Le Livre Blanc de l`incinération
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Le Livre Blanc de l`incinération
Le Livre Blanc de l’incinération Idées reçues sur le traitement et la valorisation des déchets SYNDICAT NATIONAL DU TRAITEMENT ET DE LA VALORISATION DES DÉCHETS URBAINS ET ASSIMILÉS A en croire ce qui se dit ou s’écrit ici ou là, l’incinération est une plaie : elle empoisonne la population, elle coûte très cher, elle empêche la prévention des déchets, le recyclage et le compostage, elle produit énormément de CO2, elle n’est en rien une énergie renouvelable, elle se développe à vitesse « grand V » en France mais pas chez nos voisins européens, les exploitants des usines ne sont pratiquement pas contrôlés et font ce qu’ils veulent… Ce petit livre fait le point sur ces idées reçues, les dissèque, fait la part du vrai et du faux, sources à l’appui. Il présente aussi les propositions des professionnels pour tirer le meilleur parti de l’énergie des déchets, réduire nos émissions de gaz à effet de serre et produire plus d’énergie d’origine renouvelable. Il entend ainsi contribuer au débat nécessaire sur le traitement de nos déchets. Sommaire 1. L’incinération, la France et l’Europe - p.2 2. Prévention des déchets, recyclage, incinération, élimination - p.4 3. Santé et environnement - p.8 4. Gestion des déchets, énergie, gaz à effet de serre - p.12 5. Incinération, fiscalité, coût, emplois - p.15 6. Transparence - p.17 Les propositions des professionnels Le Livre Blanc de l’incinération Le Livre Blanc de l’incinération La France est le seul paysFaux ! européen à développer encore l’incinération 1. L’incinération, la France et l’Europe On incinère plus en France que partout en Europe Faux ! Cette affirmation donne une idée fausse de la place de l’incinération en France par rapport à ses voisins européens. Sources : Eurostat, CEWEP + D’INFO La France compte 128 incinérateurs en service, alors que l’ensemble de l’Europe en compte 470. Par comparaison, l’Allemagne en compte 70, l’Italie 49, le Danemark et la Suède 31 chacun, le Royaume-Uni 23, etc. Les incinérateurs français représentent ainsi, en nombre d’usines, environ 25 % de l’ensemble du parc européen. Mais ce n’est pas pour autant que la France incinère plus que ses voisins. Car la capacité moyenne des incinérateurs français (un peu plus de 100 000 tonnes/an) est plus faible que la capacité moyenne des inciné- rateurs européens (plus de 150 000 tonnes/an). En Allemagne, par exemple, la capacité moyenne des incinérateurs est de 300 000 tonnes/an, soit trois fois plus qu’en France. Si on veut jouer au jeu de « qui incinère le plus en Europe ? », il faut comparer les quantités de déchets municipaux incinérées par habitant et par an dans chaque pays. Et à ce jeu-là, avec 181 kg/habitant/an, la France est très loin d’être la première. Elle est devancée par six pays — le Danemark (365 kg), la Suisse (351 kg), le Luxembourg (240 kg), la Suède (226 kg), l’Allemagne (220 kg) et les Pays-Bas (194 kg) — et suivie de près par deux autres, l’Autriche (175 kg) et la Belgique (160 kg). Quantités des déchets municipaux incinérés en Europe, en kg/habitant/an (2010) Source : Eurostat 400 350 300 250 200 150 100 Depuis 2005, seuls trois incinérateurs nouveaux ont vu le jour en France : à Fos-sur-Mer, Arques (Pas-de-Calais) et Noidans-le-Ferroux (Haute-Saône). Trois sont en projet ou en construction : Clermont-Ferrand, Villers-Saint-Sépulcre (Oise) et Pointe-à-Pitre (Guadeloupe). L’usine d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), une des plus importantes de France, a été reconstruite mais avec une réduction de 20 % de sa capacité. Celle d’Ivry-sur-Seine (Valde-Marne), qui fut un temps une des plus importantes d’Europe, va être reconstruite d’ici 2023 avec une réduction de moitié de sa capacité d’incinération. Source : CEWEP On le voit : l’incinération n’est pas stoppée en France, mais on ne peut parler d’un développement important. De fait, les lois « Grenelle 1 » et « Grenelle 2 » ont imposé deux restrictions à la construction d’incinérateurs en France. D’une part, les quantités de déchets incinérés et mis en décharge doivent, à terme, baisser de 15 %. Et d’autre part, pour tout nouveau projet, la capacité totale des installations de traitement des déchets