Le Livre Blanc de l`incinération

Transcription

Le Livre Blanc de l`incinération
Le Livre Blanc
de l’incinération
Idées reçues sur le traitement et la valorisation des déchets
SYNDICAT NATIONAL DU TRAITEMENT
ET DE LA VALORISATION DES DÉCHETS
URBAINS ET ASSIMILÉS
A en croire ce qui se dit ou s’écrit ici ou là,
l’incinération est une plaie :
elle empoisonne la population, elle coûte
très cher, elle empêche la prévention des
déchets, le recyclage et le compostage, elle
produit énormément de CO2, elle n’est en
rien une énergie renouvelable, elle se développe à vitesse « grand V » en France mais
pas chez nos voisins européens, les exploitants des usines ne sont pratiquement pas
contrôlés et font ce qu’ils veulent…
Ce petit livre fait le point sur ces idées reçues, les dissèque, fait la part du vrai et du
faux, sources à l’appui.
Il présente aussi les propositions des professionnels pour tirer le meilleur parti de
l’énergie des déchets, réduire nos émissions de gaz à effet de serre et produire
plus d’énergie d’origine renouvelable.
Il entend ainsi contribuer au débat nécessaire sur le traitement de nos déchets.
Sommaire
1.
L’incinération, la France et l’Europe - p.2
2.
Prévention des déchets, recyclage, incinération, élimination - p.4
3.
Santé et environnement - p.8
4.
Gestion des déchets, énergie, gaz à effet de serre - p.12
5.
Incinération, fiscalité, coût, emplois - p.15
6.
Transparence - p.17
Les propositions des professionnels
Le Livre Blanc de l’incinération
Le Livre Blanc de l’incinération
La France est le seul paysFaux !
européen à développer encore
l’incinération
1. L’incinération, la France et l’Europe
On incinère plus en France
que partout en Europe Faux !
Cette affirmation donne une idée fausse
de la place de l’incinération en France
par rapport à ses voisins européens.
Sources :
Eurostat,
CEWEP
+ D’INFO
La France compte 128 incinérateurs en
service, alors que l’ensemble de l’Europe en compte 470. Par comparaison,
l’Allemagne en compte 70, l’Italie 49,
le Danemark et la Suède 31 chacun, le
Royaume-Uni 23, etc. Les incinérateurs
français représentent ainsi, en nombre
d’usines, environ 25 % de l’ensemble du
parc européen. Mais ce n’est pas pour
autant que la France incinère plus que
ses voisins. Car la capacité moyenne
des incinérateurs français (un peu plus
de 100 000 tonnes/an) est plus faible
que la capacité moyenne des inciné-
rateurs européens (plus de 150 000
tonnes/an). En Allemagne, par exemple,
la capacité moyenne des incinérateurs
est de 300 000 tonnes/an, soit trois fois
plus qu’en France.
Si on veut jouer au jeu de « qui incinère
le plus en Europe ? », il faut comparer
les quantités de déchets municipaux
incinérées par habitant et par an dans
chaque pays. Et à ce jeu-là, avec 181
kg/habitant/an, la France est très loin
d’être la première. Elle est devancée
par six pays — le Danemark (365 kg), la
Suisse (351 kg), le Luxembourg (240 kg),
la Suède (226 kg), l’Allemagne (220 kg)
et les Pays-Bas (194 kg) — et suivie de
près par deux autres, l’Autriche (175 kg)
et la Belgique (160 kg).
Quantités des déchets municipaux incinérés en Europe, en kg/habitant/an (2010)
Source : Eurostat
400
350
300
250
200
150
100
Depuis 2005, seuls trois incinérateurs
nouveaux ont vu le jour en France : à
Fos-sur-Mer, Arques (Pas-de-Calais) et
Noidans-le-Ferroux (Haute-Saône).
Trois sont en projet ou en construction :
Clermont-Ferrand,
Villers-Saint-Sépulcre (Oise) et Pointe-à-Pitre (Guadeloupe). L’usine d’Issy-les-Moulineaux
(Hauts-de-Seine), une des plus importantes de France, a été reconstruite
mais avec une réduction de 20 % de sa
capacité. Celle d’Ivry-sur-Seine (Valde-Marne), qui fut un temps une des
plus importantes d’Europe, va être reconstruite d’ici 2023 avec une réduction
de moitié de sa capacité d’incinération.
Source :
CEWEP
On le voit : l’incinération n’est pas stoppée en France, mais on ne peut parler
d’un développement important.
