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société L’ENFANCE AU CŒUR PATRICK POIVRE D’ARVOR. Sa quête n’est pas seulement celle de l’information. Très sensibilisé par des épreuves personnelles aux problèmes des enfants, le présentateur vedette du journal de 20 heures de TF1 milite activement pour améliorer leur sort. En France et dans le monde. u mur de son bureau, un grand pêlemêle de photos rassemble ceux qui lui sont chers. Famille, enfants, amis… vivants ou disparus, ils sont tous là et l’accompagnent. Ne pas se fier à la douceur du regard et du geste. PPDA est un survivant. De la maladie, qui a failli l’emporter enfant. Des deuils et des épreuves, qui ont failli l’abattre plus d’une fois. Pour les surmonter, il vit à cent à l’heure : présentateur du JT, animateur d’émissions littéraires, écrivain… Il nous raconte le monde tel qu’il va, sans jamais cacher les difficultés qu’il éprouve avec cette réalité-là. Depuis l’enfance, c’est la littérature qui l’aide à vivre. Il lui consacre des émissions et des heures d’écriture. Son dernier roman, écrit avec son frère Olivier en hommage à Lawrence d’Arabie, occupe les étals des libraires depuis la rentrée. Son titre : Disparaître*. Plus qu’un mot, une obsession. Car il reste hanté par la A 4 _VIVRE_SEPTEMBRE 2006 perte de deux de ses enfants. Aujourd’hui ambassadeur auprès de l’Unicef, parrain de l’association Rêve d’enfance, il est aussi à l’origine de la Maison de Solenn, un établissement dédié aux pathologies de l’adolescence. Sans relâche, il se consacre à la cause des enfants. En souvenir d’événements qui lui ont tant pris. Et tant appris. Vivre : Le public ne le sait pas, mais votre groupe, TF1, s’est toujours montré très généreux avec la Ligue… Patrick Poivre d’Arvor : La discrétion est toujours préférable pour ce genre d’actions. Mais, c’est vrai, pour des raisons qui tiennent à nos vécus respectifs, nous nous sentons très impliqués dans le combat que mène la Ligue. Nous essayons de l’aider du mieux que nous pouvons car elle accomplit un travail magnifique. VIVRE_SEPTEMBRE 2006_ 5 société LA LIGUE PARTENAIRE DE RÊVE D’ENFANCE Fondée en 2001 par des étudiants de HEC, Rêve d’enfance est une association qui soutient les enfants atteints de leucémie et de cancer. Elle organise à leur intention des parrainages personnalisés et des voyages. L’été, une croisière entre Calvi et Bonifacio permet à des enfants en rémission de rompre avec le confinement hospitalier. La Ligue soutient leur action en organisant des partenariats. L’invité LES PERSONNAGES QUE VOUS ADMIREZ LE PLUS ? Vous êtes le parrain de l’association Rêve d’enfance qui soutient les enfants malades du cancer. Qu’est-ce qui vous a incité à la rejoindre ? P. P. d’A. : Les deux mots! Le mot enfance d’abord. A chaque fois que je l’entends, je pense à mes propres enfants. À ceux qui sont là et à ceux qui ne sont plus. Quand on me sollicite, je marche à fond et je profite de ma notoriété pour mettre la cause des enfants dans la lumière. J’aime aussi le mot rêve, qui me fait penser à des fenêtres ouvertes sur le possible, au bleu du ciel après l’orage et à la nuit noire. Même les médecins disent combien il est important de garder l’espoir de guérir. En se laissant aller, on donne plus de prise à la maladie. Soutenir ces enfants sur la voie de la guérison, c’est capital ! On vous voit beaucoup militer pour la cause des enfants. A quand remonte votre engagement ? P. P. d’A. : J’ai perdu deux enfants, Tiphaine, de la mort subite du nourrisson, et Solenn, qui avait 19ans quand elle a mis fin à ses jours. Leur Le JT pour servir la cause des enfants. disparition ne cesse de m’obséder. J’ai donc envie d’aider ceux qui sont confrontés à la même souffrance. Mon engagement vient aussi de ma propre enfance, qui a été difficile car