résiduels (incinérateurs et décharges) ne doit pas dépasser 60 % des tonnages de déchets municipaux produits sur le territoire considéré. Chez nos voisins, la tendance est plutôt inverse. Depuis 2005, l’Allemagne, par exemple, a construit plus de 50 unités pour une capacité totale de plus de 10 millions de tonnes. L’Italie a mis en fonction 8 installations totalisant plus d’un million de tonnes. D’ici 2016, plus de 30 nouveaux incinérateurs devraient voir le jour en Europe pour une capacité totale nouvelle de plus de 7 millions de tonnes par an. Le Royaume-Uni, par exemple, compte une dizaine de projets d’une capacité totale de 2,7 millions de tonnes. La Pologne a prévu de construire 7 usines totalisant 1,8 million de tonnes. La Grèce, la Finlande, la Suisse, le Danemark ont également des usines en projet ou en construction. Dans tous les cas, ces pays choisissent l’incinération avec valorisation énergétique pour limiter les quantités de déchets résiduels enfouies et pour améliorer la valorisation globale tout en limitant les impacts (réduction de la production de gaz à effet de serre, augmentation de la production d’électricité et/ou de chaleur d’origine renouvelable). 50 2 e e ch iq u lg Be tri Au EU Po 27 rtu ga l Gr an de Itali -B e re tag Es ne pa g Ho ne ng Sl rie ov aq ui Irl e an d Po e lo gn Bu e lg ar i Es e to ni e Gr èc e Lu an ce Su xe isse m bo No urg rv èg e Su Al èd le m e ag Ho ne lla Fr nde 0 3 Le Livre Blanc de l’incinération Le Livre Blanc de l’incinération En France, on recycle peu Faux ! parce qu’on incinère beaucoup 2. Prévention des déchets, recyclage, incinération, élimination L’incinération est un frein à la prévention des déchets Faux ! Selon certains de leurs opposants, les incinérateurs seraient des « aspirateurs à déchets ». L’incinération nuirait aux efforts menés pour réduire les quantités de déchets produites (la prévention des déchets). Les images sont belles mais elles font peu de cas de la réalité, et en particulier de celle-ci : on a rarement vu un consommateur se demander, au moment de ses achats, si les déchets qui seront issus des produits qu’il s’apprête à acheter seront incinérés ou pas. Or la quantité de déchets générés dépend avant tout de la consommation et en aucun cas des modes de traitement des déchets. Dans les pays pauvres, on 4 consomme peu et on jette peu. Dans les pays riches, on consomme plus et par conséquent on jette plus. Plus un pays est riche, plus la production de déchets y est importante. Cela est vrai quel que soit le mode de traitement des déchets. Le fait que les déchets résiduels soient incinérés ou enfouis, que le recyclage, le compostage ou la méthanisation y soient développés ou pas n’y change rien. On peut également prendre cette idée reçue par l’autre bout pour en percevoir toute l’absurdité. A-t-on déjà vu des consommateurs incités à acheter et à jeter pour pouvoir continuer à faire fonctionner un incinérateur ? La réponse est dans la question… L’incinération nuirait au recyclage. Et si on recycle peu en France — paraît-il —, c’est parce que nous aurions beaucoup d’incinérateurs. Source : Eurostat L’explication est séduisante, mais elle ne résiste pas à l’analyse des chiffres et aux comparaisons européennes. Les pays où la valorisation matière (recyclage et compostage) est très développée sont aussi ceux où l’incinération occupe une place importante : Allemagne, Suisse, Pays-Bas, Belgique, Suède, Danemark, Luxembourg, Autriche… A contrario, ceux où l’on incinère peu sont aussi, souvent, ceux où l’on recycle peu : Portugal, Espagne, Grèce, nouveaux états membres de l’Union Européenne… La France se trouve dans une position intermédiaire, avec grosso modo un tiers des déchets municipaux qui sont recyclés ou compostés, un tiers incinéré et un tiers mis en décharge. On est donc loin du cliché selon lequel notre pays serait « le mauvais élève de l’Eu- rope » ou adopterait une position de « tout incinération ». Les déchets qui ne sont ni recyclés ni compostés (déchets résiduels) peuvent être soit mis en décharge, soit incinérés, au choix des autorités qui en ont la charge. Il n’y a donc aucun lien automatique direct entre recyclage, compostage et incinération. S’il y a un lien entre recyclage et incinération, il est plutôt politique. Les pays qui se soucient le plus de la valorisation de leurs déchets au sens large (valorisation matière et énergétique) mènent le combat sur les deux fronts. Ils s’efforcent d’abord de recycler et de composter le plus possible, et pour les déchets résiduels, ils considèrent que la meilleure voie, sur le plan environnemental, est l’incinération avec valorisation de l’énergie ainsi produite, soit sous forme de chaleur (chauffage urbain), soit sous forme d’électricité, soit les deux à la fois (cogénération). 