EVA et MVA - Dominique Jacquet

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EVA et MVA - Dominique Jacquet
RENTABILITÉ ET VALEUR : EVA & MVA
Cet article a été publié dans la revue Analyse Financière en septembre 1997
Dominique JACQUET
Professeur à l'Université de Paris X - Nanterre
Dans son numéro spécial annuel “ Les 1000 ”, l’Expansion classe, tout
d’abord, les entreprises par MVA (Market Value-Added) décroissante et indique, pour
chaque entreprise, l’EVA (Economic Value-Added) et d’autres paramètres liés à la
rentabilité des capitaux investis. Dans cette première partie, ne sont mentionnés ni le
chiffre d’affaires, ni le résultat net, mesures “ classiques ” de la puissance et de la
rentabilité des entreprises.
On apprend, par la MVA, que Carrefour a enrichi ses actionnaires de près de
60 milliards de francs à partir de 19 milliards de capitaux engagés, alors que les
propriétaires d’Alcatel-Alsthom ont perdu plus de 80 milliards pour des capitaux
engagés représentant environ 165 milliards. De plus, il apparait, en analysant l’EVA,
que l’exploitation de Legrand a généré un solde positif de 250 millions de francs,
alors que celle de Club Méditerranée a perdu plus de 500 millions.
Ces chiffres sont très évocateurs, mais le trouble peut s’emparer du lecteur
lorsqu’il se demande comment Club Méditerranée enrichit ses actionnaires de près de
800 millions en dépit d’une exploitation “ difficile ”, comment Danone génère une
richesse de 12 milliards de francs quand l’exploitation perd 1,2 milliard et, à l’inverse,
comment Saint-Gobain a fait perdre plus de 14 milliards alors que l’exploitation
dégage un surplus économique de 500 millions.
Les concepts de MVA et d’EVA ont été médiatisés par un cabinet nordaméricain, Stern-Stewart, qui, après avois conquis les Etats-Unis, commence à
envahir l’Europe. Aujourd’hui, un nombre croissant de groupes importants surveillent
attentivement leur crédibilité boursière au travers de la MVA et évaluent la
performance de leurs responsables d’unités opérationnelles à l’aide de l’EVA.
Ces concepts permettent-ils aux entreprises d’améliorer sensiblement leur
approche valeur-rentabilité ou constituent-ils la dernière mode de management qui
disparaitra très vite ?
Nous proposons d’aborder cette question au travers de la démarche suivante.
Tout d’abord, nous allons rappeler comment mesurer la rentabilité opérationnelle et la
comparer au coût des ressources financières. Puis, nous présenterons le concept
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d’EVA, son apport opérationnel et ses limites. Enfin, nous exposerons les liens entre
EVA, MVA et méthodes d’évaluation des entreprises, ce qui nous permettra, entre
autres, de montrer comment la croissance participe au processus de création de valeur.
I/ LA MESURE DE LA RENTABILITÉ OPÉRATIONNELLE
Avant d'introduire le concept d'EVA, qui se présentera naturellement comme
la différence entre un revenu et un coût, il est utile de rappeler comment la rentabilité
opérationnelle est mesurée à partir d'une vision financière du bilan et comment elle se
compare au coût des ressources financières, appelé coût de capital.
I.1/ LA PRÉSENTATION FINANCIERE DU BILAN
La dualité comptable classique actif/passif se décline d'une manière
légèrement différente en termes financiers. On distingue, d'une part, l'investissement
net que l'entreprise a réalisé en vue de répondre à la demande de biens et services,
d'autre part, le financement net mis en oeuvre pour financer ce montant investi.
Présentons, tout d'abord, la notation que nous utiliserons.
Nous appellerons Capitaux Engagés, notés CE, l'investissement d'exploitation,
qui comprend, pour l'essentiel, l'actif immobilisé net d'amortissements et le besoin en
fonds de roulement.
Les Capitaux Engagés sont financés par les actionnaires (Capitaux Propres) et
les créanciers financiers (Dettes financières nettes), banquiers et obligataires ; le
financement est net de la trésorerie active.
Le bilan financier s'écrit :
Capitaux Engagés = Capitaux Propres + Dettes financières nettes
CE = CP + D
L'intérêt majeur de cette présentation est de distinguer nettement l'outil
industriel (CE) de son financement (CP + D).
La caractéristique principale du financement est qu'il a un coût. Actionnaires
et créanciers financiers exigent un rendement de l'investissement qu'ils ont réalisé
dans l'entreprise et ce rendement est proportionnel au risque qu'ils ont accepté de
prendre.
Calculons le coût moyen de ce financement, appelé coût de capital.
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I.2/ LE COUT DU CAPITAL
Les créanciers financiers se rémunèrent au travers des frais financiers et la
rentabilité de leur investissement est égale au taux d'intérêt de la dette (noté Id) si,
évidemment, l'entreprise ne fait pas défaut. Cependant, pour l'entreprise, le coût réèl
de la dette est inférieur au taux d'intérêt, car les charges financières sont déductibles
du résultat imposable. Ce coût se calcule, donc, par la formule suivante :
Coût réèl de la dette = Id * (1 - Tis)
où Tis est le taux d'impôt sur les sociétés.
