professionnelset responsabilité
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Stratégies dans les lombalgies chroniques Calédonien & Polynésien Les états dépressifs et la dépression PROFESSIONNELS ET RESPONSABILITÉ L’examen clinique du sein N° 54 - Avril 2010 A.D.I.M-N.C. - BP 14 999 98 803 NOUMEA Cédex Tel: ( 687 ) 78.71.73. Email: [email protected] http:// www.bmc.nc A.D.I.M-P.F. - BP 52 580 98 716 PIRAE TAHITI 14 ème année trimestriel Prix au numéro : gratuit BM5401 de la page 1 samedi 17 avril 2010 10:56 Épreuve couleurs Chers amis, Ce numéro sera sérieux ou ne sera pas ! Vous y trouverez une mise au point instructive sur notre « responsabilité », faite par le Pr Leca qui a déjà travaillé en Nouvelle Calédonie et y connaît bien le droit médical. La responsabilité médicale, dentaire ou pharmaceutique est un sujet sensible qui devrait tous nous interpeller. Il est vrai que nos patients, le plus souvent encore charmants, n’ont pas cette quérulence toute occidentale. Il n’empêche, je me rappelle d’un procès à Nouméa il y a quelques années, d’une famille Wallisienne dont une jeune parturiente était morte (en provenance de l’hôpital de Wallis) d’une CIVD post accouchement. A l’époque, pas de capacité à sauver cette jeune femme là bas, qui décèdera malgré l’EVASAN. Comme quoi, même en Océanie, même l’impondérable ou l’aléa devient « injustifiable ». Nous sommes encore peu mis en cause, mais ne rêvons pas, les mentalités changent, les standards de l’Europe nous rattrapent petit à petit. Nos chers administratifs les premiers, savent bien nous abreuver de textes « parfaits aussi pour nous zot’ », mais parfois quand même un peu déconnectés de la réalité du pays… Sachons être prudents et exercer avec toute l’acuité que requiert nos métiers. Le cancer du sein est un fléau qui devient incroyablement présent dans la vie de presque chacun d’entre nous. Espérons que son dépistage, mis en place l’année passée par l’Agence Sanitaire, permettra de ne plus voir ces photos « historiques », qui ne devraient plus exister aujourd’hui déjà. Les lombalgies m’ont beaucoup intéressé, comme patient cette fois ; pas de sourire, budget du siècle, maladie du siècle, j’offre un abonnement gratuit à celui qui n’a jamais eu mal au dos… Mais si j’ai bien compris, c’est la chronicité qu’il faut éviter, au fond c’est pas si compliqué ! Bonne lecture Eric Lancrenon DOSSIER Professionnels & responsabilité. 3 AGENCE SANITAIRE ET SOCIALE DE NOUVELLE NOUVELLE--CALEDONIE Le CEDD fête ses 10 ans. 13 ASSOCIATION MEDICALE DE NOUVELLE CALEDONIE L’examen clinique du sein. Stratégies dans les lombalgies chroniques. 18 23 LA VIE DES ASSOCIATIONS Les états dépressifs et la dépression. 28 PACIFIQUE Atelier des territoires français du Pacifique. Inform’ACTION spécial grippe pandémique A (H1N1). Montée en puissance des maladies non transmissibles! 30 31 31 Directeur de la publication : E Lancrenon Secrétaire de Rédaction : P. Nicot. Conception, Maquette, Mise en page : J. Nicot *** Comité de Rédaction de Nouméa pour le B.M. n° 54 E. Camus, B. Rouchon, J M Tivollier, F. Vangheluwe. *** Les articles signés, textes, photo et illustrations sont publiés sous la seule responsabilité de leurs auteurs. *** Tiré à 2 000 exemplaires par ARTYPO. Distribué à 1400 ex. en Nouvelle Calédonie, Wallis et Futuna. et à 450 exemplaires en Polynésie Française 02 BM5402 de la page 1 Avril 2010 - N° 54 mercredi 21 avril 2010 04:03 Épreuve couleurs Professionnels & responsabilité À propos de la responsabilité du médecin généraliste Pr Antoine Leca Professeur agrégé de Droit. Directeur du Centre de droit de la santé d’Aix-Marseille (EA3242). et du Master ‘Droit public et privé de la santé’ de la Faculté de droit d’Aix-en-Provence. - La responsabilité du médecin est fondée sur la faute - On a eu l’occasion de l’expliquer dans un ouvrage publié il y a quelques années avec le concours de l’Ordre des Médecins de la Nouvelle-Calédonie(1), ainsi qu’à l’occasion d’une conférence récente, tenue à Nouméa en octobre dernier, à l’initiative de l’Association Médicale de Nouvelle-Calédonie, qui a présenté un certain nombre de cas concrets. On va s’en tenir dans les lignes qui suivent à la responsabilité du généraliste devant les seuls tribunaux judiciaires, c'est-à-dire qu’on laissera de côté les juridictions disciplinaires(2). La responsabilité du médecin est fondée sur la faute Le problème pour le juge est d’abord de déterminer s’il y a eu faute, car celle-ci se dérobe à toute définition théorique précise(3). On sait ce qu’elle n’est pas : l’erreur médicale(4), qui reviendrait à faire peser sur les praticiens une absurde obligation de résultat. C’est ainsi qu’alors même que le médicament par lui prescrit a incontestablement causé le dommage, le médecin n’engage pas automatiquement sa responsabilité : en effet, il échappera à toute condamnation s’il n’a pas commis d’imprudence au regard de l’état de son patient et des caractéristiques connues du médicament en l’état de la science médicale pouvant être exigée d’un praticien normalement diligent à la date de sa prescription(5). La question est plus délicate si le médecin a prescrit hors AMM : mais même en ce cas, une telle prescription n’est susceptible de fonder la mise en jeu du professionnel que lorsqu’elle fait courir des risques injustifiés au patient(6). De même si le résultat de la Positivement, la faute c’est précisément le manquement que n’aurait pas commis un bon praticien ou, si l’on préfère, le médecin agissant dans les règles de l’art, ce que certains juristes appellent la Lex artis. C’est la méconnaissance des données acquises de la science. On se souvient que Molière faisait dire au Dr. Diafoirus : "Le public est commode. Vous n’avez à répondre de vos questions à personne, et pourvu que l’on suive le courant des règles de l’art, on ne se met point en peine de ce qui peut arriver"(10). Cette réplique donne à penser que les regulae artis thérapie est désastreux, dès lors sont un échappatoire, alors qu’elles sont qu’aucune faute n’a pu être prouvée, contraignantes. la responsabilité du professionnel ne C’est ce que montre l’étude du peut être engagée(7). En effet aucune faute médicale ne peut se déduire de la manquement. Celui-ci peut survenir à seule apparition d’un préjudice, aussi deux moments différents, durant la grave soit-il. Le dit préjudice peut résulter phase exploratoire ou durant la phase d’un aléa (imprévisible)(8) ou d’un risque thérapeutique. Au vu des jugements (prévisible) bien connu, malheureusement dont on dispose, la faute technique du inhérent à la technique utilisée qui était généraliste est fréquemment recherchée dans la première de ces deux phases. la seule possible(9). 1 - "Le droit médical en Nouvelle-Calédonie" (G. Agniel, A.Leca, G. Orfila et autres), C.D.P.N.C., Collection Université, Nouméa, 2005, 515 p. 2 - Leur importance n’est pourtant pas négligeable. Ainsi, entre 2006 et 2009, 4 médecins ont été radiés de l’Ordre par la chambre de discipline de la région Provence Alpes Côte d’Azur. 3 - Certains auteurs ont proposé cependant des définitions. Tel est le cas de M. Rémi Pellet, qui, en accord avec plusieurs Unions régionales de médecins libéraux, souhaiterait que la faute médicale soit définie comme une faute non intentionnelle, d’une gravité exceptionnelle, dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire des praticiens de santé, de la conscience du danger qu’ils devaient en avoir, en dehors de toute cause justificative ("Réconcilier droit et soins. Propositions et annexes", juillet 2003, http://www.urmlmp.org/). Mais cette définition restrictive n’a pas retenu l’attention du législateur, ni même du juge. 4 - Cass. civ. 1°, 30 octobre 1967, Bull. civ. I, n° 37 (NDLA : Il s’agit d’une décision de la 1° chambre civile de la Cour de cassation, la plus haute instance juridictionnelle en France, publiée au Bulletin de la jurisprudence civile). 5 - T.G.I. (Tribunal de grande instance) Nanterre, 22 décembre 2000, Note H. Vray, Gaz. Pal., 15-16 février 2002, p. 60. 6 - On peut citer dans ce sens un arrêt récent : Cass . civ., 18 septembre 2008, n° 07-15427 concernant la prescription par un sexologue d'un médicament pour une indication thérapeutique différente de celle qui avait motivé l'AMM de ce produit, entraînant chez le patient, victime d’une érection prolongée…une impuissance organique totale et irréversible ! 7 - C.A. (Cour d’appel), Paris, 1° ch. B , 4 mars 2005. 8 - C.A., Paris, 1° ch. B , 4 mars 2005 (concernant de graves séquelles neurologiques consécutives au traitement d’une affection gynécologique banale et bénigne) 9 - Cass. 1° civ., 29 novembre 2005, n°03-16.308. 10 - "Le Malade imaginaire" (acte II, scène V). Avril 2010 - N° 54 BM5403Leca de la page 1 03 dimanche 18 avril 2010 10:37 Épreuve couleurs Professionnels & responsabilité comportait déjà 63. Le rapport 2002 du Haut Comité de la santé publique en dénombrait 200 pour les généralistes et 250 pour les spécialistes, concernant essentiellement les prescriptions de pharmacie et plus modestement les prescriptions d’examens(25). La faute dans la phase diagnostique Durant la phase exploratoire, le praticien peut commettre une faute dans l’établissement du diagnostic. Cette faute n’est pas l’erreur de diagnostic, car toute erreur de diagnostic n’est pas une faute. Tel est le cas lorsque l’anomalie observée ne permettait pas de poser le bon diagnostic au motif que la pathologie en cause était extrêmement rare et qu’un diagnostic exact opéré au moment de l’observation n’aurais pas permis de sauver le patient(11). Pour qu’il revête un caractère fautif, il faut que le diagnostic n’ait pas été posé selon les règles de l’art(12), ou, si l’on préfère, que les moyens et, plus généralement, la diligence nécessaire à l’établissement d’un diagnostic exact n’aient pas été mis en œuvre, au regard des "données acquises de la science"(13), des "connaissances médicales avérées"(14) dont disposait le praticien. Les références médicales dites opposables(15) (ou R.M.O.)(16) peuvent être prises en compte. Ce sont des critères d’examen, comme on les appelle aux Etats-Unis, dans le monde assurantiel où en est née l’idée(17). En France, la notion renvoie à une liste de pratiques médicales présentées comme inutiles ou dangereuses ( !), introduites par la convention nationale des médecins et approuvée le Hippocrate 25 novembre 1993, puis consacrées ensuite par l’ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996(18). Ces références, strictement négatives, sont établies à partir des bases scientifiques élaborées par l’A.N.A.E.S(19), aujourd’hui la H.A.S.(20) (ou, pour les médicaments par l’ A.F.S.S.A.P.S.(21)), concrétisées par des fiches techniques d’une dizaine de pages, pour donner naissance à des formules brèves, lapidaires, sans nuances(22), qui sont rédigées dans les services de l’assurance maladie(23) et destinées à permettre un contrôle par un non-médecin(24). La convention des médecins généralistes de 1998 en La faute peut également procéder des modalités hâtives d’établissement du diagnostic : le cas le plus extrême est celui du défaut d’examen préalable à la prescription ou à l’exécution technique de l’acte médical. On peut en rapprocher l’omission d’un test obligatoire, tel que la sérologie de la rubéole lors d’un examen prénuptial(26), ou celle d’un test réalisé habituellement qui aurait permis de dépister la pathologie(27). Ou l’absence d'attention aux signes cliniques et l’omission d’examens aux moments opportuns : un généraliste qui a suivi une femme enceinte depuis le début de sa grossesse jusqu'à la 31ème semaine d'aménorrhée, l’accueillant à huit reprises (sans jamais avoir noté les hauteurs utérines, fourni de conseils précis sur les dates optimales pour la surveillance échographique, ni considéré que la grossesse était à risque en dépit du fait que la patiente était atteinte d'une sarcoïdose), a été condamné (conjointement avec un échographiste) au motif que l'insuffisance 11 - Cass. crim. (chambre criminelle de la cour de cassation), 22 mai 2007, Juris-data n° 039336 (NDLA : Juris-Data est une base de données sélective de jurisprudence, essentiellement des décisions de cour d’appel). 12 - Cass. civ. 1°, 16 juin 1998, Juris-data n° 002739 (concernant une erreur de diagnostic évidente à propos d’une infection). 13 - Cass. civ., Dr. Nicolas c/ époux Mercier, 20 mai 1936, S. 1937.1.321, DP, 1936.1.88. Après quelques hésitations jurisprudentielles, la référence aux "données actuelles" a été abandonnée par la Cour de cassation (Cass. civ. I, 6 juin 2000, Bull. cass. Civ. I, n° 176, Rap. Ann. C. Cass. 2000, p. 380). S’agissant de la détermination de la notion fondamentale de "données acquises de la science", elle résulte des ouvrages et traités de référence, mais aussi des congrès ou autres conférences de consensus réunissant des autorités reconnues de la profession médicale. Négativement, ce critère exclut qu’un professionnel prodigue des soins en subordonnant les données acquises de la science à des données économiques, telles les possibilités financières d’un patient qui n’aurait pas pu s’offrir l’appareillage dentaire dont il avait besoin et auquel le praticien a préfère une alternative moins chère qui s’est avérée inadaptée (Cass. civ., 19 décembre 2000, Bull. civ. I, n° 331). 14 - Chaque malade a droit à "la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées" (C.S.P., art. L. 1110-5/ L. n° 2002-303 du 4 mars 2002, art. 3.). C’est-à-dire des connaissances tenues pour vraies, sûres et certaines. Dans l’hypothèse où les opinions des scientifiques seraient divisées, on ne serait pas en face de connaissances avérées. 15 - En réalité elles ne sont pas juridiquement opposables, ce qui signifie que leur méconnaissance n’entraîne en elle-même aucune sanction pour le médecin. Il faut en effet se souvenir que l’arsenal juridique qui entourait le système à ses débuts en Métropole n’a pas vu le jour. La méconnaissance des R.M.O. devait initialement exposer le médecin à des poursuites et à une retenue financière au bénéfice des caisses de sécurité sociale. Mais le Conseil d’État a annulé, pour des raisons techniques liées au régime de sanction, les articles de l’arrêté du 13 novembre 1998 sur les conséquences du non-respect des R.M.O. 16 - En Métropole, la convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes du 12 janvier 2005 (A. 3 février 2005, J.O. 11 février) parle de "référentiels médicaux scientifiquement validés". 17 - Review criteria. Cf P. Loiseau, "La maîtrise des dépenses de santé confrontée à la responsabilité médicale aux Etats-Unis et en France", P.U.A.M., Aix, 2005, p. 49 18 - C.S.S., art. L. 162-5-6. 19 - Agence nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé (supprimée en 2004) 20 - Haute Autorité de Santé 21 - Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. 22 - P. Loiseau, "La maîtrise des dépenses de santé confrontée à la responsabilité médicale aux Etats-Unis et en France", op. cit., p. 176, qui démontre que la rédaction des R.M.O est dangereusement simplificatrice. 23 - ibid., p. 252. 24 - ibid., p. 169 pour une démonstration convaincante : "il suffit...de se représenter les millions de feuilles de soins qui circulent en France chaque année pour comprendre qu’il n’est pas pensable de demander aux médecins-conseils de les « éplucher » toutes ; seule l’informatique peut y parvenir, mais il faut pour cela que l’acte médical soit codé et que la « limitation de vitesse » sanitaire le soit aussi. C’est précisément le but des R.M.O. que de définir ces « limitations de vitesse » dans un langage binaire, c'est-à-dire intelligible pour un ordinateur appelé à remplacer le médecin-conseil". Voir aussi p. 172. 