Maillage dynamique du scaphoïde carpien : une aide au vissage
Transcription
Maillage dynamique du scaphoïde carpien : une aide au vissage
Chirurgie de la main 25 (2006) 81–88 http://france.elsevier.com/direct/CHIMAI/ Article original Maillage dynamique du scaphoïde carpien : une aide au vissage percutané Dynamic mesh of carpal scaphoid J.-P. Gourret a,b, O. Guillot a,b, P Liverneaux c,* a Laboratoire informatique image interaction (L3i), université de la Rochelle, Département informatique, pôle sciences et technologies, la Rochelle, France b Département informatique, IUT, F-17026 la Rochelle cedex 01, France c Service SOS-main Strasbourg-Sud CTO, hôpitaux universitaires de Strasbourg, F-67403 Illkirch cedex, France Reçu le 29 mars 2006 ; accepté le 30 mars 2006 Résumé Malgré l’utilisation de vis à compression canulées, le vissage percutané des fractures non déplacées du scaphoïde reste difficile. Cela tient notamment à la difficulté de l’appréciation du bon positionnement de la broche guide sur des images fluoroscopiques 2D. Ce travail a pour objectif, à partir d’images fluoroscopiques conventionnelles, en utilisant la technique du maillage dynamique, de permettre la visualisation du scaphoïde en 3D et en peropératoire sur l’écran d’un ordinateur, plutôt que sur une image mentale. Dans ce contexte, le logiciel MEFP3C comprend toutes les applications nécessaires pour déformer un scaphoïde générique en un scaphoïde virtuel, à partir des images fluoroscopiques 2D d’un scaphoïde donné. Ces applications consistent en un module d’acquisition d’un nuage de points, un modeleur, un mailleur dynamique, un module d’animation, un module de texture et un mailleur multirésolution. Le résultat de ce processus est l’obtention d’un scaphoïde virtuel. Malgré des imperfections, on obtient des images comparables à celles obtenues par une reconstruction tomodensitométrique du même spécimen de scaphoïde. Il est possible de mouvoir sur l’écran de l’ordinateur le scaphoïde virtuel dans les trois plans de l’espace en translation, rotation et homothétie. En conclusion, nous pensons que le maillage dynamique est une méthode de visualisation performante, simple et ergonomique d’un scaphoïde donné en 3D, et qui pourrait dans l’avenir être intégré en routine au moniteur des amplificateurs de brillance. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Despite the use of cannulated compression screws, it is still difficult to screw non-displaced fractures of the scaphoid percutaneously. That is due in particular to the difficulty in assessing the correct position for the guide pin from the 2D fluoroscopic images. This work is designed to enable 3D visualisation of the scaphoid during surgical operations by using the technique of dynamic meshing and having the image appearing on a computer screen rather than as a mental image. In this context, the MEFP3C software includes applications for converting a generic scaphoid into a virtual scaphoid, based on the fluoroscopic 2D images of a given scaphoid. These applications include a module for acquiring a cloud of points, a modeller, a dynamic meshing system, an animation module, a texture module and a multi-resolution meshing system. The result of this process, the virtual scaphoid, in spite of the imperfections, enables images to be obtained comparable with those from tomodensitometric reconstruction of the same scaphoid specimen. The virtual scaphoid can be moved over the computer screen in the three spatial planes in translation, rotation and scaling. In conclusion, we think that dynamic meshing is a powerful, simple and ergonomic method of viewing a scaphoid in 3D, which could, in future, be routinely integrated into the fluroroscopic monitor. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Animation ; Image virtuelle ; Maillage ; Modélisation ; Scaphoïde Keywords: Animation; Mesh; Modelling; Scaphoid; Virtual image * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Liverneaux). 