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Les intérêts théoriques de l’amorçage syntaxique
Margot Poletti, Ludovic Le Bigot et François Rigalleau
L’Année psychologique / Volume 112 / Issue 02 / June 2012, pp 247 - 275
DOI: 10.4074/S0003503312002047, Published online: 25 June 2012
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Margot Poletti, Ludovic Le Bigot et François Rigalleau (2012). Les intérêts théoriques de
l’amorçage syntaxique. L’Année psychologique, 112, pp 247-275 doi:10.4074/
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Les intérêts théoriques de l’amorçage syntaxique
Margot Poletti∗ , Ludovic Le Bigot et François Rigalleau∗
Université de Poitiers et CNRS (CeRCA, UMR 6234)
RÉSUMÉ
L’amorçage syntaxique est un phénomène de réutilisation de la structure
syntaxique d’une phrase « amorce » qu’un locuteur vient de percevoir ou
de produire. Dans cet article, nous définissons dans un premier temps
l’amorçage syntaxique, en détaillant le contexte de sa découverte et en
précisant les arguments en faveur d’un amorçage purement syntaxique.
Nous évoquons notamment les arguments suggérant que cet amorçage
ne dépend pas d’aspects non-syntaxiques. Puis nous envisageons deux
facteurs influençant l’amorçage syntaxique : la similarité lexicale entre
la phrase amorce et la phrase cible, et la fréquence des structures
syntaxiques. Dans un deuxième temps, nous abordons cet effet d’amorçage
sur un plan théorique, en le situant dans les modèles de production
verbale. Nous évoquons aussi la contribution mnésique que l’amorçage
syntaxique nécessite. Enfin nous considérons le lien qu’il suggère entre les
représentations syntaxiques en compréhension et en production.
The theoretical issues of syntactic priming
ABSTRACT
Syntactic priming (SP) refers to speaker’s tendency to reuse in the current sentence (the
target sentence) the syntactic structure of a priming sentence that was previously perceived
or produced. In this paper, after recalling the initial experimental evidences of this effect,
we review the arguments suggesting that this effect is not related to a tendency to reuse
non-syntactic aspects of a sentence. Then we examine two factors influencing SP: the
lexical similarity between the prime and the target, and the frequency of the priming
structure. Secondly, we discuss the SP effect in the models of language production. We
also consider which memory system is required to explain syntactic priming. Finally, we
consider how SP can shed some light on the link between the syntactic representations in
comprehension and in production.
∗ Correspondance : Margot Poletti ou François Rigalleau, CeRCA/MSHS, 5 rue Théodore Lefebvre, 86000
POITIERS. E-mail : [email protected] ; [email protected]
Les auteurs ont bénéficié pour ce travail d’un soutien financier de l’Agence National de la Recherche
(ANR06JCJC-098).
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La répétition dans le langage est fréquemment observée dans la
communication entre humains en contexte naturel. Depuis une trentaine
d’années, un phénomène de répétition se situant au niveau de la syntaxe
fait l’objet de nombreuses recherches : l’amorçage syntaxique. Plusieurs
revues de littérature ont notamment été publiées sur ce thème (Branigan,
2007 ; Ferreira & Bock, 2006 ; Pickering & Ferreira, 2008). Cette multitude
de travaux semble pourtant limitée au monde anglo-saxon, même si
des recherches existent sur l’amorçage syntaxique en espagnol ou en
néerlandais. Les travaux portant sur le français demeurent rares (nous
en mentionnons dans ce travail), et une motivation importante de cette
revue est de permettre à un large public francophone de connaître ces
travaux. Nous nous sommes inspirés des revues de question publiées en
anglais, mais en tentant de proposer une revue originale. Les premières
observations ont décrit l’amorçage syntaxique comme une réutilisation
involontaire des éléments structurels d’une phrase antérieurement perçue
ou produite. Ce phénomène a été appelé « répétition syntaxique » ou
« persistance syntaxique », mais les études ultérieures ont conduit à
privilégier l’expression « amorçage syntaxique », qui témoigne mieux du
caractère sans doute inconscient du phénomène. En effet, la perception
ou la production d’une structure favorise sa production ultérieure car
la première occurrence de cette structure fonctionne à la manière d’une
« amorce » facilitant la production ultérieure de la structure dans une
nouvelle phrase, appelée phrase « cible ». Nous allons envisager dans un
premier temps la découverte du phénomène, et pourquoi il est qualifié
de « syntaxique ». Nous nous appliquerons ensuite à le situer au niveau
théorique, en envisageant sa place dans les modèles de production, le type
de mémoire qu’il implique, ainsi que le lien qu’il peut refléter entre la
compréhension et la production du langage.
QU’EST-CE QUE L’AMORÇAGE SYNTAXIQUE ?
Premiers travaux
Les individus produisant un énoncé ont tendance à utiliser des mots ou
des groupes de mots déjà produits dans le discours, par eux ou par leur(s)
interlocuteur(s). Levelt et Kelter (1982) ont réalisé une des premières
expériences démontrant la répétition d’éléments syntaxiques. Une de leurs
expérimentations consistait à appeler des commerçants au téléphone pour
leur demander l’heure de fermeture de leur magasin, en utilisant deux
formes de questions ne différant que par l’ajout d’une préposition en début
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de phrase. Leur hypothèse est que les participants confrontés à une question
avec une préposition initiale (1) doivent ensuite produire plus souvent une
réponse avec une préposition (2), tandis que les participants confrontés
à une question sans préposition (3) doivent produire une réponse sans
préposition (4).
(1) At what time does your shop close? [A quelle heure ferme votre
magasin ?]
(2) At five o’clock. [À cinq heures.]
(3) What time does your shop close? [Quelle est l’heure de fermeture de
votre magasin ?]
(4) Five o’clock. [Cinq heures.]
Les résultats ont confirmé que les participants avaient tendance à
apparier leur réponse à la forme de la question qu’ils avaient entendue.
Les participants qui avaient été confrontés à une question incluant la
préposition at [à] incluaient dans leurs réponses la préposition at. Ces
auteurs ont mis en évidence une correspondance entre la forme de la
question utilisée et la réponse donnée à cette dernière (1, 2 vs. 3, 4). Mais
cet appariement pouvait aussi refléter une simple adaptation consciente
à la forme de la question posée, c’est-à-dire un mécanisme inhérent à la
situation de dialogue.
Bock (1986) a montré que cette réutilisation pouvait survenir sans
qu’elle implique une réponse à une question. Lors d’une tâche évaluant
la mémoire, elle faisait répéter des phrases à des participants, puis leur
demandait de décrire une image, sans rapport avec la phrase qu’ils venaient
d’entendre et de répéter. Afin de justifier la tâche de mémorisation auprès
des participants, ils devaient, une fois la répétition de la phrase effectuée,
juger s’ils avaient déjà été confrontés à cette phrase au cours de la session
expérimentale. De même, une fois la description de l’image réalisée, les
participants devaient juger s’ils avaient vu cette image au cours de la session
expérimentale précédente. Les phrases à répéter étaient des amorces et
les images à décrire constituaient le stimulus permettant la production
des phrases cibles. La manipulation de Bock portait sur les différentes
constructions syntaxiques des phrases à répéter. Celles-ci pouvaient être
de forme transitive, présentée soit à la voix active (5) soit à la voix
passive (6), ou de forme dative, soit prépositionnelle objet (7) soit double
objet (8).
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(5) One of the fans punched the referee. [Un des supporters a frappé
l’arbitre.]
(6) The referee was punched by one of the fans. [L’arbitre a été frappé par
un des supporters.]
(7) A rock star sold some cocaine to an undercover agent. [Une rock star a
vendu de la cocaïne à un policier infiltré]
(8) A rock star sold an undercover agent some cocaine. [Une rock star a
vendu à un policier infiltré de la cocaïne.]
Selon Bock, un participant ayant répété une amorce à la voix active (5)
doit plus souvent produire une phrase cible à la voix active que s’il a été
confronté à une amorce à la voix passive (6). De manière analogue, un
participant ayant répété une phrase amorce de type dative prépositionnelle
(7) doit produire plus souvent une phrase cible de même type que s’il a
répété une phrase dative double-objet (8).
