Fiche protection fonctionnelle

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Fiche protection fonctionnelle
Mise à jour le : 11/11/2009
Syndicat SUD CT CG 93
LA PROTECTION FONCTIONNELLE
Sommaire
Chapitre 1 PRINCIPE
P1
Chapitre 2 LA PROTECTION DES AGENTS MIS EN
CAUSE
P2
A) Conditions de garantie
B) Le contenu de la protection
Chapitre 3 LA PROTECTION DES AGENTS CONTRE
LES ATTAQUES DE TIERS
P3
A) Les conditions de la protection
B) Le contenu de la protection
Chapitre 4 MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION
P7
Textes et jurisprudences de référence
P9
I PRINCIPE
Le chapitre II de la loi n°83-634 du 13 juillet 198 3 portant droits et obligations des
fonctionnaires fixe des garanties à l'égard des agents.
Ceux-ci bénéficient ainsi, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la
collectivité publique dont ils dépendent (art. 11 loi n°83-634 du 13 juil. 1983). Cette protection
fonctionnelle bénéficie tant aux fonctionnaires qu'aux agents publics non titulaires ; elle peut revêtir
deux aspects :
- la protection des agents mis en cause
- la protection des agents victimes d'attaques
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II LA PROTECTION DES AGENTS MIS EN CAUSE
A) Les conditions de la garantie
Cette protection s'applique lorsque l'agent est mis en cause en raison de faits liés à l'exercice
de ses fonctions, soit devant les juridictions civiles, soit devant les juridictions pénales. Elle fait
intervenir les notions de faute personnelle et faute de service :
. La faute personnelle est la faute commise matériellement en dehors du service ou la faute
particulièrement grave et inexcusable, notamment intentionnelle, commise à l'intérieur du service (ex. :
actes de violence sur les lieux du travail, détournement de fonds) ; elle engage la responsabilité de
l'agent devant les juridictions judiciaires.
. La faute de service correspond à un acte impersonnel, commis dans l'exercice des fonctions
; elle engage la responsabilité de l'administration devant les juridictions administratives.
1- L'agent poursuivi par un tiers pour faute de service
La collectivité doit couvrir les condamnations civiles qui auraient été prononcées contre un
agent poursuivi par un tiers pour une faute de service, dans la mesure où aucune faute personnelle
détachable de l'exercice de ses fonctions n'est imputable à cet agent (art. 11 al. 2 loi n°83-634 du 1 3
juil. 1983).
On peut distinguer trois cas (CE 12 avr. 2002 n°238 689) :
- le dommage pour lequel l'agent a été condamné civilement trouve son origine exclusive
dans une faute de service : l'administration est tenue de couvrir intégralement l'intéressé des
condamnations civiles prononcées contre lui ;
- le dommage provient exclusivement d'une faute personnelle détachable de l'exercice des
fonctions : l'agent qui l'a commise ne peut pas obtenir la garantie de l'administration, quel que soit le
lien entre cette faute et le service ; la circonstance que les faits reprochés aient été commis dans le
cadre du service ou ne soient pas dépourvus de tout lien avec le service est sans influence dès lors
que ces faits revêtent un caractère inexcusable et sont d'une exceptionnelle gravité, de telle sorte que
la faute se détache du service ;
- une faute personnelle a, dans la réalisation du dommage, conjugué ses effets avec ceux
d'une faute de service distincte : l'administration n'est tenue de couvrir l'agent que pour la part
imputable à cette faute de service. La contribution finale de l'agent et de l'administration à la charge
des réparations est réglée compte tenu de l'existence et de la gravité des fautes respectives.
Ainsi que l'a établi le juge, le fait qu'une réparation soit accordée par une collectivité publique
à la victime d'une faute personnelle de l'agent détachable de l'exercice de ses fonctions dans le cadre
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d'une transaction amiable, sans décision de justice condamnant la collectivité, n'empêche pas cette
dernière de se retourner contre l'agent (CE 12 déc. 2008 n°296982).
2- L'agent faisant l'objet de poursuites pénales
La collectivité doit aussi accorder sa protection à l'agent faisant l'objet de poursuites pénales
à l'occasion de faits n'ayant pas le caractère d'une faute personnelle (art. 11 al. 4 loi n°83-634 du 13
juil. 1983,).
