Comment découvrir le monde de l`entreprise au collège

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Comment découvrir le monde de l`entreprise au collège
Comment découvrir le monde de l'entreprise au collège ?
L’Afdet a organisé une rencontre sur ce thème le 28 novembre 2012. Michelle Martin, conseillère de
l'Afdet, a animé la réunion et la table ronde qui a permis des échanges fructueux entre les
intervenants et la cinquantaine de participants. Les intervenants de la table ronde avaient été choisis
parmi les catégories de personnes ayant une expérience ou un point de vue sur le thème retenu : une
professeure, une principale, un inspecteur de l'information et de l'orientation, un représentant d'une
fédération de parents d'élèves, un responsable de PME, le responsable école-entreprise d'une grande
entreprise.
Sur la nécessité de la découverte du monde économique par les collégiens les avis convergent. Elle
permet l'ouverture sur le monde économique, la connaissance de métiers, l'observation de
comportements professionnels, la prise de conscience que l'activité professionnelle requiert rigueur,
et sens du collectif. En cela elle constitue pour les jeunes une aide à leur orientation à la sortie de la
classe de troisième et bien au-delà pour ceux qui effectueront leur choix professionnel plus
tardivement.
L'Afdet a préparé la table ronde en organisant plusieurs rencontres avec des entreprises de niveau
national, en réalisant une enquête auprès de ses sections territoriales, en rencontrant différents
acteurs institutionnels : professeurs, principaux de collège, inspecteurs, directeur académique, des
parents d'élèves...).
L'intérêt manifesté par les jeunes qui ont eu des contacts avec le monde économique est le plus
souvent reconnu par tous.
Pourquoi découvrir le monde de l'entreprise au collège ?
La table ronde a tenté de dresser la liste des raisons pour lesquelles il est bon de ne pas retarder la
connaissance du monde professionnel par les collégiens. Les mots clés les plus entendus au cours de
cet échange ont été « image, ouverture, motivation, métier, représentation, parcours, projet personnel,
culture économique ».
Quelques raisons repérées de façon consensuelle.
1. Découvrir la diversité des entreprises, grandes, moyennes et petites, ces dernières étant les plus
nombreuses.
2. Percevoir des réalités d’entreprises,
3. Participer, grâce à l'apport d'informations sur les secteurs et les métiers, à une orientation choisie
4. Favoriser, grâce à un choix positif éclairé, l'épanouissement ultérieur du jeune,
5. Faire prendre conscience :
- qu'il existe, en entreprise, des codes de comportement qu'il convient de comprendre et de respecter.
- que dans une organisation humaine on doit prendre conscience de l’importance du travail en équipe
et que la solidarité n'est pas un vain mot ;
- que la « relation client » est au coeur de toute activité d’entreprise (relation interne ou externe) ;
Quelques constatations
1. Il existe un déficit d'image de l'entreprise, tant dans la société que chez les jeunes. Le monde des
entreprises est souvent perçu comme un univers « impitoyable » à partir d’événements particuliers
relayés par des conversations familiales par les médias.
2. Les jeunes savent en général quelle est l'activité professionnelle de leurs parents mais en ont une
vision abstraite car les métiers d'aujourd'hui sont plus difficilement repérables que ceux d’hier.
3. Les efforts conjoints déployés par les entreprises et le monde éducatif contribuent aujourd’hui à
gommer ces préventions réciproques ; les professionnels constatent, depuis quelques années, une
évolution très positive des rapprochements entre ces deux mondes.
Quelques propositions de solutions
Un accroissement de l’implication des entreprises dans toutes les formes de rapprochement entre
l'école et l'entreprise :
interventions auprès des élèves,
organisation de visites d'entreprises ou de chantiers
coopérations technologiques sur la base de projets communs
d'accueil d'enseignants,
Contribution à une bibliothèque de films professionnels sur les métiers
Ouverture de l’entreprise à des équipes pédagogiques, leurs collégiens ou lycéens afin de
leur permettre de réaliser des reportages sur des métiers méconnus par exemple.
élargissement de leur ouverture aux collégiens pour leur permettre de bénéficier de
davantage de lieux d'accueil pour les élèves de troisième durant les périodes de séquences
d'observation du milieu professionnel.
Une grande partie de la table ronde a d'ailleurs été consacrée à l'appréciation de la plus ou
moins grande efficacité de ces séquences d’observation obligatoires et aux questions liées à
leur organisation.
Les séquences d'observation en milieu professionnel pour les élèves des
classes de troisième (dites stages)
Depuis la rentrée 2005, une séquence d'observation en milieu professionnel est obligatoire pour tous
les élèves des classes de troisième.
L'organisation des séquences doit respecter les conditions générales définies par un décret et une
circulaire de 1983 relatifs aux modalités d'accueil en milieu professionnel d'élèves mineurs de moins
de 16 ans.
