Rapport européen 2008: Le rôle du logement dans les

Transcription

Rapport européen 2008: Le rôle du logement dans les
Action habitat n°27 – Libre propos version longue
Libre propos – Freek Spinnewijn, directeur de la Feantsa
Le logement et l’année de la lutte contre la pauvreté
L’année 2010 est l’Année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Étant
donné que l’un des objectifs clés de cette année est de raviver l’engagement de l’Union
européenne (UE) pour combattre ces problèmes, elle représente un tournant potentiel qui
engendrerait des progrès politiques relatifs au sans-abrisme et aux questions connexes, et qui
1
favoriserait des actions en vue de mettre fin au sans-abrisme . En outre, la Méthode Ouverte de
Coordination sur la protection sociale et l’inclusion sociale s’est concentrée sur le sans-abrisme
et l’exclusion liée au logement en 2009, et les États membres ont soumis des rapports nationaux
2
sur ces thèmes. Après avoir analysé ces rapports, le Rapport conjoint 2010 invite les États
membres à développer des stratégies intégrées pour lutter contre le sans-abrisme.
L’insertion par le logement
L’une des manières d’aborder le sans-abrisme, et l’un des groupes de travail de la FEANTSA,
concerne l’insertion par le logement. Plusieurs stratégies nationales relatives au sans-abrisme
comportent des dispositions visant à améliorer l’accès au logement, un thème d’actualité en
Europe et qui devient de plus en plus difficile, notamment à cause de la crise financière et de la
récente chute des marchés mondiaux du logement. Le dernier rapport européen sur la situation
3
sociale , qui étudie la définition et la mesure du sans-abrisme dans l’UE, analyse le lien entre le
logement et le sans-abrisme, démontre que les Européens consacrent actuellement une partie
plus importante de leur salaire aux coûts du logement par rapport à il y a dix ans, alors que la
dette hypothécaire a augmenté dans l’ensemble de l’UE. Le rapport démontre également que de
nombreux Européens vivent dans des hébergements précaires et que davantage de personnes à
faibles revenus ont des problèmes de logement.
Dans ce contexte, le thème annuel 2008 de la FEANTSA était « le logement et le sansabrisme ». Examinant les différents modèles de logement et les politiques et pratiques de lutte
contre l’exclusion liée au logement testées, débattues et promues à travers l’Europe, l’année a
abouti à un rapport européen qui analyse les paramètres de réinsertion par le logement, en
4
exposant les points forts et les points faibles de cette approche , ainsi qu’à un magazine
5
consacré à ce thème . Le but était d’analyser le rôle du logement par rapport au sans-abrisme,
aussi bien en tant que cause de celui-ci (impossibilité d’accéder à un logement abordable,
pénurie de logements, mauvaise qualité et surpeuplement des logements disponibles, expulsion,
contraction du marché du logement social) qu’en tant que solution possible (rôle des
hébergements temporaires, des centres d’hébergement et des refuges d’urgence, recours aux
hébergements temporaires privés, rôle du marché locatif privé, de l’accès à la propriété, des
1
http://feantsa.horus.be/code/FR/pg.asp?Page=546
http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=757&langId=fr
3
http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_321_fr.pdf
2
4
http://www.feantsa.org/files/Housing_Annual_Theme/European_Report/08_European_Report_FE
ANTSA_Housing_final_FR.pdf
5
http://www.feantsa.org/files/freshstart/Communications/Homeless%20in%20Europe%20FR/PDF_
2009/Sans%20Abri%20en%20Europe_Hiver2008.pdf
1
Action habitat n°27 – Libre propos version longue
logements publics et sociaux). Enfin, le rapport analyse l’utilité des stratégies spécifiques de
logement pour lutter contre le sans-abrisme.
Le droit au logement…
L’accès à un logement peut être considéré comme une condition préliminaire à l’exercice de la
plupart des autres droits fondamentaux. Le droit au logement est consacré par des instruments
internationaux ainsi que par les législations nationales de différents Etats membres de l’UE.
Toutefois, sa mise en œuvre demeure peu satisfaisante dans plusieurs pays, car le droit au
logement ne dispose pas du même niveau de priorité que l’accès à d’autres formes de protection
sociale.
L’un des engagements de la FEANTSA et de ses membres est de faire progresser le droit de
chacun à vivre dignement et le droit de tous à un logement sûr, stable, adéquat et abordable. Ils
s’engagent à prévenir et à réduire l’exclusion liée au logement dans l’optique de son éradication
progressive, et travaillent en vue de la concrétisation du droit au logement reconnu au niveau
international. Un exemple du travail de la FEANTSA en matière du droit au logement est
l’introduction de Réclamations collectives auprès du Comité européen des droits sociaux (CEDS)
6
contre des pays qui violent la Charte sociale européenne en regard du droit au logement .
