Appelants Marcel-de-Montigny-et-al
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Appelants Marcel-de-Montigny-et-al
Dossier no 32860 COUR SUPRÊME DU CANADA (EN APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR D’APPEL DE LA PROVINCE DE QUÉBEC) ENTRE : MARCEL de MONTIGNY, personnellement et ès qualités d’héritier et de liquidateur de la SUCCESSION DE LILIANE de MONTIGNY et ès qualités d’héritier de la SUCCESSION DE CLAUDIA ET BÉATRICE BROSSARD et SANDRA de MONTIGNY, personnellement et ès qualités d’héritière et de liquidatrice de la SUCCESSION DE LILIANE de MONTIGNY et KAREN de MONTIGNY, personnellement et ès qualités d’héritière et de liquidatrice de la SUCCESSION DE LILIANE de MONTIGNY APPELANTS (appelants) -etSUCCESSION DE FEU MARTIN BROSSARD représentée par M. Roger Brossard, son liquidateur INTIMÉE (intimée) MÉMOIRE DES APPELANTS Me Jean-Félix Racicot 852, rue des Bernaches Mont-St-Hilaire (Québec) J3H 0C4 Me Pierre Landry Noël et Associés 111, rue Champlain Gatineau (Québec) J8X 3R1 450 466-3630 – tél. 450 466-7315 – téléc. [email protected] 819 771-7393 – tél. 819 771-5397 – téléc. [email protected] Procureur des appelants Correspondant des appelants Henri A. Lafortune Inc. 450 442-4080 – tél. 450 442-2040 – téléc. [email protected] 2005, rue Limoges Longueuil (Québec) J4G 1C4 www.halafortune.ca L-3121-08 -2Me Michel Rocheleau Bélanger Sauvé, s.e.n.c.r.l. Bur. 1700, 1, Place Ville-Marie Montréal (Québec) H3B 2C1 Me Guy Régimbald Gowling Lafleur Henderson, s.e.n.c.r.l. Bur. 2600, 160, rue Elgin Ottawa (Ontario) K1P 1C8 514 878-3089 – tél. (poste 265) 514 878-3053 – téléc. [email protected] 613 786-0197 – tél. 613 788-3559 – téléc. [email protected] Procureur de l’intimée Correspondant de l’intimée -iTABLE DES MATIÈRES MÉMOIRE DES APPELANTS PARTIE I – PARTIE II – Page EXPOSÉ CONCIS DES FAITS .........................................1 EXPOSÉ CONCIS DES QUESTIONS EN LITIGE .......................................12 PARTIE III – EXPOSÉ CONCIS DES ARGUMENTS .......................................13 (a) PREMIÈRE QUESTION : Quelle est l'indemnité adéquate pour le « solatium doloris et perte de soutien moral » dans le présent dossier et le juge de première instance et la Cour d'appel ont-ils commis une erreur manifeste et déterminante? ....................................... 13 i - M. Marcel de Montigny ....................................... 14 ii - Mme Karen de Montigny ....................................... 16 iii - Mme Sandra de Montigny ....................................... 16 iv - Les dommages ....................................... 17 (b) DEUXIÈME QUESTION EN LITIGE : Est-ce que le décès de l'auteur d'actes intentionnels, susceptible d'entraîner l'attribution de dommages exemplaires à ses victimes, est une fin de non recevoir à la condamnation de sa succession à des dommages exemplaires? Si non, quel est le montant de tels dommages qui devrait être accordé dans le cas présent? ....................................... 21 i - Dommages exemplaires, supplément ou chef distinct? ....................................... 22 ii - Objectifs des dommages exemplaires ....................................... 25 - ii TABLE DES MATIÈRES MÉMOIRE DES APPELANTS Page PARTIE IV – ORDONNANCE DEMANDÉE AU SUJET DES DÉPENS .......................................34 PARTIE V .......................................35 – ORDONNANCES DEMANDÉES PARTIE VI – TABLE ALPHABÉTIQUE DES SOURCES __________ .......................................37 -1Mémoire des Appelants Exposé concis des faits MÉMOIRE DES APPELANTS PARTIE I – EXPOSÉ CONCIS DES FAITS 1. M. Martin Brossard était le conjoint de Mme Liliane de Montigny et ils vivaient jusqu'à la date de leur séparation, soit en novembre 2001, dans une résidence de Brossard avec leurs deux filles Claudia (4 ans) et Béatrice (moins de 2 ans). 2. Le 15 avril 2002, M. Martin Brossard écrit une lettre de suicide (P-9, dossier des Appelants (ci-après, « D.A. »), vol. 2, p. 160) dans laquelle il annonce le meurtre de Mme Liliane de Montigny et celui de leurs deux filles Béatrice et Claudia. 3. En voici un passage : « Il y a 6 mois liliane m'a enlever tous mes rêves tous ce que j'avait travailler fort. Après avoir compléter notre famille jamais je n'accepterai que 1 ans après notre deuxième fille et notre maison de rêve que je ne compte plus dans tes plans. Toute ma fierté tu as toute pris. Comme ton arrogance et ton indiférence je pense que ce n'était pas la bonne attitude à prendre. Pareille pour la maison on avait toujours dit que si on se séparait on vendrait la maison. la encore tu m'a menti. Pense tu que j'aurait accepter de partager ma place dans cette maison et surtout dans ma chambre, et non, je ne partage pas ma femme et surtout pas mes enfants. Une famille c'est un papa et une maman t'en veut pas parfait Vlà 6 mois tu as fait le choix que tu ne voulait pas que je reviennes maintenant c'est mon tour. J'ai du caractère de boeuf moi aussi. Je vous les tu dit que c'est pas humain de faire ça à quelqu'un. Je n'avait pas le droit de faire ce que j'ai fait mais toi non plus. » 4. Le 22 avril 2002, M. Martin Brossard passe à l'acte. Mme Liliane de Montigny est étranglée et leurs deux filles Béatrice et Claudia sont noyées par M. Martin Brossard qui se suicide ensuite en se pendant. Le rapport des enquêteurs P-12 (D.A., vol. 2, p. 176), conclut ainsi : -2Mémoire des Appelants Exposé concis des faits « Conclusion : À ce jour, l'enquête nous amène à conclure à trois (3) meurtres commis par Martin Brossard suivi de son suicide. Pour l'instant, appuyé par les versions des témoins, la lettre explicative trouvée chez Martin Brossard, la scène de crime et la note trouvée sur le comptoir de cuisine chez madame DeMontigny. De plus, l'autopsie conclut un meurtre par strangulation, deux (2) meurtres par noyade et un suicide par strangulation. » 5. Les rapports du coroner ont ces conclusions : • P-1, D.A., vol. 2, p. 146, relativement à Mme de Montigny : « Mort violente d'une femme de 32 ans, causée par strangulation et asphyxie. Il s'agit d'un homicide. » • P-1, D.A., vol. 2, p. 148, relativement à Claudia Brossard : « Mort violente d'une fillette de 4 ans causée par une noyade. Il s'agit d'un infanticide. » • P-1, D.A., vol. 2, p. 150, relativement à Béatrice Brossard : « Mort violente d'une fillette âgée de 1 an causée par une noyade. Il s'agit d'un infanticide. » 6. La vie des Appelants a été bouleversée par la mort tragique de ces êtres chers. 7. Les grandes lignes des faits pertinents ont été résumées par l'honorable juge Trudel aux paragraphes 4 à 29 du jugement dont appel (D.A., vol. 1, p. 4 et s.). 8. Certains faits méritent néanmoins un traitement particulier. En effet, les Appelants soumettent que l'erreur manifeste et déterminante du juge de première instance dans l'attribution des dommages apparaît à la lecture de la preuve. -3Mémoire des Appelants 9. Exposé concis des faits Le juge de première instance fait, aux paragraphes 98 à 114 de son jugement (D.A., vol. 1, p. 24 à 27), un résumé des dommages causés aux Appelants. Les Appelants attirent l'attention de la Cour aux passages suivants de la preuve: i - Témoignage de Sandra de Montigny : • D.A., vol. 3, p. 101, lignes 8 et s. Liens avec sa soeur • D.A., vol. 3, p. 118, lignes 10 et s. Liens avec les enfants • D.A., vol. 1, p.143, lignes 5 et s. Réaction lors de l'annonce • D.A., vol. 1, p. 146, lignes 1 à 15 Réaction de Karen, annonce « C'est une des pires choses à avoir à dire à quelqu'un. J'ai dit: "Martin s'est suicidé." Puis elle a déjà commencé ... elle a commencé à pleurer puis là, je me disais: si elle pleure à ça, ça va vraiment ... ça va vraiment pas aller bien quand je vais lui dire le restant. » « J'ai dit: "Karen, c'est pas tout. Il a pris Liliane puis il a pris Claudia, il a pris Béatrice avec lui." Puis elle est comme tombée à terre puis elle a commencé à faire une crise puis elle criait. Puis là, je savais pas quoi faire pour la réconforter puis j'essayais de la lever puis je disais: "Karen, il faut s'en aller... il faut s'en aller." » • D.A., vol. 1, p. 148, lignes 20 et