Ainsi les élèves ne peuvent accéder aux machines, appareils ou produits dont l’usage est interdit aux
mineurs par le code du travail. Ils ne peuvent ni procéder à des manipulations sur d’autres machines,
produits ou appareils de production.
Des séquences peuvent durer de deux à cinq jours consécutifs ou non. Les élèves peuvent être
accueillis individuellement ou collectivement en milieu professionnel. Le choix des périodes relève de
l'initiative des établissements. Un étalement sur l'année scolaire, en plusieurs créneaux, peut être
envisagé.
L'organisation de séquences durant les vacances scolaires a été débattue. Compte tenu notamment
de l'âge des collégiens et des conditions de responsabilité du chef d'établissement, cet accueil paraît
exclu.
Les élèves et leurs familles peuvent être associés à la recherche et au choix des lieux des
séquences d'observation. Les équipes pédagogiques peuvent les aider dans leurs démarches.
Les effets positifs des séquences d'observation
Lorsque les séquences sont préparées, organisées et exploitées par les deux partenaires, collège et
entreprise, il y a accord sur le caractère positif des retombées.
1. Ces "stages" font évoluer positivement à la fois les représentations des jeunes sur l'entreprise et
les représentations des personnels de l'entreprise sur les jeunes d'aujourd'hui.
2. Ils font découvrir aux élèves les réalités et les contraintes du monde professionnel.
3. Ils font autant évoluer les représentations des élèves en situation de réussite que celles des
élèves en difficulté.
4. Les collégiens constatent que l'entreprise est un lieu où se côtoient des personnes de tous âges, où
les individus ne sont pas infantilisés, où l'on travaille en équipe avec une recherche de résultats
collectifs, contrairement au milieu scolaire, plus centré sur la performance scolaire individuelle.
5. Les résultats scolaires de certains élèves s'améliorent à leur retour de la période d'observation,
plus encore pour ceux qui ont aperçu un but atteignable.
6. Les rêves d'enfant pour tel ou tel métier ne résistent pas toujours à l'observation de son exercice en
situation réelle, par exemple celui de vétérinaire.
7. Les élèves s'impliquent souvent fortement pour la rédaction et la présentation de leur
rapport de "stage", ce qui devrait contribuer à l'atteinte de certaines des compétences du socle
commun de compétences du collège.
Des points de divergence et des regrets
1. Du côté des employeurs, la durée du "stage" est souvent perçue comme insuffisante. À ce reproche
les pédagogues répondent que la durée est suffisante pour une simple période d'observation ?
2. Des employeurs constatent une gêne ou une perte de productivité durant la présence d'un ou
plusieurs élèves.
3. Beaucoup d'entreprises regrettent que les séquences soient organisées essentiellement en
décembre ou en janvier, période pas toujours facile en raison de leur secteur d'activité. De cette
concentration dans le temps peut résulter une pénurie de terrains de stages possibles.
4. Du côté de certains parents, on regrette que la durée du "stage" ampute l'horaire d'enseignement
des disciplines. Cette position va de pair avec la crainte de voir l'élève diminuer ses chances de
poursuivre des études générales ambitieuses.
5. Les enseignants n'ont pas vraiment la possibilité d'accompagner la recherche et le suivi du "stage"
en raison du nombre d'élèves concernés simultanément.
La recherche de lieux de stages incombe en général aux jeunes, ce qui accroît les inégalités entre les
élèves issus de milieux favorisés et ceux qui ne peuvent trouver un appui familial Le choix de lieux de
"stage" pouvant accueillir ensemble plusieurs collégiens peut constituer une solution, mais cela
requiert une plus forte disponibilité au niveau de l'entreprise.
6. Le stage se révèle trop court pour les élèves dont les résultats scolaires poussent à un choix
immédiat d'orientation professionnelle.
7. L'interprétation rigoureuse des contraintes juridiques en matière d'utilisation de machines et de
manipulation de produits dangereux conduit à rendre le collégien totalement passif alors qu'au collège
il est de plus en plus habitué à bénéficier d'une pédagogie par l'action et par la prise d'initiatives
(compétence 7 du socle commun).
Des difficultés de mise en œuvre
La période qui précède le "stage" est souvent anxiogène pour le collégien, surtout tant qu'un lieu de
stage n'a pas été trouvé et que les entreprises contactées leur demande parfois de produire une lettre
de motivation voire un CV, que les élèves sont bien en peine de rédiger.
Lorsqu’aucune autre solution n'a pu être trouvée, l'accueil dans l'entreprise familiale est parfois retenu.
Cette solution est rarement heureuse car elle n'ouvre pas l'élève à d'autres milieux.
Lorsque les parents ou un proche travaillent dans une grande entreprise, la tendance est de solliciter
la hiérarchie. L'entreprise accepte souvent pour faire plaisir, mais le terrain n'est pas toujours adéquat.