…opposable
Le rôle de l’État et des législateurs dans la garantie d’un logement digne et abordable est
fortement lié au débat sur les politiques clés en matière de logement et leur impact sur l’exclusion
liée au logement, à savoir la façon dont il est possible de rendre le logement plus abordable
financièrement, la gestion des allocations de logement, l’utilité des programmes de garanties
locatives, la réglementation éventuelle du marché, la promotion éventuelle de l’accès à la
propriété, etc.
Ainsi, certains pays, dont la France, ont inscrit un droit au logement opposable dans leur
7
constitution . Les conclusions de la FEANTSA à cet égard sont que la reconnaissance du droit
au logement dans les textes juridiques est nécessaire mais exige aussi des mesures de mise en
œuvre appropriées, y compris en termes budgétaires et de planification.
La responsabilité de garantir un logement
Parmi les questions que l’on peut poser par rapport au logement en tant qu’outil pour mettre fin à
l’exclusion sociale des personnes sans domicile, on retrouve le débat sur la responsabilité : qui –
les collectivités locales, les propriétaires privés, les organismes de logements sociaux, les
opérateurs de logement social, les associations locales – devrait être impliqué dans
l’hébergement des personnes sans domicile ? En réalité, la réponse est que tous ces acteurs
peuvent jouer un rôle dans la garantie du logement aux personnes sans domicile, mais la division
de la responsabilité diffère selon le contexte national, et certains peuvent proposer une meilleure
solution que d’autres.
Le logement public et social
6
Pour plus de renseignements sur les Réclamations collectives introduites par la FEANTSA,
consultez http://feantsa.horus.be/code/FR/theme.asp?ID=5
7
http://www.feantsa.org/code/fr/pg.asp?Page=36
2
Action habitat n°27 – Libre propos version longue
Pour certains, l’accès au logement social, en tant que logement le plus accessible et dont le prix
8
est le plus abordable, est la solution-clé à long terme au sans-abrisme . C’est également un type
de logement sur lequel les administrations gardent le plus facilement un contrôle en termes de
qualité et de coûts. Pour les personnes sans domicile et les personnes à risques ayant d’autres
besoins en termes d’accompagnement, un logement social peut être la meilleure solution pour
améliorer la stabilité de leur vie. Pour celles qui n’ont pas d’autres besoins, le logement social
peut représenter une solution toute faite.
Cette solution est pourtant loin d’être une panacée : le domaine du logement social peut
rencontrer des problèmes, tels que le besoin de garantir un nombre suffisant d’hébergements afin
de ne pas bloquer la sortie de l’exclusion liée au logement. En outre, être sans domicile ne
constitue pas toujours un critère d’attribution d’un logement social – celui-ci est souvent
prioritairement destiné à des publics à risque identifiables tels que les personnes handicapées et
les familles monoparentales, ce qui peut confronter les personnes déjà sans domicile aux pires
difficultés pour trouver un logement. Les restrictions d’accès au logement social qui se basent sur
l’exigence d’une preuve de résidence plus ou moins longue dans une municipalité constituent
également un obstacle non seulement pour les immigrés mais aussi pour les personnes qui
déménagent au sein de leur pays. Enfin, il convient de noter que même les logements sociaux
requièrent le paiement d’un loyer, ce qui peut s’avérer impossible pour certaines personnes.
Lorsque les politiques ne sont pas en mesure d’aider les personnes les plus vulnérables à couvrir
les coûts d’un logement public, en leur permettant par exemple d’accéder à des allocations de
logement, elles bloquent l’accès au logement social permanent.
Le rôle limité du marché locatif privé
De nombreux pays veulent accorder un rôle au secteur privé dans les solutions de logement pour
les personnes sans domicile. Cela n’est toutefois pas sans obstacles, notamment la demande
importante dans le secteur et les prix élevés, la volonté des propriétaires de faire du profit,
l’absence de sécurité à long terme pour les locataires et les problèmes de qualité des logements.
Les allocations de logement sont utilisées pour rendre le marché locatif privé plus accessible.