L’analyse des résultats a confirmé les hypothèses de Bock : lorsque
les participants décrivaient l’image, ils employaient plus fréquemment la
structure de la phrase répétée auparavant qu’une autre structure. Bock a
conclu que l’amorçage syntaxique n’était pas seulement assimilable à une
tendance à formuler une réponse respectant la structure d’une question,
mais qu’il reflétait aussi une réutilisation de la structure syntaxique
venant d’être produite. Les deux expérimentations évoquées ci-dessus
ont démontré qu’il existait une tendance à la réutilisation des différents
éléments de la structure de la phrase.
Si l’étude de Bock (1986) a servi d’expérience princeps pour la suite
des expérimentations sur l’amorçage syntaxique, les résultats qu’elle a
obtenus ont provoqué plusieurs critiques sur la nature de ce qui était
réellement reproduit par les participants. L’une de ces questions concerne le
niveau de représentation concerné par l’amorçage : s’agit-il bien du niveau
syntaxique, ou d’un autre niveau (prosodique, sémantique, thématique)
en partie corrélé avec la représentation syntaxique. Par exemple, le choix
d’une structure dative prépositionnelle est associé, en anglais, à l’insertion
de la préposition to. Ce serait la reproduction lexicale de cette préposition
qui serait au cœur du choix apparemment syntaxique. De même, la
structure syntaxique amorce peut être liée à des aspects prosodiques
spécifiques, et la reproduction de ces aspects phonologiques conduirait
à privilégier une structure syntaxique similaire. De manière générale, les
critiques ont porté sur le niveau exact de représentation concerné par
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l’amorçage. Un amorçage apparemment syntaxique pouvait en fait refléter
un amorçage à un autre niveau de représentation. Ce questionnement est
lié, au niveau théorique, au problème plus général de l’autonomie de la
syntaxe, largement remise en cause par des modèles théoriques notant
que les choix de structure syntaxique sont souvent liés à des choix à
d’autres niveaux (informationnel, lexical ou autre). Nous commencerons
par envisager rapidement l’éventuelle contribution des aspects les plus
superficiels de l’énoncé, comme les formes phonologiques des mots ou le
contour prosodique de la phrase.
PERSISTANCE DES ASPECTS SUPERFICIELS
DE L’ÉNONCÉ
Une production verbale est un flux sonore dans lequel l’auditeur perçoit,
entre autres, une succession de phonèmes et les aspects prosodiques
de l’énoncé (par ex., intonation et accent). Certains auteurs ont évalué
si ces aspects superficiels pouvaient être à l’origine de l’amorçage dit
syntaxique (par ex., Bock, 1987 ; Van Gompel, Pickering, Pearson, & Jacob,
2006 ; Cleland & Pickering, 2003). Dans le modèle de production verbale
proposé par Garett (1982), différentes étapes décrivent le processus de
production. Ces étapes sont habituellement considérées comme distinctes
et se déroulant dans un ordre établi. L’étape syntaxique précède toujours
l’étape phonologique. C’est-à-dire que la structure de la phrase est
partiellement déterminée avant que les éléments phonétiques ne soient
élaborés. En admettant que ces étapes ne soient pas si indépendantes que
décrites, des informations du niveau phonologique pourraient influencer
le choix d’une structure syntaxique de la production suivante. Par exemple,
la probabilité de produire à nouveau une phrase à la voix passive après
avoir produit une phrase passive pourrait être attribuée à la similitude
phonologique de la conjugaison des verbes (par ex. was punched, was
awakened).
Bock et Loebell (1990) ont apporté des arguments contraires à cette
hypothèse. Ces auteurs ont utilisé le paradigme de description d’images
avec répétition de phrases déjà mentionné lors de notre description de
l’étude de Bock (1986). Ils ont évalué la fréquence d’utilisation de structures
datives prépositionnelles dans les phrases cibles (cette structure est illustrée
dans (7)). Ils ont manipulé le type d’amorce que le participant devait
répéter avant la production de la phrase cible (9-11). Ils ont montré que
l’amorçage syntaxique était observé lorsque l’amorce et la cible avaient
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des structures similaires mais avec des éléments superficiels et prosodiques
différents (9, 10). Lorsque l’amorce et la cible avaient des structures
syntaxiques différentes, mais étaient analogues au niveau de la prosodie ou
de leurs apparences superficielles, l’amorçage syntaxique n’est pas observé
(9, 11). Ces deux types de phrases ont des structures différentes. Dans (9), le
mot suivant to est un complément d’objet indirect désignant le destinataire
« Stella ». Dans (11), to est suivi d’un verbe et to study apparaît comme un
complément du nom book.
(9) Susan brought a book to Stella. [Susan a apporté un livre pour Stella.]
(10) The girl gave a brush to the man. [La fille a donné une brosse à
l’homme.]
(11) Susan brought a book to study. [Susan a apporté un livre pour
étudier].
Cette étude permet d’écarter une explication purement superficielle de
l’amorçage syntaxique. Elle invite à concevoir cet amorçage comme un
phénomène de persistance soit de la structure syntaxique en tant que
telle, soit d’une représentation sémantique distinguant les rôles attribués
aux différentes entités désignées dans l’énoncé. Par exemple, (9) et (10)
amorceraient le positionnement d’un destinataire dans la fin de la phrase
cible suivante, induisant une structure dative prépositionnelle. L’amorce
(11) n’attribue pas ce rôle à « study » et elle ne favoriserait pas la structure
dative prépositionnelle permettant de reproduire l’attribution du rôle en
position finale. Cette approche en termes de rôle est développée dans la
section suivante. En ce qui concerne l’approche de l’amorçage syntaxique
qui impliquerait une tendance à réutiliser les formes phonologiques
de l’amorce, celle-ci se voit remise en cause par les effets d’amorçage
syntaxiques rapportés chez des personnes bilingues, puisque l’amorce
et la cible ne contiennent aucun mot ayant une forme orthographique
ou phonologique semblable. (Desmet & Declercq, 2006 ; Hartsuiker,
Pickering, & Veltkamp, 2004 ; Loebell & Bock, 2003 ; Meijer & Fox Tree,
2003).
Contribution des rôles thématiques
Un rôle thématique est une étiquette abstraite (par ex. Agent, Patient)
qui caractérise la relation sémantique qu’un prédicat (par ex. verbe) peut
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entretenir avec l’un de ses arguments (par ex. sujet grammatical). Aussi,
la relation grammaticale qu’entretient le nom objet direct d’un verbe avec
celui-ci se distingue de la relation sémantique qu’entretiennent l’entité
(désignée par le nom) et l’événement décrit par le verbe. Dans « Le vent
préoccupe Pierre » ou « Le vent décoiffe Pierre », Pierre est objet direct du
verbe. Toutefois, Pierre éprouve un certain état mental par rapport au vent
dans le premier exemple alors qu’il subit une action du vent dans le second,
son rôle thématique est différent dans les deux phrases.
L’hypothèse d’une contribution des rôles thématiques à l’amorçage
syntaxique soutient qu’une partie du phénomène de persistance est régie
par le maintien des rôles thématiques plutôt que par celui des fonctions
grammaticales. L’amorçage « syntaxique » consisterait en une réutilisation
des rôles thématiques dans le même ordre que celui déjà traité. Cette
hypothèse s’appuie sur les effets d’amorçage obtenus avec des phrases
passives. Lorsque le participant entend (ou produit) en amorce une phrase
à la voix passive, il encode la position initiale dans la phrase du patient (le
patient survient en premier dans la phrase). Ce dernier étant décrit avant
l’agent, la réutilisation du même ordre des rôles thématiques est amorcée
dans la phrase suivante, ce qui aboutit à la construction d’une phrase
passive lors de la production de la cible. Dès le premier abord, cette critique
n’est pas adéquate puisque selon cette hypothèse, le locuteur pourrait
utiliser n’importe quelle autre structure où le patient est proéminent, par
exemple une phrase clivée objet (par ex., C’est le patient que l’agent verbe,
« C’est la pomme que la fillette croque »).
Bock et Loebell (1990) ont étudié la persistance de l’attribution des
rôles thématiques dans les répétitions. Dans une première expérience,
les auteurs ont manipulé des structures ayant les mêmes configurations
syntaxiques mais dont les rôles thématiques différaient. Ils ont utilisé
des phrases prépositionnelles, soit avec un complément locatif (12), qui
informe sur le lieu de l’action, soit en dative prépositionnelle, qui informe
sur le destinataire de l’action (13). Ils ont montré qu’une phrase avec
un complément locatif amorçait une description de l’image en dative
prépositionnelle avec le même degré que celui provoqué par une phrase
amorce dative prépositionnelle.
(12) The wealthy widow drove the Mercedes to the church. [La riche veuve
a conduit la Mercedes jusqu’à l’église.]
