Compression élastique externe et fonction musculaire chez l`homme

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Compression élastique externe et fonction musculaire chez l`homme
Science & Sports 22 (2007) 3–13
http://france.elsevier.com/direct/SCISPO/
Revue générale
Compression élastique externe et fonction musculaire chez l’homme
External elastic compression and muscle function in humans
A. Bringarda,b, R. Denisa, N. Belluyeb, S. Perreya,*
a
EA 2991 efficience et déficience motrices, UFR STAPS, faculté des sciences du sport, université de Montpellier-I,
700, avenue du pic-saint-loup, 34090 Montpellier, France
b
Centre technique et de recherche de décathlon, 4, boulevard de Mons, 59665 Villeneuve d’Ascq, France
Reçu le 10 août 2006 ; accepté le 10 novembre 2006
Disponible sur internet le 05 janvier 2007
Résumé
Objectifs. – Faire un état des connaissances actuelles concernant l’impact réel du port de collants, bas ou chaussettes de compression sur les
propriétés musculaires hémodynamiques au repos et à l’exercice.
Actualités. – Des questions persistent quant aux effets délétères de l’exercice musculaire répété sur les parois et les valvules des veines. Ces
effets peuvent être diminués par le port de bas ou chaussettes de compression afin d’optimiser la fonction veineuse et d’améliorer la performance
musculaire.
Perspectives et projets. – L’utilisation de collants de compression dans le cadre de la course à pieds, n’agirait pas directement sur la performance mais influencerait la fonction musculaire à l’exercice, laissant ainsi entrevoir une possible diminution des temps de récupération. Cependant, d’autres études doivent être conduites afin d’évaluer les effets positifs de ces collants au cours et dans le décours de l’exercice.
Conclusion. – Au regard de l’amélioration de la fonction veineuse et des paramètres hémodynamiques musculaires, le port de collants de
compression s’avère bénéfique. Cependant, il est important de mentionner qu’afin d’éviter les effets délétères d’une pression trop importante, la
mise au point de collants de compression externe destinés à des sujets sains, nécessite de prendre en compte la physiologie vasculaire de cette
population.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Aims. – This article reviews the actual knowledge about the use of compression tights and stockings and their effects on muscle haemodynamics during exercise.
Current knowledge. – Some questions are still remaining regarding repeated muscular exercise-induced deleterious effects on veins’ shears
and valves. These effects can be diminished with the use of compression tights or stockings, in order to enhance venous function and improve
muscle haemodynamics.
Points of view and plans. – The use of compression tights in running activity does not seem to directly enhance the performance per se, but
has an effect on muscle function during and after an exercise. This could in part account for a possible decrease in recovery times. Further studies
are needed to evaluate the positive effects of these tights during and after an exercise.
Conclusion. – Regarding venous function and muscle haemodynamics the use of compression tights is beneficial. However, in order to avoid
high pressure deleterious effects, healthy subjects’ vascular physiology has to be taken into account when developing compression tights.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
* Auteur
correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (S. Perrey).
0765-1597/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.scispo.2006.11.003
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A. Bringard et al. / Science & Sports 22 (2007) 3–13
Mots clés : Hémodynamique musculaire ; Stase veineuse ; Pression externe ; Exercice ; Récupération
Keywords: Muscle haemodynamics; Venous pooling; External pressure; Exercise; Recovery
1. Introduction
Les travaux consacrés à l’adaptation circulatoire à l’exercice
musculaire accordent classiquement une place plus grande au
cœur et au système artériel qu’au système veineux. Ce dernier
joue pourtant un rôle fondamental. En maintenant la pression
de remplissage cardiaque, ainsi qu’une pression basse dans les
veines, la « pompe veineuse » des membres inférieurs permet à
la fois l’augmentation du débit cardiaque et celle du débit musculaire local. L’importance hémodynamique du cœur périphérique est bien établie, et la qualité du retour veineux dépend
autant des muscles squelettiques que des valvules veineuses.
À ce jour, des questions persistent ou émergent quant aux
effets délétères des stress mécaniques répétés induits par l’exercice musculaire sur les parois et les valvules veineuses, ainsi
que sur les réels effets du port de bas ou chaussettes de
contention1 pour corriger ces effets.
Dans l’insuffisance veineuse chronique, les perturbations
hémodynamiques sont dépendantes de l’exercice et peuvent
en constituer un facteur limitant. Chez le sujet sain, l’effort
prolongé et/ou répété peut aussi présenter une influence sur le
système veineux capillaire des jambes. Le recours au port de
produits compressifs pourrait dans ce cas présenter une action
favorable sur la microcirculation cutanée bien que très peu de
travaux scientifiques soient dirigés dans ce sens. L’adaptation
des veines des membres inférieurs lors de l’effort musculaire
est encore peu connue. Les modifications veineuses et celles du
volume des jambes survenant après un exercice prolongé et/ou
répété ainsi que le bénéfice du port de chaussettes de compression n’ont été étudiés que très rarement. Avec une compression
élastique externe spécialement mise au point, une augmentation du métabolisme musculaire via des adaptations hémodynamiques peut être observée et pourrait favoriser une meilleure
récupération après l’effort. La revue de synthèse ci-dessous se
propose de faire un état des connaissances actuelles sur
l’impact réel du port de collants, bas ou chaussettes de compression sur les propriétés musculaires hémodynamiques au
cours et dans le décours d’exercices prolongés (en endurance)
et explosifs (en force–vitesse).
Pour se redresser et vivre debout, l’homme a dû développer au cours de son évolution des mécanismes permettant le
retour du sang des membres inférieurs vers le cœur. En effet,
si le débit sanguin artériel est assuré par la contraction du
cœur et, pour les territoires situés sous le niveau du cœur
par la pression hydrostatique, le retour veineux se trouve
opposé à cette dernière. Les valves veineuses, le mécanisme
1
Le terme de compression élastique est plus approprié que le terme de
contention. En effet, la pression s’exerce en permanence sur le membre à traiter en raison de la présence des fibres élastiques alors que l’on devrait réserver
le terme de contention aux seuls bandages peu élastiques qui exercent une
pression faible au repos mais élevée à l’effort.
de pompe musculaire et la pression négative occasionnée par
le diaphragme lors de l’inspiration sont les mécanismes
majeurs permettant le retour veineux [34]. Pour les membres
inférieurs, ce retour en direction du cœur se fait pour les 9/10
du volume par les veines profondes, c’est-à-dire les veines
les plus proches des os (tibia et péroné pour la jambe et
fémur pour la cuisse), et 1/10 du volume transite par les
veines superficielles. Ces deux compartiments sont reliés
entre eux par les veines dites perforantes.
De la position allongée à la position érigée, la pesanteur fait
augmenter la pression hydrostatique et provoque l’accumulation
du sang dans les jambes. Bien que la pression hydrodynamique
(différence entre la pression veineuse et la pression hydrostatique)
permette le retour du sang en direction du cœur, ce retour est
inférieur comparativement à la position allongée. La diminution
du retour veineux diminue le remplissage du cœur lors de la systole et donc, d’après la loi de Starling, le volume d’éjection systolique. Le cœur doit donc augmenter sa fréquence de battement
pour maintenir un débit cardiaque suffisant, même si ce débit
reste inférieur de 20 à 30 % en position érigée par rapport à la
position allongée. Par ailleurs, les forces horizontales de la pression hydrostatique dans les capillaires peuvent affecter leurs
parois. Si la pression hydrostatique est supérieure à celle du fluide
interstitiel autour des capillaires, alors le fluide dans ces derniers
filtrera pour rejoindre le liquide interstitiel, ce qui provoquera le
gonflement des jambes [34].