5 Le Livre Blanc de l’incinération Le Livre Blanc de l’incinération Avec les traitements « modernes » (recyclage, compostage, Faux ! méthanisation…), on peut se passer d’incinération et de décharges + D’INFO Part des déchets incinérés, enfouis et recyclés ou compostés en Europe, en % (2010) Source : Eurostat 100% 1 5 39 35 1 4 17 90% 34 80% 49 70% 32 45 48 60% 40% sont par ailleurs impossibles, sauf pour les « bioplastiques », qui sont à ce jour très minoritaires. 66 30% 60 60 50 48 20% 52 62 82 34 50% A en croire cette idée reçue, l’incinération et la décharge n’auraient pas leur place dans un monde moderne et écologique. 48 36 12 12 9 40 39 100 Enfouissement (décharge) Incinération Recyclage et compostage 19 47 43 34 10% 19 18 Source : Ademe, Modecom 2009 (calculs SVDU) Dans un monde idéal, pourquoi pas. Mais dans le monde réel, force est de constater que la valorisation matière (recyclage et compostage) et la méthanisation ont leurs limites. Par exemple, les papiers, cartons et textiles, quand ils sont souillés, ne peuvent pas être recyclés (ils risqueraient de polluer les produits neufs). Et dans certains cas, par exemple s’ils sont souillés avec des matières non organiques (essence, solvants…), il n’est pas souhaitable non plus qu’ils soient compostés ou méthanisés Pour les plastiques, le recyclage est en théorie toujours possible. Mais en pratique, le recyclage de certains éléments trop petits, en trop petite quantité ou mélangés à d’autres matériaux serait trop complexe ou trop coûteux. Dans certains cas, le recyclage peut même générer plus d’impacts environnementaux négatifs que positifs. Le compostage et la méthanisation des plastiques 6 ie ar lg Bu l ga Gr èc e e ne gn tu Po r pa Es lie re ta g -B de ce Ita Fr an Gr an k Lu xe m bo ur g ar e m ue èd ne Da Su iq e nd lg Be lla Ho ag le m Certains bois traités ne peuvent pas non plus être valorisés sous forme de matière ni entrer dans des centres de traitement biologique (compostage et/ ou méthanisation). Au final, selon la dernière analyse menée par l’Ademe au niveau national, 61% des ordures ménagères résiduelles (OMR) pourraient, si elles étaient triées, faire l’objet d’un recyclage ou d’une valorisation organique. La marge de progression du tri est donc importante. Mais cela veut dire aussi que même si l’on fait de gros progrès dans ce domaine, il restera encore beaucoup de déchets à traiter autrement : au minimum 39 % des OMR (100 % – 61 %), soit environ 123 kg/habitant/an, si tout le monde triait tous ses déchets parfaitement, ce qui est forcément un peu utopique. En Allemagne, pays souvent présenté comme un champion du tri, les déchets résiduels (non triés) représentent encore environ 50 % des déchets totaux. Et jusqu’à présent, pour les déchets résiduels, les seules techniques éprouvées sont l’incinération et la mise en décharge. Al Il suffirait de trier, de recycler, de composter et/ou de méthaniser nos déchets pour que la question de leur élimination soit réglée. ne 0% L’incinération ne permet aucune valorisation matière Faux ! Il est un fait que l’incinération n’est pas le meilleur moyen de faire de la valorisation matière. Tout ce qui peut être recyclé ou composté en amont, à coût et impact raisonnables, doit l’être. Mais pour autant, un incinérateur ne fait pas que brûler des déchets et valoriser leur énergie. Source : Ademe (dont ITOM 2008) Une tonne de déchets municipaux incinérés produit environ 220 kg de mâchefers, qui sont les résidus solides de la combustion. Ceux-ci contiennent environ 10 % de ferrailles et 1 % de métaux non ferreux (aluminium et cuivre principalement). Dans presque toutes les installations, ces métaux sont extraits par des moyens magnétiques et recyclés pour la fabrication de fers à bétons, de carters de moteurs de voiture, etc. La partie non métallique des mâchefers est composée essentiellement d’éléments minéraux. Elle peut, après une phase de préparation, être valorisée dans les travaux publics. Les mâchefers ont alors le statut de matériau alternatif et remplacent des granulats naturels, permettant ainsi une économie de ressources non renouvelables. En 2009 (derniers chiffres connus), les incinérateurs d’ordures ménagères français ont produit 2,9 millions de tonnes de mâchefers. 