(13) The wealthy widow gave the Mercedes to the church. [La riche veuve
a donné sa Mercedes à l’église.]
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Dans une seconde expérience, les auteurs ont utilisé des phrases locatives
utilisant « by » (14) et des phrases passives (15). Ces deux types de phrases
ont les mêmes configurations syntaxiques mais les phrases locatives ont
l’agent en sujet grammatical, tandis que les passives ont le patient en tant
que sujet grammatical. Les auteurs ont montré qu’une phrase locative
amenait des réponses cibles à la voix passive, comme l’aurait provoqué une
amorce passive.
(14) The 747 was landing by the control tower. [Le 747 atterrissait près de
la tour de contrôle.]
(15) The 747 was alerted by the control tower. [Le 747 a été alerté par la
tour de contrôle.
Les auteurs ont conclu que la réutilisation de la structure ne correspondait
pas à la persistance de l’attribution des rôles thématiques. De ce fait,
les effets d’amorçage syntaxique ne seraient pas d’ordre conceptuel. Ce
type de résultat serait en faveur d’un effet d’amorçage essentiellement
structurel, indifférent aux rôles thématiques joués par les noms (voir aussi
Chang, Bock, & Goldberg, 2003, pour l’éventualité d’un effet d’amorçage
thématique indépendant de l’amorçage proprement syntaxique). Pour
Bock et Loebell, l’influence des traits structurels permettrait d’envisager
l’amorçage syntaxique plutôt en termes de configurations hiérarchiques
des phrases. Dans cette optique, les résultats que les auteurs ont obtenus
constitueraient un argument supplémentaire pour faire l’hypothèse d’une
représentation syntaxique indépendante de tout élément de signification.
Ayant écarté la forme superficielle ou les rôles thématiques comme
médiateurs de l’amorçage, l’influence des représentations lexicales des mots
de l’amorce et de la cible doit être envisagé.
Contribution lexicale à l’amorçage syntaxique
Deux grandes classes d’éléments lexicaux sont généralement distinguées :
les mots de contenu et les mots fonctionnels. Les mots de contenu sont
les noms, les adjectifs, les verbes, certains adverbes. Les mots fonctionnels
sont les articles, les pronoms, les verbes auxiliaires, et d’autres éléments
grammaticaux qui servent souvent à introduire les mots de contenu
lorsqu’ils apparaissent dans des phrases, c’est-à-dire dans le contexte d’une
structure syntaxique. Dans le cas des pronoms, ils peuvent simplement
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remplacer un mot de contenu, sans l’introduire, mais leur « contenu » ou
leur « référence » reste essentiellement tributaire du contexte contrairement
aux mots de contenu. Même si cette distinction est intuitivement claire,
elle pose un problème. La dénomination « de contenu » pourrait laisser
penser que les mots fonctionnels sont dépourvus de contenu sémantique,
ce qui est évidemment inexact : par exemple, un article peut être défini,
indéfini, etc. En fait, les mots fonctionnels sont aussi porteurs de certains
traits sémantiques, souvent relativement abstraits comme dans le cas de la
définitude. Certains auteurs, comme Bradley, Garrett, et Zurif (1980) ont
d’ailleurs préféré une distinction entre éléments de classe ouverte et de
classe fermée. En effet, les éléments fonctionnels semblent en nombre limité
dans une langue donnée, et donc inventoriables, alors que les éléments
de contenu constituent une catégorie de taille bien plus importante,
éventuellement limitée, mais qui demeure très variable d’un locuteur
à l’autre. D’ailleurs les rééditions des dictionnaires donnent lieu à des
changements concernant la classe ouverte, tandis que la classe fermée
demeure pratiquement inchangée.
La distinction entre ces deux grandes catégories d’éléments lexicaux est
particulièrement importante pour appréhender l’amorçage syntaxique. Si
nous reprenons les exemples classiques de structures pouvant faire l’objet
d’un amorçage, il est frappant de constater qu’elles se distinguent par le
type de mot fonctionnel employé. Par exemple, la préposition at dans
l’étude de Levelt et Kelter (1982) était commune à l’amorce et à la cible
prépositionnelle, voir (1) et (2). Dans l’étude de Bock (1986), l’auxiliaire be
[être] et la préposition by [par] étaient spécifiques des cas d’amorçage par
passive, de même que la préposition to était spécifique des cas d’amorçage
de la structure dative prépositionnelle illustrée par (7). Légitimement,
quelle est l’éventuelle contribution lexicale à l’amorçage syntaxique ? En
d’autres termes, est-ce que l’amorçage syntaxique représente bien une
persistance de la structure syntaxique en tant que telle, ou plutôt une
tendance à réutiliser les mêmes mots grammaticaux pour construire la
phrase suivante ?
Bock (1989) a évalué l’influence de la présence ou non d’une préposition
dans la phrase amorce, et le cas échéant si cette préposition était répétée
de la phrase amorce à la phrase cible. Bock a utilisé un paradigme
d’amorçage de description d’images avec des phrases à la forme dative de
type prépositionnel objet, ou de type double-objet. Chacun de ces deux
types de phrases pouvait se décliner de deux manières. Pour les phrases
prépositionnelles objet, les phrases amorces était construites avec to (16a)
ou avec for (17a). Pour les phrases double-objet, l’ordre des compléments
était inversé (16b, 17b).
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(16a) The secretary took a cake to her boss. [La secrétaire a apporté pris un
gâteau pour son patron.]
(16b) The secretary took her boss a cake. [La secrétaire a apporté à son
patron un gâteau]
(17a) The secretary baked a cake for her boss. [La secrétaire a préparé un
gâteau pour son patron.]
(17b) The secretary baked her boss a cake. [La secrétaire a préparé à son
patron un gâteau]
(18) The girl handed the paintbrush to the man. [La fille a remis le
pinceau à l’homme.]
(19) The girl handed the man the paintbrush. [La fille a remis à l’homme
le pinceau.]
L’analyse des résultats a montré que les phrases amorces avec prépositions
(16a et 17a) induisaient plus de phrases cibles avec préposition comme
(18) que les phrases (16b et 17b). Ces dernières favorisaient au contraire
la production de cibles de la forme (19). La préposition produite dans
la cible n’avait pas tendance à être celle utilisée dans l’amorce. L’auteur
a suggéré que cette absence de différence significative minimisait la
contribution proprement lexicale par rapport à la contribution de l’ordre
des compléments. Il semble que l’identité des mots grammaticaux ne soit
pas un facteur crucial pour l’amorçage syntaxique.
Nous allons maintenant envisager la contribution des mots de contenu à
l’amorçage syntaxique. Si l’amorçage est seulement syntaxique, il ne devrait
concerner que la structure et le type des éléments grammaticaux (par ex.,
prépositions) qui la caractérisent. Les caractéristiques des mots de contenu
ne devraient pas influencer l’amorçage. Pourtant, plusieurs recherches ont
montré que l’amorçage syntaxique semble plus fort si la phrase amorce et la
phrase cible partagent des mots de contenu, ou si les mots de contenu des
deux phrases ont des propriétés sémantiques communes.
Dans une expérimentation, Melinger et Dobel (2005) ont étudié dans
quelle mesure l’emploi d’un verbe amorce n’autorisant qu’une structure
peut amorcer cette structure lors de la production d’une cible impliquant
un verbe autorisant deux structures. Les verbes-amorces sélectionnés ne
permettaient la construction que d’un seul type de structure dative. La
structure possible était soit une construction prépositionnelle objet, soit
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une construction double objet. Par exemple, le verbe to contribute ne peut
se mettre à la forme dative qu’avec une construction prépositionnelle objet
(20). En revanche, un verbe tel que to fine ne supporte la forme dative
qu’avec une construction double objet (21).
(20) The man contributed money to the church. [L’homme versait de
l’argent à l’église.]
(21) The judge fined the driver fifty dollars. [Le juge condamnait le
conducteur à une amende de cinquante dollars.].
Lors de l’expérience, les participants lisaient un verbe, puis décrivaient une
image. L’analyse des résultats a montré que lorsque le verbe-amorce ne
permettait qu’une construction de type double objet, la description cible
des images s’appuyait plus fréquemment sur des phrases double objet que
sur des phrases prépositionnelles objet. De même, lorsque le verbe-amorce
n’était compatible qu’avec une construction prépositionnelle objet, alors
les phrases cibles étaient plus souvent de type prépositionnel objet que de
type double objet. Les auteurs ont conclu que la présentation d’un type
précis de verbe conduisant à la production d’une structure particulière
pouvait permettre des effets d’amorçage syntaxique. Plus précisément, les
traits morphosyntaxiques rattachés au verbe-amorce conduisaient, selon les
auteurs, aux effets obtenus. Ce point de vue s’inscrit dans une explication
en termes d’activation de traits spécifiques rattachés à un verbe précis.