s. Réaction de M. Marcel • D.A., vol. 1, p. 150, lignes 10 et s. Impuissance « Donc, c'est pas juste ta peine à toi, c'est ta peine... c'est la peur de regarder les membres de ta famille puis de voir leur souffrance puis de savoir que t'es, premièrement, pas vraiment dans une position de les aider, parce que t'es en train de vivre ton... l'enfer à toi-même toute seule. » • D.A., vol. 1, p. 151, lignes 5 et s. Lendemain • D.A., vol. 1, p. 156, lignes 18 et s. Prise de médication -4Mémoire des Appelants Exposé concis des faits « Q - Suite au drame, madame, comment avez-vous vécu les mois qui ont suivi? R - Je prenais beaucoup de médicaments puis j'avais extrêmement peur de moi-même: je pensais... je pensais que c'était certain qu'il y aurait un soir que je serais pas capable de faire la nuit puis que le matin, que je trouverais une façon de ... de terminer ma vie. Puis peut-être deux (2) semaines après que Liliane est décédée, j'étais allée chercher des médicaments puis je me souviens que je m'étais assurée d'en avoir assez, que si j'en prenais, disons que je me réveillerais plus. » • D.A., vol. 1, p. 157, lignes 5 et s. Idées suicidaires • D.A., vol. 1, p.158, lignes 23 et s. Changement de département « J'ai pas été capable (de) retourner dans le même département où est-ce que j'étais avant, parce que je travaillais beaucoup avec Liliane puis on faisait beaucoup de mandats ensemble. Donc j'ai demandé un transfert pour que je sois sur un autre étage, pour que je sois dans un département différent avec du nouveau monde, du monde qui connaissait pas Liliane, qui la connaissait juste en passant, mais qui avait jamais travaillé avec elle. » • D.A., vol. 1, p. 159, lignes 20 et s. Vertige • D.A., vol. 1, p. 161, lignes 1 et s. Peur transposée sur son enfant « Mais j'ai peur tout le temps que quelque chose va lui arriver. J'ai même... je sais que c'est pas normal, mais moi, je suis convaincue que quelqu'un va me l'enlever. Puis, souvent, je regrette d'avoir eu un enfant parce qu'on dirait que je suis allée me remettre dans la même position que j'étais quand j'aimais Claudia. Sauf que maintenant, c'est encore pire, parce que c'est mon enfant à moi. » • D.A., vol. 1, p. 162, lignes 1 et s. Attaques de panique « Puis je m'étais juré que je reprendrais plus de médicaments parce qu'après que j'étais tombée enceinte, il a fallu que j'arrête de prendre des médicaments puis je m'étais juré que je -5Mémoire des Appelants Exposé concis des faits recommencerais plus. Mais j'ai pas été capable de pas prendre de médicaments. Il a fallu que je prenne des médicaments pour l'anxiété, des médicaments pour dormir. » • D.A., vol. 1, p. 163, lignes 1 et s. Peur, estime de soi « Puis, je me souviens juste d'avoir dit à mon mari: "Un jour, là, notre fille, elle va me voir comme ça puis elle va me voir que je suis - je m'excuse l'expression, mais... - que je suis fuckée puis que, moi, je suis pas comme les autres puis que je suis pas normale. Parce que, moi, j'ai peur tout le temps que quelqu'un va m'enlever mon mari, va m'enlever ma soeur, va m'enlever mon père, va m'enlever ma petite fille. Puis j'ai dit: "On n'aurait pas dû avoir d'enfant." Parce que je le sais dans ma tête que qu'est-ce que je ressens, c'est pas normal, mais je suis pas capable de m'arrêter de le ressentir. » • D.A., vol. 1, p. 165 et 166 Effet sur relation de couple, vie sexuelle ii - Témoignage de Marcel de Montigny : • D.A., vol. 3, p. 42, lignes 1 et 20 et s. Absence de vie « Ma vie a été perturbée, comme je vous dis, c'est... il n'y a pas une heure dans la journée que je n'y pense pas. » (...) « D'accord. Alors, quand je parle de ma vie, moi, j'ai une grande perte de jouissance de la vie, bien en fait, je n'ai plus de jouissance du tout, j'ai tout perdu suite au décès de ma fille puis de mes deux (2) petites-filles. » • D.A., vol. 1, p. 181, lignes 5 et s. Visites et déjeuners avec sa fille • D.A., vol. 1, p.181, lignes 20 et s. Visites et garde des enfants • D.A., vol. 1, p. 182, lignes 12 et s. Visites et garde des enfants -6Mémoire des Appelants Exposé concis des faits • D.A., vol. 1, p. 184, lignes 10 et s. Arrivée sur les lieux • D.A., vol. 1, p. 185, lignes 14 et s. Choc • D.A., vol. 1, p.188, lignes 4 et s. Réaction aux meurtres « Ah bien, là, on a rentré dans l'appartement, là puis les filles pleuraient. Moi, je devais pleurer aussi un peu, peut-être. J'essayais de les consoler. Alors, si je me mettais à pleurer, ça aide pas à consoler personne. Alors, j'essayais d'être le plus fort possible de... le plus fort possible, si on veut. » • D.A., vol. 1, p. 189, lignes 12 et s. Absence d'amélioration • D.A., vol. 1, p. 190 et 191 Absence de vie • D.A., vol. 1, p. 193, lignes 6 et s. Absence de sommeil « Q - Vos problèmes de sommeil, est-ce que vous avez été chercher de l'aide ou de la médication pour ça? R - Oui, oui. Je prends des Imovan; on appelle ça des pilules pour dormir, mais dans les faits, on devrait plutôt appeler ça des pilules pour tomber dans le coma, parce que c'est vraiment pas du sommeil qu'on subit quand on... quand on prend ces pilules-là et qu'ils font effet. » • D.A., vol. 1, p. 204, lignes 10 et s. Absence « Bien, c'est sa présence, encore une fois, je la verrai plus jamais. J'entendrai plus sa voix, ça... c'est fini. C'est pas, là... et c'est tellement difficile. Des fois, ça m'arrive, là... je crois qu'elle est encore vivante. Imaginez-vous... et je crois que les petites sont encore vivantes et elle va m'appeler et puis je vais voir les petites. Je vais les revoir, je sais qu'elle est vivante, je le sais, là. Ça peut durer cinq (5) minutes, dix (10) minutes et puis là, bien, on dirait que dans mon cerveau, bien là, ça change, là. Je réalise, là, que c'est... c'est vrai qu'elles sont mortes et puis j'ai pas... c'est ça. » -7Mémoire des Appelants • Exposé concis des faits D.A., vol. 1, p. 206, lignes 10 et s. Culpabilité « Beaucoup de... je ressens de la culpabilité, aussi, parce que j'aurais pu, si j'avais été plus vigilant, peut-être que j'aurais vu... peut-être que j'aurais vu que quelque chose marchait pas. Il aurait fallu... j'aurais pu poser des questions. » • D.A., vol. 1, p. 210, lignes 17 et s. Absence de sommeil, effets santé « Parce que ma santé... ma santé physique s'en ressent beaucoup. J'ai... j'ai eu des problèmes de prostate cette année, en deux mille cinq (2005), j'ai eu un problème de coeur. En deux mille quatre (2004), j'ai... j'avais perdu l'ouïe, j'entendais moins bien. A fallu que je... j'ai subi un examen et puis de l'oreille droite, j'avais perdu cinquante-trois pour cent (53%) de la capacité et de l'oreille gauche, soixante (60)… Q - Donc, vous, vous dites que vos autres problèmes de santé sont reliés à ce drame-là? R - Bien, sont reliés au fait que je dors très très peu. Parce que si au moins... si je dormais, disons, six (6) heures, bien ça me ferait moins de temps à... à penser à ce qui est arrivé et puis ça me reposerait. On a... le corps humain a besoin de sommeil et puis je sais très bien que, présentement, j'ai un gros problème puis va falloir que je le règle. Comment? Je le sais pas encore. » iii • Témoignage de Jacques-Yves Gadbois : D.A., vol. 2, p. 44-45 Réaction suite aux meurtres Effets sur les Appelants « Q - Quand vous avez vu monsieur Marcel de Montigny, le père, un fois que vous avez ramené Karen et Sandra, la première fois que vous avez vu monsieur Marcel de Montigny, comment était-il à ce moment-là? R - Je dirais que monsieur de Montigny, son corps était là, mais c'est tout. Il avait rien à l'intérieur. Il était blanc, il avait presque pas d'émotions et je pense qu'il était tellement étourdi par tous les événements... Je pense qu'une des -8Mémoire des Appelants Exposé concis des faits choses les plus importantes pour monsieur de Montigny, c'est qu'il était très déçu qu'il a pas été capable de protéger Liliane. Alors, je pense que... il pense qu'il a échoué dans son rôle comme père puis il était... il avait rien. Q - Donc, il était comme vide? R - Vide. » • D.A., vol. 2, p.48, lignes 15 et s. Prise de médication de Sandra Effets sur relation de