La protection est donc due lorsque les faits pour lesquels l'agent est poursuivi ne sont pas
constitutifs, ou du moins ne sont pas estimés au départ, constitutifs d'une faute personnelle. A
l'inverse, la protection est refusée au fonctionnaire qui fait l'objet de poursuites pénales dès lors que la
faute commise revêt un caractère personnel (CE 28 déc. 2001 n°213931).
* Pour accorder ou non la protection, l'autorité administrative se prononce au vu des éléments
dont elle dispose à la date de sa décision, en se fondant le cas échéant sur ceux recueillis dans le
cadre de la procédure pénale. Si ces éléments la conduisent à décider d'accorder le bénéfice de la
protection en l'absence de toute faute personnelle de l'agent, cette décision peut ultérieurement être
abrogée s'il apparaît que celui-ci s'est rendu coupable d'une telle faute ; à l'inverse, le refus opposé à
un agent au motif qu'il a commis une faute personnelle peut être abrogé s'il apparaît ultérieurement
que cette faute revêt en réalité le caractère d'une faute de service. De plus, le fait que l'autorité
administrative ait pris l'initiative des poursuites pénales n'est pas de nature à la dispenser de
l'obligation de protection (CAA Lyon 15 juil. 2003 n°99LY02659).
B) Le contenu de la protection
La protection se manifeste de différentes manières :
. Quand l'agent est mis en cause devant une juridiction judiciaire pour des faits relevant d'une
faute de service, l'administration peut saisir le préfet afin qu'il élève le conflit, pour faire juger l'affaire
par la juridiction administrative. A cette fin, il rédige un déclinatoire de compétence obligeant le tribunal
judiciaire à statuer sur sa compétence : si le tribunal admet le déclinatoire et se reconnaît
incompétent, la procédure judiciaire s'arrête ; sinon, le tribunal ne peut statuer immédiatement sur le
fond et le préfet dispose d'un délai de quinze jours pour prendre un arrêté de conflit qui a pour effet de
saisir le Tribunal des conflits.
Devant les juridictions pénales, le conflit ne peut être élevé que sur l'action civile (appréciation
des dommages et intérêts) et pas sur l'action publique.
. Si le conflit d'attribution n'a pas été élevé et que le juge judiciaire a condamné l'agent au
paiement de réparations civiles pour des faits n'ayant pas le caractère d'une faute personnelle,
l'administration doit prendre en charge ces condamnations.
Toutefois, devant les juridictions pénales, cette garantie se limite à l'action civile :
l'administration ne peut pas payer les éventuelles amendes pénales auxquelles un agent serait
condamné, même en cas de faute de service reconnu (principe de la personnalité des peines).
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. L'administration doit prendre en charge les honoraires d'avocat (librement choisi par l'agent),
les frais de procédure, le montant du cautionnement imposé à l'agent dans le cadre d'un contrôle
judiciaire et apporter une assistance dans le cas où l'agent poursuivi intenterait une action en justice
pour faire respecter la présomption d'innocence (art. 9-1 C. civil) dans le cas d'une procédure pénale.
Si à l'issue du procès, il apparaît que les faits commis par l'agent ont le caractère d'une faute
personnelle, la collectivité peut se retourner vers l'intéressé pour obtenir le remboursement des
sommes engagées pour assurer sa protection et sa défense.
III
LA
PROTECTION
DES
AGENTS
VICTIMES
D'ATTAQUES
A) Les conditions de la protection
La collectivité doit protéger les agents contre les menaces, violences, voies de fait, injures,
diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions (art. 11 al. 3
loi n°83-634 du 13 juil. 1983). Cette énumération n 'a pas un caractère exhaustif ; ainsi la protection
peut être accordée en cas d'atteinte aux biens (ex. : dommages causés aux véhicules).
Dès lors que les conditions légales sont réunies, la protection fonctionnelle présente un
caractère impératif et ne peut être refusée que pour des motifs d'intérêt général dûment justifié (CE 14
fév. 1975 n°87730). Par conséquent, le refus de pro tection ne reposant sur aucun motif d'intérêt
général est illégal et cette illégalité engage la responsabilité de l'administration qui est condamnée à
indemniser l'agent (CE 17 mai 1995 n°141635).
