Article Julie Perrin

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Article Julie Perrin
L’envol queer de la zouze
Analyse de Julie Perrin
A propos de Domestic flight de Christophe Haleb
Prologue des arts ménagers
Savamment disposés sur une grande table au centre
du plateau, des objets hétéroclites attirent le regard
du public à peine entré dans la salle. Un aspirateur
des années soixante-dix, une bougie sur son
chandelier, trois coquetiers noirs alignés, une
chaise, quelques saladiers, une gamelle en plastique
orange pour animal domestique, une corbeille à
papier, une balle de ping-pong, une carafe en verre,
une brosse à vêtements, des oranges disposées sur
un porte fruits en pyramide. Cette exposition de
courte durée n’a rien à envier à « la rencontre
fortuite sur une table de dissection d'une machine à
coudre et d'un parapluie ». Si ce premier tableau de
Domestic flight annonce l’éclectisme et le
foisonnement d’objets, un esprit décloisonnant et
des processus d’association libre, l’ordonnancement
régulier de ces objets ne semble pas fortuit. Il
constitue un tableau, une construction précise qui ne
s’en remet pas au seul hasard. Cet étalage, par son
surréalisme apparent, peut certes réveiller la
puissance imaginative, mais il n’est pas l’effet d’un
sommeil hypnotique ni d’un automatisme psychique.
Il relève plutôt de logiques qui fondent la création de
Christophe Haleb. Cette exposition apparaîtra en
effet comme un prologue : elle situe quelques-uns
des choix esthétiques et symboliques qui soustendent la pièce ; elle préfigure les actions à venir.
Par exemple :
un intérêt pour
les objets, une
attention pour
leur forme, leur
couleur,
leur
agencement,
autrement dit
un
souci
plastique, un
soin du détail et de l’organisation visuelle que l’on
retrouvera aussi bien dans le dispositif scénique que
dans le jeu des interprètes. La touche de couleur
vive vient faire contraste, les formes se font écho audelà de l’assortiment inattendu. Domestic flight invite
à partager un goût pour l’observation de ce qui nous
entoure – regard avide et inventif sur les êtres et les
choses. Ou encore : des objets le plus souvent
quotidiens et familiers évoquent un foyer et
différentes activités d’une vie domestique, mais leur
disposition renvoie moins à une scène d’intérieur ou
même à une vitrine des arts ménagers qu’à une
installation artistique. Il sera en effet tout autant
question de nos pratiques quotidiennes et de nos
gestes intimes que de leur déplacement possible –
grâce au nouveau regard que l’on pourra porter sur
eux. Comment revisiter nos façons de vivre, faites
de ces relations secrètes aux objets, de ces gestes
répétés qui forgent autant une relation à soi que
notre rapport à l’autre ? Le détournement produit la
distance propice à introduire du doute, du rêve, de
l’humour dans nos actes les plus communs, les plus
triviaux. Lorsque la scène intime est exposée en
public, elle dévoile des pratiques de soi d’une
diversité inouïe, qui déjouent toute tentative de
standardisation. Les objets, le mobilier, nos
architectures constituent notre cadre et notre
paysage, mais nul n’est condamné à s’y plier. Mais
aussi : ce design hétéroclite affirme une curiosité
égale envers le produit d’une industrie de masse ou
l’œuvre d’un designer raffiné, envers l’objet récupéré
ou neuf, modifié ou désuet, noble ou en toc, ancien,
récent ou sans âge. Les objets, porteurs d’histoires,
renvoient à des usages et des domaines culturels et
sociaux. Leur assemblage tous azimut met à mal les
frontières entre des univers habituellement séparés.
Il suppose la formation de modalités d’existence loin
des catégories traditionnelles.
