêt, a
annoncé mardi 2 juin
ses premiers pas dans
le commerce en ligne
avec l’introduction d’un
bouton « acheter » sur
certaines photos épinglées
sur son site.
6 | idées
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
VU D’AILLEURS | CHRONIQUE
par mart in wol f
Trop de finance nuit gravement à l’économie
E
st-il possible d’avoir trop de finance ? Affectés par les conséquences des crises financières,
scandalisés par le sauvetage des banques, irrités par les rémunérations
généreuses de leurs dirigeants, consternés par leurs malversations à répétition et furieux devant leur impunité, la plupart des citoyens
ordinaires n’ont aucune hésitation à
répondre par l’affirmative. Les experts du Fonds monétaire international (FMI) ou de la Banque des règlements internationaux sont
d’accord avec eux.
Une société organisée offre deux façons de devenir riche. La façon traditionnelle était de s’assurer un pouvoir de monopole. Historiquement, le
contrôle monopolistique du territoire, généralement conquis par la
force, a été la principale voie vers la
richesse. Une économie de marché
concurrentielle offre une alternative
socialement plus acceptable : l’invention et la production de biens et de
services.
Mais, hélas, il est aussi possible de
se constituer des rentes sur les marchés. Avec sa complexité et ses sub-
ventions implicites, le secteur financier est très bien placé pour ce faire.
Or ces pratiques, outre qu’elles transfèrent l’argent d’un grand nombre de
personnes pauvres à une poignée de
gens riches, causent de graves dommages à l’économie.
C’est l’argument développé par
Luigi Zingales, professeur à la Chicago Booth School (et ferme partisan
du marché libre), dans un discours
prononcé devant l’American Finance
Association. Ces dommages peuvent
être directs, par exemple une bulle
insoutenable alimentée par le crédit,
et indirects, comme la perte de confiance dans les transactions financières, consécutive aux crises et à la
« tromperie » généralisée.
M. Zingales explique qu’un cercle
vicieux peut se former entre l’indignation publique et l’appropriation
des rentes. Quand l’indignation est
grande, les financiers, privés de soutien public, recherchent une protection politique.
Mais seuls ceux qui bénéficient de
rentes importantes peuvent s’offrir
ce genre de lobbying. Seule la finance
générant des rentes – et en premier
lieu, les banques les plus puissantes –
survit. Ce qui, inévitablement, augmente encore l’indignation…
Il ne s’agit pas de nier ici le fait que
la finance est essentielle à toute société civilisée et prospère. Mais c’est
l’importance même de la finance qui
rend ces abus aussi dangereux. En
vérité, une hausse du crédit favorise
dans un premier temps la croissance
économique. Mais cet effet semble
s’inverser à partir du moment où le
crédit dépasse 100 % du PIB. Une
augmentation rapide du crédit est
d’ailleurs un des signes précurseurs
d’une crise.
DÉFI IMPORTANT
Dans une note récente, le FMI fait appel à un indicateur du développement
financier plus sophistiqué que le ratio
crédit/PIB. Cet indicateur montre que
le développement financier a progressé rapidement, notamment dans
les pays avancés, mais que, au-delà
d’un certain point, la finance fait du
tort à la croissance. Elle pèse notamment sur la « productivité totale des
facteurs », c’est-à-dire le rythme de
l’innovation et de l’amélioration de
l’efficacité du travail et du capital. Le
FMI montre en particulier que, à un
certain point, l’allocation des capitaux
et l’efficacité du contrôle d’entreprise
se mettent à aller de travers. C’est
pourquoi l’influence de la finance sur
la qualité de la gouvernance d’entreprise est un défi important.
Alors que faire ? En premier lieu, la
moralité est importante. Comme le
souligne M. Zingales, si ceux qui se
lancent dans la finance sont incités à
penser qu’ils peuvent faire tout ce
qu’ils veulent à condition de ne pas
se faire pincer, la confiance finira par
disparaître. Il est très coûteux de contrôler des marchés gangrenés par les
conflits d’intérêts et l’information
asymétrique. Nous ne surveillons pas
les médecins, car nous leur faisons
confiance. De la même façon, nous
devrions pouvoir accorder notre confiance aux financiers.
Deuxièmement, restreindre les incitations aux pratiques financières
abusives, dont la plus puissante, et de
loin, est la déductibilité fiscale des intérêts. Il faut y mettre un terme. A
plus long terme, de nombreux contrats d’emprunt doivent être transfor-
més en contrats à risques partagés.
Troisièmement, se débarrasser de
ce qui est trop gros pour couler ou…
pour être emprisonné. Ces deux catégories vont de pair. La façon la
plus simple serait d’augmenter de
façon substantielle les fonds propres
exigés des établissements mondiaux systémiques. Beaucoup choisiraient alors de se morceler. J’irais
plus loin en séparant le système monétaire du système financier grâce
au principe du « narrow banking »
– qui consiste à adosser totalement
les dépôts à des réserves auprès de la
banque centrale.
Ce dont nous avons besoin, ce n’est
pas de moins de finance, mais d’une
meilleure finance. Même si cela débouche sur une réduction substantielle du secteur. p
(Traduit de l’anglais par Gilles Berton)
¶
Cette chronique de Martin Wolf,
éditorialiste économique, est publiée
en partenariat exclusif avec
le « Financial Times » © FT
Marier Jean-Claude Juncker Pour une politique budgétaire
et Mario Draghi
et salariale européenne
La menace de « stagnation
séculaire » exige d’orienter
l’action de la Banque
centrale européenne
vers le soutien direct à
l’investissement productif
par andré grjebine
L
a légère reprise au sein de la
zone euro ne doit pas faire illusion, ne serait-ce qu’en raison
de la faible progression des investissements. Il est à craindre qu’il ne
s’agisse pas des ultimes soubresauts
d’une crise temporaire provoquée par
des politiques budgétaires trop rigoureuses, mais bien d’une situation appelée à durer, et que certains appellent
une « stagnation séculaire ». Le temps
d’une croissance entretenue par l’innovation et le progrès technologique,
d’une part, la consommation, d’autre
part, paraît révolu. Ce qui veut dire que
les politiques conjoncturelles, qu’elles
visent à soutenir l’offre ou la demande,
ne sont plus suffisantes.
Du côté de l’offre, on observe un ralentissement simultané de la croissance démographique et du progrès
technologique, celui-ci s’expliquant
notamment par des rendements décroissants en matière de recherche et
développement. Du côté de la demande, le vieillissement de la population conduit de plus en plus de pays à
privilégier l’épargne pour mieux « préparer les vieux jours » : l’Allemagne en
est le meilleur exemple. D’où l’excès
mondial d’épargne et la difficulté d’un
équilibre entre épargne et investissement (taux d’intérêt réel) compatible
avec le plein-emploi. Une politique durable, voire permanente, de soutien à la
croissance paraît donc nécessaire. Du
côté tant de l’offre que de la demande !
La politique d’assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne (BCE) permet certes de faire
baisser le coût de financement des
Etats membres, pour autant que la remontée des taux d’intérêt ne se poursuive pas. Mais il n’est pas sûr qu’elle
¶
André Grjebine est
directeur de recherche
au Centre d’études et de
recherches internationales
(CERI) de Sciences Po
parvienne à susciter une reprise durable. Elle peut conduire à une croissance
chaotique fondée sur l’alternance de
bulles financières et immobilières et
de récessions résultant de leur explosion. Autre hypothèse, plus vraisemblable : en période d’incertitude, les
institutions financières ont tendance à
privilégier la sécurité et continueront à
acquérir des obligations souveraines
ou à déposer leurs capitaux auprès de
la BCE. Il incombe désormais aux Etats
de soutenir la croissance par des investissements publics ou la stimulation
publique d’investissements privés,
comme c’est le cas aux Etats-Unis.
UNE REPRISE MIEUX ASSURÉE
Afin d’éviter une aggravation des déséquilibres à la fois budgétaires et commerciaux, cette politique devrait être
développée au niveau européen. Les règles communautaires proscrivent
l’achat direct d’obligations publiques
par la BCE mais, dans le cadre de l’assouplissement quantitatif, la BCE peut
racheter des obligations d’institutions
supranationales européennes (dans la
limite de 12 % du programme) ou
d’agences nationales. Il s’agirait
d’orienter ces achats vers des institutions finançant elles-mêmes des opérations ciblées par l’UE. Dans la mesure
où la reprise serait impulsée par les
pouvoirs publics européens, elle dépendrait moins des incertitudes auxquelles sont confrontés les dirigeants
d’entreprise, et serait sans doute
mieux assurée. En somme, il s’agirait
d’associer la politique de la BCE et le
plan Juncker, en étoffant et précisant ce
dernier. Ce scénario raffermirait simultanément l’offre et la demande.
Plaider pour un raffermissement du
rôle des Etats peut paraître étrange
quand la réduction des dépenses publiques est partout à l’ordre du jour. Pour
éviter qu’une telle politique accroisse
les gaspillages déjà dénoncés à juste titre, ce soutien européen aux investissements devrait être soumis à des conditions précises. D’une part, il devrait
être ciblé sur des secteurs renforçant la
croissance potentielle : nouvelles énergies, recherche, éducation ; d’autre
part, il pourrait être conditionné à la
réduction des dépenses nationales de
fonctionnement qui ne contribuent
pas à cette croissance potentielle. Les
règles budgétaires européennes trouveraient pleinement leur sens si elles
ne portent plus atteinte aux investissements nécessaires à la modernisation
du tissu socio-économique des Etats
membres, mais restent limitées aux
seuls budgets de fonctionnement. p
L’Union doit se doter d’instruments
supranationaux de contrôle des finances
publiques et des différentiels
de compétitivité des Etats membres
par andré sapir
et guntram b. wolff
D
epuis le début de l’année,
les signes de redressement
économique de la zone
euro se succèdent. C’est
évidemment une bonne nouvelle,
mais il serait dommage qu’elle ait une
incidence négative sur le processus de
réforme de la zone euro enclenché au
plus fort de la crise. Des avancées majeures, telle l’union bancaire, ont eu
lieu, mais celle-ci n’est pas encore
achevée. Outre son amélioration,
deux autres chantiers doivent être rapidement lancés : la politique budgétaire et la compétitivité.
Le volet budgétaire de la zone euro
doit avoir deux objectifs : la soutenabilité des finances publiques de ses
membres, et une politique budgétaire
pour la zone euro dans son ensemble
qui soit en phase avec la politique monétaire de la Banque centrale européenne visant à assurer la stabilité des
prix. Nous proposons cinq mesures.
Primo, plus un pays tend vers une situation budgétaire non soutenable,
plus l’intervention européenne devrait être contraignante. A la limite,
les institutions européennes devraient pouvoir interdire complètement la capacité d’emprunt d’un gouvernement de la zone euro.
Secundo, la zone euro doit pouvoir
forcer un gouvernement dont la situation budgétaire est soutenable d’avoir
un déficit en cas de récession de la
zone euro.
Tertio, les deux mesures précédentes nécessitent la création d’un eurosystème des politiques budgétaires
C’EST ENSEMBLE QUE
LES CAPITALES NATIONALES
ET BRUXELLES DOIVENT
SURVEILLER LES ÉVOLUTIONS
DES BUDGETS ET
DE LA COMPÉTITIVITÉ, ET LES
CORRIGER LE CAS ÉCHÉANT
(EPB) présidé par un ministre des finances de la zone euro et comprenant
tous les autres ministres des finances
plus cinq autres membres, y compris
des représentants de la Commission
européenne. Ses décisions, prises à la
majorité, prévaudraient sur les décisions nationales en cas de risque important pour la soutenabilité des finances publiques d’un Etat membre
ou pour la situation budgétaire de la
zone euro dans son ensemble.
Quarto, le Mécanisme européen de
stabilité devrait être placé sous la responsabilité de l’EPB, qui devrait être
en mesure de faire appel aux ressources budgétaires des Etats membres de
la zone dans certaines circonstances
telle une crise bancaire systémique.
RESPONSABILITÉS NATIONALES
Finalement, les décisions de l’EPB qui
iraient à l’encontre de décisions des
Parlements nationaux devraient être
validées par une chambre spéciale de
la zone euro au sein du Parlement
européen afin d’assurer leur légitimité
démocratique. En outre, un conseil
budgétaire de la zone euro composé
de personnalités indépendantes serait
chargé de donner son avis sur l’état de
soutenabilité des finances publiques
des Etats membres, sur la situation
agrégée de leurs politiques budgétaires et sur la pertinence pour l’EPB de
contraindre certains Etats membres à
modifier la politique budgétaire décidée par les Parlements nationaux.
L’autre chantier concerne l’évolution de la compétitivité et en particulier le lien entre salaires et productivité, qui ont connu des divergences
importantes au sein de la zone euro.
La raison profonde de ces divergences
tient à des fonctionnements différents des marchés nationaux du travail, dont certains continuent à opérer sans tenir compte suffisamment
de leur appartenance à une union monétaire. Une solution serait de créer
un marché du travail unique à la zone
euro avec une forte mobilité des travailleurs comme aux Etats-Unis, mais
cette solution est clairement irréaliste. Une autre solution serait d’harmoniser les systèmes salariaux nationaux, mais cette piste ne semble pas
non plus très réaliste.
Comment alors assurer que ces diffé-
rents systèmes nationaux produisent
des évolutions de salaires compatibles
avec leur appartenance à la zone euro ?
La procédure de déséquilibre macroéconomique instaurée depuis la crise
et utilisée par la Commission européenne est un instrument utile pour
assurer le suivi de la compétitivité,
mais il est clairement insuffisant.
Nous proposons la création d’un conseil de la compétitivité de l’eurosystème (CCE), constitué de conseils nationaux de la compétitivité et de la
Commission européenne.
Les conseils nationaux auraient
pour mission de créer les conditions
pour que l’évolution des salaires négociée par les partenaires sociaux nationaux tienne compte de l’évolution
de la productivité nationale et de
l’écart de compétitivité vis-à-vis des
autres pays de la zone euro. Le rôle
principal du CCE serait de coordonner
les actions des conseils nationaux de
la compétitivité et de s’assurer que les
normes salariales nationales soient
compatibles les unes avec les autres.
En dernière instance, le CCE devrait
pouvoir dicter une norme salariale à
un Etat membre dont l’évolution salariale serait soit trop rapide, soit trop
faible, eu égard à son évolution de
productivité et de compétitivité.
Ces deux organes, l’EPB et le CCE, seraient de véritables réseaux composés
d’instances nationales et européennes, car c’est ensemble que les capitales nationales et Bruxelles doivent surveiller les évolutions des budgets et de
la compétitivité, et les corriger le cas
échéant. Ils disposeraient de pouvoirs
supranationaux importants. Nos propositions reposent sur le principe que
la politique budgétaire et la politique
salariale doivent rester principalement des responsabilités nationales.
Mais, pour autant, elles reconnaissent que l’exercice de ces responsabilités doit se conformer à l’intérêt commun et partagé de la zone dans son
ensemble. L’élément supranational
supplémentaire nécessiterait un
changement du traité européen ou un
nouveau traité intergouvernemental.
Cela peut effrayer certains, mais nous
sommes convaincus que nos propositions sont nécessaires pour assurer la
croissance et l’emploi dans la zone
euro. p
¶
André Sapir
et Guntram B. Wolff
sont membres du think
tank Bruegel, Bruxelles
MÉDIAS&PIXELS | 7
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
Facebook ouvre
un laboratoire
de recherches
futuriste à Paris
Cette équipe française travaillera
sur l’intelligence artificielle
des satellites ou à des avions solaires. Yann LeCun a été lui-même
recruté par Facebook, fin 2013,
pour développer les techniques
d’intelligence artificielle dont il a
été l’un des pionniers, le « deep
learning » (ou « apprentissage statistique profond »).
Le casque de réalité virtuelle créé par Oculus VR, une société rachetée par Facebook en 2014. ERIC RISBERG/AP
les exemples les plus frappants de
l’efficacité de ces techniques. Dans
Nature du 27 mai, Yann LeCun et
deux autres pionniers du domaine (Yoshua Bengio et Geoffrey
Hinton) en retracent d’ailleurs les
succès et détaillent les défis à venir. Signe de l’intérêt des géants
du Web pour ces techniques, Geoffrey Hinton travaille pour Google.
