Stabilité en extrusion des polymères fondus. Effets de la pression et

Transcription

Stabilité en extrusion des polymères fondus. Effets de la pression et
Rhéologie, Vol. 11 (2007)
15
Stabilité en extrusion des polymères fondus.
Effets de la pression et de la structure des copolymères triblocs
de type ABA
Enric Santanach Carreras
Directeurs de thèse :
Jean-Michel Piau, Laboratoire de Rhéologie, Grenoble
Nadia El Kissi, Laboratoire de Rhéologie, Grenoble
L’extrusion est un procédé de mise en forme très
répandu dans de nombreuses industries telles que la
plasturgie, la métallurgie, l’industrie des céramiques
ou encore l’agroalimentaire. Les différents défauts
susceptibles d’apparaître pendant l’extrusion des
matériaux limitent souvent les débits de production.
Compte tenu de l’importance de ce procédé, on
comprend l’intérêt de toute étude visant à mieux
comprendre les mécanismes et la physique causant
les défauts. On sait actuellement que la même
séquence de défauts d’extrusion est observée pour
un grand nombre de polymères relativement ou
fortement enchevêtrés. Au fur et à mesure que le
débit d’extrusion est augmenté à partir de zéro, les
régimes
successivement
observés
pendant
l’extrusion des polymères enchevêtrés sont les
suivants : (1) Extrudat lisse, transparent et exempt de
défaut. (2) Surface de l’extrudat matte et fissurée à
la sortie de la filière. (3) Ecoulement instable en
entrée de la filière, résultant du caractère
viscoélastique des polymères.
Ma thèse vise à mieux comprendre deux aspects qui
n’ont pas été étudiés auparavant. Premièrement,
nous avons considéré les effets de la pression sur la
stabilité d’écoulement ainsi que sur la viscosité des
polymères fondus [1]. Deuxièmement, les défauts
susceptibles d’avoir lieu ainsi que la transition
stable/instable pendant l’extrusion de copolymères à
blocs ont été examinés [2, 3]. Dans les deux cas, les
effets possibles de la structure des chaînes
polymères sur les phénomènes observés à l’échelle
macroscopique ont été pris en compte.
La mise en forme des polymères nécessite des
niveaux de pression élevés, éventuellement 100 MPa
et plus. A ces niveaux de pression, les propriétés des
matériaux peuvent changer de 500 % et plus. Un bon
accord existe dans la littérature entre la grandeur des
effets de la pression pour certains polymères.
Cependant, l’incidence de la pression sur les
instabilités en écoulement n’avait pas été traitée
auparavant. La relation entre la structure moléculaire
et les effets de la pression n’a pas encore été
élucidée. Afin de déterminer l’influence de la
structure des chaînes polymères, nous avons choisi
quatre polyéthylènes (PE) de structures différentes.
En utilisant des filières axisymétriques de diverses
longueurs et diamètres, on peut alors caractériser les
effets de la pression tant en cisaillement (L/D >> 1)
qu’en élongation (L/D ≈ 0).
Toute perte de charge dans la filière est associée à
une augmentation de la température du polymère à
cause de la dissipation visqueuse. Nous avons
déterminé les conditions expérimentales précises
permettant d’isoler les effets de la pression de ceux
de la température.
Pour la première fois, il a été constaté que les
instabilités d’écoulement susceptibles d’apparaître à
pression atmosphérique ont lieu aussi pour ces
écoulements à pressions élevées. De plus, ces
instabilités apparaissent à des débits d’autant plus
faibles que le niveau de pression augmente, mais le
niveau de contrainte critique au-delà duquel les
instabilités se déclenchent reste indépendant de la
pression moyenne. La prise en compte de ces
instabilités est importante car elle permet
d’expliquer les différences existant dans la
littérature. Les effets de la pression sont souvent
exprimés par un coefficient de pression β. Nos
résultats montrent que l’effet de la pression se
traduit par une augmentation de la perte de charge en
fonction de la pression moyenne pour un débit
donné. Les valeurs de β en cisaillement calculées
sont du même ordre de grandeur pour les quatre PE,
environ 10-20 GPa-1, mais sont d’autant plus
importantes que le nombre de ramifications
augmente.
La séparation de phases ordonnée à l’échelle de
quelques
nanomètres,
caractéristique
des
copolymères à blocs, leur confère des propriétés
mécaniques très intéressantes. Pour cette raison-là,
la deuxième partie de ma thèse porte sur les défauts
d’extrusion caractéristiques des copolymères à blocs
16
Rhéologie, Vol. 11 (2007)
dans leur état ordonné. Nous avons considéré trois
copolymères commerciaux de la famille des SEBS.
La morphologie de ces copolymères dépend de la
température et des proportions de blocs. Deux des
SEBS contiennent 30 % de polystyrène et présentent
des domaines cylindriques de PS. Ces domaines sont
