Suixtil, une saga qui nous plaît

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Suixtil, une saga qui nous plaît
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Suixtil, une saga
qui nous plaît
Suixtil, le nom ne vous dit peut-être rien. A l’origine de la marque, on trouve un gros industriel du
textile des années 1920-30, en Argentine. Un peu comme René Lacoste avec les joueurs de tennis.
Elle a été reprise par un couple franco-belge installé à Shanghai et deux de leurs amis. Avec succès.
Par Pascal Dro – Photos xxxxxxxxxxxxxxxxxxxx
Fangio, premier “client”
« Je suis installé en Chine depuis une vingtaine d’années, avec mon épouse et mes enfants. A Hong Kong, d’abord. Puis à Shanghai.
Un jour, un ami belge a croisé cette marque
argentine, Suixtil, qui apparaissait sur les pantalons et les polos de Juan Manuel Fangio, mais
qui avait disparu. Il a entrepris des démarches
et l’a acquise. Mon épouse et moi étions alors
acheteurs en Chine pour de grands groupes
Vincent Métais et
son célèbre polo
Suixtil, de passage
au dernier salon
Rétromobile.
Ambiance !
Vingt ans avant
que les sponsors
n’investissent les
carrosseries des
Formule 1.
Watkins Glen,
1961. Au centre,
devant la Porsche
F1, de gauche à
droite, Jo Bonnier,
Dan Gurney et
Bruce McLaren
papotent. Tous
sont habillés
en Suixtil.
Barcboys.com
>
L’histoire est toute bête.Vous connaissez
sans doute le slogan qui se trouve sur les
affiches de Grand Prix : « Authentique.
Passionnant. Pur. » C’est sur ces valeurs que
nous choisissons nos sujets, les personnages et
les histoires que nous publions depuis deux ans.
De vrais personnages, avec une profondeur ou,
mieux, une âme. Un jour, intrigués par une bannière passée sur le site Internet du magazine
britannique Motorsport, nous sommes tombés
sur Suixtil. Un rapide e-mail plus loin, une belle
réponse, dans un anglais parfait, signée Vincent
Métais. Les Français maniant à la perfection
l’anglais sont (encore) assez rares. Nous échangeons nos adresses Skype et nous appelons.
L’homme est à Shanghai, nous aux Etats-Unis.
Nous parlons de course, d’autos, des héros de
nos jeunesses et établissons le contact. En univers anglo-saxon, tout est toujours très simple :
« Comment faire des choses ensemble ? »
Nous avons donc avant tout discuté de Suixtil.
Enfin, pour être franc, c’est Vincent Métais qui
en parle… Et nous nous sommes retrouvés,
de salon en salon. Juste pour le plaisir de partager ces valeurs de vérité et d’authenticité.
Nous l’avons ensuite aidé autant que possible,
en publiant quelques pages de pub, en plaçant ses autocollants sur la Porsche de notre
Cannonball vue dans Grand Prix #6, puis sur
notre stand à Rétromobile. De fil en aiguille
(ah, ah), il nous raconté la renaissance de
Suixtil et ses valeurs. Et tout cela nous plaît.
Les vêtements qu’il refait aussi, d’ailleurs…
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Juan Manuel Fangio et Peter Collins à Cuba, lors du
Grand Prix de La Havane 1957. Tous deux en Suixtil.
européens. Nous n’avions pas besoin d’en rajouter : nous croulions sous le travail !
Mais, chez nous, les autos, c’est un truc de
famille. Mon père est chirurgien et ‘‘rafistole’’
des accidentées de la route depuis toujours.
Autant dire qu’il n’avait jamais encouragé ma
passion pour la course. Pourtant, mon grandpère, qui avait couru et possédé des Bugatti,
m’emmenait en balade assez souvent. A l’insu
de mes parents, parfois. Alors, quand j’ai un peu
fouillé les images, recherché ce qu’était Suixtil,
une foule d’odeurs et d’images est revenue à
ma mémoire. En clair, je rêvais de course et…
nous avons plongé, ensemble. Nous avons ensuite relancé la marque.