149 000 tonnes de métaux ferreux et non ferreux en ont été extraites pour le recyclage. Et 1,8 million de tonnes de mâchefers ont été valorisées dans les travaux publics. 7 Le Livre Blanc de l’incinération Le Livre Blanc de l’incinération 3. Santé et environnement Les incinérateurs provoquent le cancer chez les riverainsFaux ! En 2008, l’Institut de veille sanitaire a rendu publique une étude épidémiologique sur les liens entre, d’une part, les incinérateurs d’ordures ménagères tels qu’ils étaient exploités dans les années 1970 et 1980, et d’autre part les cancers apparus dans les années 1990. Cette étude a mis en évidence un « excès de risque relatif » de 6 à 23 % pour certains types de cancers. A titre de comparaison, l’excès de risque relatif de développer un cancer des poumons est de l’ordre de 900 à 1 900 %pour les fumeurs, et de 30 à 60 % pour les « fumeurs passifs » (personne vivant sous le même toit qu’un fumeur). EN SAVOIR + Réduction des émissions des incinérateurs entre 1990 et 2009. -99% Dioxines -97% Plombs -89% Zinc -82% Cadmium -75% Mercure L’InVS précise que l’on ignore la « causalité du lien observé ». Par ailleurs, toujours selon l’InVS, « l’étude portant sur une situation passée, ses résultats ne peuvent pas être transposés au contexte actuel ». Depuis les années 1990, les émissions des incinérateurs ont été considérablement réduites. Pour les dioxines, par exemple, qui sont un marqueur de l’ensemble des substances émises par les incinérateurs, les émissions ont baissé de 99 % entre 1990 et 2009. Les émissions des autres substances ont été réduites dans des proportions comparables : moins 97 % pour le plomb, moins 89 % pour le zinc, moins 82 % pour le cadmium, moins 75 % pour le mercure… Aujourd’hui, les émissions de dioxines des incinérateurs d’ordures ménagères représentent moins de 5 % des émissions totales de dioxines dues aux activités humaines. Les autres émetteurs sont l’industrie manufacturière (74 % du total), le secteur résidentiel et tertiaire (en particulier le chauffage au bois : 19 %), le transport routier (2 %)… Les Sources : InVS (dont Bulletin épidémiologique hebdomadaire n° 7-8, février 2009), Afssa, CITEPA, Health Protection Agency du Royaume-Uni (« The Impact on Health of Emissions to Air from Municipal Waste Incinerators », septembre 2009) Royaume-Uni) émissions de dioxines peuvent aussi être dues à des facteurs non humains : volcans, feux de forêt… Actuellement, les riverains des incinérateurs n’ont pas plus de dioxines ou de métaux lourds dans leur organisme que les personnes vivant loin de tout incinérateur. Selon l’InVS, « une nouvelle étude [sur les cancers] chez les populations exposées aux niveaux actuels d’émission [des incinérateurs] peut être discutée » car « elle risquerait a priori d’être non concluante du fait des expositions désormais très faibles occasionnées par l’incinération ». Cet avis est partagé au-delà des frontières, par exemple par l’agence britannique de protection de la santé (HPA), « Les incinérateurs modernes et bien exploités ont une contribution très faible à la concentration locale en polluants. « Les incinérateurs sont une des industries les plus polluantes au monde et les exploitants y Faux ! font ce qu’ils veulent Cette idée reçue voudrait que les exploitants d’incinérateurs soient des sortes de « Dr Folamour » qui empoisonneraient la planète hors de tout contrôle. La réalité est tout autre. Les incinérateurs sont les installations industrielles de combustion dont les émissions sont les plus limitées par la réglementation et qui sont les plus 8 qui considère que « les incinérateurs modernes et bien exploités ont une contribution très faible à la concentration locale en polluants » et que « les impacts négatifs potentiels sur la santé des personnes vivant à proximité sont probablement très