De fait, les lois « Grenelle 1 » et « Grenelle 2 » ont imposé deux restrictions
à la construction d’incinérateurs en
France. D’une part, les quantités de
déchets incinérés et mis en décharge
doivent, à terme, baisser de 15 %. Et
d’autre part, pour tout nouveau projet,
la capacité totale des installations de
traitement des déchets résiduels (incinérateurs et décharges) ne doit pas
dépasser 60 % des tonnages de déchets
municipaux produits sur le territoire
considéré.
Chez nos voisins, la tendance est plutôt
inverse. Depuis 2005, l’Allemagne, par
exemple, a construit plus de 50 unités
pour une capacité totale de plus de 10
millions de tonnes. L’Italie a mis en
fonction 8 installations totalisant plus
d’un million de tonnes. D’ici 2016, plus
de 30 nouveaux incinérateurs devraient
voir le jour en Europe pour une capacité
totale nouvelle de plus de 7 millions de
tonnes par an. Le Royaume-Uni, par
exemple, compte une dizaine de projets d’une capacité totale de 2,7 millions de tonnes. La Pologne a prévu de
construire 7 usines totalisant 1,8 million de tonnes. La Grèce, la Finlande, la
Suisse, le Danemark ont également des
usines en projet ou en construction.
Dans tous les cas, ces pays choisissent l’incinération avec valorisation
énergétique pour limiter les quantités
de déchets résiduels enfouies et pour
améliorer la valorisation globale tout
en limitant les impacts (réduction de
la production de gaz à effet de serre,
augmentation de la production d’électricité et/ou de chaleur d’origine renouvelable).
50
2
e
e
ch
iq
u
lg
Be
tri
Au
EU
Po 27
rtu
ga
l
Gr
an
de Itali
-B e
re
tag
Es ne
pa
g
Ho ne
ng
Sl rie
ov
aq
ui
Irl e
an
d
Po e
lo
gn
Bu e
lg
ar
i
Es e
to
ni
e
Gr
èc
e
Lu
an
ce
Su
xe isse
m
bo
No urg
rv
èg
e
Su
Al èd
le
m e
ag
Ho ne
lla
Fr nde
0
3
Le Livre Blanc de l’incinération
Le Livre Blanc de l’incinération
En France, on recycle peu Faux !
parce qu’on incinère beaucoup
2. Prévention des déchets,
recyclage, incinération,
élimination
L’incinération est un frein à la
prévention des déchets Faux !
Selon certains de leurs opposants, les
incinérateurs seraient des « aspirateurs
à déchets ».
L’incinération nuirait aux efforts menés
pour réduire les quantités de déchets
produites (la prévention des déchets).
Les images sont belles mais elles font
peu de cas de la réalité, et en particulier de celle-ci : on a rarement vu un
consommateur se demander, au moment de ses achats, si les déchets qui
seront issus des produits qu’il s’apprête
à acheter seront incinérés ou pas.
Or la quantité de déchets générés dépend avant tout de la consommation et
en aucun cas des modes de traitement
des déchets. Dans les pays pauvres, on
4
consomme peu et on jette peu. Dans les
pays riches, on consomme plus et par
conséquent on jette plus. Plus un pays
est riche, plus la production de déchets
y est importante. Cela est vrai quel que
soit le mode de traitement des déchets.
Le fait que les déchets résiduels soient
incinérés ou enfouis, que le recyclage,
le compostage ou la méthanisation y
soient développés ou pas n’y change
rien.
On peut également prendre cette idée
reçue par l’autre bout pour en percevoir
toute l’absurdité. A-t-on déjà vu des
consommateurs incités à acheter et
à jeter pour pouvoir continuer à faire
fonctionner un incinérateur ?
La réponse est dans la question…
L’incinération nuirait au recyclage. Et si
on recycle peu en France — paraît-il —,
c’est parce que nous aurions beaucoup
d’incinérateurs.
Source :
Eurostat
L’explication est séduisante, mais elle
ne résiste pas à l’analyse des chiffres
et aux comparaisons européennes. Les
pays où la valorisation matière (recyclage et compostage) est très développée sont aussi ceux où l’incinération occupe une place importante : Allemagne,
Suisse, Pays-Bas, Belgique, Suède,
Danemark, Luxembourg, Autriche… A
contrario, ceux où l’on incinère peu sont
aussi, souvent, ceux où l’on recycle peu :
Portugal, Espagne, Grèce, nouveaux
états membres de l’Union Européenne…
La France se trouve dans une position
intermédiaire, avec grosso modo un
tiers des déchets municipaux qui sont
recyclés ou compostés, un tiers incinéré et un tiers mis en décharge. On est
donc loin du cliché selon lequel notre
pays serait « le mauvais élève de l’Eu-
rope » ou adopterait une position de
« tout incinération ».