Le "coût" des capitaux propres est moins "visible" ; en particulier, il n'apparait
pas dans le compte de résultat. Mais, les actionnaires attendent de leur investissement
une rentabilité supérieure au taux d'intérêt de la dette, car ils ont pris un risque plus
élevé que les banquiers et les obligataires. Le problème est d'estimer ce "coût" de
financement. Le Modèle d'Evaluation Des Actifs Financiers (MEDAF) propose une
méthode de calcul fondée sur l'estimation du risque systématique et de sa
rémunération.
L'exigence de rendement des capitaux propres (notée E(Rcp)) est la somme de
deux termes :
- le taux d'intérêt sans risque (obligation d'Etat), noté Ro,
- la prime de risque égale à la prime de risque moyenne du marché, Rm - Ro,
multipliée par le coefficient de risque systématique, ß.
Soit :
E(Rcp) = Ro + (Rm - Ro) * ß
Calculons le coût du capital d'une entreprise à l'aide d'un exemple. Soit une
société dont les caractéristiques financières sont les suivantes :
- part des capitaux dans le total du financement : 2/3
- part de la dette financière dans le total du financement : 1/3
- taux de rendement des emprunts d'Etat : 8%
- prime de risque moyenne du marché des actions : 5%
- coefficient de risque systématique ß de la société : 0,8
- taux d'intérêt de la dette financière : 9%
- taux d'imposition des bénéfices : 33 1/3 %.
L'exigence de rendement des capitaux propres est :
E(Rcp) = 8% + 5% * 0,8 = 12%
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Le coût réèl de la dette est :
Id * (1 - Tis) = 9% * (1 - 33 1/3 %) = 6%.
Le coût moyen pondéré des ressources financières, coût de capital, que nous
noterons K est égal à :
K = 2/3 * 12% + 1/3 * 6% = 10%.
En termes simples, une société, dont deux tiers du financement coûtent 12% et
un tiers coûte 6%, dispose de ressources financières dont le coût moyen est égal à
10%.
Nous disposons, maintenant, d'un indicateur précieux, le coût des ressources
financières. Son utilité va apparaître naturellement dans l'énoncé d'un principe aussi
fondamental qu'évident de la Finance.
Principe de profitabilité : une entreprise est profitable si elle dégage, au
travers de son exploitation, une rentabilité supérieure au coût de ses ressources
financières, donc à son coût du capital.
Si, dans l'exemple présenté ci-dessus, l'entreprise dégage une rentabilité des
capitaux engagés égale à 15%, alors que le coût de capital s'élève à 10%, elle est
profitable et la "marge" dégagée est égale à la différence 15% - 10%, soit 5%. Si, à
l'inverse, cette même entreprise génère une rentabilité égale à 7%, elle "perd" 3% par
an. Les "marges" et les "pertes" évoquées ici n'apparaissent pas directement dans le
compte de résultat, au même titre que des notions bien connues telles que le résultat
net : elles traduisent, par contre, le fait que les ressources financières globales, et
surtout parmi elles les actionnaires, n'ont pas été rémunérées au niveau exigé .
Nous verrons plus loin que la différence entre la rentabilité de l'actif
économique et le coût des ressources est très proche du concept d'EVA. Mais, tout
d'abord, il convient d'exposer les méthodes de calcul de la rentabilité des capitaux
engagés.
I.3/ LA MESURE DE LA RENTABILITÉ DES CAPITAUX ENGAGÉS
Comme nous l'avons noté, les capitaux engagés (CE) regroupent l'outil
industriel dont l'entreprise a besoin pour produire et vendre des biens et services. Le
résultat dégagé par cette activité permettra de rémunérer les créanciers financiers, puis
l'Etat et, enfin, les actionnaires. Connu sous le nom de Résultat d'Exploitation (RE), il
est égal à la différence entre le chiffre d'affaires et les charges d'exploitation, c'est-àdire les charges générées par l'exploitation courante de l'outil industriel.
En première analyse, la rentabilité des CE (notée ROCE, pour Return On
Capital Employed) est, donc, égale au résultat d'exploitation divisé par
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l'investissement d'exploitation, c'est-à-dire les capitaux mis en oeuvre pour dégager ce
résultat :
ROCE = RE / CE
Le résultat d'exploitation étant calculé avant impôts, la rentabilité ainsi définie
est, elle aussi, avant impôts. On définit, donc, en complément, une rentabilité
industrielle nette d'impôts, qui est naturellement égale à :
ROCE * (1 - Tis) = RE * (1 - Tis) / CE
Cette mesure de la rentabilité d'exploitation est centrale dans l'analyse
financière et connait de nombreuses implications, en particulier au niveau de la
rentabilité exigée du capital investi.