1297-3203/$ - see front matter © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.main.2006.03.006 82 J.-P. Gourret et al. / Chirurgie de la main 25 (2006) 81–88 1. Introduction Le vissage des fractures du scaphoïde carpien reste encore aujourd’hui une intervention chirurgicale difficile, notamment en percutané, même entre les mains d’opérateurs entraînés [1]. L’utilisation récente de vis canulées, dont la direction est préalablement déterminée par un brochage, a sensiblement diminué les complications, en évitant les fausses routes. En effet, ces vis canulées permettent plusieurs tentatives de brochage jusqu’à l’obtention d’un axe jugé satisfaisant par l’opérateur, sans pour autant fragiliser le scaphoïde. L’innocuité de ce brochage itératif est liée au faible diamètre des broches, de huit à dix dixièmes de millimètres. Toutefois, avant de procéder au vissage lui-même pardessus la broche guide, l’opérateur doit décider qu’effectivement cette broche guide est positionnée correctement, selon un axe idéal. Le problème est que l’appréciation de ce bon positionnement est difficile, puisqu’il n’existe pas actuellement en pratique courante d’imagerie 3D utilisable en temps réel en peropératoire. En effet, l’opérateur n’a à sa disposition que des images peropératoires fluoroscopiques 2D du scaphoïde, superposé aux autres structures osseuses. Quatre incidences radiographiques (face, profil, obliques droit et gauche) sont réalisées successivement au cours de l’intervention chirurgicale. De ce fait, l’opérateur doit faire un effort intellectuel considérable de rotations d’images mentales pour faire apparaître virtuellement en 3D dans le champ de sa conscience le scaphoïde qu’il doit opérer. Partant de l’hypothèse selon laquelle la qualité de cette reconstruction mentale du scaphoïde en 3D est opérateur dépendant, ce travail a pour objectif, en utilisant un logiciel d’application spécifique, de permettre la visualisation du scaphoïde en 3D pendant l’intervention chirurgicale, en le faisant apparaître sur l’écran d’un ordinateur, plutôt que sur une image mentale. Ainsi, cette opération supprime les rotations d’images mentales, et soulage d’autant l’effort intellectuel de l’opérateur. Dans ce travail, la création d’images virtuelles repose sur une technique de maillage de surface, fondée elle-même sur des polygones à sommets de valence 3, appelée « maillage 3 connexe » [2]. Parmi les nombreuses applications qui utilisent des maillages performants pour assurer un stockage compact, un transfert rapide des animations en temps réel, et des calculs précis de formes 3D, nous avons choisi pour cette étude de faire évoluer le logiciel MEFP3C ou maillage évolutif de Forme avec pavage par polygones à sommets 3 connexes. Ce logiciel de représentation virtuelle 3D comprend actuellement six applications : un module d’acquisition d’un nuage de points, un modeleur, un mailleur dynamique, un module d’animation, un module de texture, et un mailleur multirésolution [3]. Une première version du mailleur dynamique a déjà permis de modéliser des formes humaines 3D [4]. En l’appliquant au scaphoïde humain, nous proposons d’associer ce logiciel MEFP3C au matériel d’imagerie 2D disponible dans tous les blocs opératoires (la fluoroscopie), ainsi qu’à un micro-ordinateur standard équipé d’une carte graphique de bas de gamme. Cette technique, sans augmenter le nombre d’images fluoroscopiques peropératoires nécessaires, devrait permettre non seulement d’améliorer le confort de l’opérateur, mais aussi la position de la vis, car elle contrôle directement en 3D la position de la broche guide au travers du scaphoïde. Nous proposons donc de générer, en utilisant le logiciel MEFP3C, à partir d’images fluoroscopiques d’un scaphoïde donné, une représentation 3D virtuelle fidèle. Pour démontrer la fidélité de cette représentation, nous proposons de la comparer à l’image 3D tomodensitométrique du même spécimen de scaphoïde. 