« L’intelligence artificielle doit
permettre de trier toute l’information dont un utilisateur dispose
afin d’améliorer les interactions
sociales », estime Mike Schroepfer.
Dans cette quête, le monde académique a du mal à rivaliser avec
ces entreprises. Des chercheurs
du CNRS, de l’Institut national de
recherche en informatique et en
automatique (Inria) ou d’universités sont parmi les dernières recrues des équipes FAIR. En outre,
plusieurs autres jeunes cher-
cheurs intéressaient aussi des établissements de recherche français. Facebook a également puisé
chez ses concurrents Microsoft,
Xerox ou le japonais NEC.
Yann LeCun estime que la
France (et notamment Paris) offre
une concentration rare de talents
et de cultures variés, en mathématiques et en informatique, les
deux disciplines reines du deep
learning. « Nous n’avons pas de
mal à les convaincre. Ils travailleront avec les meilleurs, sur des pro-
0123
Réseaux de neurones
Ces concepts servent dans des
programmes de reconnaissance
vocale, de reconnaissance d’images, de classification d’objets divers, mais aussi de traduction
automatique et de prédiction des
effets de médicaments…
Ces programmes apprennent,
grâce à des banques de données
connues, à classer des objets
(sons, images, vidéos…) inconnus.
Parfois appelés « réseaux de neurones », par analogie avec le fonctionnement cérébral, ils adaptent
leurs centaines de millions de paramètres pour produire la
meilleure réponse possible.
Yann LeCun a été parmi ceux qui
ont amélioré l’efficacité de ces calculs dans les années 1990 et permis leur déploiement récent.
Formé en France à l’Esiee et à l’université Pierre-et-Marie-Curie, il a
ensuite travaillé dans les laboratoires de recherche de l’entreprise
américaine AT&T.
Les assistants numériques vocaux installés sur les smartphones des Apple, Microsoft ou Google (et son système Android) sont
HORS-SÉRIE
F
acebook a décidé d’installer une équipe de recherche permanente à Paris
dans le domaine de l’intelligence artificielle. Six personnes viennent d’être recrutées et
six autres devraient suivre d’ici à
la fin de l’année. « Nous serons ici
25 à 30 personnes dans quelques
années, plus des doctorants et
post-docs », indique Yann LeCun,
directeur de l’unité de recherche.
Son équipe compte aujourd’hui
45 membres, répartis entre le
siège de Facebook à Menlo Park
(Californie) et New York, où le
chercheur est également professeur.
Un déménagement, toujours à
Paris, est d’ailleurs envisagé pour
accompagner la croissance du
groupe de recherche. Ce centre,
baptisé Facebook Artificial Intelligence Research (FAIR), constitue
le troisième pilier de la R&D futuriste de l’entreprise, avec les interfaces naturelles et la connectivité
planétaire.
Les premières reposent sur la
réalité virtuelle autour du casque
créé par la société Oculus VR, rachetée par le géant américain
en 2014. Un premier modèle devrait sortir au premier trimestre
2016 pour « favoriser les interactions sociales virtuelles », explique
Mike Schroepfer le directeur technique de Facebook. Le second pilier vise à connecter le plus de
monde possible à Internet grâce à
jets ambitieux et auront les
moyens techniques nécessaires »,
souligne-t-il, restant silencieux
sur les salaires. « Nous les incitons
en outre à collaborer avec d’autres
équipes et à publier leurs résultats
de recherche. » Des partenariats
devraient notamment se conclure avec l’Inria.
Parmi les défis, le chercheur parie que la compréhension du langage naturel sera techniquement
possible pour un téléphone relié à
des serveurs puissants dans deux
ou trois ans. A l’exception peutêtre des traits d’humour.
L’installation de cette équipe de
recherche permanente en France
ne suffira cependant pas à compenser l’écart avec le RoyaumeUni et l’Allemagne. Selon le cabinet EY, 27 centres de recherche et
développement de grandes entreprises étrangères se sont implantés en France en 2014 (40 en 2013),
contre respectivement 72 et 47
chez nos voisins. p
david larousserie
Réussir son bac
PROGRAMME
2015
avec
Les aides à la presse favoriseront
davantage l’innovation
0123
NOUVEAU
Fleur Pellerin a présenté, mardi 2 juin, ses pistes de réforme.
Les subventions représentent plus de 800 millions d’euros par an
I
l faut aborder le secteur de
l’information comme un
« écosystème » qui dépasse
les catégories issues de l’univers
imprimé : telle est la recommandation du sociologue Jean-Marie
Charon, auteur d’un rapport intitulé « Presse et numérique, l’invention d’un nouvel écosystème », remis à la ministre de la
culture, Fleur Pellerin, mardi
2 juin.
L’objet de ce rapport était de
proposer un état des lieux du secteur pour permettre aux acteurs
politiques de mieux cibler leurs
interventions. Les fameuses
aides publiques aux entreprises
de presse, qui représentent
820 millions d’euros annuels,
sont régulièrement accusées
d’encourager des modèles établis
ou en perte de vitesse plutôt que
de favoriser l’innovation. En regard, le Fonds Google (16,1 millions d’euros) a apporté l’exemple
d’une aide focalisée sur les nouveaux projets. « L’intervention de
l’Etat doit donner toute sa place
au binôme innovation-expérimentation », recommande donc
M. Charon.
La remise de ce rapport a été
pour Fleur Pellerin l’occasion de
clarifier les évolutions des aides à
la presse, mais aussi de rappeler
que la première préoccupation
de l’Etat reste le pluralisme. Dans
Une critique
souvent faite aux
aides à la presse :
elles encouragent
des modèles
établis ou en
perte de vitesse
le contexte de l’après-Charlie,
marqué par une attention accrue
aux lieux du débat public, plusieurs dizaines de titres généralistes (hebdomadaires, mensuels, trimestriels…) vont désormais toucher des aides directes,
jusqu’ici réservées aux quotidiens. Ces aides directes s’élèveront dès cette année à 135 millions d’euros, contre 130 millions
précédemment. En contrepartie,
Mme Pellerin souhaite les conditionner à des critères éthiques ou
déontologiques, aux bonnes pratiques sociales ou au respect de la
diversité et de la parité.
Quant aux aides indirectes
(taux « super-réduit » de TVA
et tarifs postaux avantageux), elles seront désormais plus sélectives. Seule la presse d’information politique et générale, ainsi
que la presse « de la connaissance
et du savoir », continueront de
bénéficier des aides postales
(130 millions d’euros annuels actuellement). La presse de loisir
et de divertissement devra s’en
passer.
Aider les médias en création
Les détails de cette réforme des
aides postales ne sont pas encore
connus, puisque la ministre a
lancé des missions qui seront
achevées cet été. Mais le ministère compte sur ce resserrement
pour dégager de quoi accompagner l’innovation. Il s’agirait de
renforcer le Fonds stratégique
pour le développement de la
presse (en l’ouvrant davantage à
des acteurs modestes), mais
aussi de créer un fonds d’accompagnement à la création de nouveaux médias.
Enfin, Mme Pellerin souhaite favoriser la création d’incubateurs
qui, comme le suggère M. Charon,
« accueillent les “pure players”
d’information, les labs des entreprises de presse, ainsi que les
start-up contribuant à la production d’information ». M. Charon
propose aussi des formules de
« start-up en résidence », où une
entreprise éditrice accueillerait
une start-up le temps de faire
aboutir conjointement un projet
innovant, avec une aide de
l’Etat. p
alexis delcambre
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DÉBATS
RENCONTRES
SPECTACLES
25-27
SEPTEMBRE 2015
Le M o n d e.f r/fes t i va l
2
E
É D I T I O N
Opéra Bastille - Palais Garnier
Théâtre des Bouffes du Nord
Cinéma Gaumont Opéra
universités
&grandes écoles
ILLUSTRATIONS : GIULIA D’ANNA LUPO
Optez pour l’alternance !
L’objectif des 500 000 contrats d’apprentissage ou de professionnalisation reste un vœu pieux.
Pourtant, quantité de secteurs, dont le numérique, manquent d’apprentis
E
tudiants, professeurs, entreprises et
pouvoirs publics : tout le monde s’accorde sur les vertus de l’alternance,
qu’elle prenne la forme d’un contrat
d’apprentissage ou d’un contrat de
professionnalisation. Suivre une formation diplômante, en partie en cours et en partie au sein d’une entreprise, permet d’appréhender plus rapidement la réalité du monde du travail et facilite une adaptation, pour l’étudiant
comme pour l’établissement dont il dépend, aux
rapides évolutions technologiques dans quasiment tous les métiers. A l’heure où le chômage
des jeunes demeure une plaie sociétale, l’apprentissage constitue en outre un excellent outil d’insertion : 70 % des alternants sont embauchés en
CDI six mois après la fin de leur formation.
Comment comprendre alors que le nombre
d’alternants, qui avait régulièrement augmenté
depuis 1994, baisse depuis quatre ans ? Comment
se fait-il que l’objectif des 500 000 alternants fixé
en 2005 sous la présidence de Jacques Chirac demeure en déficit de quelque 100 000 jeunes ? Le
« plan de relance » adopté en 2014, avec pour ambition d’atteindre ce même objectif des 500 000
« d’ici à la fin du mandat du président Hollande »,
a-t-il de meilleures chances de succès ?
Les écoles de commerce et d’ingénieurs, autori-
sées à pratiquer l’alternance depuis 1987, sont
moins touchées par cette décrue. A titre d’exemple, l’apprentissage a augmenté d’un tiers en quatre ans dans les écoles de l’Institut Mines-Télécom, observe son directeur des formations, Bertrand Bonte, et concerne aujourd’hui près d’un
quart de ses 2 700 élèves ingénieurs.
Critique de la réforme
Mais nombre de chefs d’établissements s’inquiètent des conséquences de la récente réforme de la
taxe d’apprentissage prélevée auprès des entreprises, qui finance jusqu’à présent leurs budgets à
hauteur d’au moins 10 %. Cette réforme modifie
en effet les modalités d’affectation de la taxe au
bénéfice des régions, dont certaines baissent cette
année leurs budgets consacrés à l’apprentissage.
Les nouvelles dispositions privilégient d’autre
part les centres de formation d’apprentis (CFA).
Les critiques les plus virulentes émanent du
Medef, qui dénonce un système de financement
de l’apprentissage devenu « illisible » et peu incitatif pour les entreprises. Pour celles qui embauchent plus de 3 % de leurs effectifs en alternance,
l’organisation patronale réclame la « pleine
liberté d’affectation de la taxe d’apprentissage »
aux établissements de leur choix, de manière à
mieux adapter les formations aux besoins du
Cahier du « Monde » No 21890 daté Jeudi 4 juin 2015 - Ne peut être vendu séparément
marché du travail. Notre enquête le démontre :
nombre de métiers nés de la révolution numérique ou transformés par elle manquent de profils
pointus.
Or il faut souvent deux à trois ans pour mettre
sur pied une formation en alternance, en collaboration avec les entreprises intéressées et avec
la bénédiction des autorités de l’éducation nationale. Une lourdeur qui se retrouve aussi dans
les formalités administratives nécessaires avant
la signature d’un contrat d’alternant.
De nouveau, les regards se tournent vers l’Allemagne, exemple qui a en partie inspiré la
France. L’alternance s’y pratique depuis quarante ans, et avec succès, eu égard au faible taux
de chômage des jeunes. Or, outre-Rhin, les entreprises sont les opérateurs principaux de la
formation des apprentis.
Signe des temps ? Les besoins urgents des pouvoirs publics français leur commandent davantage de réactivité et de souplesse : les académies
de Créteil, Versailles et Amiens, qui peinent à recruter leurs professeurs, vont expérimenter l’alternance pour les formations en masters des
métiers de l’enseignement, de l’éducation et de
la formation. Pour la rentrée 2016 et peut-être
même pour celle de 2015. p
martine jacot
le paradoxe des formations
en alternance
Alors que les entreprises peinent
à recruter, y compris dans les
métiers en pointe, cet excellent
dispositif de formation ne fait
pas le plein. PA G E S 2 - 3
une forte demande dans
les métiers du numérique
Aucun travail n’échappe aux
technologies. Une formation
bien ciblée permet de s’adapter
aux nouveaux outils et d’être vite
opérationnel. PA G E S 4 - 5
oser approcher des
employeurs potentiels
Même les entreprises qui
ne recherchent pas, a priori,
d’apprentis peuvent se laisser
convaincre de signer un contrat
en alternance. PA G E 8
2|
UNIVERSITÉS
& GRANDES ÉCOLES
| Alternance
0123
Jeudi 4 juin 2015
Relancer
l’apprentissage :
une nécessité
Malgré de forts besoins, l’alternance peine à se développer,
même si elle progresse dans l’enseignement supérieur. Problèmes
de financement et complexité des dispositifs bloquent son essor
Q
ue l’alternance soit un
bon, un excellent dispositif de formation, personne
ne le conteste. Ses résultats en termes de réussite
aux examens, d’insertion
professionnelle et de promotion sociale le démontrent amplement.
Les politiques de tous bords, tout comme le
patronat, ne manquent d’ailleurs pas une
occasion de plaider sa cause.
Cependant, on aurait tort de voir dans l’alternance l’unique solution aux problèmes
de formation et d’accès à l’emploi des jeunes. D’autant que le nombre total d’apprentis est en net recul depuis quelques années.
Les effectifs ont fondu de 8 % en 2013, de
3,2 % en 2014, et ils sont encore en repli de
14 % depuis le début de cette année. De
nombreuses places restent vides dans certains centres de formation d’apprentis
(CFA), faute de candidats. Le flux actuel dépasse seulement 400 000, alors que les
pouvoirs publics viennent de remettre une
nouvelle fois sur la table l’objectif de
500 000 apprentis à l’horizon 2017.
Le constat doit, certes, être nuancé. Dans
l’enseignement supérieur, l’apprentissage
se porte plutôt bien. La majorité des écoles
de commerce proposent désormais une filière de ce type, l’Essec ayant joué un rôle
pionnier en la matière. L’Ecole de management de Normandie accueille 315 apprentis
(en hausse de 40 % en un an), sur un effectif
total de 1 400 élèves ; l’Ecole supérieure de
commerce de Pau en compte près de 300
au niveau master (M1 et M2). Les formations d’ingénieurs en apprentissage se sont
également multipliées.
L’apprentissage pourrait accueillir encore plus d’étudiants si certains acteurs, en
particulier au sein de quelques conseils régionaux, n’étaient tentés de concentrer les
efforts et les moyens financiers sur les bas
niveaux de qualification, du type CAP. « Ce
serait une erreur majeure, estime Bruno
Goubet, directeur de l’Ecole des mines
d’Alès. Car l’essor de l’apprentissage dans le
supérieur a fortement contribué à améliorer
son image. Il doit être une formation d’excellence, à tous les niveaux. Il ne faut surtout pas en faire une filière pour jeunes en
situation d’échec. »
Pour aller plus loin, il faudrait résoudre
la lancinante question de son financement. Car l’alternance coûte cher à l’entreprise : en moyenne, autour de 8 000 euros
par an et par apprenti dans le secteur industriel, par exemple. Et beaucoup plus
dans le cas d’une école de management,
l’entreprise d’accueil devant aussi couvrir
les frais de scolarité de l’apprenti. La récente réforme de la taxe d’apprentissage
va sans doute modifier les équilibres. Il y a
peu de chances qu’elle apporte une solution pérenne, alors que les contributions
des entreprises tendent à diminuer pour
cause de faible croissance. Et les régions,
autre pilier de l’apprentissage avec l’Etat,
ne pourront pas accroître massivement
leur soutien financier.
Il faut surtout que l’apprentissage soit en
phase avec l’évolution des métiers. Certes,
cette adaptation se fait de façon assez naturelle, car le dialogue entre l’entreprise et
l’université ou l’école est inhérent à l’alternance. Il n’empêche : en dépit de ses qualités incontestées, le dispositif reste complexe. D’abord parce qu’il mobilise de
nombreux acteurs (organismes de formation, entreprises et branches professionnelles, régions, organismes collecteurs de
la taxe, sans oublier les CFA eux-mêmes).