I.4/ LA RENTABILITÉE EXIGÉE DES CAPITAUX ENGAGÉS
Tout d'abord, suivant le principe de profitabilité évoqué plus haut, il est
évident que la rentabilité des capitaux engagés avant impôts doit être supérieure au
taux d'intérêt de la dette financière. En effet, cette ressource étant la moins risquée,
donc la moins chère, du passif financier, son coût (Id) représente un minorant du coût
moyen des ressources. Les capitaux engagés dégagent une rentabilité ROCE qui doit,
ainsi, être supérieure au coût de la ressource financière la moins chère, à savoir Id.
Ceci s'écrit :
ROCE > Id
En d'autres termes, la rentabilité industrielle doit être supérieure au coût de la
dette. Comme nous raisonnons ici en termes de minorant du coût des ressources, il
s'agit d'une sorte de version faible du principe de profitabilité.
Notons que la différence entre ROCE et Id est un indicateur complémentaire
de la plus grande importance. A titre d'exemple, rappelons qu'au début des années
quatre-vingt la rentabilité industrielle de construteurs automobiles japonais (Toyota et
Nissan) était voisine de celle de General Motors (16% pour les premiers, 14% pour
GM) ; mais, les taux d'intérêts étaient voisins de 3% au Japon, alors qu'ils étaient de
l'ordre de 13% aux Etats-Unis. Dans ce contexte, l'écart entre rentabilité industrielle
était, pour les japonais, de 13% et pour General Motors de 1% seulement. Au travers
de cet exemple, on constate combien il est important de dégager une rentabilité des
CE sensiblement supérieure au taux d'intérêt de la dette, le ratio-clé étant ROCE - Id.
Le même principe de profitabilité, dans sa version forte, nous indique que la
rentabilité nette d'impôts générée par les CE doit être supérieure au coût des
ressources financières. Ceci s'écrit comme suit :
ROCE * (1 - Tis) > K
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Cette inégalité est bien connue des analystes financiers d'entreprise spécialisés
en choix d'investissements. En effet, le critère du taux interne de rentabilité (TIR)
procède de la même démarche : un investissement est rentable si son TIR, qui mesure
la rentabilité intrinsèque de l'investissement, est supérieur au coût de capital :
TIR > K
Si l'on considère que l'actif économique de l'entreprise n'est autre que la
somme des investissements en cours de vie, on constate une similitude totale entre les
deux inégalités.
Nous avons montré plus haut la pertinence de l'approche par différence entre
rentabilité et coût. Là encore, s'il est important que l'inégalité soit vérifiée, la valeur de
la différence entre la rentabilité nette des CE et le coût des ressources financières est
fondamentale. Cet écart s'écrit :
ROCE * (1 - Tis) - K
Nous allons montrer, dans la deuxième partie de l'étude, que cette différence
n'est autre qu'une des expressions de l'Economic Value-Added.
II/ LE CONCEPT D'ECONOMIC VALUE-ADDED (EVA)
Nous allons, tout d'abord, définir l'EVA avant de décrire les avantages que
peuvent en tirer les entreprises qui adoptent cette mesure de rentabilité, puis d'attirer
l'attention sur les limites de l'approche.
II.1/ DÉFINITION ET CALCUL DE L'EVA
Le cabinet Stern-Stewart définit l'Economic Value-Added comme la différence
entre le revenu net d'impôts tiré de l'exploitation et la rémunération des capitaux
engagés au coût de capital, c'est-à-dire au coût moyen pondéré des ressources
financières.
Si l'on considère, en première approximation, que le revenu généré par
l'exploitation est le résultat d'exploitation, la formule de l'EVA s'écrit ainsi :
EVA = RE * (1 - Tis) - K * CE
Où :
RE = résultat d'exploitation
Tis = taux d'imposition des bénéfices
K = coût de capital
CE = capitaux engagés.
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Prenons un exemple. Soit une société qui génère un résultat d'exploitation égal
à 15 pour des capitaux engagés de 100, avec un Tis de 33 1/3 % et un coût de capital
de 7%. On obtient :
EVA = 15 * (1 - 33 1/3 %) - 7% * 100
EVA = 3
Le revenu d'exploitation net d'impôts de 10 rémunère largement les ressources
financières mises en oeuvre pour financer les capitaux engagés et qui exigent un
rendement net de 7%, soit une rémunération égale à 7. Le solde, c'est-à-dire l'EVA,
est égal à 3 et correspond à un enrichissement des actionnaires au-delà de la simple
rémunération du risque qu'ils ont pris.
Une EVA positive correspond, donc, à un enrichissement des actionnaires, une
EVA négative à une destruction de richesse.
Des mesures de l'EVA générée par les entreprises américaines et européennes
sont produites et publiées régulièrement par Stern-Stewart, qui s'est fait l'apôtre de
cette mesure de la rentabilité et a même déposé le nom, ce qui justifie, dans certaines
publications, la dénomination EVATM.