2. Matériel et méthodes 2.1. Méthode du maillage dynamique d’un scaphoïde Le maillage dynamique du scaphoïde carpien nécessite trois étapes permettant d’obtenir successivement un modèle générique de scaphoïde (dit scaphoïde générique ou SG), des images fluoroscopiques 2D d’un scaphoïde donné (dit scaphoïde fluoroscopique ou SF), puis un scaphoïde virtuel (dit scaphoïde virtuel ou SV) provenant de la déformation du SG en suivant les contours du SF. Dans ce contexte, le logiciel MEFP3C, développé au laboratoire informatique image interaction (L3i) de l’université de la Rochelle, comprend les applications indispensables à la déformation du SG en SV, à partir du SF. Ces applications comprennent un module d’acquisition d’un nuage de points, un modeleur, un mailleur dynamique, [5]. Le module d’acquisition d’un nuage de points permet d’obtenir des points sur la surface d’une forme 3D. Le modeleur permet de définir des formes 3D (cylindre, sphère, ou ellipse…) constituées de facettes polygonales dont l’ensemble constitue un maillage. Ce maillage est dit 3 connexe car chacun de ses sommets est relié à exactement trois sommets voisins. Le mailleur dynamique permet de déformer le maillage 3 connexe créé par le modeleur, en attirant ses sommets vers les points du nuage 3D obtenu par le module d’acquisition. Le résultat est un maillage 3 connexe représentant la surface définie par le nuage de points. Pour obtenir le SG, il faut utiliser le module d’acquisition, le modeleur, et le mailleur dynamique. Le module d’acquisition permet d’obtenir un nuage de points à partir des images fournies par le scaphoïde du sujet anatomique du visible human project ou VHP [6]. Nous avons choisi d’utiliser les données du VHP non seulement parce qu’elles sont facilement disponibles, mais aussi parce qu’elles tendent actuellement à devenir un standard anatomique. Le projet VHP fournit 24 lamelles pour chacun des deux scaphoïdes d’un millimètre d’épaisseur. Chaque image comporte 2048 fois 1216 pixels à la résolution 0,33 mm. Pour chaque image, on dessine un ou plusieurs contours actifs (Fig. 1a). Un contour actif (dit snake 2D) est un modèle physique déformable en temps réel constitué de nœuds possédant une masse, reliés entre eux par des ressorts compressibles et extensibles (Fig. 1a). Les nœuds sont automatiquement attirés par les pixels situés à la périphérie d’une coupe du scaphoïde VHP. L’opérateur peut aider les calculs en effectuant un guidage interactif (clic souris) pour forcer l’association d’un pixel à un nœud, ou pour imposer une direction de déplacement des nœuds. Après atteinte de la position J.-P. Gourret et al. / Chirurgie de la main 25 (2006) 81–88 83 Fig. 1. Différentes étapes pour aboutir au SG. a. l’une des 24 coupes du poignet du VHP. Remarquer que cette coupe est oblique. Le contour actif du scaphoïde, sous la forme d’un double périmètre de couleur noire, a été déterminé par l’opérateur. Un nuage de points 2D sera saisi à partir de ce double périmètre, pour chacune des 24 coupes passant par le scaphoïde. b. obtention à partir des 24 coupes du poignet VHP d’un nuage de 850 points 3D. Les 24 nuages de points 2D sont concaténés pour former un nuage de points 3D, grâce à l’action du module d’acquisition. c. l’ellipsoïde 3 connexe (formé de polygones) créé par le modeleur, est confronté au nuage de points 3D du scaphoïde VHP (formé de points) dans le mailleur dynamique. d. la déformation de l’ellipsoïde par le nuage de points 3D du scaphoïde VHP donne le SG, sous la formes de polygones 3 connexe. d’équilibre, les nœuds sont mémorisés sous forme d’un nuage de points 2D. L’opération est répétée pour chacune des 24 coupes et tous les contours actifs sont ensuite concaténés pour former un nuage de points 3D du scaphoïde (Fig. 1b). Parallèlement, le modeleur définit un ellipsoïde 3 connexe, choisi pour ses propriétés géométriques. Le mailleur dynamique permet ensuite de déformer l’ellipsoïde, en attirant ses sommets vers les points du nuage 3D du scaphoïde VHP obtenu par le module d’acquisition (vidéo 1 et Fig. 1c). Ces différentes étapes aboutissent à un modèle générique du scaphoïde (Fig. 1d), qui servira de base à l’obtention du SV. Pour obtenir le SV, il faut utiliser le module d’acquisition et le mailleur dynamique. Dans cette étude, nous avons utilisé quatre images fluoroscopiques (face, profil, obliques droit et gauche) du poignet droit d’un des auteurs (Fig. 2a) à l’aide d’un fluoroscope (OEC-GE®). Les images ont été stockées sous forme numérique au format BMP. Avec l’aide du module d’acquisition, l’opérateur définit les contours du SF sur chacune des quatre images selon le procédé du contour actif défini précédemment (Fig. 2b). On procède ensuite par essais successifs pour faire coïncider sur chacun des quatre contours actifs la silhouette correspondante du SG. Par exemple le SG doit être orienté en oblique droit sur le contour actif en oblique droit (Fig. 2c). Pour ce faire, toutes les transformations sont permises : rotations, translations et homothéties. Une fois ces correspondances établies, il faut, pour chacune des quatre images, mémoriser le futur déplacement de chaque point de la silhouette du SG vers le point du contour actif qui lui est le plus proche. Ensuite, le mailleur dynamique va automatiquement déformer le scaphoïde générique en lui imposant des contraintes de position et de direction. Les contraintes de position reposent sur la forte attirance des nœuds du SG (dit Pm) vers les pixels des contours actifs du SF (dit Pr) (Fig. 2d). Grâce aux correspondances Pm–Pr, il est possible de situer chaque Pr dans l’espace 3D et de lui attribuer la normale du nœud Pm associé. Ces Pr constituent donc un nuage de points 3D. Les contraintes de direction font en sorte de conserver des plans tangents connus dans le SG. Ainsi, il existe deux types de contraintes de direction. Lorsqu’un nœud Pm du maillage en cours de déformation passe à proximité d’un point Pr, on impose à sa normale d’être égale à celle de ce point Pr. Lorsqu’un nœud Pm du maillage en cours de déformation passe à proxi- 84 J.-P. Gourret et al. / Chirurgie de la main 25 (2006) 81–88 Fig. 2. Différentes étapes pour aboutir au SV. a. cliché fluoroscopique d’un oblique droit du scaphoïde droit d’un des auteurs ou SF. b. oblique droit du SF, sur lequel l’opérateur a dessiné le contour actif, sous la forme d’un double périmètre de couleur noire. Ce périmètre est constitué de pixels correspondant aux Pr. c. oblique droit du SF, sur lequel l’opérateur a fait coïncider le SG dont le contour actif apparaît sous la forme d’un périmètre en pointillés blancs. Ce périmètre correspond aux nœuds Pm. Le double périmètre de couleur noire correspond contour actif du SF. d. le futur déplacement du SG est mémorisé sous la forme de segments blancs, qui représentent les correspondances entre les pixels Pr et les nœuds Pm. e. SV par une vue de face plongeante. Un procédé de rendu réaliste a permis d’ombrer l’objet. La facette articulaire avec le capitatum est bien visible. Les points noirs, situés à l’extérieur du volume du SV, correspondent aux points du nuage de points 3D obtenu à partir du SF qui n’ont pas été intégrés au SV. mité d’un point Pm du SG, on impose à sa normale d’être égale à celle de ce point Pm. Le mailleur dynamique s’appuie sur des calculs de déformation par un modèle physique qui tient compte d’un grand nom- bre de paramètres : raideur des ressorts, masse des nœuds, coefficient d’amortissement des ressorts, coefficient des masses dans le milieu ambiant, rayon d’influence des normales, force d’attirance des points Pr, rayon d’attirance des points Pr, etc. J.-P. Gourret et al. / Chirurgie de la main 25 (2006) 81–88 Toutefois, ces calculs automatiques peuvent être guidés par l’opérateur qui peut décider de fixer certains points et/ou de figer certains degrés de liberté. Au total, le mailleur dynamique fournit en quelques secondes le SV, qui peut apparaître soit sous la forme « fil de fer », soit sous la forme « rendu réaliste » (Fig. 2e), par un procédé classique de synthèse d’images qui prend en compte des sources lumineuses, les normales aux nœuds, et des propriétés optiques d’un matériau [7]. 