Les diverses adaptations physiologiques précédemment
décrites peuvent être optimisées, ayant ainsi pour conséquence la possible diminution ou le recul de l’apparition de
l’altération de la fonction musculaire (vasculaire et métabolique) en situation d’exercice ou de repos. Cette optimisation
peut se concevoir notamment par l’application d’une compression externe de surface sur les masses musculaires mises
en mouvement.
2. Cœur périphérique et dynamique veineuse à l’exercice
musculaire
Lors de contractions musculaires dynamiques, le flux sanguin
musculaire est diminué par la compression mécanique des fibres
musculaires et la possible occlusion des vaisseaux intramusculaires [33]. En réalité, le muscle contracté comprime les veines intramusculaires (veines jumelles) et intermusculaires (veine poplitée)
(Fig. 1). Dans la circulation profonde, le sang est chassé à haut
débit vers le cœur. Le sang est dans le même temps aspiré depuis
le réseau superficiel à travers les veines perforantes. Ainsi, la
contraction du muscle permet de vider le réservoir veineux et
donc de diminuer la pression dans ce compartiment. La réduction
de la pression veineuse favorise le déplacement du sang des artères vers ces segments veineux, où la pression et le volume ont
diminué [33].
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Fig. 1. Action musculaire (effet de pompe) permettant le retour veineux vers le
cœur.
1 : valvules proximales et distales ouvertes par le flux sanguin veineux
remontant vers le cœur.
2 : les muscles contractés du mollet compriment les veines intramusculaires
(veines jumelles) et intermusculaires (veine poplitée), et chassent le sang à haut
débit vers le cœur dans la circulation profonde. Dans le même temps, le reflux
entraîne la fermeture des valvules en aval (distales) du site de compression des
veines par les muscles. Le flux veineux ne peut donc se diriger qu’en direction
du cœur.
3 : lors de la relaxation des muscles, les veines inter- et intramusculaires se
dilatent, ce qui s’accompagne d’un bref reflux qui entraîne la fermeture des
valvules veineuses (proximales), empêchant le sang de redescendre. La
contraction des muscles ayant permis de vider le réservoir veineux, la pression
dans ce compartiment a diminué. Cette réduction de la pression veineuse
favorise le déplacement du sang des artères vers ces segments veineux, où la
pression et le volume ont diminué. Le sang est dans le même temps aspiré
depuis le réseau superficiel à travers les veines perforantes et depuis la région
inférieure de la jambe (pied).
Un second mécanisme possible est l’activité mécanique
de la contraction musculaire qui propulse le sang à travers
le muscle [19]. Lors de la relaxation des muscles, les veines
inter- et intramusculaires se dilatent, ce qui s’accompagne
d’un bref reflux qui entraîne la fermeture des valvules veineuses, empêchant le sang de redescendre. La pompe musculaire du mollet renvoie le sang veineux profond vers le
cœur lors de la systole. Lors de la diastole, les veines profondes se remplissent du sang des veines superficielles, via
les veines perforantes, pourvues de valves antiretour [4]. En
cas de défaillance de ce mécanisme (i.e., valves incontinentes), le sang aura tendance à refluer et stagner dans la partie
inférieure de la jambe, provoquant le gonflement voire un
œdème. À long terme, la dilatation des veines augmente leur
compliance et accentue l’incontinence valvulaire. Ces phénomènes interdépendants sont caractéristiques d’une insuffisance veineuse chronique. Enfin, il a été proposé que les
forces mécaniques imposées lors de la relaxation, pourraient
créer une pression négative dans les veines, élargissant ainsi
le gradient de pression et dirigeant le flux au-delà du muscle
[19]. Ainsi, plusieurs mécanismes permettent d’expliquer le
phénomène de pompe veineuse, qui transmet une énergie
cinétique au débit sanguin. Il est à noter que le phénomène
5
de pompe musculaire est affecté par la fréquence de contraction musculaire. Par exemple, en modifiant la cadence de
pédalage pour une puissance mécanique fixée, il a été
observé que la conductance vasculaire totale était plus élevée
pour les cadences à haute fréquence [9]. Ce paramètre a été
attribué à un effet de pompe musculaire plus important.
Intéressons-nous à présent plus précisément à l’évolution de la
pression veineuse dans la jambe lors de la locomotion. Pollack et
Wood [26] ont, dès 1949, mesuré de manière invasive les variations de pression veineuse au niveau de la cheville lors de la locomotion. En position érigée, la pression moyenne à la cheville est
de 87 mmHg, valeurs confirmées par Stick et al. [31] (84 mmHg).
Les pressions intramusculaires (PIM) sont de 37 et 35 mmHg en
position érigée contre 8 et 11 mmHg en position allongée, dans
les muscles soléaire et jambier antérieur, respectivement [23].
Lorsque l’on se prépare à décoller le talon du sol pour engager
un pas, la contraction des muscles gastrocnemius et soleus
applique une pression sur les veines de la jambe. Cela augmente
la pression veineuse, en moyenne de 10 mmHg à la cheville, et
pousse une partie du sang contenu dans les veines vers le haut de
la jambe [26]. Lorsque le talon est levé et que débute la phase de
balancement, les muscles du mollet se relâchent, mais ceux de la
cuisse restent contractés. Les valves veineuses se ferment, empêchant le retour du sang vers le bas, puis la pression veineuse dans
la jambe diminue (en moyenne de 52 mmHg à la cheville) car le
sang restant dans les veines de la jambe n’est plus suffisant pour
les remplir. Ensuite, lorsque le pied retouche le sol à la fin du pas,
les muscles du mollet se contractent à nouveau, augmentant ainsi
la pression veineuse. Avec le contact du talon au sol, à la fin du
pas, les muscles du mollet se relâchent, puisque le poids du corps
est distribué sur les deux pieds, diminuant ainsi la pression veineuse. Par la suite, cette pression augmente progressivement car
les veines se remplissent du sang provenant des capillaires, pour
retrouver sa valeur initiale en 11 à 37 s selon les sujets [26].
Lors de la marche, chaque pas produit les mêmes variations
cycliques de pression, mais une diminution progressive lors des
trois premiers pas est observée. Cette pression se stabilisera, en 4
à 12 pas selon les sujets à une valeur moyenne de 23 mmHg [26].
Stick et al. [31] ont également observé une chute de la pression
veineuse à la cheville autour de 20 mmHg en une vingtaine de
secondes lors de marche sur tapis roulant à 3 km/h. Cela peut
s’expliquer de la manière suivante : immédiatement après la
chute de pression induite par le premier pas, l’individu contracte
les muscles du mollet pour engager le pas suivant, avant que le
remplissage veineux soit totalement terminé [26]. Ainsi plus de
sang est expulsé hors de la jambe, causant une autre chute de
pression lorsque les muscles du mollet se relâchent. Cela se répète
jusqu’à l’atteinte d’un point, où le sang provenant des capillaires
n’arrive plus dans la veine (puisqu’il est pompé hors de la jambe
à chaque pas) ; c’est à cette période que la pression se stabilise
[26]. Stick et al. [31] ont aussi mesuré les variations de volume,
en plus de la pression veineuse du mollet lors de la marche. Ces
auteurs ont observé une diminution rapide du volume du mollet
en tout début d’exercice (marche à 3 km/h), puis une seconde
diminution beaucoup plus lente. Ils attribuent le premier phénomène à des changements de remplissage des vaisseaux, dus à
l’action musculaire qui chasse le sang hors de ces derniers, pour
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le propulser en direction du cœur. La seconde diminution a été
attribuée à des changements de volumes extravasculaires, principalement du volume interstitiel [31]. En revanche, au début d’un
exercice de course à allure modérée (10 km/h), une augmentation
du volume du mollet se produit, pour atteindre un maximum en
sept minutes, correspondant à une augmentation de 2,5 % par rapport au repos. Ce phénomène serait lié aux processus accompagnant l’augmentation du métabolisme musculaire, notamment la
vasodilatation qui augmente le volume sanguin dans les veinules
et petites veines [31]. Par la suite, ce volume se stabilise, augmente très légèrement ou diminue selon les sujets, mais reste
supérieur dans tous les cas d’au moins 1 % par rapport aux
valeurs initiales de repos [31]. Il est très probable que l’augmentation du volume à l’exercice soit liée à l’augmentation du métabolisme musculaire lorsque l’intensité s’élève [31]. La vasodilatation due à l’exercice peut être responsable de l’augmentation du
volume sanguin particulièrement dans les veinules et petites veines. Un gradient osmotique transcapillaire, évoluant tout au long
de l’exercice, permet par la suite la diminution du volume du
mollet [31]. À 6 km/h, les facteurs promouvant et évitant l’accumulation de sang se compensent mutuellement [31]. Les PIM
dans les muscles soléaire et jambier antérieur passent, respectivement, de 37 et 35 mmHg au repos en position érigée, à 152 et
84 mmHg lors de la marche à 4,3 km/h et 226 et 145 mmHg lors
de la course à 10,1 km/h [23].