Calculons une seconde EVA. La société analysée génère un résultat
d'exploitation égal à 24, les CE s'élèvent à 200, le coût de capital est égal à 6,5% et le
Tis est inchangé à 33 1/3 %.
EVA = 24 * (1 - 33 1/3 %) - 6,5% * 200 = 3
Les deux entreprises analysées génèrent la même EVA, mais dans des
conditions financières et économique assez différentes. Afin d'améliorer la qualité de
la comparaison, nous allons mesurer cet enrichissement, non en valeur absolue, mais
pour un franc de capital investi dans l'outil industriel.
Ceci s'obtient facilement en divisant l'EVA par le montant des capitaux
engagés. Notons ce résultat EVA(%) :
EVA(%) = EVA / CE
Pour la première société, nous obtenons :
EVA(%) = 3 / 100 = 3%
Pour la seconde :
EVA(%) = 3 / 200 = 1,5%.
Le résultat peut être obtenu différemment. Il faut revenir à la formule initiale :
EVA(%) = EVA / CE = (RE * (1 - Tis) - K * CE) / CE
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EVA(%) = RE * (1 - Tis) / CE - K
EVA(%) = ROCE * (1 - Tis) - K
Pour les deux entreprises analysées, les résultats sont respectivement :
Entreprise 1 :
Donc :
Entreprise 2 :
Donc :
ROCE * (1 - Tis) = 15 * (1 - 33 1/3 %) / 100 = 10%
EVA(%) = 10% - 7% = 3%
ROCE * (1 - Tis) = 24 * (1 - 33 1/3 %) / 200 = 8%
EVA(%) = 8% - 6,5% = 1,5%
L'EVA exprimée en pourcentage (EVA(%)) est, donc, un complément
précieux de l'EVA "monétaire" classique, que nous noterons EVA($) pour éviter, dans
la suite de l'étude, toute ambiguité. L'information "je gagne 3" est, certes, de grande
valeur, mais doit être relativisée par rapport au montant des capitaux investis, car le
gain de 3 sera apprécié différemment si l'investissement total est de 100 ou de 200.
Dans le premier cas, l'actionnaire a "gagné" 3 centimes par franc investi, dans le
second seulement 1,5 centime.
Cette EVA(%) n'est autre que la différence entre la rentabilité nette des CE et
le coût des ressources financières que nous avions évoquée plus haut (cf. I.4).
Le concept d'EVA n'est, donc, pas très révolutionnaire : il résulte d'une
démarche du type "marge = revenu - coût". Notons qu’il n’est pas non plus très
nouveau, puisque Peter Drucker en fait mention en 1964 dans son livre Managing For
Results et que ses principes étaient analysés il y a près d’un siècle par l’économiste
Alfred Marshall. Cependant, nous allons montrer qu'il permet aux entreprises
d'effectuer de réèls progrès dans la gestion de leurs opérations, en dépit de quelques
inconvénients sensibles.
II.2/ L'APPORT DE L'EVA
L'EVA est un outil particulièrement utile pour les non-financiers dans
l'entreprise, pour au moins deux raisons.
Tout d'abord, l'EVA sensibilise l'opérationnel au coût global du bilan,
c'est-à-dire des ressources financières. En effet, les objectifs classiques confiés aux
opérationnels sont, le plus souvent, exprimés en termes de chiffre d'affaires, de marge
brute, de résultat d'exploitation, de résultat courant ou de résultat net : tous ces
objectifs appartiennent au compte de résultat. Parfois, des objectifs de stocks sont
adjoints, ainsi qu'un budget d'investissement, généralement disjoint du budget de
résultat, mais ces objectifs sont, souvent, moins prioritaires.
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Pour l'opérationnel, les fonds propres sont, donc, "gratuits", car le seul coût de
ressource financière qui apparait au compte de résultat est la rémunération de la dette,
à savoir les frais financiers. De plus, l'opérationnel ne sait pas quantifier les objectifs
de bilan qui lui sont imposés (stocks et investissements). Certes, il sait que
l'acceptation des investissements passe par une mesure a priori de la rentabilité, mais
le coût des capitaux engagés n'apparait pas clairement a posteriori.
L'introduction de l'EVA comme mesure de performance conduit à une
modification des priorités et des comportements opérationnels. Prenons un
exemple. Une division génère un chiffre d'affaires d'un milliard de francs, un résultat
d'exploitation égal à 7% du chiffre d'affaires, soit 70 millions, et dispose d'un niveau
de stocks s'élevant à 100 millions. Le responsable de la division est incité à réduire
ses stocks mais ne sait pas valoriser cet enjeu. Si le coût de capital représente 10%,
une bonne compréhension de l'EVA lui montre que le coût financier des stocks est
égal à 10% de 100 millions, soit 10 millions de francs. Pour un taux d'impôt de 33%,
cela représente un équivalent de 15 millions de francs de résultat d'exploitation. Ainsi,
plus de 20% du résultat d'exploitation de la division sont gaspillés dans le coût
financier d'un actif qui ne génère pas de valeur ajoutée. De plus, une réduction, par
exemple, de moitié de ces stocks génèrerait une valeur économique de 5 millions de
francs nets d'impôts, équivalente à un accroissement de 7,5 millions du résultat
d'exploitation, soit une augmentation de 10% de ce résultat, ou de 0,75% des prix de
vente. Le contexte économique et concurrentiel est tel que la pression à la baisse sur
le résultat d'exploitation est permanente. Cet exemple montre qu'une réduction de ce
résultat peut, en termes de valeur économique, être compensée par une meilleure
utilisation des capitaux engagés, une meilleure gestion des flux.