sphériques pour le troisième SEBS.
rayons X aux petits angles (SAXS) sur la ligne de
lumière ID2 du Synchrotron à Grenoble (ESRF).
Nos résultats ont montré que les domaines de PS
peuvent ou non se déformer pendant l’extrusion.
Dans le cas où ils ne se déforment pas, les
contraintes sont alors relâchées par les fissures
secondaires.
Des essais ont été menés aux petites et aux grandes
déformations. Ceux à petites déformations dans le
domaine linéaire et à différentes températures
permettent de déterminer les transitions de
morphologie. Pour une morphologie donnée, des
essais
de
rhéométrie
capillaire
(grandes
déformations) ont été menés à vitesse de piston
contrôlée et à perte de charge fixée. Les filières
utilisées étaient axisymétriques. Ces essais simulent
le procédé d’extrusion. La visualisation de
l’écoulement en sortie de filière ainsi que les
mesures de perte de charge nous ont permis de
quantifier les contraintes caractéristiques des
différents phénomènes physiques.
Cependant,
une
comparaison
des
temps
caractéristiques des fluides et de l’écoulement
montre que des expériences de diffusion in-situ sont
nécessaires pour bien observer les changements
structuraux. Pour cela, nous avons conçu et développé, en collaboration avec l’équipe de la ligne ID2 de
l’ESRF, un rhéomètre capillaire portable, équipé
d’une filière en béryllium. Ce rhéomètre permet de
faire des mesures de diffusion de rayons X à
l’intérieur de la filière pendant l’écoulement, et ceci
dans une gamme de gradients de cisaillement
caractéristique du procédé d’extrusion (jusqu'à 500
s-1), et à hautes températures (jusqu’à 150°C).
Pendant les essais d’extrusion, plusieurs défauts
particuliers ont été observés en sortie de filière. Une
analyse détaillée a permis, pour la première fois, de
mettre en évidence l’origine du défaut dit de "refente
d’extrudat" : un cas très sévère de fissuration surfacique. Nous avons aussi constaté un nouveau régime
d’extrusion jamais rapporté dans la littérature
auparavant : le pelage continu.
Aux plus faibles débits, un extrudat lisse est observé.
Lorsque le débit est augmenté, deux systèmes de
fissuration coexistent. Dans le premier, les fissures
sont initialement perpendiculaires au sens de
l’extrusion. Celles du deuxième système se
propagent radialement. La mesure des vitesses de
propagation des fissures primaires et secondaires a
montré que chaque vitesse de fissuration dépend
différemment de la vitesse moyenne de l’écoulement
dans la filière. Ces différences résultent en la refente
de l’extrudat ou le pelage continu. Le phénomène de
refente d’extrudat a été déjà rapporté dans la
littérature pour des systèmes très divers. Nous avons
montré qu'une condition nécessaire pour l’observer
est une masse molaire apparente infinie. Ceci a été
fait en extrudant un polybutadiène linéaire et
monodisperse de très haute masse molaire et très
enchevêtré. En effet, les deux systèmes de
fissuration en sortie de filière coexistent aussi pour
ce PB.
La physionomie des défauts observés lors de
l’extrusion de polymères dépend de leur structure.
Nous avons donc étudié les changements structuraux
induits par le procédé d’extrusion par diffusion de
Des essais de SAXS ont été menés tout au long de la
filière. Nos résultats permettent d’affirmer que
l’organisation aux grandes échelles des domaines de
PS a lieu en entrée de filière, là où la matière est
étirée. Un changement de l’orientation des cylindres
en fonction de la distance de l’entrée de la filière est
aussi observé. Ces changements ont une longueur
caractéristique du même ordre de grandeur que celle
des défauts d’extrusion observés en sortie de filière.
En conclusion, l’ensemble des résultats obtenus dans
ce travail a permis premièrement de montrer
l’importance de la prise en compte des instabilités
d’écoulement qui ont lieu aussi pour des
écoulements à pression élevée. Cette prise en
compte a mis en accord des données existant dans la
littérature qui étaient auparavant en apparent
désaccord [1]. Deuxièmement, nous avons montré
l’origine du phénomène dit de refente d’extrudat et
nous avons aussi identifié un nouveau régime
d’extrusion : le pelage continu [2]. Finalement, pour
relier les défauts macroscopiques avec la structure
microscopique des polymères fondus, nous avons
développé un rhéomètre capillaire permettant des
essais de SAXS à l’intérieur de la filière pendant
l’extrusion [3].
[1] Santanach Carreras, E., El Kissi, N., Piau, J.M.,
Toussaint, F., Nigen, S., Rheol. Acta, 45, 209-222
(2006).
[2] Santanach Carreras, E., El Kissi, N., Piau, J.M., J.
Non-Newt. Fluid Mech,. 131, 1-21 (2005).
[3] Santanach Carreras, E., Piau, J.M., El Kissi, N.,
Pignon, F., Panine, P., J. Rheol., 50, 803-829 (2006).

Documents pareils