SAINT-MARTIN Nos plus gros cochons P. 17 TRIBUNAL Gorilles
Transcription
SAINT-MARTIN Nos plus gros cochons P. 17 TRIBUNAL Gorilles
Vendredi 7 novembre 2014 // No 210 VAUD Ça va le château ? P. 4 CHF 3.50 // Abonnement annuel CHF 140.– // www.vigousse.ch Darbellay Poils à raté P. 5 Tribunal Gorilles dans la prune P. 8 Saint-Martin Nos plus gros cochons P. 17 JAA – 1300 Eclépens PP/Journal – Poste CH SA 2 C ’ E S T P A S P O UR D IRE ! Mauvais augure Alinda Dufey C’ est joli, un oiseau. C’est espiègle et joyeux. Ça égaie l’aube de ses gazouillis, ça enchante les enfants par des ballets aériens, ça émeut les petits vieux par son appétit vorace. Et même s’il leur arrive de déféquer de manière inopportune sur une voiture rutilante, le front altier d’un général de bronze ou une chevelure fraîchement lavée à l’éclat soyeux et naturel, tout le monde aime les oiseaux. Certes, quelques espèces sont moins appréciées que d’autres. Corbeaux, corneilles et autres gros volatiles charognards aux plumages sombres et aux croassements caverneux n’ont rien de très attendrissant. Au contraire, leur dégaine de tueurs d’outre-tombe et leurs yeux jaunâtres de psychopathes foutent les jetons ! Et pourtant, cette mauvaise réputation est injuste et ne repose sur rien. Mais la plupart des zoziaux, mésanges, pinsons, étourneaux, moineaux, perdrix, sont de mignonnes petites boules duveteuses. Et en plus, ça parle aux poètes : ça a des ailes, ça annule la pesanteur pour virevolter avec grâce et virtuosité. Ça fait rêver. C’est beau, un oiseau. C’est léger et fragile. Tellement fragile qu’en à peine trente ans l’homme est parvenu à en éliminer 421 millions du ciel européen. Bravo, bel exploit ! Presque aussi efficace que l’élimination radicale et définitive du dodo ! La population de plusieurs espèces communes, telle l’alouette, accuse en effet un déclin de plus de 90%, c’est dire. Plumées, les alouettes. Cette hécatombe ornithologique a pour cause les méthodes de l’agriculture moderne (utilisation de pesticides, d’insecticides, de tout un arsenal de saletés chimiques et d’instruments dévastateurs), ainsi que la disparition des biotopes propices à nicher, principalement en zone urbaine. Pour remédier à cette catastrophe animalière annoncée, il n’y a pas trentesix solutions : les pratiques agricoles doivent être radicalement modifiées, il faut réintroduire bon nombre d’espaces verts dans les villes et ces changements doivent être faits au plus vite. Il est temps de se bouger le croupion ! Car à ce rythme-là, dans la droite ligne des abeilles et des oiseaux, c’est à coup sûr l’espèce humaine qui bientôt y perdra des plumes. Vigousse vendredi 7 novembre 2014 Q UELLE S E M AINE ! 3 a f f a i r e s e n co u r t Peines en peine Mariage gai Spécialiste mondiale du zigouillage Dans un pénitencier de São Paulo, deux célèbres meurtrières se sont mariées. Suzanne Von Ritchofen, condamnée à 39 ans pour avoir défoncé la tête de ses parents à coups de barre de fer, car ils n’aimaient pas son petit ami, et Sandra Regina Sanchez, qui purge une peine de 27 ans pour avoir enlevé, puis assassiné un enfant dont les parents n’avaient pas payé la rançon, se sont dit oui. Tous nos vœux de bonheur ! judiciaire, la Chine s’apprête à réduire, de 55 à 46, le nombre de délits passibles de la peine capitale. Ayant déjà biffé le meurtre d’un panda en 1997, le gouvernement va retirer de la liste le proxénétisme, le trafic d’armes et de matériel radioactif, la fabrication et le trafic de fausse monnaie, le fait de lever des fonds de manière frauduleuse, d’empêcher un soldat d’accomplir son devoir ou de lancer des rumeurs en temps de guerre. Plus que 46 méfaits, donc, menant à la peine de mort : le régime s’adoucit. LE CHIFFRE 20 milliards de francs. Selon une étude publiée le 4 novembre par la Confédération, tel serait le chiffre d’affaires annuel réalisé par le sport suisse. Son impact économique est donc considérable. Si les terrains de golf et les centres de fitness y participent pour beaucoup, les fédérations sportives ne sont pas en reste. Merci donc, entre autres, au CIO et à la FIFA de contribuer au PIB helvétique. Les travailleurs népalais du Qatar en sont sûrement ravis. Lord direct Siégeant à la Chambre des lords et secrétaire d’Etat à la Santé et à l’Assistance sociale, le conservateur David Anthony Freud, petit-fils de Sigmund, est connu outreManche pour ses déclarations aberrantes et fracassantes. Lors d’un récent débat politique, il a déclaré très sérieusement : « Certains handicapés ne méritent pas le salaire minimum, on pourrait les payer moins… » Ces propos ont provoqué un tollé général ainsi que le courroux du Premier ministre. Dans la famille Freud, tout le monde n’est pas fin psychologue. Ames en haine Le 4 novembre, la Cour européenne des droits de l’homme a bloqué l’expulsion, de Suisse en Italie, d’une famille de demandeurs d’asile afghans. Il n’en fallut pas plus pour déclencher un torrent de commentaires haineux, nationalistes et xénophobes sur le site du Matin, certains crachant abondamment sur l’Entraide protestante, coupable à leurs yeux d’avoir soutenu cette famille. Bizarrement, ce sont les mêmes qui, pour justifier le rejet des musulmans, brandissent la tradition chrétienne de la Suisse… Heureux les simples d’esprit. Vigousse vendredi 7 novembre 2014 4 FAIT S D I V ER S ET V ARI É S FAIT S D I V ER S ET V ARI É S Tranches de château Christophe Darbellay les pieds dans la barbe Farce d’inertie A Hauteville, au-dessus de Vevey, un précieux patrimoine s’évapore à prix d’or pendant que Vaud dort. Aux poils Pour mieux défendre les forfaits fiscaux, le président du PDC suisse en appelle à un illustre inconnu... australien. Quel raseur ! Le 17 janvier dernier, la baronne Edith Grand d’Hauteville décédait à l’âge de 83 ans. Dès lors, son château « à la française », achevé en 1767 et resté propriété familiale depuis 1794, était à vendre. Sise à Saint-Légier au-dessus de Vevey, la somptueuse bâtisse (brièvement envisagée en 2009 comme un possible écrin pour le Musée cantonal des beaux-arts) se liquide pour la modique somme de 60 millions de francs. Liotard et de Firmin Massot. Soucieuse de sauver au moins ce qui peut l’être encore, l’association Patrimoine suisse réclame qu’un inventaire scientifique de la collection soit réalisé avant la vente. L’Office fédéral de la culture (OFC) se déclare prêt à soutenir une telle opération ; toutefois, précise-t-il, il n’est « pas en mesure de faire plus ni de mettre une pression sur le canton pour prendre l’une ou l’autre décision ». N’empêche : assuré d’un appui fédéral, l’Etat de Vaud pourrait donc envisager, peut-être, l’éventualité d’une esquisse de démarche en vue d’examiner l’opportunité de sortir de sa torpeur. adieu, vaud, vaches, cochons Mandatée par la hoirie, la société Riviera Properties vante sur son site : « Le domaine de 27 hectares est bordé d’arbres séculaires, de belles allées, de jardins à la française et de fontaines du XVIIIe siècle. La façade du château qui donne sur la terrasse et les jardins est décorée de stucs tout comme son fronton à jour. Les fenêtres s’ouvrent du côté lac et sont exposées au soleil, préservant la vie intime de ses habitants et laissant l’autre côté aux visiteurs et fournisseurs. » Plutôt cossu, quoi. Comme l’ensemble (château, dépendances et parc) figure à l’inventaire architectural de la commune ainsi qu’à l’inventaire des biens culturels d’importance nationale, le futur acquéreur devra se plier à quelques contraintes. En revanche, les nombreux objets d’art et le riche mobilier d’époque que renfermait l’édifice ne seront pas sauvegardés : mis aux enchères par la famille, ces biens sont déjà en bonne partie dispersés, au plus offrant. L’Etat de Vaud n’aurait-il pas dû intervenir pour conserver tout ou partie de ce patrimoine historique ? Vigousse vendredi 7 novembre 2014 Va-t-il le faire ? Ni Laurent Che« Oui, et son absence de réaction est regrettable », répond en substance l’association Patrimoine suisse, qui s’est démenée