CA Paris, pôle 5, ch. 3, 13 avr. 2016

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CA Paris, pôle 5, ch. 3, 13 avr. 2016
Cour d'appel, Paris, Pôle 5, chambre 3, 13 Avril 2016 – n° 14/06301
Cour d'appel
Paris
Pôle 5, chambre 3
13 Avril 2016
Répertoire Général : 14/06301
X/Y
Contentieux Judiciaire
Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 13 AVRIL 2016
(n° , 08 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/06301
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Février 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n°
12/00515
APPELANTE
Page 1
SA EUROBAIL prise en la personne de ses représentants légaux
Immatriculée au RCS de Paris sous le n° B 722 052 58 6
[...]
[...]
Représentée par Me Frédéric L. de la SCP B. - D. - L., avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, avocat
postulant
Assistée de Me Jean-Patrick L., avocat au barreau de PARIS, toque : K0182, avocat plaidant
INTIMÉE
SAS CASTORAMA FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux
Immatriculée au RCS de Lille sous le n° B 451 678 973
[...]
[...]
Représentée par Me Patricia H. de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque :
L0056, avocat postulant
Assistée de Me Jérémy G., avocat au barreau de PARIS, toque : P0008, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Février 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre
Madame Anne-Marie GALLEN, présidente
Madame Brigitte CHOKRON, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : lors des débats : Monsieur Benoît TRUET-CALLU
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans
les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre, et par Madame Anaïs CRUZ, greffier à
laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
*********
Faits et procédure :
Suivant actes sous seing privé en date des 8 et 26 octobre 1999, la société Foncière et Financière Eurobail,
devenue Eurobail, a consenti à la société Castorama, aux droits de laquelle vient la société Castorama
France, deux baux commerciaux portant respectivement sur des locaux d'une superficie de 70 m²
correspondant au lot n°6 du centre commercial Art de Vivre situé à Vélizy Villacoublay dans les Yvelines, et
des locaux d'une surface de 45 m² correspondant au lot n°20 du même centre commercial.
Le bail du 8 octobre 1999 a été conclu pour une durée de neuf années à compter du 1er octobre 1999 et
moyennant un loyer annuel en principal de 32.014,30 euros.
Le bail du 26 octobre 1999 a également été conclu pour une durée de neuf années à compter du 1er
novembre 1999 moyennant un loyer annuel en principal de 22.867,35 euros.
Par actes des 17 octobre 2008 et 2 février 2009, les parties ont renouvelé ces deux baux à effet des 1er
octobre et 1er novembre 2008 pour une nouvelle période de neuf ans et moyennant des loyers portés aux
sommes de 41.400,36 euros s'agissant du lot n°6 et 31.730 euros s'agissant du lot n°20.
Par acte d'huissier en date du 4 janvier 2012, la société Castorama France a fait assigner la société Eurobail
devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir principalement réputer non écrites les clauses
d'indexation du bail du 26 octobre 1999 et de l'acte de renouvellement du 2 février 2009, fixer
rétroactivement les loyers aux sommes de 22.867,35 euros pour la période du 1er novembre 1999 au 31
octobre 2008 et 31.730 euros pour la période courant à compter du 1er novembre 2008, et ordonner la
restitution des trop perçus de loyers.
La société Castorama France a également fait assigner sa bailleresse par acte de même date devant le
même tribunal, aux fins de voir réputer non écrite la clause d'indexation du bail du 8 octobre 1999 et fixer
rétroactivement le loyer à la somme de 32.014,30 euros pour la période du 1er octobre 1999 au 30
septembre 2008, et ordonner la restitution des trop perçus de loyers.
Les deux procédures ont été jointes et par jugement en date du 13 février 2014, le tribunal de grande
instance de Paris a :
- déclaré non écrites les clauses d'indexation contenues dans l'avenant au bail du 17 octobre 2008 et dans
l'acte de renouvellement du 2 février 2009,
- condamné la société Eurobail à payer à la société Castorama France les sommes de :
*2.690,26 euros arrêtée au 31 mars 2013, outre intérêts légaux sur la somme de 494,93 euros à compter du
20 juin 2011,
* 1.985,45 euros, arrêtée au 31 mars 2013, outre intérêts légaux sur la somme de 365,26 euros à compter
du 20 juin 2011 à compter du 20 juin 2011,
- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil étant précisé que la
demande de capitalisation a été formée pour la première fois le 4 janvier 2012,
- rejeté les autres demandes,
- condamné la société Eurobail aux dépens.