Ensuite parce qu’il est régi par nombre de
normes et de règles sur l’organisation des
cursus, la répartition des coûts ou les missions confiées aux jeunes. Conséquence,
l’apprentissage manque de réactivité :
Pour mettre sur pied
une formation répondant
aux besoins des entreprises,
il faut un délai qui peut varier
entre deux et trois années
pour mettre sur pied une formation répondant aux besoins des entreprises, il faut un
délai qui peut varier entre deux et trois années, voire davantage.
La lourdeur du dispositif n’empêche toutefois pas une industrie comme l’aéronautique de tisser des liens forts et constants
avec l’appareil de formation. On y dénombre quelque 5 900 jeunes en alternance
(4 700 en apprentissage et 1 200 en contrat
de professionnalisation) pour 180 000 salariés en tout. L’apprentissage se développe
aux niveaux ingénieur et master, mais
aussi en licence pro et en BTS.
« La priorité va aujourd’hui à la production, indique Philippe Dujaric, directeur
adjoint des affaires sociales et de la formation au Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas).
Méthodes, qualité, achats, gestion de production… Pour tous ces métiers, nos entreprises affichent de forts besoins de jeunes
en alternance. » Le groupe Safran, à lui
seul, accueille chaque année 1 500 appren-
tis. Mais les grosses PME, et en particulier
les équipementiers, peinent à recruter des
alternants – notamment en raison de
leurs coûts.
De leur côté, écoles et universités démontrent qu’elles se sont mises à l’écoute des
entreprises. L’Ecole des mines d’Alès, par
exemple, forme en apprentissage des ingénieurs avec un profil généraliste, mais destinés à un métier. Elle a mis sur pied deux
filières de ce type : informatique et réseaux
d’une part, et conception et maîtrise de la
construction (avec une orientation vers le
bâtiment durable) d’autre part. L’école accueille au total 300 apprentis par année.
« Pour que le cursus fonctionne, il faut garantir la qualité de la formation, explique
Bruno Goubet. Nous assurons donc un suivi
mensuel des apprentis, tout en maintenant
un lien fort avec l’entreprise d’accueil. Nous
avons très peu d’échecs. Mais cela mobilise
300 tuteurs au sein de l’école, et nécessite un
soutien important de la région LanguedocRoussillon. » Même tonalité pour l’ESC Pau :
« L’apprentissage donne d’excellents résultats si l’accompagnement est de qualité », affirme Stephen Platt, le directeur, qui envisage de créer un observatoire de ce type de
formation. p
jean-claude lewandowski
« C’est un bon outil d’insertion et de promotion sociale »
FRÉDÉRIC TOUMAZET, vice-président de l’université Paris-EstMarne-la-Vallée (UPEM), est
chargé des enseignements et de
la professionnalisation. A ce titre,
il est responsable des formations
en alternance, dont les étudiants
représentent près du quart des
effectifs de cette université.
L’UPEM est l’une des universités les plus engagées dans
l’alternance. Quelles sont les
formations les plus prisées
par les employeurs ?
Nous avons environ 2 200 étudiants en apprentissage, et 200 à
300 en contrat de professionnalisation. Une centaine de nos formations, sur 180 en tout, sont
ouvertes en apprentissage, de
bac + 2 à bac + 5. L’alternance est
une tradition à l’UPEM.
Ce qui fonctionne très fort, ce
sont les formations à bac + 5
dans les services : management
(à l’Institut d’administration des
entreprises – IAE – de Paris), banque et finance, assurance, audit
et contrôle de gestion.
Dans ces domaines, le taux
d’insertion est très élevé et les
salaires d’embauche satisfaisants. Idem pour les licences professionnelles dans les services –
en management des organisations, par exemple.
Avez-vous des difficultés
de placement pour d’autres
filières ?
Ce fut le cas pour une licence
pro consacrée à l’automobile, à
cause du tassement de l’activité.
Mais nous l’avons maintenue.
Aujourd’hui, le secteur redémarre
et nous avons même élargi le
contenu de la formation avec un
parcours spécifique à la récupération de véhicules anciens.
En revanche, nous avons fermé
une formation de commerciaux
pour les maisons individuelles.
Comment pilotez-vous
votre offre de formations
d’apprentis ?
Nous procédons régulièrement à sa refonte pour prendre
en compte les besoins des entreprises. L’apprentissage est un
lieu d’échanges entre l’entre-
prise et l’université, notamment
par les comités de pilotage et de
perfectionnement. Nous avons
forcément des liens forts avec
les employeurs.
Combien de temps vous
faut-il pour mettre sur pied
une nouvelle formation
en apprentissage ?
Quand une thématique nouvelle émerge, les entreprises
nous font part de leurs souhaits. Nous discutons avec elles et avec les syndicats de
branche.
Il faut aussi que les différents
acteurs – notamment le conseil
régional – acceptent de nous
donner des droits.
Entre le montage de la formation et son ouverture, il peut se
passer un an et demi, parfois
plus. Mais nous pouvons aussi
accélérer le processus en
ouvrant une formation traditionnelle avec des effectifs limités et, si la demande persiste,
en recrutant en contrat de professionnalisation. Cela permet
de réagir plus rapidement.
L’apprentissage s’est beaucoup
développé dans l’enseignement supérieur. Peut-il encore
progresser ?
Le potentiel reste important.
Mais il faut faire évoluer les formations pour qu’elles restent attractives. C’est ce que nous faisons avec notre université sœur,
celle de Créteil. Il faut aussi
ouvrir davantage l’apprentissage
aux PME et aux TPE, qui ont de
gros besoins.
L’apprentissage est-il
la bonne solution pour
tous les étudiants ?
Ce mode de formation ne
convient pas à tous. C’est un
bon outil d’insertion et de promotion sociale, certes. Mais
certains étudiants auraient du
mal dans un cursus de ce type.
En outre, l’apprenti doit mener de front sa vie d’étudiant
et son emploi. Le rythme est
donc très soutenu. C’est une
réalité qu’on a tendance à
occulter. p
propos recueillis par
j.-c. l.
Alternance |
0123
Jeudi 4 juin 2015
UNIVERSITÉS
& GRANDES ÉCOLES
|3
Les écoles s’adaptent au plus près
des besoins du marché du travail
Pour inciter les entreprises à prendre des apprentis, des centres de formation
n’hésitent pas à se convertir en prestataires de services ou cabinets de recrutement
A
lors que le gouvernement ambitionne de
parvenir à l’objectif de
500 000 contrats en
apprentissage par année à l’horizon 2017, les mois de janvier et
février ont vu leur nombre chuter de 14 % par rapport à la même
période en 2014. Face à la frilosité des entreprises à prendre
des apprentis, écoles et centres
de formation doivent faire
preuve d’écoute, d’ingéniosité et
de réactivité pour répondre aux
besoins et aux évolutions du
marché du travail, et ainsi attirer
les candidats.
« Je suis en contact permanent
avec des DRH d’entreprises pour irriguer de nouvelles tendances dans
les programmes de nos formations », explique François-Xavier
Thery, directeur du développement et des entreprises à Montpellier Business School (MBS). Si
de nombreuses grandes écoles
sont aujourd’hui dotées d’un centre de formation d’apprentis (CFA)
– Toulouse Business School, l’Essec, l’Ecole des mines, etc. –, peu
ont autant investi dans l’alternance et dans l’apprentissage.
Avec 830 alternants dans son
programme master grande école
pour 2014-2015, MBS a vu ses effectifs croître de 30 % en un an.
Quinze personnes à temps plein
y sont chargées de la supervision
des apprentis et des relations
avec les entreprises. « Nous fonctionnons comme un prestataire
de services et un cabinet de recrutement », résume M. Thery. Il
s’agit de répondre en permanence aux besoins de « tel ou tel
profil », de présélectionner les
candidats correspondants, et
d’adapter les formations.
Des profils bac + 5 très prisés
Pour répondre, par exemple, à la
demande d’entreprises impactées
par le numérique, une « majeure »
en dernière année du cursus ebusiness et e-communication a
été créée en 2014. Présence digitale, communication en ligne,
stratégie en e-commerce, marketing par Internet : les parcours de
spécialisation prennent aussi en
compte la révolution cybernétique en cours.
Chaque année, un « conseil de
spécialisation », composé d’enseignants et de professionnels, évalue l’adéquation de la formation
avec le marché de l’emploi pour
faire évoluer son contenu ou le réviser. L’innovation et la proximité
avec les entreprises passeront un
nouveau cap chez MBS à la rentrée
2015 avec la création d’un bachelor accessible en contrat de professionnalisation et consacré à une
entreprise spécifique : Adecco
(travail temporaire). L’entreprise
viendra y coformer, pendant
douze mois, les profils dont elle a
besoin aux compétences idoines.
Au sein du Groupe IGS (Paris,
Lyon, Toulouse), poids lourd de la
formation continue et de l’alternance, où une classe Randstad
(autre entreprise du travail temporaire) du même type existe
déjà, un plan de l’alternance a été
mis sur pied, en 2014, avec « l’ob-
jectif de revoir toutes les formations sous le prisme du numérique », explique Jean-Philippe
Leroy, directeur général adjoint du
groupe, chargé de l’apprentissage.
A la question « Comment le big
data intervient-il dans le
domaine des ressources humaines ? » posée par et avec les professionnels du secteur, des forma-
« En trois ou quatre
mois, nous
sommes capables
de réécrire
une formation en
matière de contenu,
de compétences
et d’évaluation »
Catherine Lapouge
directrice d’activité du Ciefa
tions en e-relations humaines
ont, par exemple, été mises en
place avec succès.
Sur le numérique comme sur
d’autres problématiques, « notre
force est notre réactivité », note
Catherine Lapouge, directrice
d’activité du Centre interentreprises de formation en alternance
(Ciefa), l’une des neuf écoles du
groupe IGS. « En trois ou quatre
mois, nous sommes capables de
réécrire une formation, en matière
de contenu, de compétences et
d’évaluation », assure-t-elle. Une
réactivité surtout possible lorsque les formations sont uniquement certifiées au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Car réhabiliter
un diplôme reconnu par l’éducation nationale prend plus de
temps. « Il faut alors anticiper
l’évolution du métier » pour ne pas
prendre de retard par rapport au
marché du travail, ajoute Catherine Lapouge.
Chez Pôle Paris alternance
(PPA), seule école de commerce
exclusivement accessible en alternance, des comités de perfectionnement, divisés en pôles métier, ont lieu « presque tous les
quinze jours », selon Nicolas Stalin, son directeur.
De quoi être capable d’adapter
une formation d’un semestre sur
l’autre. « La Commission nationale de la certification professionnelle [qui établit et actualise le
RNCP] peut nous retirer une homologation si l’on ne colle pas au
marché du travail », précise-t-il. Le
taux de placement des élèves et
l’évaluation de l’évolution de leur
carrière, entre autres, servent de
baromètre. p
séverin graveleau
business development,
human adventure
A la rentrée, le principal centre de formation d’apprentis
d’Ile-de-France instaurera quinze nouveaux cursus
tionnelles (1 300 inscrits en tout),
ils ont tendance à stagner.
Parmi les métiers les plus porteurs aujourd’hui figure bien sûr
le numérique, pour lequel les industriels affichent de gros besoins. Mais aussi les professions
du commerce et de la gestion. Le
secteur de la banque-finance, à
l’inverse, décline légèrement.
« Un rôle de facilitateurs »
Comment une nouvelle formation en alternance voit-elle le
jour ? « Nous sommes gérés de façon paritaire, par les entreprises
et les représentants des universités et notamment des IUT, rappelle Laurence Bancel-Charensol.
Nous construisons ensemble les
filières et les parcours, du DUT au
master ou au diplôme d’ingénieur. Nous utilisons pour cela les
informations qui nous remontent
sur les métiers en tension, les compétences recherchées, les attentes
des employeurs, et les missions
qu’ils proposent. »
A la rentrée, le CFA lancera ainsi
quinze nouvelles formations
– fruit de plus de deux années de
travail. Parmi celles-ci, trois filières mises sur pied avec l’université Paris-Est-Créteil (UPEC) : développement durable, numérique et santé, entrepreneuriat. « A
l’origine, ce sont des cadres et dirigeants d’entreprise qui ont indiqué à nos enseignants-chercheurs
qu’ils avaient des besoins significatifs sur ces sujets, précise la responsable. Il nous a fallu chercher
des partenaires universitaires,
élargir le spectre des firmes intéressées, travailler avec le conseil
régional d’Ile-de-France… » Le CFA
a également trouvé de quoi financer une résidence d’apprentis à
Créteil, avec des équipements de
domotique évolués.
Pour assurer le suivi pédagogique, le CFA dispose de quinze critères de qualité, qui lui permettent de veiller à la cohérence du
parcours de chaque apprenti.
L’offre de formations peut évoluer : il arrive que le CFA ferme
des cursus – DUT en électronique,
par exemple – lorsqu’ils ne répondent plus aux besoins.
Pour Laurence Bancel-Charensol, les récentes réformes de la
formation et du financement
sont source d’incertitudes :
« Nous entrons dans une période
délicate, qui va sans doute durer
deux ou trois ans. Mais il est probable que les besoins des entreprises vont se maintenir en Ilede-France dans l’enseignement
supérieur. »
Autre difficulté : la chute de
l’apprentissage dans les PME,
pourtant très présentes dans la
région. Aussi le CFA Sup 2000 vat-il se rapprocher des réseaux de
PME, afin de mieux les informer
sur les parcours et les profils d’apprentis. « En réalité, nous avons
un rôle de facilitateurs, tant
auprès des employeurs que des
institutions académiques », conclut la directrice du CFA. p
j.-c. l.
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INSTITUT INTERNATIONAL DU COMMERCE ET DU DÉVELOPPEMENT - CRÉÉ EN 1980
ETABLISSEMENT D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR TECHNIQUE PRIVÉ RECONNU PAR L’ÉTAT
05/2015 DIRECTION MARKETING ET COMMUNICAITON GROUPE IGS
A
vec quelque 3 500 étudiants inscrits et près
de 130 programmes,
c’est le plus important
centre de formation d’apprentis
(CFA) d’Ile-de-France, et l’un des
tout premiers de France. Entièrement voué à l’enseignement supérieur, le CFA Sup 2000 est partenaire de huit universités franciliennes,
du
Conservatoire
national des arts et métiers
(CNAM) et d’une école d’ingénieurs, l’Ecole pour l’informatique
et les techniques avancées (Epita),
offrant ainsi une large palette de
disciplines. Compte tenu de sa
taille, l’établissement couvre la
plupart des métiers et des secteurs (le numérique, le commerce,
la gestion, la banque, l’industrie…),
avec 95 % de réussite aux examens et un taux d’accès à l’emploi
de 73 % en cinq mois à la sortie.
« Les employeurs recherchent de
plus en plus des profils à bac + 5,
observe d’abord Laurence BancelCharensol, la directrice. Ils sont
confrontés à un environnement
plus complexe, ils sont engagés à
l’international… Ils veulent donc
des candidats polyvalents et dotés
d’un bagage solide. » Le CFA affiche
en conséquence une croissance
forte sur les formations de niveau
master et ingénieur, qui comptent
environ 1 350 inscrits. En revanche,
les licences pro (1 250 étudiants)
connaissent un relatif tassement
– mais après une très forte hausse
dans les années 2012 et 2013.
Quant aux DUT et licences tradi-
L’essor du numérique,
une révolution toujours en cours
Commerce en ligne, activités liées au big data… Beaucoup de métiers du numérique ont du mal à recruter.
A la rentrée, cependant, de nouvelles formations devraient améliorer l’offre et atténuer les pénuries
C’
est un fait dorénavant
admis, le numérique
implique la transformation de presque
tous les métiers du
commerce et de l’ingénierie que nous connaissons, et continue d’en créer d’autres. Deux points de
repère suffisent à mesurer les révolutions
en cours.
D’une part, le commerce en ligne a crû
en 2014 dix fois plus vite que le commerce traditionnel, pour atteindre
57 milliards d’euros en chiffre d’affaires.
Un secteur de plus en plus tiré par des
PME ou TPE, jeunes pousses à la croissance exponentielle. D’autre part, les activités liées au big data (collecte et exploitation des masses de données produites
par les objets connectés) ont représenté
environ 1,5 milliard d’euros en 2014 et seront multipliées par six d’ici à 2020, anticipe le comité chargé de piloter le plan big
data du gouvernement. « En termes d’emplois, l’enjeu du big data est de créer ou
consolider de l’ordre de 137 000 emplois,
soit directement dans l’industrie informatique, soit dans des fonctions au sein des
entreprises », poursuit le même comité.