Des morceaux de masculinités domestiques
Ce prologue en forme d’exposition d’objets
livre, en un bref instant, une multiplicité de pistes qui
ne forment néanmoins qu’un maigre aperçu des
matières proposées par la pièce. Domestic flight
semble vouloir sans cesse se laisser déborder. Il
apparaît donc assez vite que ce tableau ordonné
d’objets doit être défait. Pour libérer le plateau, pour
que la pièce commence, ce cadre doit être
déconstruit. Mathieu Despoisse et Boris Gibé entrent
en scène, glissant sur des patins de feutre. Ils
viennent faire et défaire, faire en défaisant, déplacer,
ordonner, désordonner, permuter, remplacer –
autant d’actions qui ne cessent d’inventer, au fil de la
pièce, de nouvelles situations, de nouveaux
contours. Il devient dès lors ardu de tenter de
circonscrire cette œuvre tant elle résiste à la
stabilisation. Il faut d’emblée annoncer sa nature
foisonnante, sa structure évolutive. Si la vie
domestique est au cœur du sujet, la question de la
masculinité vient s’y imbriquer étroitement. L’envol
intérieur promis par le titre de la création viendra des
cinq interprètes masculins et de leur façon de
décliner des manières d’être ensemble et de se vivre
au quotidien. Interroger la demeure et les gestes de
tous les jours conduit à envisager une intimité à soi
et à l’autre et des manières de faire – les normes en
la matière, la créativité qui peut s’y exercer. On
comprend alors comment un ensemble plus vaste de
préoccupations peut venir se greffer aux deux
thèmes principaux. La représentation de la
masculinité dans la vie domestique constitue un
questionnement vaste qui donne prise à des
explorations de l’identité et de la différenciation, du
genre et du sexe, de la sensualité et du désir, de la
relation à l’espace public et privé, du jeu et des
apparences, du théâtre et de la vie…
Christophe Haleb rappelle que dans les
années cinquante, le magazine Playboy invitait
l’homme à rentrer à la maison, tandis que dans un
mouvement inverse, la femme investissait l’espace
public (en particulier à travers les médias
publicitaires et le cinéma). « Dans les années
soixante puis soixante-dix, le mouvement des
militances gays et lesbiennes mettait en crise
l’espace de la représentation, en proposant un autre
modèle de vie. La femme investit les sphères
(politiques,
professionnelles)
habituellement
attribuées à l’homme et la minorité homosexuelle
s’organisant politiquement affirme sa visibilité. Le
Sida des années quatre-vingt conduit à une
stigmatisation violente de cette minorité que je reçois
de plein fouet. La dernière décennie ramène une
forme de respectabilité et d’acceptation sociale et
politique. »
Partant d’une recherche sur l’espace et les
gestes domestiques – briquer, ranger, plier, brosser
– le chorégraphe ouvre une réflexion sur les
représentations du genre dans la société
occidentale. Alors que la « ménagère » ne connaît
pas de masculin, il dessine non sans humour, non
sans tendresse, les portraits de « ménagères au
masculin » qui viennent résonner avec d’autres
figures de la masculinité dans la société
contemporaine : le juge, le gymnaste, l’homme
d’affaire, le chirurgien, l’employé de laverie, le
stripteaseur, le coiffeur, le dandy, le présentateur,
l’homosexuel, le travesti… Ces figures se mêlent et
se distordent au contact les unes des autres, loin de
toute caricature, en une sorte de montage baroque
où l’excès des images, décapant et joyeux, est
soutenu par une énergie débordante. Gérard Mayen
en témoigne : « On peut sortir éreinté des pièces de
Christophe
Haleb.
Elles
sont
politiques,
irrévérencieuses. Menées à train d’enfer, avec
montée d’énergie palpitante. D’énergie orgasmique.
On veut dire : déterminée, tendue, et pourtant
divaguant au bord de soi. Concentrée à l’extrême et
disponible àl’égarement1 »
Métamorphoser
« C’est une pièce en morceaux, écrit le
chorégraphe, qui cherche à rendre poreuse les
frontières entre l’espace public et l’homme privé et
inversement2. » Et c’est justement cette notion de
porosité et de circulation qui vient donner cohérence
à tous ces morceaux, alors même que les pièces du
puzzle ne peuvent être raccordées : leur bordure ne
se rattache à aucune autre ; cela déborde plutôt,
s’enchevêtre ou s’arrache à l’ensemble. Le projet
Domestic flight ne cesse de déranger les frontières
quelles qu’elles soient : c’est sa philosophie et sa
quête, c’est là tout son enjeu. Frontières entre les
disciplines, entre les genres (genders), entre les
pratiques artistiques, entre les lieux… Si tel est
souvent le projet des œuvres artistiques, il ne s’agit
pas ici de déconstruire seulement pour dénoncer
des logiques communes, ni même de fabriquer des
combinaisons improbables, sortes de collages dada
non viables hors de la scène de l’art. Domestic flight
propose plutôt d’observer diverses façons de se
construire et donne à voir des zones troubles mais
effectives où l’être se définit à la limite des pratiques
normées, pour parfois outrepasser avec excès les
catégories instituées. C’est précisément ce lieu du
passage qui intéresse le chorégraphe : ce moment
où s’opèrent une métamorphose et une sortie des
cadres ordinaires, où l’identité vacille, où l’ensemble
des éléments d’une situation en paraissent affectés.
Le déroulement temporel et spatial de la pièce
semble d’ailleurs figurer cette labilité des
séparations, leur caractère éphémère et instable.
C’est sensible dans la coexistence temporelle de
scènes distinctes (une arrière-scène donne souvent
à voir une activité sans lien directe avec la scène
centrale, plusieurs actions peuvent se superposer
pour peu à peu se confondre), dans la profusion
d’accessoires hétéroclites ou dans la reconfiguration
permanente du plateau par le déplacement des
grandes tables structurant le décor : cinq tables
identiques changent régulièrement de fonction –
table à cuisiner, à masser, à repasser, table de pingpong, paroi d’un habitat moderne, mur de placard,
radeau, podium pour un défilé, terrain d’exercice
pour le corps, champ pour un duel, tableau pour une
conférencière… Le rapport au mobilier, à l’habitat
peut laisser place à une simple structure
géométrique qui délimite un nouvel espace de jeu.
