COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE

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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
MONTRÉAL
C-2015-4045-2 (14-0691-1)
DOSSIER :
LE 31 MAI 2016
SOUS LA PRÉSIDENCE DE Me LOUISE RIVARD
LE COMMISSAIRE À LA DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
c.
L’agente JOLYANE LEDOUX, matricule 819
Membre du Service de police de la Ville de Laval
DÉCISION
CITATION
[1]
Le 7 avril 2015, le Commissaire à la déontologie policière (Commissaire) dépose
au Comité de déontologie policière (Comité) la citation suivante :
«
Le Commissaire à la déontologie policière cite devant le Comité de
déontologie policière l’agente Jolyane Ledoux, matricule 819, membre du
Service de police de la Ville de Laval :
Laquelle, à Laval, le ou vers le 28 mars 2014, alors qu’elle était dans
l’exercice de ses fonctions, ne s’est pas comportée de manière à
préserver la confiance et la considération que requiert sa fonction à
l’égard de monsieur Donald Bérubé, commettant ainsi autant d’actes
dérogatoires prévus à l’article 5 du Code de déontologie des policiers
du Québec (Chapitre P-13.1, r. 1) :
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1. en faisant usage d’un langage blasphématoire ou injurieux à son
endroit;
2. en lui manquant de respect et de politesse;
Laquelle, à Laval, le ou vers le 28 mars 2014, alors qu’elle était dans
l’exercice de ses fonctions, a abusé de son autorité à l’égard de
monsieur Donald Bérubé, commettant ainsi autant d’actes
dérogatoires prévus à l’article 6 du Code de déontologie des policiers
du Québec (Chapitre P-13.1, r. 1) :
3. en le menaçant et en l’intimidant;
4. en lui ordonnant de détruire une ou des images (photographies) lui
appartenant;
Laquelle, à Laval, le ou vers le 28 mars 2014, alors qu’elle était dans
l’exercice de ses fonctions, n’a pas respecté l’autorité de la loi ni
contribué à l’administration de la justice à l’égard de monsieur Donald
Bérubé, commettant ainsi autant d’actes dérogatoires prévus à
l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec
(Chapitre P-13.1, r. 1) :
5. en le détenant illégalement;
6. en procédant sans droit à la fouille de son téléphone cellulaire;
7. en ne respectant pas ses droits protégés par les Chartes à une
défense pleine et entière;
8. en lui demandant illégalement de détruire une ou des images
(photographies) lui appartenant. »
REMARQUES PRÉLIMINAIRES
[2]
La procureure du Commissaire demande à ce que soit amendé le chef 6 de la
citation pour que les mots « téléphone cellulaire » soient remplacés par « appareil
photographique ». Le Comité faisant droit à la demande d’amendement, ledit chef se
lira comme suit : « en procédant sans droit à la fouille de son appareil
photographique ».
[3]
Les parties s’entendent sur le fait que le plaignant n’a jamais entendu la policière
appeler du renfort. Elle n’a fait aucune demande d’assistance entre 9 h et 9 h 43 le
28 mars 2014.
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FAITS
[4]
Le 28 mars 2014, M. Donald Bérubé, au volant de son véhicule
Ford Econoline 2011, se rend chez son coiffeur sur le boulevard Saint-Martin, à
l’intersection du boulevard Le Corbusier. Après avoir circulé sur l’autoroute 13 en
direction sud, il emprunte l’avenue des Bois en direction ouest.
[5]
M. Bérubé fait un demi-tour à l’intersection de la Montée Champagne, afin
d’emprunter l’avenue des Bois en direction est.
[6]
Policière en service depuis 2002, auparavant affectée au « Développement des
ressources humaines ─ section formation », l’agente Jolyane Ledoux, du Service de
police de la Ville de Laval, a depuis peu été mutée à la sécurité routière. Elle travaille
seule et est au volant de son véhicule de patrouille lorsqu’elle se dirige vers ladite
intersection pour effectuer une opération visant à faire respecter la signalisation à cet
endroit.
[7]
Vers 9 h 18, elle voit le véhicule conduit par M. Bérubé faire demi-tour à
l’intersection. Elle active la sirène et les gyrophares de son véhicule.
[8]
M. Bérubé se range sur l’accotement, en direction est sur l’avenue des Bois, soit
à environ 100 pieds de l’intersection où il a effectué le virage.
[9]
L’agente Ledoux se range derrière le véhicule de M. Bérubé, en bordure de la
route, tout en gardant un corridor de sécurité. À ce moment du jour, la chaussée est
mouillée et la circulation est assez rapide, la limite permise étant de 70 km/h.
[10] L’agente Ledoux se dirige vers M. Bérubé et lui indique où est le panneau, en
mentionnant l’interdiction de virage tel qu’il l’a fait. Elle lui demande ses papiers, soit
son permis de conduire, sa preuve d’assurances et l’immatriculation du véhicule. Il lui
remet sans problème ses papiers, lui dit qu’il n’est pas du secteur et qu’il n’a pas vu de
panneau indicateur.