Premier paradoxe : les métiers tout ou
partiellement numériques sont à la fois
parmi ceux qui embauchent et embaucheront le plus – environ 36 000 créations
de postes de cadres sont attendues dans
« Nous cherchons
des profils pointus pour
des compétences qui viennent
tout juste d’émerger »
Perrine Grua
directrice générale d’Aquent France
ce secteur, selon le syndicat professionnel
Syntec Numérique – et ceux qui connaissent les plus fortes difficultés de recrutement. La France manque ainsi cruellement de développeurs Web. Et dans le secteur commercial, le poste de « directeur
multicanal », qui maîtrise aussi bien les
circuits de distribution traditionnels que
ceux du Web, est si rarement pourvu qu’il
est rétribué à hauteur de 250 000 euros
par an. A en juger par les nouvelles formations annoncées pour la rentrée par les
écoles – plus que par les universités –, l’offre de cursus dans les métiers numériques
devrait se développer sensiblement et
contribuer à atténuer les pénuries.
Second paradoxe : le numérique affiche
un retard important en matière d’alternance, en partie parce que les société de
services en ingénierie informatique (SSII)
boudent l’apprentissage. Tout au plus
4 500 contrats d’alternance auraient été
signés en 2012, d’après une estimation de
Syntec Numérique. Ce syndicat professionnel s’est engagé à sensibiliser ses
1 500 membres afin d’atteindre 40 000 alternants d’ici trois ans. Encore faudra-t-il
que les établissements d’enseignement
supérieur, publics ou privés, ouvrent davantage de cursus à l’alternance dans le
numérique.
Perrine Grua, directrice générale pour la
France chez Aquent, agence internatio-
nale de placement dans les secteurs du
marketing et du digital, résume une problématique qui pourrait bien se généraliser : « Nous cherchons des profils pointus
pour des compétences qui viennent tout
juste d’émerger. » Le rythme est si rapide
qu’on ne prend plus la peine de traduire :
chief digital officer (directeur numérique),
data analyst, data scientist, creative technologist, community manager, SEO manager (référenceur Web), media trader
Web ou encore, le plus abscons, UX (pour
« user experience ») design manager.
Caroline Morot, qui occupe cette dernière fonction chez Voyages SNCF, tente
une explication : « Au départ, on nous appelait des ergonomes ou des psychologues.
Ce nouveau métier est en quelque sorte
celui d’un directeur artistique appelé à agir
en interface avec la clientèle. » Ce que
Christophe Chaptal de Chanteloup, qui a
fondé le cabinet de conseil cc & a., a assimilé à une « stratégie pour consommateurs mutants », discipline elle aussi assurée d’un grand avenir. p
martine jacot
Géomatique, géomarketing
et bio-informatique : des nouvelles filières
Recherche hackers
désespérément
Dans des métiers fondés sur des technologies qui se renouvellent sans cesse,
l’alternance permet de rester en phase avec les enjeux du terrain
Les cyberattaques obligent les entreprises
à renforcer leurs équipes
de spécialistes en cybersécurité
A
vec leur triple compétence en mathématiques, en sciences de la
vie et en informatique,
les diplômés du master en bio-informatique de l’université de
Rouen ne connaissent pas la
crise. « Depuis 2011, tous ont signé
un contrat de travail avant même
de soutenir leur mémoire de fin
d’études », constate la responsable, Hélène Dauchel. Car la biologie n’échappe pas au big data.
Dans le sillage du séquençage
du génome humain notamment,
la quantité de données disponibles dans chacun de ces domaines
ne cesse de croître. Pour les analyser et les gérer, les laboratoires des
hôpitaux, les centres de recherche
ainsi que les entreprises pharmaceutiques sont à l’affût d’ingénieurs spécialisés. « Au-delà des
questions de diagnostic et de choix
des traitements en médecine, on
voit surgir de nouveaux enjeux
dans le secteur des biotechnologies
et de la protection de l’environnement », ajoute Mme Dauchel. Mais
si les CV de ses étudiants font
mouche, c’est dû aussi bien à leur
orientation vers un créneau porteur qu’à l’expérience acquise en
contrat d’apprentissage.
A la pointe de l’innovation
Depuis 1999, le master proposé
à Rouen a fait de l’alternance l’une
des clés de sa pédagogie. « La bio-
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7 ORIENTATIONS
PROFESSIONNELLES
(BAC+3 À BAC+5)
informatique est un domaine très
pointu, qui évolue à grande vitesse.
En moins de six mois, de nouveaux
outils peuvent apparaître », poursuit Hélène Dauchel. Grâce à l’apprentissage, les étudiants sont
plongés « au cœur de technologies
qu’on ne pourrait leur offrir en formation initiale ».
L’alternance garantit d’être à la
pointe de l’innovation dans les filières concernées par l’essor du
numérique, y compris l’hôtellerie.
« Nous donnons à nos étudiants le
socle théorique indispensable pour
débuter en marketing et dans la
gestion des hébergements. Mais
nous n’abordons pas de logiciel en
particulier », indique Florence
Maillet, responsable du master
« management des services en
hôtellerie internationale » de
l’université de Cergy-Pontoise
(Val-d’Oise). Les apprentis se familiarisent en entreprise avec ces
outils, parmi lesquels le fameux
« yield management » (« gestion
du rendement »), qui permet de
faire fluctuer les tarifs en fonction
des périodes de l’année et des flux
de réservation.
« En contrat de professionnalisation ou d’apprentissage, les jeunes
se voient confier des missions plus
importantes qu’en stage », relève,
de son côté, Vincent Godard, professeur chargé du master en géomatique, géomarketing et multimédia à l’université Paris-VIIIVincennes-Saint-Denis. Savoir
collecter, stocker, exploiter des
données spatio-temporelles et les
traduire en cartographie sur le
Web : tels sont les buts de ce cursus. Ce type de compétences est
très recherché à l’heure où téléphones mobiles et autres objets
connectés favorisent la géolocalisation. Si l’alternance permet de
gagner en expérience, elle alourdit aussi beaucoup la charge de
travail, ce qui peut dissuader les
moins courageux. « Malgré douze
possibilités de contrat, seuls trois
étudiants ont choisi l’alternance
en 2014 », constate Vincent
Godard. Pour le regretter. p
aurélie djavadi
C
herche alternant pour
poste d’ingénieur en sécurité des systèmes d’information (SSI) ». Les
offres de contrats d’apprentissage
de ce type abondent sur la Toile.
Que ce soit dans le secteur bancaire, celui de l’énergie ou de la téléphonie, les entreprises cherchent à renforcer leurs équipes en
matière sécurité informatique
mais ne trouvent pas toujours les
spécialistes qu’elles cherchent.
En 2012 déjà, un rapport du Sénat
signalait le manque de formations dans ce domaine.
Pour faire face à cette demande,
les écoles d’ingénieurs et les universités ouvrent des cursus, no-
Sur la quarantaine
de diplômes
reconnus par l’Etat,
seuls dix peuvent
être effectués
en alternance
tamment en alternance. Les entreprises elles-mêmes le leur demandent, témoigne Charles
Préaux, directeur de la formation
cyberdéfense à l’Ecole nationale
supérieure d’ingénieurs de Bretagne-Sud (Ensibs). Depuis 2013,
l’école d’ingénieurs délivre, après
trois ans d’études, un diplôme
spécialisé de niveau bac + 5.
« Nous formons 25 à 30 ingénieurs
par an en cyberdéfense. Mais les
entreprises auraient besoin de centaines d’étudiants », constate-t-il.
En France, une vingtaine d’établissements proposent, avec le
système de l’alternance, une
troisième année de licence professionnelle spécialisée en
cybersécurité. Au niveau master,
les cursus en apprentissage sont
plus rares. Sur la quarantaine de
diplômes reconnus par l’Etat,
seuls dix peuvent être effectués
en alternance.
Sébastien Le Corre, 28 ans, a
opté pour le cursus de l’Ensibs de
Vannes. Depuis deux ans, il
passe un mois à l’école, puis un
mois dans son entreprise d’accueil, Orange Consulting, une
filiale de l’opérateur français qui
propose des services de cybersécurité. Grâce à cette formule, il a
l’impression d’apprendre plus
vite : « Quand je reviens à mon
poste de travail, j’applique directement les nouvelles compétences que j’ai acquises en cours.
C’est bien plus efficace. »
A l’embauche, Pierre-Yves Popihn, directeur technique chez
NTT Com Security France, une
entreprise de sécurité informatique d’une cinquantaine de
personnes installée à Bagneux
(Hauts-de-Seine), donne délibérément la priorité aux alternants. « Ils ont déjà quelques années d’expérience et leurs salaires ne sont pas aussi élevés que
s’ils avaient déjà occupé un
poste », dit-il.
Même les entreprises réfractaires aux apprentis changent d’attitude. « Jusqu’à présent, embaucher des alternants n’était pas
dans nos habitudes. Mais face à
l’offre florissante de formations
avec cette formule, nous étudions
de plus en plus de ces candidatures », indique Linda Verzele, chargée des relations avec les écoles
chez Lexsi, une entreprise de sécurité informatique basée à
Bagnolet (Seine-Saint-Denis) qui
emploie 200 personnes.
Les entreprises qui ne sont pas
spécialisées dans la cybersécurité
y trouvent aussi leur compte.
« Quand les étudiants reviennent
en cours avec un problème qu’ils
n’arrivent pas à résoudre au travail, les professeurs les aident,
note Reza Elgalai, responsable
des formations en alternance de
l’université de technologie de
Troyes, qui propose notamment
un master en cybersécurité. Et les
entreprises apprécient. » p
angèle guicharnaud
Alternance |
0123
Jeudi 4 juin 2015
UNIVERSITÉS
& GRANDES ÉCOLES
|5
témoignage
«On m’a tout
de suite
fait confiance»
Angélique Schlick,
23 ans, en contrat
de professionnalisation
chez Axance. En troisième
année de licence de
directeur artistique et de
chef de projet Web à l’Ecole
multimédia de Paris.
Le big data se met à l’alternance
Apprendre à traiter et à exploiter des données massives est aussi accessible
aux apprentis dans le cadre de la formation continue
L
es formations liées au
traitement et à l’exploitation des données massives (big data) ont fait
leur entrée depuis trois ans à
peine dans les établissements
d’enseignement supérieur mais,
déjà, la discipline a sa déclinaison en alternance. Si, pour le
moment, seuls quelques acteurs
les proposent en fin de cursus,
aux diplômés bac + 3 ou 4, ou encore dans le cadre de la formation continue, le secteur pourrait vite surfer sur deux vagues
en même temps.
En 2014, le gouvernement a
lancé un plan « big data » qui
vise à créer 80 000 emplois
dans ce domaine d’ici à 2020, et
le président François Hollande a
fixé, en 2013, l’objectif d’atteindre 500 000 alternants d’ici à la
fin de son mandat.
Le dernier palmarès SMBG, qui
classe depuis dix ans les meilleurs
masters et MBA de France dans
une cinquantaine de spécialités,
décerne une médaille de bronze
dans la catégorie big data au master mobiquité, bases de données
et intégration de systèmes, de
l’université de Nice Sophia-Antipolis. Axée sur l’informatique,
cette formation pionnière, créée
en 1992, est accessible en contrat
d’apprentissage.
D’autres établissements proposent des formations en alternance
qui mettent l’accent sur leurs spécialités. Ainsi, l’Ecole nationale de
la statistique et de l’administration économique (Ensae) alliée à
ParisTech a créé, en 2014, un mastère spécialisé en data science
ainsi qu’une spécialisation de son
cursus d’ingénieur dans cette
nouvelle discipline.
Ces deux diplômes, ouverts à
l’alternance, « reflètent l’ADN de
l’Ensae : la statistique, l’économie,
la finance. Avec la donnée pour
lien », indique Romain Aeberhardt, directeur des études de
l’école. Le programme de mastère
est axé sur trois piliers : méthodologie, technologie-logiciel et
champs d’application.
Les écoles de commerce ne
sont pas en reste. A la rentrée
2015, Paris School of Business
(ex-Ecole supérieure de gestion)
ouvre un master of science (MSc)
en data management, en partenariat avec l’école d’ingénieurs
en informatique et technologies
du numérique Efrei de Villejuif.
Labellisé par la Conférence des
grandes écoles, ce cursus a pour
ambition de « former des profils hybrides avec des compétences techniques en data ». Il s’appuie sur « la
La finance se numérise
Pour répondre à de nouveaux besoins, les métiers de la banque
et de l’assurance proposent des formations en alternance
C
omptes et services accessibles en ligne, explosion
du nombre de données
exploitables, utilisation
des réseaux sociaux : la révolution numérique transforme les
métiers de la banque et de l’assurance. Les formations évoluent en
conséquence pour répondre à ces
nouveaux besoins
Depuis la rentrée 2014, l’Institut
de formation de la profession de
l’assurance (Ifpass) et l’université
Paris-Ouest-Nanterre-la Défense
proposent une licence professionnelle en alternance, intitulée
« métiers de l’e-assurance et services associés ». « Elle permet de former des jeunes aux métiers de l’assurance (souscripteur, gestionnaire et conseiller et webconseiller)
en intégrant la mutation digitale »,
détaille Françoise Odau, responsable des licences professionnelles à l’Ifpass.
Pour encourager l’émergence de
nouveaux cursus, l’Université de
l’assurance, une association qui
regroupe des professionnels et
des formations supérieures du
secteur, a lancé un appel à projets
jusqu’en octobre, et attribuera un
« prix innovation formation digi-
tale en assurance ». « Nous voulons développer de nouvelles spécialités dans les universités », précise Eric Lombard, directeur
général de Generali France et président de cette association.
L’Ecole supérieure de la banque
(CFPB) de Nanterre, qui forme
4 000 alternants sur les
10 000 que la profession accueille
chaque année, a intégré la révolution numérique à son BTS banque
en 2014. « Les clients communiquent sur tablette ou smartphone,
ils doivent pouvoir gérer leur relation avec leur conseiller de multiples façons », explique Catherine
Jovenel, directrice de l’alternance
au CFPB.
Partenariats
Des banques en ligne développent leurs propres outils pour
compléter la formation initiale.
« Nous recrutons plus d’une vingtaine d’alternants par an. Nous les
formons pendant deux semaines à
la communication digitale et à nos
produits puis nous les accompagnons tout au long de leur cursus »,
explique Elise Tricon, responsable
développement ressources humaines d’ING Bank France.
De son côté, la Société générale
a renforcé depuis trois ans l’ensemble de ses partenariats avec
des formations en informatique
et parraine, cette année, les promotions de trois écoles d’ingénieurs en informatique. Cette
banque emploie près de 2 000 alternants, dont 235 dans la filière
des systèmes d’information.
« C’est là que se concentre une
grande partie de nos nouveaux
métiers liés à la mobilité, la banque à distance, au digital et à la sécurité », constate Marine Loevenbruck, responsable adjointe du
pôle Campus management et
communication recrutement.
Les banques et les assurances recherchent également des spécialistes de l’exploitation des données massives (big data) et de la
cybersécurité. Des formations
sont proposées en alternance,
comme le master 2 « système d’information de l’entreprise étendue » (audit et conseil) de l’université Paris-Dauphine, ou le mastère
spécialisé « data science » de
l’Ecole nationale de la statistique
et de l’administration économique (Ensae ParisTech). p
coralie donas
collecte et l’analyse de données
dans le cadre de la définition de
stratégies en marketing », explique
Rony Germon, son responsable.
« Il y a encore quelques années,
on faisait appel à son intuition
En 2014,
le gouvernement
a lancé un plan
« big data »
qui vise à créer
80 000 emplois
dans ce domaine
d’ici à 2020
pour capter une tendance et lancer un produit, poursuit-il.
Aujourd’hui, avec les masses de
données cybernétiques devenues
accessibles, nous sommes en capacité de comprendre ce que les
consommateurs recherchent. »
La formation, organisée pour
favoriser l’alternance, pourra
être prise en charge par le salarié,
son entreprise ou un organisme
paritaire collecteur agréé (OPCA)
dans le cadre de la formation
continue.