25 - "La santé en France 2002", La Documentation française, Paris, 2002, p. 274. 26 - Cass. 1° civ., 16 juillet 1991, J.C.P. 1992, II, n° 21947, note A. Dorsner-Dolivet. 27 - Le test de Guthrie habituellement pratiqué au troisième jour de la naissance et prévu sur le carnet de santé de l’enfant (Cass. civ. 1°, 23 juin 1998, Bull. civ. I, n° 225). 04 BM5404 Leca de la page 1 Avril 2010 - N° 54 dimanche 18 avril 2010 10:49 Épreuve couleurs Professionnels & responsabilité d'oxygénation du cerveau pendant la grossesse n'avait pas été détectée(28). Dans une affaire jugée à Nouméa, un généraliste a été condamné pour ne pas avoir interrogé une patiente sur un précédant frottis, ni ordonné un dépistage du cancer de l'utérus, ni adressé celle-ci à un spécialiste(29). En règle générale, on tient pour fautif le généraliste qui néglige de s’entourer des concours appropriés de spécialistes du domaine concerné pour un problème délicat(30). La faute peut être aussi le délai excessif à demander des examens complémentaires. Voire le refus : le fait pour un médecin (généraliste) traitant, en désaccord avec un spécialiste, de maintenir son diagnostic initial en refusant - c’est là le point essentiel de conduire des examens complémentaires permettant de clarifier le problème est indéniablement une faute(31). Ou le fait de retarder l’hospitalisation, privant le patient d’une chance d’être soigné plus efficacement(32). Il peut s’agir d’une erreur de diagnostic grossière qu’un professionnel ne devrait pas pouvoir commettre, par exemple diagnostiquer une simple contusion du poignet, sans lésion osseuse à la place d’une fracture du scaphoïde carpien gauche(33). La faute peut être le fait de ne pas avoir fait hospitaliser un patient victime d’une blessure grave compte tenu des données acquises de la science médicale(34). Un spécialiste ne peut invoquer la rareté d’une infection pour excuser une erreur de diagnostic(35). La faute peut, semble-t-il, résider dans le choix d’un traitement obsolète ou, à l’inverse, d’une méthode expérimentale non accompagnée d’une diligence technique renforcée(36). Si de tels comportements conjuguent l’insuffisance professionnelle à la désinvolture et qu’ils ont exposé le patient à voir sa vie mise en danger, ils sont susceptibles d’engager la responsabilité, non plus seulement civile, mais aussi pénale devant le tribunal compétent, le plus souvent le tribunal correctionnel : c’est ce qu’a jugé la Cour de cassation qui avait à connaître d’un litige relatif à un médecin de garde ayant réalisé un examen sommaire d’une patiente qui avait pourtant pris soin de l’alerter sur l’opération de chirurgie cardiaque récente qu’elle venait de subir et a diagnostiqué une simple gastro-entérite, alors que son hospitalisation rapide le lendemain à 6H30 et sa ré-opération en urgence, ont aisément montré qu’elle avait été victime d’une "tamponnade"(37). Le manquement dans la phase curative Durant la phase de soin, l’aléa reste inhérent à l’acte médical. Il en résulte qu’un échec, même s’il a entraîné le décès, n’engage pas ipso facto la responsabilité d’un praticien(38). Dans certains cas, la responsabilité de celui-ci est recherchée. Positivement, la jurisprudence sanctionne d’abord l’imprudence médicale, notamment celle qui consiste à utiliser un remède ou un procédé insuffisamment éprouvé(39), par exemple pratiquer une injection sans respecter les méthodes d’asepsie modernes(40). Elle sanctionne également la négligence, particulièrement celle qui consiste à ne pas réagir à temps face à l’occlusion intestinale d’un enfant, traitée trop tard par le généraliste et ayant entraîné le décès du mineur(41) . Enfin les juges condamnent la maladresse fautive du praticien, par exemple un geste inapproprié, tel qu’une manipulation vertébrale ayant entraîné, 48H après, une paralysie des membres inférieurs(42). On ne terminera pas ce panorama sans préciser in fine qu’il ne faudrait pas exagérer le nombre de poursuites atteignant chaque année les professionnels de santé. Certes il existe une indéniable tendance à la hausse. En France, le nombre de demandes d’indemnisation en responsabilité civile a été multiplié par cinq entre 1990 et 2002, passant de 805 à 3906(43). La gravité de ces chiffres n’est pas contestable. Mais ces données représentent peu de choses en chiffres absolus et même en pourcentages. Le nombre d’accidents médicaux est évalué à 10 à 20 000 par an pour un million d’actes par jour(44) accomplis par près de 200 000 praticiens. Globalement, le contentieux de l’activité médicale reste un fait marginal si on le met en relation au volume de l’activité médicale française. D’autant que les litiges concernent très peu la médecine générale et se polarisent sur un petit nombre de spécialités. Enfin, contrairement à une idée reçue, la part la plus importante du contentieux auquel les professionnels de santé sont confrontés ne concerne pas le domaine de la responsabilité, mais les litiges d’ordre contractuel avec les cliniques, les organismes de protection sociale…et hélas entre médecins. 28 - C.A. Angers, ct006, 17 septembre 2008 n° de RG: 05/1956 : 75 % pour le facteur antepartum (thrombophilie) supporté par le généraliste et 25 % pour l'aggravation perpartum, aux dépends de l’échographiste. http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?ldAction =r echJuriJudi&idTexte = JURITEXT000019927639&fastReqId = 1174958083&fastPos = 3 29 - C.A. Nouméa, 30 septembre 1999, confirmé par Cass. civ. 1°, 9 octobre 2001, n° 00-12285. 30 - Cass. crim., 19 décembre 1997, J.C.P. II, n° 22889, note J.-Y. Chevallier. 31 - Cass. civ. 1°, 4 novembre 1964, Charlet c. Dr. X, GP 1965, 1° sem., Jurispr., pp. 43-44, D. 1965, som. P. R9, Bull. 1964, I, n° 485, p. 377, R.T.D.C. 1965, p. 361. 32 - Cass. civ. 1°, 25 novembre 1997, Resp.civ. et assur. 1998, comm. n° 58. 33 - Avis C.R.C.I./ P.A.C.A. (Commission régionale de conciliation et d’indemnisation de Provence Alpes Côte d’azur) du 22 avril 2004, n° de dossier : 03-13-00 136. 34 - Cass. civ. 1°, 7 juillet 1993, Resp. civ. et assur. 1993, comm. n° 375, concernant des blessures pouvant provoquer une plaie articulaire qui font obligation au médecin de prescrire l’hospitalisation pour pallier les complications prévisibles d’une telle situation, puisqu’au-delà de 24 heures, le cartilage démuni de défense est lésé et que l’infection se pérennise. 35 - Cass. civ. 1°, 16 juin 1998, Juris-data n° 002739, Bull. civ. I, n° 210, Resp. civ. et assur. 1998, comm. n° 318. La question n’a pas été clairement réglée pour le généraliste. 36 - Le droit n’est pas encore très ferme sur cette question ; cf C.A. Pau, 9 novembre 2000 (condamnant un professionnel de santé ayant choisi une méthode expérimentale et auquel on pouvait reprocher en outre des fautes techniques et une information du patient déficiente). 37 - C.A. Grenoble, 1° chambre correctionnelle, 28 février 2007, JCP 2007, IV, 2348, puis Cass. crim. (chambre criminelle de la Cour de cassation) , 18 mars 2008. 38 - Voir par ex. C.A. Nîmes ct0007, 16 janvier 2007, concernant un généraliste ayant mal placé une sonde naso-gastrique d'alimentation qui n’a encouru aucune condamnation(http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?dTexte=JURITEXT000007627184&fastReqId=2020323188&fastPos=3&oldAction=rechJuriJudi). 39 - C.S.P., art. R.4127- 39. Voir par ex. S.A.S., 27 novembre 1986, B.O.M., p. 21 ; 14 mars 1990, B.O.M., 1991, p. 1979. 40 - Cass. civ. 1°, 28 février 1984, Bull. civ. I, n° 77. Hélas, il ne s’agit pas de questions aujourd’hui dépassées. Un médecin a été récemment radié du tableau de l’ordre par la juridiction disciplinaire pour avoir pratiqué des séances de sclérose de varices avec du matériel non-aseptisé, ce qui a été mis en parallèle avec "la proportion considérable de patients atteints de l’hépatite C" parmi ses anciens clients (C.E., 4° et 5° SSR, 25 mai 2005, Marteau, n° 259614). 41 - Cass. crim., 10 novembre 1998, Juris-data n° 005063. 42 - C.A. Rennes, 10 octobre 2007, JCP 2008, IV, 1897 (la Cour ayant finalement écarté la responsabilité du médecin au vu de l’expertise imputant la paralysie à une origine veineuse). 43 - L. Helminger, D. Martin, "La judiciarisation de la médecine, mythe et réalité", dans "Sève - Les tribunes de la santé", Revue trimestrielle, n° 5, janvier 2005, p. 44. 44 - Y. Lambert-Faivre, "Le droit du dommage corporel", Dalloz, Paris, 2004, n°°567 ss. Avril 2010 - N° 54 BM5405Leca de la page 1 05 mardi 20 avril 2010 04:49 Épreuve couleurs Professionnels & responsabilité À propos de la responsabilité civile du pharmacien d’officine pour erreur dans la délivrance d’un médicament Pr Antoine Leca Professeur agrégé de Droit. Directeur du Centre de droit de la santé d’Aix-Marseille (EA3242). et du Master ‘Droit public et privé de la santé’ de la Faculté de droit d’Aix-en-Provence. Encore un article juridique ! On va essayer d’être clair pour ne pas rebuter le lecteur. Un pharmacien est susceptible de voir sa responsabilité engagée pour des fautes variées. C’est une question qui a déjà été évoquée lors d’une soirée organisée en octobre, devant un certain nombre de pharmaciens de Nouméa. Mais, incontestablement, la première raison de mise en jeu de la responsabilité de l’officinal est l’erreur de délivrance. Dans erreur de délivrance, il y a évidemment erreur. Celle-ci s’analyse comme un manquement par le professionnel à ses obligations vis à vis de ses patients. Assez souvent, cette faute constituera également un écart vis-à-vis d’une prescription administrative figurant au Code de la santé publique ou une violation d’une règle de déontologie pharmaceutique (impliquant des poursuites disciplinaires devant les juridictions ordinales) . On n’insistera pas ici sur tous ces aspects pour se limiter à la responsabilité civile, c'est-à-dire la responsabilité devant les tribunaux ordinaires(1). Une responsabilité pharmaceutique très large Le pharmacien titulaire d’officine est en principe civilement responsable pour les salariés qu’il emploie(2), tant pharmaciens que non-pharmaciens. C’est là une application normale d’un principe général et ancien, contenu dans l’article 1384, alinéa 5 du Code civil. Il en résulte deux conséquences. En premier lieu, l’officinal, en qualité d’employeur, doit souscrire une assurance le couvrant ainsi que ses salariés. En d’autres termes, l’assurance personnelle supplémentaire du pharmacien adjoint est théoriquement inutile. En second lieu, la victime est fondée à engager la responsabilité civile de l’officinal pour toute faute commise par l’un de ses subordonnés. Depuis deux jugements de 2004 ne concernant pas spécifiquement la pharmacie, la Cour de cassation a jugé que le professionnel de santé salarié, qui agissait sans excéder les limites de la mission qui lui était impartie par son employeur, n’engageait pas sa responsabilité à l’égard du patient(3). En d’autres termes, l’adjoint bénéficie aujourd’hui d’une immunité que seul l’agissement excédant les limites de sa mission (ou la commission par lui d’une infraction intentionnelle) est de nature à lever. Il faut en effet mettre à part l’hypothèse très particulière d’une faute intentionnelle du salarié ayant donné lieu à une condamnation pénale. En règle générale il faut savoir qu‘au pénal les salariés du pharmacien engagent leur propre responsabilité (à laquelle s’ajoute éventuellement la responsabilité de l’officinal fondée sur le défaut de surveillance)(4). La responsabilité de l’officinal est donc très large. D’autant que rares sont les cas dans lesquels les cas habituels d’exonération (force majeure, faute de la victime ou du fournisseur) ont fait obstacle à l’obligation de réparer. La responsabilité du pharmacien d’officine n’est pas pour autant uniforme. Elle varie suivant que l’officinal a ou n’a pas correctement exécuté la prescription médicale. Le pharmacien d’officine commet une faute de nature à engager sa responsabilité civile s’il délivre un médicament qu’il n’aurait pas dû mettre à la disposition de son client, par exemple parce qu’il nécessitait une prescription médicale ou parce que l’AMM (autorisation de mise sur le marché) lui avait été retiré(5). Sa responsabilité professionnelle est engagée lorsqu’il a commis une erreur en exécutant l’ordonnance (§ 1), et lorsqu’il a fidèlement exécuté une prescription erronée (§ 2). 1 - Cela ne signifie pas que chaque juge se prononcera conformément aux mêmes règles. Ainsi l’erreur de délivrance commise par un adjoint engagera-t-elle civilement l’officinal, comme on va le voir, mais elle pourra avoir des destinées différentes au plan disciplinaire (V. par ex. Conseil national de l’Ordre des Pharmaciens, 12 mars 2007, aff. AD 2759, Bull. Ordre Pharm., n° 395 (juillet 2007), p. 191 condamnant l’adjointe et relaxant le titulaire). 2 - Certes en théorie, l’employeur condamné du fait de son salarié devrait pouvoir pourrait se retourner ensuite contre son em-ployé. Mais en pratique, ce n’est pas le cas, car l’employeur étant assuré ne supporte pas la charge des dommages-intérêts civils auxquels il est susceptible de se trouver condamné. Et l’assureur ne peut pas agir contre le salarié fautif (Code des assurances, art. L. 122-1). 3 - Cass. 1° civ., 9 novembre 2004, n° 01-17908, pour un médecin salarié. Cass. 1° civ., 9 novembre 2004, n° 01-17168, pour une sage-femme salariée. 4 - Voir par ex. Cass. crim., 1° février 1990, Bul. Ordre Pharm., 1990, n.327, p. 592. 5 - Cass. civ. 1°, 20 décembre 1993, n° 91-18297 concernant l’Oxibactone, un médicament vétérinaire qui a entraîné la mort de dix veaux du troupeau du plaignant : après expertise la cour d'appel a constaté que la délivrance du produit ne pouvait se faire sans prescription vétérinaire, formalité que l’officinal n'avait pas respectée, et qu'en outre l’Oxibactone avait fait l'objet, le 20 décembre 1984, d'une décision ministérielle de suspension d'autorisation de mise sur le marché, en raison de risques de surdosage, circonstance qui excluait toute tolérance transitoire. 