2.2. Méthode d’évaluation du résultat Pour valider les résultats, nous avons comparé visuellement les images du SV obtenu par la procédure décrite précédemment à celles d’une reconstruction tomodensitométrique 3D 85 (Elscint®) du même spécimen de scaphoïde sous format Dicom. Avec 90 coupes passant par le scaphoïde, la discrimination était de 0,05 mm. 3. Résultats Le SV est représenté sous forme d’un rendu réaliste dans la Fig. 3. Il est possible de mouvoir le SV dans les trois plans de l’espace en translation, rotation et homothétie, sur l’écran de l’ordinateur (vidéo 2). Dans les Figs. 3 et 4, cinq vues ont été choisies pour comparer le SV et la reconstruction tomodensitométrique : face, profil, deux obliques, et la face s’articulant avec le capitatum, dite « face de l’huître », en raison de sa ressemblance avec la valve inférieure de ce mollusque. Fig. 3. Visualisation du SV en rendu réaliste. Plusieurs vues sont représentées ici : face (a), profil (b), oblique droit (c), oblique gauche (d), facette articulaire avec le capitatum dite « vue de l’huître » (e). 86 J.-P. Gourret et al. / Chirurgie de la main 25 (2006) 81–88 Fig. 4. Visualisation du même scaphoïde que celui du SV en reconstruction 3D à partir d’images de tomodensitométrie. Plusieurs vues sont représentées ici : face (a), profil (b), oblique droit (c), oblique gauche (d), facette articulaire avec le capitatum dite « vue de l’huître » (e). Sur les images obtenues du SV, on note l’existence d’une petite aspérité en forme de crête au niveau du corps du scaphoïde, en regard de l’insertion du ligament scapholunaire (Fig. 3c, e). Sur la reconstruction tomodensitométrique 3D (Fig. 4c, e), elle correspond à une zone d’hyperdensité. Il s’agit d’une calcification partielle de la zone d’insertion du ligament scapholunaire. On ne retrouve pas d’autre relief à la surface du SV, en particulier pas de sillon principal. En revanche, le sillon principal est bien visible sur la reconstruction tomodensitométrique (Fig. 4b, d). Ainsi, globalement le SV (Fig. 3) a une forme géométrique proche de celle de la reconstruction tomodensitométrique 3D du même spécimen de scaphoïde (Fig. 4). J.-P. Gourret et al. / Chirurgie de la main 25 (2006) 81–88 4. Discussion Le scaphoïde carpien est un os doté d’une géométrie particulièrement complexe et variable. Dans une étude anatomique récente, fondée sur 200 spécimens, Ceri et al. [8] peinent à individualiser un scaphoïde type et proposent une classification fondée sur 24 paramètres morphologiques et 11 paramètres morphométriques. Ces variations multiples expliquent probablement le flou retrouvé dans la littérature sur la définition précise d’un axe idéal pour visser un scaphoïde fracturé. Ces difficultés sont renforcées par l’imprécision des méthodes de visualisation du scaphoïde en peropératoire, dont le cahier des charges comprend l’obtention d’images en temps réel. Le chirurgien dispose en effet généralement d’une imagerie 2D utilisant les rayons X (la fluoroscopie), ce qui l’oblige de prendre des clichés successifs, puis de reconstituer mentalement la position de la broche guide dans le volume de l’os. Certes de nouveaux amplificateurs de brillance avec reconstruction d’images 3D en peropératoire ont déjà été utilisés dans certaines indications [9]. Mais dans cette dernière technique, la durée de l’acquisition des images, la nécessité de disposer d’une équipe spécialisée, le coût important du matériel, et enfin l’importance de l’exposition aux rayons X (plus de 100 images fluoroscopiques), rendent actuellement cette utilisation contestable en clinique humaine. En revanche, la mise à disposition à partir de la technique du maillage dynamique d’une image 3D virtuelle du scaphoïde, plus simple, plus rapide et sans exposition aux rayons X, contourne ces difficultés. Ainsi, la