Les déchets qui ne sont ni recyclés ni
compostés (déchets résiduels) peuvent
être soit mis en décharge, soit incinérés, au choix des autorités qui en ont la
charge. Il n’y a donc aucun lien automatique direct entre recyclage, compostage et incinération.
S’il y a un lien entre recyclage et incinération, il est plutôt politique. Les
pays qui se soucient le plus de la valorisation de leurs déchets au sens large
(valorisation matière et énergétique)
mènent le combat sur les deux fronts.
Ils s’efforcent d’abord de recycler et de
composter le plus possible, et pour les
déchets résiduels, ils considèrent que
la meilleure voie, sur le plan environnemental, est l’incinération avec valorisation de l’énergie ainsi produite, soit sous
forme de chaleur (chauffage urbain),
soit sous forme d’électricité, soit les
deux à la fois (cogénération).
5
Le Livre Blanc de l’incinération
Le Livre Blanc de l’incinération
Avec les traitements « modernes »
(recyclage, compostage, Faux !
méthanisation…), on peut se passer
d’incinération et de décharges
+ D’INFO
Part des déchets incinérés, enfouis et recyclés ou compostés en Europe, en % (2010)
Source : Eurostat
100%
1
5
39
35
1
4
17
90%
34
80%
49
70%
32
45
48
60%
40%
sont par ailleurs impossibles, sauf pour
les « bioplastiques », qui sont à ce jour
très minoritaires.
66
30%
60
60
50
48
20%
52
62
82
34
50%
A en croire cette idée reçue, l’incinération
et la décharge n’auraient pas leur place
dans un monde moderne et écologique.
48
36
12
12
9
40
39
100
Enfouissement (décharge)
Incinération
Recyclage et compostage
19
47
43
34
10%
19
18
Source :
Ademe,
Modecom 2009
(calculs SVDU)
Dans un monde idéal, pourquoi pas.
Mais dans le monde réel, force est de
constater que la valorisation matière
(recyclage et compostage) et la méthanisation ont leurs limites.
Par exemple, les papiers, cartons et
textiles, quand ils sont souillés, ne peuvent pas être recyclés (ils risqueraient
de polluer les produits neufs). Et dans
certains cas, par exemple s’ils sont
souillés avec des matières non organiques (essence, solvants…), il n’est pas
souhaitable non plus qu’ils soient compostés ou méthanisés
Pour les plastiques, le recyclage est en
théorie toujours possible. Mais en pratique, le recyclage de certains éléments
trop petits, en trop petite quantité ou
mélangés à d’autres matériaux serait
trop complexe ou trop coûteux. Dans
certains cas, le recyclage peut même
générer plus d’impacts environnementaux négatifs que positifs. Le compostage et la méthanisation des plastiques
6
ie
ar
lg
Bu
l
ga
Gr
èc
e
e
ne
gn
tu
Po
r
pa
Es
lie
re
ta
g
-B
de
ce
Ita
Fr
an
Gr
an
k
Lu
xe
m
bo
ur
g
ar
e
m
ue
èd
ne
Da
Su
iq
e
nd
lg
Be
lla
Ho
ag
le
m
Certains bois traités ne peuvent pas
non plus être valorisés sous forme de
matière ni entrer dans des centres de
traitement biologique (compostage et/
ou méthanisation).
Au final, selon la dernière analyse menée par l’Ademe au niveau national, 61%
des ordures ménagères résiduelles
(OMR) pourraient, si elles étaient triées,
faire l’objet d’un recyclage ou d’une
valorisation organique. La marge de
progression du tri est donc importante.
Mais cela veut dire aussi que même si
l’on fait de gros progrès dans ce domaine, il restera encore beaucoup de
déchets à traiter autrement : au minimum 39 % des OMR (100 % – 61 %),
soit environ 123 kg/habitant/an, si tout
le monde triait tous ses déchets parfaitement, ce qui est forcément un peu
utopique.
En Allemagne, pays souvent présenté
comme un champion du tri, les déchets
résiduels (non triés) représentent encore environ 50 % des déchets totaux.
Et jusqu’à présent, pour les déchets
résiduels, les seules techniques éprouvées sont l’incinération et la mise en
décharge.
Al
Il suffirait de trier, de recycler, de composter et/ou de méthaniser nos déchets
pour que la question de leur élimination
soit réglée.
ne
0%
L’incinération ne permet aucune
valorisation matière
Faux !
Il est un fait que l’incinération n’est pas
le meilleur moyen de faire de la valorisation matière. Tout ce qui peut être recyclé
ou composté en amont, à coût et impact
raisonnables, doit l’être. Mais pour autant, un incinérateur ne fait pas que brûler des déchets et valoriser leur énergie.