La notion d'intérêt général est interprétée strictement par la jurisprudence administrative. Ainsi
le souci d'une administration d'appliquer une politique d'apaisement à la suite d'une longue grève ne
peut constituer un motif d'intérêt général justifiant le refus de la protection fonctionnelle (CE 16 déc.
1977 n°04344) ; de même, la circonstance que l'agen t ne s'acquittait pas de ses fonctions de manière
satisfaisante ne justifie pas le refus de l'autorité administrative de lui accorder sa protection (CE 24
juin 1977 n°93480, 93481 et 93482).
* Le lien de causalité entre le dommage subi et les fonctions exercées doit être établi ; ainsi le
bénéfice de la protection fonctionnelle a été refusé à une enseignante s'étant fait fracturer sa voiture
alors que celle-ci était garée dans l'enceinte de l'établissement pendant qu'elle effectuait son service,
dans la mesure où l'effraction n'était pas liée directement aux fonctions exercées (CAA Versailles 4
nov. 2004 n°02VE01989).
Par contre, dès lors que les attaques sont dirigées contre l'agent à raison de ses fonctions ou
en sa qualité de fonctionnaire, la protection fonctionnelle s'applique ; ainsi les menaces dont un agent
de police municipale a été victime alors qu'il n'était ni en tenue ni en service et alors même qu'elles ne
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se sont pas produites à un moment où il exerçait effectivement ses fonctions, doivent être considérées
comme intervenues à l'occasion des ses fonctions dès lors qu'elles le visaient en sa qualité et en
raison de ses fonctions de policier municipal (CAA Paris 1er oct. 2004 n°01PA00033).
* La forme des attaques importe peu : elles peuvent être physiques, écrites ou verbales,
adressées par courrier individuel à l'agent ou diffusées plus largement par des tracts syndicaux ou par
les médias. Ainsi, un fonctionnaire pris à partie par voie de presse par des organisations syndicales
doit bénéficier de la protection fonctionnelle (CE 17 janv. 1996 n°128950) ; de même, pour des
appréciations diffamatoires dans un ouvrage (CE 14 fév. 1975 n°87730).
Mais de simples critiques ne constituent pas une attaque et n'ouvrent donc pas droit à
protection (CE 24 fév. 1995 n°112538).
* La notion de tiers est entendue au sens large : les attaques peuvent émaner de personnes
privées, d'usagers du service, d'autres agents publics (ex. : en cas de harcèlement) ou autorités de
toute nature.
Mais la protection n'est pas subordonnée à la possibilité d'exercer un recours contre l'auteur
des dommages (CE 28 mars 1969 n°73250).
* La protection a un caractère personnel : seul l'agent peut invoquer le bénéfice de ces
dispositions protectrices et les membres de sa famille en sont exclus (CE 8 déc. 1989 n°89979).
Cependant, la protection fonctionnelle a été étendue aux conjoints, enfants et ascendants
directs des sapeurs-pompiers professionnels, des agents de police municipale et des gardeschampêtres lorsque, du fait de ces fonctions, ils sont victimes de menaces, violences, voies de fait,
injures, diffamations ou outrages. Elle peut aussi leur être accordée quand l'agent est décédé dans
l'exercice de ses fonctions ou du fait de ses fonctions, à raison des faits à l'origine du décès ou pour
des faits commis postérieurement au décès mais du fait des fonctions qu'exerçait l'agent décédé (art.
112 loi n°2003-239 du 18 mars 2003).
Par ailleurs, les enfants mineurs des agents décédés ou dans l'incapacité de gagner leur vie
en raison des blessures reçues dans le cadre d'une agression relevant de l'article 11 de la loi n°83634 du 13 juillet 1983 peuvent bénéficier d'une " protection particulière ", essentiellement sous forme
d'aides financières (décr. n°82-337 du 8 avr. 1982) .
* Aucune disposition n'impose aux fonctionnaires un délai pour demander la protection
fonctionnelle mais le bénéfice de cette protection peut être refusé dès lors qu'à la date à laquelle
l'agent présente sa demande, aucune démarche de l'administration n'est plus envisageable (CE 28
avr. 2004 n°232143).
