Les confessions de Doherty Sanglant art contemporain Cinquante

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Les confessions de Doherty Sanglant art contemporain Cinquante
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MAGAZINE
LA LIBERTÉ
SAMEDI 19 FÉVRIER 2011
HUMEUR
Généalogie
d’un génie
Il y a dans ce pavé se lisant
comme un roman de quoi
vous mettre durablement
d’humeur cinéphile. Et de
quoi faire de
vous – si ce
n’est étonnamment pas
encore le cas
– un irréductible «hitchcophile». La
biographie d’Alfred Hitchocock signée Patrick McGilligan qui nous arrive en français est en effet bien l’ouvrage
définitif dont beaucoup ont
parlé. Même si «le maître du
suspense» et son œuvre imposante (une soixantaine de
films entre 1922 et 1976) ont
déjà donné lieu à une abondante littérature secondaire,
la lecture d’Alfred Hitchcock –
Une vie d’ombres et de lumière
donne l’impression de réellement découvrir l’Anglais pour
la première fois.
RUMEURS DU MONDE
Angleterre:un nouvel
album pour Radiohead
La presse parisienne boude
«La petite chambre»
Les Anglais de Radiohead ont surpris leurs fans en
annonçant en début de semaine la sortie de leur huitième album, The King of Limbs, pour aujourd’hui
samedi. En 2007, le groupe de Thom Yorke s’était clairement positionné contre la politique des grandes maisons de disques en sortant In Rainbows en
autoproduction. D’abord proposé en téléchargement
gratuit (les internautes avaient néanmoins la possibilité
de verser un montant de leur choix), le disque était sorti
physiquement quelques semaines plus tard. Un modèle
repris pour The King of Limbs, si ce n’est que la version
proposée dès aujourd’hui sur le Net est payante. Doiton comprendre que les fans de Radiohead n’avaient en
2007 pas été très généreux? SGo
Sorti le 19 janvier en Suisse romande, La petite chambre a
déjà passé la barre des 30 000 entrées. Fort de ce succès, le
premier long-métrage de Stéphanie Chuat et Véronique Reymond est sorti en France sur 40 copies, suscitant l’intérêt
de la presse parisienne. Même s’il note que les réalisatrices
«accouchent d’une Petite Chambre émouvante», Libération n’en stigmatise pas moins «une construction scénaristique quelque peu limitée». Idem dans Les Inrockuptibles,
qui parlent d’«un film sans relief» et regrettent, dans un comble
de snobisme, que les réalisatrices «se privent de la richesse de
l’accent et des expressions helvétiques». Et tandis que Positif
relève des lourdeurs et des maladresses dans la mise en scène,
les Cahiers du cinéma enfoncent le clou: «Devant une telle
absence d’invention, on reste désarmés par l’application scolaire des réalisatrices pour tenter, en vain, de conférer un peu
de dignité à l’ensemble.» SGo
Washington:ça va être la
teuf à la Maison-Blanche!
Egypte:Dalida revient...
McGilligan réussit à parfaitement mettre en parallèle les
vies privées et professionnelles de «Hitch», montrant
par exemple comment son attrait pour les récits criminels
lui est venu très jeune. Il en
profite d’ailleurs pour tordre
le cou à certaines idées reçues, véhiculées notamment
par une biographie publiée
aux Etats-Unis en 1983, La
face cachée d’un génie – La
vraie vie d’Alfred Hitchcock, de
Donald Spoto. Non, le cinéaste n’a pas eu une enfance «à la
Dickens», mais a grandi le
plus normalement du monde
dans une famille de négociants; et il n’était pas «un solitaire bizarre, un garçon obèse se tenant à l’écart». Celui
pour qui «le cinéma doit être
plus fort que la raison» était
un garçon apprécié, fasciné
par les rouages de la fiction et
leurs effets sur le spectateur.
Lire sous la plume de McGilligan comment il a construit
ses films permet de comprendre son cinéma sans que
celui-ci ne perde pour autant
son formidable pouvoir d’attraction. STÉPHANE GOBBO
> Patrick McGilligan, Alfred Hitchcock – Une vie d’ombres et de lumière,
traduit de l’américain par Jean-Pierre
Coursodon, Ed. Institut Lumière/Actes
Sud, 1138 pp.
Le couple présidentiel américain marquera le «Black History Month» (le mois de l’histoire des Noirs) à la MaisonBlanche par une célébration de la musique de la Motown.
La Maison-Blanche a précisé que Smokey Robinson,
Sheryl Crow et John Legend figureraient parmi les artistes
qui se produiront dans le cadre de cette manifestation. Le
rendez-vous du 24 février donnera lieu à une diffusion le 1er
mars sur PBS. L’événement est le dernier des rendez-vous
musicaux «In Performance at the White House». Barack et
Michelle Obama ont accueilli des événements saluant le
jazz ou la musique country. AP
La vie de Dalida, de l’Egypte au triomphe international avec
plus de 130 millions de disques vendus, sera portée à l’écran
courant 2012. C’est l’actrice Nadia Farès qui interprétera
la chanteuse. Originaire du Maroc, elle a notamment été
vue dans «Les Rivières pourpres» et «L’ex-femme de ma
vie». Le nom du metteur en scène n’est pas encore
connu, mais le tournage est «prévu en 2012 entre la
France, l’Italie et l’Egypte» pour une «sortie en 2013»,
selon l’agence Moteur. Plusieurs maisons de production
participent au projet: Martal, Pathé et Bethsabée Mucho.