Donc, il apparaît que l’exercice musculaire per se permet
d’optimiser le retour veineux grâce à l’effet de pompe musculaire. Cependant, l’effort musculaire réduit la pression veineuse, augmente le retour lymphatique et la pression dans le
tissu musculaire durant la contraction [13]. En augmentant la
pression hydrostatique interstitielle, en diminuant la pression
oncotique tissulaire et la pression hydrostatique capillaire,
ces phénomènes vont conduire à diminuer le filtrat liquidien.
En conséquence, le volume de la jambe sera réduit. La
réduction du calibre des veines jumelles internes, dans ce
contexte, pourrait être liée à un phénomène de compression
des veines au sein du jumeau de manière mécanique ou par
vasoconstriction sympathique [28]. Les contractions musculaires répétées vont également comprimer les vaisseaux
nourriciers intramusculaires, limitant probablement l’apport
de sang et d’oxygène [28]. Cette situation provoquerait la
mise en route de la glycolyse avec production d’acide lactique et la survenue d’altérations structurelles réversibles
d’où l’apparition d’une fatigue musculaire, de douleurs et
de courbatures dans les jours suivant l’exercice ou la compétition. Le temps de remplissage veineux reste vraisemblablement aussi affecté par les modifications chimiques (acidose métabolique) à l’intérieur des muscles jambiers. Ces
remarques amènent la question suivante : est-ce que la compression élastique externe peut s’avérer efficace au repos et à
l’exercice pour corriger ces altérations veineuses ?
3. Compression élastique, orthostatisme et retour veineux
L’application d’une pression positive par le port de bas ou
chaussettes de contention est la thérapie la plus couramment utilisée pour traiter les insuffisances veineuses chroniques et autres
pathologies vasculaires (Tableau 1). Chez le sujet sain, l’augmentation de la pression du système artériel et veineux en position
orthostatique est compensée par divers mécanismes nerveux réflexes, circulatoires et hormonaux. En revanche, dans un contexte
présentant une altération du système vasculaire ou une position
orthostatique prolongée, le retour veineux des membres inférieurs
vers le cœur ne sera pas maintenu de manière adéquate. Ces
atteintes vasculaires se caractérisent par une stase veineuse, pouvant aboutir dans les cas les plus sévères, à un œdème. Le sang ne
peut remonter que partiellement de la partie inférieure des jambes
et provoque un gonflement et une sensation de lourdeur caractéristique.
Concernant les moyens d’action, il existe en France quatre classes de contention (norme Afnor G30.102, 1986) correspondant aux différents degrés d’atteintes du système
vasculaire : des compressions légères de 10–15 mmHg à la
cheville, préconisées pour une insuffisance veineuse légère
et une sensation de lourdeur des jambes, jusqu’aux compressions extrafortes, supérieures à 36 mmHg à la cheville, prescrites pour une insuffisance veineuse chronique sévère et des
ulcères des jambes. Le mécanisme de ce type de thérapie est
le suivant : l’application d’une pression positive autour du
muscle, des veines et du lit vasculaire lésé permet de limiter
la dilatation de ces derniers, et donc de limiter l’accumulation sanguine. En empêchant le sang de stagner, la pression
sanguine est utilisée pour faire remonter la colonne de sang
en direction du cœur. Il est attendu que les bénéfices hémodynamiques observés dans le traitement de ce type de pathologies par le port de tissus de contention, pourraient être
observés également chez des sujets sains. Ainsi, Hirai et al.
[10] ont démontré que l’application de pression aussi faible
que 8 mmHg permettait de prévenir la formation d’œdème
chez des patients variqueux, mais aussi chez des sujets sains.
Bien que chez les patients, l’application de pressions de 22
et 30–40 mmHg soit plus efficace que des pressions de 8 et
14 mmHg, aucun gain significatif n’a été observé chez des
sujets sains pour des pressions supérieures à 8 mmHg.
Enfin, il a été émis l’hypothèse que l’application de compression externe sur les jambes permettrait d’augmenter le retour veineux en direction du cœur, et donc d’en augmenter le remplissage, compensant ainsi, au moins partiellement, l’élévation de la
pression hydrostatique. Watanuki et Murata [34] ont montré que
l’application d’une pression externe augmentait le débit cardiaque
en position érigée (Tableau 1). Ainsi, les effets de la compression
peuvent être différents selon la force de cette dernière (i.e., le
niveau de pression appliqué sur le membre). Détaillons à présent
les effets de la compression élastique externe sur les masses musculaires de sujet sain, en fonction de la nature de l’activité.
4. Effets de la compression élastique externe au repos
et à l’exercice (Tableau 1)
4.1. En orthostatisme
Kraemer et al. [17] ont étudié l’effet du port de bas de contention chez des femmes saines en position orthostatique prolongée.
Tableau 1
Tableau récapitulatif des principales études qui ont utilisé des vêtements de compression (CC : chaussette de contention ; CuC : cuissard de contention ; BC : bas de contention) en ayant recours à différentes
populations (H : homme ; F : femme ; IV : insuffisance veineuse) lors de divers protocoles expérimentaux (modalités de repos, d’exercice et de récupération)
Population étudiée
(âge moyen)
Moyen d'application
de la pression
Berry et al. [1]
8 sujets sains H
(27 ans)
Collants élastiques en
Lycra®
Berry et McMurray [2]
6 sujets sains (22 ans)
CC
Bochmann et al. [3]
9 sujets sains H
(25 ans)
36 H (57 ans)
IV légère
10 athlètes
6 manchons (avantbras)
2 CC
Brown et BroBrown et
Brown [4]
Chatard [5]
Chatard et al. [6]
Doan et al. [8]
12 cyclistes entraînés
(63 ans)
20 athlètes : 10 H et 10
F
CC hautes (jambe
complète)
CC hautes (jambe
complète)
CuC et short (situation
contrôle)
Pressions appliquées
(mmHg) et sites
anatomiques
Valeurs non
communiquées
Cheville : 18 mmHg
Mollet : 8 mmHg
CC portées pendant
exercice ou pendant
exercice + récupération.