Les plus gros recruteurs du secteur comme Axa ou IBM se disent
intéressés par ces nouveaux spécialistes de la data qui permettent
une diversification des profils au
sein des équipes, ainsi qu’une fidélisation à l’entreprise et à ses
valeurs. Ils louent les atouts de
ces futurs collaborateurs potentiels, tout en privilégiant pour le
moment les formations classiques… vieilles de trois ans. p
séverin graveleau
« PASSIONNÉE
de graphisme,
après une
prépa multimédia à l’école
Itecom, à Paris,
j’ai choisi
DR l’alternance,
d’abord en BTS puis lorsque
j’ai intégré l’Ecole multimédia, en octobre 2014. L’apprentissage présente un avantage réel sur les formations
classiques, celui d’être tout de
suite opérationnel une fois
diplômé. En plus, cela finance
mes études et je suis payée…
C’est la formule idéale.
Le rythme est soutenu : une
semaine à l’école puis trois semaines chez Axance, au sein
du pôle direction artistique
qui compte quatre personnes.
Notre rôle est de rendre les sites ou les applications, que
nous concevons pour nos
clients, esthétiques et faciles
d’utilisation. On m’a tout de
suite fait confiance et délégué
des tâches importantes.
Axance compte une quarantaine de salariés mais a de
gros clients. Du coup, j’ai pu
participer à des projets d’envergure – amélioration du site
de la SNCF, une application
pour Universal Music –, tout
en ayant une tutrice disponible et soucieuse de ma
progression. » p
propos recueillis par
françoise marmouyet
6|
UNIVERSITÉS
& GRANDES ÉCOLES
| Alternance
0123
Jeudi 4 juin 2015
Quand l’industrie
s’organise pour recruter
Des groupements d’employeurs mettent en relation des entreprises proposant
des contrats en alternance et des personnes en recherche d’emploi. Reportage à Nantes
P
our Ronan Le Corre, le plus
dur a été de se faire aux
tournées. « Quand on est du
matin, on commence à
5 heures à l’atelier et on finit
à 13 heures avec une coupure casse-croûte. On s’est à peine adapté
que, la semaine suivante, il faut retourner
en centre de formation avec des horaires
de cours classiques », soupire le grand
gaillard de 20 ans au sourire timide, en
blouse grise et grosses chaussures de sécurité. Le jeune homme est apprenti sérigraphe dans l’entreprise Lacroix Signalisation, la première en France dans son
domaine (panneaux routiers, feux de
chantier, etc.), basée à Saint-Herblain, à
côté de Nantes (Loire-Atlantique).
Au milieu du bruit des moteurs et des
effluves d’encre, il est fier de montrer la
grande machine sur laquelle il commence à sérigraphier des pièces simples.
A côté, un ouvrier expérimenté lui explique les gestes du métier ainsi que les subtilités dans le mélange des encres. Et chaque vendredi – il alterne avec une semaine en formation –, le chef d’atelier
fait un point avec lui.
Il y a deux ans, Ronan Le Corre, originaire de Rennes, n’aurait jamais imaginé
passer un CAP (certificat d’aptitude professionnelle) de sérigraphie. Il ne connaissait même pas le métier. Lycéen en
filière professionnelle, il avait choisi la
comptabilité. « Mon père est comptable,
je n’avais pas trop d’idées, je me suis dit
qu’il pourrait m’aider », explique-t-il. Très
vite, il se rend compte que cette matière
ne lui plaît pas.
En terminale, pour son stage de cinq
semaines, il se retrouve au service
comptabilité d’une petite entreprise de
sérigraphie. Et là, il accroche. Il cherche
alors à se faire embaucher. Mais avec
son bac pro compta, il n’a pas la moindre qualification. Il déniche un centre de
formation proposant la sérigraphie
– Grafipolis, à Nantes. Mais c’est à une
centaine de kilomètres de chez lui. Et il
ne trouve pas d’entreprise pour le prendre en apprentissage, condition pour
s’inscrire. Durant un an, il enchaîne
alors les petits boulots, manutentionnaire à l’hôpital, déménageur…
Et il a un coup de chance. A Saint-Herblain, le groupement d’employeurs pour
l’insertion et la qualification (GEIQ) Industrie de Loire-Atlantique recherche un
apprenti pour l’un de ses membres,
Lacroix Signalisation. Créé en mars 2013,
cet organisme met en rapport des entreprises proposant des contrats en alternance – d’apprentissage ou de professionnalisation – et des publics en difficulté, des décrocheurs ayant quitté l’école
sans diplôme, des chômeurs ou des personnes en reconversion. Pour le poste de
sérigraphe, le GEIQ reçoit des dossiers de
candidature de la part de ses partenaires
– Pôle emploi, les missions locales, mais
aussi des centres de formation comme
Grafipolis. Et, parmi eux, celui de Ronan
Le Corre.
Les deux conseillères du GIEQ , qui suivent au total 21 alternants, effectuent
alors un premier tri. Puis elles étudient à
fond les dossiers retenus – les profils, les
compétences mais aussi le savoir-être et
la faisabilité pour chacun d’occuper le
poste. « Pour Ronan, il a fallu vérifier s’il
était prêt à s’installer à Nantes et s’il avait
une voiture pour venir travailler la nuit,
on l’a aussi aidé à trouver un studio », explique Bénédicte Véron, conseillère au
GEIQ. Aujourd’hui, c’est sa collègue
Jésabelle Marchard qui le suit : elle reçoit
ses bulletins de notes et fait le point régulièrement avec le chef d’atelier. « Le but
est de proposer à l’entreprise des personnes qui vont aller jusqu’au bout, poursuit
Bénédicte Véron, afin qu’elles soient embauchées ou qu’elles soient employables
et trouvent ailleurs. »
Les GIEQ sont environ 160 en France.
Une douzaine sont spécialisés dans l’industrie comme celui de Loire-Atlantique
dont l’un des fondateurs est l’UIM 44,
branche locale de la puissante Union des
industries et des métiers de la métallurgie
(UIMM) qui s’est engagée à faire passer de
40 000 à 46 000 le nombre de jeunes en
alternance d’ici à 2020, afin de combler
des milliers de postes non pourvus.
L’intérêt de ces regroupements pour les
employeurs est de former du personnel
au plus près des besoins de l’entreprise,
en particulier pour les « métiers en tension », ceux où la demande des employeurs excède l’offre. Dans l’industrie
notamment, certains métiers comme
usineur ou ajusteur-monteur, mal connus ou souffrant d’une mauvaise image,
n’attirent plus.
« Nous avons choisi
des publics en difficulté,
dans le cadre
de la responsabilité sociale
de l’entreprise »
Jean Garos
président du groupe Garos
« Nous recrutons pour des métiers de
l’industrie qui évoluent beaucoup avec la
technologie. Un technicien d’usinage doit
savoir programmer une grosse machine,
par exemple », explique Annie Trehondat, directrice générale du groupe Garos,
à l’origine de ce GEIQ. Son président, Jean
Garos, souligne, lui, la dimension sociale
de la démarche : « Nous avons choisi des
publics en difficulté, dans le cadre de la
responsabilité sociale de l’entreprise. »
Avec son salaire de 1 000 euros net par
mois, Ronan Le Corre est content de sa
nouvelle vie nantaise : « J’aime l’atelier, on
est tout le temps debout, les supports sont
variés, on ne s’ennuie pas. » Il songe à aller
plus loin, un bac pro et peut-être un BTS
(brevet de technicien supérieur). Une
chose est sûre : la comptabilité est loin
derrière lui. p
véronique soulé
(nantes, envoyée spéciale)
Du bac professionnel
à la licence en alternance
UNIVERSITÉ DE TECHNOLOGIE DE COMPIÈGNE
UTC
Au Centre
d’innovation de l’UTC,
je développe mon idée, je mature mon projet,
je réalise des prototypes...
Je suis à la
recherche
d’idées
nouvelles
J’ai une idée
de produit,
service...
Ça m’intéresse !
J’ai besoin
d’une veille
technologique
J’ai un ancien
produit, je
voudrais
l’adapter
Je veux
m’installer en
Picardie
Je
veux juste
réaliser un
proto
Je veux
rencontrer des
experts,
chercheurs
...
Je veux
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donnons un sens à l’innovation
Parmi les étudiants de l’école Vaucanson de Saint-Denis,
44 % trouvent un emploi six mois après l’obtention de leur diplôme
A
22 ans, Arane Ciss a réalisé son vœu : trouver
un métier où elle puisse
« aider les autres ».
Après une licence de management
en alternance à l’école Vaucanson
de Saint-Denis, elle a intégré, à la
rentrée 2014, un master à l’Institut
supérieur du transport et de la logistique internationale (Isteli) à Paris. Objectif : travailler dans l’humanitaire. « Je voulais être assistante sociale mais mon niveau
scolaire a été jugé insuffisant, raconte-t-elle. J’ai été dirigée vers un
bac pro en vente. » Une conseillère
d’orientation la met alors sur la
voie de Vaucanson.
Créé en 2010 par le Conservatoire national des arts et métiers
(CNAM), l’établissement s’appuie
sur l’apprentissage et la pédagogie
par projet, afin de permettre à des
bacheliers professionnels d’obtenir l’une des deux licences générales proposées, management ou
méthodes et sciences industrielles. Un défi puisque moins de 5 %
des bacs pro qui intègrent l’université décrochent un diplôme. « Les
enseignements sont abordés en petits groupes, à partir de cas concrets », souligne Thibaut Duchêne,
chargé du développement en région (une école Vaucanson a été
inaugurée à Saint-Brieuc en 2013
et une troisième ouvrira ses portes à Pointe-à-Pitre à la rentrée
2015). L’accent est aussi mis sur le
comportement, l’expression et les
savoirs élémentaires, en sus des
compétences techniques.
Grande volonté d’adaptation
« Nous ne proposons pas de licence au rabais », insiste Pierre Rieben, le directeur de l’école. Parmi
les diplômés de l’école, 56 % poursuivent leurs études en master et
44 % trouvent un emploi au bout
de six mois. Ils sont gestionnaires
d’achat, contrôleurs de gestion ou
technico-commerciaux et gagnent entre 1 500 et 2 500 euros
brut par mois.
Les promotions de l’établissement ne comptent qu’une vingtaine d’élèves alors qu’elles pourraient en accueillir le double. « Les
entreprises ont des préjugés sur la
filière pro, estime M. Rieben. Elles
pensent que ces jeunes n’ont pas un
niveau académique suffisant ou ne
maîtrisent pas les codes sociaux.
Notre travail pédagogique consiste
à développer ces compétences chez
nos élèves, qui montrent une
grande volonté d’adaptation. »
Etant donné que le contrat d’apprentissage court sur trois ans, les
entreprises sont exigeantes avant
de s’engager. « Il m’a été plus facile
de trouver un contrat de professionnalisation au niveau de mon
master que de trouver une entreprise pour mon contrat d’apprentissage en licence, notamment à
cause du rythme de l’alternance qui
est de sept semaines à l’école, sept
semaines en milieu professionnel »,
souligne Arane Ciss.
« Il est compliqué de confier des
missions dans la durée aux apprentis avec une aussi longue coupure »,
constate Antonio Visus, chargé de
mission à la direction des ressources humaines d’EDF. Message
reçu : à la rentrée 2015, l’alternance
se fera sur trois semaines. p
nathalie quéruel
Alternance |
0123
Jeudi 4 juin 2015
UNIVERSITÉS
& GRANDES ÉCOLES
|7
Les bonnes perspectives
liées à l’environnement
La multiplication des normes exige de nouvelles spécialisations
E
n matière d’environnement, le moteur d’un nouveau marché, c’est la réglementation », assène
Alain Dumestre, directeur technique de Serpol, entreprise spécialisée notamment dans la dépollution de sites industriels. Depuis
une vingtaine d’années, c’est en
effet la multiplication des normes
qui a contribué à développer de
nouvelles spécialisations dans la
dépollution des sols, le désamiantage, l’élimination des déchets
toxiques, autrement dit dans le
domaine de ce qu’il est convenu
d’appeler la responsabilité sociétale des entreprises.
« Avant, pour tout ce qui était
qualité, sécurité et environnement,
on attribuait simplement une nouvelle casquette à un membre du
personnel,
indique
Thierry
Dalstein, responsable du master
en alternance Ingénierie du développement durable de l’université de Lorraine. Puis, les entreprises se sont rendu compte qu’il leur
fallait des spécialistes formés adéquatement. Du fait que la réglementation évolue tous les six
mois, il leur faut aussi des gens capables de s’adapter. »
Contrat d’embauche
Des formations ont été créées
pour répondre à ces nouveaux besoins. Le master professionnel
« environnement et risques » de
l’IG2E (Institut du génie de l’environnement et de l’écodéveloppement) de l’université Lyon-I en est
un exemple. Ce cursus propose notamment des cours sur les risques
industriels et le développement
durable deux semaines par mois,
les étudiants travaillant en entreprise les deux autres semaines.
« L’alternance est un vrai avantage
dans les nouveaux métiers, assure
Alain Dumestre, dont l’entreprise
Serpol est partenaire du master.
Les cours à l’université, très généralistes, ne correspondent pas forcément à nos métiers. L’alternance
permet d’entrer dans le détail. L’étudiant acquiert les bases à l’école, et
« J’ai décroché un travail avant
même d’être diplômé »
Boris Dedecker, 24 ans, ingénieur en informatique
dans une entreprise d’énergies renouvelables.
« ÉTUDIANT à l’école supérieure d’informatique Supinfo de Lille, j’ai suivi pendant près de trois ans des cours en alternance dans une entreprise opérant dans
les énergies renouvelables, Boralex, dans
le Pas-de-Calais. Durant ma troisième
année d’études, j’y ai travaillé deux jours
par semaine, revenant ensuite à Lille
pour trois jours de cours. Ce qui a nécesDR
sité une bonne organisation et du travail scolaire les
week-ends.
Progressivement, mes supérieurs m’ont confié de plus en
plus de responsabilités et m’ont demandé de travailler
pendant les congés scolaires. En 2014, un stage de fin
d’études de six mois m’a permis de parfaire ma formation, toujours chez Boralex. Durant ce stage, l’entreprise
m’a proposé de signer un CDI en tant qu’ingénieur informatique. J’ai aussitôt accepté, fier d’avoir décroché un
travail avant même d’être officiellement diplômé.
J’apprécie particulièrement de pouvoir accomplir des
tâches variées. Je centralise les données des éoliennes et
des panneaux solaires, je fais du développement informatique, je contrôle le bon fonctionnement des appareils… Il
m’arrive aussi de me déplacer dans la France entière pour
effectuer de la maintenance informatique ou pour mettre
à jour les réseaux Wi-Fi dans les différents locaux de l’entreprise. J’ai beaucoup progressé depuis la signature de
mon contrat d’alternance. Ce métier me passionne. » p
INTÉGREZ
Les écoles de ce secteur s’efforcent
cependant de promouvoir l’alternance
LA PROMOTION
2015 -2016 DU
E
l’entreprise et gagnent en maturité », constate Cyril Georgin, directeur des relations avec les entreprises et responsable de l’alternance au sein d’Isart Digital,
une école parisienne des métiers
du jeu vidéo.
Avec une rémunération entre
65 % et 100 % du smic (selon l’âge
et le diplôme de l’étudiant) et la
« Depuis la création
de notre entreprise,
en 2008,
nous avons gardé
environ 80 %
de nos stagiaires
ou apprentis »
Nicolas Simon
directeur de la production
chez Dontnod
prise en charge totale ou partielle par l’entreprise d’accueil
des frais de scolarité (entre 6 900
et 7 500 euros par an selon la for-
mation), le contrat d’apprentissage est un véritable argument
pour l’école. Et pour des étudiants qui « n’auraient jamais pu
se payer une école autrement »,
poursuit Cyril Georgin.
François-René Boulard, 25 ans,
suit une formation de chef de
projet à Isart Digital, après deux
années en conception et programmation de jeux. Il a effectué
tout son cursus en alternance et,
cette année, il a rejoint Dontnod,
un studio de développement de
jeux vidéo. S’il est conscient des
bénéfices de cette immersion en
entreprise et de la belle ligne que
cette expérience lui fournira sur
son CV, il s’inquiète cependant
des débouchés.