Les « morceaux » de Domestic flight se succèdent
ainsi par rupture et changement de décor à vue (la
mise en place constituant souvent une séquence à
part entière d’activités domestiques : rangement,
nettoyage…), mais aussi par tuilage ou déformation
progressive de l’action et du plateau.
La métamorphose des lieux est à la mesure
de celle des interprètes qui, davantage encore,
circulent d’un personnage à l’autre et se réinventent
constamment au contact des nouvelles situations.
C’est un mode de travail : Christophe Haleb
s’intéresse à la façon dont l’environnement affecte
les actes, dont les lieux imposent des attitudes. En
retour, les êtres tentent de réinventer les
mouvements
qu’un
design
d’intérieur,
une
architecture ou un ordre urbain présupposent.
1
Gérard Mayen, « Danses dans le concave », PREF
Mag, #19, mars/avril 2007.
2
Dossier Domestic flight.
« Coming out of the closet », entonne Miss Gordon
alias Arnaud Saury – le placard, garant d’un certain
ordre domestique, protège aussi l’ordre moral.
Christophe Haleb explore les lieux dans leur
structure, leur histoire et leur symbolique.
« Comment, demande le chorégraphe, les gens
sont-ils construits, conditionnés par l’espace public ?
Comment sortir d’une standardisation des corps, de
mouvements prédéterminés 3 ? ». La danse propose
différentes réponses et les projets in situ menés
successivement par la compagnie La Zouze
(récemment, Résidence secondaire en 2005 ou Décamper en 2006 4) ont permis de mettre en œuvre
des mises en forme de l’espace dans des lieux
spécifiques (respectivement la tente puis la vitrine)
qui organisent singulièrement la relation à l’autre. Le
travail au théâtre garde l’empreinte de ces projets in
situ : l’espace cherche d’une part à y apparaître tout
aussi changeant et inattendu. Proche d’un être
vivant, le plateau anthropomorphe peut comporter
des zones comparées par le chorégraphe à « un
cœur attirant et repoussant qui pulse à des endroits
précis5 ». D’autre part, la pièce parvient à préserver
la nature éminemment politique et sociale du propos.
Que la compagnie La Zouze agissent dans les
quartiers défavorisés, dans les vitrines du Printemps
Haussmann ou dans un théâtre, le lieu est toujours
questionné dans ses symboles et ses usages : le
mode d’adresse au public en révèle le
fonctionnement tout en le détournant. Il s’agit
toujours d’utopies collectives : promesse d’une
communauté à venir, questionnements politiques
concernant les pouvoirs de l’architecture sur les
corps, rêverie autour de la possibilité de se révéler
autrement aux yeux de tous…
Les accessoires ont toujours la part belle
dans ce jeu avec soi et autrui : c’est à partir d’eux
que l’on peut aussi trouver d’autres postures et
construire d’autres paysages. Disposés ou
manipulés, les objets qui nous entourent n’ont alors
plus de finalité unique, leur fonction demeure
ouverte : un aspirateur en guise de sèche-cheveux
inversé pour une coiffure inédite et des moustaches
disciplinées ; son embout sert par ailleurs de brosse
à vêtements ; des corbeilles à papier qui roulent au
sol pour un numéro de jonglage contemporain ; des
foulards en guise d’armes pour un duel en forme de
défi amoureux… Les accessoires se succèdent,
parsèment le plancher, finissent par s’entasser dans
un coin en un amoncellement informe à l’équilibre
précaire. L’objet détourné reflète une poésie du
quotidien et cette invention possible de soi –
retourner les objets comme on contourne les
usages.
Le vêtement et l’accessoire qui l’accompagne
– sac, collier, couvre-chef, chaussures… –
constituent le lieu de toutes les attentions : à chaque
ménagère son foyer, à chaque demeure le style de
sa
ménagère.
Les
figures
qui
habitent
successivement Domestic flight se construisent sur
un ensemble de gestes, de postures et de signes. Le
costume vient signifier des typologies de caractères.
« Quels sont les signes auxquels les gens peuvent
se raccrocher pour connaître l’autre : est-ce que tu
portes un polo Lacoste ? Est-ce que tu mets ton tshirt dans ton jean ? Es-tu coiffé de dread lockes ou
à la gomina ? » (Christophe Le Blay). Mais il s’agit
moins de reconstituer des figures reconnaissables
que de construire des identités inédites. Là encore,
la pièce opère par débordement : les signes se
télescopent, les cadres se déforment, autrement dit,
les normes cèdent au fil des métamorphoses des
interprètes. Domestic flight repose sur une
philosophie de l’être comme devenir, de l’identité
comme activité continue, répétée, changeante. Une
mise en doute des catégories toutes faites oppose
aux normes qui régulent nos vies d’autres façons de
s’inventer. Le souci du domestique résiste à toute
tentative de domestication.