faibles, s’ils sont mesurables ». contrôlées en France et en Europe. Pour les fumées, par exemple, une quinzaine de paramètres ou de substances doivent être mesurés et analysés, parfois en continu : poussières, carbone organique total, chlorure d’hydrogène, fluorure d’hydrogène, dioxyde de souffre, oxydes d’azote, monoxyde de carbone, vapeur d’eau, cadmium, thallium, mercure, dioxines… 9 Le Livre Blanc de l’incinération Source : Directive européenne (2010/75/ UE) sur les émissions industrielles, CITEPA Les valeurs limites des émissions d’un incinérateur, imposées par la réglementation, sont, pour les poussières, de 2 à 15 fois inférieures à celles des autres installations industrielles de combustion (selon le type d’installation et la puissance). Pour les oxydes de soufre, elles sont de 4 à 40 fois inférieures. Pour le monoxyde de carbone, de 2 à 6 fois inférieures. Pour les oxydes d’azote, elles sont jusqu’à 6 fois inférieures. Pour les métaux lourds, de 12 à 22 fois inférieures. Enfin, les incinérateurs sont les seules installa- Le Livre Blanc de l’incinération tions de combustion à se voir imposer une valeur limite d’émission pour les dioxines, alors qu’ils ne contribuent qu’à 5 % des émissions totales de ces substances (presque quatre fois moins que le chauffage au bois). Ajoutons enfin que depuis 2005, les exploitants d’incinérateurs doivent mener à proximité de leurs usines des études environnementales pour mesurer leur impact, ce qui n’est imposé à aucune autre industrie. Jusqu’à présent, ces études n’ont pas permis de déceler un quelconque impact négatif. Les résidus de l’incinération sont plus polluants que les Faux ! déchets incinérés Nos déchets présentent deux types de risques : un risque biologique et un risque chimique L’incinération, parce qu’elle expose les déchets à une température élevée (au minimum 850 °C pendant au minimum 2 secondes), détruit tous les polluants biologiques ainsi que certaines substances chimiques. C’est pour cela que l’incinération peut être une solution privilégiée en cas de pandémie (grippe ou autre). 10 Pour éviter leur dissémination, les fumées des incinérateurs sont épurées au moyen de systèmes complexes, qui coûtent presque aussi cher que l’incinérateur lui-même et qui concentrent les substances dans un résidu solide appelé Refiom (résidu d’épuration des fumées d’incinération d’ordures ménagères). Une tonne d’ordures ménagères génère environ 30 kg de Refiom. D’une certaine manière, les incinérateurs fonctionnent donc, pour les déchets solides, un peu comme les stations d’épuration pour les eaux usées : destruction d’une partie des polluants et concentration des autres, le concentré étant ensuite éliminé dans des conditions adaptées. En France, les Refiom sont stockés dans des décharges spécialisées, stric- tement contrôlées, après avoir été stabilisés dans une sorte de ciment, ou expédiés en Allemagne en tant que matériau de comblement de mines de sel désaffectées. Quant aux mâchefers, ils contiennent également des substances telles que plomb, dioxines…, mais dans des proportions sans commune mesure avec celles présentes dans les Refiom. En outre, pour ceux qui respectent les critères de valorisation en travaux publics, le processus de préparation « piège » la plupart d’entre elles dans une matrice minérale. Ainsi, en plus de 30 ans, aucune utilisation, dans les règles de l’art, de mâchefers en travaux publics n’a eu en France de conséquence environnementale dommageable. Les mâchefers qui ne satisfont pas aux critères de valorisation sont, eux, éliminés dans des décharges contrôlées. En revanche, il est vrai que l’incinération ne détruit pas toutes les substances chimiques se trouvant dans les déchets, et que par ailleurs le processus de combustion génère lui-même d’autres substances chimiques. Parmi elles, les dioxines et furanes, que l’on regroupe généralement sous le terme de dioxines. La majeure partie de ces substances se retrouvent dans les fumées, une autre partie dans les mâchefers. 