technique du maillage dynamique a permis cette reconstruction 3D, comme le montrent nos résultats, avec même la visualisation d’une inhabituelle calcification partielle du ligament scapholunaire, où une zone d’hyperdensité est bien visible à la fois sur le scaphoïde virtuel et sur la reconstruction tridimensionnelle (Fig. 3c, e, Fig. 4c, e). Toutefois certaines limites persistent. D’abord le fait que notre travail ne porte que sur un seul cas. De plus, la fidélité du modèle serait meilleure si l’on multipliait le nombre de contraintes de direction Pr–Pm, c’est-à-dire le nombre de clichés fluoroscopiques. En effet, le sillon principal, bien visible sur la reconstruction tomodensitométrique, n’est pas évidemment visible sur le scaphoïde virtuel, reconstitué uniquement à partir de quatre images. Ces imperfections de contours seraient rédhibitoires pour une étude anatomique, mais restent acceptables pour une application chirurgicale, car elles ne devraient pas affecter l’axe du brochage, puisque le volume global de l’os donné par le SV est conforme à la réalité. Une autre limite est la définition du contour du scaphoïde sur chacune des quatre incidences avant la mise en œuvre du modeleur, qui dépend à la fois de la qualité des images fluoroscopiques et de l’art de l’opérateur à y repérer les contours de l’os. Cette contrainte est également rencontrée dans la tomodensitométrie. Enfin, les quatre clichés fluoroscopiques sont obtenus autour de l’axe principal de l’avant-bras, et ne donnent pas d’image directe de la surface des pôles proximal et distal dans le plan transversal. Ce problème pourrait en théorie être résolu par une image tomodensitométrique reconstruite, mais qui n’est pas réalisable en per- 87 opératoire. Il est important de noter que chaque image ne reflète que sa propre réalité, puisque toutes proviennent de reconstruction à partir soit de 24 coupes du VHP pour le SG, soit de 90 coupes tomodensitométriques pour le scaphoïde de l’un des auteurs, ou encore de quatre images fluoroscopiques du même spécimen pour le SV. Même une image obtenue à partir du scaphoïde extrait d’un sujet anatomique ne correspondrait pas exactement au même spécimen du même sujet vivant, en raison notamment des modifications environnementales et de conservation. Quoi qu’il en soit, la marge d’erreur n’est par essence pas augmentée par le maillage dynamique, tout au plus identique à celle de l’image obtenue à l’écran du fluoroscope. Il est clair que le maillage n’a pas pour but d’améliorer le repérage du scaphoïde, qui est du ressort de l’opérateur, mais de faciliter sa visualisation, en passant d’un bouquet d’images 2D à une unique image 3D orientable. Dans cet esprit, il est indispensable, au cours d’une intervention chirurgicale, d’obtenir des animations en temps réel tout en conservant le réalisme visuel des mouvements et des formes. La contrainte du temps réel impose de créer des images à une cadence comprise entre 15 et 30 images par seconde. Pour un micro-ordinateur bas de gamme, le niveau de résolution du maillage est donc faible mais suffisant pour être adapté aux performances de la machine qui effectue les calculs. Dans certains cas, l’opérateur peut influencer le calcul automatique des déformations du SG en imposant des contraintes de direction et/ou de position des nœuds du maillage, ou en jouant sur les paramètres du modèle physique. Cela peut s’avérer nécessaire lorsque le SF est trop différent du SG. Pour limiter ces interventions manuelles, il faudrait disposer d’une base de variétés de SG, puis choisir au début de la procédure celui qui se rapproche le plus du SF à étudier. Pour faire ce choix, on pourrait se fonder sur les critères définis par Ceri et al. [8]. Malgré ces imperfections, la qualité de l’image 3D obtenue est acceptable. En partant en effet d’une reconstruction 3D à partir de 90 coupes tomodensitométriques d’un même spécimen de scaphoïde, le résultat obtenu est approchant. Ce résultat encourageant permet