en vain pour empêcher la dilapidation. Elle a alerté Laurent Chenu, conservateur des monuments et sites du canton de Vaud, le 27 juin déjà. Lequel Chenu, qui devait être distrait ce jour-là, semble n’avoir pas saisi le message : le 14 septembre, 5 il disait en effet n’avoir appris la vente qu’en ouvrant le catalogue Christie’s publié fin août, de sorte qu’il était malencontreusement trop tard pour agir avant le début des enchères fixé au 30 septembre. Sur quoi l’Etat de Vaud décidait fermement qu’il était impératif et urgent de ne ne rien faire. Face à l’inertie des services vaudois, Patrimoine suisse déposait, Objets perdus Parmi les trésors du château vendus à Londres, une commode Louis XV s’est envolée pour 216 000 francs, L’Encyclopédie de Diderot pour 18 500 francs. La Tribune de l’Art signale aussi la vente de l’un des premiers Atlas de Suisse par Johann Heinrich Weiss (17581826), bradé 2700 francs. Consolation : grâce à l’aide de privés, le Musée historique de Lausanne (institution municipale et non cantonale) a pu sauver, pour 25 000 francs, le bâton de justice de Jean-François Grand, juge ordinaire à Lausanne dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, sous l’occupation bernoise. Rien à voir avec du patrimoine vaudois, donc. le 14 septembre, un recours auprès du Tribunal cantonal. But : obtenir des mesures préprovisionnelles afin d’empêcher la dissémination de « pièces de renom international ». Le 29 septembre, soit la veille de la vente, la Cour décrétait qu’il était hélas trop tard et qu’il n’y avait rien à faire. C’est vraiment trop bête. C’est ainsi que chez Christie’s, à Londres, des fleurons du patrimoine vaudois se sont évaporés. Le site français La Tribune de l’Art a publié le 2 novembre un article sur les précieux objets, dont la vente a rapporté 1,5 million de francs. D’autres enchères sont prévues au printemps 2015 à Genève, où seront proposées les pièces de moindre importance. De beaux restes tout de même : des costumes et des décors de théâtre du XIXe siècle, de l’argenterie, de la porcelaine ou des œuvres de nu ni son patron, le conseiller d’Etat Pascal Broulis, n’ayant souhaité répondre à nos questions, c’est Philippe Pont, le responsable du Service immeubles, patrimoine et logistique, qui s’y colle : « En ce qui concerne le mobilier, l’Etat va prendre contact avec le propriétaire pour faire un point de la situation », annonce-t-il. Ça ne devrait pas se révéler trop compliqué : l’essentiel de la collection est perdu, point. Par ailleurs, l’Etat de Vaud prévoit de « procéder à l’ouverture d’une procédure de classement de l’ensemble architectural représenté par le château et son parc ». Ce qui est mieux que rien, même s’ils sont déjà inscrits aux inventaires communal et national. Les œuvres et les meubles, eux, se sont fait la malle, mais, comme disent les Vaudois, « qui ne peut ne peut ». Et qui ne veut ne veut. Jean-Luc Wenger Président du Parti démocrate-chrétien suisse, Christophe Darbellay s’agite beaucoup sur Twitter : ça fait jeune. Et pour défendre les forfaits fiscaux, il met les bouchées doubles en matière de communication. Mais comment convaincre les citoyens de maintenir les privilèges injustes d’une poignée de millionnaires exilés et capricieux ? Le président du PDC a trouvé l’ar- gument idéal en la personne d’un protagoniste très concerné. Il s’agit en l’occurrence d’un certain « Yann, 26 ans, photographe » dont il partage avec enthousiasme le témoignage émouvant (et dysorthographique) sur le réseau de micro-messagerie. « Yann », dont l’allure d’artiste branché bohème tranche opportunément avec l’image d’un affreux bourgeois ploutocrate à la solde du grand capital, est « pour l’imposition d’après la dépense destinés (sic) aux étrangers », car « les subventions pour la culture en dépendent ». Or, « Yann », photographe, tient particulièrement à « [préserver] la vie culturelle locale ». Voilà qui devrait faire réfléchir les bobos gauchistes adeptes de la pellicule et de la culture en général. Faites comme « Yann », qui refuse de se tirer un autogoal dans le pied ! Problème : comme l’a astucieusement relevé sur Facebook le journaliste Jérôme Cachin (de La Liberté), la photo utilisée est celle d’un certain Jimmy Niggles, Scott Maggs de son vrai nom, connu pour avoir mis en vente sa luxuriante barbe au prix d’un million de dollars au bénéfice de la recherche sur le cancer de la peau. Autrement dit, outre qu’il ne s’appelle pas Yann et qu’il n’est pas photographe, son rapport avec les votations suisses sur les forfaits fiscaux est pour le moins ténu. Interpellé, Christophe Darbellay s’est rapidement excusé avec le Yann », pseudo défenseur local des forfaits fiscaux, dans la vraie vie Australien vendeur de barbe. tweet suivant : « Juste ! Une amie ayant realisé le visuel est à l’origine de la bourde. J’ai aussitôt retiré cette image ! #sorry. » De fait, si la « bourde » a effectivement été retirée, elle n’a pas été corrigée. Il doit bien exister une vraie photo de ce « Yann, 26 ans, photographe » qui milite en faveur des forfaits fiscaux, non ? Encore faudrait-il en retrouver la trace : « La police genevoise recherche Yann, photographe de 26 ans à Genève. Sa barbe ne pousse que très lentement ;) » explique le prolifique et humoristique @C_Darbellay. Et si ce « Yann » devait demeurer introuvable ? Gageons alors que le comité contre l’initiative « Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires », avec Christophe Darbellay en tête, n’aurait aucune peine à trouver, avant le 30 novembre, d’autres jeunes artistes et acteurs de la « vie culturelle locale », semblablement entichés des largesses des forfaitaires philanthropes. Sinon, c’est vraiment que les jeunes artistes n’ont aucune conscience politique. Il faut dire que si le peuple abolissait les forfaits fiscaux, ils pourraient toujours vendre leur barbe aux enchères. Sebastian Dieguez Gleisunterhaltsarbeiten Entre Saint-Blaise (NE) et Bienne, le Röstigraben se matérialise sous la forme d’une missive des CFF signée « Maintenance Region Ouest Biel/Bienne ». Au recto et en français, la lettre s’adresse « aux Riverains », avec la majuscule d’inspiration germanophone. Emanant du « Chef de team Voies Ferrées Bienne* », elle précise : « Cette information vous est envoyé (sic) selon une distribu- tion large due au réseau postal, il se peut qu’elle ne vous concerne pas directement. » Mais le message essentiel vaut son pesant de Kägi Fret : « Des nuisances sont à craindre plus particulièrement durant la nuit suivante : du 22 octobre au 01 novembre 2014. » Les Welsches se lèvent tard, c’est bien connu. Depuis la fin des travaux d’entretien et après cette fameuse nuit, les riverains ont retrouvé la lumière du jour, du moins quand le brouillard daigne se lever. Et du côté des SBB Biel, on admet une fâcheuse erreur de frappe, on prend acte des remarques quant à la formulation, on promet de tout mettre en œuvre pour y remédier. Pas sûr que ce soit en bonne voie. J.