Faire trembler les images
3
Dossier pour Evelyne house of shame, création 200708.
4
Pour une analyse de ces pièces, voir les mémoires de
Mariana Rocha (masters 1 et 2, département danse de
l’université Paris 8 Saint-Denis, 2006-2007). Voir
également « Bureaux des latitudes », in Kinem, n° 2,
Pantin septembre 2000-janvier 2001.
5
Les témoignages de Christophe Haleb et des
interprètes ont été recueillis en novembre 2006 lors de
la création de Domestic flight au Festival Instances de
Chalon-sur-Saône.
« Mon but (…) était d’ouvrir le champ des
possibles en matière de genre sans dicter ce qu’il
fallait réaliser. Mais à quoi bon, pourrait-on se
demander, “ouvrir le champ des possibles” ? Le
sens de cette question paraît évident aux personnes
qui ont fait l’expérience de vivre comme des êtres
socialement “impossibles”, illisibles, irréalisables,
irréels et illégitimes, qu’elles ne se la posent même
pas6. » Judith Butler.
6
Judith Butler, Trouble dans le genre. Pour un
féminisme de la subversion, éditions La Découverte,
Paris, 2005, trad. Cynthia Kraus (Gender Trouble,
Alors que les deux « hommes d’intérieur »
débarrassent la scène glissant sur leurs patins,
Emelyne alias l’interprète Christophe Le Blay entre
en scène. Vêtue-e de noir des pieds à la perruque,
Emelyne s’affaire, tendu-e. Elle/Il contrôle, vérifie,
supervise l’installation du plateau, agressif-ve mais
gêné-e, lorsque déboule Gayle Rubin alias
l’interprète Arnaud Saury dont Emelyne est
l’assistant-e. Gayle Rubin arrive de Los Angeles,
décoiffé-e, son avion a pris du retard, ne prend pas
le temps d’enlever son imperméable en plastique
blanc à pois noirs, embrasse son assistant-e, étale
ses fiches sur la table et commence : « La
Hiérarchie sexuelle, un combat pour la redéfinition
des frontières. Ou la sexualité expliquée à ma fille ».
La pièce s’ouvre donc par l’exposé d’un tableau
élaboré dans les années quatre-vingt par la
théoricienne activiste Gayle Rubin. D’un côté le
« sexe bon » (naturel, sain, procréateur, pratiqué par
un couple marié, à la maison), de l’autre le « sexe
mauvais » (malsain, contre-nature, celui des
travailleurs du sexe, des travestis et des
transsexuels, des transgenres, des fétichistes, des
SM ou des gérontophiles) : une description
exemples cinématographiques à l’appui. D’un côté à
l’autre, on déplace un curseur de valeur qui va du
mieux au pire. Entre les deux, une zone de
contestation réservée aux couples hétérosexuels
non mariés, à la masturbation, aux couples
homosexuels à partenaires uniques – stables –
durables – pacsés et, en bas de la colonne, aux
gouines et pédés qui draguent et pratiquent dans les
bars – parcs – piscines – sauna ou au rayon
musique du monde de la Fnac. Gayle Rubin alias
Arnaud Saury, pédagogue hystérique, autoritaire et
folle, s’agite devant son grand tableau, avec ses
feutres de toutes les couleurs, s’époumone, se perd,
retrouve sa concentration, s’épuise. Hilarant-e, elle/il
fait exploser lesdites frontières entre les pratiques,
entre le sexe et le genre, pour affirmer d’abord le
corps, comme construction culturelle et politique
continue.
Cette introduction est un morceau de
bravoure jubilatoire où se révèlent tant la qualité
performative des interprètes de Domestic flight que
l’invention d’un ton : Christophe Haleb et ses
performers parviennent à mêler discours théorique
et politique à l’humour, au jeu, sans jamais céder
l’avantage à l’un de ces axes. Tout geste, toute
action préservent alors cette distance nécessaire au
jeu et à la pensée. « On rit, sans jamais rire du
sujet. » (Mathieu Despoisse).
La conférence annonce une panoplie d’êtres
indéfinissables et néanmoins probables, construits à
partir de cette dissolution des frontières. L’identité
queer ici défendue trouve à surgir à l’intérieur de
l’univers de porosité et circulation construit tout au
long de la pièce, car la théorie queer est à l’œuvre
dans toutes les strates de Domestic flight. Cette
Feminism and the Politics of Subversion, Routledge,
1990), p. 26.
identité par définition éphémère, labile force à
repenser la stabilité, celle du masculin et du féminin.