Certains DRH refusent systématiquement de donner satisfaction en raison de l'inflation des demandes
et des difficultés internes possibles si une partie seulement des candidatures est retenue. Certains
DRH fournissent les coordonnées de clients ou fournisseurs.
Dans les collèges importants, les petits collèges ruraux, et/ou implantés dans une zone défavorisée
où le tissu économique est pauvre en entreprises, le placement de tous les élèves de troisième pose
un énorme problème. Par ailleurs, le cas des élèves n'ayant pas atteint l'âge de 14 ans est plus délicat
car la réglementation leur ferme le monde des entreprises.
Les principaux qui ont à intervenir pour trouver des lieux de "stage" le font un peu à regret car ils
considèrent que la recherche personnelle par l'élève a un intérêt formatif dès lors qu'elle fait l'objet
d'un travail avec les enseignants.
La recherche par l'établissement mérite d'être organisée en s'appuyant sur des réseaux auxquels la
cellule école entreprise des rectorats peut faciliter l’accès (organisations professionnelles locales,
jeune chambre économique, réseau de jeunes, réseau d'enseignants, bourses de stages, club des
partenaires...), réseau des Conseillers de l'Enseignement technologique...
Les contraintes institutionnelles font que les séquences d'observation sont parfois mises en place plus
pour respecter une obligation que par conviction. Les difficultés recensées, les doutes exprimés à
propos de l'efficacité de certaines séquences d'observation ne permettent cependant pas de conclure
qu'il y a lieu de les rejeter car elles ont globalement des effets positifs.
On peut trouver des solutions diverses et complémentaires, adaptées au contexte local, ainsi que de
la souplesse dans la gestion du temps. Une réflexion peut permettre la mise en adéquation de leurs
modalités et de leurs objectifs.
Les séquences d'observation en milieu professionnel ne constituent pas
l'unique moyen de découverte de l'entreprise par les collégiens
Bien que la table ronde ait beaucoup donné lieu à des échanges nourris à propos des "stages" en
entreprise, les autres outils possibles pour la découverte de l'entreprise ont été exposés et discutés.
- étalement des cinq jours en dix demi-journées de découverte sur l'ensemble de l'année ;
- visites d'entreprises ou de chantiers sous forme de visites éducatives organisées, préparées,
exploitées, c'est-à-dire à l'opposé d'un "tourisme industriel" ;
- diversification des secteurs d'activité dans le cadre du PDMF ou bien parcours typés dans le cadre
d'un même secteur (par exemple l'aéronautique) ;
- classes transplantées pendant une semaine sur le site d'une entreprise ;
- création de mini-entreprises au sein du collège ;
- mise à disposition de personnel d'entreprise ;
- partenariat collège-entreprise portant sur un projet (étude d'un thème précis, étude d'un processus,
coopération technologique) ;
- semaine école-entreprise ;
- portes ouvertes dans des lycées des métiers en présence de leurs entreprises partenaires ;
- olympiades des métiers...
- exploitation pédagogique de films, exploitables en classe, réalisés par des professionnels sur des
métiers appartenant à des secteurs d’activités multiples et mettant les conditions d’exercice de ces
métiers
- reportages réalisés par les jeunes en entreprise, donnant lieu à des productions notamment vidéo et
à des restitutions devant leurs pairs
- stages pour les enseignants et les membres de l'équipe de direction,
- rencontres entreprises- professeurs-conseillers d'orientation psychologues-
Quelques prises de position relatives à l'orientation
Les différents intervenants ont exprimé leur point de vue à propos de la pratique de l'orientation. Il
peut être intéressant de citer ce qui en a été dit :
- grâce au PDMF et au rapprochement avec le monde professionnel l'orientation n'est plus seulement
perçue comme une procédure ;
- le monde professionnel déplore que les enseignants et l’administration invitent trop
systématiquement les jeunes à un passage en seconde générale
- les parents attachent, à juste titre, un grand prix à l'orientation, mais ils projettent parfois leurs
propres désirs sans en mesurer toujours les conséquences négatives.
Que retenir de cette rencontre ?
Les considérations exprimées par les participants de la table ronde au cours de cette rencontre ont
été nombreuses et plutôt consensuelles. Elles ont été largement développées dans cet article.
Quelques idées auxquelles on n'aurait peut-être pas pensé à présenter au départ ont émergé :
- l'ouverture des collégiens au monde professionnel n'est pas seulement destinée à les éclairer en vue
de leur choix d'orientation. Elle contribue à leur culture générale et technologique, à leur
développement personnel et à l'acquisition de certaines des compétences du socle commun de
connaissances et de compétences.
- il serait bon que les enseignants de l'ensemble des disciplines, dans le cadre de leur formation
initiale et continue, bénéficient eux-mêmes d'une ouverture sur le monde des entreprises et soient
persuadés que, même dans le cadre de leur discipline, ils ont un rôle à jouer pour favoriser l'ouverture
de leurs élèves aux réalités du monde professionnel.
AFDET - Février 2013

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