06 BM5406 Leca de la page 1 Avril 2010 - N° 54 dimanche 18 avril 2010 11:03 Épreuve couleurs Professionnels & responsabilité La mise en jeu de la responsabilité civile du pharmacien délivrant un produit autre que celui qui lui est demandé Le pharmacien d’officine commet une faute de nature à engager sa responsabilité civile s’il dispense un produit ne correspondant pas à celui qui est demandé. D’un point de vue juridique, il faut cependant distinguer plusieurs situations. Indépendamment de toute erreur d’un tiers (prescripteur, dont l’ordonnance est rédigée "de façon illisible ou ambiguë"(6), ou fournisseur), le pharmacien peut se tromper dans la lecture de l’ordonnance ou dans la posologie. - L’erreur sur le médicament - La jurisprudence fournit de fréquents exemples d’erreurs de lectures commises par des pharmaciens : - délivrance de Quitaxon 50 mg au lieu de Quitim gélules(7); - délivrance de Butazolidine au lieu de Bristacycline(8); - délivrance de Modecate au lieu de Dodecavi(9); - délivrance de Cetavlon solution concentrée au lieu de Cetavlon en solution alcoolique(10); - délivrance de sérum physiologique hypertonique (dosé à 20%) au lieu de sérum physiologique hypotonique (dosé à 8%) sachant que la présentation était de nature à créer la confusion entre les deux produits(11); - délivrance d’Isobar au lieu d’Isoxan(12). - L’erreur sur la posologie - On trouve également de nombreuses erreurs de posologie imputables au seul pharmacien : - délivrance pour un bébé de Gardenal dosé à 10 cg au lieu de 1 cg(13). - délivrance pour un enfant d’Aspegic 1000 au lieu de 100(14). - délivrance de Catalgine dosée à 1g 60 au lieu du dosage prescrit de 16 cg(15). - délivrance de Quinacrine dosée à 1g par comprimé au lieu d’un dosage prescrit de 0,10g(16). - délivrance de Risordan LP 60 au lieu de Risordan LP 20(17); - délivrance de Malocide 50 mg (dosage adulte) au lieu de Malocide 5 mg, prescrit par un pédiatre avec, sur l’ordonnance, l’en-tête d’un service de réanimation néonatale(18). Dans toutes les hypothèses, l’officinal engage évidemment sa responsabilité. Dans certains cas, l’erreur du pharmacien s’explique par une erreur du prescripteur ou une confusion du fournisseur qui se sont trompés de produit. En ce cas, il peut y avoir partage de responsabilité(19) (mais pas exonération de la responsabilité du pharmacien). La mise en jeu de la responsabilité civile du pharmacien délivrant un produit prescrit alors qu’il aurait dû refuser d’exécuter la prescription - L’obligation du pharmacien de contrôler l’ordonnance avant toute exécution Certes, en droit français, l’officinal est en principe tenu d’exécuter les ordonnances médicales et il est économiquement incité à vendre. Il n’existe chez nous aucun droit de veto(20), ni de rémunération du refus de délivrance(21), comme en droit québécois. Mais préalablement à l’exécution, il doit les contrôler, effectuer "l’analyse pharmaceutique de l’ordonnance"(22). Négativement, celle-ci n’est pas un réexamen médical et l’officinal n’a pas à s’enquérir de la nature exacte de la maladie du patient qui s’adresse à lui. Positivement, l’analyse pharmaceutique suppose qu’il se livre à un examen global de la prescription, pour déceler une interaction médicamenteuse, malheureusement fréquente, un oubli ou tout simplement une anomalie tenant au fait que l’effet thérapeutique d’un produit n’a rien à voir avec les conséquences recherchées à partir des autres ou qu’il est étranger à l’affection dont le client fait état, ce qui permet de présupposer une erreur. Un pharmacien a ainsi été tenu responsable (solidairement avec le médecin) pour avoir délivré deux médicaments prescrits par le dit médecin dont la prise simultanée présentait un danger, sans en avoir mis en garde son client(23). La seconde hypothèse est celle de la mise en jeu de la responsabilité du pharmacien qui a fidèlement suivi une prescription médicale erronée ou, chose plus rare, une prescription interdite. 6 - CA Angers, 11 avril 1946, JCP éd. G 1946, II, n°3163 ; CA Paris, 6 avril 1990, Resp. civ. et assur. 1990, n° 249. Une faute peut parfaitement être imputée à un médecin qui aurait rédigé une ordonnance particulièrement illisible et provoqué ainsi l’erreur du pharmacien. Mais cela n’exonère pas pour autant ledit pharmacien. 7 - T.G.I. Villefranche-sur-Saône, 22 mai 1980, Nouv. Pharm. n° 235, juillet-août 1980, p. 1116. 8 - CA Chambéry, 13 juin 1977, puis Cass. civ., 18 décembre 1978, Doc. Pharm., n° 2265. 9 - Trib. corr. Le Havre, 25 novembre 1980, Inf. Pharm. 1981, n° 241, p. 227. 10 - CA Paris, 20 juin 1963, D. 1964, jurispr. p. 30. 11 - T. civ. Clermont-Ferrand, 18 octobre 1950, Gaz. Pal., 1950, 2, p. 396 (partage de responsabilité). 12 - C.R.O.P., Nord-Pas-de-Calais, 23 juin 1998, C.N.O.P. 19 avril 1999, Doc. Pharm., n° 4068 (janvier-février 2004), p. 15-16. 13 - Trib. pol. Montreuil-sous-Bois, 17 juin 1980, Nouv. Pharm., n° 237, p. 1463. 14- T.G.I. St-Malo, 18 septembre 1981, Inf. Pharm. n° 250, p. 1429. 15 - T.G.I. Lyon, 30 janvier 1970, Doc. Pharm. n° 1649. 16 - CA Angers, 12 mai 1955, J.C.P. G 1955, II, 8948. 17 - C.R.O.P., Nord-Pas-de-Calais, 23 juin 1998, C.N.O.P. 19 avril 1999, Doc. Pharm., n° 4068 (janvier-février 2004), p. 15-16. 18 - C.R.O.P. d’Aquitaine, 16 décembre 1999, C.N.O.P. 11 décembre 2000, Doc. Pharm., n° 4070 (mars-avril 2004), p. 49 (interdiction d’exercice pour un mois). 19 - En ce qui concerne un partage de responsabilité avec le fournisseur, cf. Cass. civ., 27 février 1957, Bull. civ. II, n° 187, D. 1957, somm. p.88, pour une livraison de chlorure de baryum au lieu de magnésium. Pour un partage de responsabilité avec le prescripteur, cf. CA Caen, 15 juillet 1993, Bull. Ordre pharmaciens, avril 1994, p. 236. Le pharmacien d’officine peut voir sa responsabilité partagée avec un autre professionnel de la santé, tel une infirmière. Ainsi une infirmière qui a répété durant quinze jours l’injection intra-musculaire d’un médicament à effet retard connu, et conditionné par ampoule unitaire, a commis une faute de négligence caractérisant un manquement à son obligation de soin, et s’est vu condamnée avec le médecin prescripteur qui avait commis une négligence dans sa prescription, et le pharmacien (CA Paris, 6 avril 1990, Gaz. Pal. 1990, p.47) qui retient le pharmacien, le médecin et l’infirmière responsables respectivement à hauteur de 70 %, 20 % et 10 %. 20 - Le droit québécois admet 14 motifs de refus. En pratique, le refus, qui est rémunéré sur une base forfaitaire, s’avère très pratiqué ("Actualités pharmaceutiques", n° 351, mars 1997, p. 49 donne des chiffres impressionnants). 21 - Au Québec, l’opinion pharmaceutique et le refus de délivrance sont deux actes pharma-ceutiques reconnus et rémunérés, respectivement 12,20 et 5,49 € en 2005. Les pharmaciens sont rémunérés à la ligne de prescription (5,52 €), indépendamment du prix du médicament ou de la quantité servie (ibid., p. 20). 22 - CSP, art. R. 4235.48. 23 - CA Caen, 15 juillet 1993, Cts Beucherie c./ Bembaron et autres, Bull. Ordre pharmaciens, avril 1994, p. 236. Avril 2010 - N° 54 BM5407 Leca de la page 1 07 dimanche 18 avril 2010 11:10 Épreuve couleurs Professionnels & responsabilité Il en a été de même d’un pharmacien pour avoir délivré un neuroleptique à action prolongée, injectable normalement une fois par mois, au lieu du médicament prescrit pour des lombalgies et devant être administré par injections intramusculaires quotidiennes, alors que cette différence de posologie aurait dû attirer son attention et l’inciter à prendre contact avec le médecin prescripteur(24). Pour reprendre deux exemples qui ont déjà été évoqués, des officinaux ont été tenus responsables pour avoir délivré la spécialité Indocid inscrite sur l’ordonnance, alors que le médecin voulait prescrire de l’Indusil(25) et pour avoir dispensé de la Bélustine conformément à une ordonnance manifestement erronée qui aurait dû mentionner de la Bévitine(26). Dans de tels cas, il y a partage des responsabilités et, souvent, la responsabilité(27) du pharmacien est jugée plus lourde que celle du médecin prescripteur(28). L’officinal doit toujours s’enquérir de l’âge du destinataire des médicaments(29). L’examen doit s’étendre à la posologie qui doit impérativement figurer sur l’ordonnance(30) et qui peut-être erronée. S’agissant de la posologie, une précision s’impose. En effet, les tableaux de la pharmacopée sont impératifs pour le pharmacien, mais seulement indicatifs pour le médecin, lequel peut éventuellement opter pour un dépassement, à la condition formelle de l’indiquer expressément par la mention "je dis" suivie de la dose en toutes lettres. En conséquence, le pharmacien ne peut délivrer de quantités supérieures aux doses maximales prévues pour un médicament en l’absence de mention expresse du médecin. - L’obligation du pharmacien de ne pas exécuter une ordonnance comportant une anomalie - En règle générale, en cas d’omission ou d’anomalie dans l’ordonnance, le pharmacien peut et doit refuser de l’exécuter(31). A priori, il ne paraît pas devoir, sauf situation d’urgence, exécuter une prescription, au vu d’une télécopie d’ordonnance(32). Par ailleurs, alors même que toutes les conditions formelles ont bien été respectées, "lorsque l’intérêt de la santé du patient lui paraît l’exiger", l’officinal peut également suspendre l’application de l’ordonnance(33). Il suffit que l’état du patient "paraisse" le requérir (le pharmacien n’est pas un médecin). À défaut, il engage sa propre responsabilité vis-à-vis de son client en exécutant la prescription telle quelle. En effet, le pharmacien n’est pas un simple commerçant et le droit présuppose qu’il a la compétence technique pour déceler l’erreur. En revanche, l’officinal ne peut pas censurer le médecin prescripteur. En règle générale, il est expressément interdit au pharmacien de rectifier de lui–même l’erreur(34). Face à une difficulté, il doit normalement se référer à celui-ci(35), afin que ce dernier rectifie librement son ordonnance(36). Tel est le cas si la prescription semble erronée. Tel est aussi le cas si elle paraît incomplète, notamment lorsqu’elle ne mentionne pas la posologie ou l’âge de l’enfant. Le pharmacien doit alors se mettre en rapport avec le prescripteur. Si le prescripteur confirme ou infirme son ordonnance, le pharmacien peut délivrer le médicament, en mentionnant sur l’ordonnance, le cas échéant, la modification et l’accord du prescripteur. Au plan civil, en l’état actuel de la jurisprudence, la prescription confirmée par le médecin n’engage pas la responsabilité du pharmacien. En effet le médecin prescripteur que le pharmacien avait préalablement alerté sur les risques d’une prescription dont il n’a pas été tenu compte est seul responsable du dommage subi par le patient(37). En matière pénale, le pharmacien encourt une responsabilité s’il exécute une prescription dangereuse pour son client(38). 24 - CA Dijon (1° ch., Sect.2), 7 septembre 2000, n°01-44. 25 - T.G.I. Blois, 4 mars 1970 (déc.cit), Doc. Pharm. n° 1691, Bull. Ordre Pharm. n° 130, oct.nov.1970, p. 1037. 26 - CA Versailles, 18 mars 1983 (déc.cit.), Doc. Pharm. n° 2490, Bull. Ordre Pharm. n° 266, juin 1983, p. 569. 27 - CA Angers, 11 avril 1946, J.C.P. G 1946, II, 3163 ; CA Caen, 15 juillet 1993, Cts Beucherie c./ Bembaron et autres, J.C.P. G 1993, IV, 2477, Juris-Data n° 043204 (responsabilité pour moitié). 28 - CA Versailles, 18 mars 1983, Doc. Pharm. n° 2490 au motif qu’"il convient de sanctionner plus sévèrement la faute d’inobservation des règlements que la faute d’inattention" ; CA Paris, 6 avril 1990, Gaz. Pal. 1990, p.47. 29 - TGI Seine, 19 janvier 1971, Doc. Pharm., 1700. 30 - CSP, art. R. 5194. 31 - CA Lyon, 8 mai 1980 concernant un pharmacien relaxé après avoir été poursuivi pour avoir refuser d’exécuter une ordonnance lacunaire ne permettant pas de déterminer ni le prescripteur réel ni le mode d’emploi précis du médicament concerné (Inf. Pharm., n° 234, juin 1980) ; C.E., 5° et 7° sous-section, 27 février 2002, Mongauze, Pourvoi n° 217187 confirmant la décision rendue par la section des assurances sociales du C.N.O.P. ayant sanctionné un pharmacien qui avait délivré à un seul et même patient le même médicament au vu de plusieurs ordonnances émanant de médecins différents (Gaz. Pal., Rec. nov.-déc. 2002, p. 1917). 32 - C.E., 26 octobre 2005, n° 270229 et 270230 précité. Il est difficile d’être plus précis, car, dans le cas d’espèce, il s’agissait de dispensations massives de spécialités inscrites sur la liste I des substances vénéneuses à des patientes résidant à l'étranger... 33 - CSP, art. R. 4235-60 : "Lorsque l’intérêt de la santé du patient lui paraît l’exiger, le pharmacien doit refuser de dispenser un médicament. Si ce médicament est prescrit sur une ordonnance, le pharmacien doit informer immédiatement le prescripteur de son refus et le mentionner sur l’ordonnance". 34 - CSP, art. R. 4235-61 : "Le pharmacien ne peut modifier une prescription qu’avec l’accord exprès et préalable de son auteur, sauf en cas d’urgence et dans l’intérêt du patient" (abrogé par D. n° 99-486 du 11 juin 1999 sur la substitution). Cf. T.G.I. Seine, 19 janvier 1971, Doc. Pharm., n° 1700. CSP, art . L. 5125-23 : "Le pharmacien ne peut délivrer un médicament ou produit autre que celui qui a été prescrit, ou ayant une dénomination commune différente de la dénomination commune prescrite, qu’avec l’accord exprès et préalable du prescripteur, sauf en cas d’urgence et dans l’intérêt du patient". 35 - C.E., 5° et 7°sous-sect., 27 juillet 2001, Bonnard : le pharmacien doit rechercher l’accord du prescripteur lorsque l’ordonnance présente manifestement un caractère dangereux (décision rendue sur la base de l’ancien art. R. 5015-61 abrogé par D. n° 99-486 du 11 juin 1999). 36 - Trib. corr. Nice, 2 novembre 1949, Gaz. Pal. 1949, 2, p. 420, pour la délivrance d’ampoules de chlorite de sodium au lieu de sérum physiologique ; Cass. civ., 23 juillet 1962, Presse médicale 29 septembre 1962, p. 465 pour la délivrance de suppositoires adultes au lieu de suppositoires enfants. 37 - Cass. civ., 29 mai 1979, Bull. civ. I, n° 156, J.C.P. G 1979, IV, 257, Gaz. Pal. 1979, 2, somm. p. 418, R.D.S.S. 1980, p. 221, Doc. Pharm. n° 2232 ; CA Bordeaux, 18 janvier 1994, Juris-Data n° 043879. 38 - J.-M. Auby, F. Coustou, "Droit pharmaceutique", op. cit., fasc. 23, n° 17 ; M. Duneau, "Le contrôle du pharmacien d’officine sur les prescriptions dangereuses", Gaz. Pal. 1995, 2, doct., p. 917 ; F. Megerlin, "L’autonomie de l’acte pharmaceutique", R.D.S.S. 2000-4, p. 755). 08 BM5408 Leca de la page 1 Avril 2010 - N° 54 dimanche 18 avril 2010 11:15 Épreuve couleurs Professionnels & responsabilité Au niveau disciplinaire, il semblerait qu’il en soit toujours de même(39), bien qu’un arrêt récent ait estimé que l’exécution de six ordonnances de doses très importantes de psychotropes n’engageait pas la responsabilité d’un pharmacien dès lors qu’il avait pris contact à plusieurs reprises avec le médecin qui avait invoqué le sevrage d’un toxicomane(40). Exceptionnellement, il peut opposer un refus au médecin. Tel est le cas du refus fondé sur la loi et les règlements, car le prescripteur ne peut jamais imposer au pharmacien la commission d’une infraction que constituerait l’exécution d’une prescription interdite. On peut citer à titre d’exemple les préparations magistrales à partir de certaines substances vénéneuses ou tout simplement de spécialités pharmaceutiques déconditionnées. L’officinal doit également refuser si l’ordonnance est douteuse et qu’il a un doute sur sa possible falsification. C’est ce qui ressort d’une affaire dans laquelle un officinal a été condamné à l’issue d’un suicide médicamenteux(41). Le refus de l’officinal fondé sur l’analyse pharmaceutique est moins fermement établi. Pourtant le Code de la Santé publique dispose que "lorsque l’intérêt de la santé du patient lui paraît l’exiger, le pharmacien doit refuser de dispenser un médicament. Si ce médicament est prescrit sur une ordonnance, le pharmacien doit informer directement le prescripteur de son refus et le mentionner sur l’ordonnance"(42). À défaut de pouvoir prévenir le médecin, le pharmacien doit seulement refuser de délivrer le médicament, en avisant son client du risque(43). Il peut également opposer un refus si la demande présente un caractère anormal(44) ou si le pharmacien a un doute sur la régularité de l’ordonnance. À titre tout à fait exceptionnel, en "cas d’urgence et dans l’intérêt du patient", il peut délivrer un médicament ou produit autre que celui qui a été prescrit (45) . Reste l’incertitude que pose désormais l’exercice de la substitution par le pharmacien, qui fait de lui un prescripteur, avec toutes les conséquences susceptibles d’en résulter si le nouveau médicament ne convient pas au malade. En effet, cette question ne comporte pas encore de réponse. En tous cas, le choix de celle-ci par la jurisprudence aura une forte incidence sur la responsabilité civile des pharmaciens... et sur le montant de leurs primes d’assurances. 