B) Le contenu de la protection
La protection allouée aux agents victimes recouvre plusieurs aspects :
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1- Une obligation de prévention
Si les attaques sont imminentes ou n'ont pas pris fin, l'administration doit mettre en oeuvre les
moyens les plus appropriés pour éviter ou faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire est
exposé. Exemples :
- assurer à l'agent une protection physique, au besoin par la force publique,
- procéder à un changement d'affectation dans l'intérêt du service,
- procéder à une mise au point par voie de presse ou assister l'agent dans son droit de
réponse quand celui-ci est mis en cause sur le plan médiatique,
- engager une procédure disciplinaire contre l'agresseur si celui-ci est un agent public (CE 21
nov. 1980 n°21162).
2- Une obligation d'assistance
Cette assistance est juridique : il s'agit d'apporter à l'agent une aide dans les procédures
judiciaires entreprises, notamment devant les juridictions pénales. Cette aide peut prendre plusieurs
formes :
- si l'agent n'a pas engagé d'action personnelle, l'administration peut déclencher l'action
publique, notamment en portant plainte. L'administration est alors la seule victime désignée dans le
procès, ce qui répond au souci parfois constaté chez l'agent de ne pas apparaître dans la procédure ;
- quand l'agent a lui-même déposé plainte, l'administration doit l'aider financièrement en lui
avançant ou en lui remboursant les honoraires d'avocat (librement choisi par l'agent) et l'ensemble
des frais de procédure occasionnés (frais d'expertise, d'huissiers, de transport...). L'administration
peut toutefois refuser de continuer à accorder la protection statutaire à un fonctionnaire qui engagerait
des instances inappropriées dès lors qu'il a obtenu en 1ère instance les réparations auxquelles il
pouvait prétendre (CE 24 oct. 2005 n°259807).
L'administration peut aussi manifester son appui par le dépôt d'une plainte destinée à
corroborer la plainte de l'agent.
3- Une obligation de réparation
* L'administration doit réparer les différents préjudices que l'agent a pu subir. La protection
continue donc d'être due alors même que les attaques ont diminué ou cessé au moment où l'agent
demande la protection (CE 18 mars 1994 n°92410).
. Pour les dommages matériels (vandalisme de véhicule, destruction d'objets personnels...) :
l'indemnisation est immédiate dès lors que l'agent produit les pièces justificatives nécessaires, sans
qu'il soit nécessaire d'identifier au préalable le ou les auteurs des faits.
. Pour les dommages corporels et personnels :
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- Lorsque le préjudice ouvre droit à la fois à une réparation au titre des accidents de service et
à la réparation au titre de la protection de l'administration, il convient de faire prévaloir les règles
d'indemnisation des accidents de service dont le caractère forfaitaire subsiste dans les limites posées
par l'arrêt du Conseil d'Etat n°211106 du 4 juillet 2003 qui prévoit désormais une indemnisation
complémentaire des préjudices personnels.
L'agent reste cependant fondé à agir en justice contre son agresseur en vue d'obtenir une
réparation complémentaire de tous les dommages corporels et des différents préjudices personnels
subis (tels que pretium doloris, troubles dans les conditions d'existence, douleur morale, préjudice
esthétique, préjudice d'agrément).
- L'indemnisation au titre de l'article 11 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 se limite aux cas
non prévus par la législation sur les pensions (CE 16 oct. 1981 n°24977 et n°00161). Ainsi, dans la
mesure où le préjudice moral subi par un agent public à l'occasion d'un accident de service qui a
atteint son intégrité physique se distingue du préjudice subi à l'occasion du même accident, du seul
fait des injures et outrages proférées à son encontre, les régimes de réparation sont distincts et
cumulables (CAA Paris 4 nov. 1999 n°97PA02606).