couple « Mais Sandra a commené à prendre des médicaments pour essayer de dormir, pour reprendre ses forces. Elle dormait pas beaucoup. Je sais que Karen puis Marcel dormaient pas beaucoup aussi et qu'à ce jour, monsieur de Montigny, il dort quelques heures par soir. C'était des temps très difficiles. C'était trois (3) personnes qui avaient plus de force, presque pas de force à vivre. C'était difficile sur la relation, parce que Sandra était vraiment par terre dans ses émotions elle était pas capable de gérer ses émotions puis de faire une journée sans... sans pleurer. Elle était toujours fatiguée. C'était un... c'était un temps très difficile pour nous. Puis ça a pris plusieurs mois avant qu'on a commencé à voir un peu la lumière à la fin du tunnel. » • D.A., vol. 2, p. 50-51, lignes 5 et s. Effets sur le couple « Son coeur était pas dans la relation, son coeur était pas dans la vie. C'était ... c'était très difficile pour nous. À ce jour, on continue à avoir des problèmes reliés au fait que, moi, de mon côté, je trouve qu'elle fait des généralisations sur les hommes directement reliées à ce qui est arrivé avec... avec Martin Brossard et ses... sa soeur puis Claudia et Béatrice. » iv - Témoignage de Karen de Montigny : • D.A., vol. 3, p. 171, lignes 10 et s. Liens avec sa soeur, amie • D.A., vol. 3, p. 182, lignes 1 à 5 • D.A., vol. 3, p. 188, lignes 17 et s. Rapprochement familial, décès mère Gardiennage des enfants -9Mémoire des Appelants Exposé concis des faits « Q - Et suite au, suite au décès de votre mère, est-ce qu'il y a eu une modification dans les relations avec votre père? R - J'avais plus besoin de support et lui, il avait plus besoin de support, donc les quatre (4) dans la famille, on s'est... ça nous a rapprochés. On était les seuls qui pouvaient comprendre ce qu'on vivait, donc ç’a créé un rapprochement entre les quatre (4). » • D.A., vol. 3, p. 191 Cauchemars, médication « Q - Est-ce que vous pourriez nous décrire ce que vous entendez par les graves préjudices moraux que vous avez ressentis? R - C'est difficile à décrire. Il faudrait que vous le viviez pour que je puisse vous le faire comprendre. C'est très difficile, puis pas vraiment facile de l'expliquer. Q - Je ne veux pas vous limiter dans votre réponse. R - Si je peux vous le dire le plus clairement, c'est comme un cauchemar qui ne finit pas. Q - Est-ce que vous avez des médicaments? Vous avez pris des médicaments par la suite... R - Oui. Q - Est-ce que vous en avez encore? R - Je ne les prends plus, j'essaie de ne pas les prendre, c'est très difficile de les prendre. Q - Quelle sorte de médicament est-ce que c'est? R - C'est les mêmes médicaments que j'ai pris après que ma mère est décédée, il m'en restait, donc j'ai continué de les prendre au besoin, mais je perds la mémoire et je suis désorientée quand je les prends, donc j'essaie de ... » • D.A., vol. 2, p. 112, lignes 15 et s. Réaction lors de l'annonce « Tout arrête. Mes jambes ont lâché. Je suis tombée. - 10 Mémoire des Appelants Exposé concis des faits Apparemment que je criais, mais je m'en souviens pas. Je me souviens juste que, tout à coup, j'ai frappé le plancher, puis c'était tellement dur. Je ne comprenais plus l'espace autour de moi. Le plafond tournait, tout tournait. Je n'étais vraiment plus consciente de ce qui se passait. J'étais dans une bulle. » • D.A., vol. 2, p. 116, lignes 10 et s. Lendemain « Je pense, quand on se réveille après une journée de même, les premiers moments qu'on se réveille, on ne s'en souvient plus, on pense que c'était un mauvais rêve. Puis à un moment donné, la réalité nous refrappe puis c'est... On a comme un sentiment même avant de réaliser qu'il y a quelque chose qui est pas correct dans le monde. Puis, pour un instant, on ne s'en souvient plus. Puis, là, ça frappe puis ça revient tout en même temps. Puis je pense que c'est pire. » • D.A., vol. 2, p. 122, lignes 10 et s. Effets sur Mme Karen, sommeil, rêves « Alors, surtout au début, c'était des cauchemars, je dirais, fréquence de quatre (4) ou cinq (5) nuits par semaine. ... » • D.A., vol. 2, p. 124, lignes 1 et s. « C'était la réalité le cauchemar » • D.A., vol. 2, p. 126 et 127 Explications de Karen, demeure dans la maison • D.A., vol. 2, p. 134, lignes 10 et s. Crampes « C'est ça. C'est des calmants. C'est parce que j'avais des crampes, selon le docteur, ça me faisait des crampes, mes intestins se contractaient puis ça relâche pas tout seul. Ça fait que c'était vraiment... c'est vraiment douloureux, c'est plus capable de marcher, plus capable de se lever. Je les prenais quand je n'étais plus capable de fonctionner. » 10. Les Appelants soumettent qu'à la lecture des interrogatoires et témoignages, le résumé fait par le juge de première instance minimise l'impact causé aux Appelants par ces graves événements et constitue une erreur manifeste et déterminante. - 11 Mémoire des Appelants 11. Exposé concis des faits Que les Appelants ont présenté une requête en dommages contre la succession du tueur pour obtenir compensation (déclaration ré-ré-amendée, D.A., vol .1, p. 55). 12. Que jugement a été rendu par le juge de première instance, l'honorable juge Clément Trudel, j.c.s., le 24 mars 2006 (D.A., vol. 1, p. 3 et s.). 13. Que les Appelants ont porté ce jugement en appel, et la Cour d'appel a accueilli en partie l'appel afin de faire droit à la demande visant le remboursement des frais funéraires (D.A., vol. 1, p. 29). 14. Il est à noter que les faits ne sont pas contestés dans la présente affaire. ---------- - 12 Mémoire des Appelants Exposé concis des questions en litige PARTIE II – EXPOSÉ CONCIS DES QUESTIONS EN LITIGE 15. Le présent appel soulève les questions suivantes qui feront l'objet de l'argumentation des Appelants : (a) PREMIÈRE QUESTION : Quelle est l'indemnité adéquate pour le « solatium doloris et perte de soutien moral » dans le présent dossier et le juge de première instance et la Cour d'appel ont-ils commis une erreur manifeste et déterminante? (b) DEUXIÈME QUESTION EN LITIGE : Est-ce que le décès de l'auteur d'actes intentionnels, susceptible d'entraîner l'attribution de dommages exemplaires à ses victimes, est une fin de non recevoir à la condamnation de sa succession à des dommages exemplaires? Si non, quel est le montant de tels dommages qui devrait être accordé dans le cas présent? ---------- - 13 Mémoire des Appelants Exposé concis des arguments PARTIE III – EXPOSÉ CONCIS DES ARGUMENTS (a) PREMIÈRE QUESTION: Quelle est l'indemnité adéquate pour le « solatium doloris et perte de soutien moral » dans le présent dossier et le juge de première instance et la Cour d'appel ont-ils commis une erreur manifeste et déterminante? 16. Premièrement, les indemnités accordées par le juge de première instance sont les suivantes (vol. 1, p. 27) : 17. Liliane Claudia Béatrice Marcel de Montigny 30 000 6 000 6 000 Sandra de Montigny 10 000 2 000 2 000 Karen de Montigny 10 000 2 000 2 000 Le juge ne s'attarde pas à la faute, ni au lien causal dans son analyse, ces faits n'étant pas contestés, il ne reste qu'à établir le dommage. 