D’après Nicolas Simon, le directeur de la production au sein de
Dontnod, il a toutes ses chances :
« Depuis la création de notre entreprise, en 2008, nous avons
gardé environ 80 % de nos stagiaires ou apprentis », dit-il, ce
qui correspond à une vingtaine
d’embauches. p
laura buratti
erwin canard
témoignage
Les entreprises de jeux vidéo
préfèrent les stagiaires
ntre stagiaires ou apprentis, les entreprises
ont l’embarras du
choix : les étudiants qui
rêvent de créer les jeux vidéo de
demain sont légion… Aussi,
beaucoup de petites ou moyennes entreprises préfèrent-elles
le statut de stagiaire, moins
coûteux pour elles, à celui d’apprenti.
Samuel Boullier, 23 ans, suit
des cours à Isart Digital les lundis et mardis et rejoint, les autres
jours, les équipes de Bulkypix, la
société de développement et
d’édition de jeux qui l’accueille.
Il gagne 300 euros par mois et a
dû
payer
lui-même
les
7 500 euros de son année de formation pour devenir chef de projet. Pour s’en sortir, il habite chez
ses parents.
Cependant, plusieurs écoles de
formation en jeux vidéo s’efforcent de promouvoir l’alternance
et s’en font les avocats. « L’alternance dans le milieu du jeu vidéo
est une évidence. Les étudiants
s’intègrent progressivement dans
ne manque pas de débouchés :
95 % des étudiants du master de
l’université de Lorraine ont un
contrat d’embauche trois mois
après avoir obtenu leur diplôme,
et plus de 90 % des détenteurs du
master de l’IG2E ont un emploi un
an après la fin de leur cursus. Etudiant en master 2 à l’IG2E,
Maxime Bischoffe a, lui, déjà une
promesse d’embauche de l’entreprise dans laquelle il est en alternance. Et, de l’avis général, les besoins dans les métiers liés à l’environnement iront croissant. p
nous le formons aux besoins spécifiques de notre entreprise. »
« Les problématiques du terrain
remontent à l’école presque en direct par les étudiants », constate
Thierry Dalstein de l’université de
Lorraine. De son côté, Claude
Armengaud, directrice adjointe
du master de l’IG2E, indique que
ce cursus évolue en fonction des
nouvelles normes sur le bilan
carbone, les certifications et les
diagnostics énergétiques.
L’alternance pour les formations aux métiers relatifs à la responsabilité sociale des entreprises
propos recueillis par matthieu wallart
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8|
UNIVERSITÉS
& GRANDES ÉCOLES
| Alternance
0123
Jeudi 4 juin 2015
L’art de négocier un contrat
Près de la moitié des apprentis obtiennent une mission à l’issue d’une candidature spontanée
A
lternance possible ». La
mention figure entre parenthèses, tout en bas
d’une offre de stage pour
un poste de graphiste récemment publiée sur un
site de petites annonces. Bon nombre
d’entreprises se laissent la possibilité de
choisir la nature du contrat, stage ou alternance, en fonction du profil et de la
motivation du candidat retenu. Celles et
ceux qui souhaitent mêler études et travail posent donc leur candidature en alternance aux offres de stage. Les prétendants n’hésitent pas à insister. Il faut dire
que l’alternance, en baisse, présente bien
des avantages par rapport au stage : la
possibilité de suivre une mission de A à
Z, une rémunération correcte et une reconnaissance professionnelle.
Il existe deux types de contrats d’alternance. L’apprentissage relève de la formation initiale et la professionnalisation
de la formation continue. Ce dernier contrat n’est pas uniquement ouvert,
comme l’autre, aux jeunes âgés de 16 à
25 ans, mais également aux demandeurs
d’emploi ou aux bénéficiaires du revenu
de solidarité active (RSA). Dans les deux
cas, la rémunération dépend de plusieurs facteurs, dont l’âge et le niveau de
formation. Elle s’élève au maximum au
smic pour un adulte de plus de 26 ans en
contrat de professionnalisation. Le simulateur de salaire en ligne Portail de l’alternance permet d’être fixé avec précision.
L’école de management Ecema de Lyon
est l’un des rares établissements à proposer l’intégralité de ses cursus en alternance. Elle oblige tous les candidats
qu’elle recrute à suivre un séminaire de
deux jours sur les techniques de recherche d’entreprise, assorti d’un module intitulé « apprendre à négocier une alternance auprès d’une entreprise ». Car négocier s’apprend.
Marine Stamper, 24 ans, étudiante en
master 2 à l’Institut d’administration des
entreprises (IAE) Lille-I, a été animatrice
commerciale en grande surface le temps
d’un été, au cours duquel elle n’a pas hésité à aborder le responsable communication d’une marque de spiritueux. « J’y
suis allée au culot. Je l’ai supplié de prendre mon CV tout en vantant mes qualités », raconte-t-elle. Quelques semaines
plus tard, elle signait le tout premier contrat d’apprentissage pour un poste de
chef de secteur dans la grande distribution de cette société.
Ce n’est pas parce qu’une entreprise ne
publie pas d’offre d’alternance qu’elle n’a
pas besoin d’apprentis. Selon Frédéric
Sauvage, vice-président de l’Association
nationale pour l’apprentissage dans l’enseignement supérieur (Anasup), environ
la moitié des apprentis ont obtenu un
contrat à l’issue d’une candidature spontanée. Il distingue deux manières de procéder. « La plus courante, explique t-il, est
de contacter les entreprises ou les professionnels partenaires de son établissement
de formation. Ce dernier est généralement
un point d’accroche et un vecteur de confiance pour la négociation. » D’où l’importance de bien se renseigner sur le réseau professionnel des écoles, universités et autres centres de formation
d’apprentis (CFA).
« L’autre méthode, poursuit Frédéric
Sauvage, consiste à se débrouiller complètement seul, sans aiguillage scolaire. Environ 10 % des apprentis ayant recours à la
candidature spontanée procèdent ainsi. »
Morgan Marietti fait partie de ceux qui
ont fait cavalier seul, alors qu’il était étudiant en licence professionnelle. A seule-
ment 26 ans, il est aujourd’hui président
de la PME Proactive Academy, un organisme de formation basé à La GarenneColombes (Hauts-de-Seine) qui aide à
son tour chaque année près de 1 000 jeunes à signer un contrat d’alternance.
« Nous encourageons les candidats à
abandonner la démarche traditionnelle :
“Bonjour, vous cherchez un apprenti ?”,
pour adopter une stratégie plus fine », résume Morgan Marietti. Elle passe par dif-
« J’y suis allée au culot.
Je l’ai supplié
de prendre mon CV
tout en vantant
mes qualités »
Marine Stamper
étudiante en master 2
férentes étapes : cibler les sociétés du
secteur visé (les PME sont moins sollicitées, plus accessibles et plus souples que
les grandes entreprises), les questionner
afin de montrer son intérêt, et tenter
d’identifier les missions possibles. « La
négociation arrive en dernier temps. Le
professionnel avec lequel vous avez créé
un lien ne vous opposera pas une fin de
non-recevoir. Au pire, il vous mettra en relation avec quelqu’un et vous finirez par
trouver », assure M. Marietti.
Proposer ses services à une entreprise
qui, a priori, ne cherche pas d’apprenti
demande du temps. Alors comment faire
quand on est encore bredouille à quelques mois seulement de la rentrée ? Une
partie des étudiants que nous avons pu
contacter ont rapidement trouvé grâce à
leur ancien maître de stage. Les Salons de
l’alternance offrent par ailleurs la possibilité de rencontrer des professionnels
impliqués dans l’apprentissage. Une
aubaine : parvenir à contacter la bonne
personne est parfois long, surtout dans
les grandes entreprises.
Les conférences et autres rencontres
professionnelles organisées par les acteurs d’un secteur donné permettent
aussi de se tenir informé. Désertées par
les étudiants, elles sont un excellent
moyen de se distinguer en y participant
pour se renseigner et rencontrer les interlocuteurs-clés. p
martin rhodes
Effectuer son apprentissage à l’étranger : c’est possible
Ecoles et centres de formation des apprentis encouragent de plus en plus la mobilité internationale, peu développée actuellement
O
n ne le sait pas toujours,
mais il est possible d’effectuer une partie de sa formation dans une entreprise ou sur un campus à l’étranger
pendant son alternance, même si cela
exige des aménagements. « Quel que
soit le type de cursus, il est aujourd’hui
inconcevable de faire l’impasse sur l’international », estime ainsi Marina
Galderisi, responsable de l’apprentissage à l’Institut des hautes études économiques et commerciales (Inseec,
dont les campus sont à Bordeaux, Paris, Lyon et Chambéry).
Bien implantée à l’étranger, cette
école de commerce, l’une des pionnières dans l’alternance, impose à ses
apprentis de partir au minimum
quatre semaines hors de France.
Comment s’y prendre ? Première solution : partir en mission pour le
compte de son entreprise. C’est ce qu’a
fait Clément Cottet, ingénieur de
24 ans, diplômé en génie mécanique
de l’université de technologie de Compiègne (UTC), qui a passé trois ans en
apprentissage chez Snecma (Safran).
En dernière année, en 2014, il a effectué
une « mission longue durée » de
quatre mois à l’université de Brasilia.
« Snecma a un partenariat avec ce campus. J’ai progressé dans un secteur que
je ne connaissais pas, celui des vibrations, et j’ai appris le portugais ! », s’enthousiasme le jeune homme, embauché en CDI à son retour.
Effectuer son apprentissage dans un
grand groupe facilite les choses. Rima
Boudrai, en troisième année à l’Inseec,
et apprentie chez IBM France, le confirme : « J’ai prospecté en interne pour
voir quelles filiales pouvaient m’accueillir à l’étranger et, sans trop de difficultés, j’ai pu partir aux Etats-Unis puis
au Brésil », raconte-t-elle. A défaut, il
existe également des conventions de
« mise à disposition » entre entreprises
françaises et étrangères.
« Il faut aller plus loin »
Compte tenu de sa proximité avec
l’Allemagne, l’Alsace a, de son côté, développé un dispositif original : l’apprentissage transfrontalier. « Depuis
septembre 2013, un cadre législatif nous
permet d’envoyer des jeunes se former
dans des entreprises du Bade-Wurtemberg et de Rhénanie-Palatinat », explique Jean-Claude Haller, directeur du
Centre de formation d’apprentis (CFA)
de la chambre de commerce et d’industrie de Strasbourg. Une centaine
d’apprentis de la région effectuent leur
apprentissage outre-Rhin.
Autre solution : non pas travailler,
mais étudier à l’étranger. A l’Ecole
supérieure d’ingénieurs de l’université Paris-Est-Marne-La Vallée (Esipe),
par exemple, les six filières en apprentissage bénéficient en dernière année
d’une plage de six mois réservée aux
cours. Les étudiants peuvent ainsi
consacrer un semestre d’études à
l’étranger, ce que l’Esipe encourage
fortement.
L’école de commerce et de gestion
Pôle Paris Alternance (PPA) a, quant à
elle, mis en place un accord avec la
Millennium City Academy de Londres.
Pendant leur premier semestre, les
étudiants de quatrième année alternent une semaine de cours sur le campus londonien et deux semaines de
travail en entreprise en France.
Pour promouvoir les départs, il
existe des aides, attribuées par certains
CFA et régions, et par le programme
européen Erasmus +, qui a financé la
mobilité de plus de 11 000 apprentis et
stagiaires de la formation professionnelle initiale en 2013. « Il faut aller plus
loin, avec un système européen commun de reconnaissance des acquis d’apprentissage », juge Antoine Godbert,
directeur d’Erasmus +. Ce système
d’équivalences pourrait aider les alternants à faire valoir leur formation
auprès d’entreprises européennes. p
françoise marmouyet
5e forum
du conseil
économique,
social et
environnemental,
le 4 juin,
à paris
Vivre ensemble
Changement climatique :
l’urgence de la mobilisation
D’ordre économique, écologique ou social, les mutations qui s’imposent sont aussi philosophiques
C
ette fois, il y a le feu au lac. Pas seulement au figuré, pour dire que
l’urgence s’impose. Presque au
sens propre : le changement climatique s’intensifie et s’accélère, au
risque de devenir hors de contrôle.
Ses conséquences imprévisibles ne se contenteraient pas de bouleverser l’existence des générations futures, elles menaceraient leur survie. Il
va de soi que le pire n’est pas certain. Mais il n’est
pas exclu non plus.
Certes, la prise de conscience mondiale est en
route. Mais elle demeure lente, trop peu efficace
au regard des enjeux. Tout le monde sait, désormais, que le climat change. Mais cette représentation reste floue. La métamorphose annoncée
paraît lointaine. Ou bien inéluctable. En général,
nous ignorons ce qui va bientôt changer dans
notre vie quotidienne. Trop souvent, nous
n’avons pas d’idée claire et nette de ce que chacun peut faire, concrètement, pour s’adapter. Et
aussi pour atténuer, dans la mesure du possible,
le processus.
C’est pourquoi le Forum annuel du vivre-ensemble du Conseil économique, social et environnemental (CESE) – le cinquième depuis 2011,
organisé en partenariat avec Le Monde, et qui se
tiendra le 4 juin au Palais d’Iéna –, se veut
d’abord pédagogue et concret. Dialogues, expo-
sés et débats donneront la priorité aux mesures
pratiques qui concernent tout le monde et qui
peuvent être efficaces. Car les conséquences prochaines du changement climatique vont toucher – pays par pays, région par région – l’habitat
aussi bien que les transports, l’énergie aussi bien
que la santé, le travail aussi bien que la consommation, sans oublier l’éducation, le tourisme,
l’alimentation… et ainsi quantité de gestes de
tous les jours.
Intitulé « Vivre ensemble le changement climatique. Entre subir et agir », ce Forum s’inscrit,
avec sa spécificité, dans les événements labellisés COP 21. Rencontre interdisciplinaire, il rassemble personnalités, citoyens, collégiens et lycéens autour des membres du CESE, de leurs travaux et recommandations. Comme le vivre-ensemble se construit au milieu des tensions,
chaque édition explore un couple d’opposés :
« Confiance et défiance » (2011), « Temps court et
temps long » (2012), « Richesse et pauvreté »
(2013), « Unité et diversités » (2014).
Cette année, marquée par la tenue à Paris de la
Conférence mondiale sur le climat, les organisateurs veulent mettre en lumière les multiples
liens existant entre cette métamorphose cruciale et le vivre-ensemble. Car le changement climatique a un impact direct sur les relations interhumaines. Les attitudes mentales nouvelles
Cahier du « Monde » No 21890 daté Jeudi 4 juin 2015 - Ne peut être vendu séparément
qu’il requiert, les comportements nouveaux
qu’il exige doivent être compris et décidés par
l’ensemble des citoyens. Aussi activement que
possible. Car vivre ensemble ne signifie pas passer du temps côte à côte. Ni endurer passivement
les mêmes situations. Il s’agit, avant tout, de décider en commun, d’organiser démocratiquement la vie collective, à tous les échelons. Idéalement, du village à la planète. Partout, en effet, local et global s’entrecroisent, comportements individuels et décisions collectives s’enchevêtrent.
Cette pluralité de registres caractérise tous les
défis contemporains. Le changement climatique
plus que tout autre. En effet, qu’il s’agisse de
s’adapter au changement climatique ou de l’atténuer, il est indispensable de combiner plusieurs
gouvernances – locale, régionale, nationale,
européenne, mondiale… – sans attendre la solution d’une seule, mais en faisant converger les
différents échelons. Ces dernières années, les
nombreux avis que le CESE a consacrés à ces sujets l’ont largement souligné. Les Français en
prennent conscience, comme le montre le sondage exclusif réalisé à l’occasion de ce Forum par
Ipsos – pour le CESE et Accenture, fidèle partenaire de cette manifestation. Face au changement climatique, leur état d’esprit n’est ni lassitude ni indifférence (respectivement 10 % et 11 %)
mais inquiétude (37 %) et surtout volonté d’agir
(41 %). En effet, 72 % jugent que, dans les dix ans
qui viennent, ce changement aura sur leur vie
un impact important (très important 28 %, assez
important 44 %). Pour agir efficacement, 55 % des
Français privilégient les sommets internationaux, 26 % les changements de comportement,
16 % seulement les engagements des collectivités locales.