11 Le Livre Blanc de l’incinération Le Livre Blanc de l’incinération ! Les incinérateurs émettentFaux plus de CO2 que les centrales au gaz, au fioul ou au charbon 4. Gestion des déchets, énergie, gaz à effet de serre L’incinération ne produit pas d’énergie renouvelable Faux ! Il y a deux types de combustibles dans les déchets municipaux incinérés. D’une part des plastiques qui, sauf exception, sont fabriqués à partir de pétrole, donc non renouvelables, et d’autre part des matériaux biodégradables (papiers et cartons souillés et/ ou non triés, textiles naturels, bois, déchets alimentaires…), fabriqués à partir de biomasse, donc renouvelables. Selon la dernière analyse nationale menée par l’Ademe, près des deux tiers des ordures ménagères résiduelles (non triées) sont constitués de matériaux renouvelables. Leur combustion est neutre pour l’effet de serre, puisque le CO2 qu’ils génèrent a préalablement été capté de façon naturelle dans l’atmosphère pour permettre leur production (par photosynthèse, pour la croissance des plantes). Sources : Ademe (Modecom 2009), Ministère de l’Ecologie et du Développement durable (Chiffres clés de l’énergie 2011), calculs SVDU 12 Sur le plan réglementaire, une directive européenne, complétée par l’arrêté ministériel du 8 novembre 2007, fixe que l’énergie tirée de l’incinération des déchets municipaux est d’origine renouvelable à hauteur de 50%. En 2010, la valorisation énergétique des déchets urbains a permis la production de 1,2 million de tonnes d’équivalent pétrole, dont la moitié au moins est officiellement reconnue d’origine renouvelable. Cela représente 2,5 % de toutes les énergies renouvelables produites en France, et plus de la moitié de l’éolien et du solaire thermique et photovoltaïque réunis. Un tiers des réseaux de chauffage urbain sont reliés à un incinérateur. L’énergie des déchets représente plus de la moitié des énergies renouvelables distribuées par tous les réseaux de chaleur français. En outre, l’intérêt des incinérateurs est leur complémentarité par rapport aux énergies renouvelables intermittentes (éolien, solaire…), en raison de leur grande disponibilité, quelles que soient les conditions climatiques (vent, soleil, pluie…). Les incinérateurs fonctionnent en effet plus de 8 000 heures par an chacun, soit en moyenne 22 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par an, avec une grande fiabilité. Cette « information » a été diffusée par une ONG britannique et relayée en France. Sa force est de prendre partiellement appui sur la réalité. Sur le fond, elle est cependant inexacte. Plus de la moitié du CO2 émis par les incinérateurs (57 %, selon l’Ademe en 2005) provient de sources dites biogéniques, autrement dit de la biomasse, renouvelable. Ce CO2 est donc consi- Source : Ademe Guide des facteurs d’émission EN SAVOIR + déré comme neutre en termes d’effet de serre et de changement climatique. Si on déduit le CO2 d’origine biogénique, l’incinération avec valorisation énergétique est une source d’énergie thermique peu émettrice de gaz à effet de serre (149 g de CO2 /kWh), loin devant le gaz naturel (206 g), le GPL (231 g), le fioul lourd (282 g) ou le charbon (343 g). Source d’énergie thermique la moins émettrice de gaz à effet de serre. Incinération 149 g CO2/kWh Gaz naturel 206 g CO /kWh G.P.L 2 231 g CO2/kWh Fioul lourd 282 g CO /kWh 2 Charbon 343 g CO /kWh 2 13 Le Livre Blanc de l’incinération Le Livre Blanc de l’incinération L’incinération et la décharge se valent en matière de valorisation Faux ! énergétique Les instances européennes se sont clairement positionnées. Source : Directive cadre sur les déchets La directive cadre sur les déchets du 19 novembre 2008 a défini des priorités en matière de gestion des déchets (ce que les spécialistes appellent la « hiérarchie des déchets »). En premier figure la prévention, parfois résumée par cette formule : « le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas ». Viennent ensuite le réemploi et la réutilisation (réutiliser en tant que tel un objet qui a été jeté), puis le recyclage et le compostage (réutiliser la matière d’un objet jeté). L’incinération avec valorisation de l’énergie ainsi produite arrive ensuite, avant la mise en décharge, qui est considérée comme une élimination. De fait, l’incinération permet de valoriser l’ensemble du contenu énergétique des déchets non recyclés et non compostés. 