[11] M. Bérubé témoigne que l’agente Ledoux lui montre du doigt l’endroit où se
trouve le panneau de signalisation tout en lui mentionnant qu’il a fait un virage interdit. Il
ne voit pas l’affiche et il doute, à ce moment, qu’il y ait une telle interdiction. La policière
rapporte que M. Bérubé semble sur la défensive au départ, un peu mal à l’aise de s’être
fait prendre en défaut ou peut-être qu’il n’est pas vraiment au courant de la présence du
panneau à l’intersection.
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[12] La policière retourne à son véhicule pour faire les vérifications de son permis de
conduire et de l’immatriculation de sa voiture au Centre de renseignements policiers du
Québec. Tout est en ordre.
[13] M. Bérubé a toujours avec lui son appareil photographique qu’il utilise
fréquemment pour son travail. Ne pouvant voir le panneau et dans l’intention, plus tard,
d’agrandir les photos afin de le voir et de lire ce qui y est inscrit, il prend des photos au
hasard en direction de l’affiche indiquée par la policière.
[14] Pour ce faire, il demeure assis avec sa ceinture bouclée, il étend un bras à
l’extérieur avec en main son appareil photographique et prend les photos avec difficulté.
Trois photos sont prises pendant que la policière est à l’intérieur de son véhicule de
patrouille et une dernière alors qu’elle marche de nouveau vers lui.
[15] Au moment où elle est dans son véhicule, l’agente Ledoux voit qu’un bras du
conducteur est sorti par la fenêtre de sa camionnette et qu’il semble prendre des photos
à l’aide d’un appareil.
[16] L’agente Ledoux rédige ensuite la portion du constat d’infraction1 qui sera remis
au conducteur, ce qui lui prend environ quatre minutes.
[17] Alors qu’elle est toujours dans le véhicule de patrouille, elle inscrit l’heure de la
constatation de l’infraction, soit 9 h 18, de même que l’heure de signification du constat,
soit 9 h 23, présumant qu’elle lui remettra en dedans d’une minute cette inscription faite
à 9 h 22. Elle dit être demeurée de trois à quatre minutes dans le véhicule, le temps de
faire les vérifications et de rédiger le constat d’infraction.
[18] Au moment de sortir du véhicule, elle se donne une marge d’une minute pour
des explications. En réalité, il y a été question des photos, ce qui a duré, selon elle,
moins d’une minute.
[19] M. Bérubé prend la dernière photo alors que la policière est ressortie de son
véhicule et se trouve près du pare-chocs arrière de son camion, un Econoline allongé.
Elle se trouve à environ douze pieds et demi de la portière du conducteur. Sur cette
photo, on peut la voir de même que plus loin derrière elle.
[20] Les photos n’ont pas été prises en rafale, mais avec une attente d’environ
quatre secondes entre chaque prise.
1
Pièce C-1.
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[21] L’agente Ledoux revient vers la camionnette avec en main les papiers d’identité
et le constat d’infraction. Elle ressent un malaise, car elle pense avoir été photographiée
et qu’il a sa photo dans son appareil, et elle se demande pour quelle utilité. Elle n’est
pas à l’aise avec le fait que M. Bérubé conserve une photo d’elle.
[22] De plus, elle a l’impression que cette photo a été prise pour faire pression sur
elle afin qu’elle n’émette pas de constat, alors qu’elle n’a pas l’intention d’utiliser son
pouvoir discrétionnaire.
Échanges entre l’agente Ledoux et M. Bérubé à la suite de la prise de photos
Version du Commissaire
[23] L’agente Ledoux aborde M. Bérubé en lui demandant de lui montrer son appareil
photographique. Il lui demande pourquoi, en ajoutant qu’il a pris des photos pour voir où
est situé le panneau d’interdiction. Elle lui répond qu’elle veut voir les photos qu’il a
prises.
[24] M. Bérubé a un moment d’hésitation parce qu’il pense qu’il n’est pas interdit
d’avoir une policière sur une photo. C’est là que le ton de voix de la policière augmente
considérablement.
[25] L’agente Ledoux lui dit « Donne-moi ton hostie de Kodak » ou « Montre-moi ton
hostie de Kodak ». Il affirme avoir eu bien peur parce qu’elle a ajouté « Si tu ne me
donnes pas ton hostie de Kodak, je vais faire venir dix chars de police, puis on va te le
saisir, ton hostie de Kodak » ou « Je vais faire venir dix polices, puis on va te le saisir,
ton hostie de Kodak ».
[26] Étant très nerveux, M. Bérubé ne trouve plus son appareil photographique. Il
affirme, de l’émotion dans la voix, que, pendant qu’il fouillait dans son véhicule, entre
les sièges, il s’est dit que la policière pouvait penser qu’il cherchait une arme. Pour lui, il
est certain que lorsque les policiers ne voient plus les mains d’une personne, ils
craignent et pensent que la personne cherche une arme. Il dit avoir déjà vu une scène
où le policier dit « J’ai cru voir une arme » puis bang, c’est fini.
[27] M. Bérubé ajoute qu’il avait très peur. Il pensait aux interventions policières qui
finissent mal. Il pensait à l’événement récent concernant le jeune homme dans le terrain
de stationnement à Trois-Rivières. Il pensait aussi au musicien dans le temps des
« Carrés rouges », puis il n’avait pas le goût de se faire tabasser ce matin-là. Le tout
pouvait mal se terminer.