Sur ce point, du chemin reste à faire pour saisir
à quel point il faut d’urgence tout combiner : des
petits gestes de chacun aux grandes négociations planétaires. En fait, la mutation n’est pas
seulement économique, écologique, sociale ou
comportementale. Elle est aussi philosophique.
Ce sont nos cartes mentales qui sont à revoir,
pour bâtir un monde à habiter ensemble de manière durable. Il faudrait par exemple repartir
d’un détail oublié, riche de développements possibles : dans économie et écologie, il y a éco, du
grec oïkos, la maison. Penser le monde durable
comme maison humaine, voilà l’autre face de
l’urgence climatique. p
roger-pol droit
Renseignements, inscriptions, débats
retransmis : Levivreensemble.fr
Les textes et débats du Forum 2014 : « Entre
unité et diversités. Les Forums du CESE sur
le vivre-ensemble » (PUF, 294 p., 21 €).
2 | vivre ensemble
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
Le changement climatique, entre subir et agir
Selon un sondage Ipsos pour Accenture et le CESE, les Français, inquiets des conséquences du réchauffement, pensent qu’on peut agir contre celui-ci
Quand vous entendez parler du changement
climatique, quelle est la proposition qui
correspond le mieux à votre état d’esprit ?
La volonté d’agir
A votre avis, pour lutter contre les effets
du changement climatique, il est plus
facile d’agir au niveau*...
Diriez-vous que le changement climatique
aura un impact dans votre vie quotidienne
dans les dix ans qui viennent* ?
L’inquiétude
55 %
41 % 37 %
International : en favorisant
les sommets entre plusieurs
pays
L’indifférence
La lassitude
26 %
Individuel : en modifant
les comportements
de la population
National : en favorisant
l’engagement des gouvernements
22 %
La mobilité
au quotidien
31 %
Le logement
31 %
L’électroménager
Le tourisme
80 %
18 %
2 % Ne se prononce pas
Local : en favorisant
l’engagement des collectivités
16 %
On ne peut rien faire,
ses effets sont
inéluctables
2 % Ne se prononce pas
* Total supérieur à 100, car plusieurs réponses possibles
61 %
L’alimentation
Face au changement climatique, vous
vous dites plutôt que...
On peut atténuer
ses effets si on s’en
donne vraiment
les moyens
72 %
Selon vous, dans quels domaines
les conséquences du changement climatique
seront les plus importantes dans quelques
années ?
10 % 11 %
1%
Ne se prononce pas
oui, un impact
important pour
Aucun - ne se
prononce pas
16 %
13 %
1%
Enquête menée auprès de 1 015 personnes
représentatives de la population française âgée de 15 ans et plus,
selon la méthode des quotas, réalisée les 17 et 18 avril 2015
SOURCE : IPSOS « VIVRE ENSEMBLE : LE CHANGEMENT CLIMATIQUE, ENTRE SUBIR ET AGIR »
Tous les voyants sont au rouge
Au regard de l’évolution des risques climatiques, l’objectif fixé par la Convention climat de limiter
le réchauffement à 2 °C semble plus que jamais justifié, affirme le climatologue Jean Jouzel
N
ous vivons sur une planète où
nos activités ont déjà modifié
le climat, avec, en premier
lieu, les émissions de gaz à effet de serre liées, pour une
grande part, à l’utilisation de
combustibles fossiles. Paru en 2014, le cinquième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
(GIEC) confirme le réchauffement actuel et
son lien avec nos activités.
Pour l’avenir, notre climat dépendra largement de la façon dont vont évoluer nos émissions de gaz à effet de serre, elles-mêmes déterminées par la taille de la population, l’activité
économique, les modes de vie, l’utilisation des
terres, le développement technologique ainsi
que des politiques climatiques. L’éventail des
scénarios d’émission et des impacts qui y sont
associés est donc très large, depuis un scénario
sobre, qui pourrait contenir le changement climatique dans la limite des 2 °C, à un scénario
émetteur correspondant plus ou moins à la
poursuite de la tendance observée au cours
des dernières décennies. A la fin du siècle, ce
dernier scénario conduirait à un réchauffement moyen de 4,5 °C par rapport au climat
préindustriel, et à un monde complètement
différent de celui dans lequel nous vivons. En
effet, ce réchauffement serait du même ordre
– mais environ cinquante fois plus rapide –
que celui qui a accompagné la dernière déglaciation. Et, poursuivant sa course, il pourrait
atteindre de 6 °C à 8 °C au cours des deux prochains siècles. La seule évocation d’un réchauffement de 4 °C à 5 °C fait état de risques élevés à
très élevés. Tous les voyants sont au rouge. Il
serait très difficile, voire impossible aux populations, mais aussi à la flore, à la faune, aux écosystèmes, de s’y adapter.
Demain, le climat sera
clairement différent de
celui d’aujourd’hui, mais
si le monde est solidaire
il devrait être possible
de s’y adapter
Les récifs coralliens soumis au réchauffement et au doublement de l’acidité des eaux
océaniques seraient très touchés. Tous les extrêmes climatiques, ou presque, deviendraient plus fréquents ou/et plus intenses.
C’est le cas des vagues de chaleur et, dans
certaines régions, des sécheresses affectant les
ressources en eau. L’intensité des cyclones les
plus violents pourrait augmenter jusqu’à 10 %
pour les vitesses maximales des vents et 20 %
pour les précipitations associées. Le changement climatique devrait provoquer une augmentation des déplacements de population et
pourrait accroître indirectement les risques de
conflits violents (guerres civiles, violences
interethniques) en exacerbant les sources
connues de conflits que sont la pauvreté et les
chocs économiques.
La perte de biodiversité et la disparition des
biens et services associés seraient très affectées. Les risques liés à la sécurité alimentaire
seraient aggravés aussi bien au niveau de la
productivité de la pêche que de celle des principales cultures des régions tropicales et tempérées : blé, maïs, riz et soja. Sur l’ensemble du
siècle, ce réchauffement conduirait à une détérioration de l’état de santé dans de nombreuses régions, en particulier dans les pays en développement à faible revenu.
Enfin, même si les émissions de gaz à effet de
serre étaient stoppées, de nombreux impacts
persisteraient pendant des siècles : si les émissions de CO2 se poursuivaient, l’acidité de
l’océan continuerait d’augmenter, affectant
fortement les écosystèmes marins ; l’étendue
du pergélisol serait réduite dans les hautes
latitudes du Nord.
De façon claire, les risques de ces changements abrupts et/ou irréversibles augmentent
avec le réchauffement. L’élévation du niveau
de la mer, aux conséquences très importantes
dans des régions côtières, où se concentrent
très souvent les populations, pourrait atteindre 80 cm en 2100 et se poursuivrait au-delà,
jusqu’à 3 mètres en 2300. La calotte du Groenland pourrait disparaître en un millénaire ou
plus si la température était maintenue au-dessus d’un certain seuil, ce qui correspond à 7 m
d’élévation du niveau de la mer.
Cette même analyse de l’évolution des risques climatiques justifie pleinement l’objectif
des 2 °C que s’est fixé la Convention climat. Demain, le climat sera clairement différent de celui dans lequel nous vivons aujourd’hui mais,
si le monde est solidaire, il devrait être possible de s’y adapter. Au moins pour l’essentiel,
car, en tout état de cause, bien des écosystèmes vont être bouleversés et certaines régions, des petites îles en particulier, sont déjà
très sensibles à des élévations du niveau de la
mer de quelques dizaines de centimètres. p
jean jouzel
Jean Jouzel est directeur de recherches au CEA
et vice-président du groupe de travail
scientifique du GIEC. Il est aussi, avec
Anne Debroise, l’auteur du « Défi climatique.
Objectif : + 2 °C » (Dunod, 2014).
Impliquer la société, un enjeu pour les politiques climatiques
Les adaptations fortes que réclame le réchauffement doivent être mises en place en concertation avec les citoyens
L
orsque l’intérêt général ne semblait incarné que par l’Etat, les
politiques publiques étaient définies par lui et les acteurs
étaient censés les appliquer. Or, un texte
national ne décrète pas le mouvement
d’une société. Pour être intégrés, les objectifs doivent être documentés, débattus, partagés. La mise en mouvement
s’anime avec une vision, des outils contemporains, une gouvernance renouvelée. Cette recherche de la mobilisation
de la société est la constante du Conseil
économique, social et environnemental
(CESE). L’approche écosystémique et
concertée est au cœur de bien des avis
qui révèlent des besoins de démocratisation des enjeux, de transparence, de
cohérence, de valorisation des initiatives, d’établissement de la confiance en
l’action de chacun, d’évolutions de la
gouvernance…
Les politiques climatiques ne font pas
exception et illustrent la prise en compte
nécessaire de la complexité, par leurs aspects sociétaux, environnementaux,
économiques. Mais la relation de la société aux différentes formes d’autorité a
changé. De crises ou révélations augmentant la défiance à l’égard d’institutions, de décideurs publics et d’administrations – n’incarnant plus seuls l’intérêt
général – en technologies multipliant les
médias jusqu’à créer des « médias individuels » d’expression continue et instantanée, comment réussir à mettre une société en capacité de changement face à
des risques majeurs ?
Modifications profondes
La société française a besoin d’un cap
et d’une confiance dans l’avenir. Il faut
notamment, pour chacun, pouvoir davantage situer son action vis-à-vis de celles des autres et voir valorisée notre capacité d’initiatives, tant dans les médias
que par les politiques. Le climat à venir
modifiera profondément les vies indivi-
duelles et collectives. Il nécessitera des
révisions et des adaptations fortes, qui
ne seront acceptées que si acteurs et citoyens sont associés tôt, avec toutes les
clés de compréhension des données
physiques du changement climatique.
Ainsi, la proposition de créer, en régions,
une culture collective préparée aux impacts futurs comme à leurs incertitudes,
grâce à un débat informé sur les risques
pour les citoyens et la collectivité prenant appui sur des connaissances scientifiques récentes, traduite dans l’action
et des scénarios régionaux collectifs.
Une autre proposition pourrait voir le
jour, celle d’un processus pérenne d’éva-
luation d’une région par d’autres régions, de la politique climatique s’inspirant des processus internationaux d’évaluation entre pairs, associant élus,
services, représentants de la société civile du territoire, pour déboucher sur un
partage de bonnes pratiques, des pistes
utiles de progrès pour le territoire et une
contagion positive entre régions. Un
exemple parmi tant d’autres, de nouvelles voies à inventer, pour que soient entendues les voix de la société. p
anne-marie ducroux
Anne-Marie Ducroux est présidente de
la section de l’environnement du CESE.
vivre ensemble | 3
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
« Pour réduire le risque lié au réchauffement,
il faut s’attaquer aux inégalités »
entretien
J
| Disparition de la biodiversité, chômage, montée de la violence… C’est en luttant contre les autres menaces
mondiales qu’on peut espérer agir sur le climat, explique le philosophe Jean-Pierre Dupuy
ean-Pierre Dupuy est professeur à l’université Stanford (Californie). Il est notamment l’auteur de Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible est
certain (Seuil, 2004).
Pensez-vous que notre monde va à la
catastrophe ?
Plutôt que de dire que le monde va à la catastrophe tel un train fou se précipitant vers un
précipice, je dirais aujourd’hui que nous longeons le précipice et que le moindre écart peut
nous y faire tomber. A la question de savoir si la
dissuasion avait joué un rôle dans l’évitement
d’une guerre nucléaire pendant les quarante
ans de guerre froide, le secrétaire à la défense de
John F. Kennedy, Robert McNamara, répondit
que c’était la pure chance qui a fait qu’une apocalypse n’a pas eu lieu. Des dizaines de fois nous
sommes passés à un cheveu près du scénario du
pire. Généralisant, on peut dire que la catastrophe est notre destin mais que c’est un accident
qui la déclenchera. Or un accident peut ne pas se
produire, en tout cas pas dans l’immédiat.
Le changement climatique est-il la menace
majeure ?
Quand on examine l’ensemble des menaces :
changement climatique, épuisement des ressources fossiles, disparition de la biodiversité,
risques technologiques, inégalités monstrueuses, chômage calamiteux, effondrement du système financier mondial, risques de guerre et apparition d’une violence primale qui se répand
par mimétisme, on s’aperçoit qu’elles forment
un système. Le changement climatique est un
nœud important de ce système et ses conséquences seront dramatiques, mais c’est en chaque point qu’il faudrait agir.
Que peut-il arriver de pire ?
La guerre, bien sûr. Car on est toujours et encore ramené à la question de la violence. Le déplacement de milliers de migrants qui tentent
de nous rejoindre pour fuir la misère ou l’oppression nous est déjà insupportable. Qu’en sera-t-il lorsqu’ils seront des centaines de milliers
ou des millions à fuir qui la sécheresse qui le déluge ? Quant aux puissances, elles se battront à
mort pour la dernière tonne de pétrole ou la
dernière goutte d’eau.
Au sujet du climat, quels changements
constatez-vous, ces dernières années,
dans l’opinion ? Chez les intellectuels ?
Chez les politiques ?
Je vis une partie de l’année en Californie et, ce
qui me frappe depuis une bonne décennie, c’est
l’éveil spectaculaire de la conscience américaine à
ces problèmes. Certes, on trouve encore dans les
franges les plus droitières du Parti républicain
une résistance farouche à cet éveil, mais elle est
moins, comme chez nous, le reflet d’une idéologie scientiste que la manifestation d’intérêts économiques et financiers puissants. Si bien qu’elle
est plus grossière et qu’on peut plus facilement la
dénoncer. Des livres le font très efficacement,
comme celui de Naomi Klein, qui vient d’être traduit en français, Tout peut changer. Capitalisme et
changement climatique (Actes Sud, 540 p.,
24,80 €). La Californie a la chance d’avoir un gouverneur, Jerry Brown, très au fait des questions
écologiques. Il vient de prendre des mesures courageuses pour faire face à une sécheresse impitoyable. La fidélité à la pensée d’Ivan Illich nous
rapproche depuis une quarantaine d’années et
j’étudie pour lui la possibilité de monter là-bas un
institut pour la pensée catastrophiste. Pour ce qui
est de la France, la volonté de l’exécutif de ne pas
faire mauvaise figure lors de la conférence de Paris COP21 semble avoir converti quelques ministres à la cause de l’environnement. Le paradis est
parfois pavé d’intentions médiocres.
Les processus du climat sont-ils irréversibles ou avons-nous une prise possible sur
leur évolution ? A quelles conditions ?
C’est sur les modèles mathématiques de l’environnement que la notion de point de bascu-
lement (tipping point) ou de catastrophe a
d’abord été dégagée. Dans le cas du climat, on
sait qu’il existe de tels seuils au-delà desquels
des boucles de rétroaction positives et des processus irréversibles sont enclenchés, par exemple l’arrêt du Gulf Stream, la fonte du permafrost qui rejette dans l’atmosphère le méthane
enfoui, etc. La sagesse commanderait de ne pas
franchir ces seuils. On ne peut hélas en général
découvrir où ils se situent qu’après les avoir
dépassés.
Si les risques climatiques ne sont plus
invisibles, ils demeurent mal perçus
dans leur étendue et leurs conséquences,
notamment en Europe. Quelles sont
les actions qui vous paraissent prioritaires ?
L’information ne suffit pas, même si elle est
nécessaire. Car, je l’ai répété sans cesse, nous savons mais nous ne croyons pas ce que nous savons. On n’agira sur le climat qu’en faisant face
à toutes les autres menaces dont nous avons
dit qu’elles faisaient système.
Il est sans doute plus efficace et plus sûr,
pour réduire le risque climatique, de s’attaquer à la question des inégalités mondiales
que de lancer dans l’atmosphère des nuages
de nanoparticules qui bloqueront les rayons
solaires.
Quel changement de regard,
ou de mentalité, est nécessaire ?
Je crains qu’il ne survienne qu’à l’épreuve des
premières manifestations du désastre à venir.