Source :
Ademe
(dont
ITOM 2008)
Une tonne de déchets municipaux incinérés produit environ 220 kg de mâchefers, qui sont les résidus solides de la
combustion. Ceux-ci contiennent environ 10 % de ferrailles et 1 % de métaux
non ferreux (aluminium et cuivre principalement). Dans presque toutes les installations, ces métaux sont extraits par
des moyens magnétiques et recyclés
pour la fabrication de fers à bétons, de
carters de moteurs de voiture, etc.
La partie non métallique des mâchefers
est composée essentiellement d’éléments minéraux. Elle peut, après une
phase de préparation, être valorisée
dans les travaux publics. Les mâchefers
ont alors le statut de matériau alternatif
et remplacent des granulats naturels,
permettant ainsi une économie de ressources non renouvelables.
En 2009 (derniers chiffres connus), les
incinérateurs d’ordures ménagères
français ont produit 2,9 millions de
tonnes de mâchefers. 149 000 tonnes
de métaux ferreux et non ferreux en ont
été extraites pour le recyclage. Et 1,8
million de tonnes de mâchefers ont été
valorisées dans les travaux publics.
7
Le Livre Blanc de l’incinération
Le Livre Blanc de l’incinération
3. Santé et environnement
Les incinérateurs provoquent
le cancer chez les riverainsFaux !
En 2008, l’Institut de veille sanitaire a
rendu publique une étude épidémiologique sur les liens entre, d’une part, les
incinérateurs d’ordures ménagères tels
qu’ils étaient exploités dans les années
1970 et 1980, et d’autre part les cancers
apparus dans les années 1990.
Cette étude a mis en évidence un « excès de risque relatif » de 6 à 23 % pour
certains types de cancers. A titre de
comparaison, l’excès de risque relatif
de développer un cancer des poumons
est de l’ordre de 900 à 1 900 %pour les
fumeurs, et de 30 à 60 % pour les « fumeurs passifs » (personne vivant sous
le même toit qu’un fumeur).
EN SAVOIR
+
Réduction des émissions des incinérateurs entre 1990 et 2009.
-99% Dioxines
-97% Plombs
-89% Zinc
-82% Cadmium
-75% Mercure
L’InVS précise que l’on ignore la « causalité du lien observé ». Par ailleurs,
toujours selon l’InVS, « l’étude portant
sur une situation passée, ses résultats ne peuvent pas être transposés au
contexte actuel ».
Depuis les années 1990, les émissions
des incinérateurs ont été considérablement réduites. Pour les dioxines,
par exemple, qui sont un marqueur de
l’ensemble des substances émises par
les incinérateurs, les émissions ont
baissé de 99 % entre 1990 et 2009. Les
émissions des autres substances ont
été réduites dans des proportions comparables : moins 97 % pour le plomb,
moins 89 % pour le zinc, moins 82 %
pour le cadmium, moins 75 % pour le
mercure…
Aujourd’hui, les émissions de dioxines
des incinérateurs d’ordures ménagères
représentent moins de 5 % des émissions totales de dioxines dues aux activités humaines. Les autres émetteurs
sont l’industrie manufacturière (74 % du
total), le secteur résidentiel et tertiaire
(en particulier le chauffage au bois :
19 %), le transport routier (2 %)… Les
Sources :
InVS (dont
Bulletin
épidémiologique
hebdomadaire
n° 7-8, février
2009), Afssa,
CITEPA, Health
Protection
Agency du
Royaume-Uni
(« The Impact on
Health of Emissions to Air from
Municipal Waste
Incinerators »,
septembre 2009)
Royaume-Uni)
émissions de dioxines peuvent aussi
être dues à des facteurs non humains :
volcans, feux de forêt…
Actuellement, les riverains des incinérateurs n’ont pas plus de dioxines ou de
métaux lourds dans leur organisme que
les personnes vivant loin de tout incinérateur.
Selon l’InVS, « une nouvelle étude [sur
les cancers] chez les populations exposées aux niveaux actuels d’émission
[des incinérateurs] peut être discutée »
car « elle risquerait a priori d’être non
concluante du fait des expositions désormais très faibles occasionnées par
l’incinération ».
Cet avis est partagé au-delà des frontières, par exemple par l’agence britannique de protection de la santé (HPA),
«
Les incinérateurs
modernes et bien
exploités ont une
contribution très
faible à la concentration locale en
polluants.
«
Les incinérateurs sont une des
industries les plus polluantes
au monde et les exploitants y
Faux !
font ce qu’ils veulent
Cette idée reçue voudrait que les exploitants d’incinérateurs soient des sortes de
« Dr Folamour » qui empoisonneraient la
planète hors de tout contrôle. La réalité
est tout autre.