-L. W. * nom connu de la rédaction Vigousse vendredi 7 novembre 2014 6 co n so & co n so r t s Taches d’huile Un déclin qui rapporte Gras-le-bol Malmenée par la nature, la production d’huile d’olive tourne au vinaigre. Vieux jeu Le business de l’entraînement cérébral prend de l’ampleur avec pour cible les personnes âgées. Et pourquoi les voyants seraient-ils les seuls à se faire du pognon en escroquant les vieux ? L’amour par le concombre Surpoids, cholestérol, maladies cardiovasculaires et bien d’autres problèmes de santé étant liés aux habitudes alimentaires, les gens surveillent de plus en plus ce qu’ils ingurgitent. Et pour manger sainement, il est conseillé par toute une série de diététiciens de remplacer les mauvaises graisses par la saine Le fait qu’un pays traverse une crise majeure implique-t-il que chacun de ses habitants, jusqu’au dernier, se mobilise 24 heures sur 24 pour sortir sa patrie du petchi ? Non, non et non : quoi qu’il advienne, la vie continue. Ainsi rien n’empêche qu’en Sierra Leone une jeune femme lance sa marque de lingerie. Rien n’interdit qu’en Irak un jeune idéaliste développe une application pour retrouver sa maison après une sortie bien arrosée. Et rien ne s’oppose à ce qu’en Israël on s’évertue à mettre au point une variété de concombres dont la section est en forme de cœur. tapenade dans la panade et savoureuse huile d’olive. Las ! Les récoltes de 2014 étant victimes de calamités variées, le prix de l’or jaune risque fort de s’envoler. Premier producteur mondial d’huile d’olive, l’Espagne a subi une sécheresse exceptionnelle. Résultat : les oliveraies d’Andalousie ont fourni un volume réduit de fruits tout rabougris. Et en Italie, au deuxième rang du marché mondial, c’est une vraie saleté de bactérie qui affecte la production. Repérée dans les Pouilles en 2013, la Xylella fastidiosa continue de sévir méchamment, asséchant lentement mais sûrement les oliviers. Comme il n’existe encore aucun traitement, l’unique parade consiste à brûler les arbres contaminés pour enrayer la propagation rapide du mal. Or un olivier, ça pousse lentement et ça n’atteint son meilleur rendement Inspirées par des cuisiniers pour productif qu’au bout d’une vingtaine d’années. Une bonne majorité des arbres est donc d’âge avancé. Pour les cultivateurs, incendier les oliveraies revient ainsi à réduire en cendres leur héritage et le travail d’une vie. Quant à la France, elle pâtit d’un fléau certes moins dévastateur mais assez désagréable pour les producteurs : des myriades de mouches d’olive se sont abattues sur certaines régions du Midi, rendant quantité de fruits inconsommables. Star cherche sous Lame de fonds Le financement participatif en ligne offrait aux anonymes la possibilité de réaliser leurs projets. Aujourd’hui, il est colonisé par les célébrités. A l’heure des stars virtuelles et des « people » fabriqués pour une saison de télé, les feux de la rampe et les paillettes ne garantissent plus comme autrefois une fortune colossale. Heureusement, d’aucuns ont trouvé le moyen de métamorphoser la notoriété en or. Alors que les industries de la musique et du cinéma touchent le fond et continuent de creuser, des chanteurs et des acteurs prennent Vigousse vendredi 7 novembre 2014 7 FAIT S D I V ER S ET V ARI É S Si les producteurs d’Espagne, d’Italie et de France font grise mine, ceux de Grèce et de Turquie s’en sortent plutôt bien. Après plusieurs récoltes catastrophiques, ils vont pouvoir s’engraisser cette année en compensant partiellement les pertes espagnoles. N’empêche que sur un marché mondial qui reste précaire, les choses sont loin de baigner dans l’huile : si les plaies continuent de s’abattre sur les oliveraies, la production des fruits à noyau risque bien d’être noyée sous les pépins. Alinda Dufey la tangente en cherchant à ratisser de l’argent directement sur la Toile. Ainsi l’actrice, réalisatrice et chanteuse agaçante Mélanie Laurent at-elle récolté auprès des internautes l’équivalent d’un demi-million de francs suisses pour réaliser un film documentaire sur des gens « qui changent le monde ». But : revendre ensuite son truc à des télés, faire du bénéfice et changer sinon le monde, du moins son train de vie. Créateur du jeu Docteur Maboul, le septuagénaire états-unien John Spinello a quant à lui appelé à la générosité en ligne pour se qui l’ingrédient essentiel d’une recette réussie est tout simplement… l’amour, lesdites cucurbitacées profitent à Ein Yahav, station agricole proche de la frontière jordanienne, du havre de quiétude propice à leur croissance. Les cultivateurs ayant réussi ce très bel exploit gardent jalousement le secret quant aux méthodes d’obtention du concombre à tranches en cœur. Il est vrai que l’affaire peut s’avérer juteuse, surtout si la production est dirigée vers Jérusalem-Est ou la bande de Gaza, où nombre de consommateurs lassés des salades ont grand besoin de baume au cœur. Sacha Durant payer une intervention chirurgicale : déjà près de 20 000 dollars réunis sur les 25 000 nécessaires. Manifestement, de nombreux adeptes ont considéré que la célébrité du jeu justifiait que son concepteur profite de soins médicaux inaccessibles à de simples quidams. Plus futile, Louis Tomlinson, le chanteur anglais des One Direction, cherche à réunir 2 millions de livres pour sauver son club de football favori, le FC Doncaster. Quant au clochard du coin de la rue ou à l’inconnu portant un projet génial, ils attendront : il y a tant de vedettes et de millionnaires nécessiteux qui ont un urgent besoin des petits sous des internautes ! Samuel Dubuis La mémoire qui flanche ? On ne se souvient plus très bien ? Bah, c’est l’âge. Oui, c’est ainsi, l’espèce humaine, grâce à sa propre intelligence et ses merveilleuses trouvailles, vit largement au-delà de sa date de péremption naturelle. Du coup, rien d’étonnant à ce que ses capacités cognitives déclinent. Toutes les études le prouvent : les vieux sont moins vifs, moins alertes, apprennent moins bien et plus lentement, oublient davantage. Bref, ils sont vieux. Génial, on peut donc en profiter pour leur extorquer du fric ! les vieux sont faits Les voyants et arnaqueurs de tout poil ont compris ça depuis longtemps, bien sûr, mais ils ne sont pas les seuls. Aujourd’hui, les scientifiques sont aussi sur le coup. Exploitant ce déclin cognitif fort naturel, agitant le spectre de (lancez une musique terrifiante) la maladie d’Alzheimer, célébrant le culte de la performance et de la jeunesse éternelle, profitant du prestige de la blouse blanche, ils sont nombreux à se lancer sur le créneau de l’entraînement cérébral. Au début, il s’agissait simple- ment de petits jeux sur console portable, histoire pour Nintendo de taper dans le marché des têtes grises. Les promesses d’améliorations mirifiques de la mémoire et du QI étaient déjà parfaitement exagérées, mais loin de la sophistication actuelle de ce marché. En effet, l’industrie du Brain Training, ou Brain Gym, brasse aujourd’hui plus d’un milliard de dollars. On trouve sur ordinateur, tablette et smartphone une armée de concurrents qui tous prétendent survitaminer l’intellect des personnes âgées – et même des gosses et des malades en tous genres – à coup d’exercices et de jeux prétendument conçus sur des bases scientifiquement éprouvées. Les principaux acteurs de ce business sont Posit Science avec son BrainHQ, Rosetta Stone et son Fit Brains, Lumosity et son pompeux Human Cognition Project, CogMed, Happy Neuron et bien d’autres. Tous affichent sur leurs produits des grands noms de la recherche sur le cerveau et clament haut et fort l’efficacité de leur camelote onéreuse. Ce marché a atteint de telles proportions qu’un groupe de chercheurs a décidé d’intervenir. Publié le 20 octobre dernier, le « Consensus de la communauté scientifique sur l’industrie du Brain Training » est une lettre ouverte qui met en garde contre les prétentions de ces programmes. Lancé par les centres spécialisés sur la science du vieillissement de Stanford en Californie et de Max Planck à Berlin, signé par 69 experts en la matière, le document rappelle que les effets de ces dispositifs sont au mieux minimes, au pire inexistants. La recherche sur le sujet, en tout cas, est loin de refléter les promesses délirantes des firmes et start-up qui exploitent les angoisses du troisième âge. Plus important : les signataires argumentent que même si ces trucs « marchaient », ce serait autant de temps passé à ne pas sortir, marcher, discuter, jardiner ou tout simplement vivre, puisque après tout c’est à ça que sert notre matière grise et qu’on sait, pour le coup, que les activités physiques et sociales ont un véritable effet bénéfique sur le cerveau et l’esprit. Bon, mais qu’en est-il des cher- cheurs qui s’affichent sur ces produits ? Tous des vendus ? La lettre ne va pas si loin, mais dans le fond c’est clairement le message. Toutes ces années d’études et de recherche pour vendre de la camelote à des vieillards naïfs et sans défense alors qu’il suffisait de commencer par ça… Sebastian Dieguez A Consensus on the