Cette étude montre que l’amorçage syntaxique d’un certain ordre des
compléments est étroitement dépendant des propriétés du verbe-amorce.
Dans le cas de l’étude de Melinger et Dobel, le verbe-amorce n’était
lié qu’à une structure, et cette structure était préférée pour la cible. En
généralisant cette approche, si un verbe-amorce autorise deux structures de
complémentation (par ex., dative double objet ou dative prépositionnelle),
celles-ci seraient représentées avec l’entrée lexicale du verbe. Si ce verbe
apparaît en amorce dans un fragment de phrase n’activant que l’une
des deux complémentations, le lien entre le verbe-amorce et cette
complémentation devrait être spécifiquement activé. Si la phrase cible à
produire ensuite implique le même verbe, l’activation de ce lien devrait
conduire à accentuer (« booster ») l’effet d’amorçage syntaxique par
rapport au cas où la phrase cible contient un verbe différent (mais
autorisant aussi les deux types de complémentation).
Ce phénomène d’accentuation de l’amorçage syntaxique en cas de
similarité lexicale a été mis en évidence par Pickering et Branigan (1998).
Ces auteurs ont proposé à des participants de compléter des fragments
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de phrase à l’écrit. Leur étude portait essentiellement sur des structures
datives anglaises, similaires à (7) et (8). Les auteurs ont proposé une
cible incomplète à compléter, cette cible pouvant s’achever par le même
verbe que l’amorce ou par un verbe différent (mais rendant aussi possible
les deux types de fins datives dans la fin produite par les participants).
L’analyse des résultats a montré un effet d’amorçage syntaxique plus fort
lorsque les phrases amorces et les cibles partageaient le même verbe.
Pour ces auteurs, cette accentuation (boosting) lexicale de l’amorçage
syntaxique indiquait que l’entrée lexicale d’un verbe était associée à des
informations grammaticales sur ses compléments et sur leur ordre. En
activant un type particulier de complémentation pour un verbe donné,
l’amorce conduisait à « sur-privilégier » cette complémentation si la cible
réactivait le même verbe. Si la cible impliquait un verbe différent, seule
l’activation résiduelle de la complémentation propre à l’amorce (par ex.
« NP- to PP ») pouvait faciliter sa production, ce qui était cohérent avec
un effet plus faible, ne bénéficiant pas de l’activation résiduelle du lien
entre le verbe amorce et la complémentation. Il est d’ailleurs remarquable
que cette accentuation de l’amorçage syntaxique en cas de similarité
des verbes de l’amorce et de la cible a seulement été observée quand
aucune phrase neutre n’intervenait entre l’amorce et la cible. Par exemple,
Hartsuiker, Bernolet, Schoonbaert, Speybroeck et Venderelst (2008) ont
montré que l’accentuation lexicale s’atténue rapidement (dès 1 ou 2
phrases neutres séparant l’amorce et la cible), alors que la tendance à la
réutilisation de la structure syntaxique perdure même si des phrases neutres
s’intercalent entre l’amorce et la cible. Pour Pickering et Branigan, cet effet
relativement éphémère est sans doute lié au maintien transitoire des mots
en mémoire de travail. Le lien fortement activé entre un verbe donné et
sa complémentation syntaxique s’atténuerait rapidement lorsque des mots
nouveaux viendraient prendre la place en mémoire de travail. Les travaux
de Pickering et Branigan (1998) peuvent s’intégrer avec les résultats de Bock
(1989) sur l’absence d’accentuation des effets d’amorçage syntaxique avec
les prépositions. En effet, Bock concluait que la contribution lexicale des
mots grammaticaux était minime dans l’amorçage syntaxique, et que seule
la structure syntaxique était en cause dans les résultats obtenus. Pickering
et Branigan ont montré que l’influence des mots de contenu n’était
pertinente qu’en considérant les informations syntaxiques spécifiques à ces
mots.
En conclusion, les études de Melinger et Dobel (2005) et de Pickering et
Branigan (1998) montrent l’importance des propriétés grammaticales des
mots de contenu pour l’amorçage syntaxique. À chaque élément de contenu
L’année psychologique, 2012, 112, 247-275
Les intérêts théoriques de l’amorçage syntaxique
259
sont attachées des informations sur ses contextes grammaticaux possibles.
L’activation de ces informations contribue à l’amorçage syntaxique
(Melinger & Dobel, 2005), et le lien que ces informations grammaticales
entretiennent avec un mot de contenu spécifique conduit à accentuer
l’amorçage si ce mot est réutilisé dans la phrase cible (Pickering & Branigan,
1998). Mais cet effet d’accentuation est éphémère puisqu’il repose sur
le maintien de l’activation d’une représentation lexicale particulière. Ces
deux études mettent l’accent sur les informations grammaticales associées
aux mots de contenu, mais certains auteurs ont voulu déterminer si
des informations sémantiques liées à ces mots pouvaient aussi influencer
l’amplitude de l’amorçage syntaxique.
L’approche défendue par Pickering et Branigan (1998) implique un
modèle interactif où chaque mot de contenu est lié à des informations
grammaticales. Le lien spécifique entretenu par un verbe avec des
informations grammaticales est activé lors de la perception/production de
l’amorce. Cette première activation facilite la réactivation de ce lien (et de
la structure grammaticale liée) lors d’une deuxième occurrence du verbe,
c’est-à-dire lors de la production de la cible. Cette approche peut conduire
à une hypothèse plus forte. Ainsi, un mot de contenu donné n’est pas
seulement lié en mémoire à long terme à des informations grammaticales
sur ses contextes possibles d’apparition. Il est aussi lié à des informations
sémantiques sur sa catégorie sémantique (par ex., animal, outil, etc.).
En suivant une approche interactive, lors du traitement de l’amorce,
l’activation d’une propriété sémantique particulière pour un nom apparaissant dans une structure grammaticale spécifique, devrait aboutir à un état
du système où le lien éventuellement indirect entre la propriété sémantique
et les informations grammaticales serait « activé ». Dans ce cas, si la cible
réactive la propriété sémantique de l’amorce, elle pourrait aussi réactiver
les informations grammaticales activées initialement avec cette propriété
sémantique. C’est précisément un effet de ce type que Cleland et Pickering
(2003) ont mis en évidence.
En effet, ces auteurs ont constaté un effet d’amorçage syntaxique plus
fort lorsque l’amorce et la cible avaient un sujet grammatical de même
catégorie sémantique (par ex., deux animaux) que dans le cas où les
deux énoncés avaient des sujets grammaticaux de catégories sémantiques
différentes (par ex., un animal et un objet).
Globalement, les recherches sur la contribution lexicale à l’amorçage
syntaxique suggèrent que chaque mot de contenu est lié à des informations
grammaticales et sémantiques. Les liens établis peuvent expliquer pourquoi
une structure syntaxique a d’autant plus de chances d’être reproduite
L’année psychologique, 2012, 112, 247-275
260
Margot Poletti
r Ludovic Le Bigot r François Rigalleau
qu’elle est construite sur des mots identiques ou partageant certaines
propriétés, éventuellement non-syntaxiques. La contribution lexicale à
l’amorçage syntaxique, même si elle est limitée en portée temporelle est une
donnée importante qui éclaire en partie l’un des mécanismes opérant pour
produire l’amorçage : la propagation (et le maintien) de l’activation dans un
lexique où des informations sur les environnements syntaxiques possibles
sont associées aux mots de contenu.
Nous allons à présent examiner une série d’études montrant l’effet d’un
autre facteur sur l’amorçage syntaxique : l’effet de la fréquence d’usage des
structures amorcées. Ce facteur s’avère crucial pour comprendre pourquoi
certains auteurs proposent de concevoir l’amorçage syntaxique comme un
phénomène d’apprentissage implicite.
CONTRIBUTION DE LA FRÉQUENCE DE LA
STRUCTURE AMORCÉE
La fréquence d’usage de la structure utilisée comme amorce provoque une
variation de l’amplitude de l’amorçage syntaxique. Par exemple, Hartsuiker
et Westenberg (2000) se sont appuyés sur une structure néerlandaise
permettant deux fins différentes de phrase sans altération de son sens, en
plaçant en position finale soit le participe (22) soit l’auxiliaire (23).