39 - "Si les dispositions... du Code de la santé publique enjoignent aux pharmaciens de ne pas modifier une prescription sans l’accord préalable et exprès de son auteur, cette règle ne saurait dispenser un pharmacien de rechercher un tel accord (en cas de danger) ni l’exonérer de sa responsabilité lorsque cet accord n’a pas été obtenu" (C.E., 4° et 1° ss.sect., 29 juillet 1994, Juris-Data n° 043204). 40 - C.E. 12 mai 2003, req. n°233175, Nouv. Pharm, n°379 (juillet 2003), pp. 214-215. 41 - CA Paris, 26 juin 2009, RG n° 0716021. La victime avait ingéré un cocktail à base de chloroquine (Nivaquine) et d’antidépresseurs (Rivotril et Xanax) obtenu grâce à une ordonnance falsifiée, dans laquelle un psychiatre aurait prescrit de la chloroquine trois fois par jour. Le pharmacien aurait dû s’interroger sur une prescription aussi anormale. 42 - CSP, art. R. 4235-60. 43 - T. civ. Seine, 7 novembre 1913, DP 1915, 2, p. 66 ; T.G.I. Blois, 4 mars 1970, Doc. Pharm. 1700 ; Cass. civ., 8 mai 1980, Inf. Pharm. 1980, p. 815 ; CA Paris, 6 avril 1990, Gaz. Pal. 1990, 2, somm. p.47, Juris-Data n° 021646. 44 - Cass. crim., 16 juin 1981, J.C.P. G 1982, II, 19707. 45 - CSP, L5125-23. Avril 2010 - N° 54 BM5409 Leca de la page 1 09 dimanche 18 avril 2010 11:20 Épreuve couleurs Professionnels & responsabilité La responsabilité civile du chirurgien dentiste pour acte fautif Pr Antoine Leca Professeur agrégé de Droit. Directeur du Centre de droit de la santé d’Aix-Marseille (EA3242). et du Master ‘Droit public et privé de la santé’ de la Faculté de droit d’Aix-en-Provence. En principe, le dentiste, comme tout professionnel de santé, est tenu vis-à-vis de ses clients, non pas d’une obligation de résultat, impliquant la réussite, mais d’une obligation de moyen... La règle générale : le dentiste est soumis à une obligation de moyen Celle-ci peut être définie comme l’obligation, non pas de guérir le patient, mais de mettre en œuvre dans ce but tous les moyens qui soient, "réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science" pour reprendre les termes posés par la Cour de cassation dans un arrêt célèbre(1). Cette exigence introduite par le juge (en matière médicale) dès 1936 a été consacrée depuis par le code de déontologie des chirurgiens-dentistes de Métropole: "Le chirurgien-dentiste qui a accepté de donner des soins à un patient s'oblige : 1° A lui assurer des soins éclairés et conformes aux données acquises de la science, soit personnellement, soit lorsque sa conscience le lui commande en faisant appel à un autre chirurgien-dentiste ou à un médecin ; 2° A agir toujours avec correction et aménité envers le patient et à se montrer compatissant envers lui"(2). Les mêmes termes figurent textuellement à l’article 30 du Code des chirurgiensdentistes de la Nouvelle-Calédonie, tel qu’il résulte de la Délibération n° 93/CP du 7 mai 2002. Il en résulte qu’indépendamment du résultat obtenu, le professionnel qui a agi de son mieux dans le respect des règles de l’art ne peut pas en principe voir sa responsabilité retenue par un tribunal civil. Le professionnel qui a agi de son mieux dans le respect des règles de l’art ne peut pas voir sa responsabilité retenue par un tribunal. Peu importe qu’il ait commis une erreur : toute erreur n’est pas en ellemême une faute. Toute erreur diagnostique n’est pas en soi une faute. Tel est le cas si le patient avait une particularité anatomique indétectable que ne pouvait pas déceler un praticien normalement avisé, après avoir opéré toutes les vérifications préalables d’usage. Ainsi, un chirurgien-dentiste dont le traitement orthodontique a échoué en raison de la synostose d’une molaire maxillaire qui n’avait pas été diagnostiquée au départ n’a pas vu sa responsabilité retenue parce que les radiographies réalisées dans les règles de l’art n’avaient pas permis de déceler d’anomalie(3). On rencontre un grand nombre de décisions semblables(4). Dans la phase curative, de même, toute erreur n’est pas automatiquement une erreur fautive. Tel est le cas si le praticien ne pouvait pas raisonnablement imaginer que l’intéressé réagirait comme il a réagi. Le problème s’est posé à propos d’une extraction sous anesthésie locale ayant donné lieu, le lendemain, au décès de la patiente des suites d’un important œdème pharyngé. En effet, le praticien avait ignoré que la victime était atteinte d’œdème angioneurotique héréditaire. Le juge a observé que cette pathologie était une maladie très rare (200 familles concernées en France), que le risque méconnu était exceptionnel et il estimé que la causalité n’était pas certaine, l’accident pouvant avoir d’autres origines, ce qui a abouti à une relaxe du dentiste(5). On en donnera également pour exemple un dentiste qui, devant procéder à l’extraction de dent(s) de sagesse, a utilisé simultanément un anesthésique et un vasoconstricteur, ce qui n’est pas contraire aux règles de l’art. Il a prodigué à l’intéressé des soins attentifs et consciencieux. Mais l’extraction a entraîné de graves complications… nerveuses. Le juge n’a pas retenu la responsabilité du dentiste, car, s’il est avéré que le dommage était de toute évidence lié à l’extraction de la dent, ce dommage ne s’expliquait pas par une faute(6). 1 - Cass. civ., Dr. Nicolas c. époux Mercier, 20 mai 1936 (Recueil Sirey.1937.1.321). 2 - CSP, art. R. 4127-233. 3 - CA Aix-en-Provence, 10° chambre, 15 mars 1995, Juris-data n° 041059. 4 - Voir par ex. Cass. 1° civ., 17 février 1998, n° 96-10.339, pour un diagnostic erroné d’abcès parodontal dissimulant en réalité une tumeur indétectable. Voir aussi Voir par ex. CA Paris, ch. 1, sect. B, 19 novembre 1999, Juris-data n° 101897, dans lequel la Cour a exonéré le professionnel de toute responsabilité, car, si c’est bien l’implant posé par lui qui en altérant le canal dentaire inférieur à l’hémi-mandibule gauche de la malade, a provoqué le dommage, la patiente présentait une atypie indécelable du canal dentaire inférieur et cette atypie « a joué un rôle causal dans la réalisation du dommage ». Cette exonération suppose que le dentiste rapporte la preuve que la partie atteinte présentait une anomalie rendant cette atteinte inévitable. Si l’atypie avait été évidente, le praticien aurait été sanctionné (voir par ex. CA Pau, ch. 1, 5 avril 1995, Juris-data n°042929 concernant une "fragilité particulière de l’os" que le dentiste aurait dû détecter pour en tirer les conséquences). 5 - CA Metz, ch. appels correct., 22 septembre 1989, Juris-data, n° 047784. 6 - CA Orléans, ch. civ. Sect. 1, 28 juin 1989, Juris-data n° 049210. 10 BM5410 Leca de la page 1 Avril 2010 - N° 54 dimanche 18 avril 2010 11:31 Épreuve couleurs Professionnels & responsabilité Le professionnel qui n’a pas commis de manquement n’est pas responsable de l’aléa thérapeutique. Le dentiste n’est pas davantage responsable si le dommage résulte d’un aléa thérapeutique(7). Ainsi, au cours d’une ostéotomie de l'infrastructure maxillaire supérieure, une patiente a été victime d’un accident vasculaire ayant causé la cécité totale et définitive de son œil droit. Le rapport d’expertise a jugé que le dommage résultait d’un accident dont la réalisation est exceptionnelle et ne pouvait pas être imputé au dentiste(8). La difficulté consiste à déterminer ce qui relève et ce qui ne relève pas de l’aléa thérapeutique. Ainsi le dépassement de pâte d’obturation dans le sinus constitue un aléa thérapeutique qui ne peut entraîner la responsabilité du chirurgiendentiste lorsque ce dernier a effectué toutes les diligences relatives au traitement endodontique(9). Mais lorsque le dépassement de pâte est constaté, le praticien est censé savoir que l’excès de produit peut présenter des conséquences dommageables. En ne prenant aucune mesure, il commet une imprudence qui peut être qualifiée de manquement. Positivement, la jurisprudence sanctionne la méconnaissance des règles de l’art, l’imprudence, la négligence et la maladresse fautives. Le dentiste engage sa responsabilité pour manquement aux règles de l’art. Un praticien implantologue ayant posé des implants de type juxta-osseux à la mandibule en installant des prothèses fixées à un patient a été condamné, car cette technique d’implants était inappropriée à celui-ci(12) . Les tribunaux sont hostiles au recours par les professionnels à des procédés non encore suffisamment éprouvés : un praticien a été condamné pour avoir utilisé une nouvelle méthode de reconstruction du maxillaire atrophié et de régénération osseuse au moyen de membranes polymère résorbable, ayant causé un dommage au patient(13). Le dentiste engage sa responsabilité pour imprudence. C’est là une vieille règle, dont on peut donner pour exemple (ancien) le fait de ne pas prescrire d’antibiotiques "en présence d’une infection absolument certaine" et, après une "maladresse initiale… suivie de l’intempestif bris aux ¾ d’une dent en cours d’extraction", de procéder sur la personne infectée à une réintervention rapide avec "une imprudente légéreté"(14). Les règles de l’art s’apprécient à la Le dentiste engage sa responsabilité lumière des données acquises de la pour négligence. science. Aujourd’hui, avant de poser des implants, on considère indispensable(10) Pour qu’un dentiste soit condamné, d’opérer une analyse préimplantaire(11). les juridictions recherchent dans les faits qui leur ont été rapportés des agissements qui reflètent une éventuelle négligence, par exemple : "avant d’extraire la dent, il a effectué un cliché incomplet de la dent, cliché ne montrant ni les racines ni son rapport avec le nerf dentaire inférieur, ce qui ne lui a pas permis d’apprécier en connaissance de cause les difficultés de l’extraction d’une dent en position horizontale et ses propres capacités à effectuer une telle intervention dans son cabinet dentaire… Après l’opération (qui a entraîné une fracture de l’angle mandibulaire gauche) il n’a pas procédé à une radiographie de contrôle qui s’imposait"(15). Un praticien qui, lors du traitement d’une pulpite aiguë d’une dent, n’a pas au préalable effectué de radiographie de la dent avec broche pour éviter une complication, alors que le patient était sous anesthésie générale, est également susceptible d’être condamné en cas d’accident. La Cour d’appel de Paris a sanctionné un dentiste dans une situation de ce type : l’expert "relève que, lors de l’obturation immédiate, après extirpation du filet nerveux, du canal de la dent à l’aide d’une pâte type Spad, il est prudent et même indiqué, en raison de l’anesthésie supprimant toute sensibilité guide, de prendre une radiographie de la dent avec une broche dans le canal afin d’avoir un repère précis quant à la longueur de celui-ci et d’éliminer les risques de dépassement dus en particulier, comme c’est le cas ici, à une anatomie où le trou mentonnier est exactement dans l’axe du canal de la dent…l’expert précise que ce risque est connu et évalué à 1/1000 d’après la littérature…en présence d’un risque constituant une complication qu’un chirurgien-dentiste ne pouvait ignorer, il est vain d’invoquer la particularité 7 - Voir Philippe Pirnay, L’aléa thérapeutique en chirurgie, L’Harmattan, 2008 http://www.librairieharmattan.com et Bulletin de l’Académie Nationale de Chirurgie dentaire n° 51-2008. 8 - La Cour de cassation a rappelé que « la réparation des conséquences de l’aléa thérapeutique n’entre pas dans le champ des obligations dont un médecin est contractuellement tenu à l’égard de son patient ». (Cass. civ. 1°, 27 mars 2001, n° 99-13.471). 9 - Voir par ex. CA Paris, ch. 1, sect. B, 13 novembre 1998, Juris-data n°023887.On notera que la circonstance que ce dépassement a entraîné des épisodes infectieux et des céphalées sur le patient a été jugé sans incidence sur la solution apportée dans une affaire postérieure (CA Besançon, ch. civ. 1, 22 décembre 2000, Juris-data n° 135354). 10 - http://www.lefildentaire.com/pdf/pdf_no24/06-step.pdf : "Une étude pré-prothétique préimplantaire devra donc être réalisée systématiquement, elle sera nécessaire pour positionner les implants là où la prothèse exige ses piliers et permettra de valider le projet prothétique final avant la pose des implants afin de conjuguer un résultat esthétique, phonétique et fonctionnel. Cette étude doit comporter : un examen clinique, un examen radiologique, une analyse fonctionnelle avec montage en articulateur et un essayage esthétique". 11 - CA Rouen, 18 décembre 2001, Juris-data n° 171804. 12 - CA Paris, ch. 7, 27 avril 1994, Juris-data n° 021466. 13 - CA Pau, ch.1, 9 novembre 2000, Juris-data n°133462. 14 - Cass. civ. 1°, 17 juillet 1965, Bru. 15 - CA Lyon, ch. 1, 26 février 1998, Juris-data n° 040140. Avril 2010 - N° 54 BM5411 Leca de la page 1 11 dimanche 18 avril 2010 11:37 Épreuve couleurs Professionnels & responsabilité anatomique de l’intimée qu’un contrôle radiographique préalable aurait permis de déceler les moyens propres à éviter la survenance d’un dépassement apical pouvant alors être utilement employés"(16). Un implantologue a été condamné au motif qu’il avait posé des implants sur le maxillaire supérieur d’un patient, en négligeant la fragilité du maxillaire inférieur : ses (trois) bridges indépendants s’étaient partiellement descellé, entraînant une fracture d’implants : "la cinématique mandibulaire du patient était telle que les forces latérales lors de la mastication ne pouvaient que contribuer à desceller les bridges latéraux"(17). On frise ici la maladresse. Le dentiste engage sa responsabilité pour maladresse. Certes, jusqu’au début des années 90, les tribunaux ont admis qu’il n’était pas possible d’imposer à un professionnel une rectitude absolue du geste chirurgical(18). Mais depuis la fin des années 90, les juridictions civiles acceptent en effet de qualifier de fautives des lésions d’organes consécutives à de simples maladresses, voire à des ‘faits anormaux’, bien que la perfection ne puisse être exigée à tout moment et que l’humanité rime avec la faillibilité(19). D’ailleurs, dans des affaires récemment jugées, la Cour de cassation a imposé "une obligation de précision du geste chirurgical" qui confine à l’obligation de résultat, puisque, d’après elle, "toute maladresse d’un praticien engage sa responsabilité"(20). La Cour de cassation impose donc "l’obligation de précision du geste de chirurgie dentaire"(21). "Attendu que la réalisation de l’extraction n’impliquait pas l’atteinte du nerf sublingual et qu’il n’était pas établi que le trajet de ce nerf aurait présenté chez Melle Ch. une anomalie rendant son atteinte inévitable, la cour d’appel (Aix-en-Provence, 8 avril 1998) a pu décider que M.C. avait commis une faute dans l’exécution du contrat le liant à sa patiente"(22). "Attendu que la cour d’appel (Aix-enProvence, 9 septembre 1999) statuant par motifs propres et adoptés, a constaté qu’à l’occasion de l’extraction de dents de sagesse, M.D., chirurgien-dentiste, avait provoqué chez sa patiente, Mme D., des cicatrices labiales importantes ainsi qu’une altération du nerf mentonnier droit, que dès lors que la réalisation des extractions n’impliquait pas ces atteintes labiales et neurologiques, la cour d’appel, qui n’encourt pas les griefs du moyen, a pu décider que le praticien, tenu d’une obligation de précision du geste de chirurgie dentaire, avait commis une faute dans l’exécution du contrat le liant à sa patiente"(23). Dans les deux cas le professionnel a été condamné. prothèse dentaire sans défaut(27). Cette solution vaut également pour ses instruments de travail(28). Mais la condamnation n’est pas automatique, notamment lorsque le dommage final n’aurait pas été possible sans le comportement discutable du patient. La faute de la victime est incontestablement une cause de nature à (réduire ou) exclure la responsabilité du professionnel de santé. En clair : une faute du patient peut exonérer, totalement ou partiellement, le praticien de sa responsabilité, comme cela a été récemment jugé à propos d’un patient qui, lors d’une tentative d’extraction dentaire outre-mer, s’était inquiété des sifflements et des saignements de sa narine droite et avait décidé d’interrompre l’intervention et, après avoir effectué des examens radiographiques, de rentrer en Métropole où il s’était découvert une perforation du sinus(29). Les cas de ce type sont extrêmement rares en pratique et on ne conseillera pas au praticien de spéculer sur cette éventuelle ‘porte de sortie’. Par exception, le chirurgien-dentiste est tenu vis-à-vis de ses clients d’une obligation de résultat... ...dans un certain nombre de cas. "L'obligation de résultat qui pèse sur le chirurgien-dentiste consiste à fournir des appareils aptes à rendre le service qu'on en attend"(24). La prothèse qu’il livre à son client doit être "sans défaut"(25). Si un chirurgien-dentiste est tenu d’une simple obligation de moyens quant aux soins à donner à son patient, y compris la pose d’une prothèse, il est en revanche astreint à une obligation de résultat quant à la conception(26) et à la délivrance d’une 16 - CA Paris, ch. 1, sect. B, 27 mars 1998, Juris-data n° 020886. 