La société Eurobail a relevé appel de ce jugement le 19 mars 2014. Par ses dernières conclusions signifiées
le 29 janvier 2016 au visa des articles L.112-1, L.112-2 du code monétaire et financier , L. 145-39 du code
de commerce , 1134 du code civil, elle demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- dire les clauses d'indexation stipulées à l'acte de renouvellement en date du 25 février 2009 et à l'avenant
au bail du 1er octobre 2008 licites et conformes aux articles L.112-1 et L. 112-2 du code monétaire et
financier,
- constater qu'il ressort de la pratique contractuelle des parties leur accord pour ne pas appliquer le dernier
alinéa des clauses d'indexation stipulées à l'acte de renouvellement en date du 25 février 2009 et à l'avenant
au bail du 8 octobre 1999, renouvelé le 1er octobre 2008 aux termes duquel « en tout état de cause, il est
convenu que le loyer résultant de l'indexation ne pourra jamais être inférieur au loyer antérieur à ladite
indexation »,
- en tout état de cause, donner acte à la société Eurobail de son engagement à continuer à appliquer le jeu
normal de l'indexation sans aucun plancher,
- débouter la société Castorama France de l'intégralité de ses demandes,
À titre subsidiaire :
- dire que seul le dernier alinéa des clauses d'indexation stipulées à l'acte de renouvellement en date du 25
février 2009 et à l'avenant au bail du 8 octobre 1999, renouvelé le 1er octobre 2008, est réputé non écrit en
ce qu'il stipule : « en tout état de cause, il est convenu que le loyer résultant de l'indexation ne pourra jamais
être inférieur au loyer antérieur à ladite indexation. »,
- constater que ces alinéas n'ont jamais reçu application,
- débouter en conséquence la société Castorama France de ses demandes de restitution des loyers versés
en application des clauses d'indexation,
À titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour déclarerait non écrites en leur intégralité les clauses
d'indexation précitées :
- dire que les clauses d'indexation stipulées à l'article 2-2 de l'acte de renouvellement du 17 octobre 2008 et
aux articles 1.5.2 et 2.5.2 du bail du 26 octobre 1999 demeurent applicables,
- dire qu'elle devra rembourser à la société Castorama France la somme de 1.867,07 euros correspondant à
la différence entre les loyers indexés sur la base de l'indice du coût de la construction et ceux effectivement
facturés sur la base de la clause d'indexation réputée non écrite,
- débouter la société Castorama France de ses demandes de restitution des loyers versés en application des
clauses d'indexation réputées non écrites,
- dire que les éventuelles restitutions ordonnées ne pourront porter intérêt qu'à compter de l'arrêt à
intervenir,
En toute hypothèse :
- condamner la société Castorama France à lui payer la somme de 15.000 euros au titre des frais
irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au
profit de la SCP B., D. & L. dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions signifiées le 26 janvier 2016 au visa des articles L.112-1 et L.112-2 du code
monétaire et financier, la société Castorama France demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré les clauses d'indexation stipulées dans l'avenant au bail du 17
octobre 2008 et dans l'acte de renouvellement du 2 février 2009 réputées non écrites,
- débouter la société Eurobail de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Sur la clause d'indexation de l'avenant au bail du 17 octobre 2008 :
- À titre principal, déclarer la clause d'indexation de l'avenant au bail du 17 octobre 2008 réputée non écrite
par application des dispositions de l'article L.112-1 alinéa 2 du code monétaire et financier,
- À titre subsidiaire, prononcer l'annulation de ladite clause en application des dispositions des articles
L.112-1 alinéa 1er et L.112-2 alinéa 1er du code monétaire et financier,
- En toute hypothèse et en conséquence, condamner la société Eurobail à lui payer la somme de 11.710,59
euros hors taxes, soit 14.033,73 euros toutes taxes comprises, au titre des sommes indûment versées en
application de ladite clause du 1er janvier 2009 au 31 mars 2016, cette somme étant à parfaire,
- dire que la somme de 11.710,59 euros hors taxes, soit 14.033,73 Euros toutes taxes comprises, portera
intérêt au taux légal à compter du 20 juin 2011, date de la mise en demeure et ordonner la capitalisation
desdits intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,
Sur la clause d'indexation de l'acte de renouvellement du 2 février 2009 :
- À titre principal, déclarer la clause d'indexation l'acte de renouvellement du 2 février 2009 réputée non