La protection fonctionnelle n'entraîne pas la substitution de la collectivité publique dont
dépend l'agent, pour le paiement des dommages et intérêts accordés par une décision de justice, aux
auteurs des préjudices lorsqu'ils sont insolvables ou se soustraient à l'exécution de cette décision de
justice. Toutefois, la collectivité doit assurer une juste réparation du préjudice subi par l'agent (CE 17
déc. 2004 n°265165) : elle peut donc compléter l'in demnisation accordée ou assurer seule cette
indemnisation si l'agent ne parvient pas à se faire indemniser ; dans ce cas, elle détermine le montant
à accorder, puisqu'elle n'est pas liée par la décision judiciaire même si elle peut s'en inspirer.
* La collectivité peut obtenir, dans la limite des sommes accordées à son agent, le versement
de la somme mise à la charge de l'auteur des dommages (art. 11 al. 5 loi n°83-634 du 13 juil. 1983) :
- soit dans le cadre d'une action directe : la constitution de partie civile devant la juridiction
pénale lui permet d'obtenir de l'agresseur le remboursement des sommes versées à l'agent ;
- soit dans le cadre d'une action subrogatoire : la collectivité se substitue alors à l'agent
victime pour obtenir ce remboursement par la voie civile.
L'action de la collectivité n'est recevable que si elle a effectivement réparé le préjudice subi
par l'agent et qu'elle demande la restitution des sommes ainsi versées (quest. écr. AN n°21079 du 2
nov. 1998).
IV MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION
* La mise en oeuvre de la protection s'effectue sur simple demande de l'agent.
L'agent mis en cause doit informer la collectivité de toute citation ou assignation qui lui serait
délivrée pour des faits survenus au cours ou à l'occasion du service.
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L'agent victime doit établir l'origine et la matérialité des faits dont il se prévaut (CE 24 fév.
1995 n°112538).
* Autorité compétente : L'autorité compétente pour prendre les mesures de protection de
l'agent est celle dont il relève à la date à laquelle il est statué sur sa demande et non pas celle dont il
relevait à la date à laquelle il exerçait les fonctions ayant donné lieu aux attaques (CE 14 fév. 1975
n°87730 pour un agent victime) ou aux poursuites (C E 5 déc. 2005 n°261948 pour un agent mis en
cause pénalement).
Si cette règle de compétence ne peut être appliquée parce que l'agent a quitté, de manière
temporaire ou définitive, l'administration, la collectivité compétente est celle à laquelle l'intéressé était
en dernier lieu rattaché (quest. écr. AN n°25294 du 17 juin 2008).
* La protection fonctionnelle est aussi accordée aux anciens agents, au titre des faits
survenus durant la période où ils étaient en activité.
* Lorsque l'administration refuse d'accorder sa protection, sa décision peut être :
- écrite. Dans ce cas, le refus doit être motivé et comporter l'indication des délais et voies de
recours, ce type de décisions faisant partie de celles qui " refusent un avantage dont l'attribution
constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir " ; cette
motivation doit comporter les considérations de fait et de droit qui constituent le fondement de la
décision (art. 1 et 3 loi n°79-587 du 11 juil. 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à
l'amélioration des relations entre l'administration et le public)
- implicite : le silence gardé par l'autorité compétente vaut décision implicite de rejet, passé un
délai de deux mois
En outre, il a été considéré qu'une réponse inadaptée de l'administration à une demande de
protection peut être assimilée à une décision de rejet implicite (CAA Lyon 3 avr. 2001 n°98LY00960, ).
* Le refus par l'administration d'accorder à un fonctionnaire la protection fonctionnelle est
susceptible de créer une situation d'urgence justifiant un référé suspension (tel que prévu à l'article L.
521-1 C. justice administrative), par exemple lorsque le coût de la procédure exposerait cet agent à
des dépenses auxquelles il ne serait pas en mesure de faire face et compromettrait ainsi la possibilité
pour lui d'assurer sa défense dans des conditions satisfaisantes. L'agent peut donc, s'il y a un doute
sérieux quant à la légalité de la décision de refus de l'administration, saisir le juge des référés afin qu'il
suspende cette décision et prescrive le réexamen de la demande (CE 18 sept. 2003 n°259772).
* La forme que doit revêtir la protection statutaire est laissée à l'appréciation de
l'administration : elle dispose de toute liberté quant au choix des moyens à mettre en oeuvre pour
assurer cette protection.