(22) De man belde de politie omdat zijn portemonee was gestolen.
[L’homme a appelé la police parce que son portefeuille a été volé.]
(23) De man belde de politie omdat zijn portemonee gestolen was.
[L’homme a appelé la police parce que son portefeuille volé a été.]
Lors de la première mesure d’une ligne de base, sans amorce, les auteurs
ont relevé que les participants préféraient spontanément la structure
où le participe était placé en position finale (22) plutôt que celle avec
l’auxiliaire en position finale (23). Les résultats sur l’effet d’amorçage ont
montré que la forme spontanément préférée n’amenait qu’une réutilisation
faible de cette forme. En revanche, les amorces avec l’auxiliaire en
position finale induisaient une reprise plus fréquente de l’auxiliaire en
position finale dans les cibles. Les auteurs ont évalué une seconde fois
la ligne de base des préférences des participants (confrontés au même
L’année psychologique, 2012, 112, 247-275
Les intérêts théoriques de l’amorçage syntaxique
261
nombre de chaque structure). Ils ont trouvé une inversion de la ligne
de base : c’est la structure où l’auxiliaire était en position finale qui
devenait numériquement la structure préférée des participants plutôt que
celle finissant avec le participe. Pour les auteurs, cette inversion dans la
préférence de la structure entre les deux évaluations s’expliquerait en termes
d’activation. La production répétée tout au long de l’expérimentation
d’une structure spécifique augmenterait son activation, qui persisterait, et
qui conduirait à une préférence pour cette structure lors de la seconde
évaluation (cf. Hartsuiker, Kolk, & Huiskamp, 1999, pour des résultats
analogues sur une autre variation d’ordre des constituants où un ordre était
clairement plus fréquent que l’autre).
L’étude de Melinger et Dobel (2005) déjà mentionnée apporte une
confirmation de cet effet. La première étude menée par ces auteurs
montrait, en langue allemande, que c’était la structure la moins fréquente
qui amenait un effet d’amorçage syntaxique plus important (construction
prépositionnelle objet). Dans une seconde étude, Melinger et Dobel ont
obtenu des résultats similaires en langue néerlandaise. Cette dernière
permet, elle aussi, les constructions variables de datives. En revanche, la
préférence entre ces phrases est inversée par rapport à la langue allemande.
C’est la construction prépositionnelle objet qui est préférée par rapport à la
construction en double objet. Les résultats ont montré que la construction
double objet (la moins fréquente en langue néerlandaise) induisait les
effets d’amorçage les plus élevés. Melinger et Dobel ont confirmé l’effet de
préférence inverse dans l’amorçage syntaxique (voir aussi Bock & Griffin,
2000 ; Hartsuiker & Kolk, 1998 ; Hartsuiker et al., 1999 ; Scheepers,
2003).
Du point de vue théorique, l’effet de préférence inverse est intéressant car il conduit à envisager l’amorçage comme un phénomène
d’apprentissage, permettant aux structures rarement produites d’être
plus fréquemment employées. Dans le domaine de l’apprentissage, les
mécanismes tenant compte des erreurs modifient plus fortement les
pondérations du système lorsque des liens inattendus entre stimulus et
réponse sont rencontrés, que lorsque des liens attendus sont traités (par
ex. Rumelhart, Hinton, & Williams, 1986). En considérant que chaque
traitement de phrase revient à l’établissement d’un lien entre un message
et une forme de phrase, Chang, Dell et Bock (2006) ont proposé un modèle
permettant de simuler l’amorçage syntaxique. Ce modèle était fondé sur la
prise en compte des erreurs (ici des appariements rares entre le message
et la forme de la phrase), et il simulait bien le phénomène de préférence
inverse. Nous reviendrons sur ce point dans la conclusion de cette
revue.
L’année psychologique, 2012, 112, 247-275
262
Margot Poletti
r Ludovic Le Bigot r François Rigalleau
LES SUPPORTS THÉORIQUES DE L’AMORÇAGE
SYNTAXIQUE
Place de l’amorçage syntaxique dans les modèles
de production
Le modèle classique de production verbale (Bock & Levelt, 1994)
suppose un traitement sériel de l’encodage grammatical. Ce processus
est responsable de la sélection des lemmes (entités abstraites formées des
propriétés sémantiques et syntaxiques des mots) et de leur organisation
au sein d’une structure syntaxique (Kempen & Huijbers, 1983). Le
processus d’encodage grammatical fait la liaison entre l’étape antérieure
de conceptualisation du message, et celle de l’encodage phonologique,
permettant l’articulation de ce message. L’étape d’encodage grammatical
peut être divisée en deux niveaux, appelés le niveau fonctionnel et le niveau
positionnel (Garrett, 1975 ; Levelt, 1989 ; voir aussi Fayol, 1997, pour une
revue en français).
Le rôle du niveau fonctionnel implique la sélection de lemmes
appropriés pour exprimer le contenu conceptuel. Un second rôle attribué
à ce niveau est d’assigner des fonctions grammaticales à ces lemmes.
L’attribution des fonctions décide quel élément du message sera le sujet
grammatical, lequel sera objet direct, etc. Le produit de cette attribution
de fonction est une représentation qui indique pour chaque élément du
message sa fonction syntaxique et le mot utilisé pour l’exprimer. Par
exemple, si le locuteur veut dire que Jean mange une pomme, il lui faut
dans un premier temps choisir les items « Jean », « mange » et « pomme ».
Ensuite le locuteur attribue à chaque item son rôle dans la phrase, comme
le fait que le sujet est « Jean » et que le complément d’objet est « pomme ».
Cette représentation fonctionnelle guide le traitement au niveau
positionnel, qui lui aussi assume deux fonctions distinctes. La première
est la construction d’une structure constituante qui spécifie les relations
hiérarchiques et linéaires entre les différents éléments. Le second rôle
assigné au niveau positionnel est de placer les mots dans un ordre linéaire.
Ce processus de linéarisation se justifie car un même type de relations
fonctionnelles peut s’exprimer au travers de différents ordres de mots
(Kempen & Hoenkamp, 1987).
Ni l’étape de conceptualisation antérieure, ni celle de l’encodage
phonologique postérieure ne peuvent accueillir l’amorçage syntaxique,
puisque celles-ci ne traitent pas des éléments syntaxiques. L’amorçage
L’année psychologique, 2012, 112, 247-275
Les intérêts théoriques de l’amorçage syntaxique
263
syntaxique se situerait donc au niveau de l’encodage grammatical. Mais
à quel niveau précis du processus d’encodage grammatical faut-il situer
l’amorçage syntaxique ? Cette question est notamment considérée par
l’analyse des résultats obtenus par Bock, Loebell, et Morey (1992).
Dans leur étude, ces auteurs ont utilisé un paradigme de description
d’image, après répétition d’une amorce (voir Bock, 1986). Les images à
décrire impliquaient toutes un agent inanimé et un patient animé (par ex.,
une alarme se déclenchant et réveillant un garçon.). Les phrases à répéter
variaient en fonction du caractère animé (24, 26) ou non (25, 27) du sujet
grammatical et en fonction de la voix utilisée pour les phrases (active : 24,
25, vs passive : 26, 27).
(24) Five people carried the boat. [Cinq personnes ont transporté le
bateau.]
(25) The boat carried five people. [Le bateau a transporté cinq personnes]
(26) Five people were carried by the boat. [Cinq personnes ont été
transportées par le bateau.]
(27) The boat was carried by five people. [Le bateau a été transporté par
cinq personnes.]
L’analyse des résultats a montré deux effets d’amorçage indépendants.