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[28] À un moment donné, elle lui demande ce qu’il fait. Il répond « Je cherche l’hostie
de Kodak », en utilisant les mêmes mots que la policière.
[29] Après que M. Bérubé ait trouvé son appareil photographique, il lui montre une
photo. Elle dit « suivante ». Il n’est pas parti dans la bonne direction et il tombe sur
une photo qui n’a aucun rapport avec la situation. Elle lui dit « recule ». Il obtempère et
quand il arrive sur une photo, elle lui dit de l’effacer. Il le fait. Il arrive sur une autre
photo et elle lui dit de l’effacer aussi et il l’enlève. Quant à la dernière photo, elle ne lui a
pas demandé de l’effacer.
[30] Après que les photos ont été effacées, elle lui remet ses papiers et le constat
d’infraction et il quitte les lieux.
Version policière
[31] Arrivée à la hauteur du conducteur, la policière demande à M. Bérubé ce qu’il a
pris en photo, mais elle ne se souvient pas des paroles qu’elle a utilisées pour lui faire
cette demande.
[32] M. Bérubé lui dit alors qu’il a pris en photo ce qu’il y a sur le panneau et
l’intersection. Elle lui répond que le panneau en question n’est pas visible de l’endroit où
ils se trouvent et qu’il devra par la suite retourner à l’intersection pour mieux le voir.
Sachant cela, elle croit que c’est elle qu’il a prise en photo et elle veut vérifier.
[33] Lorsqu’elle s’informe de ce qu’il y a dans son appareil photographique,
M. Bérubé lui apparaît normal et il se retourne immédiatement pour le chercher. Il
accepte de lui montrer les photos. Elle a ajouté qu’il l’a fait sans hésiter et que tout est
redevenu calme.
[34] Elle affirme avoir un ton de voix directif de nature et que, en raison de la
chaussée mouillée et du bruit de la circulation, il est possible qu’elle ait haussé le ton.
Elle ajoute que, à cause de son environnement, elle devait moduler le ton de sa voix
afin qu’il la comprenne.
[35] Il se retourne et se penche, pendant quelques secondes, à la recherche de son
appareil dans l’habitacle, sur le plancher entre les deux sièges. Ceci a duré quelques
secondes, mais étant donné sa petite taille, elle ne voyait pas exactement ce qu’il
faisait.
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[36] Elle lui demande ce qu’il fait et il lui répond : « Je cherche mon hostie de
Kodak ». Elle lui rétorque : « Il ne devrait pas être bien loin votre hostie de Kodak ». Elle
dit avoir seulement repris les mêmes termes que M. Bérubé. Quelques secondes après,
il retrouve son appareil.
[37] Elle lui demande à nouveau de lui montrer les photos qu’il a prises en ajoutant
que, s’il a pris des photos de l’intersection et du panneau, il n’y aura pas de problème
avec ça, que cela sera correct et qu’il pourra quitter les lieux.
[38] M. Bérubé accepte de lui montrer les photos qu’il a prises. En aucun moment,
l’agente Ledoux n’a eu l’impression qu’il refusait de lui montrer les photos. Si tel avait
été le cas, elle l’aurait laissé partir.
[39] L’agente Ledoux ne lui a pas ordonné de lui montrer les photos, elle lui a
demandé et il a accepté. S’il avait refusé, elle aurait quitté les lieux. Elle n’avait pas le
pouvoir d’exiger de voir les photos. Il avait le choix de les montrer ou pas, de les
détruire ou pas. Elle avoue ne pas avoir mentionné à M. Bérubé qu’il avait le droit de
refuser.
[40] Elle regarde le contenu de l’appareil numérique et constate que deux photos
montrent l’intersection et qu’elle apparaît sur deux autres photos. Elle lui demande de
les effacer. Elle lui dit qu’il n’y a pas d’inconvénient pour elle à ce qu’il conserve les
autres. M. Bérubé accepte de les supprimer sans hésiter et la situation redevient calme.
[41] La policière dit ne pas avoir ordonné, mais avoir demandé à M. Bérubé d’effacer
les photos, sans qu’elle l’informe qu’il était en droit de refuser.
[42] Elle décrit les deux photos comme suit : l’une la montrait assise à l’intérieur de la
voiture de patrouille. C’était une photo en zoom, prise à travers le pare-brise. On voyait
son visage à l’intérieur du véhicule et il était plus imposant dans cette photo que le reste
du paysage.
[43] L’autre photo a été prise alors que la policière était debout à l’extérieur de son
véhicule, au moment où elle se trouvait environ à la hauteur du pare-chocs arrière de la
camionnette de M. Bérubé. On y voit le véhicule de patrouille, l’intersection avec le feu
de circulation et un gros plan sur elle et son visage.
[44] La policière nie avoir fait des menaces à l’endroit de M. Bérubé, dont celle de
faire venir dix policiers ou dix voitures de police.
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[45] Une fois les photos effacées, elle lui a donné des explications quant au constat
d’infraction et M. Bérubé a pu quitter les lieux.