Un deuxième apport du concept est qu'il permet d'améliorer les décisions
financières opérationnelles. Prenons l'exemple d'une division qui génère un chiffre
d'affaires X avec un grand distributeur. Ce dernier tente de lui imposer un
accroissement des délais de réglement de 2 à 3 mois. Si le directeur de la division
n'est pas évalué sur le coût de son actif économique, il sera tenté d'accorder cette
faveur à son client sans trop résister. Or, le coût sera réèl pour l'entreprise et ses
actionnaires. Prenons un coût de capital égal à 10%. Quelle augmentation des prix de
vente pourrait compenser l'accroissement des stocks, donc des capitaux engagés ?
Le coût financier de l'augmentation des délais de réglement est égal au coût de
capital multiplié par l'accroissement des capitaux investis, soit :
10% * X * (1 + 20,6%) / 12 = 0,01 * X
Le résultat d'exploitation après impôts doit, donc, "payer" ce surcoût financier
:
Delta RE * (1 - 33 1/3%) = 0,01 * X
D'où :
Delta RE = 0,015 * X
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L'augmentation de prix correspondante représente le ratio Delta RE / X et est
égale à 0,015.
En conclusion, passer le délai de réglement de 2 à 3 mois a une incidence
financière qui peut être compensée par une hausse des prix de 1,5%. Cela ne signifie
pas que le distributeur/client acceptera cette modification, mais le concept d'EVA
permet à l'opérationnel d'estimer ses objectifs de négociation.
On montre que la formule générale permettant de résoudre ce problème est :
Variation des prix (%) = k * (1 + TVA) / (1 - Tis) * 12
Si l'EVA permet d'améliorer la performance des entreprises, elle comporte
quelques limites, dont certaines sont bien identifiées, le traitement des dépenses de
recherche et développement, entre autres.
Il nous semble plus important d'insister sur un aspect technique et théorique
qui met en perspective rentabilité financière et capitalisation boursière.
II.3/ LA VALEUR AU "DÉTRIMENT" DE LA RENTABILITÉ
Reprenons la formule de l'EVA.
EVA = RE * (1 - Tis) - K * CE
Le coût de capital est égal à la somme pondérée de la rentabilité éxigée des
capitaux propres et du coût réèl de la dette.
CP * E(Rcp) + D * Id * (1 - Tis)
K = ---------------------------------------------CP + D
En calculant l'EVA, on multiplie le coût de capital par les capitaux engagés
qui sont, par définition, égaux à la some des capitaux propres et de la dette financière
nette. La formule se simplifie, donc, par élimination des CE au numérateur et de la
somme CP + D au dénominateur.
L'EVA devient :
EVA = RE * (1 - Tis) - (CP * E(Rcp) + D * Id * (1 - Tis))
EVA = RE * (1 - Tis) - CP * E(Rcp) - D * Id * (1 - Tis)
EVA = (RE - D * Id) * ( 1 - Tis) - CP * E(Rcp)
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Or, la multiplication de la dette par le taux d'intérêt représente les frais
financiers. De plus, en retirant du résultat d'exploitation les frais financiers, on obtient
le résultat avant impôts. Comme ce résultat se voit amputé de l'impôt, on peut écrire :
(RE - D * Id) * (1 - Tis) = RN
où : RN = Résultat Net
L'EVA ainsi développée devient :
EVA = RN - CP * E(Rcp)
EVA = CP * ( RN / CP - E(Rcp) )
Comme le rapport RN / CP mesure la rentabilité financière de l'entreprise, on
aboutit à la formule finale :
EVA = CP * ( Rcp - E(Rcp) )
Le résultat est logique et parfaitement centré sur la rentabilité des capitaux
propres, ce qui est l'apport majeur du concept. En effet, l'EVA est positive si la
rentabilité financière dégagée par l'entreprise est supérieure aux attentes des
actionnaires. Par franc de capital investi, le gain est égal au sur-rendement, c'est-à-dire
Rcp - E(Rcp). L'enrichissement des actionnaires est, donc, très naturellement la
multiplication du gain par franc investi par le montant total investi.
L'approche devient plus délicate si l'on intègre le fait que que les parts
respectives des capitaux propres et de la dette sont mesurées en valeurs de marché.