13 à 23 mmHg
6 et 12 mmHg (mollet)
< 30 mmHg au mollet
33 mmHg à la cheville
Protocole expérimental
Effets, gains apportés par la compression élastique
3 exercices de 3 min à 110 % de VO2 max
Collants portés pendant exercice ou
exercice + récupération
1) test progressif maximal sur tapis roulant
2) 6 min de pédalage à 110 % VO2 max
Aucun effet sur VO2, ni lactate sanguin et ni niveau
d’hématocrite
Cause invoquée : pression appliquée trop faible
1) ↓ Lactate à 15 min post-exercice
2) ↓ Lactate avec CC portées pendant
exercice + récupération
Pas d’effet en récupération si CC portées pendant
exercice
Mesure débit sanguin (avant-bras) au repos
↑ 115 % du débit sanguin de repos avec 16 mmHg de
pression
↑ Temps de remplissage des veines profondes (i.e.,
amélioration de la fonction des valves veineuses)
↓ Performance de 2,3 % avec BC
CC portées 1 mois
3 visites séparées d’un mois au laboratoire
Course de 5000 m avec et sans BC
Valeurs non
communiquées
2 exercices maximaux de 5 min, séparés de 80 min
de repos ; 2 fois par semaine
Sauts verticaux, sprints (60 m) et sauts en
contrebas (vibrations)
↓ Lactate sanguin et hématocrite
↑ Performance au 2e exercice
Pas d’effet sur la performance au 60 m
↑ Hauteur de saut (+5 %)
↓ vibration de la cuisse
↓ Gonflement pied dès 8 mmHg (sujets sains) ; CC
22 et 30–40 mmHg plus efficaces que CC 8 et
14 mmHg (patients)
↓ Temps de remplissage
↑ Fraction d’éjection du volume sanguin
↑ Hémodynamique veineuse, (↓ volume résiduel de
sang stagnant)
14 mmHg : ↓ volume des mollets de 31 % (H) et
18 % (F)
18 mmHg : ↓ volume des mollets de 37–32 %
14 F saines (20 ans) et
14 F varices (53 ans)
4 CC
8, 14, 22, 30–
40 mmHg à la cheville
Sujets assis. Mesure du gonflement (volume) de la
jambe par pléthysmographie
Ibegbuna et al.
[11]
Ibegbuna et al. [12]
19 F (54 ans) varices
modérées
9 F (48 ans), IV
chronique
118 sujets sains (60 H,
58 F)
BC
7, 10, 14 mmHg à la
cheville
21 mmHg cheville
(18–24)
Classe 1 : 14 et
18 mmHg cheville
Contrôle : 6 mmHg
cheville
Valeurs non
communiquées
Allongé et debout ; exercices de flexions
plantaires
Marche (1 à 2,5 km/h)
Volume et reflux sanguin (pléthysmographie)
Volume du mollet, sur 2 jours/semaine, matin soir,
pendant 3 semaines
10 sauts maximaux en contrebas (force et
puissance)
↑ Force et puissance produites sur 10 sauts avec CuC
Valeurs non
communiquées.
1) Nombre max de squats à 70 % de force max
2) 3 série de 50 extension et flexion de genou
Cheville : 8 à 15
Mollet : 7 à 8,5
Protocole de fatigue orthostatique d’une journée
Mesures matin et soir
10 mmHg
2 séries de 50 flexions -extensions passives du
coude (action excentrique)
Pas d’effet de la CuC sur :
1) le nombre de squats
2) le travail total développé (en Joules)
↓ Diamètre cheville, mollet et veines poplitée et
tibiale. ↓ concentration de créatine kinase et
oscillations centre de masse
↓ Élévation de créatine kinase après l’exercice
excentrique
↓ Douleur et gonflement (périmètre bras)
↑ Récupération de force
(suite)
Jonker et al. [14]
CC hautes (jambe
complète) classe 2
2 CC classe 1
Kraemer et al. [15]
36 sujets sains 18 H
(21 ans), 18 F (20 ans)
Kraemer et al. [16]
20 sujets sains : 10 H
(25 ans) et 10 F
(23 ans)
Kraemer et al. [17]
12 sujets sains F
(23 ans)
1) CuC
2) CuC taille inférieure
3) Cuissards classiques
1) CuC
2) Shorts (situation
contrôle)
3 BC
différents
Kraemer et al. [18]
20 sujets sains F
(n = 10, groupe
expérimental)
Manchons de
compression (avantbras)
7
Hirai et al. [10]
A. Bringard et al. / Science & Sports 22 (2007) 3–13
Études
8
Tableau 1 (suite)
Population étudiée
(âge moyen)
Moyen d'application
de la pression
Lawrence et Kakkar
[20]
27 sujets sains (60 ans)
Manchons gonflables
Maton et al. [21]
9 sujets sains (23 ans)
CC classe 2
Maton et al. [22]
15 sujets sains (32 ans)
CC hautes (jambe
complète) classe 1
Murthy et al.
[23]
11 sujets sains (31 ans)
Bandages élastiques et
inélastiques
Partsch et al. [24]
12 sujets sains ou
maladie veineuse
bénigne (41 ans)
4 CC
Partsch et Partsch [25]
9 sujets sains, 5
patients (veine
saphène incontinente)
15 sujets sains (11 H, 4
F)
Sphyg. + mesure du
diamètre des veines
(doppler)
3 CC
Sparrow et al. [30]
20 sujets sains (20–
30 ans)
4 CC hautes du
commerce et 9 CC
hautes sur mesure
Trenell et al. [32]
11 H sains actifs
(21 ans)
Collants sportifs de
compression Skins®
Watanuki et al. [34]
6 jeunes F (âge non
précisé)
CC hautes (jambe
complète) et manchons
gonflables
2 CC
Shiroishi et al. [29]
Pressions appliquées
(mmHg) et sites
anatomiques
Différents profils :
cheville : 10 à
30 mmHg mollet : 8 à
24 mmHg.
Mollet : 8 mmHg
Cheville : 24 mmHg
Mollet : 14 mmHg
Cuisse : 7 mmHg
Élastiques : 20–30 et
30–40
Inélastiques : 20 et 30
(mollet)
Support : 6 mmHg,
classe A : 11 mmHg,
classe I : 18 mmHg,
classe II : 22 mmHg
Pression progressive
(mollet)
Environ 6, 13 et
15 mmHg
Protocole expérimental
Effets, gains apportés par la compression élastique
Position allongée (récumbente) pendant 30 min
↑ Vitesse du flux sanguin profond (+75 %) avec le
profil 18–14–8–10–8 (cheville-mollet-genou-bas
cuisse-haut cuisse)
Flexion dorsale cheville (max. dynamique puis
isométrique progressif)
Mesure EMG et PIM
Flexion dorsale cheville à 50 % force max. Mesure
EMG mollet, temps de maintien et temps de
récupération de force
↑ PIM avec CC (de la valeur de la pression externe
appliquée)
Pas d’effet sur EMG
Pas d'effet de CC sur EMG, ni temps de maintien, ni
temps de récupération de force
Allongé, assis, debout
Marche et course
Mesure de PIM
↑ PIM (bandages élastiques en position allongée).
Pas de différence entre assis, marche et course
Mesure du volume de la jambe matin et soir
Description des sensations subjectives
↓ 50 % gonflement diurne (volume soir–matin) avec
CC 6 mmHg
Pas de gonflement diurne avec les autres CC
Allongé, assis, debout
↑ progressive de la pression. Détection du début ↓
∅ veines et occlusion totale
5 min assis, 5 min allongé, 5 min debout
Mesure NIRS mollet (HbO2, HHb, Hbtot)
↓ Diamètre veines, assis et debout : 30 à 40 mmHg
Occlusion complète, allongé : 20–25 mmHg ; assis :
50–60 mmHg ; debout : 70 mmHg.