Brain Training Industry from the Scientific Community, disponible sur http ://longevity3. stanford.edu PUB Noz-Chocolatier Rue Marterey 11 - 1005 Lausanne www.noz-chocolatier.ch Vigousse vendredi 7 novembre 2014 8 FAIT S D I V ER S ET V ARI É S PLUS VRAI QUE VECU Q UELLE S E M AINE ! Audience en correctionnelle dans un tribunal d’arrondissement. Noms fictifs mais personnages réels et dialogues authentiques. « On ne menace pas, on agit et on sait le faire. » Les jumeaux Tobler sont accusés d’injures, violence ou menace envers les autorités et les fonctionnaires, contravention à la loi vaudoise sur les contraventions et contravention à la loi pénale vaudoise. – Toute l’affaire se résume en un contrôle routier qui a totalement dégénéré, constate le juge. Est-ce que vous reconnaissez les faits ? – On admet qu’on s’est énervés, répondent-ils en chœur. Mais c’est parce qu’on n’a pas été contrôlés : on a été agressés ! Pas de bonjour, de s’il vous plaît, rien : le flic a juste sèchement dit « rangez-vous ». Et là, comme on n’a rien fait, on demande des explications et il nous dit « on n’est pas au souk ici ». C’est du racisme ! C’est parce qu’on est métis ! Mais on est plus suisses que lui ! – Actuellement, c’est très à la mode de juger le travail des policiers, soupire le magistrat. Ils sont surchargés et ils font ce qu’ils peuvent, peut-être pas toujours parfaitement. Se tournant vers l’appointé : – Est-ce que vous avez dit ça ? – Non, je ne connaissais même pas l’expression. J’ai contrôlé leur véhicule parce qu’ils ont klaxonné une dizaine de fois un cycliste qu’ils essayaient de dépasser. Je les ai fait s’arrêter sur le bas-côté et dès que je leur ai demandé leurs papiers, ils sont sortis de la voiture et se sont montrés agressifs. Mais je n’ai jamais dit ça. – Bien sûr qu’il l’a dit ! Il n’a pas cessé de nous manquer de respect, s’indignent les accusés. – De votre côté, n’est-il pas vrai que vous l’avez traité de « gros tas », « gros cochon », « grosse poire, t’as pas fait d’études, espèce de boucher » en ajoutant des menaces comme « viens à la salle (ndlr : de sport) demain et je te démonte », « je te pète la mâchoire » ou encore « t’es mort » ? – Les insultes, ça, on reconnaît. Mais les menaces non, c’est n’importe quoi ! Nous, on fait de l’action : donc on ne l’aurait pas dit, on l’aurait fait. – Comment ça ? interroge le magistrat. – On a travaillé dans la sécurité, expliquent les prévenus, très balèzes. Alors, si on veut en arriver là, on ne menace pas, on agit et on sait le faire. Mais on a su se contrôler, même s’il a essayé de nous pousser dans la zone rouge. – Pourquoi ce policier aurait-il essayé de vous pousser à bout alors qu’il risquait des coups en retour ? A l’agent : – Avez-vous eu peur ? – Ben oui quand même, ils me venaient contre et me poussaient. Mais mes collègues sont arrivés. – A six ! crachent les accusés. Et ils ont commencé à dire plein de trucs, eux aussi, on a tout dit en portant plainte contre eux, mais comme par hasard la plainte a été enterrée. – Mais il faut cesser de voir le mal partout ! Vous croyez que policiers, procureurs et juges sont contre vous et racistes ? s’exclame le magistrat. – Notre père, il est blanc, on n’est pas racistes, nous. Faut pas nous dire ça. – Ecoutez, temporise le juge. Je comprends que vous soyez sensibles à ce type de propos, vous en avez peut-être souffert dans la vie et c’est intolérable. – Oui, on est très sensibles. – Je le vois. Mais là, il faut arrêter avec la susceptibilité. Pourquoi un simple contrôle routier doit-il dégénérer ? – On accepte tous les contrôles, mais là, faut voir la manière. – Euh… vous avez quand même trois autres condamnations du genre dans vos casiers. – Pour les autres trucs, on avait 18 ans… Et cette fois, la vérité, c’est qu’on a répondu de manière pas juste à quelque chose de pas juste, concèdent-ils. – Voilà. Il faut mûrir et essayer d’être philosophes, même si ce n’est pas toujours facile, conclut le juge. Reconnus coupables, les frères Tobler écopent chacun d’une peine privative de liberté de 6 mois avec un sursis de 3 ans et d’une amende de 500 francs. Et les frais de dossier de 987,50 francs sont à leur charge. Lily PUB « Votez pour qui vous voulez, mais achetez mon livre ! » Le recueil du 8e conseiller fédéral, disponible dès la mi-novembre exclusivement en librairie. 96 pages, 24 francs. une publication 9 . . . e n co u r t Epoux dans la tête La députée russe Olga Galkina lutte contre la prostitution en menaçant les clients de ces dames de mariage. Si son projet de loi est accepté, toute personne prise en flagrant délit de fornication tarifée aura le choix entre payer une amende 100 000 roubles (2200 francs), purger une peine de prison de 15 jours ou faire de la péripatéticienne une honnête femme. Une punition de but en gland. Mous du volant La bagnole, ça pollue, tout le monde le sait. Et en plus ça rend gras. Une étude publiée par le British Medical Journal démontre que les personnes se rendant quotidiennement au travail à pied ou à vélo, mais aussi empruntant les transports en commun, affichent un poids inférieur à celles qui vont bosser en voiture. La différence moyenne est de 3 kilos pour les hommes et de 2,5 kilos pour les femmes. Etre écolo et en forme, une combinaison qui tient la route. PUB En panne ? Ne jetez pas ... Faites réparer ! La Bonne Combine Réparations – Occasions - Électroménager - Aspirateur - Machine à café - Gros-ménager - TV, Hi-Fi - Ordinateur - iPhone, iPad - réparations toutes marques - garantie de 6 mois sur nos réparations route de Renens 4, 1008 Prilly, 021 624 64 74 www.labonnecombine.ch Vigousse vendredi 7 novembre 2014 Vigousse vendredi 7 novembre 2014 10 BIEN P R O F O N D D AN S L ' A C TU Pitch Notre Cthulhu qui es aux cieux LE COURRIER DU CHIEUR Les controverses théologiques du professeur Junge Cette semaine : comment la diversification anarchique des croyances des Suisses mène tout droit aux flammes du bûcher. 31 octobre 2014. Une semaine après une étude qui révélait que les chrétiens helvétiques se forgeaient leur propre croyance à la carte sans trop se soucier du dogme, voici qu’un sondage nous apprend que deux tiers des Suisses croient au surnaturel contre seulement 42 % qui sont convaincus de l’existence de Dieu. 13 novembre 2014. S’engouffrant dans la brèche ouverte par la conseillère nationale Ada Marra, qui a entamé le débat sur la reconnaissance de l’islam comme religion officielle, plein de groupuscules fantaisistes ont commencé à déposer des demandes pour que leurs croyances soient également reconnues. 23 février 2015. Après un long combat juridique, l’Amicale de Spirites Tourneurs de Tables a obtenu le versement d’un pourcentage de l’impôt ecclésiastique dans le canton d’Uri. Ils ont d’ores et déjà annoncé que l’argent serait utilisé à mieux insonoriser leur local de réunion afin de protéger les voisins contre les nuisances sonores provoquées par les esprits frappeurs. A Beat Feurer 6 décembre 2015. Il va être temps Carré d’ASS de décorer la maison pour les Fêtes. Les grands magasins se sont adaptés à la nouvelle donne religieuse et débordent d’articles pour tous les goûts. Outre des petits Pères Noël en pain d’épice, je m’achète un taureau en chocolat, car je viens de me faire initier aux mystères de Mithra, et des boules à l’effigie de Cthulhu et de saint Lovecraft pour faire plaisir à mon épouse qui a adhéré au culte des Grands Anciens. 5 mai 2016. C’est dimanche et nous nous rendons en famille à la cathédrale de Lausanne, rebaptisée récemment Notre-Dame des Télépathes. Les lieux de culte étant rares, il a bien fallu que les différents courants spirituels se les partagent. Pendant que les Adorateurs de Satan célèbrent leur sabbat dans la nef au son des meilleurs tubes de black metal norvégien, les fidèles des Anges de Petite Taille se prosternent devant une statue de Mimie Mathy dans la chapelle arrière gauche, les druides de Cernunnos sacrifient des jeunes vierges dans la travée droite, la Confrérie du Mage Garcimore tente de prouver l’inexistence de Dieu au moyen de tours de cartes ratés dans la crypte et les survivants de l’Ordre du Temple Solaire entreprennent de se mettre le feu à côté des grandes orgues. Au milieu de ce capharnaüm, quelques protestants et catholiques errent hagards, se demandant depuis quand les statues des évangélistes ont été remplacées par des effigies des frères Bogdanoff. 