Reprenons la formule précédente :
EVA = RN - CP * E(Rcp)
Nous allons mettre en facteur le résultat net au lieu des capitaux propres :
EVA = RN * (1 - CP / RN * E(Rcp))
Si CP représente la valeur de marché des capitaux propres, c'est-à-dire la
capitalisation boursière, le ratio CP/RN n'est autre que le Price-Earnings Ratio :
EVA = RN * ( 1 - PER * E(Rcp) )
Prenons le cas d'une société dont le ß est égal à 1,2 et qui connait une
trajectoire financière et boursière se traduisant par un PER de 15. Alors, si l'OAT 10
ans a pour rendement 6%, l'EVA devient :
EVA = RN * ( 1 - 15 * ( 6% + 5% * 1,2) )
EVA = RN * ( 1 - 15 * 12% ) = - 0,8 * RN
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Si le succès de l'entreprise est encore plus net, l'EVA va se détériorer. Ainsi,
pour un PER de 20, l'EVA se réduit à :
EVA = RN * ( 1 - 20 * 12% ) = - 1,4 * RN
La société est, donc, victime de sa belle trajectoire boursière et plus le marché
est satisfait de ses résultats (PER), plus sa rentabilité se dégrade !!!!
Le problème vient du fait que la capitalisation boursière traduit l'espoir du
marché quant au futur de l'entreprise. Cette valeur dépend un peu du résultat net
d'aujourd'hui et beaucoup de l'anticipation des résultats nets futurs : phénomène bien
connu, en bourse on achète du futur.
La difficulté méthodologique provient, donc, de la prise en compte, dans le
calcul du coût de capital, de valeurs de marché. Ce choix est parfaitement justifié car
l'entreprise, pour financer son activité, lève des fonds à leur valeur de marché et non à
un coût de revient historique. Mais, la critique reste valide même si l'on utilise les
valeurs comptables des capitaux propres et de la dette. En effet, l'entreprise,
lorsqu'elle lève des capitaux, les investit dans des projets de développement dont la
rentabilité n'est pas instantanée, mais étalée dans le temps. Ainsi, comparer le résultat
net d'aujourd'hui avec le montant des capitaux investis pour demain pose un
problème méthodologique délicat.
L'EVA mesurait la rentabilité des capitaux engagés. Abordons, maintenant, la
troisième partie de la note, la MVA qui mesure la création de valeur ainsi que le lien
entre rentabilité et valeur.
III/ LA MARKET VALUE-ADDED, MESURE DE LA VALEUR POUR
L'ACTIONNAIRE
Après avoir défini la Market Value-Added (MVA), nous ferons le lien avec les
méthodes d'évaluation des entreprises et nous discuterons de la relation entre la
croissance de l'entreprise et sa capacité à créer de la richesse pour les actionnaires.
III.1/ DÉFINITION DE LA MVA
Les banquiers se sont joints aux actionnaires pour financer l'outil industriel de
l'entreprise, à savoir ses capitaux engagés (CE). Le bilan étant construit, pour
l'essentiel, sur le principe du coût historique, la lecture de l'actif nous livre le coût de
revient de mise en oeuvre de cet outil.
Si l'entreprise a réalisé des investissements performants, la valeur de l'outil
doit être supérieure à son coût de mise en oeuvre : la valeur des CE est, ainsi,
supérieure aux CE comptables et l'entrprise a créé de la valeur, Vce - CE comptable.
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La Market Value-Added est définie par cet accroissement de valeur, qui se
traduit par un goodwill ou une survaleur lors d'une acquisition.
Rappelons qu'un investissement est acceptable si sa valeur actuelle nette
(VAN) est positive. Or, la VAN est égale à la différence entre la valeur de
l'investissement, mesurée par ses cash-flows actualisés, et le coût de mise en oeuvre
de l'investissement. Dans une large mesure, la VAN d'un investissement et la MVA
d'un actif économique sont des concepts issus de la même source :
Valeur créée = valeur - coût.
Concrètement, la valeur de l'actif économique se mesure ainsi :
Vce = Vcp + Vd
La valeur des capitaux propres (Vcp) est la capitalisation boursière de
l'entreprise, qui se calcule en multipliant le cours de bourse par le nombre d'actions en
circulation. La valeur de la dette est plus délicate à évaluer, car il est nécessaire de
connaître toutes ses caractéristiques (maturité, devise, taux, mode de
remboursement,...) ; on prend donc en pratique la valeur nominale inscrite au bilan
comme valeur approchée :
Vce = capitalisation boursière + dettes
Or :
CE = CPcomptables + dettes
Donc :
MVA = capitalisation boursière - CPcomptables.
La MVA est une mesure monétaire absolue. Comme pour l'EVA, il est
intéressant de disposer d'une mesure complémentaire relative. Nous noterons MVA($)
la définition classique monétaire et MVA(%) le ratio :
MVA(%) = MVA($) / CE comptable
Si la MVA(%) vaut 45%, cela signifie que l'entreprise a créé une valeur
ajoutée égale à 45% la valeur des capitaux engagés (CE).