L'agent qui estimerait que les mesures de protection engagées par son administration sont
insuffisantes peut former un recours devant la juridiction administrative. A l'occasion d'un tel recours,
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la cour administrative d'appel de Paris a estimé que l'administration avait mis en oeuvre une protection
appropriée en prenant à sa charge les frais de justice exposés dans une instance pénale par un
fonctionnaire victime d'appels téléphoniques anonymes nocturnes et en engageant une procédure
disciplinaire à l'encontre du fonctionnaire auteur de ces agissements (CAA Paris 25 avr. 1996
n°95PA00639).
* La décision accordant la protection ne peut être assortie d'une condition suspensive ou
résolutoire (prévoyant par exemple qu'elle sera annulée si tel événement survient).
Elle est créatrice de droits, ce qui s'oppose, sauf si elle a été obtenue par fraude, à ce qu'elle
puisse légalement être retirée plus de quatre mois après sa signature, même si l'existence d'une faute
personnelle est alors révélée (CE 14 mars 2008 n°28 3943).
Textes et jurisprudences de références
LOI N.83-634 DU 13 JUILLET 1983
PORTANT DROITS ET OBLIGATIONS DES FONCTIONNAIRES
Art. 11.- Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection
organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code
pénal et les lois spéciales.
Lorsqu'un fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit
d'attribution n'a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle
détachable de l'exercice de ses fonctions n'est pas imputable à ce fonctionnaire, le couvrir des
condamnations civiles prononcées contre lui.
La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces,
violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion
de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté.
La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien
fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le
caractère d'une faute personnelle.
La collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des
menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé. Elle dispose, en
outre, aux mêmes fins, d'une action directe qu'elle peut exercer au besoin par voie de constitution de
partie civile devant la juridiction pénale.
Les dispositions du présent article sont applicables aux agents publics non titulaires.
Art. 11 bis.- Sans préjudice des dispositions plus favorables qui leur seraient applicables, les
fonctionnaires qui occupent des fonctions publiques électives bénéficient des garanties accordées aux
titulaires de mandats locaux et du droit à la formation des élus locaux reconnu par le code général des
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collectivités territoriales, par la loi n°61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le
statut de territoire d'outre-mer, par la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle Calédonie et par la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la
Polynésie française.
Art. 11 bis A.- Sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3 du code
pénal, les fonctionnaires et les agents non titulaires de droit public ne peuvent être condamnés sur le
fondement du troisième alinéa de ce même article pour des faits non intentionnels commis dans
l'exercice de leurs fonctions que s'il est établi qu'ils n'ont pas accompli les diligences normales compte
tenu de leurs compétences, du pouvoir et des moyens dont ils disposaient ainsi que des difficultés
propres aux missions que la loi leur confie
ARRET DU CONSEIL D'ETAT ORDONNANCE DU 18 SEPTEMBRE
2003
(req. n°259772)
M. V.
Vu la requête, enregistrée le 26 août 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat,
présentée pour M. V., demeurant... ; M. V. demande au juge des référés :
1°) de suspendre, en application de l'article L. 52 1-1 du code de justice administrative, la
décision du ministre de la défense en date du 13 décembre 2002 lui refusant le bénéfice de la
protection juridique prévue par la loi n°72-662 du 13 juillet 1972, portant statut général des militaires,
et notamment son article 24, au motif que les faits qui lui sont reprochés ont le caractère d'une faute
personnelle ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du
code de justice administrative ;
M.V. soutient qu'il a régularisé la procédure en saisissant la commission instituée par le
décret du 7 mai 2001 ; qu'il existe, en l'état de l'instruction, plusieurs moyens propres à créer un doute
sérieux quant à la légalité de la décision du ministre de la défense ; que celle-ci traduit une
méconnaissance de la présomption d'innocence ; qu'elle est entachée d'un défaut de motivation, faute
de préciser en quoi les faits reprochés au requérant, à savoir un voyage au Kenya offert par une
société cliente, la négociation de contrats et la réception de travaux avec la société ADONIS