18. Les citations des auteurs Baudouin et Deslauriers retenues par le juge de première instance (D.A., vol. 1, p. 23 et 24), sont pertinentes et établissent bien l'état du droit relativement au « solatium doloris et perte de soutien moral ». Certains critères établis par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Gosset sont pertinents dans la présente affaire : a) Circonstances du décès; b) l'âge de la victime et du parent; c) la nature et la qualité de leur relation; d) la personnalité du parent et sa capacité à gérer les conséquences émotives du décès. - 14 Mémoire des Appelants 19. Exposé concis des arguments Nous soumettons qu'il faut analyser ces critères en fonction non pas d'une norme objective mais d'une norme qui est subjective à chaque victime. En effet, pour certaines personnes, un lien étroit nécessite une présence quasi constante alors que, pour d'autres, peut-être plus réservées ou introverties, elles peuvent être encore plus comblées par une relation moins démonstrative. C'est le dommage causé à chaque victime qu'il faut réparer de façon intégrale. i 20. - M. Marcel de Montigny : La preuve est éloquente quant aux effets causés à M. Marcel de Montigny. Le passage le plus frappant se retrouve aux pages 189 et 190 du volume 1 : « Q - Après évidemment les événements, comment vous avez vécu ça? R - Très difficilement. C'est encore difficile puis le problème que j'ai, c'est que ça s'améliore pas, ça se détériore. J'avais... en fait, je savais pas si ça... ce qui se passait... si ça se détériorait ou non, mais c'est pire que c'était, disons, la première année puis la deuxième année, c'était pire puis cette année, c'est encore pire que c'était à ce moment-là. Il n'y a pas... je pense, je pense à ça quasiment vingt-quatre (24) heures par jour, j'arrête pas. Et puis quand je me couche, si je me réveille, je dors plus de la nuit. Donc présentement, là, je dors environ une heure et demie (1 1/2) par nuit depuis peut-être un an, un an et demi (1 1/2). C'est extrêmement difficile. Q - Et votre vie aujourd'hui, c'est quoi? R - Ah, ma vie, en fait, j'en ai plus de vie. C'est pas... c'est pas une vie, ça, c'est ... quand on n'est pas capable de chasser de son esprit quelque chose comme ça, c'est... c'est invivable. C'est invivable. La nuit, si je dors une heure et demie (1 1/2), comme exemple, je peux être quoi, six (6) heures, six heures et demie (6 1/2) seulement qu'à penser... à penser à ça tout le temps puis à essayer de pas y penser, mais même si j'essaie de pas y penser, c'est ... j'y pense pareil. - 15 Mémoire des Appelants Exposé concis des arguments Ça revient tout le temps. Ça revient tout le temps et puis je revois les événements, je les imagine : qu'est-ce qui a pu se passer. Je les vois en train de se faire assassiner (...). » 21. Mme Sandra de Montigny témoigne ainsi de la réaction de son père à l'annonce des décès (D.A., vol. 1, p. 148) : « Q - Et quand vous dites, vous avez vu votre père, il était comment, votre père, quand vous l'avez vu pour la première fois après le drame? R - Je me souviens que je l'ai vu, c'était comme si toute la vie était partie dans ses yeux, il restait plus rien. » 22. À la lecture de la preuve, les souffrances morales de M. de Montigny affectent aussi sa qualité de vie en troublant énormément son sommeil qui est perturbé par des sentiments de culpabilité et de chagrin intense (D.A., vol. 1, p. 206, lignes 10 et s., & D.A., vol. 1, p. 189, lignes 12 et s.; absence de sommeil : D.A., vol. 1, p. 193, lignes 6 et s., & D.A., vol. 1, p. 210, lignes 17 et s.). Ces souffrances se situent à l'extrémité du spectre. La vie de M. Marcel de Montigny a basculé ce jour-là. 23. M. Gadbois, le gendre de M. Marcel de Montigny, explique ceci quant à la capacité de M. de Montigny de gérer cette situation : « C'est pas un monsieur qui - je pense - est capable de gérer bien ses émotions. » (D.A., vol. 2, p. 46, ligne 9) 24. Ceci dit, M. Marcel de Montigny a témoigné de ses relations avec sa fille qui allaient beaucoup mieux la voyant régulièrement, allant notamment déjeuner seul avec elle aux 2 semaines (D.A., vol. 1, p. 181, lignes 5 et s.). Il a expliqué les bonheurs simples qu'il vivait avec ses petites filles (D.A., vol. 1, p. 181 et 182) et qui lui apportaient beaucoup de joie. L'intimée doit prendre la victime (l'appelant) dans l'état qu'il est. - 16 Mémoire des Appelants Exposé concis des arguments ii - Mme Karen de Montigny : 25. La preuve a démontré que Mme Karen de Montigny est tombée littéralement à terre lors de l'annonce du drame (D.A., vol. 2, p. 112, ligne 9). Elle témoigne des rêves qu'elle faisait qui perturbaient son sommeil (D.A., vol. 2, p. 124) : « Mais c'est quand je me réveillais que c'était pénible. C'était la réalité qui était pénible. Puis mon copain me disait souvent: "Aie pas peur, c'était juste un mauvais rêve. It's only a dream." Mais c'était pas ça le problème. Le rêve, il était beau. C'est la réalité que j'étais pas capable. C'était la réalité qui était le cauchemar. C'était de se réveiller qui était pénible. » 26. En plus des souffrances psychologiques, elle avait aussi des crampes (D.A., vol. 2, p. 134). Mme Karen de Montigny était très proche de sa soeur (D.A., vol. 3, p. 171), la qualifiant de sa meilleure amie. Naturellement, elle aimait ses nièces, qu'elle gardait régulièrement (aux 2 semaines) (D.A.,vol. 3, p. 183, lignes 1 à 5). Elle était la marraine de Béatrice et avait un attachement particulier à son égard (D.A., vol. 3, p. 190, ligne 21). iii - Mme Sandra de Montigny : 27. Mme Sandra de Montigny a appris les meurtres sur son lieu de travail par la directrice des ressources humaines (D.A., vol. 1, p. 142, ligne 16). C'est elle qui a dû l'annoncer à sa soeur Karen (D.A., vol. 1, p.145 in fine et 146). Elle a dû prendre de la médication qui avait des effets négatifs sur sa santé, elle a même pensé au suicide (D.A., vol. 1, p. 156 et 157, ligne 19). Elle a changé de département au travail car elle ne pouvait supporter le regard de gens qu'elle connaissait (D.A., vol. 1, p. 159). Elle a eu des crises de vertige (D.A., vol. 1, p. 159 in fine), des attaques de panique (D.A., vol. 1, p. 162). Elle transpose sa peur sur son enfant (D.A., vol. 1, p. 161). Elle décrit aussi, aux pages 166 et 167 du vol. 1, les effets de ces événements sur sa relation de couple. En voici un extrait : - 17 Mémoire des Appelants Exposé concis des arguments « Donc, ma façon de ... d'avoir une voix à travers tout ça, à travers qu'est-ce qui est passé, c'est que je parle toujours des injustices envers les femmes puis je pense que comme... pour un mari, ça devient un fardeau très pesant à vivre toujours avec ça et, évidemment, ça a affecté notre vie sexuelle, ça affecte toutes les choses que j'aurais jamais pensé... quand elle est décédée, si tu m'avais demandé toutes les choses que ça aurait pu affecter, ça, j'aurais pas pensé que ça aurait affecté ma relation énormément. Mais je dirais, après trois (3) ans, je vis encore des séquelles de ça. » 28. Le juge de première instance a résumé les relations existant entre les soeurs et les petites filles, notamment aux paragraphes 109 et 110 de son jugement (D.A., vol. 1, p. 26). Qu'il suffise de dire qu'elles étaient très proches et que Lilianne avait pris un peu le rôle de leur mère au décès de cette dernière. iv - Les dommages : 29. Les Appelants soumettent respectueusement qu'à la lumière des constatations antérieures, les exemples suivants d'indemnités pour dommages moraux établissent que le jugement de première instance et celui de la Cour d'appel contiennent une erreur manifeste dans l'attribution des indemnités aux Appelants : a) Augustus c. Gosset, [1996] 3 R.C.S. 268 (Recueil de sources des Appelants (ci-après, « R.S.A. »), vol. 1, onglet 1); Homme 19 ans, démêlés avec la justice, sans diplôme, liens non constants avec sa mère (voir Opinion du juge Fish, note 27, Gosset c. Augustus, [1995] ILJCAN 5101, R.S.A., vol. 1, onglet 10) : Mère: 25 000 $ Note: Il ne s'agit pas d'un plafond d'indemnité fixé par la Cour suprême, mais d'une application à des faits particuliers (voir Baudouin, Jean-Louis, - 18 Mémoire des Appelants Exposé concis des arguments et Patrice Deslauriers, La responsabilité civile, 6e éd., 2003, Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 375, rubrique 485, R.S.A., vol. 2, onglet 20). b) Ruest c. Boily, [2002] ILJCan 12748 (QC C.S.) (R.S.A., vol. 2, onglet 14); Mort d'un enfant de 10 ans suite à un accident de ski : Mère : 70 000 $ Père : 75 000 $ Soeur de 6 ans : 12 500 $ c) Stéfanik c. Hôpital Hôtel-Dieu de Lévis, [1997] ILJCAN 8479 (QC C.S.) (R.S.A., vol. 2, onglet 15); Perte d'un enfant de 7 ans, erreur médicale : Mère : 60 000 $ Père : 60 000 $ d) Tremblay c. Kyzen, [2006] ILJCAN 3275 (QC C.S.) (R.S.A., vol. 2, onglet 17); Mort d'un homme de 29 ans (accident de travail) : Épouse : 80 000 $ Enfant : 50 000 $ Parents : 30 000 $ e) Larose c. Hurtubise, [2005] ILJCAN 30281 (QC C.S.) (R.S.A., vol. 1, onglet 12); Homme de 35 ans, accident, immeuble s'écrase : Épouse : 80 000 $ Fille : 40 000 $ Fille : 50 000 $ - 19 Mémoire des Appelants Exposé concis des