Outre la mesure de la valeur créée, la MVA et son homologue la Market-ToBook (MTB = capitalisation boursière / CP comptables) mesurent, en dynamique,
l'évolution de la crédibilité boursière de l'entreprise cotée par rapport à son secteur.
Cette crédibilité est fondamentale pour pouvoir appliquer une politique de
financement variée et efficace. La MVA est donc tout à la fois un indicateur de succès
capitalistique et une mesure de crédibilité relative, facteurs d'importance
fondamentale qu'il convient de piloter avec soin.
EVA et MVA – Dominique Jacquet – Analyse Financière – Septembre 1997 - page
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La MVA est déduite de la valorisation décidée par le marché. Il est intéressant
de l'analyser à la lumière des méthodes de valorisation utilisées par le marché et nous
allons, maintenant, faire le lien avec la méthode des Free Cash Flows, appelée parfois
méthode des Liquidités Disponibles.
III.2/ MVA ET FREE CASH FLOWS
La méthode des Free Cash Flows (FCF) valorise l'actif économique à partir
des flux générés et consommés par l'outil industriel. Partant du principe qu'un actif ne
vaut que ce qu'il génère en trésorerie, la méthode se fonde sur les FCF générés par les
capitaux engagés. Ils se calculent comme suit :
FCF = EBITDA * (1 - Tis) + A * Tis - Delta BFR - Investissements
En effet, l'outil industriel génère un résultat monétaire d'exploitation (Earnings
Before Interests taxes Depreciation and Amortization / EBE - Excédent Brut
d'Exploitation en France), dont on retire l'impôt et auquel on ajoute les économies
d'impôts sur amortissement. A l'inverse, l'outil industriel consomme des capitaux :
l'accroissement du Besoin en Fonds de Roulement et le renouvellement des actifs
immobilisés nécessaires à l'exploitation.
Le FCF peut s'écrire différemment. En effet, le résultat d'exploitation (EBIT)
et l'excédent brut d'exploitation (EBITDA) diffèrent des amortissements de l'exercice
envisagé :
RE = EBE - A
En remplaçant l'EBITDA par RE + A dans la formule des FCF, on obtient :
FCF = RE * (1 - Tis) + Amortissements - Delta BFR - Investissements
Or, la différence entre les investissements et les amortissements est égale à
l'accroissement de l'actif immobilisé. Donc, la formule devient :
FCF = RE * (1 Tis) - Delta BFR - Delta Immobilisations
Comme le capital investi est égal à la somme du BFR et de l'actif immobilisé,
les deux derniers termes représentent l'accroissement de les capitaux engagés. La
formule devient :
FCF = RE * (1 - Tis) - Delta CE
Le FCF peut donc s'interpréter comme ce qui reste du gain net d'exploitation
après avoir financé la croissance des capitaux engagés. Ces derniers n'auront donc une
valeur positive que s'ils génèrent plus de richesse qu'ils n'en consomment.
De fait, après quelques calculs, on montre que la valeur des capitaux investis,
qui génèrent un FCF croissant à l'infini au taux stable de g% par an et qui sont
financés par des ressources dont le coût (de capital) est k, est égale à :
EVA et MVA – Dominique Jacquet – Analyse Financière – Septembre 1997 - page
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Vce = FCFo * (1 + g) / (k - g)
Cette formule suggère que la croissance génère de la richesse. En effet, si g
augmente, k - g diminue et la valeur de l'actif économique augmente. A l'extrême, on
peut imaginer une valeur infinie (!) si g et k sont égaux. Analysons plus précisément
ce lien entre valeur et croissance.
III.3/ LA CROISSANCE, SOURCE DE VALEUR ?
Prenons l'exemple suivant.
Une société, dont les CE valent 100, génère un chiffre d'affaires égal à 200 et
un résultat d'exploitation égal à 7,5% du chiffre d'affaires. Le coût de capital est égal à
10%. Que devient la MVA si le taux de croissance de l'entreprise passe de 5% à 8%,
sachant que les bénéfices sont imposés au taux de 33 1/3% ?
Tout d'abord, calculons la valeur des capitaux engagés pour une croissance de
5% des FCF.
FCF (5%) = RE * (1 - Tis) - Delta CE
FCF(5%) = 7,5% * 200 * (1 - 33 1/3%) - 5% * 100
FCF(5%) = 5
Vce (5%) = 5 / (10% - 5%) = 100
Donc la MVA, qui représente la différence entre la valeur des CE (100) et les
capitaux engagés comptables (100) est égale à 0 : l'entreprise ne crèe pas de richesse.
Faisons croître g à 8%.
FCF(8%) = 7,5% * 200 * (1 - 33 1/3%) - 8% * 100
FCF(8%) = 2
Vce (8%) = 2 / (10% - 8%) = 100
A nouveau, la MVA est nulle !!