La snob Europe les adopte
L’histoire de Suixtil est celle d’une grande enseigne de bonneterie de l’entre deuxguerres, dans la pampa argentine et prospère
d’alors. A Balcarce, Juan Manuel Fangio est en
train de construire sa Chevrolet un peu spéciale et par t à l’assaut des carreteras d’alors,
ces courses sur route où l’on périt souvent.
Mais, lui, il survit et les remporte, créant, déjà,
un personnage terriblement populaire. Son
histoire et sa légende naissent alors.
Suixtil et le gouvernement argentin décident
d’aider Fangio. Polos, chemises, pantalons serrés
en bas et confortables, sacs de voyage, gants…
Et lorsque Fangio traverse l’Atlantique pour
s’attaquer au championnat du monde de F1
naissant, à l’aube des années 1950, il est équipé de la tête aux pieds. Ses vêtements sont si
Stirling Moss en Suixtil (à gauche) et l’ingénieur Zora Arkus-Duntov (le “Z” des
noms de Corvette), à Sebring en 1957.
fonctionnels, solides et élégants que la snob et
vieille Europe se met au diapason de ces modèles spécifiquement étudiés pour la course.
En quelques mois et pendant plus de vingt
ans, en F1 et F2, mais aussi dans les très populaires épreuves d’endurance, telles que Le Mans,
Sebring, etc., les pilotes Suixtil ont pour noms
Bruce McLaren, Jean Behra, Rober t Manzon,
Maurice Trintignant, Peter Collins, Stirling Moss,
Dan Gurney… Nous nous amusons aujourd’hui
à retrouver les modèles et épreuves avec ces
vêtements, que nous refaisons et adaptons, en
prenant le plus grand soin d’y apporter la qualité maximale : sacs de voyage, polos dans des
tissus solides et incassables, bientôt des ceintures portant les couleurs des écuries nationales,
parkas d’été, gants, etc.
Nous décidons donc de relancer cette griffe. Cela a l’air simple, mais c’était un projet de
fou, dont nous ignorions tout des implications.
Les dessins des modèles, les patrons, le marketing, les recherches de photos… tout était
à retrouver, interpréter et recréer. Il fallait ensuite les faire fabriquer. Et là, nous sommes en
Chine… Est-ce plus facile pour autant ? Non.
Et ce, pour deux raisons. D’une part, nous ne
voulons pas créer une grande marque et produire des millions de pièces. Nous souhaitons
des tissus de grande qualité, des étoffes, coupes et coutures soignées. Des boutonnières
gravées, des bagages fidèlement élaborés. Et
toujours en respectant cette époque magique,
ces personnages de légende et une cer taine
idée de la course. D’autre part, les Chinois ne
se jettent plus – loin s’en faut – sur les commandes en provenance de l’ouest. La croissance de leur marché intérieur est désormais telle
qu’ils n’ont plus de raison de s’em… avec les
Occidentaux pour travailler. C’est encore plus
vrai lorsqu’il s’agit de quelques milliers de pièces par an, comme c’est le cas chez Suixtil.
Valeurs partagées
C’est uniquement notre bonne connaissance du marché et le fait que nous travaillons ici
et avec eux depuis longtemps qui nous permettent de fabriquer des vêtements d’un tel
niveau de qualité et de matériaux. Ce qui est
chouette, c’est de sentir l’adhésion à ces valeurs, la capacité de conviction de nos vêtements, petit à petit, faire son effet.
Au fil des salons comme Rétromobile, des
concours comme Pebble Beach, des courses
comme la Targa Florio, le Tour Auto et Le Mans
Classic, les amateurs, collectionneurs et, en général, les fans des choses que Grand Prix aime
– courses, motos, voyages, montres, avions… –
deviennent amateurs de nos vêtements. Nous
n’offrons rien, c’est un principe. Mais nous
comptons désormais des clients prestigieux
comme Stirling et Suzie Moss, Jochen Mass et
– c’est encore un secret – le département historique de BMW, qui va habiller chez nous son
équipe de course historique, avec des débuts
aux Mille Miglia, dans quelques jours. L’occasion
de franchir une nouvelle étape. » è
www.suixtil.com