17 juillet 2017. Se rendant enfin compte de son erreur, Ada Marra tente de revenir en arrière, mais une fronde menée par les parlementaires astrologues, gnostiques, vaudous, davidiens, loups-garous, manichéistes, mazdéistes, cultistes de Sauron et paulo-coelhistes lui fait barrage avant de la brûler comme hérétique sur la place Fédérale. Monseigneur Junge, grand prêtre de la religion contemporaine Depuis son bunker sous le Palais fédéral, il dirige dans le plus grand secret le Gouvernement helvétique. Les scandales à répétition dans le secteur viticole vont ruiner l’image de nos beaux vins suisses ! Plusieurs grandes caves se sont fait épingler pour des coupages illégaux. Et tout ça a mis en lumière le fait que nos contrôles sont complètement laxistes. On ne peut pas couper le vin suisse ? C’est débile. Nos pinards sont tellement dégueulasses que je n’arrive pas en avaler un verre si je ne les coupe pas avec du jus d’orange et de la boisson énergisante. Vigousse vendredi 7 novembre 2014 La mer était plutôt mauvaise, ce jour-là. C’est que Yahvé alias le Seigneur, d’humeur massacrante une fois de plus, avait décidé de déchaîner une tempête pour apprendre à Jonas à s’enfuir en bateau plutôt que d’obéir aux ordres. L’équipage n’y était évidemment pour rien, mais le Seigneur n’avait pas coutume de faire dans la dentelle en s’embarrassant des dégâts collatéraux. Paniqués par l’imminence du naufrage, les marins balancèrent Jonas par-dessus bord, « et la mer calma sa fureur ». Sur quoi « Yahvé fit venir un grand poisson pour engloutir Jonas, et Jonas fut dans les entrailles du poisson trois jours et trois nuits ». Plutôt content d’avoir ainsi échappé à la noyade, Jonas fit ses prières dans le poisson, non sans chanter les louanges du Seigneur et tout le baratin. Satisfait, « Yahvé parla au poisson » qui, aimablement, s’en alla « vomir Jonas sur la terre ». On notera que la Bible (Jonas, 1-2) ne parle pas de baleine. En même temps, on voit mal quel autre animal marin serait de taille à gober un prophète tout entier et tout habillé. Jadis présent en Méditerranée, le rorqual commun (Balaenoptera physalus) ferait un bon candidat, avec ses 20 mètres de longueur et ses 50 tonnes. Sauf que sa gueule garnie de fanons est conçue pour avaler des petites crevettes et qu’il ne s’agit pas d’un « poisson » mais d’un cétacé. Or Yahvé, dans son infinie sagesse, n’aurait pas commis une telle confusion (d’autant qu’il avait lui-même créé les espèces Fig. 1. Cabot de sauvetage. animales, entre autres). Bref, tout ça est pour le moins obscur. Mieux vaut donc admettre que l’histoire de Jonas n’est pas très sérieuse, ce qui d’ailleurs ne surprend guère dans un ouvrage qui commence par interdire de goûter aux fruits de la connaissance avant qu’un serpent qui parle fasse son Malin, et qui finit avec un individu marchant sur l’eau. Heureusement, les Grecs anciens étaient un peu plus crédibles en matière de zoologie marine. Ainsi narraient-ils qu’un fameux poète et musicien nommé Arion de Méthymne (car il était de Méthymne, sur l’île de Lesbos) avait un jour embarqué à Tarente sur un navire en partance pour Corinthe. Mais une fois en pleine mer, les matelots fomentèrent de lui faire la peau pour mieux lui faire les poches. Acculé et dépouillé, Arion allait être jeté à l’eau lorsqu’il demanda à pouvoir jouer de la lyre une dernière fois. « OK », dirent les marins (en substance). Perché à la poupe, l’artiste attira par sa mélodie un dauphin qui passait par là, puis sauta au jus. Le dauphin lui porta secours, le prit sur son dos et l’emmena jusqu’en Grèce où il accosta, fauché mais sain et sauf. Le naturaliste romain Pline l’Ancien raconte quant à lui qu’un dauphin, dans le lac Lucrin en baie de Naples, s’était pris d’affection pour un gosse de pauvre. Sur le chemin de l’école, le garçon enfourchait le cétacé pour traverser le plan d’eau, aller-retour. Et lorsque son meilleur copain humain fut emporté par une maladie, le dauphin fit une grave dépression, puis finit par succomber au chagrin. Pline rapporte plusieurs autres histoires de la même eau, qui toutes mettent en exergue le caractère affable et très secourable des dauphins. C’est dire s’il est regrettable que la pêche industrielle et la pollution aient, au cours des vingt dernières années, décimé les dauphins communs (Delphinus delphis) en Méditerranée, au point d’y entraîner leur quasi-disparition. Du coup, les gouvernements européens n’ont plus guère le choix : faute de cétacés de sauvetage, il leur faut bien se résoudre à faire quelque chose pour porter secours aux migrants naufragés. D’autant que le Seigneur, malgré son spectaculaire repêchage de Jonas, semble se désintéresser de la question. A moins qu’il ne veuille pas mobiliser ses gros poissons pour du menu fretin. Laurent Flutsch Le strip de Bénédicte L’expert a raison : vous prendre au sérieux est très difficile. C’est un sale coup à la réputation de notre terroir. Jean-Luc Wenger 142 Qu’est-ce qui se passe ? Derniers secours Un personnel inquiet, de la méfiance réciproque, rien ne vous ébranle. Mais vous avez quand même reconnu avoir parfois fait preuve de naïveté et d’indécision. Durant votre campagne, vous disiez vouloir réduire le taux d’aide sociale. Or, malgré tous vos efforts pour pourrir la vie de vos employés, Bienne reste en tête des villes suisses en matière d’aide sociale. Et même comme ça ils me font vomir. Ah bon ? J’ai raté ça. Monsieur Feurer, élu UDC à la Municipalité de Bienne en septembre 2012, vous voilà au cœur d’une affaire qui secoue la direction de l’Action sociale et de la sécurité (ASS), votre dicastère. Depuis cet été, une enquête administrative révèle de graves dysfonctionnements dans vos services. Des manquements en matière de conduite y sont notés. En conférence de presse, le 31 octobre, l’expert envoyait : « Si les cadres des départements ne se sentent plus ni pris au sérieux ni estimés, un conseiller municipal peut très difficilement être pris lui-même au sérieux avec une telle méthode de travail. » Après une attaque aussi chirurgicale, on se disait que vous alliez discrètement faire vos cartons. Mais non, vous résistez. Et c’est la responsable des affaires sociales et le secrétaire de direction qui quittent leurs fonctions. Même si vos collègues de l’Exécutif répètent que la « délégation de soutien » qui vous surveille désormais ne ressemble en rien à une mise sous tutelle de l’ASS, on se prend à douter. Le 8e conseiller fédéral Il faut faire quelque chose, chef ! 