D’une part, les participants avaient plus de chances de produire une phrase
cible active lorsque l’amorce avait un sujet inanimé (25 et 27) que lorsque
l’amorce avait un sujet animé (24 et 26). La phrase cible impliquait toujours
un agent inanimé et un patient animé, elle permettait deux configurations :
l’une où l’inanimé était sujet grammatical et l’animé objet grammatical
(phrase active du type « L’alarme réveille le garçon »), l’autre où l’animé
était sujet grammatical (phrase passive du type « Le garçon est réveillé
par l’alarme »). Le fait qu’une amorce avec un sujet inanimé facilite la
production de la forme active de la cible suggérait à Bock et al. (1992)
l’existence d’un amorçage au niveau fonctionnel : l’amorce attribuant la
fonction de sujet à l’inanimé induisait cette même attribution au niveau
de la cible, avec une tendance à formuler une structure active. Le deuxième
effet d’amorçage, plus classique, concernait la facilitation d’une structure de
cible par une structure d’amorce (active ou passive). Lorsqu’ils produisaient
une phrase cible, les participants ayant traité une phrase amorce active
avaient tendance à repositionner le sujet en premier, suivi de son objet
L’année psychologique, 2012, 112, 247-275
264
Margot Poletti
r Ludovic Le Bigot r François Rigalleau
direct, adoptant ainsi une structure active. Réciproquement, les participants
ayant traité une phrase amorce passive avaient tendance à placer l’élément
animé en position de complément d’agent, placé à la suite de by [par]
dans une structure passive. Le caractère additif des deux effets d’amorçage
suggérait à Bock et al. (1992) l’existence de deux effets d’amorçage : l’un au
niveau fonctionnel (sensible au caractère animé des items lexicaux), l’autre
au niveau positionnel (sensible aux positions respectives des noms dans les
structures).
Reste que ce type d’étude ne permet pas de tester directement l’existence
d’un effet d’amorçage au niveau seulement positionnel. En effet, en langue
anglaise, et pour les structures considérées (active ou passive), assigner
la fonction de sujet grammatical revient aussi à adopter une position
spécifique (début de phrase). Pour déterminer si un amorçage de la position
relative des éléments peut survenir lorsque l’effet sur la cible est purement
positionnel, sans affecter simultanément les fonctions grammaticales,
d’autres constructions syntaxiques doivent être expérimentées.
Les structures manipulées dans l’étude de Hartsuiker et Westenberg
(2000) évoquée plus haut, permettaient de placer en position finale soit
l’auxiliaire soit le participe, sans affecter les fonctions grammaticales.
Ces auteurs ont montré que seul le positionnement relatif des éléments
(auxiliaire et participe) était affecté par l’amorçage sans que les fonctions
grammaticales de ces éléments n’interviennent. Ce résultat suggère que
l’amorçage peut concerner un niveau où le système attribue les fonctions
grammaticales et où le positionnement des constituants syntaxiques est
seul en jeu. En d’autres termes, le résultat obtenu par Hartsuiker et
Westenberg place l’effet d’amorçage syntaxique au niveau positionnel du
processus d’encodage grammatical. De même, Fouilloux, Guitton, Le Bigot,
et Rigalleau (2007) ont manipulé l’ordre des constituants finaux de phrases
clivées en français dans une tâche de continuation de phrase. Les phrases
clivées permettaient une inversion de la place du sujet et du verbe. Les
participants commençaient par compléter une phrase amorce induisant
un ordre particulier (par ex. « C’est une bière que boit. . . »), où le sujet
se place après le verbe, comme dans la structure dite clivée objet inversée
« C’est une bière que boit le garçon. ». Les participants devaient ensuite
compléter un fragment cible du type « C’est un verre que. . . ». Les auteurs
ont trouvé un effet d’amorçage sur l’inversion du verbe et du sujet. Lorsque
les participants étaient amorcés avec une phrase clivée objet inversée (par
ex. « C’est une bière que boit. . . »), les fragments cibles étaient plus souvent
complétés de manière similaire (« C’est un verre que lave la serveuse »), que
L’année psychologique, 2012, 112, 247-275
Les intérêts théoriques de l’amorçage syntaxique
265
lorsque l’amorce était une clivée objet non-inversée (« C’est un verre que
l’homme . . . »).1
Ces deux études sont en faveur d’un amorçage syntaxique intervenant
au niveau positionnel du processus d’encodage grammatical, même si
elles n’interdisent pas l’existence d’un amorçage au niveau fonctionnel
de l’encodage grammatical. D’autres questions peuvent maintenant être
soulevées concernant le(s) support(s) mnésique(s) dont l’amorçage
syntaxique bénéficie. Nous évoquerons, dans la section suivante, les travaux
portant sur le caractère implicite ou explicite de la mémoire impliquée dans
l’amorçage syntaxique.
Support mnésique de l’amorçage syntaxique
L’amorçage syntaxique est souvent décrit comme un processus spontané
mais certains participants pourraient réutiliser de manière consciente et
volontaire les structures utilisées en tant qu’amorce. Dans le cadre des
travaux déjà cités dans la section précédente de Bock et al. (1992), les
auteurs ont étudié le caractère implicite versus explicite de la mémorisation
de la structure amorce. L’étude partait de la supposition que si l’amorçage
syntaxique impliquait une participation de la mémoire explicite, des
relations devraient apparaître entre la mémorisation explicite des phrases
amorces, et le degré auquel elles induisent l’amorçage. Les auteurs ont
procédé à un test de reconnaissance des phrases proposées en amorce.
Une participation de la mémoire explicite aurait pu se manifester par une
meilleure reconnaissance des phrases ayant conduit à des effets d’amorçage
syntaxique que de celles n’ayant pas provoqué d’amorçage. Pourtant, les
auteurs n’ont trouvé aucune relation évidente entre la mémoire explicite
des phrases amorces et l’effet d’amorçage. Les phrases amorces ayant été
explicitement mémorisées n’avaient pas significativement provoqué plus
d’amorçage que les autres, comme elles auraient dû le faire si la mémoire
explicite avait été impliquée. De même, les phrases amorces qui avaient
1 Un critique a demandé si d’autres travaux avaient mis en évidence un amorçage syntaxique en langue française.
Une enquête informelle internationale conduite par F. T. Jaeger (communication personnelle, août 2008) n’a pas
permis de mettre en évidence d’autres travaux que ceux indiqués dans cette note. Rigalleau, Le Bigot, Baudiffier
et Poletti (2009) ont mis en évidence une facilitation de la production de l’accord avec l’objet antéposé (par
ex. « La secrétaire que le patron a embauchée. . . » quand une phrase respectant cet accord venait d’être lue. Le
Bigot, Rigalleau, Ros et Terrier (2009) ont montré, avec des dialogues écrits, un effet de répétition de la structure
clivée sur la production de réponses. Les lecteurs désireux de connaitre les langues où l’amorçage syntaxique a été
mis en évidence pourront trouver certains des résultats de l’enquête conduite par Jaeger dans Jaeger et Norcliffe
(2009).
L’année psychologique, 2012, 112, 247-275
266
Margot Poletti
r Ludovic Le Bigot r François Rigalleau
conduit à une réutilisation de la structure ont été aussi bien reconnues que
les phrases amorces pour lesquelles aucun amorçage n’avait été constaté.
Une démonstration moins équivoque de l’influence de la mémoire
implicite pour l’amorçage a été fournie par une expérimentation menée
sur un groupe de patients ayant une amnésie antérograde (Ferreira,
Bock, Wilson, & Cohen, 2008). Ce type d’amnésie se caractérise par
une détérioration sévère de l’encodage de nouvelles connaissances en
mémoire explicite, tandis que les capacités d’apprentissage implicite restent
intactes. Un patient atteint de cette pathologie, devant rappeler une liste de
mot présentée auparavant, obtient une performance moins élevée qu’une
personne non affectée par ce type d’amnésie. En revanche, dans une
tâche de complétion de mot, (tâche permettant d’évaluer les capacités
d’apprentissage implicite), le patient et le participant contrôle complètent
les fragments de mots avec les items de la liste précédente de manière
analogue. Ferreira et al. ont testé un groupe de participants atteints
d’amnésie antérograde et un groupe contrôle, à l’aide d’un paradigme
d’amorçage syntaxique similaire à celui utilisé par Bock (1986). L’analyse
des résultats a montré que les patients atteints d’amnésie antérograde
n’atteignaient pas le taux de reconnaissance des phrases obtenu par le
groupe contrôle, ce qui confirmait une détérioration de leurs performances
mnésiques explicites. En revanche, les participants atteints d’amnésie
présentaient des effets d’amorçage syntaxique de même amplitude que les
participants du groupe contrôle.
Les arguments qui suggèrent que l’amorçage syntaxique n’exige pas une
mémorisation explicite de l’amorce sont nombreux. Le rôle de la mémoire
épisodique apparait alors limité dans l’explication de ce phénomène.
Pourtant, certains auteurs estiment que l’amorçage syntaxique est un
phénomène durable qui impliquerait une forme de mémoire à long terme.