Domestic flight parvient alors à étendre la légitimité à
des corps jusque-là considérés comme irréels et
inintelligibles. Le travestissement et la transformation
sont les moyens de la mise en évidence du statut
incertain de l’original : les « trans/formers » – nom
que Christophe Haleb donne parfois à ses
interprètes performers – font vaciller la notion
d’identité en la rattachant à celle d’imitation et non
plus d’original. C’est là que les thèmes de la pièce
rejoignent
des
problématiques
proprement
théâtrales :
les
métamorphoses
incessantes
concernent le genre, mais aussi le jeu théâtral, le
travail de la multiplicité, du baroque, du théâtre dans
le théâtre. Le travesti nous fait comprendre le jeu
que nous jouons sans cesse. « L’homme qui surjoue
(quelque peu) sa masculinité, ou bien la femme qui
en rajoute (à peine) dans la féminité ne révèlent-ils
pas, tout autant que la folle la plus extravagante, ou
la butch la plus raffinée, le jeu du genre, et le jeu
dans le genre7 ? » Et si le drag queen ou le drag
king risquent souvent, par trop de caricature, de
conforter les normes dominantes du genre plutôt que
de les subvertir, Christophe Haleb parvient, d’une
façon remarquable, à éviter les inversions
carnavalesques qui n’ont jamais bouleversé l’ordre
du monde. Il travaille au contraire à des mutations
fines et troubles.
Christophe Haleb : « Je cherche à réduire la
distance entre l’interprète et le personnage,
notamment le personnage associé à son enveloppe
vestimentaire, à son travestissement. Il faut que la
personne devienne la chaussure, l’imperméable, la
paire de lunettes… il ne faut plus jouer un rôle mais
devenir cette personne. Il faut réduire, troubler la
distance entre le jeu et son acteur. C’est là que
l’expérience de la vie et du plateau se rencontrent et
où le travail d’interprétation est à faire. Il s’agit
d’incarner, d’incorporer. Et de ramener de l’ironie, de
l’autodérision, de l’exubérance, des irruptions
d’hystérie – tout un registre de comportements.
Assez vite, j’ai demandé de revisiter la folie et le
travestissement associé à la folle délirante. Il y a une
culture militante et critique de ce personnage incarné
par les grands travestis qui foutent la zizanie dans
l’ordre établi, par leur comportement exubérant qui
explose comme une bombe dans des espaces où
l’on ne s’y attend pas. Cette façon d’être m’a
toujours fasciné, même si je me méfie de la
fascination. J’ai demandé aux interprètes d’aller vers
cela, quitte ensuite à graduer et déconstruire. Mark
Tompkins a par exemple une plasticité qui permet la
déformation, grâce au relâchement, à l’usure du
corps. C’est la grande reine du showbiz
contemporain, proche du monstrueux, du sublime,
du fabuleux, de l’onirique. C’est du morphing. La
polarité de Domestic flight se situe entre l’homme du
commun – qu’est-ce qu’être un homme ordinaire ? –
et la grande folle. Comment décoller et atterrir ?
7
Ibid., Introduction par Eric Fassin “Trouble-genre”, p.
17.
C’est comme dans une relation à l’autre : c’est plus
facile d’être dans l’euphorie perpétuelle et dans la
liquidité que d’atterrir, d’aggraver la situation,
d’assombrir aussi, de revenir dans des limites plus
intimes et de creuser à l’intérieur de ça. »
Domestic flight échappe ainsi au sérieux. La
conférence
introductive
une
fois
posée,
l’interprétation n’a plus à démontrer ni à se faire
explicative. Les métamorphoses se succèdent
affirmant une capacité à produire du corps. La Zouze
a travaillé à partir de documents nombreux qui
accompagnent le processus de création – image
publicitaires, essais, films, magazines féminins,
livres d’art, photographies… Leur combinatoire
inédite permet de quitter la folle marginalisée et
finalement domestiquée puisque nommée, pour
atteindre des figures bien plus ambiguës. La pièce
évite ainsi de réitérer des catégories toutes faites
parce qu’elles construisent leur simple inversion, en
réaffirmant des dichotomies propres à consolider un
système d’exclusion. Au contraire, Domestic flight
fait trembler les images.
Mathieu Despoisse : « Je m’amuse à travailler sur
ces images. Je les ai regardées, vues, mais quand
je travaille, je les oublie. On enchaîne dix postures
de la masculinité, on fait des montages rapides sans
réfléchir où surgissent de postures imprévues, non
préparées, peut-être très féminines. C’est un moyen
d’entrer dans une matière dansée.
Arnaud Saury : « Il y a des endroits de
travestissements non aboutis, de travestis pas
finis, post- ou pré-opératoires, je ne sais pas !