En augmentant g de 5% à 8%, nous n'avons pas créé de valeur et la MVA est
restée obstinément égale à 0.
Calculons l'EVA.
EVA($) = RE * (1 - Tis) - k * CE
EVA et MVA – Dominique Jacquet – Analyse Financière – Septembre 1997 - page
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EVA($) = 7,5% * 200 * (1 - 33 1/3%) - 10% * 100
EVA($) = 0.
Nous pouvons déduire une première conclusion : lorsqu'une entreprise
génère une EVA nulle, sa MVA sera nulle quelle que soit la croissance des FCF.
La croissance n'est pas une source de richesse.
Reprenons le même exemple en supposant que le RE représente, maintenant,
12% du chiffre d'affaires.
EVA($) = 12% * 200 * (1 - 33 1/3%) - 10% * 100
EVA($) = 6
FCF(5%) = 12% * 200 * (1 - 33 1/1%) - 5% * 100
FCF(5%) = 11
Vce (5%) = 11 / (10% - 5%) = 220
MVA($ ; 5%) = 220 - 100 = 120
FCF(8%) = 12% * 200 * (1 - 33 1/1%) - 8% * 100
FCF(8%) = 8
Vce (8%) = 8 / (10% - 8%) = 400
MVA($ ; 8%) = 400 - 100 = 300
La MVA est, alors, d'autant plus élevée que la croissance est forte, parce que
l'EVA est positive.
Nous épargnerons au lecteur les calculs qui aboutissent à la formule suivante :
MVAo = EVA1 / (k - g)
Cette formule se vérifie dans l'exemple ci-dessus :
MVA($ ; 5%) = 6 / (10% - 5%) = 120
MVA($ ; 8%) = 6 / (10% - 8%) = 300
De cette formule et des raisonnements précédents, nous pouvons déduire un
ensemble de conclusions qui sont parfaitement en accord avec le vécu des praticiens
et qui semblent, ainsi, confirmer des évidences :
EVA et MVA – Dominique Jacquet – Analyse Financière – Septembre 1997 - page
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1- La croissance n'est pas une source de valeur ;
2- La valeur vient du fait que la rentabilité des CE est
supérieure au coût de son financement (EVA >0)
3- Si l'EVA est positive, plus la croissance est forte, plus la MVA est
élevée ;
4- La croissance n'est pas "source" de richesse, mais "accélérateur"
dans la transformation rentabilité / valeur. Il convient de préciser
que, si l'EVA est négative, la croissance aura pour conséquence
d'accélérer la destruction de richesse pour les actionnaires !
Ces conclusions financières ont d'importantes répercussions stratégiques. En
effet, nous venons de montrer que croître n'est pas un objectif stratégique, une raison
d'être pour l'entreprise. A l'opposé, la rentabilité est un objectif dominant. Certes, la
croissance peut contribuer à améliorer la rentabilité (part de marché dominante,
économies d'échelle,...), mais la rentabilité est l'unique source de valeur pour les
actionnaires.
Le lien entre valeur et rentabilité vient d'être établi. Nous allons, maintenant,
montrer l'utilisation de l'EVA comme outil d'évaluation.
III.4/ L'EVA COMME AIDE A L'ÉVALUATION
Le lien entre EVA et MVA permet d'apporter un complément méthodologique
utile dans l'évaluation de l'entreprise.
En effet, lorsqu'une société est cotée, il est possible de lire directement sa
MVA en comparant capitalisation boursière et fonds propres comptables. De plus, on
peut calculer son EVA et déduire du rapprochement entre les deux concepts la
croissance (g) implicite de l'EVA dans la MVA.
g-implicite = k - EVA / MVA
Alors, l'analyse des chiffres est riche d'enseignements. A titre d'exemple, MGI
COUTIER, quelques mois après sa mise en bourse dégageait une EVA(%) de l'ordre
de 7%, ce qui est considérable (les sociétés performantes se situent à environ 2%/3%)
et la MVA indiquait que le taux de croissance implicité de cette EVA dans le cours de
l'action était de 3% par an à l'infini.
Cette situation n'était durable que si la société disposait d'un avantage
concurrentiel tel que les clients n'avaient d'autre choix que de les laisser afficher une
rentabilité nettement au-dessus de la moyenne. Malheureusement, les clients ont
identifié cette niche génératrice de profits. Comme le pouvoir de négociation est en
leur faveur, ils ont incité la société à "partager" ses profits, donc à réduire ses prix de
vente et sa rentabilité exceptionnelle.
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Une EVA "hors normes" est, donc, une situation qui peut s'avérer précaire.
Prolonger à l'infini une situation dont la pérennité n'est pas assurée est un risque
important et conduit à la surévaluation boursière de l'entreprise. Fin 1995, MGI
COUTIER génèrait une EVA encore très acceptable de 3% et son cours de bourse
anticipait une croissance de cette EVA de 3% par an dans le long terme. La société
avait-elle atteint son équilibre boursier ?
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