Dalida est née Yolanda en 1933 au Caire: arrivée à Paris à
21 ans avec son titre de Miss Egypte, elle fut très vite repérée
par les grands manitous de la variété française. Dalida s’est
donné la mort à Paris le 3 mai 1987. ATS
un livre rock
un polar
musique
Les confessions de Doherty
Sanglant art contemporain
Cinquante ans d’images
«Je veux créer un groupe que les gens
regretteront de manquer, qu’ils seront
forcés d’adorer.» Un peu plus de dix ans
après cette déclaration d’intention, on
peut saluer le volontarisme de Peter
Doherty. Le groupe qu’il a fondé en 1997
avec Carl Barât est en effet de ceux que
beaucoup regrettent de n’avoir jamais vu
sur scène. Car en deux albums sortis en
2002 et 2004, The Libertines s’est imposé
comme l’un des groupes les plus excitants
du millénaire naissant. Un succès dû à son
rock affûté, certes, mais aussi aux
frasques de Doherty, figure prisée des tabloïds pour ses
excès et sa relation d’alors avec Kate Moss.
Quatre ans après avoir été édité en Angleterre, le journal intime du rockeur est traduit en français dans une édition proposant des reproductions du texte manuscrit
originel. On y découvre donc que Doherty s’était mis très
tôt en tête de réussir, mais aussi, entre autres, qu’il n’appréciait par la britpop – «une bande de groupes qui sonnaient tous pareil». Le livre s’achève en 2007: Doherty,
une nouvelle fois, est en cure de désintox. Lire son journal
permettra à ses fans d’apprendre pas mal de choses plus
ou moins futiles à son sujet, mais aussi de découvrir un
homme avec un talent certain d’écriture. SGo
> Peter Doherty, Les Carnets d’Albion, Ed. Florent Massot, 240 pp.
Lauren Kelly est l’un des pseudonymes
utilisés par la très prolifique Joyce Carol
Oates lorsqu’elle écrit des romans à suspense. Des faux polars, sombres et volontiers confus, qui prolongent sur un mode
haletant l’univers schizophrénique de la
grande romancière américaine et ses
thèmes de prédilection, répétés jusqu’à
l’épuisement: le corps, le deuil, la figure
maternelle, l’enfance saccagée, l’intimité
détruite, la perte de l’innocence. Avec
Masque de sang, Kelly/Oates plonge le
lecteur dans le monde (peu reluisant) de
la scène artistique new-yorkaise contemporaine. Mécène
riche et excentrique, Drewe Hildebrand crée le scandale
en exposant des œuvres de «bio-art», fœtus et masques
de sang humains congelés, avant d’être enlevée en compagnie de sa nièce Marta.
Retrouvée délirante sous l’effet d’une drogue, celle-ci est
l’unique témoin d’un drame dont le souvenir lui échappe.
Sur son lit d’hôpital, Marta se replonge dans les circonstances de sa vie à Chateauguay Springs, la «colonie d’artistes» dirigée par sa fantasque tante... Un voyage mental
chaotique, magistralement rendu par l’écriture exacerbée de la romancière, d’où surgira (peut-être) une vérité
aussi incertaine que douloureuse. ES
> Lauren Kelly, Masque de sang, 301 pp., Ed. Albin Michel.
Un bon chef de chœur doit être capable
de produire des images devant ses chanteurs, dit Michel Corboz. Ce sont cinquante ans d’images musicales et
photographiques que rassemble Au nom
de la voix, l’ouvrage commémoratif du
demi-siècle d’existence de l’Ensemble
vocal de Lausanne, sous la baguette du
maestro. L’occasion pour Antonin Scherrer
de revenir en détail sur la vocation artistique de Michel Corboz, puisée dans sa
Gruyère natale, sur sa longue carrière – le
chef fête ses 77 ans cette année – et la
renommée internationale de l’ensemble lausannois.
Histoire discographique aussi, avec notamment le long
épisode Erato, le label où Michel Garcin fait de Michel
Corboz un des fers de lance de l’art choral. C’est là que
débute véritablement la carrière internationale de l’EVL.
Méticuleusement, Antonin Scherrer retrace le parcours
d’un chœur indissociable de son chef unique: choix des
œuvres, fonctionnement interne, gloire au Japon, concerts
d’exception dans les (alors encore) pays de l’Est, etc. Le
tout enrichi d’une iconographie de tous les instants, rassemblant photographies de concerts, de répétitions,
pochettes de disques, affiches, etc. JS
> Antonin Scherrer, Au nom de la voix, Ensemble vocal de Lausanne,
Michel Corboz, Ed. Favre, 217 pp.