Mais quelque chose ne tourne pas rond. J’ai
l’impression de déconstruire la représentation de
la masculinité et de la féminité. Il n’y a plus
d’archétypes : je déconstruis des deux côtés. Et
ce n’est pas non plus le troisième sexe : je ne sais
pas comment le nommer : c’est tellement
improbable… comme la structure de la pièce. Par
exemple, la façon dont ce placard s’érige et
évolue, comment l’on y tient à quatre, comment la
construction se transforme avec les accessoires,
les objets… On construit un espace qui se
déconstruit très vite, c’est un cadre lui aussi
improbable. »
Christophe Le Blay : « C’est une pièce tout en cuts :
j’ai douze changements de costume et c’est difficile
de passer d’une chose à l’autre. Mais petit à petit, ça
revient à un seul rôle qui endosse plusieurs
apparences : je passe de Emelyne, personnage
gothique, grinçant, odieux, prétentieux mais soumis,
au juge, en passant par la poule, l’esclavagisé, une
blonde porno hystérique qui cherche et qui n’y arrive
pas… Christophe Haleb m’a aidé à trouver ces
personnages en pointant mes focus de corps pour
certains solos : il m’orientait vers certains
déséquilibres, vers une ivresse, vers des attentions
pour des zones du corps. La finalisation dernière de
la pièce avec ce juge qui retrouve les chaussettes de
la séquence de la laverie et la coiffe d’Emelyne est
un cadeau pour moi, car ça donne cohérence à
l’ensemble. Je peux relier les différentes facettes
que j’ai peu à peu déterminées au fil du processus.
On a fait apparaître une organisation entre des
mecs, une énergie collective, où tout s’organise puis
se défait, conduisant à un nouvel acte domestique.
C’est étrange et c’est beau, c’est rassurant aussi. Tu
as envie d’aimer avant de spéculer. »
Le trouble vient parfois de l’irruption du désir
entre deux personnages, de leur rencontre
incongrue : Miss Gordon en maîtresse de maison
des quatre filles du docteur March, face au
compositeur et musicien de la pièce, Alexandre
Maillard en perruque blonde, robe de chambre grise
et baskets, guitare en main. Boris Gibé, acrobate sur
mât, détourne le jeu circassien en numéro sensuel et
violent de boîte de nuit, pour rejoindre et perturber
Arnaud Saury qui chante alors la sensualité
nonchalante des corps d’hommes dans le monde
arabe. Mathieu Despoisse, en élève consciencieux
illustrant la méthode Hébert par sa gymnastique
tranquille et maîtrisée, provoque le malaise de son
professeur soudain troublé par la beauté de
l’exécution. Un duel se transforme en poursuite
amoureuse, en harcèlement, « rien qu’une bise,
Jeannot, rien qu’une… ». La pièce traque les
fissures de ces figures victorieuses (le juge, le
gymnaste…) qui dénoncent sans cesse leurs
faiblesses ou laissent échapper ce qu’elles ne
contrôlent plus.
L’enjeu n’est pas de faire une démonstration
martelante de la théorie queer. L’arrière-plan militant
irrigue l’ensemble du projet et préfère au repoussoir
d’un discours violent ou aride une forme légère,
joyeuse. Domestic flight affirme une grande force de
vie, au-delà de la gravité des questions soulevées.
Arnaud Saury : « Je ne me situe pas ici dans un
travail militant, car cela déborde trop, ça ne tient
plus. La démesure de la conférence éloigne du
militantisme, même si quelque chose existe bien
dans cette démesure, quelque chose qui se situerait
précisément à l’endroit queer et qui ne s’acharne
pas à t’imposer quoique ce soit. Cette pièce naît de
la rencontre de nos parcours singuliers, que je ne
peux dissocier de la théorie queer ; on a inventé
d’autres rapports, décloisonné les genres et les
corps. C’est une méthode de travail. Nous ne
sommes pas dans une démonstration, mais il y a
quelque chose qui se vérifie sur le plateau. »
Le processus en travail
C’est pourtant dans le combat qu’une partie
de l’équipe s’est rencontrée, lors de la lutte des
intermittents en 2003. Arnaud Saury se souvient qu’il
faisait des photocopies pendant que Christophe
Haleb écrivait sur les murs ; la rencontre avec
Christophe Le Blay se fait dans ces temps de
paroles, de réflexions sur la culture, sur l’art, sur là
où chacun en est. Inventer une nouvelle façon de
travailler ensemble dans la compagnie La Zouze,
c’était « transformer la colère en folie, en fantaisie,
en pouvoir de création. Se solidariser, travailler en
réseau » (Christophe Le Blay).
Christophe Haleb invente alors
un
processus de travail qui tient de ce contexte
particulier et qui s’accorde au sujet qu’il défend. Il
suscite une vie de troupe où les frontières entre art
et vie, travail et repos tombent. L’observation au
quotidien des gestes du monde fonde le travail… un
travail qui devient donc une attitude à toute heure du
jour et de la nuit. Chacun des gestes observés ou
effectués peut devenir matière à une recherche
scénique. En reliant ainsi les observations du
quotidien aux expériences communes antérieures,
Christophe Haleb nourrit et déplace le rapport aux
documents premiers soumis aux interprètes et qui
constituent le socle de sa recherche. Il permet de
dépasser le cliché. Les parcours, les âges différents,
les compétences de chacun – il y a deux
circassiens, Boris Gibé et Mathieu Despoisse, un
comédien, Arnaud Saury, un danseur, Christophe Le
Blay, un musicien compositeur, Alexandre Maillard –
permettent aussi de diversifier les propositions et les
matériaux.