CREATION dont son fils est gérant et porteur de parts, sont constitutifs d'une faute personnelle ; que
la décision contestée est fondée sur une erreur manifeste d'appréciation ; qu'en effet, les faits
reprochés au requérant sont soit, en ce qui concerne le voyage au Kenya et la négociation des
contrats, inexistants, soit, en ce qui concerne la réception de travaux pour la société ADONIS
CREATION, non constitutifs d'une faute personnelle ; qu'eu égard au préjudice porté au requérant, qui
se trouve dans l'impossibilité financière et matérielle d'assurer sa défense, il est urgent de suspendre
la décision litigieuse ;
Vu la décision dont la suspension est demandée ;
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Vu la copie de la requête à fin d'annulation présentée par M. V. à l'encontre de cette décision
;
Vu la copie de requête de M. V., en date du 14 août 2003, auprès de la commission de
recours des militaires ;
Vu le mémoire en défense, présenté par le ministre de la défense, enregistré le 4 septembre
2003 ; il tend au rejet de la requête ; le ministre soutient que le requérant n'apporte pas de
justifications précises de nature à démontrer qu'il subirait un préjudice grave et immédiat permettant
de regarder la condition d'urgence comme remplie ; qu'il n'existe, en l'état de l'instruction, aucun
moyen susceptible de créer un doute sérieux quant à la légalité de sa décision ; que cette dernière est
suffisamment motivée et n'a pas été prise en violation du principe de la présomption d'innocence ; que
l'administration n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation de la situation de M. V.; que les faits
reprochés au requérant sont avérés et constitutifs d'une faute personnelle ;
Vu le mémoire en réplique présenté pour M. V., enregistré le 8 septembre 2003 ; M. V.
reprend les mêmes conclusions par les mêmes moyens ; il précise que le ministre de la défense
n'établit pas la matérialité des faits qui lui sont reprochés ; qu'il se livre à une substitution de griefs en
invoquant des faits ne figurant pas parmi les motifs de la décision contestée et datant d'une période
antérieure à celle visée par la plainte pénale pour laquelle M. V. a demandé le bénéfice de la
protection juridique ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. V., d'autre part, le ministre de
la défense ;
Vu le procès verbal de l'audience publique du 10 septembre 2003 à 15 heures au cours de
laquelle ont été entendus :
- Me Jean-Philippe CASTON, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de
M. V.;
- les représentants du ministre de la défense ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 septembre 2003, présentée pour M. V. ; M. V.
soutient qu'eu égard au montant de ses revenus et à sa situation patrimoniale, sur lesquels il apporte
des précisions chiffrées, et aux sommes qu'il a déjà dû ou qu'il devra prochainement exposer à titre
d'honoraires et de frais d'expertise, la condition d'urgence est remplie ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 15 septembre 2003, présenté par le ministre de la
défense en réponse à la note en délibéré présentée pour M. V. ; le ministre de la défense reprend les
conclusions et les moyens de son précédent mémoire ; il soutient en outre que les éléments apportés
tardivement par M. V. dans sa note en délibéré ne sont pas de nature à établir l'urgence ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n°72-662 du 13 juillet 1972 modifiée, por tant statut général des militaires ;
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Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à
l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le décret n°2001-407 du 7 mai 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension
d'une décision administrative par le juge des référés est subordonnée à la double condition que
l'urgence le justifie et qu'il soit fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute
sérieux quant à la légalité de cette décision ;
Considérant que l'article 24 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires
dispose : " Les militaires sont protégés par le code pénal et les lois spéciales contre les menaces,
violences, outrages, injures ou diffamations dont ils peuvent être l'objet. L'Etat est tenu de les protéger
contre les menaces et attaques dont ils peuvent être l'objet à l'occasion de l'exercice de leurs
fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté...L'Etat est également tenu
d'accorder sa protection au militaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de
faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle " ;
Considérant qu'à la suite de rapports d'enquête administrative portant sur des marchés
informatiques passés par la direction des constructions navales, le délégué général de l'armement a
saisi, le 17 mai 2001, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris en
application de l'article 40 du code de procédure pénale ; que M. V., ingénieur en chef des études et