Les incinérateurs sont les installations
industrielles de combustion dont les
émissions sont les plus limitées par
la réglementation et qui sont les plus
8
qui considère que « les incinérateurs
modernes et bien exploités ont une
contribution très faible à la concentration locale en polluants » et que « les
impacts négatifs potentiels sur la santé
des personnes vivant à proximité sont
probablement très faibles, s’ils sont
mesurables ».
contrôlées en France et en Europe.
Pour les fumées, par exemple, une
quinzaine de paramètres ou de substances doivent être mesurés et analysés, parfois en continu : poussières,
carbone organique total, chlorure d’hydrogène, fluorure d’hydrogène, dioxyde
de souffre, oxydes d’azote, monoxyde de
carbone, vapeur d’eau, cadmium, thallium, mercure, dioxines…
9
Le Livre Blanc de l’incinération
Source :
Directive
européenne
(2010/75/
UE) sur les
émissions
industrielles,
CITEPA
Les valeurs limites des émissions d’un
incinérateur, imposées par la réglementation, sont, pour les poussières,
de 2 à 15 fois inférieures à celles des
autres installations industrielles de
combustion (selon le type d’installation et la puissance). Pour les oxydes
de soufre, elles sont de 4 à 40 fois inférieures. Pour le monoxyde de carbone, de 2 à 6 fois inférieures. Pour les
oxydes d’azote, elles sont jusqu’à 6 fois
inférieures. Pour les métaux lourds,
de 12 à 22 fois inférieures. Enfin, les
incinérateurs sont les seules installa-
Le Livre Blanc de l’incinération
tions de combustion à se voir imposer
une valeur limite d’émission pour les
dioxines, alors qu’ils ne contribuent
qu’à 5 % des émissions totales de ces
substances (presque quatre fois moins
que le chauffage au bois).
Ajoutons enfin que depuis 2005, les exploitants d’incinérateurs doivent mener
à proximité de leurs usines des études
environnementales pour mesurer leur
impact, ce qui n’est imposé à aucune
autre industrie. Jusqu’à présent, ces
études n’ont pas permis de déceler un
quelconque impact négatif.
Les résidus de l’incinération
sont plus polluants que les
Faux !
déchets incinérés
Nos déchets présentent deux types de
risques : un risque biologique et un
risque chimique
L’incinération, parce qu’elle expose les
déchets à une température élevée (au
minimum 850 °C pendant au minimum
2 secondes), détruit tous les polluants
biologiques ainsi que certaines substances chimiques. C’est pour cela que
l’incinération peut être une solution privilégiée en cas de pandémie (grippe ou
autre).
10
Pour éviter leur dissémination, les fumées des incinérateurs sont épurées
au moyen de systèmes complexes, qui
coûtent presque aussi cher que l’incinérateur lui-même et qui concentrent
les substances dans un résidu solide
appelé Refiom (résidu d’épuration des
fumées d’incinération d’ordures ménagères). Une tonne d’ordures ménagères
génère environ 30 kg de Refiom.
D’une certaine manière, les incinérateurs fonctionnent donc, pour les déchets solides, un peu comme les stations d’épuration pour les eaux usées :
destruction d’une partie des polluants
et concentration des autres, le concentré étant ensuite éliminé dans des
conditions adaptées.
En France, les Refiom sont stockés
dans des décharges spécialisées, stric-
tement contrôlées, après avoir été stabilisés dans une sorte de ciment, ou
expédiés en Allemagne en tant que matériau de comblement de mines de sel
désaffectées.
Quant aux mâchefers, ils contiennent
également des substances telles que
plomb, dioxines…, mais dans des proportions sans commune mesure avec
celles présentes dans les Refiom. En
outre, pour ceux qui respectent les critères de valorisation en travaux publics,
le processus de préparation « piège » la
plupart d’entre elles dans une matrice
minérale. Ainsi, en plus de 30 ans, aucune utilisation, dans les règles de l’art,
de mâchefers en travaux publics n’a eu
en France de conséquence environnementale dommageable.
Les mâchefers qui ne satisfont pas aux
critères de valorisation sont, eux, éliminés dans des décharges contrôlées.
En revanche, il est vrai que l’incinération ne détruit pas toutes les substances chimiques se trouvant dans les
déchets, et que par ailleurs le processus de combustion génère lui-même
d’autres substances chimiques. Parmi
elles, les dioxines et furanes, que l’on
regroupe généralement sous le terme
de dioxines.