Corrélation pression–oxygénation
↑ Pression = ↑ oxygénation musculaire (↓ HHb) et
↓ stase veineuse (↓ Hbtot)
Profil le plus efficace : 17–14–6 mmHg (cheville–
mollet–cuisse)
Compression du mollet déterminante (+ que cheville)
Pas d’effet du collant sur DOMS
↑ PDE post-exercice, avec collant = ↑ renouvellement cellulaire
↑ Débit cardiaque : preuve d'un meilleur retour
veineux (debout uniquement)
CC commerce :
18 mmHg cheville
CC sur mesure : 13–
19 mmHg cheville
Cheville : 10 mmHg
Mollet : 17 mmHg
Altération retour veineux (brassard cuisse à 20–
40 mmHg) mesure stase veineuse (scintigraphie)
30 min de marche (6 km/h) en descente (–25 %)
Mesure de métabolites (31P-MRS) et DOMS
8, 10, 12 (cuisse)
15, 16, 20 (mollet)
40 min allongé puis 120 min debout
Mesure du débit cardiaque (inhalation de CO2)
19 hôtesses de l'air,
8–15 mmHg, puis 15– Port des CC pendant 4 semaines
↑ Des signes et symptômes d’inconfort, de gonflesouffrant de problèmes
20 mmHg
ment, de fatigue, de douleur et d’oppression
Évaluation subjective : gonflement et inconfort
vasculaires (49 ans)
(jambes)
Pas de différence entre les CC
Les principaux résultats relatifs aux effets des vêtements de compression élastique externe sont évoqués. Sphyg. : sphygmomanomètre ; VO2 : consommation d’oxygène ; HbO2 : hémoglobine oxygénée ; HHb :
hémoglobine désoxygénée ; PIM : pression intramusculaire ; 31P-MRS : spectroscopie de résonance magnétique nucléaire au phosphore 31 ; DOMS : douleurs musculaires retardées.
Weiss et al. [35]
A. Bringard et al. / Science & Sports 22 (2007) 3–13
Études
A. Bringard et al. / Science & Sports 22 (2007) 3–13
Ces auteurs ont mesuré une diminution du gonflement des chevilles et des mollets d’environ 50 % par le port de bas de contention
appliquant des pressions comprises entre 5,2 et 9 mmHg au
niveau de la cuisse et entre 6,8 et 8,4 mmHg au niveau du mollet.
En revanche, l’absence d’effet au niveau de la cuisse, indique que
les niveaux de compression utilisés dans cette étude sont bien en
dessous de ce qui pourrait être nécessaire pour affecter les masses
musculaires les plus volumineuses [17]. Partsch et al. [24] ont
mesuré le gonflement diurne des membres inférieurs, c’est-àdire la différence de volume entre le matin et le soir chez des
sujets sains. Le gonflement variait de 10 à 220 ml selon les sujets,
pour un volume initial de 3300 ml, soit une augmentation de
2,4 % en moyenne. La chaussette de contention appliquant une
pression de 6 mmHg à la cheville permettait de réduire de 50 %
ce gonflement, alors que les chaussettes appliquant des pressions
supérieures à 10 mmHg (11, 18 et 22 mmHg en moyenne) le
prévenaient complètement [24]. Jonker et al. [14] ont également
mesuré le gonflement des membres inférieurs qui se produit au
cours de la journée chez des sujets sains, travaillant debout. Ce
gonflement qui était en moyenne de 2,3 et 1,6 % pour les hommes et les femmes, respectivement, était diminué de 31 et 18 %
par le port de chaussettes appliquant 14 mmHg à la cheville et de
37 et 32 % par le port de chaussettes appliquant 18 mmHg.
Enfin, d’un point de vue sensoriel, une baisse de l’inconfort
perçu au niveau des membres inférieurs mais pas au niveau des
membres supérieurs, a été ressentie grâce au port de vêtements de
contention (chaussette et bas), ce qui amène les auteurs à conclure
que la douleur et l’inconfort souvent ressentis au niveau des masses musculaires actives sont diminués grâce à la contention [17].
La diminution des mouvements du centre de masse lors d’un test
de contrôle postural observée sur une plate-forme dynamométrique résulterait d’une limitation du gonflement et de la stase
veineuse des membres inférieurs avec le port de bas de contention
comparée à une condition contrôle [17]. Weiss et al. [35] ont étudié les améliorations induites par le port de bas de contention sur
du personnel de bord dans l’aviation. Ces auteurs ont recueilli une
amélioration des signes et symptômes d’inconfort, tels qu’une
diminution du gonflement des jambes, de la fatigue ainsi que de
la douleur et de l’oppression lorsque les bas de contention étaient
portés régulièrement au cours de la journée de travail (pendant
quatre semaines). La pression appliquée par ces bas était de 8–
15 mmHg ou de 15–20 mmHg à la cheville. Il est intéressant de
souligner que chez cette population ne souffrant pas de pathologie
vasculaire, aucune différence n’a été relevée entre les deux
niveaux de contention, ce qui signifie en d’autres termes que de
faibles pressions (de 8 à 15 mmHg) sont suffisantes. Jonker et al.
[14] ont également enregistré une diminution des sensations de
jambes lourdes et de pieds gonflés par le port de chaussettes
appliquant des pressions de 14 à 18 mmHg à la cheville. Ces
conclusions rejoignent celles de Kraemer et al. [17] pour qui
l’application de faibles pressions, inférieures à la première classe
médicale, permettrait d’obtenir un gain significatif chez des sujets
sains.
Concernant les effets vasculaires induits par la compression
externe positive sur les membres inférieurs, l’utilisation de la
technique d’imagerie doppler a permis de mettre en avant une
réduction significative du diamètre des veines poplitées et tibiales
9
postérieures, démontrant une diminution de la stagnation de sang
par le port de bas de contention à compression graduelle [17].
Partsch et Partsch [25] ont mis en avant que la diminution du
calibre des veines permettant d’accélérer le flux sanguin du mollet nécessite une pression entre 35 et 40 mmHg en position
debout. Cette étude a également mis en évidence l’apparition
d’une occlusion des veines du mollet chez des personnes saines
dès 20–25 mmHg en position allongée. Cependant, en position
érigée, cette occlusion ne se produisait qu’à partir de pressions
de l’ordre de 70 mmHg [25]. Une étude originale récente [3] a
mis en avant une amélioration de la perfusion de l’avant-bras
(augmentation du débit sanguin veineux) par l’application de
manchons de compression placés autour des muscles de la loge
de l’avant-bras. Leurs résultats font état d’un effet maximal avec
une pression externe de l’ordre de 20 mmHg augmentant le débit
sanguin de plus de 115 %. Lawrence et Kakkar [20] ont comparé
plusieurs profils de pression appliqués sur le membre inférieur au
regard de la vitesse du sang dans les veines profondes et le débit
sanguin musculaire du mollet. Il se dégage de cette étude que le
profil de pressions de 18, 14, 8, 10 et 8 mmHg sur la cheville, le
mollet, le genou, le bas et le haut de la cuisse, respectivement, est
celui qui produit le plus d’effet positif chez des personnes allongées ne souffrant pas de maladie vasculaire. La vitesse du sang
était alors augmentée de 75 % dans les veines profondes, alors
qu’avec des pressions plus élevées au profil précité, cette vitesse
était diminuée chez certaines personnes. Également, le profil de
pression de 30 mmHg à la cheville diminuant à 12 mmHg en haut
de la cuisse entravait le débit sanguin sous-cutané, voire le flux
sanguin profond [20]. Ces auteurs ont observé un effet identique
lorsque la même pression était appliquée uniquement sur la jambe
(sous le genou). Cela signifie que la compression sous le genou
contribuerait le plus à l’augmentation du flux sanguin profond
[20]. Sparrow et al. [30] ont également conclu que la portion de
chaussette au-dessus du plateau tibial est relativement inefficace
pour réduire la stagnation du sang dans cette région et compromet
l’efficacité au niveau du mollet et de la cheville. Ces auteurs ont
testé l’hypothèse d’une possible diminution du sang stagnant dans
les jambes en position érigée induite par l’application d’une pression autour du mollet. Ils ont ainsi mesuré le volume de sang dans
le mollet par scintigraphie avec application de plusieurs profils de
pression sur le mollet, et en gonflant un brassard à 20 et
40 mmHg de pression autour du haut de la cuisse de manière à
simuler artificiellement une altération du retour veineux. Leur
conclusion est que le port de chaussettes de contention présentant
le profil idéal préconisé par Lawrence et Kakkar [20] permet
d’éliminer la stagnation de sang induite artificiellement en gonflant un brassard à 20 mmHg autour du haut de la cuisse [30]. En
utilisant d’autres profils de pression, ces auteurs ont montré que la
compression du mollet est déterminante dans l’amélioration du
retour veineux, plus que le gradient de pression entre la cheville
et le mollet. Cette étude met en avant un profil de pression idéal
de 17–14,5–6,5 mmHg à la cheville, au mollet et sur le haut de la
cuisse, respectivement.