techniques d'armement, qui avait occupé les fonctions d'adjoint au chef du bureau informatique de la
direction des constructions navales d'août 1983 à octobre 1992 puis de chef de ce bureau de
novembre 1992 à septembre 1996, a été, à la suite de cette transmission, mis en examen le 26
septembre 2002 pour infraction au code des marchés publics, corruption et trafic d'influence ; qu'il a
demandé le 3 octobre 2002 le bénéfice de la protection prévue par les dispositions de l'article 24 de la
loi du 13 juillet 1972 ; que, par la décision du 13 décembre 2002, notifiée seulement le 14 avril 2003,
dont, après avoir saisi d'un recours préalable la commission instituée par le décret du 7 mai 2001, il
demande la suspension, le ministre de la défense lui a refusé cette protection au motif que les faits qui
lui étaient reprochés avaient le caractère de faute personnelle ;
Considérant que le refus par l'administration d'accorder à un militaire la protection prévue par
l'article 24 de la loi du 13 juillet 1972 est susceptible de créer une situation d'urgence lorsque le coût
de la procédure exposerait l'intéressé à des dépenses auxquelles il ne serait pas en mesure de faire
face et compromettrait ainsi la possibilité pour lui d'assurer sa défense dans les conditions
satisfaisantes ; qu'il appartient au requérant d'apporter, devant le juge des référés, les éléments
permettant d'apprécier si la condition d'urgence est remplie ;
Considérant qu'en l'espèce, M. V. a apporté, dans une note en délibéré produite après
l'audience publique du 9 septembre 2003 et qui a conduit à rouvrir l'instruction, des précisions
chiffrées sur le montant de ses revenus et sur l'état de son patrimoine ainsi que des indications
précises sur les frais, notamment d'honoraires, qu'il a déjà exposés ou qu'il devra supporter à brève
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échéance ; qu'eu égard aux éléments ainsi produits, la condition d'urgence doit être regardée comme
remplie ;
Considérant que, pour rejeter la demande d'un militaire qui sollicite le bénéfice des
dispositions de l'article 24 précité de la loi du 13 juillet 1972, le ministre de la défense peut, sous le
contrôle du juge, exciper du caractère personnel de la ou des fautes qui ont conduit à l'engagement
de la procédure pénale, sans attendre l'issue de cette dernière ou de la procédure disciplinaire ; qu'il
se prononce au vu des éléments dont il dispose à la date de sa décision en se fondant, le cas
échéant, sur ceux recueillis dans le cadre de la procédure pénale ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la
décision dont M. V. demande la suspension comporte une erreur quant à la date à laquelle l'intéressé
aurait accompli, dans des conditions qui lui sont reprochées, un voyage à l'étranger ; que, si
l'administration qualifie cette erreur de purement matérielle, le moyen tiré de ce qu'elle aurait pu
exercer une influence sur le signataire de la décision contestée est, en l'état de l'instruction, de nature
à faire naître doute sérieux sur la légalité de cette décision ;
Considérant, d'autre part, que le moyen tiré de ce que les agissements regardés par la
décision dont la suspension est demandée comme une faute personnelle du requérant ont été
commis au cours d'une période qui ne correspond pas à celle pour laquelle des poursuites pénales
ont été engagées à son encontre est également de nature à faire naître, en l'état de l'instruction, un
doute sérieux sur la légalité de cette décision ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres
moyens de la requête, que M. V. est fondé à demander la suspension de la décision en date 13
décembre 2002 par laquelle le ministre de la défense lui a refusé le bénéfice de la protection prévue
par l'article 24 de la loi du 13 juillet 1972 ; que toutefois la suspension de cette décision n'implique pas
que la protection lui soit accordée ; qu'elle impose seulement au ministre de la défense de réexaminer
sa demande au regard des règles rappelées par la présente ordonnance ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à
M. V. la somme de 2 000 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans
les dépens ;
ORDONNE :
Article 1er : L'exécution de la décision en date du 13 décembre 2002 par laquelle le ministre
de la défense a refusé à M. V. le bénéfice de la protection prévue par l'article 24 de la loi du 13 juillet
1972 est suspendue.
Article 2 : Le ministre de la défense réexaminera la demande de M. V. tendant au bénéfice de
cette protection au regard des règles rappelées par la présente ordonnance.
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Article 3 : L'Etat versera à M. V. la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code
de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. V. et au ministre de la défense.
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