17 - CA Paris, ch. 14, sect. A, 2 octobre 2002, Juris-data n° 192426. 18 - Voir par ex. CA Pau, ch. civ., sect. 1, 20 septembre 1990, Juris-data n° 044725, pour la lésion du nerf lingual lors de l’extraction d’une dent de sagesse, CA Nîmes ch.1, 8 octobre 1990, Juris-data n°00918 à propos d’une fracture de la mandibule survenue au cours d’une extraction de dent de sagesse ; CA Paris, ch. 1, sect. B, 11 février 1994, Juris-data n°020481 pour la lésion du nerf dentaire à l’occasion d’une extraction, après que la radiographie ait révélé le croisement du canal dentaire et des racines de la dent. 19 - Voir par exemple CA Lyon, 30 janvier 1997, Juris-data n°040031 condamnant un chirurgien dentiste qui, au cours de l’extraction des quatre dents de sagesse, a provoqué une paralysie bilatérale du muscle lingual chez sa patiente). 20 - Cass. civ. 1°, 30 septembre 1997, n° 95-16500. 21 - Cass. civ. 1°, 23 mai 2000 (2 arrêts : 98-20.440 et 98-19.869); Cass. civ. 1°, 9 octobre 2001, n° 99-20826. 22 - Cass. civ. 1°, 23 mai 2000, n° 98-20.440. 23 - Cass. civ. 1°, 9 octobre 2001, n° 99-20.826. 24 - Cass. civ. 1°, 22 novembre 1994, n° 92-16423. 25 - Cass. 1° civ., 29 octobre 1985, Bismuth, n° 83-17.091. 26 - Cass. 1° civ., 23 novembre 2004, n° 03-12.146. L’arrêt précise que "le chirurgien-dentiste est, en vertu du contrat le liant à son patient, tenu de lui fournir un appareillage apte à rendre le service qu’il peut légitimement en attendre, une telle obligation, incluant la conception et la confection de l’appareillage, étant de résultat". 27 - La jurisprudence Bismuth (Cass. 1° civ., 29 octobre 1985, précité) a été ensuite confirmée (Cass. 1° civ., 15 novembre 1988, Bull. civ. I, n° 319 ; 12 juin 1990, Bull. civ. I, n° 162) et même renforcée (Cass. 1° civ., 22 novembre 1994, Bull. civ. I, n° 340) puisque "un chirurgien dentiste orthodontiste est tenu d’une obligation de résultat concernant la sécurité tenant tant à la conception de l’appareil qu’à ses conditions d’utilisation et qu’il a l’obligation de donner des informations sur le caractère dangereux de l’appareil, même si celui-ci est sans défaut et si le caractère dangereux ne peut résulter d’un usage normal". 28 - TGI Pontoise, 28 novembre 1986. 29 - Cass. 1° civ., 17 janvier 2008, n° 06-20.107. 12 BM5412 Leca de la page 1 Avril 2010 - N° 54 dimanche 18 avril 2010 11:41 Épreuve couleurs A G E N C E S A N I TA I R E E T S O C I A L E - N C LES MARDIS DE L’ ASSOCIATION Soirée du 07 avril 2009 Le Centre d’Éducation Diabétique et Diététique fête ses 10 ans Dr Dominique Mégraoua Responsable du Programme Diabète Agence Sanitaire et Sociale de la Nouvelle Calédonie 10 ans d’éducation...au service du public La création du Centre d’Éducation Diabétique et Diététique (CEDD) en 1999 a été l’aboutissement du travail de réflexion du Comité de Prévention de Nouvelle-Calédonie. En effet, l’étude CALDIA réalisée en 1992-93 avait montré que 10% des adultes calédoniens étaient diabétiques, c'est-àdire trois fois plus qu’en métropole à la même époque, pointant ainsi du doigt cet épineux problème de santé publique confié actuellement à l’Agence Sanitaire et Sociale de Nouvelle Calédonie (ASS NC). Le diabète est une maladie grave même si, avant l’apparition des complications, le patient ne ressent aucun inconfort dû à sa maladie. Il lui est alors difficile d’accepter les contraintes imposées de l’alimentation équilibrée, de l’activité physique régulière et de la prise quotidienne de médicaments. Aussi, la prise en charge par le médecin traitant demeure difficile, délicate et nécessite de laborieuses négociations avec le patient. Souvent, devant un apparent échec, le couple médecin/ malade ressent une frustration, facteur de découragement voire de renoncement. C’est là que l’éducation diabétique prend toute sa place. Elle a pour but de transmettre aux patients des connaissances et surtout des compétences leur permettant de préserver leur santé et de participer au mieux à un projet de soins. Un accompagnement éducatif est indispensable pour permettre aux patients de comprendre les enjeux de manière claire et accessible. Car une fois les complications installées, le diabète devient une maladie invalidante et coûteuse. L’éducation thérapeutique est en effet un véritable apprentissage qui implique l’acquisition d’une capacité, de la part du patient, à raisonner par lui-même, faire des choix de santé, résoudre des problèmes concrets pour atteindre les buts qu’il s’est fixés. Le patient va ainsi mieux connaître et comprendre sa maladie, manger équilibré sans faire de régime, savoir à quoi sert l’activité physique, connaître l’importance des soins des pieds, maîtriser la surveillance de son diabète… Une éducation qui demande du temps... Cette éducation demande du temps, temps dont manque crucialement le médecin de famille au cours de la consultation. Le CEDD est une structure qui va épauler le médecin référent dans sa prise en charge du patient diabétique, en intervenant comme un véritable spécialiste de l’éducation thérapeutique. Que de chemin parcouru depuis 1999 sous la houlette du Docteur Bernard ROUCHON ! Une équipe réduite (le Dr Carine HENIN, Armelle RUFFIN infirmière et Pierrette MORAND - diététicienne) a d’abord officié à temps partiel dans un deux pièces-cuisine du Trianon, sans secrétaire, et avec un ordinateur « tournant ». L’objectif était (et est encore aujourd’hui) d’améliorer la prise en charge des patients diabétiques, de favoriser une véritable éducation dans la gestion de leur maladie, de les rendre autonomes et les responsabiliser autant que possible. L’activité était (et reste) exclusivement dédiée à la prévention des complications de la maladie et à l’amélioration de la qualité de vie des patients diabétiques. Rapidement, le petit local du Trianon n’est plus adapté. Et en 2001, un déménagement est effectué dans les locaux actuels, une villa de la Montagne Coupée. La localisation est stratégique, à proximité de la gare d’échange, puisque le public visé habite le Grand Nouméa. Avril 2010 - N° 54 BM5413 ASSNC 1 de la page 1 13 dimanche 18 avril 2010 11:45 Épreuve couleurs A G E N C E S A N I TA I R E E T S O C I A L E - N C Le Centre est alors organisé de manière à permettre aussi bien des entretiens personnels que le travail en petit groupe, et même la formation pratique aux techniques diététiques de préparation des repas avec une cuisine école. Devant la fréquence importante des problèmes psychologiques interférant avec la prise en charge du diabète, une vacation hebdomadaire de psychologue est alors mise en place. Début 2002, nouveau virage avec l’arrivée du Dr Dominique MEGRAOUA. Une nouvelle mission voit le jour : offrir à tous les diabétiques de Nouvelle Calédonie l’opportunité de bénéficier de cette éducation thérapeutique, en proposant à l’ensemble des soignants du territoire une formation à cette approche éducative du patient (progressivement en Province Nord, puis Îles, et enfin Sud). Une diététicienne itinérante est recrutée pour un soutien technique de terrain. Un poste de secrétaire est créé. Les membres de l’équipe passent à temps plein et bénéficient d’une formation à la pédagogie de l’adulte appliquée à la maladie chronique dispensée par MarieChristine LLORCA (Docteur en Sciences de l’Éducation). Un rapprochement avec le réseau Diabète Midi-Pyrénées (grâce au concours du Dr François DOREY) permet à l’équipe de refondre tous les modules spécifiques des ateliers de groupe selon les recommandations. La formation de l’équipe est complétée par la suite dans le domaine de l’Alliance Thérapeutique avec la venue du Professeur Silla CONSOLI. Les podologues formés à l’éducation renforcent l’équipe du CEDD en 2007, permettant l’animation hebdomadaire d’un atelier éducatif aux soins des pieds. L’équipe du CEDD Début 2008, une nouvelle dimension est donnée au CEDD qui quitte son statut associatif et intègre l’Agence Sanitaire et Sociale de Nouvelle Calédonie. Dès lors, l’équipe a accès aux formations de l’IFAP et choisit de suivre une formation à l’approche anthropologique de la maladie dans les sociétés océaniennes. Dans le même temps, la création d’un atelier d’éducation à l’activité physique nécessite le recrutement d’un éducateur sportif. Plan de situation 14 BM5414 ASSNC 2 de la page 1 Aujourd’hui, l’équipe est véritablement multidisciplinaire : médecins, infirmière, diététiciennes, psychologue, éducateur sportif, podologue et secrétaire. Tous sont motivés, formés, parlent le même langage, et remplissent une double mission : l’accueil et l’éducation des patients diabétiques du grand Nouméa d’une part, la formation et le soutien des équipes médicales dans l’intérieur et les îles d’autre part. Au CEDD, les patients participent à un stage d’éducation diabétique personnel et adapté à chacun, organisé autour d’animations de groupe suivies d’entretiens individuels. L’approche est multidisciplinaire avec un ensemble de relations duelles, basées sur la réciprocité : - Que puis-je lui apprendre ? - Qu’est-ce qu’il peut m’apprendre (sur lui, mais aussi sur le diabète et la façon de le gérer …)? - Comment lui faire confiance? - Comment gagner sa confiance ? Avril 2010 - N° 54 dimanche 18 avril 2010 11:57 Épreuve couleurs A G E N C E S A N I TA I R E E T S O C I A L E - N C Le premier jour du stage, les malades rencontrent les différents membres de l’équipe afin d’évaluer leurs connaissances et leurs pratiques. Un diagnostic éducatif est alors posé (besoins en éducation). Les 4 matinées suivantes se déroulent sous la forme de réunions de formation en groupe. Des rendez-vous individuels sont planifiés les semaines suivantes, au cours desquels des conseils personnalisés sont donnés et des objectifs fixés. A l’issue de ce stage, une synthèse est adressée aux médecins traitants. Les patients sont revus après 3 mois pour affiner la diététique. Un stage d’évaluation et de renforcement et/ou reprise éducative est organisé à 6 mois. Le rôle du soignant est d’informer, d’écouter, de faire naître le doute (et pas la peur), de repérer les résistances à l’intégration de l’information, de se montrer empathique. Il est nécessaire de prendre en considération les représentations de la maladie du patient, de s’intéresser à ses théories étiologiques de la maladie (sans les contrer), à ses croyances et au stade de sa motivation à changer de comportement. Cela permet de redonner un sens à des situations cliniques apparemment bloquées. Il n’y a pas de motivation du patient sans une motivation en miroir du professionnel de santé. A ce jour, 4 150 stages ont été effectués par des patients diabétiques. L’évaluation à 6 mois montre un recul de l’HbA1c de 0,90 point en moyenne. Ainsi, les patients venus en stage au CEDD ont vu l’équilibre de leur maladie s’améliorer et les complications s’éloigner d’autant. Tous les diabétiques adultes peuvent et devraient bénéficier de ce stage gratuit, sur prescription de leur médecin. Ils peuvent également être accompagnés d’un membre de leur famille. HbA1c moyenne de début de stage selon la communauté d’appartenance déclarée Communauté Variation moyenne du taux d’HbA1c selon la communauté Moyenne Wallisienne 8,68% Mélanésienne 7,87% Asiatique 7,49% Européenne 7,46% Polynésienne 7,21% Autre 7,81% Communauté Wallisienne Européenne Asiatique Polynésienne Mélanésienne Autre Variation moyenne -1,26 -1,11 -0,85 -0,31 -0,24 -2,18 Variation moyenne tx d'H bA1c selon d'H bA1c de de départ Variation moyenne du du taux d’HbA1c selonlalaclasse classe d’HbA1c départ 0,5 0,12 Variation moyenne du taux d’HbA1c entre les 2 stages : -0,90 Variation 0 -0,5 -0,39 -1 -1,5 -2 -2,5 <=6,5% -2,25 >=8% >6,5 et <8% Distribution annuelle du nombre de stages de 2000 à 2009 600 500 500 500 443 443 406 406 Nombre de stages 400 350 350 300 252 252 200 403 403 459 459 434 434 455 455 448 448 Distribution annuelle du nombre de stages de 2000 à 2009 100 0 Avril 2010 - N° 54 BM5415 ASSNC 3 de la page 1 15 lundi 19 avril 2010 04:00 Épreuve couleurs BM5416 PUB ASSNC 1 de la page 1 mercredi 21 avril 2010 18:26 Épreuve couleurs BM5417 PUB ASSNC 2 de la page 1 mercredi 21 avril 2010 18:36 Épreuve couleurs A S S O C I AT I O N M É D I C A L E LES MARDIS DE L’ ASSOCIATION Soirée du 07 avril 2009 L’examen clinique du sein : un temps essentiel dans le dépistage du cancer du sein E. Camus, chef de service en Gynécologie Obstétrique, CHT Magenta Malgré les campagnes de dépistage par mammographie, la majorité des cancers du sein sont encore découverts par les patientes ou par l’examen clinique (80% des tumeurs palpables). Malheureusement l’examen clinique des seins est souvent négligé par les médecins. L’autopalpation est rarement enseignée et elle est peu pratiquée par les patientes (manque d’information, tabou, peur…). Si l’objectif des campagnes de dépistage est de dépister des tumeurs encore non palpables, indirectement ces campagnes permettent une sensibilisation des patientes et des médecins à l’examen clinique et l’autopalpation. L’interrogatoire ▪ Inspection « dynamique » • Aspect général (déformation ou rétraction du mamelon). • Volume (voussure, rétraction ride, méplat, perte du galbe). • État cutané (ulcération, aspect inflammatoire, peau d’orange = œdème). • Mamelon (érosion, eczéma). Il permet d’évaluer les facteurs de risque et les conditions d’examen. ▪ L’âge de la patiente. L’incidence du cancer du sein est une fonction croissante de l’âge pour atteindre un pic vers 50 ans. ▪ La notion d’antécédents familiaux de cancer du sein surtout d’antécédents du On distinguera : premier degré (mères, sœurs, pères…) reste le facteur de risque majeur +++. Les rétractions (photo 1) ▪ L’âge aux premières règles. ou les squirrhes (photo 2) ▪ Le moment du cycle où la patiente Elles traduisent le plus souvent la consulte est très important car en période prémenstruelle l’examen est plus difficile réaction fibreuse d’un cancer. du fait de la tension mammaire. ▪ Le statut hormonal (ménopause ou non), la date de la ménopause. ▪ Le nombre de grossesses, l’âge lors de la première grossesse, l’allaitement ▪ La prise d’un traitement hormonal (CO, THS, médicament de l’infertilité). ▪ Si la patiente consulte pour une anomalie : le délai entre la consultation et la date de découverte est important (taille, notion de croissance rapide). Photo 2 L’inspection ▪ Elle se fera en position assise, les bras le long du corps puis relevés. ▪ Les seins seront inspectés à jour frisant ou avec une lumière tangentielle et de façon comparative. 