Murthy et al. [23] ont mesuré par cathéter, les modifications
des pressions intramusculaires du soléaire et du jambier antérieur
dues aux ports de chaussettes de contention. Ces auteurs considèrent que la pression intramusculaire des jambes est un index
10
A. Bringard et al. / Science & Sports 22 (2007) 3–13
objectif de la fonction de pompe musculaire. Les chaussettes de
contention élastiques appliquant des pressions de 16–20 mmHg
en position allongée et de 19–23 mmHg en position érigée génèrent des PIM de 21–25 mmHg dans le soléaire et 25–28 mmHg
dans le jambier antérieur en position allongée contre 8 et
11 mmHg sans chaussettes, et 55–56 mmHg dans le soléaire et
48–50 mmHg dans le jambier antérieur en position érigée contre
37 et 35 mmHg sans chaussettes. Shiroishi et al. [29] ont évalué
les effets du port de chaussettes de contention sur le volume sanguin et l’oxygénation tissulaire avec l’aide de la spectroscopie
proche infrarouge (NIRS). En utilisant différentes chaussettes de
contention, ces auteurs ont établi une corrélation négative entre la
désoxyhémoglobine (HHb) et la pression externe, ainsi qu’entre
l’hémoglobine totale (Hbtot) et la pression externe. Ils concluent
que le port de chaussettes de contention améliore la saturation en
O2 du tissu musculaire par l’augmentation de l’éjection veineuse
et/ou la prévention de la stase veineuse (due à la pression hydrostatique) et la conservation des apports d’O2 [29]. Bien que parmi
les effets bénéfiques prêtés au port de bas ou chaussettes de
contention, le plus couramment mis en avant, à savoir l’amélioration du retour veineux vers le cœur, peu d’études ont cherché à
vérifier ce dogme. Watanuki et Murata [34] se sont intéressés au
débit cardiaque, considéré comme un index du retour veineux.
Ces auteurs ont observé une augmentation du débit cardiaque et
du volume d’éjection systolique, associée à une diminution de la
fréquence cardiaque chez des femmes portant des bas de contention appliquant des pressions de 25 mmHg au mollet et 20 mmHg
à la cuisse. En utilisant des brassards gonflables, ils ont calculé
que des valeurs de 15–20 mmHg au mollet et 12–16 mmHg à la
cuisse sont des valeurs minimales permettant d’améliorer le retour
veineux. Cependant, l’application de pression si importante n’est
pas sans effets secondaires néfastes. Ainsi, les sujets portant ces
bas se sont plaints d’inconfort. De plus, la pression appliquée à la
peau par les bas de contention peut augmenter la pression du
fluide interstitiel autour des capillaires. Cette pression majorée
contribue au retour du fluide en excès dans la circulation veineuse. Cependant, si la pression est supérieure à celle du versant
artériel du capillaire (lors de pathologie artérielle), les substances
nutritives ou tous les autres éléments du sang ne peuvent pas circuler vers les tissus. Dans le cas d’une artère saine, le gradient de
pression entre le capillaire et le tissu peut être diminué par la
compression externe, altérant le transport des nutriments vers les
tissus [34].
En résumé, au repos (i.e., en l’absence de l’effet de pompe
musculaire) la contention peut être appréhendée en tant que palliatif des pressions intramusculaires exercées lors de l’exercice
visant à diminuer la stase veineuse et à améliorer le retour veineux. Cependant, cette pression doit être optimale afin d’éviter
tout excès entraînant alors des effets délétères et inconforts.
4.2. À l’exercice dynamique local : cas de la flexion plantaire
Les exercices de montée sur pointe de pieds sont utilisés dans
le milieu médical pour évaluer le degré de développement des
pathologies vasculaires. Un des intérêts majeur de ce type d’exercice est qu’il permet de s’affranchir des limitations systémiques
des patients lors d’exercices globaux, du fait de la faible sollici-
tation cardiopulmonaire qu’il engendre. Il est donc possible
d’évaluer localement les bénéfices apportés par la compression
externe sur la fonction vasculaire du muscle.
Brown et Brown [4] ont testé l’effet de port de chaussettes de
contention légère (6 et 12 mmHg à la cheville) chez des patients
insuffisants veineux légers. Il se dégage de cette étude que
l’application de pressions aussi faibles que 6 mmHg, améliore la
fonction des valves veineuses superficielles au bout d’un mois et
l’insuffisance veineuse, mesurée à travers la fonction des valves
veineuses profondes et la capacité veineuse, après trois mois.
Pour ces patients, l’amélioration des fonctions vasculaires répond
au mécanisme de pompe musculaire du mollet, c’est-à-dire à
l’amélioration de la fonction des valves veineuses superficielles,
puis celle des valves veineuses profondes, et enfin l’augmentation
de la capacité veineuse (ou flexibilité) des veines profondes de la
jambe [4]. Ibegbuna et al. [11] ont également évalué l’effet du
port de chaussettes de contention légère (7, 10 et 14 mmHg à la
cheville) chez des patients souffrant de veines modérément variqueuses. En utilisant un pléthysmographe à air, ces auteurs ont
mis en évidence une diminution du débit de reflux lors du passage de la position allongée à la position érigée et une diminution
de la fraction de volume résiduel (volume résiduel de sang dans la
jambe après dix montées sur la pointe du pied), et ce pour une
pression aussi faible que 7 mmHg à la cheville. La fraction
d’éjection, c’est-à-dire le volume de sang éjecté lors d’une seule
montée sur pointe du pied, n’était diminuée qu’avec la chaussette
appliquant une pression de 14 mmHg à la cheville. La fraction
d’éjection est considérée comme un indice de l’efficacité du
mécanisme de pompe musculaire du mollet [11]. Le volume veineux en position érigée n’était affecté que par les chaussettes de
10 et 14 mmHg à la cheville, c’est-à-dire les plus importantes
pressions, testées dans cette étude [12], ce qui n’est pas surprenant car c’est lorsque le sujet est debout (i.e., lorsque le remplissage des veines est maximal) que l’on observe les pressions veineuses les plus élevées, soit environ 90 mmHg à la cheville [26].
En résumé, les chaussettes appliquant de faibles pressions permettent de limiter la distension veineuse, alors que les chaussettes
appliquant de plus fortes pressions permettent en plus d’augmenter l’efficacité de la pompe musculaire du mollet chez des patients
souffrant de légères varices [11] lors d’exercices de flexions plantaires.
4.3. À l’exercice dynamique global
Dans un contexte de locomotion pédestre, l’augmentation des
pressions sous la plante du pied et l’augmentation des PIM dans
les muscles de la jambe et surtout le mollet, influent grandement
sur l’hémodynamique veineuse. Également, la sollicitation métabolique, plus importante comparée à un exercice local, engendre
une augmentation du débit cardiaque et du travail respiratoire.