écrite par application des dispositions de l'article L.112-1 alinéa 2 du code monétaire et financier,
- À titre subsidiaire, prononcer l'annulation de ladite clause en application des dispositions des articles
L.112-1 alinéa 1er et L.112-2 alinéa 1er du code monétaire et financier,
- En toute hypothèse et en conséquence, condamner la société Eurobail à lui payer à la société Castorama
France la somme de 8.642,63 euros hors taxes, soit 10.357,15 euros toutes taxes comprises, au titre des
sommes indûment versées en application de ladite clause du 1er novembre 2008 au 31 mars 2016, cette
somme étant à parfaire,
- dire que la somme de 8.642,63 euros hors taxes, soit 10.357,15 Euros toutes taxes comprises, portera
intérêt au taux légal à compter du 20 juin 2011, date de la mise en demeure et ordonner la capitalisation
desdits intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,
En tout état de cause :
- condamner la société Eurobail à lui verser la somme de 15.000 euros en application des dispositions de
l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, à
recouvrer directement pour ceux la concernant par la SELARL 2H Avocats, en application des dispositions
de l'article 699 du même code,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
SUR CE :
La société Eurobail fait grief aux premiers juges de ne pas avoir tenu compte de l'accord tacite intervenu
entre les parties afin de laisser inappliqué l'alinéa contenu dans les clauses d'indexation des différents actes
en cause, aux motifs qu'il ne pouvait être valablement dérogé aux dispositions d'ordre public applicables en
la matière, que l'inapplication de cet alinéa était sans incidence sur la validité des clauses et qu'en toute
hypothèse la novation suppose une obligation initiale valide, alors que la pratique contractuelle atteste d'une
renonciation sans équivoque à la limitation du jeu de la clause stipulée par la clause litigieuse, valant mise
en conformité avec les dispositions d'ordre public, laissant intact le reste de la clause. Elle soutient que le
caractère d'ordre public de direction d'une disposition ne saurait empêcher les parties de s'y conformer en
modifiant leurs conventions et relève au surplus que la novation n'était pas alléguée et qu'une modification
des seules modalités d'une obligation n'emporte jamais novation.
Elle soutient qu'une clause d'indexation stipulée comme ne variant qu'en cas de hausse n'est susceptible
d'entraîner aucune distorsion contraire aux dispositions de l'article L.112-1 du code monétaire et financier et
qu'en conséquence le jugement entrepris doit être infirmé.
À titre subsidiaire, elle fait valoir que la sanction à la supposer effective ne peut affecter que les seuls alinéas
prévoyant que l'indexation ne peut aboutir à un loyer inférieur en cas d'augmentation de l'indice, les autres
stipulations des clauses d'indexation étant parfaitement licites, qu'une clause n'est pas nécessairement une
partie individualisée d'un acte juridique qui constitue une unité en soi mais peut se limiter à un membre de
phrase, un mot, que la sanction ne saurait être étendue à d'autres clauses dès lors que celles-ci peuvent
continuer à s'appliquer indépendamment de celle sanctionnée, que l'appréciation du caractère déterminant
de la stipulation est laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond, qu'en l'espèce l'illicéité retenue par
le tribunal doit être cantonnée au dernier alinéa de la clause d'indexation, la périodicité et les indices n'étant
nullement en cause, que le caractère non essentiel de la disposition prévoyant une variation uniquement à la
hausse s'impose.
A titre plus subsidiaire, elle demande de dire que si les clauses d'indexation sont considérées comme
n'ayant jamais existé, les clauses précédemment applicables doivent alors être considérées comme n'ayant
jamais cessé d'être applicables. Elle demande à la cour de juger que l'indexation annuelle du loyer sur la
base de l'indice du coût de la construction stipulée à l'article 2-2 de l'acte de renouvellement du 17 octobre
2008 demeure applicable de même que l'indexation annuelle du loyer sur la base de l'indice du coût de la
construction stipulée aux articles 1.5.2 (conditions générales) et 2.5.2 (conditions particulières) du bail du 26
octobre 1999, à défaut de toute stipulation contraire dans les actes de renouvellement, qui prévoient la
reprise des clauses et conditions des baux initiaux.
Elle sollicite en conséquence la condamnation de la partie adverse à lui régler les sommes de 1.680,98
euros et 1.867,07 euros correspondant respectivement aux dettes locatives des lots n°6 et 20, arrêtées au
30 septembre 2014, suivant l'indexation initialement convenue.