d’envisager l’étude des fractures déplacées. En effet, à partir du moment où il est possible de définir n’importe quelle forme à partir de ses contours actifs sur des clichés fluoroscopiques 2D, il apparaît réaliste de reconstruire virtuellement l’image 3D de chacun des fragments du scaphoïde fracturé, et d’apprécier d’autant mieux le déplacement de chacun des fragments, dans tous les plans de l’espace et notamment en rotation. Dans le même ordre d’idées, l’application de ce logiciel à la navigation fluoroscopique éviterait à l’opérateur de se concentrer sur plusieurs images 2D à la fois [10], et permettrait de réaliser plus facilement un brochage virtuel du scaphoïde directement sur un SV 3D dont le volume serait visible en transparence. Enfin, le logiciel MEFP3C est capable d’animer un squelette complet ou segmentaire (Fig. 5), à partir de paramètres multiples, et constitue un système prometteur pour la modélisation musculosquelettique. Toutefois, s’agissant d’une technique expérimentale, la mise en œuvre pratique nécessite un temps de développement avant commercialisation. Par exemple, il reste à fusionner l’image du 88 J.-P. Gourret et al. / Chirurgie de la main 25 (2006) 81–88 Fig. 5. Console d’animation du squelette de l’avant-bras et de la main. À partir du logiciel MEFP3C, il est possible d’animer des mouvements segmentaires, en tenant compte de paramètres multiples. scaphoïde ainsi reconstitué avec l’image virtuelle de la broche, pour en faire un véritable outil de navigation opératoire. Par ailleurs, la durée de la procédure d’acquisition et de traitement des données jusqu’à disposer réellement de l’imagerie 3D du scaphoïde à visser doit être encore réduite, bien qu’elle ne dépasse pas actuellement trois minutes. En tout état de cause, le prix d’un tel logiciel est actuellement difficile à préciser, mais ne devrait pas être rédhibitoire. En conclusion, nous pensons que le maillage dynamique est une méthode de visualisation performante, simple et ergonomique d’un objet en 3D qui pourrait dans l’avenir être intégré en routine au moniteur des amplificateurs de brillance. Remerciements M. le Dr J.P. Broussin, service d’imagerie médicale, hôpital Saint-Charles, Rochefort-sur-mer Annexe A. Données supplémentaires Les données supplémentaires associées à cet article sont disponibles dans la version électronique au doi: 10.1016/j. main.2006.03.006. Références [1] Herzberg G. Fractures récentes du scaphoïde chez l’adulte. Conférences d’enseignement de la Sofcot 2001;78:241–56. [2] Khamlichi J. Modélisation de déformations d’images tridimensionnelles, application aux structures de données de visages. Thèse université la Rochelle, 1995. [3] Khamlichi J., Gourret J.P. MEFP3C : Un système logiciel pour le maillage évolutif de formes avec pavage par polygones à sommets 3 connexes. Sciences et techniques pour l’ingénieur éd, colloque CNRIUT université Nice-Sophia Antipolis 2004, tome 1 : 81–88. [4] Gourret JP, Magnenat-Thalmann N, Thalmann D. Simulation of object and human skin deformations in a grasping task. Proc SIGGRAPH 1989;23(3):21–31. [5] Gourret JP. Maillage multirésolution de surfaces pour la modélisation d’images. Livre électronique, 2000, http://perso.wanadoo.fr/jean-paul. gourret. [6] Visible human project. United states national library of medicine, National Institute of health. Projects based on the visible human data set products, http://www.nlm.nih.gov/research/visible/products.html. [7] Phong BT. Illumination for computer generated images. Comm ACM 1975;18(6):311–7. [8] Ceri N, Korman E, Gunal I, Tetik S. The morphological and morphometric features of the scaphoid. J Hand Surg [Am] 2004;29B(4):393–8. [9] Kendoff D, Geerling J, Mahlke L, Citak M, Kfuri Jr. M, Hufner T, et al. Navigated iso-C(3D)-based drilling of a osteochondral lesion of the talus. Unfallchirurg 2003;106(11):963–7. [10] Liverneaux P. Le vissage percutané du scaphoïde assisté par ordinateur : étude expérimentale. Chir Main 2005;24:169–73.