arguments f) Beaudin c. Québec (P.G.), [2005] ILJCAN 20474 (QC C.S.) (R.S.A., vol. 1, onglet 3); Homme, décès en prison : Mère : 35 000 $ Père : 20 000 $ Sœur : 15 000 $ Frère : 5 000 $ g) Tessier c. Paquette, [2005] ILJCAN 24164 (QC C.Q.) (R.S.A., vol. 2, onglet 16); Mort d'un homme (vie écourtée de 6 mois) : Enfants : 2 000 $ h) Lacombe c. Hôpital Maisonneuve-Rosemont, [2004] ILJCAN 12790 (QC C.S.) (R.S.A., vol. 1, onglet 11); Femme 66 ans, erreur médicale : Frère : 9 000 $ i) Chalifoux c. Major, 2006 QCCQ 6906 (R.S.A., vol. 1, onglet 4); Mort d'un berger allemand empoisonné par un voisin à l'antigel : 30. Perte de jouissance du chien pour son maître : 1 000 $ Dommages pour choc émotif : 1 000 $ Total dommages moraux : 2 000 $ Nous soumettons respectueusement que les jugements dont appel contiennent une erreur manifeste lorsqu'ils attribuent comme compensation à M. Marcel de Montigny la somme de 30 000 $ pour la perte de sa fille, et les montants de 6 000 $ pour chacune de ses petites-filles. De même les Appelants soumettent que le juge de - 20 Mémoire des Appelants Exposé concis des arguments première instance a commis une erreur manifeste et déterminante lorsqu'il attribue des montants de 10 000 $ aux Appelants pour la perte de leur soeur et de 2 000 $ pour la perte de chacune de leurs nièces (et filleule selon le cas). 31. Considérant la qualité de la relation et surtout l'attachement des Appelants à l'égard des défuntes, les circonstances macabres des décès et l'effet de ces morts sur la vie des Appelants : ces montants qui se rapprochent, pour les petites-filles, à des montants accordés pour la perte d'un chien, ne constituent pas une réparation intégrale ou acceptable du préjudice subi. 32. Le montant accordé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Augustus c. Gosset en 1990 (précité), semble encore après 18 ans, être considéré comme un plafond d'indemnité. En dollars actualisés, ce montant, qui ne devrait pas être un plafond, serait aujourd'hui beaucoup plus élevé. 33. Il est difficile de concevoir des circonstances plus tragiques pour découvrir la mort d'êtres chers, et une preuve importante a été faite des conséquences des décès sur la vie des Appelants. De plus, la qualité des relations dans l'arrêt Augustus c. Gosset n'a rien à voir avec le présent dossier. Même si la mort d'un animal de compagnie peut causer des souffrances à son maître, il est difficile d'accepter que la mesure de cette souffrance puisse se comparer à la perte d'une filleule morte assassinée par son père. 34. Les Appelants soumettent respectueusement qu'il n'est pas suffisant d'affirmer, comme le fait la Cour d'appel, que dans le cas de petits-enfants ou de neveux/nièces, s'il existe peu de précédents pour arriver à la conclusion que des montants de 6 000 $ à 2 000 $ sont une compensation adéquate du dommage subi. Il est choquant d'imaginer que la perte pour un grand-père d'un petit-enfant, des suites d'un meurtre par noyade en même temps que sa soeur et leur mère étranglée puisse être compensée adéquatement par une indemnité de 6 000 $. - 21 Mémoire des Appelants 35. Exposé concis des arguments Malgré la retenue dont doivent faire preuve les tribunaux d'appel, les Appelants soumettent que les dommages moraux sont à ce point distants d'une réparation intégrale des dommages subis qu'ils constituent une erreur manifeste et dominante. 36. Les comparaisons en matière de dommages moraux sont difficiles à faire. Néanmoins, les montants accordés en matière de diffamation, notamment dans l'arrêt Fillion c. Chiasson, [2007] 4 R.J.Q. 867 (R.S.A., vol. 1, onglet 9), où des dommages moraux de 100 000 $ sont confirmés, peuvent donner une idée des niveaux d'indemnisation de pareils dommages. Il ne faut pas banaliser la souffrance liée à la mort. Chaque cas mérite une analyse particulière et, malheureusement, les Appelants soumettent que l'indemnité accordée dans l'arrêt Augustus c. Gosset est appliquée comme étant un plafond d'indemnisation et que les montants accordés par les tribunaux sont inégaux (Gardner, Daniel, « L'arrêt Gosset, dix ans après », dans Le préjudice corporel, Barreau du Québec, 2006, Cowansville, Éditions Yvon Blais, R.S.A., vol. 2, onglet 21). (b) DEUXIÈME QUESTION EN LITIGE: Est-ce que le décès de l'auteur d'actes intentionnels, susceptible d'entraîner l'attribution de dommages exemplaires à ses victimes, est une fin de non recevoir à la condamnation de sa succession à des dommages exemplaires? Si non, quel est le montant de tels dommages qui devrait être accordé dans le cas présent? 37. Le juge de première instance exclut les dommages exemplaires pour deux raisons. Premièrement, il affirme que les dommages exemplaires doivent être accordés seulement si un autre chef de dommage existe. Ce serait donc une indemnité donnée en supplément et puisque selon lui le dommage pour perte d'expectative de vie n'est pas entré dans le patrimoine des défuntes, compte tenu de la courte durée de leur survie, il n'y a pas lieu d'octroyer des dommages exemplaires (jugement, D.A., vol. 1, p. 21, par. 82). De plus, il ajoute aussi une deuxième raison, le fait que l'auteur du crime soit mort, donc qu'il n'y ait plus aucun aspect dissuasif (D.A., vol. 1, p. 21, par 82 in fine). - 22 Mémoire des Appelants i 38. - Exposé concis des arguments Dommages exemplaires, supplément ou chef distinct? L'article 49, al. 2 de la Charte dit ceci : « En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal pourra en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs. » Il ne fait aucun doute que le droit des défuntes garanti à l'article 1 de la Charte a été bafoué par leurs meurtres. 39. Le mot « outre » a plusieurs définitions, dont : « Aussi, également, d'autre part » (Dictionnaire Petit Larousse) 40. Cette honorable Cour, dans l'arrêt Béliveau St-Jacques c. Fédération des employées et employés, [1996] 2 R.C.S. 345 (R.S.A., vol. 1, onglet 2), a traité de la question de l'octroi de dommages exemplaires dans le cadre de l'application de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles. 41. L'honorable juge Gonthier s'exprime ainsi au nom de la majorité : « Malgré ces diverses particularités, le recours en dommages exemplaires fondé sur l'art. 49, al. 2 de la Charte ne peut se dissocier des principes de la responsabilité civile. Un tel recours ne pourra en effet qu'être l'accessoire d'un recours principal visant à obtenir compensation du préjudice moral ou matériel. L'article 49, al. 2 précise bien qu'en cas d'atteinte illicite et intentionnelle à un droit protégé, "le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages exemplaires" (je souligne). Cette formulation démontre clairement que, même si l'on admettait que l'attribution de dommages exemplaires ne dépend pas de l'attribution préalable de dommages compensatoires, le tribunal devra à tout le moins avoir conclu à la présence d'une atteinte illicite à un droit garanti. Il y aura donc identification d'un comportement fautif responsable. C'est la combinaison de l'illicéité et de l'intentionnalité qui sous-tend la décision d'accorder des dommages exemplaires. Le lien nécessaire avec le comportement - 23 Mémoire des Appelants Exposé concis des arguments fautif constitutif de responsabilité civile permet d'associer aux principes de la responsabilité civile le recours en dommages exemplaires. » 42. Il existe une controverse jurisprudentielle et doctrinale quant à l'arrêt Béliveau St- Jacques précité et au caractère autonome des dommages exemplaires. Dans un article intitulé « L'évolution des dommages exemplaires depuis les décisions de la Cour suprême en 1996 : dix ans de cheminement », dans Développements récents en droit administratif et constitutionnel, Barreau du Québec, 2006, Cowansville, Éditions Yvon Blais (R.S.A., vol. 2, onglet 20) Claude Dallaire fait une revue de la jurisprudence traitant du caractère autonome ou non des dommages exemplaires. Il en arrive à la conclusion que l'arrêt Béliveau St-Jacques doit être lu et interprété à la lumière des arrêts Syndicat national des employés de l'Hôpital St-Ferdinand c. Curateur public, [1996] 3 R.C.S. 211 (R.S.A., vol. 1, onglet 2) et Augustus c. Gosset deux autres arrêts rendus la même année par la Cour suprême du Canada et qui traitent de dommages exemplaires et, fait non négligeable, jugements auxquels a participé l'honorable juge Gonthier. 