18 BM5418 Camus 1 de la page 1 Photo 1 Avril 2010 - N° 54 lundi 19 avril 2010 04:11 Épreuve couleurs A S S O C I AT I O N M É D I C A L E Les déformations (photo 3) et les asymétries (photo 4) Elles peuvent être liées à une malformation (hypotrophie unilatérale) ou à une lésion bénigne (fibroadénome géant) ou à un cancer. Photo 3 L’inflammation (photo 5) L’œdème cutané (aspect peau d’orange de la peau) associé à un érythème peut correspondre à un cancer inflammatoire ou un processus infectieux. L’ulcération (photo 6) Il n’est pas toujours facile de distinguer les abcès sur ectasie galactophorique de l’ulcération néoplasique. Le contexte clinique est alors essentiel car l’ectasie galactophorique est souvent associée à une ombilication ancienne des mamelons avec des écoulements mamelonnaires verdâtres et des poussées inflammatoires récidivantes. Photo 4 Photo 5 La nécrose ou la fonte néoplasique (photo 7 page suivante) Le diagnostic est plus facile car elles sont le plus souvent la traduction de l’évolution naturelle du cancer (T4). L’hématome (photo 8 page suivante) Photo 6 Il peut correspondre à un traumatisme du sein mais l’histoire clinique est essentielle car un aspect d’hématome peut aussi être en rapport avec un cancer du sein avec vascularisation (angiosarcome par exemple). Avril 2010 - N° 54 BM5419 Camus 2 de la page 1 19 mercredi 21 avril 2010 05:47 Épreuve couleurs A S S O C I AT I O N M É D I C A L E Photo 7 Photo 8 Le mamelon (Photos 9 & 10) Il peut être le siège de nombreuses lésions bénignes comme un simple eczéma, une lésion adénomateuse érosive ou un abcès aréolaire mais attention aux lésions qualifiées d’eczéma du mamelon résistantes au traitement médical (corticoïdes) car il peut alors s’agir d’un Paget du mamelon (cancer cutané associé le plus souvent à un cancer du sein plus profond). La biopsie cutanée permet de faire le diagnostic ++. Les mamelons ou les seins surnuméraires (photo 11). C’est une pathologie fréquente liée à un défaut de la régression des crêtes mammaires pendant la période embryologique. Les mamelons surnuméraires ne sont retirés que pour des raisons esthétiques mais les glandes mammaires surnuméraires peuvent être gênantes pendant la lactation et peuvent être le siège de cancer, c’est pourquoi elles sont excisées systématiquement. Photo 9 Photo 10 Photo 11 20 BM5420 Camus 3 de la page 1 Avril 2010 - N° 54 lundi 19 avril 2010 04:28 Épreuve couleurs A S S O C I AT I O N M É D I C A L E La palpation ▪ En début de cycle. ▪ Mains réchauffées. ▪ Doux, méthodique. ▪ Prendre son temps. ▪ À l’aide des deux mains (gel). ▪ Position couchée, bras relevés. ▪ L’examen se fait quadrant par quadrant. ▪ Puis on examine le creux axillaire, le bras relâché et soutenu par l’examinateur. L’écoulement mamelonnaire ▪ La manœuvre d’abduction contrariée de Tillaux permet de contracter le muscle grand pectoral et de palper ainsi le sein qui est mou sur un plan dur. ▪ On notera les nodules ou formations perçus pendant l’examen : consistance (dure, molle), limite (régulière, irrégulière), forme, taille mesurée, adhérence au plan profond ou au plan cutané. ▪ Les aires ganglionnaires axillaires et sus claviculaires seront palpées à la recherche de ganglions palpables. ▪ Ne pas oublier : le mamelon, le sillon sous mammaire, le prolongement axillaire qui sont souvent des régions négligées pendant l’examen. ▪ Cas particulier et difficile : prothèse, cicatrice, femme enceinte… ▪ A la fin de l’examen, si une lésion a été palpée, il faut réaliser un schéma descriptif. La classification TNM C’est une classification clinique pour ▪ Il peut être spontané ou provoqué par pression sur la Plaque Aréolo- toutes les tumeurs du sein permettant de stadifier le cancer. Mamelonnaire (PAM) et le sein. ▪ Il faut différencier les écoulements uniporiques et multiporiques. ▪ Il faut noter la nature de l’écoulement (lactescent, purulent, verdâtre, séreux, sérosanglant, sanglant). ▪ Il faudra pratiquer un étalement sur lame de l’écoulement pour réaliser une cytologie. ▪ Le caractère récent d’un écoulement spontané uniporique séro-sanglant chez une patiente de plus de 45 ans est suspect. Au terme de l’examen on distinguera ▪ La tumeur bénigne. Bien limitée, contours réguliers, lisse, pas d’adhérence, rénitente (adénofibrome, kyste, lipome, tumeur phyllode,..). ▪ Le placard induré. Mastopathies bénignes, fibro-kystiques, écoulement mamelonnaire verdâtre, multiporique, fluctuant. ▪ Tumeur maligne. Mal limitée, irrégulière, adhérente, écoulement sanglant, adénopathie satellite et dure. ▪ T=Tumeur ▪ T0 non palpable ▪ T1 < 2 cm ▪ T2 2-5 cm ▪ T 3 > 5 cm ▪ T4 infiltration paroi ou cutanée ▪ N = Ganglions ▪ N0 pas de GG. ▪ N1 GG métastatique mobile. ▪ N2 GG métastatiques fixés. ▪ N3 GG métastatiques CMI. ▪ M = Métastases. ▪ PEV (Potentiel Visuel Évoqué): notion d’évolution et d’inflammation. ▪ La classification pTNM : c’est une classification anatomopathologique après chirurgie. Au terme de cette classification TNM, il conviendra de réaliser le bilan radiologique (mammographie, échographie voir IRM) et de décider d’une cytologie ou d’un prélèvement biopsique de type Trucut, avant de prendre une décision de surveillance, de traitement ou de chirurgie. Avril 2010 - N° 54 BM5421 Camus 4 de la page 1 21 lundi 19 avril 2010 04:38 Épreuve couleurs A S S O C I AT I O N M É D I C A L E L’autopalpation Il est indispensable que tous les acteurs de santé puissent éduquer les patientes sur l’autopalpation. Le rythme peut être variable en fonction des facteurs de risque (tous les 3 mois après 40 ans à titre d’exemple). Cet examen très simple permet aux patientes d’alerter leurs médecins sur des lésions palpables. Après examen clinique et imagerie (mammographie et/ou échographie) voire cytologie ou prélèvement biopsique, il s’agira le plus souvent de lésions bénignes. Le discours se voudra donc rassurant. Si malheureusement, il s’agit d’un cancer celui-ci pourra être dépisté plus tôt qu’entre les examens cliniques du gynécologue (une fois par an) ou entre deux vagues de dépistage mammographique (tous les deux ans). Voici les recommandations à faire auprès des patientes. 1 2 ▪ Debout, devant un miroir. ▪ Inspectez les deux seins et vérifiez qu'il n'y a rien d'anormal à première vue, par exemple un écoulement par le mamelon, crevasses, fossettes, plis ou peau qui pèle. ▪ Levez le bras droit. ▪ Avec les trois doigts de la main gauche, explorez le sein droit, fermement, attentivement et complètement. En commençant par la partie externe, parcourez le sein en effectuant de petits cercles avec les bouts des doigts. 4 3 ▪ Terminez par le mamelon. ▪ Veillez à examiner tout le sein. Une attention particulière doit être portée à la zone entre le sein et l'aisselle, cette dernière comprise. ▪ Pressez délicatement le mamelon et vérifiez qu'aucun écoulement ne se produit. Si c'est le cas, prévenez votre médecin. ▪ Répétez l'auto-examen sur le sein gauche. ▪ Cherchez toute grosseur ou toute induration anormale sous la peau. En conclusion, l’examen clinique du sein et l’autopalpation des patientes sont deux supports indispensables au dépistage de masse par mammographie. L’autopalpation permet la découverte de lésions entre deux mammographies (cancer d’intervalle). L’examen clinique des seins doit être réalisé de façon systématique au cours des visites chez le gynécologue mais il doit aussi être réalisé par le médecin généraliste ou la sage femme. En 2010, nous voyons encore trop souvent en Nouvelle-Calédonie des patientes venir avec des lésions du sein très évoluées malgré un suivi médical. 22 BM5422 Camus 5 de la page 1 Avril 2010 - N° 54 lundi 19 avril 2010 04:42 Épreuve couleurs A S S O C I AT I O N M É D I C A L E LES MARDIS DE L’ ASSOCIATION Soirée du 07 avril 2010 Stratégies dans Les lombalgies chroniques Drs M. Benichou, M. Frediani, T. Lehmann La lombalgie chronique est par définition une lombalgie qui dure depuis plus de 3 mois. C’est la seule complication de la lombalgie aigue qui reste une maladie bénigne avec guérison dans 90% des cas en moins de 3 mois. Les 10% restant forment les lombalgies chroniques qui constituent la gravité et une part majeure des dépenses de santé. Les facteurs morphologiques, taille et Facteurs socio-économiques poids, n’interviennent pas (l’obésité n’est pas un facteur de risque de lombalgie En France, l'invalidité lombalgique a chronique). Ils regroupent : été multipliée par 3 entre 1982 et 1992. - un bas niveau d’éducation, des diffiC'est la première cause d'invalidité dans cultés linguistiques et, comme corollaire, Facteurs psychologiques la population des moins de 45 ans. La un bas niveau de ressources. prévalence cumulée est de 70%. Il s'agit - une prise en charge dans un cadre d'un problème de santé plus coûteux Selon Fishbain (1999), on peut recenser d’accident du travail, situation tellement que le sida, le cancer ou les maladies des personnalités pathologiques évidente en pratique courante. cardiaques (le coût direct a été estimé à (histrionique, dépendant, narcissique, plus de 1,2 milliards d’euros en 1990). borderline) mais alors le terrain psychoInterviennent également : Les coûts indirects par perte de produc- logique est discuté et semble intervenir - le statut familial, par l’absence de tivité sont 6,5 fois plus élevés que les indépendamment du retentissement propre charge familiale (célibataire), coûts directs rendant le problème de l’affection. - des antécédents d’indemnisation économique des lombalgies chroniques Il retrouve également des dépressions pour un problème identique, considérable : ainsi en France, en 1990, majeures (15 à 100%), des troubles anxieux - un conflit avec un tiers (employeur sur 830 000 arrêts de travail, 110 000 (7 à 63%), des troubles somatoformes ou organismes). sont le fait de lombalgies. Le coût total (hypochondrie, conversion) (42%), des des lombalgies aux USA (Frymoyer et dépendances à l ’alcool (15 à 23%), des Facteurs médicaux Castbaril, en 1990) est évalué à 120 milliards dépendances aux médicaments opiacés de dollars. De plus il faut impérativement (16 à 64%). Les données cliniques dans l’ensemble retenir ces chiffres qui résument la gravité ne permettent pas de prédire un passage socio économique des lombalgies à la chronicité. Il en est ainsi de la sévérité Facteurs professionnels chroniques : initiale ou le mode de début aigu ou insidieux - après 6 mois d’arrêt, 50% des sujets [par contre la présence de signes de non retrouvent un emploi, Les travaux pénibles sollicitant exa- organicité doit orienter rapidement vers - après 1 an, ce chiffre chute à 25%, gérément le rachis sont un facteur la sphère psychosociale : une évolution - après 2 ans, cette éventualité est incontestable et évident. Il n’y a pas de chronique peut être prédite par analyse quasi nulle. corrélation entre la fréquence lombalgique des paramètres somatiques et psychopour une profession donnée et le taux sociaux (Hasembring 1994)]. de chronicité (exemple des infirmières Les facteurs de risque Il y a peu de corrélation entre certaines aux poussées lombalgiques fréquentes mais à faible taux de chronicité, compa- lésions radiologiques (discopathie, ostéoAucun n’est déterminant. On parle rativement à d’autres professions exposées). phytose, arthrose) ou scanographiques de dimension multimodale de la lombalgie Les autres facteurs individualisés sont : (protrusion, protrusion latéralisée sans chronique. - une faible qualification profes- compression radiculaire vraie) et l’évolution vers la chronicité. Pour certains (De Mauroy), sionnelle, Facteurs physiques - une inadaptation physique au le compte rendu radiologique a souvent un effet dévastateur. poste, - une insatisfaction globale vis-à-vis Le sexe masculin est un facteur clasToute lésion susceptible de déclencher sique, mais en fait est maintenant discuté. du travail, considéré comme monotone une douleur lombaire cicatrise en principe L’âge est un facteur certain, avec une ou désagréable, en 3 semaines. La lombalgie chronique - une faible ancienneté, plus grande fréquence au-delà de 45 - l’absence d’aménagement de poste ne peut donc s’expliquer par des phénoans, un risque relatif multiplié par 1,4 par mènes somatiques. On estime qu’à partir suite à un épisode aigu. tranche d’âge de dix ans. Épidémiologie Avril 2010 - N° 54 BM5423 Benichou 1 de la page 1 23 lundi 19 avril 2010 04:48 Épreuve couleurs A S S O C I AT I O N M É D I C A L E d’un ou plusieurs problèmes mécaniques, survient un cercle vicieux avec forte composante psychosociale fait de kinésiophobie, évitement, déconditionnement, peur et catastrophisme. Ce « non coping » correspond à un état de non ajustement émotionnel ou fonctionnel. Il semble que la lombalgie chronique soit d’étiologie multifactorielle où les facteurs psychosociaux et environnementaux constituent plus du tiers de la variance du handicap lombaire. On peut ainsi comprendre les difficultés et la fréquente mise en échec des thérapeutes dans ce cadre pathologique. Examen clinique L’examen clinique des lombalgiques chroniques est difficile à décrire tellement il peut être variable selon la spécialité du thérapeute et l’orientation qu’on lui donne. Cependant, il est impératif de ne pas passer à coté des quelques lombalgies symptomatiques inflammatoires, tumorales…à partir de signes d’alerte anamnestiques ou cliniques : au moindre doute, il faut penser à prescrire une radiographie lombaire et un bilan biologique de base comportant au moins NFS et CRP. Mais dans l’immense majorité des cas, on se retrouve devant une lombalgie dite commune que l’on peut démembrer en 3 parties : - Douleurs sans logique d’organe: douleur diffuse, permanente, probablement en rapport avec un dysfonctionnement des voies centrales de la douleur. Ce type de douleurs neuropathiques est bien évalué par le questionnaire DN4. - Douleurs marquées par de forts facteurs psychosociaux Pour ces dernières, des signes de non organicité ont été décrits par Wadell: - Sensibilité diffuse superficielle ou profonde, non limitée à un territoire anatomique. - Douleur provoquée par des manœuvres simulées comme pression verticale sur le vertex, tourner ensemble ceintures pelvienne et scapulaire. - Tests de distraction comme simulation du Lasègue. - Comportement du patient lorsqu’il ne se sent pas observé. - Anomalies neurologiques non systématisées avec perte sensitive et perte de force. - Réactions disproportionnées lors de l’examen. 