Par exemple, les expériences de Bock et Griffin (2000) ont clairement
démontré la longévité de l’amorçage syntaxique. Ces auteurs ont utilisé
le même paradigme de description d’images que celui de Bock (1986) en
utilisant soit deux formes alternatives de datives (prépositionnelle/double
objet) soit deux formes transitives (active/passive). Ils ont aussi manipulé
le nombre de phrases neutres intervenant (0, 1, 2, 4 ou 10) entre la
phrase amorce et l’image cible à décrire. L’hypothèse principale était qu’une
situation où le délai est long entre l’amorce et la cible favorise l’émergence
de nombreux traitements cognitifs, puisque le participant doit à chaque fois
qu’il entend, puis répète une phrase, la juger, et estimer s’il l’a déjà entendue
auparavant. Malgré l’intervention de ces différents processus, l’analyse des
résultats a révélé des effets d’amorçage même avec 10 phrases neutres entre
l’amorce et la cible, démontrant ainsi la longévité du phénomène.
L’année psychologique, 2012, 112, 247-275
Les intérêts théoriques de l’amorçage syntaxique
267
Certaines études ont toutefois modéré cette persistance. Par exemple,
Levelt et Kelter (1982) ont montré qu’un amorçage à l’oral pouvait
disparaître après l’insertion d’une seule proposition entre la question
amorce et la réponse cible des participants. De même, Branigan, Pickering
et Cleland (1999) ont montré qu’en production écrite, le processus
d’amorçage syntaxique disparaissait après l’intervention d’une seule phrase
neutre entre les amorces. De même, nous avons déjà souligné que l’effet
d’accentuation lexicale sur l’amorçage syntaxique décline rapidement (dès
l’intervention d’une ou deux phrases entre l’amorce et la cible), comme
l’ont démontré Hartsuiker et al. (2008).
L’image générale qui se dessine serait l’implication de deux processus
mnésiques implicites intervenant dans l’amorçage syntaxique. Le premier
reposerait sur la propagation de l’activation lors du traitement de la phrase
amorce. Cette propagation aboutirait à activer une série d’associations
présentes en mémoire à long terme, dans le lexique mental. Ces associations
seraient des liens entre les items lexicaux et des informations relatives à leur
environnement syntaxique dans l’amorce. La persistance de ces activations
serait brève, elles s’atténueraient rapidement par simple déclin ou par
l’engagement de l’activation sur de nouveaux items lexicaux. Mais dans
le cas où la cible intervient juste après l’amorce, et implique des items
lexicaux communs, l’activation résiduelle viendrait accentuer l’amorçage
syntaxique. Le second processus serait assimilable à un apprentissage
implicite, il expliquerait les effets durables d’amorçage syntaxique, et il
serait compatible avec l’effet de préférence inverse abordé plus haut. Cet
apprentissage concernerait des associations entre une signification et une
structure de phrase.
D’une manière générale, si l’apprentissage en partie implicite consiste
simplement en un renforcement du lien associant une signification à la
structure d’une phrase, alors cet apprentissage peut sans soute s’appliquer
à une forme jamais produite auparavant. Par exemple, Kaschak et Glenberg
(2004) ont montré que des adultes anglophones ayant entendu plusieurs
fois produire une construction nouvelle (facilement compréhensible)
pouvaient la réemployer spontanément. Ce même mécanisme pourrait
d’ailleurs être à l’œuvre très tôt lors du développement, et faciliter
l’acquisition de structures grammaticales entendues par un enfant. Des
effets d’amorçage syntaxique ont pu être observés dès l’âge de 3 ans (Chang,
Dell, & Bock, 2006 ; Savage, Lieven, Theakston, & Tomassello, 2003 ;
Shimpi, Gamez, Huttenlocher, & Vasiyea, 2007). Une conclusion simple
serait de considérer l’effet d’amorçage syntaxique systématiquement à long
terme. Certaines études employant la durée de production de la phrase
cible comme variable dépendante modèrent cette idée. L’accélération de la
L’année psychologique, 2012, 112, 247-275
268
Margot Poletti
r Ludovic Le Bigot r François Rigalleau
production pour la structure amorcée disparaît dès qu’une phrase neutre
intervient entre l’amorce et la cible (Smith & Wheeldon, 2001). L’analyse
de ces résultats suggère que l’amorçage syntaxique est pluri-déterminé
en termes mnésique. De même, l’amorçage syntaxique peut-il renseigner
sur la question du caractère commun des processus de traitement en
compréhension et en production ?
VERS UN LIEN ENTRE PRODUCTION
ET COMPRÉHENSION
Les théories linguistiques classiques distinguent deux modèles pour la
compréhension et la production du langage. Un argument en faveur
de cette distinction provient des études sur l’acquisition de la syntaxe.
L’évolution des acquisitions syntaxiques chez l’enfant n’est pas équivalente
en ce qui concerne les performances en compréhension et celles en
production. Pendant toute l’acquisition syntaxique, il y a un décalage
entre la compréhension qui arrive en premier, et la production qui
suit (Clark, 1982 ; Clark & Hecht, 1983). Les premières recherches
sur l’amorçage syntaxique ont émergé dans le champ de la production
verbale. Les participants produisaient la phrase amorce en la répétant, puis
produisaient la phrase cible. Ces études ont eu tendance à concevoir l’effet
d’amorçage syntaxique au niveau des processus syntaxiques spécifiques
à la production (Bock et al., 1990), mais cette tendance peut être
critiquée puisque la répétition de l’amorce implique sa compréhension.
Depuis, d’autres recherches ont plus clairement indiqué que l’amorçage
syntaxique pouvait apparaître entre les modalités de compréhension et de
production. Un amorçage entre la compréhension des phrases amorces
et celles des phrases cibles, voire entre compréhension et production est
possible (Potter & Lombardi, 1998). Des effets d’amorçage syntaxique
internes à la compréhension ont notamment été rapportés. Par exemple,
Branigan, Pickering, et McLean (2005) ont évalué la compréhension
(en lecture) de phrases ambiguës comme « L’homme montre la femme
avec le parapluie ». Cette phrase cible était précédée d’une phrase
présentant la même ambiguïté, mais pour laquelle une image associée levait
l’ambiguïté. L’analyse des résultats a montré que, pour la phrase cible,
les participants privilégiaient l’interprétation syntaxique adoptée pour
l’amorce.
La mise en évidence d’un effet d’amorçage entre la compréhension et
la production, et la force inattendue de cet effet, militent en faveur de
L’année psychologique, 2012, 112, 247-275
Les intérêts théoriques de l’amorçage syntaxique
269
représentations ou de processus syntaxiques communs impliqués dans ces
deux modalités d’utilisation du langage (Pickering & Branigan, 1998).
Certaines considérations peuvent conduire à penser que le calcul d’une
représentation syntaxique complète de l’énoncé ne s’effectuerait pas de
manière symétrique en production et en compréhension. Aussi, selon
Levelt (1989), lors de la production d’une expression linguistique, le
locuteur doit déterminer comment le contenu relationnel au niveau du
message peut être traduit en termes de sujet grammatical, d’objet direct,
indirect, pour que ces éléments soient finalement formulés dans un ordre
linéaire. Le locuteur doit passer par la construction d’une représentation
syntaxique complète pour formuler sa phrase, du moins si celle-ci est
grammaticale.
La compréhension, par contraste, ne semble pas toujours impliquer
un calcul complet de la représentation syntaxique. Certains auteurs
ont suggéré que le traitement de phrase pourrait se contenter d’une
analyse superficielle, dans la mesure où certains éléments lexicaux,
et les connaissances préalables de l’auditeur, suffisent pour activer
une représentation cohérente. Par exemple, Christianson, Hollingworth,
Halliwell, et Ferreira (2001) ont montré que lors de la lecture d’une
phrase transitoirement ambiguë (anglaise, mais ici adaptée en français)
comme « Pendant que Jeanne attendait Pierre jouait », les lecteurs
construisent une fausse interprétation faisant de Pierre l’objet du verbe
« attendre ». Cette erreur n’était pas totalement corrigée une fois la
phrase lue. En effet, les participants devaient répondre à des questions de
compréhension après avoir lu ce genre de phrase. À la question « Est-ce
que Pierre jouait ? », les participants répondaient à 100 % « oui ».