Les pressions veineuses et artérielles seront donc influencées par
le débit cardiaque, de même que par la pression intrathoracique,
reconnue pour influencer le flux sanguin dans les membres inférieurs.
Ibegbuna et al. [12] recensent parmi les effets positifs du port
de chaussettes élastiques de contention une réduction de la quan-
A. Bringard et al. / Science & Sports 22 (2007) 3–13
tité des reflux et volume veineux, associée à une amélioration de
la fonction de pompe musculaire du mollet chez des sujets atteints
d’insuffisance veineuse chronique. Chez ce type de patients, un
exercice de marche ne suffit pas à diminuer le volume résiduel de
sang stagnant au niveau du mollet, témoin de l’efficacité du phénomène de pompe musculaire. En revanche, le port de chaussettes
de compression élastiques améliore l’hémodynamique veineuse,
réduisant significativement le volume résiduel de sang stagnant
au niveau du mollet, pour des allures de marche modérées entre
1 et 2,5 km/h [12].
Lors de marche plus rapide à 4,3 km/h et lors de course à
10,1 km/h, Murthy et al. [23] n’ont pas observé de modification
des PIM dans les muscles soléaire et jambier antérieur par le port
de chaussettes de contention appliquant des pressions de 17 à
28 mmHg à la cheville. Considérant la PIM des jambes comme
un index objectif de la fonction de pompe musculaire, Murthy et
al. [23] ont conclu que l’application d’une compression lors d’un
exercice dynamique ne permet pas d’améliorer la fonction de
pompe musculaire chez des sujets sains. En revanche, Maton et
al. [21] ont mis en avant une augmentation de la PIM par le port
de chaussettes de contention appliquant des pressions comprises
entre 6 et 11 mmHg au mollet au repos et lors d’exercices isométriques et concentriques de flexion dorsale de la cheville.
L’augmentation brutale de la PIM en début de contraction (augmentation encore majorée par le port de chaussettes de contention) peut chasser le sang hors des veinules du muscle et des
capillaires d’approvisionnement, et également (en présence de
valves veineuses fonctionnelles dans les veines superficielles et
profondes proches du muscle) augmenter le retour du flux sanguin veineux par le mécanisme de « pompe musculaire ».
Maton et al. [21] concluent que lors de contractions dynamiques,
les chaussettes de contention peuvent augmenter le retour veineux
du sang par le mécanisme suivant : en assimilant le réseau veineux des jambes à un tube compressible, la PIM de repos étant
supérieure avec les chaussettes, le diamètre et la pression transmurale sont diminués et la compliance du tube est majorée. Ainsi,
pour une augmentation similaire de la PIM lors de la contraction
dynamique, un changement plus important du volume serait
mobilisé, caractérisant une augmentation de l’efficacité de la
« pompe musculaire » avec le port des chaussettes de contention
[21]. Cette même équipe a prouvé que, malgré l’augmentation de
la PIM (soupçonnée d’accroître de manière préjudiciable le phénomène d’ischémie lors de la contraction), le port de chaussette
n’engendrait pas une fatigue plus prononcée, et n’accélérait pas
son apparition [22]. De plus, aucune de ces deux études n’a
décelé de modification de l’activité électromyographique (EMG)
des muscles de la jambe, dont l’évolution permet de rendre
compte des phénomènes de la fatigue neuromusculaire. En
outre, ces auteurs ont réfuté l’hypothèse d’une diminution du
temps de récupération après fatigue par le port de chaussette de
compression. Il était attendu grâce à l’augmentation de l’efficacité
de la pompe musculaire, une restauration plus rapide du métabolisme initial, avec comme conséquence une diminution du temps
nécessaire pour recouvrer le niveau de force initial [22].
L’absence d’effet de la chaussette de compression est attribuée à
plusieurs causes. La première est que le mécanisme de pompe
musculaire n’est que peu sollicité pendant la récupération, car
11
les muscles du mollet (où se produit l’essentiel de ce mécanisme)
sont très faiblement sollicités, comme en témoigne le niveau
d’activité EMG très bas [22]. La seconde est que la récupération
de force peut également dépendre de la récupération de la fatigue
centrale, facteur sur lequel les chaussettes n’ont, selon Maton et
al. [22], aucun effet. Cependant, ces auteurs suggèrent que les
chaussettes de contention pourraient accélérer le processus de
récupération, si des contractions dynamiques rapides, et donc
activant de manière importante la pompe musculaire, étaient réalisées durant la récupération. Enfin, Maton et al. [22] concluent
que cette absence de résultats avec des chaussettes de classe II ne
laisse pas présager de l’effet que pourraient avoir des chaussettes
de classe supérieure, induisant des PIM plus élevées. Il faut noter
que les pressions appliquées par les chaussettes lors de la seconde
expérimentation étaient comprises entre 10 et 21 mmHg au
niveau du mollet, soit déjà près de deux fois supérieures à celles
rapportées par Maton et al. [21]. Trenell et al. [32] ont évalué les
effets d’un collant de compression spécialement conçu et destiné
pour la pratique sportive sur la récupération métabolique après un
exercice excentrique. Ces auteurs ont mis en avant, grâce à la
technologie de spectroscopie RMN au phosphore 31 des concentrations de phosphodiesters post-exercice supérieures avec le collant appliquant des pressions de 10 mmHg à la cheville et
17 mmHg au mollet. Cela est le témoin d’une amélioration du
renouvellement de la membrane cellulaire du muscle squelettique
et d’une accélération des processus inflammatoires [32] survenant
après des contractions excentriques répétées. Cependant, cette
étude n’a révélé aucun effet de la compression sur les douleurs
musculaires retardées, contrairement aux résultats de Kraemer et
al. [18]. Berry et McMurray [2] ont évalué chez des sujets sains
l’effet du port de chaussettes de contention, initialement destinées
à des patients souffrant d’insuffisance veineuse, lors d’exercices
épuisants de course et de pédalage. Ces auteurs ont observé une
diminution de la concentration de lactate veineux post-exercice en
portant des chaussettes appliquant des pressions de 18 mmHg sur
la cheville et 8 mmHg sur le mollet pendant l’exercice et la récupération. Le fait que la concentration de lactate ne soit pas modifiée lorsque les chaussettes sont portées uniquement pendant
l’exercice amène ces auteurs à conclure que les chaussettes réduisent la diffusion du lactate hors du lit musculaire après l’exercice.
En d’autres termes, le lactate serait retenu par le muscle, probablement à cause d’une inversion du gradient de pression [2]. Cette
étude est régulièrement citée pour mettre en avant les effets bénéfiques du port de chaussettes de contention à l’exercice. Cependant le premier résultat est toujours mis en avant, alors que la
conclusion générale des auteurs est souvent passée sous silence.
Plus récemment, Chatard et al. [6] ont également testé l’effet du
port de bas de contention, mais uniquement lors de la récupération entre deux exercices maximaux de cinq minutes. Le port de
bas de contention appliquant 33, 18 et 12 mmHg à la cheville sur
le mollet et la cuisse, respectivement, réduisait de 2,1 % la chute
de performance entre les deux exercices séparés de 80 min de
récupération passive. Dans cette étude, la concentration en lactate
sanguin circulant et l’hématocrite, ainsi que les sensations étaient
aussi diminuées pendant la récupération avec le port des bas. Les
concentrations en lactate au début du second exercice étaient
20 % plus basses chez les sujets ayant porté les bas pendant la
12
A. Bringard et al. / Science & Sports 22 (2007) 3–13
récupération, ce qui pousse ces auteurs à suggérer une augmentation de l’élimination du lactate en récupération passive provoquée
par le port de bas de contention chez des personnes âgées d’une
soixantaine d’années [6]. Il est à noter que l’effet âge doit être
pris en considération. En effet, les sujets avaient certainement
une compliance veineuse supérieure à celle d’une population de
sujets plus jeunes.