[46] Finalement, elle affirme que, si un journaliste la prenait en photo, elle ne lui aurait
pas demandé de l’effacer.
La suite des événements
[47] À la suite du départ de M. Bérubé, l’agente Ledoux complète l’endos du constat2.
Il constitue ses notes personnelles, car elle n’a pas fait d’autre rapport.
[48] Bien qu’abasourdi par ce qui venait de se passer, M. Bérubé se rend comme
prévu chez son coiffeur.
[49] Après réflexion, compte tenu de la façon dont il a été traité, il se rend au poste de
police. Il y rencontre le sergent Alain Courchesne à qui il se plaint de la conduite de
l’agente Ledoux. Il donne une déclaration3 détaillée de l’événement de 11 h 4 à 12 h.
[50] Dans cette déclaration, M. Bérubé réitère le comportement de l’agente Ledoux
qu’il a jugé inapproprié. Il affirme ce qui suit :
« Peu après, 3-4 minutes plus tard, la policière revient me voir, les papiers
dans les mains, et me dit : “Je veux voir votre kodak!”. J’ai demandé pourquoi.
Elle m’a dit qu’elle voulait voir les photos que je venais de prendre. J’ai hésité.
Elle a dit alors : “Je veux voir ton esti de kodak!!” “Si tu me montre pas les
photos que t’as pris, je vais faire venir 10 polices (ou 10 chars de police, je
suis pas certain) pis on va le saisir ton esti de kodak!” ». (sic)
[51] Le sergent Courchesne lui remet les formulaires pour une plainte en déontologie
policière. Il lui demande de lui faire parvenir les deux photos4 qui n’ont pas été effacées
et qui sont demeurées dans son appareil photographique, ce qu’il a fait.
[52] Vers 13 h, M. Bérubé retourne sur les lieux afin de s’assurer qu’il existe bien un
panneau mentionnant l’interdiction. C’est alors qu’il constate que l’affiche en question
est de l’autre côté de l’intersection et qu’elle lui avait été cachée par le gros camion qui
le précédait sur la route, alors qu’il s’apprêtait à faire le virage interdit.
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3
4
Pièce C-1.
Pièce C-3 (en liasse).
Pièce C-3 (en liasse).
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[53] M. Bérubé conteste le constat d’infraction devant la cour municipale, car il
considère que l’endroit où se trouve le panneau indicateur constitue en quelque sorte
un piège pour les automobilistes.
[54] Lors du procès, le juge lui a demandé s’il y avait un panneau interdisant le
demi-tour. Aussitôt qu’il l’a confirmé, le juge l’a trouvé coupable de l’infraction
reprochée. Il dit ne pas avoir eu l’opportunité de montrer les deux photos au juge.
APPRÉCIATION DE LA PREUVE ET MOTIFS DE LA DÉCISION
[55] Le Comité commencera son appréciation avec les chefs 6, 4 et 8 de la citation,
suivie par celle des chefs 1, 2 et 3, et enfin par les chefs 5 et 7 de la citation.
Chef 6 (en procédant sans droit à la fouille de son appareil photographique)
Chef 4 (en lui ordonnant de détruire une ou des images [photographies] lui
appartenant)
Chef 8 (en lui demandant illégalement de détruire une ou des images
[photographies] lui appartenant)
[56] Le Commissaire reproche à l’agente Ledoux d’avoir procédé sans droit à la
fouille de l’appareil photographique de M. Bérubé, à l’encontre de l’article 7 du Code de
déontologie des policiers du Québec5 (Code), de lui avoir ordonné de détruire une ou
des photos lui appartenant et de lui avoir demandé illégalement de détruire une ou des
photos lui appartenant, contrairement aux articles 6 et 7 respectivement du Code.
[57] M. Bérubé affirme que l’agente Ledoux lui a demandé de voir son appareil
photographique. Il voulait savoir pourquoi, étant donné qu’il avait pris des photos pour
voir où était situé le panneau d’interdiction. La policière a réitéré qu’elle voulait voir les
photos.
[58] M. Bérubé poursuit en disant qu’il a hésité, pensant qu’il n’était pas interdit
d’avoir une photo d’une policière dans son appareil. C’est à ce moment que le ton de
voix de la policière a augmenté et qu’elle lui a ordonné de lui montrer son appareil
photographique.
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RLRQ, c. P-13.1, r. 1.
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[59] M. Bérubé ajoute que, vu sa nervosité, il avait de la difficulté à le trouver. Après
l’avoir trouvé, il a montré chaque photo à la policière et il a dû effacer, à la suite de
l’ordre de celle-ci, les deux photos où elle apparaissait.
[60] L’agente Ledoux affirme que M. Bérubé accepte de lui montrer les photos qu’il a
prises et que, en aucun moment, elle n’a eu l’impression qu’il refusait de les lui montrer.
Par contre, lors du contre-interrogatoire, elle modifie sa version et mentionne que
M. Bérubé a eu une légère hésitation, mais qu’il a accepté de chercher son appareil
photographique, de lui montrer les quatre photos et d’effacer les deux photos où elle
apparaissait.
[61]
Le Comité ne retient pas la version policière pour les motifs qui suivent.