Elles existent déjà, même si on ne peut pas
prouver qu’un événement extrême comme le
cyclone Katrina, ou la sécheresse californienne,
résulte du changement climatique. Mais nous
n’en sommes qu’au commencement. Le changement le plus radical devra être le renoncement à l’optimisme béat de ceux qui croient
qu’il y aura une solution technique, type géo-ingénierie, aux effets du réchauffement, comme
il y en a toujours eu dans le passé, chaque fois
que l’humanité a eu à affronter des menaces qui
provenaient d’elle-même. p
propos recueillis par
roger-pol droit
Les entreprises n’ont pas le choix : évoluer ou disparaître
Un nouveau cadre doit accompagner les acteurs économiques dans leur adaptation aux défis environnementaux
P
artout dans le monde, la course
contre le changement climatique est lancée. L’espoir commun est de limiter le réchauffement moyen de la planète à + 2 °C. Pays
par pays, des mesures sont prises pour
réduire les émissions de gaz à effet de
serre. La France veut diviser les siennes
par quatre d’ici à 2050.
Cette dynamique structure le nouveau paysage économique mondial. Au
cours des trois prochaines décennies,
les cartes seront largement rebattues.
Comme toujours, à moyen terme, les
entreprises n’ont pas le choix : évoluer
ou disparaître.
Le principal moteur du changement
est l’attente sociétale, avec deux courroies de transmission. D’une part, la traduction des préférences collectives dans
un cadre réglementaire et économique.
D’autre part, la demande de solutions à
la fois pour limiter la hausse moyenne
des températures et pour s’adapter au
dérèglement climatique. Face au défi climatique, les acteurs économiques tiennent une part de la réponse.
Pour les entreprises fortement émettrices de gaz à effet de serre (fournisseurs et utilisateurs d’énergies fossiles,
sidérurgie, cimenterie…), la réduction
des émissions est un impératif stratégique. La plupart des grands groupes, concernés notamment par le marché du
carbone, l’ont identifié depuis plus de
quinze ans. Les entreprises sont attentives à ce que le nouveau cadre offre aux
entités qui s’y adaptent et réduisent
leurs émissions un avantage compétitif
majeur. Au contraire, il ne doit pas donner une prime à ceux qui y échappent.
Pour d’autres entreprises, porteuses
de solutions, le nouveau contexte mondial ouvre de multiples opportunités.
Efficacité énergétique,
mobilités douces ou
alimentation moins
carbonée sont des
domaines où
la création de valeur
est attendue
Des besoins apparaissent, une nouvelle
demande émerge qui appelle une nouvelle offre. L’efficacité énergétique, les
mobilités douces, l’alimentation moins
carbonée, sont autant de domaines à investir où la création de valeur est attendue. Les entreprises positionnées sur
ces secteurs ont besoin d’un cadre favorable à leur développement en France, et
d’appui pour exporter leurs solutions.
En phase de transition, le contexte
économique est volatil. Le prix de
l’énergie fluctue rapidement. Le cadre
juridique et fiscal est constamment réadapté. Les acteurs économiques sont
soumis aux avancées, aux reculs, aux àcoups. La demande attendue se révèle
parfois non solvable ou alors moindre
que prévu. Cette situation augmente les
risques pour les entreprises. Les positionnements stratégiques de long
terme sont confrontés à la réalité de
l’instant. A titre d’exemple, alors que le
besoin de rénovation thermique des bâtiments est largement partagé, l’offre et
la demande peinent encore trop à se
rencontrer.
Artisans et PME connaissent eux aussi
ce nouveau contexte mondial, à
l’échelle de leur activité. La petite taille
des entreprises offre une souplesse
d’adaptation, mais limite la projection
stratégique et la capacité à encaisser les
chocs. Le besoin d’accompagnement est
évident. La visibilité de long terme nécessaire. Mais il n’y a qu’un seul mot
d’ordre : être offensif. p
gaël virlouvet
Gaël Virlouvet est rapporteur de l’avis
du CESE « Vingt ans de lutte contre le
réchauffement climatique en France :
bilan et perspectives des politiques
publiques ».
4 | vivre ensemble
0123
JEUDI 4 JUIN 2015
Favoriser la santé est une clé
Pour Jean Claude Ameisen, président du Comité consultatif national d’éthique, les efforts pour améliorer
la santé humaine constituent un levier pour agir contre la dégradation de l’environnement
par les dégâts de santé que leur
utilisation entraîne.
Dans nos pays riches, pour le
moment et malgré les dégradations de l’environnement, l’espérance de vie moyenne à l’âge
adulte augmente. Mais c’est au
prix d’inégalités croissantes, à
l’intérieur de nos pays, et entre
pays riches et pays pauvres. Non
seulement notre mode de développement économique et social
n’est pas durable pour les générations futures, mais il est de plus
en plus inéquitable pour les générations actuelles.
Dans le monde, 2 milliards de
personnes vivent dans l’insécurité alimentaire, 1,2 milliard n’ont
accès ni à l’eau potable ni aux sanitaires, 850 millions souffrent de
faim et de dénutrition et le développement mental de 250 millions d’enfants est profondément
altéré par la pauvreté, la pollution
et la sous-alimentation.
Les populations dont la vie et la
santé sont les plus menacées par
les dégradations de l’environnement et du climat – à l’origine de
conflits violents, de déplacements forcés, de migrations et de
propagation des maladies infectieuses – sont celles-là mêmes
qui sont déjà aujourd’hui les plus
vulnérables : celles qui vivent
dans la pauvreté, les populations
urbaines des bidonvilles, les populations rurales des régions arides, celles qui habitent dans des
îles ou près des côtes exposées à
l’élévation du niveau des mers…
« Nous ne pouvons pas résoudre
les problèmes avec la même façon
de penser que celle qui les a engendrés », disait Einstein. Il nous faut
un renversement de perspective :
c’est l’Humanité qui doit être au
centre de nos préoccupations.
Au lieu de focaliser sur la seule
lutte contre le changement climatique, au risque d’aggraver les
inégalités et les drames humains, nous devrions concentrer
nos efforts sur des mesures qui
améliorent la santé humaine en
préservant
l’environnement :
l’utilisation d’énergies propres et
renouvelables, la lutte contre
toutes les formes de pollution, le
changement des modes d’agriculture et de pêche, la diminution de la pauvreté, l’accès de
tous aux droits fondamentaux, à
la nourriture, à l’éducation et
aux soins.
Une telle approche aurait, audelà de ses effets favorables sur le
changement climatique, des effets bénéfiques majeurs sur la
santé humaine.
Nous pouvons tous y contribuer, individuellement et collec-
le changement climatique : entre subir et agir
#ve2015 à suivre en direct sur levivreensemble.fr
Plates-formes citoyennes
La réussite d’un accord international sur le climat tient à la volonté des Etats et à l’habileté des
négociateurs, mais le succès de sa
mise en œuvre dépend des acteurs
locaux et du changement de comportement de tous, entreprises et
individus. C’est aussi pour cela que
le CESE a développé des modes collaboratifs au moyen de plates-formes citoyennes et en mobilisant
les réseaux européens comme
ceux de la francophonie.
Au CESE, les membres ont pris
conscience, grâce au dialogue, du
nécessaire dépassement des intérêts particuliers pour les mettre au
service d’une cause qui offre à
l’économie de nouveaux débouchés, au social de nouvelles solidarités, à l’environnement la transformation d’utopies en actions. p
jean-paul delevoye
Jean-Paul Delevoye est président
du CESE.
Jean Claude Ameisen
est président du Comité
consultatif national d’éthique.
Il a présidé la Conférence
française pour la biodiversité
et le Comité de révision
de la stratégie nationale
pour la biodiversité.
Un forum organisé par le CESE
conçu en collaboration avec Roger-Pol Droit
un événement
labellisé COP 21
PALAIS D’IÉNA, PARIS 16E
9H15 > 10H45 I CE QUE LE CLIMAT VA CHANGER DANS LE VIVRE ENSEMBLE
9H15 - 9H30
9H30 - 9H45
CE QUI SE PASSE DANS LE CLIMAT Jean Jouzel, Membre du GIEC prix Nobel de la Paix,
Chercheur au CEA et Conseiller au CESE
LES ENJEUX DE LA COP 21 Nicolas Hulot, Envoyé spécial du Président de la République
pour la protection de la planète et Président de la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l'Homme
9H45 - 10H00
LE NOUVEAU MONDE Dominique Bourg, Professeur à l’Université de Lausanne, Vice-président
de la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l'Homme
10H00 - 10H45
INTERACTIONS avec Luc Paboeuf, Président du CESER d’Aquitaine, Delphine Blumereau,
Présidente de CliMates et les Conseillers du CESE notamment Marc Blanc
11H00 > 12H45 I UNE AUTRE VIE QUOTIDIENNE : COMMENT S’ADAPTER ?
11H00 - 11H15
EXPOSÉ D’UN CAS CONCRET : L'ADAPTATION DE LA FRANCE AU CHANGEMENT
CLIMATIQUE MONDIAL Antoine Bonduelle, Conseiller au CESE avec Vincent Giret du Monde
11H15 - 11H30
ANALYSE 1 : UN AUTRE REGARD SUR LE TRAVAIL, LA CONSOMMATION, L’ÉNERGIE
Dominique Méda, Professeur à l’Université Paris Dauphine
11H30 - 11H45
ANALYSE 2 : L’ADAPTATION DES TERRITOIRES
Michel Derdevet, Secrétaire général d’ERDF
11H45 - 12H00
12H00 - 12H45
ANALYSE 3 : PENSER LES RISQUES EXTRÊMES Jean-Pierre Dupuy, Professeur à l’Université Stanford
INTERACTIONS avec Christine Bargain, Directrice de la responsabilité sociale et
environnementale du Groupe La Poste et les Conseillers du CESE notamment Christophe Quarez
14H00 > 15H45 I AGIR CONCRÈTEMENT DANS TOUS LES SECTEURS
APRÈS MIDI
R
jean claude ameisen
9H00 : OUVERTURE Jean-Paul Delevoye, Président du CESE et Roger-Pol Droit, Philosophe et écrivain
Après la prise de conscience, l’heure est
au dépassement des intérêts particuliers
« Réussir la Conférence Paris
Climat 2015 ».
Les travaux du CESE retiennent
en général l’attention croissante
des pouvoirs publics. En témoignent la présence des ministres
Ségolène Royal et Laurent Fabius
lors de l’examen du dernier avis ou
le label COP 21 attribué au 5e forum
du vivre ensemble du 4 juin.
la santé humaine, la pauvreté et
l’environnement, et qui garantisse la stabilité et l’accessibilité
des prix des denrées alimentaires. Et en luttant pour les
droits des plus démunis, partout
dans le monde.
Car protéger d’abord ceux qui
sont les plus vulnérables n’est
pas seulement un impératif éthique, c’est aussi la seule façon de
créer, à terme, les conditions qui
nous permettront de nous protéger tous. p
CONSEIL ECONOMIQUE
SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
4 JUIN 2015 > 9H00-17H30
Consensus
en construction
écemment encore, notre
monde croyait aveuglément au progrès technique, garant d’un avenir
toujours meilleur. Désormais, il
s’interroge sur les fragilités qu’entraîne la surexploitation de la planète. Aux visions à court terme, à
la négligence des risques, à l’insouciance généralisée, il substitue la
prise de conscience, la mesure des
enjeux, l’exigence du développement durable.
Par sa composition depuis la réforme constitutionnelle de 2008
qui a établi la parité hommesfemmes et offert aux jeunes et
aux environnementalistes d’y
être représentés en nombre, le
Conseil économique, social et environnemental (CESE) a développé des relations nouvelles entre les forces de notre pays. A partir de désaccords plus ou moins
réductibles, agriculteurs, syndicalistes, patrons, associations, environnementalistes ont construit
patiemment des consensus.
Cela s’est manifesté par une série
d’avis sur l’environnement qui ont
concouru à promouvoir de nouvelles idées. Leur nombre dépasse
la quinzaine, et cela, en très peu
d’années. En 2015, par exemple, on
peut citer : « Vingt ans de lutte contre le réchauffement climatique en
France. Bilan et perspectives des
politiques publiques », ou encore
Il nous faut
un renversement
de perspective :
c’est l’Humanité
qui doit être
au centre de nos
préoccupations
tivement. En mettant en commun nos réflexions et nos efforts. En faisant preuve de sobriété, d’inventivité et de
solidarité. En réduisant notre
consommation inutile d’énergie,
en soutenant les produits d’une
agriculture et d’une pêche durables et d’un commerce équitable.
En œuvrant pour le développement et l’utilisation des énergies
propres et renouvelables, des
projets d’urbanisation centrés
sur les transports publics, l’isolement énergétique des habitations, les espaces verts, et un
aménagement des territoires respectueux de l’environnement et
de la biodiversité. En exigeant le
soutien aux recherches scientifiques indispensables, une aide internationale aux pays pauvres,
une régulation de l’économie qui
prenne en compte ses effets sur
5e édition du Forum VIVRE ENSEMBLE
MATIN
N
os modes de vie
ont causé des dégradations majeures de notre
environnement
planétaire. « Nous
avons brûlé notre pétrole et nos forêts sur notre chemin vers la croissance. Nous avons cru à la consommation sans conséquence. Sur
le long terme, ce modèle est une recette pour un désastre, un pacte de
suicide global », déclarait en 2011
Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies.
La dégradation de notre environnement inclut l’épuisement
des ressources naturelles non renouvelables, l’émission de gaz à
effet de serre, la pollution de l’air,
des sols, des nappes phréatiques
et des mers, la déforestation,
l’épuisement des sols et des réserves d’eau par l’agriculture et
l’élevage intensifs et des ressources maritimes par la pêche intensive, la dégradation des écosystèmes et de la biodiversité, l’émergence de maladies infectieuses
d’origine animale. Et ces dégradations ont, indépendamment
de leur effet sur le changement
climatique, des effets négatifs
majeurs sur la santé humaine.
La pollution est responsable
d’un quart des maladies dans le
monde. La seule pollution de l’air
a réduit l’espérance de vie
moyenne de plus de cinq ans en
Chine et de plus de trois ans en
Inde. En Europe, elle provoque,
chaque année, la mort de
600 000 personnes et des dépenses de santé de 1 400 milliards
d’euros. Le coût des énergies fossiles, quand on le compare à celui
des énergies propres et renouvelables, devrait intégrer ces coûts
humains et économiques induits
14H00 - 14H15
14H15 - 14H30
14H30 - 14H45
14H45 - 15H00
15H00 - 15H45
EXPOSÉ D’UN CAS CONCRET : LES DÉFIS LANCÉS AUX ACTEURS ÉCONOMIQUES
Gaël Virlouvet, Conseiller au CESE avec Vincent Giret du journal Le Monde
ANALYSE 1 : L’ATTÉNUATION PAR LES COMPORTEMENTS
Interventions d’écoliers, collégiens et lycéens : Lycée Auguste et Jean Renoir à Angers (49),
Collège Saint-François de Sales à Gien (45), Ecole Notre-Dame à Landéan (35)
ANALYSE 2 : CHANGEMENT CLIMATIQUE ET SANTÉ
Jean Claude Ameisen, Président du Comité National Consultatif d’Ethique
ANALYSE 3 : COMMENT SE PRÉPARER MENTALEMENT AU CHANGEMENT ?
Hubert Reeves, Astrophysicien, Président de Humanité-biodiversité
INTERACTIONS avec les partenaires dont Stéphane Volant, Secrétaire général de la SNCF,
Anne-Sophie Novel et les Conseillers du CESE notamment Antoine Dulin et Bruno Genty
16H00 > 17H15 I COMMENT AGIR ENSEMBLE ? QUESTIONS DE GOUVERNANCE
16H00 - 16H30
16H30 - 16H45
EXPOSÉ D’UN CAS CONCRET : COMMENT AGIR TOUS ENSEMBLE ?
« IMPLIQUER LES ACTEURS DE LA SOCIÉTÉ : UN ENJEU DU CLIMAT ET DE LA DÉMOCRATIE »
Anne-Marie Ducroux, Conseillère au CESE avec Vincent Giret du journal Le Monde
« NÉGOCIER AU NIVEAU INTERNATIONAL» Bernard Guirkinger, Conseiller au CESE
ANALYSE : QUESTIONS DE POLITIQUE EUROPÉENNE ET FRANÇAISE
Sharan Burrow, Secrétaire générale de la Confédération internationale des syndicats
17H00 : CONCLUSION GÉNÉRALE : LA MAISON HUMAINE, UNE MUTATION PHILOSOPHIQUE
Roger-Pol Droit, Philosophe et écrivain
u n événeme nt l a be ll isé COP21, en p a rten a ri at avec
et