Ces auteurs avaient auparavant évalué l’effet du port de bas de
contention, appliquant une pression de 30 mmHg à la cheville, au
cours d’un exercice de course de 5000 m [5]. Une chute de la
performance de 2,3 %, soit une augmentation moyenne du
temps de course de 31 s avait été enregistrée, lorsque le 5000 m
était réalisé avec les bas de contention. Ainsi, les transports du
lactate et de l’oxygène semblaient être modifiés par le port de
bas de contention pendant la course [5]. Berry et al. [1] ont
testé les effets de collants destinés à des sujets sains pour la pratique sportive lors de course sur tapis roulant. Ces auteurs n’ont
relevé aucun effet de ce type de collant sur les concentrations de
lactate sanguin, sur la fréquence cardiaque ou sur la consommation d’oxygène. Pour Berry et al. [1], bien qu’un des bénéfices
régulièrement présentés par ce type de vêtement soit une augmentation du retour veineux à l’exercice, il n’existe aucune donnée
appuyant cette information. Ces auteurs supposent que les pressions appliquées par ce type de vêtement sont trop faibles pour
produire un tel effet.
En résumé, les quelques résultats concernant l’application de
pressions pendant l’exercice et/ou pendant la récupération suggèrent que des pressions jusqu’à 30 mmHg sont appropriées pendant la phase de récupération, mais trop importantes pour être
appliquées pendant l’exercice. Ainsi, il n’est pas impossible que
les effets négatifs rapportés chez les sujets sains lors de la locomotion, soient dus en partie à des pressions externes excessives.
En effet, de nombreuses études [4,11,14,24] ont montré que
l’application de pressions relativement faibles suffisait à produire
des augmentations du retour veineux et du débit sanguin chez des
sujets sains ou légèrement variqueux en position orthostatique.
Durant l’exercice, il serait intéressant de tester des pressions intermédiaires entre 30 mmHg à la cheville [5], et les pressions appliquées par un collant de course standard [1] qui sont bien souvent
inférieures à 5 mmHg au mollet (données personnelles).
4.4. À l’exercice dynamique explosif
C’est au cours des années 1990 que sont apparues les premières études s’intéressant aux effets bénéfiques de la contention
dans le domaine du sport. Ces études se sont quasi exclusivement
intéressées à des exercices explosifs ou de force. L’étude princeps
de Kraemer et al. [15] a démontré que, pour des exercices à base
de sauts verticaux, le port de cuissards avec compression type
Lycra® permettait de maintenir une puissance de saut plus élevée
qu’avec des shorts classiques. Dans cette étude, il est rapporté une
augmentation de la force développée lors d’un saut maximal et de
la puissance moyenne développée lors de dix sauts maximaux
successifs. En revanche, cette même équipe n’a observé aucun
effet sur le développement de la fatigue lors de répétitions d’exercices de squat ou d’extension du genou sur banc isocinétique
[16]. Enfin, Doan et al. [8] ont observé une diminution de l’oscillation des muscles de la cuisse lors de l’amortissement de sauts
verticaux et une augmentation de la hauteur de saut lors de la
réalisation d’un saut maximal avec contre-mouvement. Ces
auteurs attribuent ce gain de performance à l’élasticité du vêtement qui aurait pu augmenter la force propulsive [8]. De la
même manière, Ringaud et al. [27] ont observé une diminution
de l’activation des muscles fléchisseurs de la jambe (données
EMG) lors d’un exercice de sprint par le port d’une combinaison
spéciale, pourvue de bandes élastiques postérieures. Ces auteurs
expliquent ce gain mécanique par l’amélioration du cycle étirement–raccourcissement du muscle grâce aux renforts élastiques
placés sur les zones musculaires. Dans ce cas, ce n’est pas le
principe de contention du muscle mais l’effet de ressort externe
[27] suppléant le muscle lors de la contraction, qui serait à
l’origine du bénéfice.
5. Conclusion
En conclusion, il ressort que la mise au point de chaussettes de
compression externe destinées à des sujets sains, nécessite de
prendre en compte la physiologie vasculaire chez cette population. Il est aussi nécessaire de considérer les différents mécanismes mis en œuvre en fonction de la position et de l’exercice musculaire pour développer un produit spécifique à un usage. Cela
tend à montrer, qu’il n’est pas satisfaisant d’utiliser un traitement
développé pour certaines pathologies vasculaires et de le transférer à une population saine ou sportive, sans prendre en compte les
différences physiologiques importantes entre ces populations.
Pour le sujet sain dont les mécanismes assurant le retour veineux (en position orthostatique et lors de la locomotion) sont
considérés comme fonctionnels, il est nécessaire de ne pas dépasser des pressions de 30 mmHg à la cheville, voire 18 mmHg au
mollet pour un produit destiné à un exercice mobilisant des masses musculaires importantes (e.g., marche, course). Pour un produit destiné à être porté lors de la récupération, c’est-à-dire en
absence de toute activité des membres actifs, les pressions peuvent être légèrement supérieures, bien que la diminution de la
stase veineuse et l’amélioration du retour veineux se produisent
à partir de pressions de l’ordre de 15–20 mmHg au mollet. Des
pressions trop importantes n’apportent non seulement pas de gain
significatif, mais peuvent conduire à une altération de la circulation sous-cutanée.
6. Perspectives
Depuis de nombreuses années maintenant, la technologie a fait
son apparition dans le milieu sportif, et a permis l’amélioration
des performances, du confort et la prophylaxie des blessures.
Ces améliorations sont rendues possibles en grande partie, grâce
aux innovations dans le domaine de l’ingénierie du sport. Kraemer et al. [18] ont démontré lors de la réalisation d’exercices
maximaux de type excentrique, que le port de manches à base
de tissus de contention portés juste après l’exercice diminuait
l’amplitude de l’augmentation de la créatine kinase et réduisait
le gonflement du bras. Les auteurs ont conclu que la contention
A. Bringard et al. / Science & Sports 22 (2007) 3–13
pouvait avoir des effets bénéfiques dans la prévention des blessures et que ce type de technologie améliorait la récupération de la
force. Comparativement au développement technologique des
chaussures de course à pieds et étant donné la faible part du
coût énergétique estimé pour faire face aux résistances aérodynamiques, i.e., 4 % à 6 m/s et 2 % à une allure marathon pour des
coureurs élites [7], peu d’intérêt est porté au développement technologique de vêtements sportifs. En effet, à ce jour le port de
vêtements techniques en course à pieds et à la marche est surtout
destiné à l’optimisation de la thermorégulation pendant l’exercice
musculaire. Une augmentation de la température lors de l’échauffement et de la réalisation d’exercices courts (i.e., sprints, sauts
verticaux) peut s’avérer bénéfique dans le sens où cette augmentation participera à la prophylaxie des blessures et à l’amélioration de la performance [8]. Cependant, ce gain de chaleur, positif
quant à la réalisation d’efforts brefs et intenses, et d’échauffement
précompétitif, doit être considéré comme facteur à effets délétères
dans le cas d’exercices prolongés (e.g, cyclisme, course à pieds).
Il apparaît que l’utilisation de collants de compression dans le
cadre de la course à pieds pourrait s’avérer efficace, non pas
pour agir directement sur la performance mais pour influencer la
fonction musculaire (vasculaire et métabolique) au cours et dans
le décours de l’exercice pour réduire la fatigabilité du muscle.
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