[62] Au début de son témoignage, l’agente Ledoux affirme avoir ressenti un malaise,
pensant avoir été photographiée et que la photo serait en permanence en possession
de M. Bérubé. Elle ajoute avoir eu l’impression que sa photo avait été prise pour faire
pression sur elle afin qu’elle ne lui donne pas de constat d’infraction.
[63] La policière veut voir les photos même après que M. Bérubé lui ait dit qu’il avait
tenté de photographier ce qu’il y avait sur le panneau et l’intersection. En aucun temps,
M. Bérubé a demandé de ne pas lui émettre de constat.
[64] Après cette explication de M. Bérubé, la crainte de la policière aurait dû, si elle
était véridique, s’être estompée, sachant qu’il cherchait à prendre en photo le panneau
indicateur qu’il n’avait pas vu.
[65] La policière insiste et lui demande de nouveau de lui montrer les photos en
ajoutant que, si les photos prises montrent le panneau et l’intersection, M. Bérubé
pourra quitter les lieux. Ces paroles démontrent que M. Bérubé n’avait pas le libre choix
de ne pas lui montrer les photos, mais qu’il y était contraint. La policière lui a donc
imposé une condition pour le libérer et le laisser quitter les lieux, ce qui ne lui était pas
permis de faire.
[66] L’agente Ledoux poursuit son témoignage et, selon sa version, elle ne semble
plus importunée. Elle affirme que, en aucun moment, elle n’a eu l’impression que
M. Bérubé refusait de lui montrer les photos. Si tel avait été le cas, elle l’aurait laissé
partir, ce qui ne concorde pas avec son attitude.
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[67] La policière admet savoir qu’elle n’avait pas le pouvoir d’exiger de voir les
photos. Elle dit que M. Bérubé avait le choix de les lui montrer ou pas, ajoutant ne pas
l’avoir informé qu’il avait le droit de refuser de les lui montrer. Elle ajoute que, si un
journaliste la prenait en photo, elle ne lui demanderait pas de l’effacer.
[68] Pourquoi avoir deux façons d’agir, celle envers un journaliste et celle envers
M. Bérubé? C’est parce qu’elle ment.
[69] M. Bérubé affirme n’avoir jamais consenti à lui montrer les photos et d’avoir
même mis en doute le pouvoir de la policière de l’exiger. Cela a choqué la policière qui
alors aurait dû l’informer qu’il avait le droit de refuser, ce qu’elle n’a pas fait.
[70] C’est par peur et par crainte de représailles que M. Bérubé a récupéré son
appareil photographique et que, à la suite de l’ordre de la policière, il lui a montré les
quatre photos et il a dû effacer deux d’entre elles, à sa demande.
[71] Il convient de rappeler deux parties du témoignage de l’agente Ledoux. Elle
affirme avoir utilisé un ton directif à l’endroit de M. Bérubé. En contre-interrogatoire, elle
le mentionne, mais sans pouvoir définir ce que ce qualificatif signifiait, bien que
longuement contre-interrogée là-dessus.
[72] De plus, elle déclare que la situation est redevenue calme après que M. Bérubé
soit allé chercher son appareil photographique et qu’il ait accepté de lui montrer les
photos.
[73] Ces deux aspects du témoignage de l’agente Ledoux démontrent que son ton
directif se traduit par une augmentation du ton de sa voix, après que M. Bérubé ait eu
un moment d’hésitation à la suite de son ordre de lui montrer les photos. Effectivement,
la situation est redevenue calme après que M. Bérubé ait récupéré son appareil
photographique pour lui montrer les photos.
[74] Bien que la policière n’ait pas tenu physiquement l’appareil photographique dans
ses mains, elle a obligé M. Bérubé à le chercher, à le tenir, puis à le mettre en fonction
afin de lui divulguer le contenu. Ceci équivaut à une fouille de l’appareil. Le simple fait
que M. Bérubé l’ait manipulé à la place de l’agente Ledoux et selon les ordres de
celle-ci équivaut à une fouille pratiquée par cette dernière.
[75] L’agente Ledoux n’était pas justifiée, dans les circonstances, M. Bérubé n’ayant
pas nui à son travail, d’exiger qu’il lui produise son appareil photographique et, plus
encore, qu’il lui divulgue son contenu.
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[76] M. Bérubé avait pris des photos avec son appareil photographique de
l’environnement où s’est déroulée l’infraction qui lui est reprochée. Il n’avait commis
aucune infraction et pas davantage parce que la policière figurait sur certaines photos.
[77] Le Comité considère également qu’il n’est pas raisonnable de se dire intimidée
par une personne qui se livre à une activité légitime. L’agente Ledoux le savait même
très bien, puisqu’elle n’aurait pas fait une telle demande à un journaliste.
[78] L’agente Ledoux, qui comptait près de dix ans d’expérience, a agi avec une
ignorance inacceptable de ses pouvoirs et a commis une erreur inexcusable en
obligeant M. Bérubé à lui exhiber son appareil photographique et à lui divulguer son
contenu6.
[79] L’agente Ledoux, pour être mal à l'aise, devait avoir des motifs le justifiant, ce qui
n’est pas le cas en l’espèce.