5. Incinération, fiscalité, coût, emplois L’incinération est favorisée sur le plan fiscal Faux ! Si l’on en croit cette idée reçue, l’incinération bénéficierait d’une forme de bienveillance de l’Etat en étant subventionnée, notamment via le tarif d’achat de l’électricité produite par les incinérateurs. Sources : arrêtés ministériels sur les tarifs d’achat d’électricité d’origine renouvelable En fait, ce tarif d’achat, de 4,5 à 5,3 centimes par kWh selon les installations, est le plus faible existant pour les énergies renouvelables. En moyenne, il est même inférieur au tarif régulé auquel est vendue l’électricité. A titre de comparaison, le kWh produit par la valorisation électrique du biogaz d’une décharge est acheté entre 8,1 ct et 13 ct, selon l’installation, alors que la décharge ne valorise au maximum que 50 % du contenu énergétique des déchets résiduels (leur part fermentescible). Le kWh produit par une centrale hydraulique est acheté au minimum 6,07 ct, celui produit par une éolienne terrestre 8,2 ct pendant les 10 premières années. Quant au kWh photovoltaïque, son tarif d’achat va de 30 à 55 ct selon l’installation et sa localisation. Par ailleurs, alors que la plupart des tarifs d’achat de l’électricité d’origine renouvelable ont été revalorisés ces dernières années, celui de l’incinération n’a pas bougé depuis octobre 2001. Enfin, rappelons que depuis 2009, les déchets incinérés se voient imposer le paiement de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) selon un barème progressif au fil des années. L’incinération est le mode de traitement des déchets le plus cher Faux ! Dans l’absolu, l’incinération n’est pas le mode de gestion des déchets le plus cher. 14 La collecte sélective et le tri des emballages (hors verre) et des papiers sont en moyenne deux fois et demi plus chers, même en prenant en compte les aides 15 Le Livre Blanc de l’incinération Sources : Ademe (Référentiel national des coûts de gestion du service public d’élimination des déchets en 20072008), Amorce (Performances et recettes des unités de valorisation énergétique des ordures ménagères, octobre 2011) des éco-organismes (Eco-Emballages, EcoFolio) ainsi que les recettes tirées de la vente des matériaux triés. Mais ces modes de gestion ne s’appliquent pas aux mêmes déchets, et par ailleurs le « service environnemental » du tri et du recyclage n’est pas le même que celui de l’incinération. Il faut donc comparer ce qui est comparable, autrement dit les coûts de traitement des déchets résiduels (ceux qui ne sont pas triés). Sur ce plan, l’incinération est effectivement plus chère que la décharge. Selon l’Ademe, son coût médian est de 94 euros/tonne alors que celui de la décharge est de 64 euros. Mais ces chiffres ne prennent pas en compte les recettes tirées de la vente de la chaleur et/ou de l’électricité produites à partir de l’énergie des déchets, et de la valorisation des mâchefers en travaux publics, lesquelles viennent en déduction du prix « technique ». Le Livre Blanc de l’incinération Pour l’incinération, les recettes sont en moyenne d’environ 20 euros par tonne incinérée. Elles peuvent atteindre 30 % du coût global pour les installations qui valorisent le plus, diminuant d’autant la facture payée par l’usager. D’où l’intérêt, par exemple, de pouvoir raccorder les incinérateurs à des réseaux de chauffage urbain, qui améliorent sensiblement la valorisation globale. Au bout du compte, en intégrant les recettes de valorisation, et quand cette valorisation se fait avec un bon rendement énergétique, le coût de l’incinération est assez proche de celui de la décharge. 6. Transparence Les incinérateurs sont desFaux ! « boîtes noires » : personne ne sait ce qui s’y passe Un grand nombre d’exploitants d’incinérateurs organisent régulièrement des journées portes ouvertes — par définition ouvertes à tous — et permettant de visiter leurs installations. Par ailleurs, les résultats des analyses environnementales, en particulier celles menées sur les émissions gazeuses (fumées), sont très souvent mises en ligne sur les sites Internet des exploitants ou des collectivités concernées. Enfin, la grande majorité des incinérateurs sont dotés de commissions locales d’information et de surveillance (CLIS), créées par arrêté préfectoral et qui rassemblent l’exploitant, les admi- nistrations chargées de la surveillance, les collectivités locales et des représentants des associations de protection de l’environnement et de consommateurs. Les