43. Les Appelants soumettent respectueusement que les dommages exemplaires pour la violation d'un droit garanti par la Charte ne sont pas tributaires de l'existence d'un autre chef de dommage. Ces chefs de dommages existent en parallèle, s'il existe la violation d'un droit garanti par la Charte et une atteinte intentionnelle. Dans l'arrêt Augustus c. Gosset la Cour rejette la réclamation de la mère du défunt pour des dommages exemplaires car l'intention du policier n'avait pas été prouvée. Ici, l'intention de tuer apparaissant à la lettre de suicide ne fait aucun doute. 44. Dans Augustus c. Gosset, la Cour applique aux dommages exemplaires la règle de l'arrêt Driver c. Coca-Cola Ltd., [1961] RCS 201 (R.S.A., vol. 1, onglet 8) en ces termes : - 24 Mémoire des Appelants Exposé concis des arguments « Ainsi, pour les considérations de politique judiciaire déjà exposées, la réclamation de l'appelante pour atteinte à la vie de son fils ne saurait faire l'objet d'indemnisation, tant en vertu de l'art. 1053 C.c.B.C., que des art. 1 et 49 de la Charte. » 45. La Cour justifie cette application de la décision Driver précitée par le fait que : « ... la Charte, pas plus que le droit commun, n'est en mesure de protéger le droit à une vie qui s'est éteinte. » 46. Les Appelants soumettent que les objectifs visés par les dommages exemplaires ne se limitent pas à punir ou à réprimer une situation existante, mais à dissuader et dénoncer des gestes posés en décourageant notamment l'auteur ou toute autre personne à poser les mêmes gestes. 47. Si la victime ne peut poursuivre pour l'abrègement de sa propre vie selon l'arrêt Driver, compte tenu de la nature même des dommages exemplaires qui ne visent pas seulement à dédommager la victime mais le mal fait à la communauté, il y aurait lieu de revoir la décision Augustus c. Gosset qui écarte pour la succession de la victime le droit à des dommages exemplaires. 48. La société ne perd pas son intérêt à protéger ses valeurs fondamentales en dénonçant les meurtres de victimes innocentes parce que la victime est morte. Les Appelants ne voient pas quel est l'intérêt d'une politique judiciaire qui écarterait la possibilité pour la société d'appliquer des dispositions aussi fondamentales que les article 1 et 49 de la Charte des droits et libertés de la personne dans le cas de crimes contre des enfants et une femme simplement parce que l'auteur du crime a pris soin de tuer ses victimes. 49. Les Appelants ayant par ailleurs amendé devant la Cour d'appel leur procédure introductive afin de réclamer aussi personnellement des dommages exemplaires, et ce, conformément au jugement Augustus c. Gosset (voir procès-verbal, D.A., vol. 1, p. 63) - 25 Mémoire des Appelants Exposé concis des arguments rendant à leur égard cette question théorique car ils ont d'autres dommages. La question demeure néanmoins pertinente relativement aux successions. ii - Objectifs des dommages exemplaires : 50. Les Appelants soumettent respectueusement que le juge de première instance a erré en droit lorsqu'il a écarté l'octroi de dommages exemplaires compte tenu du décès de l'auteur, donc de l'absence d'effet dissuasif (D.A., vol. 1, p. 21, par. 82). 51. Dans l'arrêt Whiten c. Pilot Insurance Co., [2002] 3 R.C.S. 268 (R.S.A., vol. 2, onglet 18) (opinion du juge Binnie au paragraphe 94), la Cour suprême du Canada énumère notamment les objectifs suivants des dommages exemplaires : « (6) L'objectif de ces dommages-intérêts n'est pas d'indemniser le demandeur, mais (7) de punir le défendeur comme il le mérite (châtiment), de le décourager -- lui et autrui -- d'agir ainsi dans l'avenir (dissuasion) et d'exprimer la condamnation de l'ensemble de la collectivité à l'égard des événements (dénonciation). » 52. Dans un article intitulé « L'évolution des dommages exemplaires depuis les décisions de la Cour suprême en 1996: dix ans de cheminement », dans Développements récents en droit administratif et constitutionnel, Barreau du Québec, 2006, Cowansville, Éditions Yvon Blais, Claude Dallaire précise que le but des dommages exemplaires vise aussi à : « ...décourager le contrevenant de bafouer les droits de la victime, ainsi que ceux de quiconque, les dommages exemplaires ont également pour but de donner une leçon aux autres citoyens désirant agir selon des plans similaires. Du même souffle, les tribunaux s'assurent que les citoyens respecteront mieux les lois et que les valeurs que la société a choisi de protéger seront mieux sauvegardées. » - 26 Mémoire des Appelants 53. Exposé concis des arguments Nous soumettons que le juge de première instance s'est arrêté aux objectifs de châtiment et de dissuasion à l'égard de l'auteur, sans traiter de la dissuasion d'autrui et de la dénonciation des actes. 54. Les Appelants soumettent que le Canada se veut un chef de file dans la protection des droits fondamentaux des femmes et des filles. Que le Canada a voté, dans le cadre de la Commission des droits de l'homme de l'ONU, pour l'adoption de la Déclaration sur l'élimination de la violence contre les femmes, Rés. AG 48/104, Doc. Off. AG NU, 48e session, supp. no 49, Doc. NU/A/RES/48/104 (1993) (R.S.A., vol. 2, onglet 23). Que cette déclaration mentionne notamment ceci : « 6. Condamne vigoureusement les violences physiques, sexuelles et psychologiques infligées au sein de la famille, qui englobent, sans que la liste de ces actes soit exhaustive, l'administration de coups, les violences sexuelles contre les femmes et filles du ménage, la violence liée à la dot, le viol conjugal, l'infanticide féminin, (...), les crimes à l'encontre des femmes commis au nom de l'honneur, les crimes passionnels, (...) 7. Souligne que la violence contre les femmes dans la famille s'inscrit dans le contexte d'une discrimination de jure et de facto à l'égard des femmes et de la condition d'infériorité réservée à la femme dans la société, et qu'elle est exacerbée par les obstacles auxquels bien souvent se heurtent les femmes qui essayent d'obtenir réparation de l'État; 14. Souligne que les États ont l'obligation concrète de promouvoir et de protéger les droits fondamentaux des femmes et d'agir avec la diligence voulue en matière de prévention, d'enquête et de répression visant toutes les formes de violence contre les femmes, et demande aux États: 14. c) De condamner la violence contre les femmes et de ne pas invoquer la coutume, la tradition ou des pratiques liées à la religion ou à la culture pour se soustraire à leur obligation d'éliminer la violence; - 27 Mémoire des Appelants 14. 55. d) Exposé concis des arguments D'amplifier les efforts tendant à élaborer ou appliquer des mesures législatives, éducatives, sociales et autres destinées à prévenir la violence contre les femmes, notamment l'adoption et l'application de lois, la diffusion d'informations, la collaboration active avec les acteurs communautaires et la formation du personnel juridique, judiciaire et sanitaire, et, si possible, la mise en place ou le renforcement de services de soutien. » Que cette déclaration représente l'importance que plusieurs pays, dont le Canada, accordent à l'élimination de la violence faite aux femmes, et les lois doivent être interprétées de façon à respecter ces intentions manifestées clairement par le Canada. 56. Qu'à l'article 19 de la Convention internationale des droits des enfants, les pays signataires, y compris le Canada, s'entendent pour écrire : « Les États parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toutes formes de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou de ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié. » 57. Lorsqu'il est question de mesures législatives et éducatives, les Appelants soumettent que la Charte des droits et les dommages exemplaires sont de telles mesures qui permettent de tenter de protéger les enfants en dénonçant ce qui est aussi une forme d'éducation. 