La majeure partie de ces substances se
retrouvent dans les fumées, une autre
partie dans les mâchefers.
11
Le Livre Blanc de l’incinération
Le Livre Blanc de l’incinération
!
Les incinérateurs émettentFaux
plus de CO2 que les centrales
au gaz, au fioul ou au charbon
4. Gestion des déchets, énergie,
gaz à effet de serre
L’incinération ne produit pas
d’énergie renouvelable Faux !
Il y a deux types de combustibles dans
les déchets municipaux incinérés.
D’une part des plastiques qui, sauf
exception, sont fabriqués à partir de
pétrole, donc non renouvelables, et
d’autre part des matériaux biodégradables (papiers et cartons souillés et/
ou non triés, textiles naturels, bois, déchets alimentaires…), fabriqués à partir
de biomasse, donc renouvelables.
Selon la dernière analyse nationale menée par l’Ademe, près des deux tiers
des ordures ménagères résiduelles
(non triées) sont constitués de matériaux renouvelables. Leur combustion
est neutre pour l’effet de serre, puisque
le CO2 qu’ils génèrent a préalablement
été capté de façon naturelle dans l’atmosphère pour permettre leur production (par photosynthèse, pour la croissance des plantes).
Sources :
Ademe
(Modecom 2009),
Ministère de
l’Ecologie et du
Développement
durable (Chiffres
clés de l’énergie
2011), calculs
SVDU
12
Sur le plan réglementaire, une directive
européenne, complétée par l’arrêté ministériel du 8 novembre 2007, fixe que
l’énergie tirée de l’incinération des déchets municipaux est d’origine renouvelable à hauteur de 50%.
En 2010, la valorisation énergétique des
déchets urbains a permis la production
de 1,2 million de tonnes d’équivalent
pétrole, dont la moitié au moins est officiellement reconnue d’origine renouvelable. Cela représente 2,5 % de toutes
les énergies renouvelables produites en
France, et plus de la moitié de l’éolien et
du solaire thermique et photovoltaïque
réunis.
Un tiers des réseaux de chauffage
urbain sont reliés à un incinérateur.
L’énergie des déchets représente plus
de la moitié des énergies renouvelables
distribuées par tous les réseaux de chaleur français.
En outre, l’intérêt des incinérateurs est
leur complémentarité par rapport aux
énergies renouvelables intermittentes
(éolien, solaire…), en raison de leur
grande disponibilité, quelles que soient
les conditions climatiques (vent, soleil,
pluie…). Les incinérateurs fonctionnent
en effet plus de 8 000 heures par an
chacun, soit en moyenne 22 heures sur
24, 7 jours sur 7, 365 jours par an, avec
une grande fiabilité.
Cette « information » a été diffusée
par une ONG britannique et relayée en
France. Sa force est de prendre partiellement appui sur la réalité. Sur le fond,
elle est cependant inexacte.
Plus de la moitié du CO2 émis par les
incinérateurs (57 %, selon l’Ademe en
2005) provient de sources dites biogéniques, autrement dit de la biomasse,
renouvelable. Ce CO2 est donc consi-
Source :
Ademe
Guide des
facteurs
d’émission
EN SAVOIR
+
déré comme neutre en termes d’effet
de serre et de changement climatique.
Si on déduit le CO2 d’origine biogénique,
l’incinération avec valorisation énergétique est une source d’énergie thermique peu émettrice de gaz à effet de
serre (149 g de CO2 /kWh), loin devant le
gaz naturel (206 g), le GPL (231 g), le fioul
lourd (282 g) ou le charbon (343 g).
Source d’énergie thermique la moins émettrice de gaz à effet de serre.
Incinération
149 g CO2/kWh
Gaz naturel 206 g CO /kWh
G.P.L
2
231 g CO2/kWh
Fioul lourd 282 g CO /kWh
2
Charbon 343 g CO /kWh
2
13
Le Livre Blanc de l’incinération
Le Livre Blanc de l’incinération
L’incinération et la décharge
se valent en matière de valorisation Faux !
énergétique
Les instances européennes se sont clairement positionnées.
Source :
Directive cadre
sur les déchets
La directive cadre sur les déchets du
19 novembre 2008 a défini des priorités
en matière de gestion des déchets (ce
que les spécialistes appellent la « hiérarchie des déchets »).
En premier figure la prévention, parfois résumée par cette formule : « le
meilleur déchet est celui que l’on ne
produit pas ». Viennent ensuite le réemploi et la réutilisation (réutiliser en tant
que tel un objet qui a été jeté), puis le
recyclage et le compostage (réutiliser
la matière d’un objet jeté). L’incinération avec valorisation de l’énergie ainsi
produite arrive ensuite, avant la mise
en décharge, qui est considérée comme
une élimination.