24 BM5424 Benichou 2 de la page 1 Ces patients ne sont pas des simulateurs : l’IRM fonctionnelle chez ces non coppers montre une augmentation nette d’activité corticale dans les zones impliquées dans la douleur affective : défaillance des mécanismes inhibiteurs cérébraux? - Douleurs d’origine vertébrale ++ répondant à une logique d’organe. En pratique, on se retrouve fréquemment avec 3 types de mécanismes conduisant à une lombalgie chronique : - Mécanismes d’entorse : le joint intervertébral se comporte comme une articulation périphérique : les systèmes de stabilisation de l’articulation peuvent être dépassés de façon plus ou moins intense. Les tableaux de dysfonction segmentaire ou dérangement intervertébral et de lumbago sont d’évolution simple et rapide, par contre dès qu’il existera des fissures discales, du fait d’une fragilité locale, l’évolution devient irréversible. En cas de protrusion ou d’hernie discale, l’évolution sera variable selon l’importance des dégâts inflammatoires, chimiques et le franchissement ou non du ligament commun vertébral postérieur (LVCP). Si les possibilités d’amortissement discal sont dépassées, il existe un risque de fissurations au niveau des plaques cartilagineuses à travers lesquelles s’effectue la nutrition du disque par imbibition. Il y a formation de zones inflammatoires sur les plateaux vertébraux, bien visibles en IRM et appelées MODIC 1. Cette inflammation locale évolue spontanément vers un aspect fibrose en 2 ou 3 ans et explique certains échecs de la rééducation lombaire, en particulier chez le sujet jeune. Avril 2010 - N° 54 lundi 19 avril 2010 04:50 Épreuve couleurs A S S O C I AT I O N M É D I C A L E - Formation d’un canal lombaire étroit : celui ci peut être congénitalement étroit et sera d’autant plus soumis aux constructions dégénératives sur le disque, les articulaires postérieures, les ligaments jaunes… - Autres mécanismes: spondylolisthesis, maladie de Baastrup, lésions facettaires, atteinte d’origine dorsolombaire... A l’issue de l’examen clinique, selon les données recueillies par le CRF L’Espoir de Lille, on se retrouve avec 12% de causes objectives et 88% de ce que l’on appelle un syndrome de déconditionnement. Prise en charge technique Lorsque l’on trouve une cause objective lors de l’examen clinique et des examens complémentaires, diverses modalités médico chirurgicales sont envisageables, variables selon les situations. Infiltrations : elles peuvent être intra articulaires au niveau des articulaires postérieures lorsque l’on soupçonne leur implication par l’examen clinique et surtout la douleur précise à 1 travers de doigt de la ligne des épineuses (la capsule des articulaires postérieures est une structure richement innervée par une structure somatique alors que la partie postérieure du disque et le LCVP le sont par le nerf sinu vertébral, structure sympathique donnant une sensation douloureuse diffuse et mal systématisée). Elles peuvent être foraminales ou épidurales : leur intérêt est de saturer au moins temporairement les récepteurs de la douleur permettant secondairement une prise en charge rééducative pour limiter les risques de récidives. de fissures avec néo innervation in situ. Elle s’effectue après discographie et son indication est la lombalgie invalidante sur mono discopathie à basse pression à la discographie, sans fuite épidurale et avec conservation de la hauteur L’infiltration intradiscale est le discale d’au moins 80%, sans atteinte traitement à proposer lorsqu’il existe un inflammatoire (Modic 0). signe de MODIC 1. La neuromodulation par implantation La rhizolyse par radio fréquence d’électrode intrathécale, est pratiquée depuis s’effectue depuis peu de temps en Nouvelle plusieurs années en Nouvelle-Calédonie. Calédonie : elle consiste à coaguler la Son indication est la douleur neuropathique branche médiale du rameau postérieur réfractaire au traitement médical. du nerf lombaire au pourtour de l’articuLa pompe à morphine implantable laire postérieure. La meilleure indication est exceptionnelle. semble être la lombalgie « facettaire » ayant répondu à l’infiltration. La chirurgie s’adapte aux lésions locales : elle permet d’ouvrir quand il n’y L’IDET : Intra Discal Electrotherapy a pas assez de place (par exemple, est une technique non usitée pour l’instant laminectomie) et de stabiliser quand la en Nouvelle-Calédonie. Son but est mobilité locale est excessive (arthrodèse). d’électrocoaguler les cellules discales en cas Le but est d’aboutir à un joint intervertébral indolore et stable, la mobilité étant pris en compte aux autres étages. Depuis quelques années, des prothèses discales assurent ces qualités biomécaniques en permettant également un certain degré de mobilité du joint mais au prix de contraintes : voie d’abord antérieure, difficultés ++ pour l’étage L5S1, courbe d’un important apprentissage du chirurgien… La bonne indication actuelle serait une lombalgie invalidante avec discopathie chez sujet jeune. Syndrome de conditionnement Dans la grande majorité des cas, on ne retrouve pas de causes objectives à ces lombalgies chroniques. Le patient va d’échec en échec en faisant la tournée de divers thérapeutes, même le chirurgien refuse de l’opérer. Bien sûr parfois, le patient se dit amélioré par de la kinésithérapie au long cours ou de l’acupuncture Avril 2010 - N° 54 BM5425 Benichou 3 de la page 1 25 lundi 19 avril 2010 04:54 Épreuve couleurs A S S O C I AT I O N M É D I C A L E ou de l’ostéopathie…, mais il s’agit le plus souvent de techniques passives où le patient est « entendu » par le thérapeute, avec un bienfait trop transitoire. Le médecin à court d’arguments, prescrit de la kinésithérapie plus pour se débarrasser du patient que par conviction et alors le kinésithérapeute tout aussi peu formé que le médecin à la psychologie de ce type de patient (et avec en moins le poids rassurant des nombreux examens complémentaires pratiqués), doit se débrouiller avec ce patient impossible à mouvoir et hyperalgique. On comprend dès lors l’envie du patient et des thérapeutes, tous en échec, de se replier sur des méthodes magiques ! L’idée de mettre en commun les capacités différentes des thérapeutes existe depuis plus de 20 ans et a été mise au point au Texas par le Dr Tom MAYER : Pour obtenir un résultat, il faut inclure des techniques visant à réduire les facteurs psychosociaux en même temps que la prise en charge physique: l’intérêt des programmes RFR* (réadaptation fonctionnelle du rachis) est la réduction des incapacités en augmentant les capacités physiques (BRADY 1994, MAYER 1994) et en assurant un support psychologique par une stratégie cognitive d’ajustement à la douleur (coping): réduction du catastrophisme et de l’hypokinésie (CHAORY 2004). Les objectifs du traitement sont d’abord d’améliorer la fonction et de diminuer les conduites d’évitement puis secondairement de réduire la douleur. Cela suppose un programme d’entraînement de 5 ou 6 semaines où le patient est mis en immersion complète (hospitalisation de jour ou complète) et va bénéficier d’une rééducation comportant environ 5 heures de travail par jour. Les douleurs ne s’estompent pas par enchantement : le patient devra supporter ses douleurs qui au fur et à mesure des progrès surviendront pour des efforts supérieurs. Les conditions de succès seront : - Agir en équipe multidisciplinaire et complémentaire avec unité de lieu et de temps : l’équipe doit comprendre au minimum : médecins, kinés, ergothérapeute, professeur d’EPS, psychiatre ou au moins psychologue clinicien, assistant social et être en relation étroite avec le médecin CAFAT, le médecin du travail voire l’employeur. - Techniques actives où le patient ne se remet pas entre les mains d’un thérapeute 26 BM5426 Benichou 4 de la page 1 mais s’implique dans le traitement : les favorisantes, la désadaptation profesthérapeutes sont des coachs qui donnent sionnelle et les répercussions socio le travail à effectuer au patient. familiales. Obtenir le désir du patient de s’en Selon une étude menée par Lavignolle sortir: notion de CONTRAT +++ en 2005 à partir de 194 lombalgiques chroniques revus à 1 an après RFR: Nécessité d’une évaluation pré inclusion dans un programme de RFR*. En - Amélioration EVA : 50% à 30% effet il faut vérifier que le patient soit ca- Amélioration de qualité de vie: pable de supporter les efforts deman- 50% (quotidienne), dés : ainsi un patient au delà de 40 ans - 60% (professionnelle), devra avoir passé une épreuve d’effort - 80% (sociale), cardiaque. - 70% (dépression, anxiété) - 85% poursuivent un entretien physique Importance de positiver les moindres quotidien, progrès, « narcissiser » le patient en lui - 77% ont repris le travail. renvoyant une image positive de son corps, athlétiser : véritable programme Les résultats sont intéressants mais ne de remise en forme. sont pas miraculeux. En particulier, si le patient ne veut pas progresser, les théraLes techniques physiques proposées peutes ne pourront rien pour lui. Cependant devront lutter contre le syndrome de cette modalité de prise en charge est déconditionnement physique fait de raideur utile et économe. Ainsi il paraît logique : musculotendineuse, de déficit de force endurance (déconditionnement muscu- devant un patient lombalgique laire surtout sur les muscles antigravitaires, chronique, de proposer une prise en surtout sur les fibres lentes), de déficit charge coordonnée basée sur une des capacités fonctionnelles (VO2 max) stratégie positive. et d’inhibition neuromusculaire. Pour le syndrome de déconditionnement psycho- de proposer le plus tôt possible social, il faut intervenir sur les facteurs (lombalgies aigues ou subaiguës) aux psychiques de fragilité, les circonstances patients chez lesquels on suspecte des Avril 2010 - N° 54 lundi 19 avril 2010 05:38 Épreuve couleurs A S S O C I AT I O N M É D I C A L E problèmes psychosociaux nets, une prise en charge multidisciplinaire incluant des « somaticiens » et des psychologues. La prise de contact avec le monde du travail doit être le plus précoce possible : la visite auprès du médecin du travail peut être demandée par le salarié, l’employeur, le médecin traitant, médecin généraliste ou spécialiste ou bien le Contrôle Médical. Le médecin du travail peut à l’issue de sa consultation renvoyer chez le médecin généraliste surtout en l’absence de traitement mais aussi faire appel à l’ergothérapeute employé par le Service Médical Interentreprises du Travail (SMIT), qui évalue le potentiel restant et enfin, en collaboration avec les divers médecins impliqués, déclencher une enquête en entreprise (avec l’ergonome du SMIT). Alors les solutions possibles dans le cadre du travail seront : - Préconisations à l’entreprise (et éventuellement équipement aidé par la CAFAT), formation gestes et postures. - Préconisations au salarié en accord avec le médecin traitant. - Reprise du travail sur poste aménagé ou pas, éventuellement à temps partiel thérapeutique. - Changement de métier : diverses délibérations pour la prise en charge de formation (uniquement AT/MP) ou pour l’aménagement des postes (travailleur handicapé). Au total la prise en charge des lombalgiques chroniques est difficile et n’est pas satisfaisante telle qu’elle est pratiquée en Nouvelle-Calédonie actuellement : les divers thérapeutes détiennent chacun une petite partie de la solution mais la coopération n’est pas bonne du fait d’un manque d’unité de lieu et d’action. La prise en charge globale du patient par les techniques de RFR ont fait preuve de leur efficacité (en terme de qualité de vie pour les patients et de rentabilité pour la société) en métropole et dans la plupart des pays industrialisés où la lombalgie chronique est un véritable fléau social et économique. Il est temps que la Nouvelle-Calédonie puisse se doter d’une structure capable d’accueillir ce type de patients. Avril 2010 - N° 54 BM5427 Benichou 5 de la page 1 27 lundi 19 avril 2010 05:42 Épreuve couleurs L A V I E D E S A S S O C I AT I O N S Les états dépressifs et la dépression Thérapie intégrative pour aider le malade à inverser la spirale descendante dont il est prisonnier. Ghylaine Manet, psychanalyste, hypnothérapeute, formation EMDR-FRANCE Le mot dépression date du 14ème siècle (en latin, depressus, deprimere) et signifie « presser de haut en bas ». La dépression désigne un trouble de l’humeur qui entrave l’activité mentale du sujet. Un déficit de sérotonine en serait une des causes et les pensées négatives accentueraient ce déficit. Sans commune mesure avec la dépression, maladie grave qui demande un traitement médicamenteux, nous rencontrons dans nos cabinets de nombreux patients qui présentent des états dépressifs. Les questionnaires et échelles de Beck (1961) et de Hamilton (1967) et bien d’autres peuvent éclairer le malade sur son état. Certains événements de la vie, un chômage, une mise à la retraite, un cambriolage, les enfants devenus adultes qui quittent la maison familiale, un accident de voiture, la perte d'une amitié, un décès d’un proche entraînent un état dépressif réactionnel qui s'atténue peu à peu dans le temps. La très récente étude ANADEP menée en France en 2005 sur la dépression par Xavier Briffault, chercheur en sociologie et épidémiologie de la santé mentale au Centre de recherches de l’université de Paris a montré la gravité de la situation : près de 18% des Français ont présenté, au cours de leur vie, un «épisode dépressif ma jeur» (EDM), sévère pour 50% d’entre eux. Chaque année, environ 2 millions de Français connaissent un tel épisode. Les femmes sont les plus exposées. Elles seront donc 23% à vivre un EDM au cours de leur vie, contre 12% des hommes. Le recours à la thérapie a été aussi évalué. Un tiers de ceux qui ont vécu un épisode dépressif n’ont jamais consulté de professionnel. Ce sont les femmes et les personnes de catégories sociales élevées qui consultent plus souvent. 31% vont uniquement voir un généraliste. 