11 LE FIN M O T D E L ' H I S T O IRE Vigousse vendredi 7 novembre 2014 12 C ULTURE C ULTURE Sans couleur, avec douleur Charb akbar ! Oubliez ces tocards de djihadistes, talibans et autres ahuris du pseudo-extrémisme religieux. Pourquoi rejoindre des combats d’arrière-garde dont l’horizon se borne aux limites de l’imagination rachitique d’une poignée de subdébiles déscolarisés ? On sera bien avancé quand les infidèles, les minijupes, le rock’n’roll, les écrivains et la bière auront été éliminés de la surface terrestre. Jeune, ne te laisse pas leurrer par ces enfantillages et joins-toi à la véritable bataille du XXIe siècle, celle des fatwas de Charb (la Paix soit avec lui). Rends-toi utile en instaurant un califat éclairé, d’où seront éradiqués, entre autres, les bananes Louis Vuitton, les films en 3D, les bonnets de Père Noël, les truffes, les parents d’élèves, les chanteurs qui demandent à leur public si « ça va », les syndicalistes qui ânonnent « on lâche rien » et tous les nuisibles qui citent Audiard, éructent des dictons, sortent le champagne et nous rendent impurs avec leurs « au jour d’aujourd’hui », « c’est dans son ADN » et autres « impacter ». Charb (que des tombereaux de Miséricorde s’abattent sur sa tête) fournit même la sentence à infliger à ces hérétiques, au cas par cas, dans le tome 2 de son Petit traité d’intolérance. Tu seras même autorisé à rire dans ta barbe. Sebastian Dieguez à vous de voir On savait que le futur n’était pas rose, on sait avec The Giver qu’il est même en noir et blanc ; on savait que l’enfance était parfois lourde à porter, on sait avec Bouboule qu’elle pèse des tonnes. Pour ceux qui sont contre les régimes (totalitaires). A Hollywood, les auteurs de romans futuristes pour adolescents sont en train de remplacer les scénaristes. Après Hunger Games ou Divergente, voilà The Giver (Le passeur) qui nous emmène chez les Bisounours nazis (même si, ici, ce sont les bons à rien, vieillards ou enfants non conformes, qui sont, comme ils disent, « élargis »). Un monde qui a supprimé la guerre, les émotions et les fins de mois difficiles, qui a effacé la mémoire et la couleur. Comme les yoghourts, un bonheur garanti 0 %! Une zénitude quasi bouddhiste. Mais le problème, que ce soit pour le petit véhicule comme pour le grand, c’est toujours la transmission. Car le passeur, dépositaire du passé universel, va passer la main à un ado, à l’Elu. Et avec lui, le changement, c’est maintenant... Pas inintéressante dans le fond, cette vision du meilleur des mondes apparaît trop formatée, trop ciblée, molle plus que folle. Le futur ? Passez votre chemin ! 1 1 2 3 4 5 6 7 8 Vigousse vendredi 7 novembre 2014 9 10 2 3 4 5 6 BLANCHE Nuit des musées, 9e édition, 22 musées du Valais, le 8 novembre, www.ndmvs.ch BOBINE 22e Fête du cinéma, 39 films dont 13 avant-premières, salles de Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds, les 7, 8 et 9 novembre, www.cinevital.ch scène : Fabrice Gorgerat, par la Cie Jours Tranquilles, Théâtre Arsenic, Lausanne, du 11 au 19 novembre, www.arsenic.ch FANTASME Hold up, de François Kevin, 12 ans, pèse 101 kilos et des poussières, pardon des miettes, et Bouboule, le film dont il est le héros, ne fait pas dans le léger-léger. Le refrain de la chanson de -M- montrant le niveau : « J’m’appelle Bouboule, il faut que ça roule, j’ai le cœur en boule. J’m’appelle Bouboule, il faut que ça roule, sinon tout s’écroule. » Pour rester dans le domaine musical, on croise aussi, comme acteur, François Hadji-Lazaro, lequel est à l’origine du seul vrai gag (involontaire) d’un film qui aurait voulu être drôle et émotionel, mais qui ne l’est malheureusement jamais : l’ex-leader des Garçons Bouchers y grille des saucisses. Bertrand Lesarmes The Giver (Le passeur), de Phillip Noyce (1 h 53) ; Bouboule, de Bruno Deville (1 h 24). En salles. gimes (alimentaires). Houston, on a un gros problème ! En fait, deux. Gare aux grilles par BROUILLON DE CULTURE ASSIETTE Manger seul, mise en Pour ceux qui sont contre les ré- Les fatwas de Charb : petit traité d’intolérance, tome II, Editions Les Echappés Charlie Hebdo, 116 pages. Des expos Des films Un bouquin Gugger, par la Cie Collectif du Pif, Théâtre du Pommier, Neuchâtel, les 12 et 13 novembre à 20 h, www.ccn-pommier.ch GLOUSSEMENT Vous reprendrez bien quelques sketches, de et par Philippe Chevalier et Régis Laspalès, salle de la Prillaz, Estavayer-le-Lac, mercredi 12 novembre à 20 h, www.estavayer-le-lac.ch, et à La Marive, Yverdon-les-Bains, le 13 novembre à 20 h 30, www.emoi.ch RIGOLADE A part ça, globalement, ça va plutôt bien, de et par Karim Slama, Théâtre de Poche de La Grenette, Vevey, les 12, 14, 15 et 16 novembre, www.theatregrenette.ch SAXOPHONISTE Concert Bill Evans, Forum St-Georges, Delémont, le jeudi 13 novembre à 20 h 30, www.ccrd.ch égé No 69 7 8 9 10 Des védés Plaisirs solidaires Quatre-vingts artistes internationaux réunis dans une exposition traitant du plaisir sous toutes ses formes dans la création contemporaine ; de quoi titiller les sens de tout un chacun. Première étude approfondie sur l’ascendant de la jouissance dans l’art, le design et la mode, Nirvana présente 200 œuvres franchement coquines ou mystérieusement voluptueuses. Du sofa composé d’un enchevêtrement de corps éreintés aux flippantes (et fouettantes !) parures de longs et soyeux cheveux en passant par les combinaisons sadomasochistes et autres accessoires de jeux sexuels en tous genres, les pièces exposées reflètent les mille et une facettes du désir. Sans tabou ni censure, les créateurs conçoivent des meubles aux formes évocatrices, inventent des bijoux aux usages multiples et se jouent des sensations en dévoilant, couvrant, moulant, caressant et excitant la chair. Des objets de plaisir, quels que soient les goûts et les douleurs. Alinda Dufey Nirvana – Les étranges formes du plaisir, Musée de design et d’arts appliqués contemporains (MUDAC), Lausanne, jusqu’au 26 avril 2015, www.mudac.ch Eléphants volent « Je ne suis pas un peintre, je suis un clown qui peint » : à l’évidence, Dimitri est ravi de l’effet obtenu. Et son visage se fend de cet inimitable sourire qu’il balade depuis un demi-siècle sur toutes les pistes et scènes du monde. Rectificatif : « Je peins depuis toujours. J’aime jouer avec les couleurs et les formes. Dans mon métier, et même si cela n’apparaît pas en spectacle, chaque geste est mille fois répété et vient s’inscrire dans un schéma très précis. Devant la toile, c’est l’inverse, je peux laisser libre cours à mon imagination, faire, si je le veux, voler les éléphants. Je n’ai de contraintes que celles que je m’im- pose moi-même, c’est tout dire… » La preuve par une cinquantaine de toiles, aquarelles, lithos et gravures confondues qu’expose depuis le week-end dernier la galerie Plexus à Clarens. Bernard Chassot, directeur et âme du lieu, évoque « un artiste qui rend le monde beau et joyeux ». A deux pas de là, Dimitri tend l’oreille. Sourit à nouveau. Et, du coup, le soleil inonde le jardin de la Villa Murillo… Roger Jaunin Vent d’Est Le vent se lève, un film d’animation avec lequel s’achève l’une des plus grandes carrières cinématographiques de ces dernières décennies. Au niveau de l’animation, Hayao Miyazaki est une figure importantissime comparable seulement, au niveau historique, avec Walt Disney. Il est possible que l’histoire retiendra, avec le recul, qu’il fut créativement supérieur à l’homme un peu réac qui inventa Mickey… Dans cette œuvre testament apparaissent encore une fois les divers thèmes clés du créateur : l’aviation, l’histoire japonaise (plus particulièrement la période charnière des années 20 à 40) et la cohabitation entre écologie et technologie. Par le biais de l’histoire d’un homme qui, ne pouvant devenir pilote, devient concepteur et bouleverse l’histoire de l’aviation, Miyazaki raconte, de manière déguisée, l’histoire de sa vie ainsi que celle de son père qui travailla dans le domaine. Impossible à résumer en quelques phrases, ce film mérite juste un mot : chef-d’œuvre. Michael Frei, Karloff, films cultes, rares et classiques, Lausanne Dimitri expose. Plexus Art Gallery, Villa Murillo, rue du Lac 61, 1815 Montreux/ Clarens. Jusqu’au 30 novembre. Ouvert de jeudi à dimanche entre 14 et 18 h ou sur demande au 026 321 54 35. Epouse de Dimitri, artiste elle aussi, Gunda Salgo expose également une quinzaine de pièces ainsi que 25 sculptures de sa création. Le vent se lève, d’Hayao Miyazaki, 2013, Ghibli, Vf et Vost, DVD et Bluray, 121 min. PUB TRANSFORMATION Boris Dennler – Design from the Lab, Fri Art, Centre d’art de Fribourg, jusqu’au 16 novembre, www.fri-art.ch HORIZONTAL 1 A répétition à la Rifle Association 2 Régime se passant entre quelques puissants 3 Accros du métro-boulot-dodo 4 Rejetée de la société – Sortie de travail – Martien ou Sélénien 5 Pas des masses pour la souillasse – Fera conquête de chevrette 6 Un Aldo qui plus ne bouge à cause des Brigades rouges – Descendant 7 Procéder à l’usinage en garage 8 Overbooké – Palindrome polychrome 9 A la mode démodé – Nière souvent en colère 10 Tenant au secret – Meilleure image pour téléphage. VERTICAL 1 Musique de tous les zigs (2 mots) 2 Ville marine et philippine – Elève qui peu s’élève 3 Ile que commande la Nouvelle-Zélande – Satisfaction après ingestion 4 Galère pour les salaires – Légende pourvu qu’on l’entende – Barack en est plus ou moins le crack 5 Vouée par Blocher au casher – Archipel de la belle Irlande 6 De Mayenne, ses citoyennes – Type comme bradype 7 Où l’on ne débite pas que des bêtises 8 Déterminant à Manhattan – Son char est d’attaque 9 Ile belle selon les Gaëls – Nigaud tout de go 10 Steaks, pastèques ou tartes à sa carte. Solution pour les nuls dans le prochain numéro [email protected] 13 Pajak Prix Médicis Un pur bonheur ! Frédéric Pajak reçoit le Prix Médicis essai 2014 pour son brillant ouvrage écrit et dessiné, Manifeste incertain 3. Nous avions dit le plus grand bien de ses trois premiers volumes dans nos pages. Des ouvrages qui nous plongent dans la mémoire et la culture. Une lumière dans la pénombre des temps. Les Médicis ne sont pas des crétins, merci à eux. Manifeste incertain 3 Frédéric Pajak Les éditions noir sur blanc Des cédés Par l’odeur alléché « Enfin, vous voilà, Vigousse ! » Le guichetier de La Poste n’avait jamais tant souri à notre arrivée : « Votre colis, là, ça pue. » C’est que pour fêter ses 10 ans de complicité, les musiciens de Climax, tous ou presque originaires de la vallée de Joux, ont testé le placement de produit. Un nouveau CD, Heavy Roots, délicatement emballé dans le couvercle d’aubier d’un vacherin Mont-d’Or et adressé à la rubrique culture et gastronomie. Dans la « newsroom » de Vigousse, l’effluve est monté d’un cran et la température à l’écoute de la galette aussi : du bon, du vieux rock qui tache et un humour à faire fondre un fromage. Raphaël Noir, à l’orgue Hammond notamment, Vendredi 7 novembre (20 h 30) Samedi 8 novembre (20 h 30) Dimanche 9 novembre (17 h) Guy Rombaux et les quatre Combiers ont invité Sophie Kummer et Mark Kelly pour un son très « années 1970 ». Définitivement, Climax est le plus grand groupe de rock du monde et Danièle Magnenat, au Séchey, la meilleure fromagère de l’Univers. Jean-Luc Wenger Heavy Roots, de Climax, chez les très bons disquaires. En concert le 21 novembre à Bulle et le 20 décembre à Ovronnaz. Comédien-chanteur Vendredi 7 novembre – 1re partie Capitaine Etc. Une croisière peu commune L’Esprit frappeur Villa Mégroz – 1095 Lutry (VD) www.livestream.com/espritfrappeur Vigousse vendredi 7 novembre 2014 14 15 S u i ss e - F i c t i o n R e b u t S d e p r e ss e Labrador afghan Les morts pour le dire Au risque de se mettre toute la meute des amis des bêtes aux fesses, le journaliste Dominique Botti, dans Le Matin Dimanche (02.11.14), donne la parole à l’auteur « d’un geste d’une violence extrême, d’acharnement, de brutalité et de lâcheté contre Raffy », selon Maître Barillon dans la Tribune de Genève (02.09.14). Courageux, Botti rappelle que l’histoire du labrador blessé a fait la une de plusieurs journaux, surtout du Matin. Tous les ingrédients sont là pour d’émouvants papiers : un animal, un bébé et un fait divers qui finit bien : « Raffy revit grâce à sa prothèse » titrait Le Matin (24.10.14). On se gardera de juger des effets de manche des avocats genevois des deux parties qui utilisent les médias et « Raffy » à titre publicitaire. Dans ce très bon article, un seul bémol : Botti situe les faits au 19 août et, quelques paragraphes plus loin, évoque « le jour de fête nationale ». Le drame du Signalde-Bernex (GE) aurait-il eu lieu en Afghanistan, qui célébrait son indépendance le 19 août ? J.-L. W. En quête de quoi ? L’auditoire, le journal des étudiant-e-s de Lausanne (11.14) s’est amusé à poser 3 questions à Pascale Blattner, journaliste sportive à la RTS. Question, donc : « Qu’est-ce qui vous plaît particulièrement dans le domaine sportif ? » Réponse : « Le fait que les sujets ne soient, en principe, pas trop « délicats ». Ils ne changent pas le monde, on n’a pas à parler de morts, à déranger quand on enquête. » C’est le mot enquête qui dérange ? R. J. Périodiquement, on a droit a une resucée de l’inépuisable thème des « expériences de mort imminente » dans les médias. Récemment, c’était à propos d’une grotesque étude (Vigousse No 207, 17.10.14), et la semaine passée, c’était « à l’occasion de la Toussaint » dans le Lausanne Cités (29.10.14), avec un long article intitulé « Un voyage aux frontières de la mort ». Quoi de neuf alors ? Rien évidemment. Depuis 40 ans qu’on nous vend de la « lumière au bout du tunnel » et des « visions désincarnées » comme la preuve d’une « vie après la mort », pas le moindre progrès n’a été fait dans cette direction. Ça n’empêche pas les journalistes de se précipiter vers l’Institut suisse des sciences noétiques et sa fondatrice Sylvie Déthiollaz dès qu’il s’agit d’aborder ce marronnier totalement défraîchi. Ce « centre » à Genève (dont le fervent rationaliste Jacques Neyrinck est membre du « conseil de fondation ») existe depuis 1999 et prétend conduire « des travaux de recherche » sur le sujet ; un « lieu unique au monde » qui n’est en fait qu’un groupe de soutien et un club de relaxation comme il en existe des milliers d’autres. On y soutient, entre autres âneries, que les hallucinations et les « états modifiés de conscience » sont en fait des visions authentiques d’un autre monde. Niveau « recherche », rappelons que Sylvie Déthiollaz promettait à L’Illustré, en novembre 2011, la publication imminente de ses « travaux scientifiques ». On attend toujours. A ce stade, ce n’est plus de la recherche qu’il faut faire sur ce thème éventé : c’est une autopsie. Sebastian Dieguez PUB Exclusivité mondiale. La première tablette numérique entièrement en vrai papier. CADEAU À TOUS LES ABONNÉS Pour tout renouvellement ou nouvel abonnement, vous recevrez en bonus le recueil « Le mieux de Vigousse 2013». 88 pages, format 24 x 31 cm, valeur CHF 22.– 021 612 02 56 / [email protected] www.vigousse.ch En vente chez Payot et Naville LE CAHIER DES SPORTS TIROIRS-CAISSES Chez Tamedia on a des projets plein les tiroirs. Caisses. L’un des derniers en date est la création d’une sorte de pot commun dans lequel viendraient puiser non seulement l’ensemble des journaux du groupe (Le Matin, Le Matin Dimanche, 24 heures, 20 minutes et la Tribune de Genève), mais également ceux de Romandie Combi, à savoir L’Impartial, L’Express, Le Journal du Jura, Le Quotidien Jurassien, Le Nouvelliste et La Liberté. Les articles proposés traiteraient uniquement des grandes manifestations sportives, principaux tournois de tennis, Tour de France cycliste, matches des équipes suisses de football et de hockey sur glace, GP de F1 et de moto, etc. L’agence ainsi créée serait dirigée depuis le bunker de l’avenue de la Rasude, à Lausanne et, bien sûr, l’essentiel des reportages serait confié à un pool de rédacteurs du Matin, voir de la TG et/ou de 24 heures. Le but de l’exercice est clair : limiter le nombre des envoyés spéciaux, les frais de déplacement, à moyen terme supprimer quelques postes et accessoirement vendre des articles à qui voudra bien les acheter en acceptant de publier les mêmes commentaires que la concurrence. Les titres propriétés de Tamedia, eux, n’auront pas le choix et au sein des rédactions la bataille s’annonce sanglante pour savoir qui couvrira quoi. Pour les autres, les futurs « clients » du groupe zurichois, à condition qu’il s’en trouve, ce sera à prendre ou à laisser. « Si Le Matin Dimanche accepte de nous livrer sa matière pour notre édition du samedi, nous sommes prêts à discuter », sourit malicieusement Louis Ruffieux, rédacteur en chef de La Liberté. Qui nie tout contact… « pour l’instant ». Quand à Vincent Fragnières, son homologue du Nouvelliste, il dégage en touche en direction de Sandra Jean, directrice des rédactions du groupe valaisan « en charge de ce dossier », précise-t-il. Et dont le téléphone sonne désespérément dans le vide… Et ce sera tout pour cette semaine. Episode 12 Après de brefs transferts voués à de simples et ennuyeuses observations passives de la Suisse parallèle, Greta