En revanche, à la question « Est-ce que Jeanne attendait Pierre ? »,
qui correspond à la mauvaise interprétation initiale, et pour laquelle les
auteurs attendaient une réponse négative, les participants répondaient
aussi « oui ». Ce type d’erreur survenait d’autant plus souvent que la
phrase était syntaxiquement complexe, et qu’une signification plausible
pouvait être déduite sans passer par le calcul de la représentation syntaxique
complète (Ferreira, 2003). Gimenes, Rigalleau, et Gaonac’h (2009) ont
proposé une étude allant dans le même sens avec des phrases en
français. Ce type de résultat a conduit Ferreira à proposer l’approche dite
« suffisamment bonne » de la compréhension du langage, qui insiste sur
le caractère souvent incomplet de l’analyse grammaticale chez des adultes
lisant ou écoutant des phrases en langue maternelle (Ferreira & Patson,
2007).
De même, des données neuropsychologiques et psycholinguistiques
conduisent à remettre en cause l’idée d’une symétrie parfaite entre
L’année psychologique, 2012, 112, 247-275
270
Margot Poletti
r Ludovic Le Bigot r François Rigalleau
compréhension et production du point de vue des représentations
syntaxiques, et des processus impliqués. En particulier, des études
neuropsychologiques suggèrent que certains malades aphasiques
agrammatiques peuvent présenter des troubles de production syntaxique
alors que leur compréhension syntaxique est relativement préservée (par
ex., Kolk, van Grunsven, & Keyser, 1985 ; Miceli, Menn, & Goodglass,
1983 ; Caramazza, Capitani, Rey, & Berndt, 2001 ; voir aussi Rigalleau,
Nespoulous, & Gaonac’h, 1997, pour une revue).
Dans les deux cas qui viennent d’être cités, des indices existent en
faveur d’une asymétrie entre la production et la compréhension concernant
l’analyse syntaxique. Ceci peut sembler incompatible avec un couplage très
fort entre la compréhension et la production syntaxique, tel qu’il émerge
des travaux sur l’amorçage syntaxique. Mais deux points importants sont à
considérer : le premier est que les travaux neuropsychologiques sur les cas
de dissociation entre compréhension et production reposent surtout sur des
études de cas. Ce type d’étude constitue un argument fragile si l’on admet
que certains sujets peuvent présenter, avant lésion, une organisation très
spécifique de leur système de traitement du langage (toutefois, pour des
arguments en faveur de l’étude de cas, voir Caramazza, 1986). Les études
de groupes conduites sur les aphasiques agrammatiques en production
suggèrent qu’ils présentent très généralement des troubles associés de
la compréhension grammaticale. En outre, les travaux de Fernanda
Ferreira montrent que l’analyse syntaxique peut sans doute être en partie
négligée lors de la compréhension, car des informations non-syntaxiques
permettent d’aboutir à une représentation de la signification de l’énoncé
sans passer par des processus syntaxiques coûteux. Seules les exigences
de qualité ou de précision des processus d’analyse syntaxique pourraient
différer entre les deux modalités, sans que les connaissances impliquées ou
les niveaux de représentation diffèrent2 .
CONCLUSION
Dans ce travail, nous avons passé en revue les travaux essentiels sur
l’amorçage syntaxique. Nous invitons les lecteurs anglophones intéressés
2 Nous remercions un critique de ce travail pour avoir suggéré une approche permettant de rendre compatibles
ces différents travaux.
L’année psychologique, 2012, 112, 247-275
Les intérêts théoriques de l’amorçage syntaxique
271
à se référer à trois revues récentes publiées à ce sujet, et qui nous ont
aidées dans la mise au point de cette revue (Branigan, 2007 ; Ferreira
& Bock, 2006 ; Pickering & Ferreira, 2008). Ici, nous avons d’abord
choisi d’expliquer pourquoi l’effet d’amorçage syntaxique semble bien
impliquer une persistance des informations syntaxiques après traitement
d’une phrase. Cette persistance peut être partiellement liée à une activation
résiduelle d’informations grammaticales liées à des mots de contenu, ce
qui est compatible avec une accentuation de l’effet d’amorçage si la phrase
suivante implique des mots de contenu identiques. En revanche, l’amorçage
syntaxique ne peut être expliqué seulement par un maintien des formes
phonologiques ou des rôles thématiques. L’amorçage syntaxique concerne
le niveau de représentation où les positions syntaxiques des mots dans
la phrase sont déterminées, mais il pourrait aussi concerner un niveau
fonctionnel où les fonctions grammaticales sont encodées sans être liées
à des positions. Les études sur les mots grammaticaux et le niveau de
leur encodage pourraient apporter un éclairage nouveau sur ce point,
mais aucun consensus n’émerge entre les auteurs concernant cet aspect.
En effet, Bock et Levelt (1994) ne spécifient pas clairement la place de
ce processus au sein de leur modèle. Tandis que Garett (1975) considère
que les mots grammaticaux sont encodés au niveau positionnel. L’absence
de résultats explicites sur l’influence de ces mots grammaticaux dans les
effets d’amorçage syntaxique ne permet d’envisager leur influence que
dans une perspective d’accentuation lexicale. Le caractère éphémère de
l’effet d’accentuation lexicale est compatible avec une simple activation
résiduelle d’informations grammaticales liées à des mots spécifiques. Mais
ceci ne doit pas masquer le fait que l’amorçage syntaxique est en soi un
phénomène durable, qui peut persister après traitement d’une dizaine de
phrases intermédiaires, et qui persiste chez des malades souffrant d’un
grave déficit de mémoire explicite. Il semble en partie déterminé par un
mécanisme d’apprentissage implicite, sensible à la fréquence d’usage des
structures des phrases, et favorisant l’apprentissage rapide de structures
rares.
De façon plus spéculative, l’amorçage syntaxique pourrait consister
en une combinaison de diverses composantes. L’une au moins serait
basée sur la mémoire à court terme, et l’activation temporaire d’éléments
linguistiques, qui se manifeste par des temps de production plus courts
pour la cible amorcée. L’autre serait basée sur la mémoire à long terme et
se manifesterait par une persistance dans la réutilisation de la structure de
l’amorce à la cible. Cette possibilité est suggérée par une multitude d’indices
L’année psychologique, 2012, 112, 247-275
272
Margot Poletti
r Ludovic Le Bigot r François Rigalleau
dans la littérature, montrant qu’en général l’amorçage syntaxique est un
effet pluri-déterminé en termes mnésique.
Une approche mnésique de l’amorçage syntaxique, comme un simple
effet de mémoire, conduit à insister sur sa fonction de facilitation
de la production, d’apprentissage de formes syntaxiques, ou les deux.
Une approche communicative a aussi été envisagée (par ex., Pickering
& Garrod, 2004). Cette approche donne à l’amorçage syntaxique
une fonction d’alignement des représentations lors du dialogue en
permettant aux interlocuteurs de partager des mêmes représentations
syntaxiques.
Les travaux actuels sur l’amorçage syntaxique doivent répondre
à plusieurs questions évoquées plus haut. Ils doivent délimiter plus
précisément les processus qui contribuent aux effets d’amorçage syntaxique
à court terme et à long terme. Ces travaux doivent aussi préciser les
aspects de la représentation syntaxique qui peuvent être amorcés (par
ex. fonctions grammaticales, positions syntaxiques). Il est remarquable
qu’aucun travail n’ait porté sur l’amorçage des phénomènes d’accord
syntaxique pourtant variables. Par exemple, le problème posé par l’accord
de syntagmes nominaux de la forme « La plupart des » ou « l’ensemble des »
lorsqu’ils sont sujets de verbes.
D’un point de vue général théorique, la présence d’effets d’amorçage
entre la compréhension et la production milite en faveur de représentations
ainsi que de processus communs entre les différentes modalités d’utilisation
du langage. Cette éventuelle intermodalité vient remettre en cause
les travaux qui distinguent fortement production et compréhension,
en neuropsychologie ou en psycholinguistique. Il conviendrait que
cette remise en cause soit accompagnée d’un argumentaire susceptible
d’expliquer des résultats apparemment incompatibles. Concernant les
données neuropsychologiques sur la dissociation double entre production
syntaxique et compréhension syntaxique demeure un phénomène à
explorer, en examinant par exemple si les cas de patients pour lesquels
la compréhension syntaxique semble sélectivement épargnée peuvent
bénéficier d’un amorçage allant de la compréhension vers la production
grammaticale. Bien des questions subsistent (ou émergent) concernant
l’amorçage syntaxique, phénomène robuste, et fort peu exploré par des
travaux francophones.
Reçu le 23 février 2010.
Révision acceptée le 16 mars 2011.
L’année psychologique, 2012, 112, 247-275
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