j’ai eu une leucémie. Ça aussi, ça m’a conditionné. Quand on passe près de la mort, en tout cas du risque, on porte un tout autre regard sur la vie. Quels rêves auriez-vous aimé voir exaucer ? P. P. d’A. : La plupart l’ont été. Comme beaucoup d’enfants malades, j’ai beaucoup lu. Je me suis forgé un monde à part, romanesque mais beau. J’ai dévoré La Montagne magique de Thomas Mann. Son exemple, comme celui d’autres auteurs qui ont eu comme lui des épreuves difficiles à surmonter, m’a donné envie de devenir écrivain. À 17ans, j’ai écrit Les Enfants de l’aube, où je relatais en partie ma maladie. Je n’imaginais pas que ce livre serait publié un jour. Quand il l’a été, cela m’a rendu heureux. Je rêvais aussi de voyager. Aujourd’hui, je remercie presque la maladie de m’avoir aidé à accomplir ces rêves. On apprend beaucoup sur soi dans l’adversité. On apprend à rebondir et, ensuite, on peut donner de l’espoir aux gens. Comment ? P. P. d’A. : Quand une information peut servir la cause des enfants, nous n’hésitons jamais à la passer dans le journal. Cela arrive souvent, • Sœur Emmanuelle. Je l’aime infiniment. Je l’ai rencontrée pour la première fois en Egypte, il y a 30 ans, lorsqu’elle vivait avec les chiffonniers du Caire. Nous sommes restés très proches. A la mort de ma fille, elle s’est beaucoup occupée de moi. • Le père Pedro qui, à Madagascar, s’engage comme sœur Emmanuelle auprès des plus démunis. Lui aussi, je l’ai installé sur mon mur de photos. Ces gens, qui sont à fond dans la vie et dans le don, le partage, sont importants ! • Julien Gracq. Il refuse de se laisser interviewer à la télévision mais j’ai eu le plaisir de le rencontrer. Je le considère comme le plus grand écrivain français vivant. tous les deux ou trois jours. Et c’est très utile. Par exemple, nous avons souvent parlé de la mort subite du nourrisson. Nous savons que les accidents ont beaucoup diminué depuis. De même pour l’anorexie : les familles qui y étaient confrontées n’osaient pas en parler, leur douleur n’était pas suffisamment prise en compte. Depuis que les médias traitent le sujet, elles peuvent enfin dépasser ce tabou. Journaliste, écrivain, voyageur, militant, vous vivez à cent à l’heure. On dirait que vos épreuves ont décuplé votre énergie… P. P. d’A. : Aurais-je été le même si je n’avais pas été frappé par la maladie, par le deuil ? Peut-on refaire sa vie avec des « si » ? Difficile de le dire. Je crois en tout cas au rôle fondateur de la mala- LES LIVRES QUI VOUS ONT INFLUENCÉS ? • Le Rouge et le Noir de Stendhal. • La Montagne magique de Thomas Mann. Tous lus à l’adolescence, tout comme Premier amour de Tourgueniev et tant d’autres. LES ÉVÉNEMENTS QUI VOUS ONT MARQUÉ ? AMBASSADEUR AUPRÈS DE L’UNICEF, PARRAIN DE L’ASSOCIATION RÊVE D’ENFANCE, PATRICK POIVRE D’ARVOR SE CONSACRE SANS RELÂCHE À LA CAUSE DES ENFANTS. 1971 : je remporte un concours de jeune grand reporter qui me fait entrer dans le métier, je me marie et Arnaud, mon premier fils, va naître. 1974 : la mort de ma fille Tiphaine. 1995 : la mort de ma fille Solenn. 2006 : la prestation de serment d’avocate de ma fille Morgane. die. Elle m’a donné une conscience aiguë de la fragilité des choses, de la vie. Parce que je sais que tout peut s’arrêter, à tout moment, j’essaie de profiter de la vie au maximum. Surtout ne pas vivre petitement ! Ce numéro de Vivre consacre un dossier au médecin généraliste. Quelle importance a le vôtre pour vous ? P. P. d’A. : J’ai honte, je n’en ai pas ! Je me souviens en revanche très bien du médecin de mon enfance à Reims. J’ai gardé pour le docteur Coffin, que j’ai revu récemment, une véritable vénération. Sauver des vies, qu’y a-t-il de plus beau ? CORINNE THERMES *Disparaître d’Olivier et Patrick Poivre d’Arvor, Editions Gallimard. 18,50 €. VIVRE_SEPTEMBRE 2006_ 7