Christophe Haleb : « Le travestissement réduit la
distance entre l’expérience de la vie et le jeu.
J’explore des états d’être du monde réel et des
façons de rester en lien avec les autres, de
construire une communauté en trouvant une sorte
de légèreté et de connivence. C’est un des points de
départ de la pièce. Je regarde comment vivent les
hommes, dans l’espace public qu’on leur attribue et
dans ses zones de retraits, de réflexion et de
création. On a beaucoup parlé de ça au début de la
création ; on a refait le monde ; on s’est raconté :
comment on se sentait dans sa vie, dans sa relation
sentimentale, amoureuse, professionnelle, son
engagement politique, ses frustrations, ses envies,
ses impossibilités, ses handicaps, ses peurs, ses
hontes, ses gênes, ses espoirs, ses désespoirs…
On a inventé une communauté d’hommes, car on a
su partager, au-delà du travail, des moments plus
compliqués des uns et des autres. Ce qui est rare,
c’est qu’avec cette équipe-là, depuis deux ans, on
arrive à entretenir des relations professionnelles et
amicales, via internet, via des documents que l’on
s’envoie, via des rendez-vous réguliers, des
discussions hors des ateliers, sans tomber dans la
psychologie de groupe mais en instaurant une sorte
d’entretien continu ou discontinu, une écoute. Cela
contrebalance les moments d’incertitudes que l’on
croise nécessairement dans les processus de
création long (depuis octobre 2005 à novembre
2006). C’est une situation très privilégiée, qui induit
beaucoup de plaisir à travailler. C’est finalement une
des trames de cette pièce. »
Aussi, les matériaux produits naissent-il de ce
dialogue. Ils évoluent au fil de cette recherche
continue, sans cesse re-questionnés. De longs
ateliers sur une même consigne forgent un mode de
présence en scène, une relation à l’objet ou aux
autres interprètes. Le chorégraphe insiste sur le
concave dans le corps, ces zones articulaires, zones
d’imbrication et de contact. Penser le concave, plutôt
que le convexe qui lui fait nécessairement pendant,
c’est orienter d’abord vers l’intérieur et l’intime, vers
des zones secrètes et cachées à partir desquelles
on entre en mouvement. De cette attention naissent
les prémisses de danses à venir. Christophe Haleb
est attentif à la marche, à la posture, au regard, à la
façon dont on le porte, dans un continuum, un
balayage ou de manière focale et ciblée. Il a travaillé
successivement avec chacun des interprètes avant
de les réunir : sur des mises en mouvement, des
travestissements et beaucoup de textes : Gayle
Rubin, Beatriz Preciado, Théorie queer et
psychanalyse de Javier Sáez, le texte du salon des
arts ménagers et sa revue Femme d’aujourd’hui,
dont le témoignage d’une ménagère modèle de
1935… Il recherche une articulation particulière
entre le texte et le mouvement où le texte prend
sens et résonance avec une posture, où cette
dernière donne sens au texte, où une distance peut
s’opérer entre ce qui est dit et ce qui est fait, le texte
devenant aussi une matière sonore et rythmique.
Ces expérimentations antérieures peuvent être
mises de côté un temps, pour finalement être
convoquées par le chorégraphe ou ressurgir de
manière inattendue pour l’interprète, dans la
transition entre deux séquences. « J’ai fait
l’inventaire de nos différentes recherches avant
d’arriver à Chalons. Tout est présent, c’est
incroyable. On n’avait plus parlé d’un travail avec
Mathieu, or je le retrouve, un bref instant de
quelques secondes, lorsqu’il vient vers moi : tout est
dit là-dedans. » (Christophe Le Blay). La « MEC »,
autrement dit la mise en corps, est elle aussi déjà
pensée sur le mode de la rencontre et de l’invention.
Arnaud Saury : « Boris et Matthieu ont des exercices
liés à leur pratique. Boris précise son échauffement
par rapport au mât ou aux tables, Mathieu est plus
fainéant. Mais Christophe Le Blay mène assez
souvent l’échauffement d’une manière collective. Il
parvient à nous conduire en dehors de notre
discipline. Moi, depuis Caen, j’alterne avec chacun
d’eux. J’accompagne par exemple Christophe Le
Blay qui se chauffe beaucoup la clavicule depuis son
accident, alors que je n’en ai absolument pas
besoin. C’est l’échauffement que je préfère !