CLIS se réunissent au moins une fois par an et l’exploitant y présente en particulier son « dossier d’information du public » (DIP). Les représentants des associations de protection de l’environnement et de consommateurs peuvent y poser des questions, demander communication de documents d’exploitation, formuler des propositions… Elles sont donc un lieu de dialogue entre la population, les administrations et l’exploitant (qu’il s’agisse d’un industriel privé ou d’une régie publique). L’incinération ne marche que pour traiter de très grandes quantités de déchets Faux ! Certes, les très gros incinérateurs ont des capacités supérieures à 500 000 tonnes par an, pouvant traiter les ordures ménagères résiduelles de plus d’un million et demi d’habitants (plus que la population de l’agglomération lyonnaise, par exemple). Mais, principe 16 de proximité oblige, il existe aussi des incinérateurs de taille modeste qui traitent 50 000 tonnes par an, soit la production de déchets d’environ 150 000 habitants, autrement dit d’une agglomération moyenne ou d’un département peu peuplé, et ceci à coût raisonnable. 17 Le Livre Blanc de l’incinération Les propositions des professionnels • pour une meilleure valorisation énergétique des déchets résiduels • pour une réduction des émissions de gaz à effet de serre 1. Donner à l’incinération toute sa place comme source d’énergie renouvelable L’incinération est actuellement le seul procédé éprouvé de traitement des déchets qui permette de valoriser l’intégralité du contenu énergétique des déchets. La moitié au moins de cette énergie est d’origine renouvelable. Or le Grenelle de l’environnement a décidé : - de brider les capacités d’incinération ; - de réduire les quantités de déchets incinérées ; - d’instaurer d’une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pour les déchets incinérés. L’objectif affiché – et théorique – de cette politique est de favoriser le recyclage. Mais l’expérience de nos voi- sins européens (Allemagne, Suisse, Autriche, Pays-Bas, Suède…) montre qu’il n’y a pas d’opposition entre le recyclage et la valorisation énergétique. Les pays où l’on recycle beaucoup sont aussi ceux où la valorisation énergétique est poussée. Afin que les collectivités et les industriels puissent valoriser au mieux leurs déchets résiduels, nous proposons que les incinérateurs qui ont les meilleurs rendements énergétiques – et qui donc participent efficacement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre – ne se voient pas appliquer les mesures du Grenelle limitant l’incinération. Le Livre Blanc de l’incinération 2. Doubler l’énergie récupérée à partir des déchets résiduels en développant la valorisation thermique et les réseaux de chaleur Actuellement, environ la moitié de l’énergie des déchets résiduels traités par incinération est perdue. Cela représente un gaspillage de plus 4 millions de tonnes équivalent pétrole par an, dont la moitié au moins est d’origine renouvelable. Une des causes de ce gaspillage est que certaines installations ne sont pas raccordées à un réseau de chauffage urbain et ne font donc que de la valorisation électrique, avec un moindre rendement énergétique. Nous proposons, en complément de la valorisation électrique, de développer la valorisation thermique : - en prolongeant le Fonds chaleur renouvelable de l’Ademe qui facilite la création et l’extension de réseaux de chaleur alimentés entre autres par des incinérateurs ; - en développant les réseaux de chauffage urbain déjà existants ; - en favorisant l’implantation de nouveaux incinérateurs reliés à des réseaux de chauffage urbain ; - en remettant à plat le tarif d’achat de l’électricité produite par les incinérateurs, afin que les exploitants soient incités à produire de la chaleur au moment où les besoins sont les plus importants (hiver); - en exonérant de TGAP les incinérateurs qui ont le meilleur rendement énergétique ; cette exonération pourrait être compensée par le renforcement de la TGAP pour les installations de traitement des déchets résiduels qui ont les moins bons rendements énergétiques. Contact : Marie DESCAT Secrétaire Générale 28 rue de la Pépinière 75008 Paris Tel : 01 44 70 63 90 [email protected] SYNDICAT NATIONAL DU TRAITEMENT ET DE LA VALORISATION DES DÉCHETS URBAINS ET ASSIMILÉS