[80] Le Comité est d’avis que la policière voulait absolument voir les photos au
détriment des droits de M. Bérubé. Elle est allée encore plus loin en lui intimant l’ordre
d’en détruire deux. Le fait qu’elle ait été contrariée par la prise de photos d’elle-même a
ajouté à son insistance pour les faire effacer. Elle lui en a fait une condition afin de lui
permettre de quitter les lieux.
[81] Rien n’interdit à un citoyen de filmer ou de photographier l’intervention d’un
policier, ceci étant devenu si facile avec les nouveaux appareils à la disposition du
public. Le policier doit désormais composer avec cette réalité.
[82] Par ailleurs, ce droit du citoyen s’arrête là où le pouvoir du policier d’interdire de
photographier ou de filmer prend naissance, c’est-à-dire au moment où ce geste ou la
situation qu’il crée perturbe son travail ou constitue une forme d’intimidation7.
[83] Dans la présente affaire, la preuve démontre que M. Bérubé n’a aucunement
perturbé le travail de l’agente Ledoux.
[84] Pour tous ces motifs, le Comité conclut que l’agente Ledoux a dérogé à l’article 7
du Code en procédant sans droit à la fouille de l’appareil photographique de M. Bérubé.
6
Commissaire c. Groleau, 2010 CanLII 10569 (QC CDP).
Commissaire c. Ouellet, 2012 CanLII 64437 (QC CDP); Commissaire c. Pageau, 2011 CanLII 24864
(QC CDP) (confirmée par Simard c. Pageau, 2012 QCCQ 5570 [CanLII]) et Commissaire c. Groleau,
précitée, note 6.
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[85] Le Comité conclut également que l’agente Ledoux a dérogé à l’article 7 du Code
en demandant illégalement à M. Bérubé de détruire deux des photographies lui
appartenant.
[86] La similitude du chef 4 avec le chef 8 de la citation amène le Comité à appliquer
les principes dégagés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Kienapple8 dans le
but d’éviter des condamnations multiples provenant d’une même conduite. Il ordonnera
donc l’arrêt conditionnel des procédures sur le chef 4 de la citation.
Chef 1 (en faisant usage d’un langage blasphématoire ou injurieux)
Chef 2 (en lui manquant de respect et de politesse)
Chef 3 (en le menaçant et en l’intimidant)
[87] Le Commissaire reproche à l’agente Ledoux d’avoir fait usage d’un langage
blasphématoire ou injurieux et d’avoir manqué de respect et de politesse à l’endroit de
M. Bérubé, contrevenant ainsi à l’article 5 du Code. Il lui reproche également d’avoir
menacé et intimidé M. Bérubé, contrevenant ainsi à l’article 6 du Code.
[88] M. Bérubé reproche à l’agente Ledoux des propos qu’elle aurait eus envers lui à
la suite d’un moment d’hésitation de sa part alors qu’il ne pensait pas que c’était interdit
d’avoir un policier sur une photo.
[89] Avec un ton imposant, différent de celui qu’elle avait eu lors de l’interception,
alors qu’il cherchait son appareil photographique, elle se serait exprimée en disant
« Donne-moi ton hostie de Kodak » ou « Montre-moi ton hostie de Kodak ».
[90] M. Bérubé affirme avoir eu bien peur car, par la suite, d’autres paroles ont suivi,
soit « Si tu me donnes pas ton hostie de Kodak, je vais faire venir dix chars de police,
puis on va te le saisir, ton hostie de Kodak » ou « Je vais faire venir dix polices et on va
te le saisir ton hostie de Kodak ».
[91] L’agente Ledoux témoigne qu’elle a demandé poliment à M. Bérubé ce qu’il avait
pris en photo, mais elle ne se souvient pas des paroles qu’elle a prononcées pour faire
sa demande.
8
Kienapple c. R., 1974 CanLII 14 (CSC).
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[92] D’autre part, elle dit que, alors qu’elle lui demande ce qu’il fait et qu’il lui répond
« Je cherche mon hostie de Kodak », elle lui rétorque : « Il ne devrait pas être bien loin
votre hostie de Kodak ». Elle justifie sa façon de s’exprimer en disant avoir seulement
repris les mêmes termes que M. Bérubé et que le sacre « hostie » est relié à l’appareil
photographique et non à M. Bérubé.
[93] Le Comité trouve invraisemblable la version policière et doute que
l’agente Ledoux ne se souvienne pas des paroles qu’elle ait prononcées pour
demander à M. Bérubé de lui montrer les photos prises.
[94] Le Comité croit que la policière, en raison du malaise ressenti, de sa petite taille
qui faisait en sorte qu’elle ne voyait pas très bien ce que M. Bérubé faisait à l’intérieur
de l’habitacle et devant le fait qu’il ne retrouvait pas rapidement l’appareil
photographique, s’est alors impatientée et s’est adressée à lui dans les termes qui lui
sont reprochés, soit « Donne-moi ton hostie de Kodak » ou « Montre-moi ton hostie de
Kodak ».