De fait, l’incinération permet de valoriser l’ensemble du contenu énergétique
des déchets non recyclés et non compostés.
5. Incinération, fiscalité, coût,
emplois
L’incinération est favorisée sur
le plan fiscal
Faux !
Si l’on en croit cette idée reçue, l’incinération bénéficierait d’une forme de
bienveillance de l’Etat en étant subventionnée, notamment via le tarif d’achat
de l’électricité produite par les incinérateurs.
Sources :
arrêtés
ministériels
sur les tarifs
d’achat
d’électricité
d’origine
renouvelable
En fait, ce tarif d’achat, de 4,5 à 5,3 centimes par kWh selon les installations,
est le plus faible existant pour les énergies renouvelables. En moyenne, il est
même inférieur au tarif régulé auquel
est vendue l’électricité.
A titre de comparaison, le kWh produit
par la valorisation électrique du biogaz
d’une décharge est acheté entre 8,1 ct
et 13 ct, selon l’installation, alors que
la décharge ne valorise au maximum
que 50 % du contenu énergétique des
déchets résiduels (leur part fermentescible). Le kWh produit par une centrale
hydraulique est acheté au minimum
6,07 ct, celui produit par une éolienne
terrestre 8,2 ct pendant les 10 premières années. Quant au kWh photovoltaïque, son tarif d’achat va de 30 à 55 ct
selon l’installation et sa localisation.
Par ailleurs, alors que la plupart des
tarifs d’achat de l’électricité d’origine
renouvelable ont été revalorisés ces
dernières années, celui de l’incinération
n’a pas bougé depuis octobre 2001.
Enfin, rappelons que depuis 2009, les
déchets incinérés se voient imposer le
paiement de la taxe générale sur les
activités polluantes (TGAP) selon un barème progressif au fil des années.
L’incinération est le mode de
traitement des déchets le plus
cher Faux !
Dans l’absolu, l’incinération n’est pas
le mode de gestion des déchets le plus
cher.
14
La collecte sélective et le tri des emballages (hors verre) et des papiers sont en
moyenne deux fois et demi plus chers,
même en prenant en compte les aides
15
Le Livre Blanc de l’incinération
Sources :
Ademe
(Référentiel
national des
coûts de gestion
du service public
d’élimination des
déchets en 20072008), Amorce
(Performances
et recettes
des unités de
valorisation
énergétique des
ordures
ménagères,
octobre 2011)
des éco-organismes (Eco-Emballages,
EcoFolio) ainsi que les recettes tirées de
la vente des matériaux triés. Mais ces
modes de gestion ne s’appliquent pas
aux mêmes déchets, et par ailleurs le
« service environnemental » du tri et du
recyclage n’est pas le même que celui
de l’incinération. Il faut donc comparer
ce qui est comparable, autrement dit
les coûts de traitement des déchets résiduels (ceux qui ne sont pas triés).
Sur ce plan, l’incinération est effectivement plus chère que la décharge. Selon
l’Ademe, son coût médian est de 94 euros/tonne alors que celui de la décharge
est de 64 euros. Mais ces chiffres ne
prennent pas en compte les recettes tirées de la vente de la chaleur et/ou de
l’électricité produites à partir de l’énergie des déchets, et de la valorisation
des mâchefers en travaux publics, lesquelles viennent en déduction du prix «
technique ».
Le Livre Blanc de l’incinération
Pour l’incinération, les recettes sont en
moyenne d’environ 20 euros par tonne
incinérée. Elles peuvent atteindre 30 %
du coût global pour les installations qui
valorisent le plus, diminuant d’autant
la facture payée par l’usager. D’où l’intérêt, par exemple, de pouvoir raccorder les incinérateurs à des réseaux de
chauffage urbain, qui améliorent sensiblement la valorisation globale.
Au bout du compte, en intégrant les recettes de valorisation, et quand cette valorisation se fait avec un bon rendement
énergétique, le coût de l’incinération est
assez proche de celui de la décharge.
6. Transparence
Les incinérateurs sont desFaux !
« boîtes noires » : personne ne
sait ce qui s’y passe
Un grand nombre d’exploitants d’incinérateurs organisent régulièrement des
journées portes ouvertes — par définition ouvertes à tous — et permettant de
visiter leurs installations.
Par ailleurs, les résultats des analyses environnementales, en particulier celles menées sur les émissions
gazeuses (fumées), sont très souvent
mises en ligne sur les sites Internet des
exploitants ou des collectivités concernées. Enfin, la grande majorité des incinérateurs sont dotés de commissions
locales d’information et de surveillance
(CLIS), créées par arrêté préfectoral et
qui rassemblent l’exploitant, les admi-
nistrations chargées de la surveillance,
les collectivités locales et des représentants des associations de protection de
l’environnement et de consommateurs.