Or, les deux baux initiaux des 8 octobre 1999 et 26 octobre 1999 contiennent au chapitre des conditions
générales une clause d'indexation libellée dans les mêmes termes et qui prévoit que 'le loyer sera indexé de
plein droit à la date précisée à l'article 2. 5.2 en fonction de l'évolution de l'indice INSEE du coût de la
construction, le calcul de cette indexation se faisant sur la base du rapport entre :
* pour la première indexation :
- l'indice de l'avant-dernier trimestre ayant précédé la date de prise d'effet du bail (indice de base)
- l'indice de l'avant-dernier trimestre ayant précédé la date de prise d'effet du loyer indexé (indice de
référence)
* pour les indexations suivantes :
- l'indice de l'avant-dernier trimestre ayant précédé la date de prise d'effet de l'indexation précédente (indice
de base)
- l'indice de l'avant-dernier trimestre ayant précédé la date de prise d'effet de la nouvelle indexation (indice
de référence)
L'application de la (présente) clause d'indexation ne devra en aucun cas entraîner un montant de loyer
inférieur au montant du loyer de base déterminé ci-dessus. La présente indexation constitue une condition
essentielle et déterminante du présent bail sans lequel il n'aurait pas été consenti.
Les parties reconnaissent que l'indice retenu est en relation directe avec l'objet du contrat et avec l'activité
du bailleur. Au cas où pour quelque raison que ce soit, l'indice ci-dessus choisi pour l'ajustement du loyer
cesserait d'être publié, cette indexation serait faite en prenant pour base soit l'indice légale de
remplacement, soit un nouvel indice conventionnellement choisi.
La présente clause constitue une indexation conventionnelle...'.
L'article 2.5.2 des conditions particulières auquel renvoie la clause générale dispose que l'indexation
interviendra pour la première fois le 1er janvier 2001, l'indice de base étant celui du 1er trimestre 1999,
dernier indice publié à la date d'effet du bail, l'indice de référence étant celui du 1er trimestre 2000 et que le
quatrième paragraphe ' L'application de la présente clause .. déterminé ci-dessus' est supprimé.
L'avenant à l'acte de renouvellement de bail du 17 octobre 2008 et l'acte de renouvellement en date du 2
février 2009 disposent quant à eux à l'article 2 intitulé 'indexation' qu' à compter du 1er janvier 2009, pour
l'un et du 1er novembre 2008 pour l'autre, le loyer sera réajusté annuellement à la date du 1er janvier en
fonction de la variation de l'indice des loyers commerciaux qui de convention expresse est ainsi pour l'avenir
substitué à l'indice trimestriel du coût de la construction, que la première indexation du loyer fixé à l'article 1
interviendra le 1er janvier 2010 en prenant pour indice de base l'indice des loyers commerciaux du 2ème
trimestre 2008 soit 101, 20 et pour indice de comparaison l'indice du 2ème trimestre de l'année 2009, que le
calcul de l'indexation du loyer au cours des années suivantes se fera de la même façon d'après la variation
de l'indice des loyers commerciaux du 2ème trimestre comparé à celui du deuxième trimestre de la
'présente' indexation.
Il est ajouté qu' 'en tout état de cause, il est convenu que le loyer résultant de l'indexation ne pourra jamais
être inférieur au loyer antérieur à ladite indexation'.
L'article L 112-1 du code monétaire et financier dont les dispositions relèvent d'un ordre public de direction
auquel la volonté des parties ne peut déroger, prohibe l'organisation contractuelle d'une distorsion entre
période de variation de l'indice et durée s'écoulant entre deux révisions.
Au cas d'espèce, le 'réajustement du loyer' ou en d'autres termes, l'indexation du loyer est annoncée pour
chaque période annuelle en fonction de la variation de l'indice licite choisi lequel est susceptible en principe
de variation à la hausse comme à la baisse, ce qui est le propre d'une clause d'échelle mobile.
Or toute modification du loyer à la baisse étant écartée en cours de bail du fait du libellé du dernier alinéa
des clauses d'indexation et le loyer étant, par l'effet desdites clauses, maintenu à son montant antérieur 'à
ladite indexation' en cas de baisse de l'indice choisi, la période de révision du loyer ne coïncide plus avec
celle de variation des indices.
La clause empêchant la fixation du loyer à un niveau inférieur à celui de l'année précédente entraîne en effet
nécessairement la prise en compte du loyer « plancher » de l'année N-1 pour le calcul du loyer de l'année
N+1.
Ainsi et par la prise en considération de la seule variation de l'indice à la hausse, la clause d'indexation
organise en cas de baisse de l'indice un gel du loyer de telle façon que les révisions du loyer ne sont pas
opérées annuellement d'après la variation de l'indice des loyers commerciaux du deuxième trimestre,
comparé à celui du deuxième trimestre de l'indexation comme prévu dans le principe.