reçoit de Glutz une véritable mission d’enquête en immersion. S ix heures et treize minutes plus tard, Greta débouchait sur la Bundesplatz baignée de soleil. « Pénétrer, comprendre et documenter le centre du pouvoir en Switzerland » : la tâche s’annonçait stimulante, enfin. « Casimir, viens ici ! » cria-t-elle à l’helvétron qui trimballait ses trois lourdes valises et ahanait à vingt pas derrière elle. Elle l’avait libéré sitôt que Glutz eut fixé les objectifs, découvrant une créature rougeaude et blonde dans un costume-cravate gris et fripé, nauséabonde du fait de sa contention prolongée. Eperdu de reconnaissance envers celle qui avait mis fin à son supplice, Casimir s’était montré servile à souhait : une fois lavé au canon à vapeur d’essence de fourmi rouge pressée, il s’était plié avec empressement aux ordres de Greta, jurant de la servir fidèlement, de la guider jusqu’au siège des instances dirigeantes de Switzerland, de ne pas s’enfuir dès son retour dans son monde, de ne pas la dénoncer aux autres helvétrons comme une infiltrée venue d’une dimension parallèle, de ne pas ourdir de tromperie ni de coup fourré d’aucune sorte, et aussi, par surcroît, de tenir ces promesses. « Alors c’est ici, le centre du pouvoir ? » demanda Greta. « Oui… oui, pa… tronne », balbutia son porteur à bout de souffle, le teint écarlate à cramoisi. Elle contempla l’édifice à l’architecture pompeuse et pesante qui barrait la place. Bien qu’elle eût déjà pu constater, au gré des explorations précédentes, le goût marqué des Switzerlandais pour les Est-ce que tu beuzzes ? Toute l’actu qui fait du clic Niouze Les photos prétextes en recrudescence Presse. Selon une étude publiée mercredi passé, l’usage de photos prétextes dans le journalisme aurait augmenté de 178 % depuis 2011. Ces images sorties de banques de données ou directement pompées sur internet permettent d’illustrer des faits divers quand il n’y a pas de représentation visuelle directe et réelle d’un événement. « N’importe quelle merde fait l’affaire, c’est génial ! Il y en a pour les bagarres, le harcèlement au travail, les scènes de crime, tout ! Tu m’étonnes que la pratique soit en hausse, c’est à se demander pourquoi il y a encore des photographes ! » a expliqué Lutz Sonntag, responsable du secteur déontologie pour Tamedia. (Photo : CtrlZ Media) (suite : voir plus tard) Info route Attention, on nous indique la présence simultanée sur l’autoroute A1, à hauteur de Féchy, Rolle, Oftringen, Yverdon et Winterthour, et sur l’A9 un peu partout, et dans les deux sens, de crétins qui refusent de se rabattre alors qu’ils effectuent un dépassement au maximum de la limite de vitesse autorisée. Ils empêchent ainsi les honnêtes citoyens qui les talonnent à quelques centimètres de passer en trombe malgré le fait que ceux-ci ont activé leur clignotant gauche afin de signifier à la misérable vermine qui les précède qu’elle devrait se volatiliser dans les airs, ou en tout cas comprendre que dans un monde meilleur les gens pressés pourraient aussi bien leur passer littéralement au travers. Sinon, à l’échangeur du Vengeron, un cycliste roule en sens contraire en laissant traîner des bidons d’huile derrière lui, ou une connerie dans ce genre, comme d’habitude, quoi. Niouzes Roger Jaunin Sebastian Dieguez Vigousse vendredi 7 novembre 2014 bâtiments inesthétiques en tous genres, elle était comme fascinée par cet hybride improbable, à la fois austère et chargé, solennel et étriqué, massif et disparate, qui avec insistance lui rappelait certaines pâtisseries guatémaltèques. Sur un linteau surmonté d’un fronton gris et nu s’alignaient les mots « CURIA CONFOEDERATIONIS HELVETICAE ». Et sur la coupole qui coiffait le tout flottait un immense drapeau rouge et or arborant les lettres « SBU ». « Bon, eh bien au travail : entrons voir », dit Greta en faisant un pas vers l’imposante façade. « Mais euh… vous ne vouliez pas aller au siège du pouvoir, patronne ? » intervint Casimir. « C’est là-bas », ajouta-t-il en indiquant du pouce un point à l’angle opposé de la place. Pile-poil. Un rapport indique qu’il n’y a strictement aucune polémique à propos du traitement officiel et médiatique de la mort des cinq membres de la Fédération vaudoise des entrepreneurs, lors du tragique accident d’hélicoptère du 2 octobre dernier. « Après un examen attentif, il s’avère que cette affaire a été traitée dans les règles de l’art », rapporte l’audit effectué sur les médias et l’Etat de Vaud. « Honnêtement, c’était d’une dignité ahurissante. Il se trouve qu’on en a fait exactement ni trop ni trop peu. C’est assez fou, mais au millimètre près, tout cela aurait pu paraître soit inhumain, soit obscène, or les autorités et les journalistes ont mis en plein dans le mille, précisément juste ce qu’il faut, ni plus ni moins. Personne, absolument personne, n’y a donc trouvé rien à redire », conclut le document que personne pour l’heure ne songe non plus à remettre en question. Vigousse vendredi 7 novembre 2014 16 { B é B E RT D E PLONK & REPLONK } LA S UITE AU P R O C H AIN NU M É R O Markus Lehmann en danseuse De temps en temps, il faut mettre les héros de l’ombre à l’honneur. Prenons Markus Lehmann, par exemple. Bien sûr, son nom ne vous dit rien. Il n’en demande pas tant : lui, sa joie, c’est simplement de travailler d’arrache-pied pour la Suisse et pour son peuple, dans la plus totale abnégation de soi. Membre de la Commission des transports et des télécommunications, ce conseiller national PDC bâlois ne songe qu’à la sécurité de ses concitoyens. C’est ainsi que le 25 septembre il déposait une motion intitulée « Sauver des vies : punir plus durement les chauffards du guidon ». On y lit qu’il faut des mesures plus sévères pour viser les « voyous qui causent des accidents et des souffrances par leur manque de respect inouï des règles de vie en commun ». Les cyclistes, donc. Ces « fous », on le sait, « roulent sur le trottoir sans aucun égard pour les piétons » et mettent la vie « des autres Vigousse vendredi 7 novembre 2014 en danger ». La solution contre ce fléau diabolique ? Une « Via Sicura » pour les deux-roues, des caméras partout, une nouvelle taxe pour cyclistes, la réintroduction de la plaque d’immatriculation (retirée en 2010 sur une proposition du PDC, soit dit en passant) et le flicage généralisé de la petite reine. Dans un geste de lâcheté inouïe, faisant fi de la préoccupation principale des Suisses et de leur haine bien légitime à l’égard des djihadistes-à-vélo qui veulent leur peau, le Conseil fédéral lui a répondu récemment ceci : « T’es au courant qu’il y a déjà des lois pour ces trucs ? Ça s’appelle le code de la route, ducon. » On cite de mémoire, bien sûr. Lehmann, Dieu soit loué, ne désarme pas pour autant. En bon démocrate-chrétien, il sait que son combat est soutenu par JésusChrist lui-même. On se rappelle en effet la célèbre parabole du cycliste de Babylone, cet infâme bobo qui zigzaguait parmi les honnêtes marchands du Temple et que Jésus, d’un seul regard, maudit sur 33 fois 33 générations. Dans un monde meilleur, les Markus Lehmann en 4x4 pourraient défoncer à loisir les salopards à vélo. Pour l’heure, hélas, la loi leur permet seulement d’encombrer et de polluer nos villes. Et le Parlement. Sebastian Dieguez Il a dit la semaine prochaine (ou du moins ça se pourrait bien) « Au jeu de balles, Federer mène 4 à 1. » N. Djokovic Vigousse Sàrl, rue du Simplon 34, CP 1499, CH-1001 Lausanne > www.vigousse.ch > [email protected], tél. +41 21 612 02 50 Directeur rédacteur en chef : Barrigue Rédacteur en chef adjoint : Laurent Flutsch Chef d’édition : Roger Jaunin Journalistes : Alinda Dufey, Jean-Luc Wenger Correction : Victor Gagnaux Abonnements : [email protected] > Tél. +41 21 612 02 56 Publicité : IRL Plus, ch. du Closel 5, 1020 Renens, 021 525 48 73, fax 021 525 48 01, E-mail : [email protected] – MEDIALIVE SA, Oetlingerstrasse 10, 4057 Bâle, tél. 061 561 52 80, [email protected] Layout et production : www.unigraf.com Impression : CIR, Sion > Tirage : 13 000 ex.