[95] S’exprimant ainsi, l’agente Ledoux a, afin de marquer son point, utilisé un sacre
dans ses propos à l’endroit de M. Bérubé aux fins de s’imposer à lui et de capter
davantage son attention. Cette façon de se comporter est inappropriée et impolie
envers ce dernier.
[96] Le Comité conclut donc que l’agente Ledoux a dérogé à l’article 5 du Code en
faisant usage d’un langage blasphématoire ou injurieux à l’endroit de M. Bérubé.
[97] À l’évidence, ce langage blasphématoire ou injurieux à l’endroit de M. Bérubé
constitue également un manque de respect et de politesse.
[98] La similitude du chef 2 avec le chef 1 de la citation amène le Comité à appliquer
les principes dégagés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Kienapple9 dans le
but d’éviter des condamnations multiples provenant d’une même conduite. Il ordonnera
donc l’arrêt conditionnel des procédures sur le chef 2 de la citation.
[99] Par ailleurs, le Comité croit M. Bérubé lorsqu’il dit que la policière s’est adressée
à lui comme suit, soit « Si tu ne me donnes pas ton hostie de Kodak, je vais faire venir
dix chars de police, puis on va te le saisir, ton hostie de Kodak » ou « Si tu ne me
donnes pas ton hostie de Kodak, je vais faire venir dix polices puis on va te le saisir, ton
hostie de Kodak ». Comme telle, la policière a agi de façon menaçante et intimidante à
son endroit.
9
Précitée, note 8.
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[100] Dans l’affaire Cyr10, le Comité définit la notion d’intimidation, en ces termes :
« Le dictionnaire de l’Académie française contient quant à lui la définition
suivante du mot “intimidation’’ : “action d’intimider’’. Quant au mot “intimider’’, il le
définit comme suit : “troubler quelqu’un en lui causant de la crainte, de
l’appréhension’’.
Cette dernière définition jointe à celle du dictionnaire Robert, dans son sens fort,
semble bien convenir au cas en litige. En effet, selon le Comité, en employant le
mot “intimidation’’ dans le Code de déontologie des policiers du Québec, le
Législateur visait en outre l’emploi de force, d’autorité ou de volonté de la part
d’un policier afin d’amener quelqu’un à faire quelque chose qu’il n’était pas obligé
d’accomplir. »
[101] L’agente Ledoux était déterminée à faire effacer les photos où on la retrouvait. À
l’évidence, ces propos de la policière ont créé chez M. Bérubé une peur, comme il l’a
affirmé lors de son témoignage.
[102] M. Bérubé pensait aux interventions policières qui finissent mal, dont
l’événement concernant le jeune homme dans le terrain de stationnement à
Trois-Rivières et celui du musicien dans le temps des « Carrés rouges ».
[103] M. Bérubé a ajouté, avec de l’émotion dans la voix, qu’il ressentait de la peur
pendant qu’il fouillait dans son véhicule, à la recherche de son appareil photographique,
se disant que la policière pouvait alors penser qu’il cherchait une arme.
[104] Bien que cela ne soit pas déterminant, il convient de rappeler que M. Bérubé
s’est rendu au poste de police peu de temps après les événements pour se plaindre du
comportement de l’agente Ledoux, compte tenu de la façon dont il avait été traité.
[105] Par ses propos, l’agente Ledoux a intimidé et menacé M. Bérubé, comme il a
déjà été décidé par le Comité11.
10
Commissaire c. Cyr, C.D.P., C-95-1658-3, 12 juin 1997, page 7, (confirmée en appel, Cyr c. Racicot,
C.Q., Montréal, 500-02-058053-971, 13 avril 1999).
11
Commissaire c. Delsame, 2004 CanLII 59918 (QC CDP); Commissaire c. Legault, 2002 CanLII
49297 (QC CDP); Commissaire c. Bigras, 2002 CanLII 49247 (QC CDP) et Commissaire c. Barrette,
2001 CanLII 27902 (QC CDP).
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[106] Ce comportement de la policière constitue un abus d’autorité, selon les critères
retenus par la jurisprudence12.
[107] Pour tous ces motifs, le Comité conclut que l’agente Ledoux a dérogé à l’article 6
du Code en menaçant et en intimidant M. Bérubé.
Chef 5 (en le détenant illégalement)
[108] Le Commissaire reproche à l’agente Ledoux d’avoir détenu illégalement
M. Bérubé, contrevenant ainsi à l’article 7 du Code.
[109] À la suite de la rédaction du constat d’infraction, l’agente Ledoux est retournée
au véhicule de M. Bérubé avec le constat d’infraction et les documents de ce dernier.
[110] Avant la remise du constat d’infraction et des documents à M. Bérubé, il y a eu
l’échange entre la policière et le plaignant sur les photos prises par ce dernier.
[111] Il importe de rappeler que le Comité vient de décider, au chef 6 de la citation,
que la policière a procédé sans droit à la fouille de l’appareil photographique de
M. Bérubé et, au chef 8 de la citation, que la policière a demandé illégalement à
M. Bérubé de détruire deux photos lui appartenant.
[112] Bien que l’échange entre l’agente Ledoux et M. Bérubé n’ait duré que quelques
minutes, le Comité est d’avis que la policière a détenu illégalement M. Bérubé pendant
cette période de temps.