La circonstance évoquée par la bailleresse que la dernière disposition des clauses d'indexation n'a pas
trouvé à s'appliquer dès lors qu'en a été écartée l'application en cas de baisse de l'indice, le loyer ayant en
pareil cas subi une baisse effective, est inopérante pour apprécier la validité intrinsèque des clauses
d'indexation.
L'intention affirmée par la bailleresse de ne pas voir appliquer pour l'avenir le dernier alinéa des dites
clauses d'indexation est sans portée dès lors que le bail étant susceptible d'être cédé avec le fonds, ou le
bien immobilier vendu, ses dispositions sont alors susceptibles de recevoir application dans tous leurs effets,
à défaut de manifestation expresse du bailleur de voir écarter l'application des clauses dans toute leur
étendue.
Le bailleur n'a en effet, et quoiqu'il affirme sans être contesté sur ce point, que les clauses n'ont pas trouvé à
s'appliquer en cas de baisse de l'indice, manifesté aucune volonté expresse de renoncer pour l'avenir à
l'application des clauses d'indexation dans tous leurs effets de façon claire et non équivoque de sorte qu'il ne
peut invoquer un accord des deux parties pour ne pas voir appliquer les clauses d'indexation en leur dernier
alinéa.
La clause d'indexation telle que libellée dans les mêmes termes dans les deux baux renouvelés est au
surplus indivisible dès lors qu'il n'est pas possible de distinguer entre le principe de l'indexation voulu par les
parties de ses modalités concrètes d' application; les termes suivant les quels 'en tout état de cause, le loyer
résultant de l'indexation ne pourra être inférieur au loyer avant indexation' renvoie en effet au mécanisme de
l'indexation tel que décrit précédemment dont il limite précisément les effets en cas de variation à la baisse
de la clause d'échelle mobile.
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont dit que les deux clauses d'indexation contenues dans
l'avenant à l'acte de renouvellement du 17 octobre 2008 et l'acte de renouvellement du 2 février 2009
devaient être réputées non écrites.
Il ne peut en être déduit, comme le soutient la société Eurobail, que les clauses d'indexation des actes de
renouvellement étant réputées non écrites, trouvent alors à s'appliquer les clauses d'indexation contenues
dans les baux antérieurs auxquels les actes de renouvellement font référence en leurs autres dispositions.
Le juge n'a pas en effet la faculté de substituer à une clause réputée non écrite d'un contrat de bail
renouvelé, la clause du bail expiré, telle que modifiée précisément par la clause ainsi annulée.
La société bailleresse n'opère aucune critique du montant des sommes réclamées à titre de restitution du
trop-versé de loyers en application des clauses litigieuses, à l'exception de la TVA dont elle estime à juste
titre qu'elle ne trouve pas à s'appliquer dès lors qu'elle a été récupérée par la locataire, et des intérêts à
compter de la mis en demeure.
Or si les sommes indûment payées par la société Castrorama France s'entendent TVA exclue, elles sont
dues à compter de la mise en demeure du 20 juin 2011 pour les sommes indûment versées à cette date et
ensuite à compter de chaque versement, avec capitalisation des intérêts dus depuis plus d'une année dans
les conditions de l'article 1154 du code civil.
La société Eurobail qui succombe supportera les entiers dépens et paiera à la société Castorama France la
somme de 6000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit non écrites les clauses d'indexation contenues dans l'avenant
au bail en renouvellement du 17 octobre 2008 et à l'acte de renouvellement du 2 février 2009 et en ses
autres dispositions relatives à la capitalisation des intérêts au taux légal et aux dépens,
Réformant quant au montant des condamnations,
Statuant à nouveau,
Condamne la société Eurobail à payer à la société Castorama France les sommes de 11 710, 59€ hors
taxes au titre des sommes indûment versées entre le 1er janvier 2009 et le 31 mars 2016 au titre du bail
renouvelé le 17 octobre 2008 et celle de 8642, 63€ hors taxes au titre des sommes indûment versées entre
le 1er novembre 2008 et le 31 mars 2016, au titre du bail renouvelé le 2 février 2009, avec intérêts au taux
légal à compter du 20 juin 2011 pour les sommes indûment versées arrêtées à cette date et ensuite au fur et
à mesure des versements successifs,
Condamne la société Eurobail aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile et à payer à la société Castorama France la somme de 6000€ par
application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Décision antérieure
Tribunal de Grande InstancePARIS13 Février 2014 12/00515