Néanmoins, d’aucuns considèrent cette politique chère et inefficace, et l’accusent de ne pas
cibler les groupes les plus vulnérables. Qui plus est, bien que les politiques publiques proposent
des allocations de logement ou des garanties locatives en vue d’améliorer l’accès aux logements
privés, certains propriétaires discriminent les personnes bénéficiant d’une telle aide. Les efforts
visant à socialiser le secteur locatif privé doivent ainsi chercher à contester ces attitudes
dominantes des propriétaires. Certains pays ont mis en place un système qui non seulement
cherche à proposer un soutien aux locataires, mais qui incite également les propriétaires à louer
aux groupes vulnérables. Ceci est essentiel si ce secteur est amené à être une solution véritable
et durable pour les personnes qui auraient normalement eu accès à un logement social.
Le logement d’abord
Parmi les façons d’aborder le sans-abrisme selon une perspective du logement, on retrouve de
plus en plus l’utilisation du principe du « logement d’abord », une approche qui considère le
8
Le logement social peut prendre des formes différentes en fonction des définitions légales et
des systèmes en place dans chaque pays. Le nombre de logements sociaux disponibles diffère
également d’un pays européen à l’autre. On peut cependant identifier certains principes-clés: le
logement est subventionné par l’état ; on applique des loyers maximums ; le logement est alloué
selon certains critères de priorité.
3
Action habitat n°27 – Libre propos version longue
logement comme un point de départ pour fournir un hébergement et éventuellement un
accompagnement psychique, social ou sanitaire aux personnes en situation d’exclusion liée au
logement à long terme. Ceci est contraire à l’approche progressive où un logement est le but final
9
atteint après une série d’étapes ou d’obstacles à franchir .
Selon cette théorie du logement d’abord, nombre des problèmes peuvent être mieux abordés
dans une situation stable de logement : l’absence de logement peut souvent être une cause
d’instabilité supplémentaire dans la vie d’une personne. Ainsi, une solution de logement à long
terme permet d’apporter des réponses par rapport aux effets personnels, aux relations, à l’estime
de soi, à l’intimité, à la sécurité et à l’accès à l’emploi, qui vont au-delà du refuge physique. Selon
cette logique, le logement seul ne garantit pas l’inclusion sociale, mais il s’agit d’une condition
préalable essentielle à l’intégration des personnes sans domicile. Par ailleurs, la plupart des pays
semblent penser que le logement d’abord peut fonctionner si l’accès à un logement stable et sûr
est utilisé pour faciliter les interventions des services d’aide sur la base d’évaluations des besoins
des personnes. Dès lors, la principale limite de ce principe est qu’il ne peut fonctionner pour la
plupart des personnes sans domicile si les services d’aide ne sont pas présents.
L’importance de la prévention
Une méthode sûre pour mettre un terme au sans-abrisme est de prévenir la perte de logement.
Cette prévention peut prendre la forme de conseils prodigués aux personnes par rapport aux
structures de logement, ou la forme d’allocations visant à rendre le logement plus abordable en
passant par des lois et des protocoles qui visent à prévenir la perte de logement. Certains pays
européens ont ainsi développé des mesures visant à prévenir ou retarder les expulsions.
Restreindre la possibilité que les personnes soient expulsées de leur maison diminue le risque
que courent ces personnes de devenir sans domicile.
10
La publication Mettre un terme au sans-abrisme : un manuel pour les décideurs politiques ,
11
publiée dans le cadre de la campagne « Halte au sans-abrisme » de la FEANTSA , donne des
exemples de bonnes pratiques en matière de prévention du sans-abrisme dû à l’absence de
solutions de logement. Parmi les solutions possibles pour répondre à l’objectif de la campagne
« Personne ne devrait sortir d’une institution sans options de logement » on retrouve la garantie
d’un hébergement ciblé, adapté aux besoins de chaque personne, et d’un soutien continu et suivi
aussi longtemps qu’il est besoin pour maintenir la personne accompagnée dans son logement.
Il est évident que l’on renforcera la lutte contre le sans-abrisme en améliorant l’accès au
logement et en faisant en sorte que les personnes puissent garder leur logement. Cette année
européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale doit aboutir à un engagement
politique qui garantit le développement de stratégies concrètes relatives au sans-abrisme prenant
en considération les paramètres du logement.
9
Une analyse de cette approche, utilisée notamment dans les pays scandinaves, paraît dans
l’édition 2009 du « European Journal of Homelessness », portant sur l’utilisation de l’approche en
Finlande. http://eohw.horus.be/code/EN/pg.asp?Page=1136
10
http://www.feantsa.org/code/fr/pg.asp?Page=1175
11
http://www.feantsa.org/code/fr/pg.asp?Page=1268
4