Alexandre
intègre
plus
rarement
les
exercices. Quand c’est moi qui guide la MEC, c’est
une master class un peu idiote. La plupart des
situations sont nées de ce que Christophe Haleb a
vu en débarquant pendant l’échauffement. On part
alors de là : d’un massage de pieds, d’un partie de
ping-pong, d’un article que l’un de nous est en train
de lire… Il brode à partir de cela. »
Christophe Le Blay: « Pour moi qui viens d’un
parcours académique, c’est très émouvant que la
mise en danse vienne d’ailleurs. Il y a une relation à
l’émergence du geste qui est assez surprenante. La
séquence dite de la poule est née d’un an d’ateliers
sur la marche homolatérale et controlatérale avec
des patients de l’hôpital psychiatrique du 3 bis F à
Aix-en-Provence 8. La salade de fruits découle de
mon souhait de cuisiner sur scène – j’avais envie de
faire un basilic ou des crêpes – mais aussi d’un
atelier sur l’épluchage proposé au moment de
Résidence secondaire. On travaille énormément,
douze heures par jour, on ne s’arrête jamais. Cela
exige de lâcher prise par rapport à notre vie
personnelle. Il y a chez Christophe Haleb une
membrane très poreuse entre l’intérieur et
l’extérieur, un déversement sur l’extérieur. Le travail
est empreint de nos habitudes, d’une vie commune
qui se crée à travers le temps. Parfois, ça me rend
dingue : quand tu es épuisé en fin de journée, en
train de ranger, énervé, tu veux finir la journée et
soudain Christophe te dit : « Et bien voilà, c’est ça
que je veux voir comme état de corps » ! Avoir fait
des années de conservatoire pour entendre ça !!
Christophe est sensible à des postures de corps qu’il
a envie de voir sur scène et qui vont toucher le
public. Il veut montrer de quelle histoire nous
sommes porteurs, de quelle actualité nous sommes
les acteurs. »
figées, « postures d’autoritarisme, de paternalisme »
(Christophe Haleb).
Les performances subversives, écrit Judith
Butler, « courent le risque de devenir des clichés
usés à force d’être répétées, et chose plus
importante encore, répétées dans le cadre d’une
économie de marché où la “subversion” a une valeur
marchande. Toute tentative de définir le critère
définitif de ce qui est subversif est, et devrait être,
voué à l’échec9. » Le processus de travail engagé
par Christophe Haleb prévient tout risque de fixation.
Etre spectateur de Domestic flight est une
expérience étonnante dont on ne se lasse pas ; le
public devrait pouvoir revoir la pièce, pour entendre
l’évolution de la composition musicale, pour profiter
de
ces
inventions
instantanées,
de
ses
métamorphoses d’un soir à l’autre. Si l’improvisation
est d’abord un outil de composition, la pièce
préserve cet esprit d’invention de l’instant, ce goût
pour le jeu et la surprise face aux autres .
Christophe Haleb : « Le spectateur doit sentir
que quelque chose se construit devant lui. Ce qui est
en train de se jouer n’est pas du réchauffé. J’aime
lorsque les interprètes se surprennent à faire ce
qu’ils sont en train de faire. C’est cet état de grâce
qui est recherché : cette capacité à se saisir de
l’instant, en résonance avec la mémoire de ce qui
s’est inscrit dans les couches du corps, cette
possibilité d’une fulgurance à l’intérieur d’une
mémoire spatiale et relationnelle. C’est ainsi que
Miss Gordon s’est rendu compte qu’elle était en train
de se faire avoir par les trois cruches derrière elle
dans le placard : Arnaud s’en est saisi et des
synapses de possibilités se sont ouvertes en lui.
Julie Perrin – mai 2007
Julie Perrin est chercheuse au département danse
de l’université Paris 8 Saint-Denis et auteur d’un
doctorat d’esthétique et études chorégraphiques.
Elle est enseignante et conférencière pour des
structures culturelles ou pédagogiques. Elle a publié
Projet de la matière – Odile Duboc : Mémoire(s)
d’une œuvre chorégraphique, Centre national de la
danse / Presses du Réel, 2007, et différents articles
dans les revues Etudes théâtrales, Funambule,
Repères, Théâtre/Public, Vertigo.
La pièce semble ne jamais vouloir se fixer,
faisant de l’improvisation, de la déclinaison ou
variation son mode d’existence. Il n’y a alors rien
d’étonnant à ce que Christophe Haleb modifie la
composition de la pièce à quelques jours de la
première et choisisse de faire glisser la conférence
de Gayle Rubin de la fin vers le début du spectacle.
Tous acceptent ces remaniements fragilisants de
dernière minute, tant ils constituent le mode de
travail de la compagnie. La Zouze préfère
l’incertitude, le déséquilibre plutôt que les postures
Crédit photo : Cyrille Weiner
8
La compagnie La Zouze est en résidence au 3bis F
lieu d’arts contemporains de 2004 à 2006.
9
Ibid., p. 45.

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