52% prennent des traitements médicamenteux et 26% se tournent vers les psychothérapies qui sont recommandées par cette étude en traitement de base, pour les dépressions peu sévères. Ces psychothérapies sont plurielles. Nos contemporains aujourd’hui recherchent l’efficacité, le pragmatisme, la rapidité du traitement pour inverser la spirale descendante de la dépression sous toutes ses formes. Les malades se tournent de plus en plus vers les thérapies cognitives, comportementales et analytiques : la sophrologie, l’hypnose ericksonienne, l’EMDR. 28 BM5428 Sophro 1 de la page 1 Proverbe chinois « Tu ne peux empêcher les oiseaux de malheur de voler dans le ciel, mais tu peux les empêcher de faire leur nid sous ton chapeau » La thérapie devient intégrative, elle prend en charge la globalité de l’être humain dans toutes ses aspirations. Ce sont des thérapies de changement orientées vers la solution et non sur le problème, se démarquant ainsi de la psychanalyse qui cherche le pourquoi et non le comment. Cette vision holistique de l’homme a un effet plus rapide sur l’amélioration de l’humeur, de la vitalité, de l’énergie, de l’estime de soi. C’est bien la thérapie du 21ème siècle qui réconcilie l’homme avec ses différents plans : physique, énergétique, émotionnel, mental, socioculturel, éco-planétaire, et spirituel. Approches cliniques Éric, 50 ans, cadre, divorcé avec de grands enfants qu’il voit peu, resté seul, est dépressif. Le médecin psychiatre lui a prescrit des antidépresseurs mais cela ne suffit plus. C’est le soir et le week-end qui sont les plus difficiles. Il vient pour parler, pour comprendre pourquoi il est encore dans cet état après une rupture vieille de deux ans. "Je n'ai pas d'idées. J’ai un manque d'énergie et j’ai du mal à faire face au quotidien. Je ne suis pas bien dans mon corps. J’ai mal au dos. Je prends des médicaments pour un reflux gastrique. J’appréhende la journée. Tout me pèse. Quelquefois, j’ai des idées noires. C’est sans espoir. Je dors mal, j’ai des insomnies. Je n'ai pas envie de sortir. Je reste chez moi. Je ne fais même plus de sport. Quand mes amis m’invitent, je décline leur invitation. J'ai une espèce d'apathie générale. Une espèce de léthargie. J'ai envie de rien. Je mange peu. Je n'ai pas d'appétit. Je sens que je maigris. Je flotte dans mes vêtements. Je prends consciencieusement les antidépresseurs que mon psychiatre m'a donnés. Je viens vous voir pour retrouver de l'énergie pour remonter la pente, pour remonter à la surface. J'ai l'impression de m'enfoncer, c’est une spirale, je descends." Les malades dépressifs dans un cabinet de psychothérapie se reconnaissent par leur perte de vitalité. Ils n’ont plus prise sur le réel et perdent le goût de vivre jusqu’à l’envie de vivre. Ce sont leurs proches qui se rendent compte de la métamorphose. Ils leur demandent de « se secouer », d’avoir « un peu de volonté, un peu d’énergie ». Comment faire puisque c’est justement ce qui leur manque ? Ils se sentent seuls et isolés : ils le sont car ils deviennent encombrants pour leur entourage. D’autres ont des troubles du comportement surprenants, ils deviennent violents par moments, ils prennent des habitudes nocives comme l’abus d’alcool de drogues diverses, de cannabis qui masquent souvent une dépression. Les adolescents sont très souvent au bord d’une déprime. On met cet état sur le compte de leur âge. N’avons-nous pas connu dans notre jeunesse des moments de cafard, des coups de blues ? Si cet état dure plus de deux semaines, il est nécessaire de consulter un médecin qui pourra conseiller une thérapie pour soutenir l’ado dans ses difficultés de comprendre sa propre vie, d’accepter la métamorphose de son corps et de faire face à la peur de l’avenir. Les nombreux clips à la mode chantent les états dépressifs dus souvent à la trahison de l’être aimé. C’était la même douleur, « le spleen » qu’exprimaient Baudelaire et les romantiques au 19ème siècle. La vigilance est de mise. Au Ier siècle avant Jésus-Christ, l’auteur latin Publius Syrius déjà disait dans ses Sentences que « la douleur de l'âme pèse plus que la souffrance du corps » et lorsqu’on voit Éric, assis, voûté comme s’il portait le monde sur ses épaules, on ne peut que l’accueillir dans sa détresse. Dans ces périodes, le malade a besoin d’une chaleur humaine. Il veut rencontrer une personne qui prenne le temps de l’écouter. Et c’est le premier temps de la thérapie, essentielle pour tisser une relation de confiance et de respect. Comme le médecin lui a indiqué une psychothérapie, Éric s’est laissé convaincre et il se veut très « appliqué ». Toutes les techniques visent à rechercher les ressources personnelles du patient : les séances d’hypnose clinique de Milton H Erickson donnent accès à des bons souvenirs complètement occultés, des sensations de plaisir données par le sport, la musique, la compagnie de certains amis dont le malade s’était éloigné par désintérêt et bien d’autres choses agréables qu’il avait délaissées… Éric dit combien le goût des pêches qu’il cueillait dans le jardin de sa grand’mère, alors qu’il avait 7-8 ans lui a donné envie de faire le marché le dimanche Avril 2010 - N° 54 lundi 19 avril 2010 05:50 Épreuve couleurs L A V I E D E S A S S O C I AT I O N S pensées automatiques, évitement de certaines situations, pensées figées. Lors d’un épisode dépressif, c’est la pulsion de mort qui est à l’œuvre dans le psychisme du malade. Certains pour trouver le repos attentent à leurs jours ; une patiente qui avait été sauvée de la pendaison par son mari arrivé à temps sur les lieux me disait : « je ne peux pas comprendre que j’ai pu oublier mes enfants. Je n’ai pensé qu’à me reposer, qu’à dormir, qu’à m’arrêter, je voulais que tout cela cesse ». Le premier travail thérapeutique porte sur l'incompréhension du déprimé vis-à-vis de lui-même et de son état. Il vit dans la honte et la culpabilité. Il se sent inutile et il sait qu’il est une charge pour son entourage. Il se dévalorise. Le thérapeute par un travail cognitif va faire en sorte que le malade accepte de se déculpabiliser. Il n'est pas totalement responsable de sa Pour l’aider dans certaines situations d’angoisse, nous établissons un maladie. Il n’a pas été vigilant, conscient des lieu sûr, où il se sent en sécurité, dans un signes avant-coureurs certes mais la honte paysage qui respire la vie, une campagne est un frein au changement. fleurie, ses fruits préférés à portée de sa Les outils thérapeutiques sont nombreux main et de sa bouche, des odeurs de terre mouillée qu’il l’affectionne, et il retrouve le aujourd’hui. La technique des mouvements plaisir du corps dans une randonnée mémo- oculaires (EMDR) initiée en 1987 par Francine rable, tout ceci dans une transe hypnotique Shapiro (membre du Mental Research Institute qui lui a paru trop courte. Au sortir de la de Palo Alto, prix Sigmund Freud en 2002) et séance, il se promet de refaire le week-end diffusée depuis une dizaine d’années par prochain un parcours qu’il affectionne. La David Servan–Schreiber, permet de traiter séance d’hypnose clinique lui a donné envie les troubles associés à un état de stress postde vivre. Il y aura d’autres séances avec des traumatique (ESPT) et à des états dépressifs prescriptions de tâches, qui changent le compor- complexes. C’est une approche thérapeutique tement et permet de déprogrammer ce qui qui retraite l’information négative figée, bloquée était en place et qui se répétait inlassablement : dans des réseaux mnésiques, d'une situation et de choisir une alimentation plus régulière et plus saine. Généralement, une soupe toute faite lui sert de dîner. Pourquoi ? Parce que je n’ai qu’une cuiller à laver. Les contes thérapeutiques qui ouvrent l’imaginaire et le pouvoir créatif du malade sont très appréciés. Les techniques de sophrologie prennent en compte les sensations du corps, développent les pensées et les actions positives ; la respiration abdominale libère le diaphragme, grand muscle de l’angoisse ; l’insomnie se traite dans une technique personnalisée enregistrée sur le champ, dans la dernière partie de la séance. Le patient écoute son CD, dort mieux, gère mieux son stress en plein stress dans toutes les situations qui étaient fortement anxiogènes et il peut revivre une vie sociale. douloureuse qui peut être très ancienne. En effet, Eric garde dans son psychisme des scènes infantiles désastreuses pour l’estime de soi. Il évoque une scène familiale où le père s'est permis de le battre violemment quand il avait 10 ans, en l’insultant. Ses paroles sont restées ancrées dans sa mémoire. Il exprime sa souffrance et cette impression d'une spirale descendante, d'un puits dans lequel il tombe. La scène retraitée par la technique des mouvements oculaires a perdu aujourd’hui son impact toxique. Être à l'écoute du dépressif dans une attitude empathique, oui mais il ne suffit pas d'écouter. Il est nécessaire également d’être en relation avec le médecin traitant. Il est primordial d’être directif dans un premier temps, de le prendre par la main. Le patient demande à être dirigé comme un enfant qui ne sait plus marcher. Il a besoin de soutien. C’est un blessé de la vie. Il marche avec un déambulateur et c'est le thérapeute qui est son déambulatoire. C’est alors qu’il prend confiance dans l’usage de ses jambes, il se renforce et le soutien est différent. Il utilise les béquilles puis il a besoin encore quelque temps d’une canne et déjà il pense à demain où il sera enfin libre d’aller comme bon lui semble. Il marchera sur la route qu’il s’est choisie. Et il n’attribuera sa renaissance qu’à lui-même ; tout l’art du thérapeute est de se faire oublier. INSTITUT MILTON H. ERICKSON du PACIFIQUE et de NOUMEA Association Loi 1901. MEMBRE de la C.F.H.T.B. (Confédération Francophone d’Hypnose et de Thérapies Brèves), de la Fondation Erickson de Phoenix, de l’I.S.H. et de l’E.S.H.). Site: www. institut-miltonerickson-pacifique.com. — E-mail :[email protected] Tel (687) 26 97 68.— 9, impasse F. Legras. Baie des Citrons 98846 Nouméa. B.P. 2594 Nouvelle-Calédonie PROGRAMME 2010 - Enseignement pour les professionnels de santé. DrJean-Claude Espinosa, Formateur et Président de la C.F.H.T.B. psychanalyste, neuropsychiatre, Directeur de l'institut M. Erickson de Biarritz, formateur à l’institut Avignon-Provence, enseignant au DU de la Faculté de médecine de Bordeaux. INITIATION : du jeudi 28 , au dimanche 31 octobre 2010 (coût : 100 000F pour 4 jours). PERFECTIONNEMENT : du jeudi 11 au dimanche 14 novembre 2010 (coût : 100 000F pour 4 jours). MODULE pour ceux qui ont suivi le perfectionnement : ADDICTOLOGIE ET HYPNOSE. Deux soirées de supervision sont prévues pendant le séjour du Dr Espinosa. Nous consulter au 28 64 18. S’inscrire individuellement. Tarifs métropole. Du mardi 2 novembre au jeudi 4 novembre 2010 : 75 000F pour les 3 jours. La formation à Nouméa est en tous points la même qu’en métropole ; elle est validée de la même manière et les tarifs sont alignés sur ceux de la France. Le travail est centré sur la pratique en trinômes. Pour vous informer, consultez les sites des autres instituts : www. hypnosium.com et www.hypnose-clinique.com Avril 2010 - N° 54 BM5429 Sophro 2 de la page 1 29 lundi 19 avril 2010 05:58 Épreuve couleurs ACTUALITÉS DU COTE DE LA CPS PACIFIQUE Secrétariat Général de la Communauté du Pacifique Atelier des territoires français du Pacifique Thématiques abordées : tuberculose, dengue, grippe, leptospirose et rhumatisme articulaire aigu Un atelier des territoires français organisé par la Division de santé publique du Secrétariat général de Communauté du Pacifique (CPS) en collaboration avec l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) et l’Organisation Mondiale de la Santé, s’est déroulé du 22 au 25 février 2010 au siège de la CPS à Nouméa. Il a réuni des professionnels de santé des trois territoires français du Pacifique : Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis et Futuna. Le but de l’atelier était de permettre aux trois territoires français de discuter des problématiques communes et d’envisager les réponses et solutions qui pourraient être apportées par chacun d’entre eux, d’échanger les expériences et ainsi de potentialiser le travail réalisé en santé publique par chaque collectivité. 26 BM5430 CPS 1 de la page 1 Les thématiques abordées ont permis de faire le point sur les épidémies de grippe A(H1N1) 2009 et de dengue de type 4 qui ont affecté les territoires français du Pacifique en 2009 ainsi que sur les stratégies de lutte contre la tuberculose, la leptospirose et le rhumatisme articulaire aigu (RAA), partager les informations et les expériences et définir des futurs axes de travail communs. Les échanges entre les professionnels de santé en plénière et dans le cadre des travaux de groupe ont permis de dégager un certain nombre de recommandations visant à améliorer et à harmoniser les approches des territoires pour ce qui concerne la surveillance, le diagnostic et la prévention des maladies cibles de l’atelier. Par ailleurs un certain nombre de recommandations plus générales visant à améliorer la surveillance, le diagnostic et renforcer la collaboration entre les territoires ont été élaborées. Vous pouvez consulter les conclusions et recommandations de l’atelier sur le site web de la CPS : http://www.spc.int/php/ Pour toute information complémentaire, veuillez prendre contact avec : Dr Axel Wiegandt, CPS Nouméa, Tél. : +687 26 20 00 Courriel : [email protected] ou Christelle Lepers, CPS Nouméa, Tél. : + 687 26 01 81 Courriel : [email protected] Avril 2010 - N° 54 lundi 19 avril 2010 18:01 Épreuve couleurs ACTUALITÉS DU COTE DE LA CPS PACIFIQUE Secrétariat Général de la Communauté du Pacifique Numéro d’Inform’ACTION consacré à la grippe pandémique A(H1N1) 2009 dans le Pacifique Ce numéro spécial fort intéressant et riche en expériences de terrain inclut des contributions en provenance de sept États et Territoires insulaires du Pacifique, dont la liste figure ci-dessous : - Les centres de traitement de la grippe en Nouvelle-Calédonie, - Surveillance de la grippe A (H1N1) à Palau, mai–septembre 2009, - La grippe H1N1 à Guam, - Tokelau – Aucun cas de grippe A (H1N1) n'a été déclaré, - Situation épidémiologique de la grippe A (H1N1) pdm en Polynésie française – Point au 21 octobre 2009 - Description de l'épidémie de grippe A (H1N1) sur l'île de Moorea de août à octobre 2009, - Bilan des mesures prises au centre pénitentiaire de Nuutania (Tahiti) dans le cadre de l’épidémie de grippe A (H1N1) pdm 2009 (septembre 2009), - Rapport sur la situation de la grippe H1N1 2009 au Samoa - 25 août 2009, - Surveillance des syndromes grippaux et de la grippe pandémique A (H1N1) aux Îles Salomon - Situation au 11 octobre 2009, - Surveillance des maladies transmissibles aux Îles Salomon, - Décès parmi les cas confirmés de grippe pandémique H1N1 (2009) dans les États et Territoires insulaires océaniens, 2009. La version électronique du bulletin est consultable en ligne à l’adresse suivante : http://www.spc.int/phs/ENGLISH/Publicatio ns/InformACTION/IA31-sommaire.htm Pour de plus amples informations, veuillez contacter : Christelle Lepers, Chargée de l’information sur la surveillance de la santé publique, CPS Nouméa. Tél. : +687 26 01 81 Courriel: [email protected] Montée en puissance de la lutte contre les MNT La lutte contre les maladies non transmissibles (MNT) en Océanie est passée à la vitesse supérieure en 2009, avec le lancement de nouvelles initiatives dans l’ensemble de la région. Avec le soutien de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, les États et Territoires insulaires océaniens ont su tirer parti de l'expérience considérable accumulée par le Secrétariat général de la Communauté du Pacific (CPS) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dans le cadre de l’approche « 2–1–22 » (deux institutions, une seule équipe et vingt-deux États et Territoires) afin de promouvoir les modes de vie sains dans la région. Sous la direction d'un comité de gestion composé de représentants des pays concernés, la capacité de lutte contre les MNT à l'échelon national et régional s'est considérablement renforcée en 2009 grâce à l'afflux de financements dans les pays et Territoires. Selon les estimations de la CPS, cette dynamique devrait s'accélérer en 2010 lorsque les projets donneront leur pleine mesure. En août 2009, Nadi (Îles Fidji) a accueilli le Forum océanien sur les MNT, première conférence régionale sur ce thème. Cette conférence s'est révélée particulièrement utile pour les spécialistes des MNT issus de pays et de Territoires aux ressources limitées. Le prochain Forum se tiendra à Nadi en juin 2010. Un numéro du Pacific Island NCDs (Maladies non transmissibles en Océanie en français, auparavant intitulé Nutrition en Océanie ou NEO), revient sur les temps forts du Forum et fait le point sur l'assistance apportée par le Programme 2–1–22 aux pays et Territoires de la région (y compris en NouvelleCalédonie, Polynésie française et Wallis et Futuna) dans leur combat contre les MNT. Ce numéro sera très prochainement disponible en français sur la nouvelle rubrique du site de la CPS : www.spc.int/hpl. La version anglaise y figure déjà. Pour en savoir plus, veuillez prendre contact avec : Richard Thomson, CPS Nouméa – Tél. : +687 26 20 00 Courriel : [email protected] Avril 2010 - N° 54 BM5431 CPS 2 de la page 1 31 lundi 19 avril 2010 18:10 Épreuve couleurs BM5432 Pub KseinJaune de la page 1 mercredi 21 avril 2010 18:58 Épreuve couleurs