[113] Pour ces motifs, le Comité conclut que l’agente Ledoux a dérogé à l’article 7 du
Code en détenant illégalement M. Bérubé.
Chef 7 (non-respect des droits protégés par les Chartes à une défense pleine et
entière)
[114] Le Commissaire reproche à l’agente Ledoux de ne pas avoir respecté les droits
de M. Bérubé protégés par les Chartes à une défense pleine et entière, contrevenant
ainsi à l’article 7 du Code.
12
Commissaire c. Johnson, C.Q., Montréal, 500-02-023612-927, 2 juin 1994 et Commissaire c. Pleau,
C.Q. Québec, 200-02-017985-971, 20 mai 1998.
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[115] Plus précisément, le Commissaire prétend que la destruction des deux photos
prises par M. Bérubé a empêché ce dernier de faire valoir tous ses moyens de défense
devant la cour municipale de Laval en rapport avec sa contestation du constat
d’infraction.
[116] M. Bérubé témoigne qu’il a été trouvé coupable de l’infraction. Le motif retenu
par le juge était l’existence du panneau indicateur. Il précise qu’il n’a pas pu produire de
photos au juge, étant donné que ce dernier a rendu jugement dès qu’il lui a confirmé la
présence du panneau.
[117] Le nombre de photos n’avait donc aucune importance ni pertinence dans ces
circonstances.
[118] Pour ces motifs, le Comité conclut que l’agente Ledoux n’a pas dérogé à
l’article 7 du Code, n’ayant pas empêché M. Bérubé de faire valoir sa défense pleine et
entière en rapport avec le constat d’infraction.
[119] POUR CES MOTIFS, après avoir entendu les parties, pris connaissance des
pièces déposées et délibéré, le Comité DÉCIDE :
Chef 1
[120] QUE l’agente JOLYANE LEDOUX, matricule 819, membre du Service de police
de la Ville de Laval, le 28 mars 2014, à Laval, ne s’est pas comportée de
manière à préserver la confiance et la considération que requiert sa fonction à
l’égard de M. Donald Bérubé en faisant usage d’un langage blasphématoire ou
injurieux à son endroit et que, en conséquence, sa conduite constitue un acte
dérogatoire à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec;
Chef 2
[121] D’ORDONNER l’arrêt conditionnel des procédures sur ce chef de la citation
contre l’agente Ledoux pour éviter des condamnations multiples provenant d’un
même fait en application des principes dégagés par la Cour suprême du Canada
dans l’arrêt Kienapple;
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Chef 3
[122] QUE l’agente JOLYANE LEDOUX, matricule 819, membre du Service de police
de la Ville de Laval, le 28 mars 2014, à Laval, a abusé de son autorité à l’égard
de M. Donald Bérubé en le menaçant et en l’intimidant et que, en conséquence,
sa conduite constitue un acte dérogatoire à l’article 6 du Code de déontologie
des policiers du Québec;
Chef 4
[123] D’ORDONNER l’arrêt conditionnel des procédures sur ce chef de la citation
contre l’agente Ledoux pour éviter des condamnations multiples provenant d’un
même fait en application des principes dégagés par la Cour suprême du Canada
dans l’arrêt Kienapple;
Chef 5
[124] QUE l’agente JOLYANE LEDOUX, matricule 819, membre du Service de police
de la Ville de Laval, le 28 mars 2014, à Laval, n’a pas respecté l’autorité de la loi
ni contribué à l’administration de la justice à l’égard de M. Donald Bérubé en le
détenant illégalement et que, en conséquence, sa conduite constitue un acte
dérogatoire à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec;
Chef 6
[125] QUE l’agente JOLYANE LEDOUX, matricule 819, membre du Service de police
de la Ville de Laval, le 28 mars 2014, à Laval, n’a pas respecté l’autorité de la loi
ni contribué à l’administration de la justice à l’égard de M. Donald Bérubé en
procédant sans droit à la fouille de son appareil photographique et que, en
conséquence, sa conduite constitue un acte dérogatoire à l’article 7 du Code
de déontologie des policiers du Québec;
Chef 7
[126] QUE l’agente JOLYANE LEDOUX, matricule 819, membre du Service de police
de la Ville de Laval, le 28 mars 2014, à Laval, a respecté l’autorité de la loi à
l’égard de M. Donald Bérubé et que, en conséquence, sa conduite ne constitue
pas un acte dérogatoire à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du
Québec;
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Chef 8
[127] QUE l’agente JOLYANE LEDOUX, matricule 819, membre du Service de police
de la Ville de Laval, le 28 mars 2014, à Laval, n’a pas respecté l’autorité de la loi
ni contribué à l’administration de la justice à l’égard de M. Donald Bérubé en lui
demandant illégalement de détruire une ou des images (photographies) lui
appartenant et que, en conséquence, sa conduite constitue un acte
dérogatoire à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec.
Louise Rivard, avocate
Membre du Comité de déontologie
policière
Me Christiane Mathieu
Procureure du Commissaire
Me Gino Castiglio
Procureur de la partie policière
Lieu de l’audience :
Montréal
Date de l’audience :
6 janvier 2016