58. Que, dans le cas présent, M. Martin Brossard a commis 3 meurtres, sur 1 femme et deux fillettes, parce qu'il n'acceptait pas de ne plus les posséder, de ne plus les contrôler. Il s'agit d'un crime passionnel à l'égard de sa conjointe. Quant à ses filles, il - 28 Mémoire des Appelants Exposé concis des arguments est difficile de qualifier ces infanticides, il répugne à l'esprit humain d'imaginer de tels actes de lâcheté et de barbarie. 59. Dans la décision Chalifoux c. Major (précitée), une somme de 2 000 $ a été accordée au propriétaire d'un chien qui a été empoisonné par un voisin. Le juge Pierre E. Audet qualifie ainsi l'objectif des dommages : « [64] À titre de dommages-intérêts punitifs, pour punir le geste répréhensible et décourager ceux qui seraient tentés de poser un geste similaire, la somme de 2 000 $ est octroyée. » 60. Le juge Audet a bien saisi les différentes fonctions des dommages exemplaires et recherche non seulement le châtiment mais aussi la dénonciation et la dissuasion de tiers. 61. Dans le cas présent, compte tenu des gestes posés, de la preuve incontestable (D.A., P-9, vol. 2, p. 158) des motivations qui ont animé M. Martin Brossard, de la situation des victimes, de la reconnaissance internationale du besoin de protection des femmes, des fillettes et des enfants en général, un message clair doit être envoyé, par l'imposition de dommages exemplaires importants. 62. Le patrimoine de l'auteur de ces crimes ne peut pas être laissé intact et ne pas subir une ponction nécessaire pour démontrer la dénonciation ferme et déterminée de la société qui n'accepte pas ces gestes ou d'autres semblables qui touchent à l'intégrité de femmes et d'enfants. Les conjointes et les enfants ne sont pas un bien que l'on s'approprie. Ce sont des êtres humains indépendants. 63. Les Appelants trouvent préoccupante la conclusion de la Cour d'appel au paragraphe 37 de son jugement : « En second lieu, en supposant qu'il faille adresser un message à toute personne qui serait tentée de poser des gestes analogues à ceux commis par Martin Brossard, je suis d'avis qu'une pareille - 29 Mémoire des Appelants Exposé concis des arguments mise en garde serait sans portée véritable. Comment, en effet, imaginer que la personne ayant formé le dessein de s'enlever la vie après avoir préalablement assassiné les membres de sa famille pourrait être dissuadée de mettre ce projet à exécution en raison de la perspective de voir sa succession diminuée de sommes plus ou moins substantielles? Le degré de désespoir requis pour envisager une telle extrémité rend illusoire la perspective qu'on puisse obtenir un quelconque effet dissuasif par une condamnation à des dommages punitifs. » (D.A., vol. 1, p. 36) 64. L'objectif de dissuasion ne doit pas s'analyser dans l'esprit d'une personne ayant déjà formé le dessein de commettre des actes criminels. L'objectif de dissuasion doit s'entendre de façon préventive, afin de faire naître dans le coeur et l'esprit des citoyens un sentiment de responsabilisation face à la vie d'autrui. La dissuasion et la dénonciation ont aussi deux fonctions différentes. Nulle part la Cour d'appel ne traite de dénonciation. Pourtant, le Canada a signé des conventions internationales visant justement à dénoncer ces gestes, mais quand vient le temps de donner un effet juridique à ces principes, il n'y en a aucun. Les tribunaux deviendraient incapables d'agir comme gardiens des principes fondamentaux, comme le droit à la vie, en dénonçant clairement la réprobation de la société, qui leur a confié ce rôle, envers des actes aussi abjects. 65. Afin de déterminer le quantum adéquat des dommages exemplaires, il faut étudier notamment les critères définis à l'article 1621 C.c.Q., soit : la gravité de la faute, la situation patrimoniale du défendeur, l'importance de la réparation à laquelle le débiteur a déjà été tenu et la prise en charge par un tiers de l'indemnité. 66. Pour ce qui est de la gravité de la faute, les gestes posés sont particulièrement choquants, abusifs et malveillants. M. Martin Brossard a étranglé son ex-conjointe, et noyé deux petites filles en les gardant submergées dans l'eau du bain, l'une ayant eu probablement connaissance de la mort de sa soeur. Imaginer un enfant de 2 ou 4 ans, qui voit son père, en qui il porte confiance et amour, le réveiller et le porter jusqu'au bain et le maintenir sous l'eau pour lui enlever la vie est particulièrement révoltant. Doit-on - 30 Mémoire des Appelants Exposé concis des arguments rappeler que le C.c.Q. prévoit à son article 32 que tout enfant a droit à la protection, à la sécurité et à l'attention que ses parents peuvent lui donner? 67. L'importance de la réparation déjà ordonnée est un autre critère. Jusqu'ici, et sujet au présent appel, l'on ne peut pas dire que les montants accordés sont énormes. Pour la perte des enfants, c'est 20 000 $ au total qui a été accordé aux Appelants et une somme de 50 000 $ pour la perte de Liliane de Montigny. Ce facteur favorise donc clairement une condamnation appréciable. 68. Dans l'ouvrage Le Bail résidentiel, la Charte québécoise et les dommages exemplaires, 2008, Montréal, Wilson et Lafleur Ltée (R.S.A., vol. 2, onglet 22), l'auteur Denis Lamy dresse une liste des critères élaborés par les tribunaux pour fixer les dommages-intérêts punitifs et nous soumettons ceux-ci : « - La force ou la violence utilisée lors de cette conduite. - Le préjudice causé, qui est le pendant de la gravité de la faute du défendeur; - Les préjudices physiques et psychologiques qu'a eus cette conduite sur la victime; - Les conséquences diverses qu'a eues cette conduite sur la victime (souffrance, angoisse, insomnie, cauchemars, perte d'estime, la peur, les problèmes physiques et psychologiques divers); - Le fardeau supporté par la victime au niveau des procédures; non pas en termes financiers, mais comme partie des difficultés et responsabilités assumées par la victime dans la poursuite de sa démarche, laquelle a en définitive un objectif préventif essentiellement social; - La motivation de la conduite répréhensible ou, au contraire, l'absence d'explication à cet égard; - La vulnérabilité intrinsèque de la victime : âge, ... - 31 Mémoire des Appelants Exposé concis des arguments - La vulnérabilité relative de la victime par rapport à l'auteur du préjudice; cela inclut la prise en compte de l'inégalité du rapport de force, y compris les ressources, entre la victime et l'auteur du préjudice, en somme de la position dominante de l'un par rapport à l'autre; - Les obligations du défendeur envers la victime; - Les avantages ou bénéfices tirés par le défendeur de sa conduite répréhensible ou qu'il a tenté d'obtenir. » 69. Tous ces autres facteurs sont autant de motifs supplémentaires pour que la condamnation monétaire soit d'un montant important. De toute évidence les actes sont d'une violence extrême, les conséquences sur les victimes énormes (souffrance, angoisse, insomnie, cauchemars, perte d'estime, peur, problèmes physiques et psychologiques), la motivation du tueur est aberrante, les victimes étaient vulnérables et le tueur avait une position d'autorité envers ses enfants, le tueur avait un obligation de protection envers ses enfants et finalement la succession du tueur bénéficie directement des gestes criminels posés. 70. La situation patrimoniale du tueur s'est étrangement grandement améliorée suite aux meurtres; il a ainsi obtenu le paiement du prêt hypothécaire pour lequel il était codébiteur solidaire, donc touché à la plus-value et ensuite a obtenu le feu vert pour que le meurtre de la bénéficiaire désignée d'une police d'assurance-vie ne soit qu'un fait parmi d'autres et sa succession a touché cette assurance et le fonds de retraite. 