Les CLIS se réunissent au moins une
fois par an et l’exploitant y présente en
particulier son « dossier d’information
du public » (DIP). Les représentants des
associations de protection de l’environnement et de consommateurs peuvent
y poser des questions, demander communication de documents d’exploitation, formuler des propositions… Elles
sont donc un lieu de dialogue entre la
population, les administrations et l’exploitant (qu’il s’agisse d’un industriel
privé ou d’une régie publique).
L’incinération ne marche que
pour traiter de très grandes
quantités de déchets Faux !
Certes, les très gros incinérateurs ont
des capacités supérieures à 500 000
tonnes par an, pouvant traiter les ordures ménagères résiduelles de plus
d’un million et demi d’habitants (plus
que la population de l’agglomération
lyonnaise, par exemple). Mais, principe
16
de proximité oblige, il existe aussi des
incinérateurs de taille modeste qui traitent 50 000 tonnes par an, soit la production de déchets d’environ 150 000
habitants, autrement dit d’une agglomération moyenne ou d’un département
peu peuplé, et ceci à coût raisonnable.
17
Le Livre Blanc de l’incinération
Les propositions
des professionnels
• pour une meilleure valorisation
énergétique des déchets résiduels
• pour une réduction des
émissions de gaz à effet de serre
1. Donner à l’incinération toute
sa place comme source d’énergie
renouvelable
L’incinération est actuellement
le seul procédé éprouvé de
traitement des déchets qui
permette de valoriser l’intégralité du contenu énergétique des déchets. La moitié
au moins de cette énergie est
d’origine renouvelable.
Or le Grenelle de l’environnement a décidé :
- de brider les capacités d’incinération ;
- de réduire les quantités de
déchets incinérées ;
- d’instaurer d’une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pour les déchets incinérés.
L’objectif affiché – et théorique – de cette politique
est de favoriser le recyclage.
Mais l’expérience de nos voi-
sins européens (Allemagne,
Suisse, Autriche, Pays-Bas,
Suède…) montre qu’il n’y
a pas d’opposition entre le
recyclage et la valorisation
énergétique. Les pays où l’on
recycle beaucoup sont aussi
ceux où la valorisation énergétique est poussée.
Afin que les collectivités et
les industriels puissent valoriser au mieux leurs déchets
résiduels, nous proposons
que les incinérateurs qui ont
les meilleurs rendements
énergétiques – et qui donc
participent efficacement à la
réduction des émissions de
gaz à effet de serre – ne se
voient pas appliquer les mesures du Grenelle limitant
l’incinération.
Le Livre Blanc de l’incinération
2. Doubler l’énergie récupérée
à partir des déchets résiduels
en développant la valorisation
thermique et les réseaux de
chaleur
Actuellement, environ la moitié de l’énergie des déchets
résiduels traités par incinération est perdue.
Cela représente un gaspillage de plus 4 millions de
tonnes équivalent pétrole par
an, dont la moitié au moins
est d’origine renouvelable.
Une des causes de ce gaspillage est que certaines
installations ne sont pas
raccordées à un réseau de
chauffage urbain et ne font
donc que de la valorisation
électrique, avec un moindre
rendement énergétique.
Nous proposons, en complément de la valorisation
électrique, de développer la
valorisation thermique :
- en prolongeant le Fonds
chaleur renouvelable de
l’Ademe qui facilite la création et l’extension de réseaux
de chaleur alimentés entre
autres par des incinérateurs ;
- en développant les réseaux
de chauffage urbain déjà
existants ;
- en favorisant l’implantation de nouveaux incinérateurs reliés à des réseaux de
chauffage urbain ;
- en remettant à plat le tarif
d’achat de l’électricité produite par les incinérateurs,
afin que les exploitants
soient incités à produire de
la chaleur au moment où les
besoins sont les plus importants (hiver);
- en exonérant de TGAP
les incinérateurs qui ont le
meilleur rendement énergétique ; cette exonération
pourrait être compensée par
le renforcement de la TGAP
pour les installations de traitement des déchets résiduels
qui ont les moins bons rendements énergétiques.
Contact :
Marie DESCAT
Secrétaire Générale
28 rue de la Pépinière 75008 Paris
Tel : 01 44 70 63 90
[email protected]
SYNDICAT NATIONAL DU TRAITEMENT
ET DE LA VALORISATION DES DÉCHETS
URBAINS ET ASSIMILÉS