71. Dans le présent dossier, les dommages exemplaires prennent une importance encore plus grande suite aux décisions rendues par la Cour d'appel du Québec dans les dossiers 500-09-016929-069 et 500-09-016578-064 entre les mêmes parties. Dans le premier dossier, il était question de l'attribution du bénéfice de l'assurance-vie prise par M. Brossard sur sa propre vie et pour laquelle il avait nommé Mme de Montigny bénéficiaire. Puisque Martin Brossard a assassiné Mme de Montigny avant de s'enlever la vie, l'assureur voulait payer la succession du meurtrier. Malgré une dissidence de - 32 Mémoire des Appelants Exposé concis des arguments l'honorable juge Pelletier, la majorité de la Cour d'appel (autorisation d'en appeler rejetée, dossier 32658) a décidé que la règle « nul ne peut bénéficier de son crime » ne trouvait pas d'application et que la succession du meurtrier pouvait toucher le bénéfice de l'assurance-vie et du fonds de retraite, soit plus de 300 000 $. 72. Dans le dossier 500-09-016578-064, il était question du partage de l'immeuble. Les conjoints avaient pris une assurance-vie hypothécaire couvrant le solde de leur prêt. L'assureur a payé compte tenu de la mort de Mme de Montigny, M. Brossard s'étant de toute façon suicidé moins de 2 ans après l'entrée en vigueur du contrat, ce qui constituait une cause de non-paiement. La succession de Liliane de Montigny soumettait que l'auteur du crime ou sa succession ne pouvait bénéficier directement ou indirectement du crime en capitalisant la plus-value découlant du paiement par l'assureur du prêt hypothécaire, conséquence directe du meurtre. En appliquant les principes retenus par la Cour d'appel dans le dossier précédent, la succession du meurtrier a été autorisée à toucher la plus-value de près de 40 000 $. 73. En refusant l'application de la règle « nul ne peut bénéficier de son crime » les tribunaux ont permis à la succession d'un meurtrier de toucher des sommes de près de 350 000 $. Il est choquant dans de telles circonstances de prétendre que la Charte, comme instrument de protection des droits fondamentaux de notre société, n'ait aucun sanction à apporter aux meurtres d'une femme et de deux fillettes dans des circonstances outrageuses. En appliquant les principes précités, nous soumettons que les montants des condamnations doivent être suffisamment élevés pour remplir leurs fonctions dont l'importance est capitale. 74. Les Appelants comme les tribunaux ne vivent pas dans un vase clos et nous avons tous observé, à travers l'actualité, les multiples cas récents d'infanticides et de meurtres souvent catégorisés « drames familiaux ». Pour cette seule année au Québec, il y a eu 3 enfants assassinés par leurs parents au Saguenay (janvier 2009), 2 enfants assassinés par leur père à Piedmont (février 2009), 2 fillettes assassinées à Laval par - 33 Mémoire des Appelants Exposé concis des arguments leur mère (mars 2009). Quel message les tribunaux veulent-ils transmettre relativement à la vie des enfants? Celui de l'impuissance à faire une différence ou le message que la justice fera tout en son pouvoir comme gardienne des droits fondamentaux pour dénoncer sans l'ombre d'un doute l'atteinte à la vie et à plus forte raison celle en situation de dépendance et de vulnérabilité? ---------- - 34 Mémoire des Appelants Ordonnance demandée au sujet des dépens PARTIE IV – ORDONNANCE DEMANDÉE AU SUJET DES DÉPENS 75. Les Appelants n'ont pas de représentation particulière à faire au sujet des dépens et s'en remettent à la règle générale voulant que la partie qui succombe supporte les frais. ---------- - 35 Mémoire des Appelants Ordonnances demandées PARTIE V – ORDONNANCES DEMANDÉES INFIRMER en partie les jugements de première instance et d'appel; ACCUEILLIR la requête ré-ré-réamendée; CONDAMNER l’intimée à payer à Marcel de Montigny en sa qualité personnelle la somme de 300 000 $ majorée des intérêts légaux et de l'indemnité additionnelle à compter du 22 avril 2002; CONDAMNER l’intimée à payer à Sandra de Montigny en sa qualité personnelle la somme de 150 000 $ majorée des intérêts légaux et de l'indemnité additionnelle à compter du 22 avril 2002; CONDAMNER l’intimée à payer à Karen de Montigny en sa qualité personnelle la somme de 150 000 $ majorée des intérêts légaux et de l'indemnité additionnelle à compter du 22 avril 2002; CONDAMNER l’intimée à payer aux Appelants Marcel de Montigny, Sandra de Montigny et Karen de Montigny, à titre de liquidateurs et d'héritiers de la succession de feu Liliane de Montigny, la somme de cent mille dollars (100 000 $) à titre de dommages exemplaires, majorée de l'intérêt légal et de l'indemnité additionnelle depuis le 22 avril 2002; CONDAMNER l’intimée à payer à l’appelant Marcel de Montigny, à titre de liquidateur et d'héritier de la succession de feu Claudia Brossard, la somme de cent mille dollars (100 000 $) à titre de dommages exemplaires, majorée de l'intérêt légal et de l'indemnité additionnelle depuis le 22 avril 2002; - 36 Mémoire des Appelants Ordonnances demandées CONDAMNER l’intimée à payer à Marcel de Montigny, à titre de liquidateur et d'héritier de la succession de feu Béatrice Brossard, la somme de cent mille dollars (100 000 $) à titre de dommages exemplaires, majorée de l'intérêt légal et de l'indemnité additionnelle depuis le 22 avril 2002; SUBSIDIAIREMENT, RENVOYER le présent dossier devant la Cour supérieure du district de Longueuil en vertu des articles 43 (1.1) et 46.1 de la Loi sur la Cour suprême pour qu'il y soit traité suivant la Loi; RENDRE toutes les autres ordonnances remédiatrices appropriées dans les circonstances; LE TOUT avec dépens dans toutes les Cours. Fait à Mont-Saint-Hilaire, ce 23 juillet 2009 __________________________________ Me Jean-Félix Racicot 852, rue des Bernaches Mont-St-Hilaire (Québec) J3H 0C4 450 466-3630 – tél. 450 466-7315 – téléc. [email protected] Procureur des Appelants - 37 Mémoire des Appelants Table alphabétique des sources PARTIE VI – TABLE ALPHABÉTIQUE DES SOURCES Jurisprudence Paragraphe(s) Augustus c. Gosset, [1996] 3 R.C.S. 268 ..... 29,32,33,36,42-44,47,49 Béliveau St-Jacques c. Fédération des employées et employés, [1996] 2 R.C.S. 345 ................................... 40,42 Beaudin c. Québec (P.G.), [2005] ILJCAN 20474 (QC C.S.) ........................................ 29 Chalifoux c. Major, 2006 QCCQ 6906 ................................... 29,59 Driver c. Coca-Cola Ltd., [1961] RCS 201 ........................................ 44 Fillion c. Chiasson, [2007] 4 R.J.Q. 867 ........................................ 36 Gosset c. Augustus, [1995] ILJCAN 5101 (C.A.Q.) ........................................ 29 Lacombe c. Hôpital Maisonneuve-Rosemont, [2004] ILJCAN 12790 (QC C.S.) ........................................ 29 Larose c. Hurtubise, [2005] ILJCAN 30281 (QC C.S.) ........................................ 29 Ruest c. Boily, [2002] ILJCan 12748 (QC C.S.) ........................................ 29 Stéfanik c. Hôpital Hôtel-Dieu de Lévis, [1997] ILJCAN 8479 (QC C.S.) ........................................ 29 Syndicat national des employés de l'Hôpital StFerdinand c. Curateur public, [1996] 3 R.C.S. 211 ........................................ 42 Tessier c. Paquette, [2005] ILJCAN 24164 (QC C.Q.) ........................................ 29 Tremblay c. Kyzen, [2006] ILJCAN 3275 (QC C.S.) ........................................ 29 Whiten c. Pilot Insurance Co., [2002] 3 R.C.S. 268 ........................................ 51 - 38 Mémoire des Appelants Doctrine Table alphabétique des sources Paragraphe(s) BAUDOUIN, Jean-Louis et Patrice Deslauriers, La responsabilité civile, 6e éd., 2003, Cowansville, Éditions Yvon Blais ........................................ 29 DALLAIRE, Claude, « L'évolution des dommages exemplaires depuis les décisions de la Cour suprême en 1996: dix ans de cheminement », dans Développements récents en droit administratif et constitutionnel, Barreau du Québec, 2006, Cowansville, Éditions Yvon Blais, à la p. 189 ................................... 42,52 GARDNER, Daniel, « L'arrêt Gosset, dix ans après », dans Le préjudice corporel, Barreau du Québec, 2006, Cowansville, Éditions Yvon Blais, à la p. 91 ........................................ 36 LAMY, Denis, Le bail résidentiel, la Charte Québécoise et les dommages exemplaires, 2008, Montréal, Wilson et Lafleur Ltée, p. 309 à 363 ........................................ 68